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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Décès d'un ancien sénateur

Demande d'avis

Décisions du Conseil constitutionnel

Questions prioritaires de constitutionnalité

Dépôts de documents

Questions orales

Récolte d'algues de rive

M. François Marc

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Infrastructures ferroviaires

M. Jean-Jacques Lozach

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Réseau autoroutier en Val-de-Marne

M. Christian Favier

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation

LGV Rhin-Rhône

M. Jean-Marie Bockel

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation

Modalités de résiliation

Mme Catherine Procaccia

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation

Aéroport de Nîmes

M. Jean-Paul Fournier

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Centre de détention de Melun

Mme Colette Mélot

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Aménagement de peine sous écrou

Mme Aline Archimbaud

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Statistiques du Pacs

M. Jean-Jacques Hyest

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Prestation de service unique

M. Bernard Piras

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Laboratoires publics départementaux

Mme Marie-France Beaufils

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Fracture sanitaire

M. Yvon Collin

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Avenir du groupement hospitalier Sud-Ardennes

M. Marc Laménie

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Mandataires judiciaires à la protection des majeurs

Mme Élisabeth Lamure

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

IUFM en Essonne

M. Michel Berson

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Collecte des vieux papiers

M. Jean-Claude Leroy

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Directions départementales des territoires et de la mer

Mme Catherine Deroche

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Pôle emploi à Clichy-sous-Bois

M. Claude Dilain

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage

AFPA

M. Jean-Luc Fichet

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage

PLU communaux et intercommunaux

M. Yves Détraigne

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique

Allocution du Président du Sénat

Adhésion de la Croatie à l'Union européenne (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes

Modification à l'ordre du jour

Adhésion de la Croatie à l'Union européenne (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur de la commission des affaires étrangères

M. André Gattolin, au nom de la commission des affaires européennes

M. Jean-Michel Baylet

Mme Leila Aïchi

M. Jean Bizet

M. Michel Billout

M. Jean Arthuis

Mme Josette Durrieu

M. André Vallini

Mme Michèle André

M. Jean-Yves Leconte

Discussion de l'article unique

M. René Teulade

Adaptation de la législation au droit européen (Deuxième lecture)

Discussion générale

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes

M. Richard Yung, rapporteur de la commission des finances.

M. André Gattolin

M. Roland du Luart

M. Thierry Foucaud

M. Jean-Michel Baylet

Discussion des articles

Question prioritaire de constitutionnalité

Conseillers départementaux

Discussion générale commune

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur

M. Michel Delebarre, rapporteur de la commission des lois

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois

Rappel au Règlement

Mme Catherine Troendle

M. François Rebsamen

Discussion générale commune (Suite)

M. Philippe Adnot

M. Jean-Jacques Hyest

Mme Éliane Assassi

M. François Zocchetto

M. Jacques Mézard

Mme Hélène Lipietz

M. Philippe Kaltenbach

M. Paul Vergès

M. Bruno Sido




SÉANCE

du mardi 15 janvier 2013

45e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

Secrétaires : M. François Fortassin, M. Gérard Le Cam.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Décès d'un ancien sénateur

Mme la présidente.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Charles Ginésy, qui fut sénateur des Alpes-Maritimes de 1988 à 2008.

Demande d'avis

Mme la présidente.  - Conformément aux dispositions de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, M. le Premier ministre, par lettres en date du 9 janvier 2013, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l'avis de la commission du Sénat compétente en matière d'affaires culturelles sur le projet de nomination de M. Olivier Schrameck, en qualité de président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, et l'avis de la commission du Sénat compétente en matière d'activités financières sur le projet de nomination de M. Nicolas Dufourcq, en qualité de directeur général de la société anonyme BPI-Groupe.

Ces demandes d'avis ont été respectivement transmises à la commission de la culture et à la commission des finances.

Décisions du Conseil constitutionnel

Mme la présidente.  - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 27 et du 28 décembre 2012, le texte de trois décisions qui concernent la conformité à la Constitution de la loi organique relative à la nomination du directeur général de la société anonyme BPI-Groupe, de la loi de finances pour 2013 et de la loi de finances rectificative pour 2012.

Questions prioritaires de constitutionnalité

Mme la présidente.  - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 9 janvier 2013, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l'alinéa 3 de l'article L. 1235-10 du code du travail (sanction des irrégularités pour licenciement pour motif économique).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

M. le président du Conseil constitutionnel a également informé le Sénat, le 11 janvier 2013, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, il a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la Constitution des articles L.O. 328 et suivants du code électoral (contestation contre une élection d'un député).

Le texte de cette saisine est disponible à la direction de la séance.

Dépôts de documents

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport d'activité 2012 des institutions financières internationales, établi en application de l'article 44 de la loi du 30 décembre 1998 de finances rectificative pour 1998, qui a été transmis à la commission des finances et à la commission des affaires étrangères ; le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs 2013-2015, établi en application de l'article L. 542-1-2 du code de l'environnement, qui a été transmis pour évaluation à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ; et le rapport sur la mise en application de la loi du 20 juillet 2011 de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, en application de l'article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, qui a été transmis à la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois et, pour information, à la commission des lois.

M. le président du Sénat a reçu de Mme la présidente du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, en application de l'article 72 de la loi du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006, le rapport annuel 2012 de cet organisme. Il a été transmis à la commission des affaires sociales.

Ces documents sont disponibles au bureau de la distribution.

Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à des questions orales.

Récolte d'algues de rive

M. François Marc .  - Permettez-moi, madame la présidente, d'adresser à tous mes meilleurs voeux pour un travail fructueux en 2013 !

Mme la présidente.  - Merci. Nous y sommes très sensibles.

M. François Marc.  - On sait l'importance des algues, richesse d'avenir sur le plan écologique et environnemental. La récolte des algues de rive, notamment en Bretagne, s'inscrit dans une logique de filière. Il peut s'agir d'une activité primaire ou secondaire, d'où une distorsion de concurrence entre récoltants professionnels et occasionnels, ces derniers étant parfois moins respectueux de l'écosystème. Comment protéger les jeunes pousses, pérenniser certaines espèces ?

Les récoltants occasionnels ont obtenu, par arrêté pris en 2009, le statut Tesa, souple et peu contraignant, mais qui favorise certaines dérives. Cette concurrence peu loyale frappe les récoltants professionnels qui, eux, respectent les contraintes environnementales. Les entreprises de transformations doivent-elles pouvoir employer des Tesa ? Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - A mon tour de présenter au Sénat mes meilleurs voeux pour 2013.

Mme la présidente.  - Merci, monsieur le ministre.

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - M. Cuvillier vous prie de l'excuser. La récolte des algues de rive est encadrée au niveau national, ainsi que par des arrêtés régionaux, comme en Bretagne. L'organisation de la filière est remarquable. Afin de professionnaliser la récolte d'algues de rive, la réglementation régionale définit un statut spécifique. Pour les récoltants occasionnels, le statut Tesa s'applique, sous réserve que le contrat de travail ne dépasse pas six mois, et offre une certaine souplesse aux entreprises de transformation pour recruter une main-d'oeuvre d'appoint. Pas question toutefois de favoriser une concurrence déloyale. Le Gouvernement y veillera car il est attaché au développement durable de la production d'algues et l'État accompagnera toute réflexion sur le statut de récoltant d'algues.

M. François Marc.  - Merci pour ces engagements. Le contrôle et l'évolution de ce statut pose question ; la réglementation doit être appliquée de manière homogène à tous les récoltants. La ressource est rare, ne l'oublions pas ! Des discussions vont avoir lieu ; le comité régional des pêches se réunit le 23 janvier. Il faut veiller à préserver le statut de récoltant professionnel pour l'environnement.

Infrastructures ferroviaires

M. Jean-Jacques Lozach .  - L'avenir des grands projets d'infrastructures ferroviaires est hypothéqué, faute de financement suffisant lors du quinquennat précédent. Le Gouvernement a donc annoncé un élagage du Snit ; fin 2011, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet avait d'ailleurs annoncé que les projets de LGV devraient être soumis à évaluation.

Le 3 octobre 2012, le Gouvernement a annoncé la création d'une mission de parlementaires et de personnalités qualifiées pour faire des propositions en la matière. Des arbitrages devront être opérés parmi les projets de LGV. Quelles sont les priorités du Gouvernement en terme d'aménagement du territoire, en particulier concernant la desserte ferroviaire du grand centre de la France : projets POLT (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse), POCL (Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon) et Poitiers-Limoges ? Les 120 milliards d'euros du pacte de croissance européen pourront-ils être utilisés dans ce cadre ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Les projets du Snit sont évalués à 245 milliards d'euros, sachant que l'État ne peut consacrer plus de 2 milliards par an aux infrastructures ferroviaires ; il faut donc se pencher sur leur financement. L'objectif du président de la République est d'améliorer les déplacements quotidiens de nos concitoyens et de réduire la fracture territoriale. Le Gouvernement a déjà pris des initiatives.

La ligne POLT fait l'objet de 250 millions d'euros de travaux pour en améliorer la performance. Les travaux se poursuivront en 2013. Le projet de LGV POCL et le barreau Poitiers-Limoges seront examinés par la commission Mobilité 21. Ces deux projets feront partie des projets européens de transport en 2014.

M. Jean-Jacques Lozach.  - Merci. Il y a urgence à moderniser la ligne POLT, axe fondamental pour le Massif Central et le sud, qui dessert 5 millions de personnes et un quart des régions de France. Elle a été trop longtemps délaissée. L'association « urgence POLT » souhaite que le schéma directeur national soit publié au plus tôt.

Réseau autoroutier en Val-de-Marne

M. Christian Favier .  - Le réseau routier et autoroutier national dans le Val-de-Marne est en situation de quasi-abandon. L'ancien ministre des transports ne m'avait pas répondu, d'où cette question orale. Les déchets s'accumulent sur les parties végétales, les tags se multiplient sur les murs de protection phonique qui ne sont pas encore détruits. Si cette dégradation est largement la faute de la précédente majorité, il faut néanmoins y remédier. L'éclairage des autoroutes est éteint pour cause d'économies, ce qui accroît l'insécurité routière.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation .  - Veuillez excuser M. Cuvillier, retenu à Boulogne par des obsèques.

L'entretien et la sécurité sur le réseau autoroutier est une préoccupation constante. En Ile-de-France, les conditions d'interventions sont très contraintes ; les travaux de nettoyage ne peuvent avoir lieu que la nuit.

L'éclairage autoroutier est régi par un schéma de développement durable qui limite l'éclairage aux endroits où il est indispensable à la sécurité. Le vol de câbles est également source de difficultés. L'évaluation du schéma national d'éclairage est encours.

M. Christian Favier.  - Merci. On ne peut se limiter à une intervention ponctuelle, il faut un entretien régulier. La qualité de vie des Franciliens exige une égalité des territoires ; or l'est parisien a longtemps été le parent pauvre. Il mérite autant d'attention que l'ouest !

LGV Rhin-Rhône

M. Jean-Marie Bockel .  - S'il faut remettre à plat le Snit, je m'interroge sur la lettre de mission du ministre des transports, adressée le 17 octobre 2012 à la commission d'évaluation du Snit. La deuxième phase de la branche est de la LGV Rhin-Rhône n'est pas un nouveau projet ; les études sont terminées, les acquisitions sont faites, l'État s'est engagé. Sa remise en cause serait un terrible gaspillage. L'équilibre socio-économique du projet dépend de sa dimension transfrontalière ; le déblocage de crédits européens est une chance, permettant un cofinancement à 20 %.

Le Gouvernement entend-il soumettre cette deuxième phase à l'appel à proposition de la Commission européenne avant l'échéance du 28 février ? Les équipes sont sur place, il ne faut pas les démobiliser !

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation .  - Le projet de LGV Rhin-Rhône est évalué à 10 milliards d'euros. La première phase a été réalisée, pour 2,3 milliards. C'est elle qui a rendu possible le plus important gain de temps. La deuxième phase, évaluée à 1,2 milliard, concerne la liaison avec Dijon sur quinze kilomètres et avec Mulhouse sur trente cinq kilomètres. Elle fait l'objet d'un protocole d'intention entre l'État et les collectivités concernées.

Le Snit élaboré par le précédent gouvernement représente 245 milliards sur vingt cinq ans : de belles promesses, sans le financement nécessaire. M. Cuvillier a donc mis en place une commission chargée d'évaluer la pertinence et la faisabilité des projets du Snit. La mission a défini des critères complémentaires. La dimension transfrontalière sera sans doute prise en compte. Le préfet de la région Franche-Comté réunira un comité de pilotage début 2013 pour réduire les incertitudes sur ce projet.

M. Jean-Marie Bockel.  - Renvoyer la balle au prédécesseur, c'est un grand classique. M. Chevènement a présidé pendant dix ans l'association pour la LGV Rhin-Rhône ; je lui ai succédé pendant une autre décennie ; c'est aujourd'hui M. Rebsamen. Ce projet a une dimension transfrontalière. Bien sûr, la première tranche a apporté le gain de temps maximum mais ce sont les autres tranches qui donneront à ce projet tout son sens ! Nous attendons le comité de pilotage.

Modalités de résiliation

Mme Catherine Procaccia .  - Les litiges entre consommateurs et opérateurs de télécom sont un des principaux motifs de réclamation auprès de la DGCCRF. La résiliation est souvent un véritable parcours du combattant. Les abonnés de Canal Plus en font les frais. Canal Plus joue d'une ambiguïté, malgré les dénonciations du Sénat et de l'Assemblée nationale. Plus de quatorze décisions de tribunaux ont condamné la société : le magazine promotionnel adressé aux abonnés ne suffit pas pour informer le consommateur sur l'échéance du contrat. De telles pratiques ne sont pas acceptables. Quelles sont les intentions du Gouvernement, vu l'application de l'article L. 131-6 du code de la consommation, pour obliger Canal Plus à respecter ses obligations ? En décembre 2011, le Sénat unanime avait voté un amendement que je lui avais proposé, qui n'a pu être appliqué...

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation .  - L'article L. 136-1, introduit par la loi Chatel du 28 janvier 2005, impose aux professionnels d'informer le consommateur « par écrit » de la possibilité de résilier un contrat. La communication des conditions de résiliation via un magazine d'information ne semble donc pas contraire à cette exigence. Certains tribunaux ont condamné Canal Plus mais d'autres, plus nombreux, ont validé cette pratique.

Sans doute faut-il modifier l'article L. 136-1 pour préciser les choses et imposer une information nominative. C'était le sens de votre amendement ; j'ai l'intention de l'intégrer au projet de loi sur la consommation que je présenterai au Conseil des ministres ce printemps.

Mme Catherine Procaccia.  - Les abonnés de Canal Satellite ne reçoivent pas ce magazine ! Canal Plus maintient captifs de nombreux abonnés. La transparence sera bienvenue. Merci, monsieur le ministre !

Aéroport de Nîmes

M. Jean-Paul Fournier .  - La refonte de la carte militaire a frappé l'aéroport de Nîmes. La DGAC a repris à sa charge le contrôle aérien. Le rapport de notre collègue de Legge souligne la nécessité d'une relocalisation à Nîmes, depuis Marignane, de la base d'avions de la sécurité civile. Votre prédécesseur a entériné l'option nîmoise en mars dernier. Quel pourrait être le calendrier de l'implantation de cette base de Canadairs ?

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur .  - J'ai annoncé hier le changement d'implantation de la base des avions de sécurité civile à Nîmes-Garons à l'horizon 2016. Ce choix est le fruit d'une réflexion engagée dès la fin des années 1990, à laquelle j'ai associé le ministère de la défense ; compte tenu des besoins opérationnels des armées, le site de Salon-de-Provence a été écarté. Le site de Nîmes est au coeur des enjeux en matière de lutte contre les feux de forêt, qui s'appuie notamment sur le guet aérien armé. L'implantation à Nîmes préserve cette capacité d'action qui va de Bordeaux à Menton, de Perpignan à la Corse. L'État sera attentif à l'accompagnement du personnel, dont les familles sont pour la plupart installés aux alentours de Marignane.

Nous prévoyons un déménagement à l'horizon 2016. Je préciserai prochainement les conditions de mise en oeuvre et de pilotage du projet, auquel vous serez étroitement associé, monsieur le sénateur-maire et président du syndicat.

M. Jean-Paul Fournier.  - Ce choix est important. Nous sommes prêts à accueillir les familles et je vous invite, monsieur le ministre, à venir viser les installations.

Centre de détention de Melun

Mme Colette Mélot .  - Le maire de Melun a écrit, le 20 octobre 2012, à la garde des sceaux sur l'avenir du centre de détention de Melun, sans obtenir de réponse. Au coeur de l'île Saint-Étienne, cet ancien couvent est devenu l'une des premières maisons centrales en France. Depuis 1963, sa configuration n'a guère changé.

Le précédent garde des sceaux en avait annoncé la fermeture, dans le cadre de la fermeture des prisons les plus vétustes. Les élus s'en étaient félicités car cette partie de l'île Saint-Étienne a vocation à devenir le coeur culturel, universitaire et touristique de Melun. Or la fermeture du centre de détention est remise en cause. Où en est-on ?

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur .  - Veuillez excuser Mme Taubira. Je connais les projets portés à Melun. Cet établissement de 310 places en cellules individuelles est occupé à 93 %. Le précédent gouvernement avait prévu la construction de trois grands établissements en Ile-de-France, sans financement. Notre Gouvernement préfère rénover les établissements existants qu'en créer de gigantesques. Le centre de Melun fait l'objet de travaux d'entretien et de maintenance réguliers, même s'il faut encore certaines mises aux normes. C'est un établissement exemplaire sur le plan du travail pénitentiaire, qui fonctionne très bien. Les aménagements de peine y sont assez nombreux, les relations entre les différents intervenants particulièrement bonnes.

Du point de vue pénitentiaire, il n'y a donc pas de raison de fermer cet établissement. La garde des sceaux n'envisage pas de le fermer, ni à court ni à moyen terme.

Mme Colette Mélot.  - Votre réponse est très claire, ce dont je vous remercie. Certes, cet établissement a été entretenu et il est exemplaire mais il occupe trois hectares en centre-ville, où d'autres projets étaient prévus.

La séance, suspendue à 10 h 30, reprend à 10 h 45.

Aménagement de peine sous écrou

Mme Aline Archimbaud .  - Les personnes bénéficiant d'une mesure d'aménagement de peine sous écrou ne peuvent disposer, lors de leurs sorties, de la totalité de la part disponible de leur compte nominatif ; le pécule de libération est par ailleurs bloqué jusqu'à la levée d'écrou. L'article D. 122 du code de procédure pénale donne pouvoir au chef d'établissement d'apprécier la somme mise à disposition de ces personnes pour faire face à leurs besoins à l'extérieur. Or, selon l'Observatoire international des prisons, les sommes remises à ces personnes sont souvent insuffisantes. En avril, un détenu s'est vu remettre 30 euros à sa sortie, alors qu'il disposait de 1 300 euros.

De plus, la contrôleur général des lieux de privation de liberté a relevé que de nombreuses personnes sortant de prison ne disposent pas de pièces d'identité valides, celles-ci n'ayant pas été renouvelées, ce qui nuit à leur réinsertion.

Que compte faire le Gouvernement sur ces questions ? Les personnes détenues bénéficiant d'une mesure d'aménagement de peine sous écrou ne devraient-elles pas pouvoir disposer de leur pécule de libération et de papiers d'identité renouvelés ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Veuillez pardonner mon retard. Le code de procédure pénale prévoit que le prisonnier dispose de trois parts du pécule : la part dévolue à l'indemnisation, la part disponible et le pécule de libération. Je ne vois pas de raison de priver les détenus de la deuxième part ; je donnerai des instructions en ce sens.

Pour le pécule de libération, je serai plus prudente ; je vais demander une analyse à l'administration pénitentiaire et prendre différents avis avant de me prononcer.

Concernant les papiers d'identité, j'ai donné des instructions par circulaire en octobre dernier afin que ceux-ci soient renouvelés avant la sortie des détenus. L'administration pénitentiaire doit être vigilante et s'assurer de leur renouvellement six mois avant la sortie. Idem pour les passeports et titres de séjour.

Merci, madame la sénatrice, d'avoir attiré mon attention sur ces questions ; nous avons tous le souci de réduire les risques de récidive et de faciliter la réinsertion des détenus.

Mme Aline Archimbaud.  - Merci d'être venue me répondre, madame la ministre. Vos décisions tranchent avec celles de vos prédécesseurs.

Statistiques du Pacs

M. Jean-Jacques Hyest .  - Pouvez-vous nous donner des chiffres sur le Pacs, madame la ministre ? Au fil des années, le Pacs, initialement conçu pour les couples homosexuels, a été plébiscité par les hétérosexuels. Quelle est la proportion de Pacs conclus par les hétérosexuels et les homosexuels ? Quelle est la durée moyenne de ces engagements ? Combien de ruptures pour s'engager dans un mariage et combien pour cause de séparation ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je connais votre rigueur juridique, monsieur Hyest, sans laquelle votre démarche pourrait passer pour intrusive... (M. Jean-Jacques Hyest s'étonne) Il y a quinze ans, quand le Pacs a été voté, les inquiétudes de certains étaient fortes. Aujourd'hui, le Pacs est installé dans notre droit et notre société.

En 2000, 22 276 contrats avaient été enregistrés ; ils étaient 1 055 192 onze ans plus tard -sans compter les Pacs enregistrés chez un notaire. La durée moyenne d'un Pacs était de 32,7 mois en 2011, contre 27,8 mois en 2007. Il n'y a pas de différence entre les couples hétérosexuels et homosexuels en la matière.

En 1999, 42 % des Pacs étaient conclus par des couples homosexuels ; en 2011, ils ne sont plus que 4,7 %. Parmi les couples homosexuels, les deux tiers des Pacs sont conclus par des couples d'hommes. S'agissant de la dissolution du Pacs et de ses motifs, 42 176 Pacs ont été dissous en 2011 ; dans 45 % des cas, le motif était le mariage, mais parfois avec quelqu'un d'autre ! (Sourires) Pour les couples homosexuels, les ruptures sont définitives puisqu'ils n'ont pas droit au mariage, du moins jusqu'à la prochaine adoption du texte sur le mariage pour tous.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Merci, madame la ministre. Nous discuterons dans les prochaines semaines, et peut-être les prochain mois, du projet de mariage pour tous.

Prestation de service unique

M. Bernard Piras .  - La circulaire du 29 juin 2011 relative à la prestation de service unique d'accueil des jeunes enfants contraint les crèches à fournir l'intégralité des repas et des couches pour chaque enfant accueilli en halte-garderie ou jardin d'enfants. D'où un coût important pour les collectivités locales, sans parler de l'organisation. Quel est la position du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - La circulaire du 26 juin 2011 rappelle que pour bénéficier de la prestation, les crèches doivent prendre en charge totalement les jeunes enfants, y compris les repas et les soins d'hygiène ; je rappelle que cette prestation est prise en charge par la branche famille à hauteur de 66 %. Au nom de l'égalité et de la mixité sociale, il n'est pas possible d'admettre que les services apportés diffèrent d'une crèche à l'autre, reportant le coût supplémentaire sur les familles.

La ministre déléguée a demandé à la Cnaf de réaliser une enquête pour comprendre les difficultés rencontrées par certaines structures ; l'AMF en a lancé une de son côté. Le Gouvernement est prêt à accorder un délai supplémentaire pour laisser le temps à la concertation.

La prochaine négociation de la convention d'objectifs et de moyens de la branche famille sera le cadre naturel de la réflexion sur la prestation de service unique d'accueil du jeune enfant.

M. Bernard Piras.  - Les surcoûts financiers ne sont pas minces pour les collectivités... Et certains parents, dont les enfants ne peuvent être accueillis en crèche, ont un sentiment d'injustice.

Laboratoires publics départementaux

Mme Marie-France Beaufils .  - L'article 52 de la loi sur l'eau du 30 décembre 2006 a programmé de fait la disparition des laboratoires publics départementaux au profit des laboratoires privés. Les directives communautaires ont bon dos : la France est le seul pays européen à confier le contrôle de la qualité des eaux aux groupes privés.

Les laboratoires publics assurent un service public de proximité et de qualité alors que dans le privé, la course au profit et à la productivité prime -aux antipodes des objectifs de santé publique. Les laboratoires privés, qui bénéficient par ailleurs de fonds du FSI, pratiquent un dumping forcené sur les prix, au risque d'entraîner la fermeture des laboratoires de Touraine, malgré les efforts du conseil général. Les associations et les salariés nous ont alertés : le contrôle de la qualité des eaux doit rester du ressort des laboratoires publics.

Il faut revenir sur la loi sur l'eau afin de confier aux laboratoires publics le contrôle de l'eau. L'arrêté du 9 novembre 2011 doit également être abrogé afin de conforter la position et le maillage des laboratoires publics.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - Le suivi sanitaire est essentiel : les procédures doivent garantir une eau de qualité. Ce suivi est assuré par les ARS et l'eau destinée à l'alimentation humaine est très bien contrôlée dans notre pays.

Deux laboratoires ont reçu un agrément en Indre-et-Loire. Les contrôles interviennent dans un cadre juridique qui date de 2001. Les prestations de prélèvement et d'analyse sont soumises au code des marchés publics. Il n'est pas possible d'en revenir à la situation précédente : le droit européen interdit de rétablir le monopole des laboratoires publics départementaux.

Pour autant, il est vrai que les laboratoires publics sont confrontés à une rude concurrence. Je veux leur donner la possibilité de s'affirmer et je rends hommage aux personnels des laboratoires de Touraine, dont nous connaissons l'excellence.

Les structures départementales jouent un rôle clé, tant pour la protection des consommateurs que pour l'accompagnement des agriculteurs. Elles doivent être confortées, notamment grâce à une mutualisation au niveau régional -l'absence de taille critique est en effet une de leurs faiblesses.

Mme Marie-France Beaufils.  - Tous les pays européens n'ont pas fait le même choix que nous : certains ont contractualisé avec les laboratoires publics.

Lors du dernier appel d'offres, l'ARS a retenu un laboratoire privé, Eurofins, qui, selon vos propres services, ne respecte pas toutes les règles inscrites dans son cahier des charges. Une investigation plus poussée doit être menée. J'indique que le conseil général a déposé un recours contre la décision de l'ARS, dont l'issue n'est pas encore connue.

Fracture sanitaire

M. Yvon Collin .  - La fracture sanitaire frappe les territoires ruraux, mais pas seulement. Selon le lieu de résidence, l'accès aux soins devient de plus en plus inégalitaire. Les spécialistes sont en nombre insuffisant dans certaines zones et les dépassements d'honoraires excessifs pénalisent les familles les plus modestes. L'accès aux soins est pourtant un droit fondamental. Dans mon département du Tarn-et-Garonne, en ophtalmologie, il faut parfois attendre cinq mois pour un rendez-vous au tarif de la sécurité sociale...

De nombreuses mesures ont été adoptées par les gouvernements successifs mais la fracture sanitaire demeure. Sur les dépassements d'honoraires, vous avez fait preuve d'un courage certain, madame la ministre. Vous avez pris des engagements dans le cadre du pacte « territoire-santé » : les déserts médicaux vont-ils reculer, notamment au bénéfice des personnes modestes ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - Les déserts médicaux recouvrent des situations diverses : dans certaines zones isolées, on manque de médecins ; dans d'autres, les délais d'attente pour une consultation d'un spécialiste sont très longs ; dans d'autres encore, les dépassements d'honoraires excluent les plus modestes. Nous devons lutter contre des inégalités qui sont à la fois sociales, financières et géographiques.

Nous avons voulu mettre un terme à des dérives avec le PLFSS pour 2013, qui ne comporte aucun déremboursement ni franchise supplémentaire. Un avenant à la convention médicale a été signé pour limiter les dépassements d'honoraires -c'est un progrès décisif.

Sur les déserts médicaux, nous sommes mobilisés avec les ARS et les élus locaux qui, je le sais, sont fortement impliqués. Le pacte « territoire-santé » prévoit divers dispositifs pour inciter les jeunes médecins à s'installer dans ces zones. Les délégations de tâches doivent également être favorisées, notamment en ophtalmologie. Il ne faut pas non plus oublier la télémédecine.

M. Yvon Collin.  - Merci, madame la ministre, pour la qualité de votre réponse. Nous avons confiance dans votre détermination -nous savons aussi que la résolution de cet important problème prendra du temps.

Avenir du groupement hospitalier Sud-Ardennes

M. Marc Laménie .  - Ma question concerne l'avenir du groupement hospitalier Sud-Ardennes (GHSA), dont les déficits cumulés s'élèvent à 12 millions depuis 2007. Ce GHSA regroupe deux unités hospitalières et deux Ehpad. L'unité de Rhetel dispose d'un bloc opératoire mis en service en 2012 mais il manque de personnel, d'où une fuite des patients vers des cliniques privées ou le CHU de Reims.

Le GHSA est un acteur incontournable de l'aménagement du territoire comme de la santé et de la sécurité des personnes sur ce bassin de 57 000 habitants. Il emploie 600 personnes. Que comptez-vous faire pour conforter son avenir ? Où en est le projet d'Ehpad que nous attendons depuis dix ans ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - Le GHSA est effectivement un acteur majeur de votre territoire pour l'accès aux soins. Ses difficultés nécessitent une stratégie adaptée. L'État met en place des mesures à court terme : un accompagnement renforcé de l'établissement grâce à une mission d'appui et de conseil de l'Igas ; et l'installation, depuis novembre dernier, d'une direction intérimaire qui doit engager l'établissement sur la voie du retour à l'équilibre financier dans les six mois.

Au-delà, une réorientation est attendue à moyen terme, avec plus de stabilité dans la gouvernance. Le périmètre d'activité du GHSA sera révisé. Des coopérations seront mises en place, l'organisation sera adaptée en fonction des orientations préconisées par la mission de l'Igas. L'ARS suit la situation au quotidien ; elle est garante de l'association de toutes les parties prenantes, notamment les élus locaux.

M. Marc Laménie.  - Je dirais que cette réponse est rassurante. Ces mesures sont indispensables. Les élus et partenaires institutionnels tiennent au GHSA, qui joue un rôle de proximité très important.

Mandataires judiciaires à la protection des majeurs

Mme Élisabeth Lamure .  - Ma question porte sur la rémunération des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM). La note du 14 septembre 2012 adressée aux directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) demande de surseoir à tous les règlements destinés aux mandataires indépendants, toute jeune profession qui risque de disparaître si les paiements ne sont pas effectués. Que compte faire le Gouvernement à court et moyen termes ? Le budget est-il bien prévu pour 2013 ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - L'État participe au financement des mesures de protection juridique ; 380 000 ont été exécutées en 2012, dont 40 % financés par le budget de l'État. Les 216 millions inscrits en loi de finances initiale pour 2012 ont fait l'objet d'un gel de précaution. La demande de surseoir aux règlements était provisoire et ne concernait que ces crédits gelés. La réserve de précaution a été levée le 17 octobre et 12 millions d'euros ont été délégués le 25 ; 3,2 millions supplémentaires ont été affectés uniquement aux mandataires individuels. Ces retards de paiement sont regrettables mais limités. Les crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2013 doivent permettre d'honorer les dépenses dans des délais raisonnables.

Le Gouvernement porte la plus grande attention aux droits des majeurs protégés, qui doivent être améliorés. Un Livre blanc sur la protection juridique des majeurs a été publié en septembre dernier. Le Gouvernement a engagé un dialogue avec les acteurs concernés.

Mme Élisabeth Lamure.  - Merci, je me réjouis de ce retour à la normale. Une piste de réflexion pour soulager le budget de l'État serait de revoir le barème de participation des majeurs protégés eux-mêmes : certains ont des revenus ou des biens, mobiliers ou immobiliers, importants.

IUFM en Essonne

M. Michel Berson .  - L'université de Cergy-Pontoise qui gère l'IUFM de l'académie de Versailles a décidé, à compter du 1er septembre 2013, de fermer l'antenne essonnienne de l'IUFM actuellement située à Étiolles. La réforme à venir de l'éducation nationale prévoit la création d'une école supérieure du professorat et de l'éducation (ESPE) par académie. Pour celle de Versailles, il serait ainsi envisagé d'ouvrir une ESPE portée par l'université de Cergy-Pontoise, avec une antenne commune aux universités de Saint-Quentin et d'Evry. Cette solution n'est pas satisfaisante. L'académie de Versailles couvre quatre départements, elle devrait être dotée de deux ESPE.

L'université d'Évry dispose de locaux et est prête à accueillir non pas une antenne mais une école à part entière. Le département de l'Essonne, avec 1,2 million d'habitants, doté de deux universités, est marqué par l'économie de la connaissance. Il lui faut un grand centre de formation des maîtres. Le Gouvernement partage-t-il cette analyse ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Le dispositif de formation des enseignants est en cours de rénovation, conformément aux engagements du Président de la République. Il prévoit la création d'ESPE, inscrites dans les universités, qui seront au coeur du projet de loi de refondation de l'école de la République. Ces écoles assureront la formation initiale et continue des professeurs et des enseignants. Interlocuteurs privilégiés du ministère, elles ne se substituent pas aux IUFM actuels.

Au sein de l'académie de Versailles, l'université de Cergy-Pontoise négocie avec celle d'Evry pour le transfert à Evry de son antenne d'Etiolles ; une convention est en cours de finalisation. A la rentrée 2013, une ESPE verra le jour dans l'académie. Le ministère arbitrera en dernier recours.

M. Michel Berson.  - Merci de cette réponse mais l'Essonne doit être dotée d'une ESPE de plein exercice et non d'une simple antenne. Le rattachement de l'IUFM d'Evry à l'université de Cergy-Pontoise a été une grande surprise ; la création d'une simple antenne de la future école en serait une autre -et même une erreur. Les élus, les enseignants, les futurs étudiants attendent la création d'une ESPE de plein exercice en Essonne, territoire qui accueillera bientôt la grande université de Paris-Saclay.

Collecte des vieux papiers

M. Jean-Claude Leroy .  - Contenant des fibres de cellulose réutilisables pour fabriquer de nouveaux papiers et cartons, les vieux papiers sont une matière précieuse. Première industrie de recyclage en France, l'industrie papetière compte 94 usines mais, alors que le taux de collecte des vieux papiers est passé de 40 % à 72 %, elles peinent à s'approvisionner à cause de l'explosion de la demande chinoise et de la flambée des prix qui en résulte. L'industrie papetière française, qui emploie 70 000 salariés, est fortement touchée : la papeterie de Turckheim a fermé ; celle de Voreppe, en Isère, a été placée en liquidation judiciaire.

Cette situation est d'autant plus inacceptable que nos vieux papiers partent en Chine avec des financements publics -taxe sur les ordures ménagères pour financer la collecte, économie-contribution des producteurs français de papier. Il faut sécuriser l'approvisionnement en papiers-cartons-récupérés (PCR). L'enjeu est également écologique, sans parler de l'emploi. Et il faudrait s'intéresser de plus près au gisement important des papiers de bureau.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Veuillez excuser M. Montebourg. Je connais bien une des entreprises que vous avez citées, que j'ai soutenue. Le Gouvernement partage vos préoccupations.

L'approvisionnement en fibres de récupération est un enjeu stratégique alors que le marché mondial est devenu plus volatil. La pénurie engendre des arrêts de production dans certaines usines, alors que la collecte progresse en France. Dans le cadre du renouvellement de l'agrément Ecofolio, les pouvoirs publics ont modifié les barèmes de soutien financier aux collectivités locales pour inciter au recyclage et élargi la collecte à de nouveaux produits.

Lors de la réunion du Comité d'orientation stratégique des éco-industries (Cosei), Mme Batho et M. Montebourg ont souhaité la signature d'un contrat de filière. Il s'agit aussi de promouvoir l'économie circulaire.

Pour les papiers de bureau, une convention a été signée entre les acteurs et le Gouvernement pour augmenter la collecte de 200 000 tonnes à l'horizon 2015 et favoriser un recyclage de proximité. La Poste a, de son côté, lancé une offre de logistique inversée pour récupérer les déchets de 50 000 PME, avec un objectif de collecte de 50 000 tonnes par an pour alimenter des papeteries implantées en France. Une étude est enfin en cours sur l'opportunité d'instaurer une obligation de collecte sélective des papiers de bureaux pour les gros producteurs. L'emploi y gagnera.

Directions départementales des territoires et de la mer

Mme Catherine Deroche .  - La situation des directions départementales des territoires et de la mer est préoccupante. Ces services déconcentrés de l'État ont acquis une grande expérience en ingénierie technique et financière à disposition des services publics d'eau et d'assainissement. Or les effectifs diminuent et le service rendu aux usagers se dégrade.

Que compte faire le Gouvernement pour répondre à l'inquiétude des agents ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Veuillez excuser Mme Batho, qui accompagne le président de la République à Abou Dhabi.

Les agents étaient inquiets de la politique menée par le précédent gouvernement dans le cadre de la RGPP. Mme Batho a mis un terme aux réorganisations à marche forcée et privilégie la concertation préalable. L'abandon des missions d'ingénierie publique par le précédent gouvernement faisait peser une menace sur le réseau scientifique et technique du ministère. Un chantier a été lancé, avec la création d'un nouvel établissement public (Cerema), pour un an.

L'État joue pleinement son rôle aux côtés des collectivités territoriales, et notamment des communes rurales. L'office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema) sera impliqué. Le Gouvernement n'entend pas abandonner l'échelon départemental et maintiendra la qualité du service public.

Mme Catherine Deroche.  - Merci pour votre réponse. Nous attendons les actions annoncées pour 2013.

Pôle emploi à Clichy-sous-Bois

M. Claude Dilain .  - Le Gouvernement entend lutter contre le chômage. Il sait que tous les territoires ne sont pas égaux en la matière. En 2009, le taux de chômage était de 16,5 % en Seine-Saint-Denis mais de 22,3 % à Clichy-sous-Bois. Cette ville réclame, avec Montfermeil, l'installation d'une agence Pôle emploi sur le territoire de notre intercommunalité. Malgré les promesses, rien n'a été fait. Le 6 décembre 2012, ici même, le ministre de la ville a affirmé qu'il y aurait une agence Pôle emploi dans chaque quartier prioritaire. Qu'en sera-t-il ?

Il y va de l'égalité des services publics et aussi de l'efficacité, pour laquelle mieux vaut une politique de l'emploi territorialisée. Allez-vous enfin annoncer la création d'une agence Pôle emploi à Clichy-Montfermeil ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage .  - Veuillez excuser M. Sapin retenu auprès du Premier ministre sur le dossier des contrats de génération, qui va être présenté à l'Assemblée nationale cet après-midi et au Sénat très bientôt. La bataille pour l'emploi est une priorité absolue ; toutes les mesures sont mises en oeuvre pour inverser la courbe du chômage. Le Gouvernement met en place un accompagnement renforcé des demandeurs d'emploi : 2 000 recrutements complémentaires en CDI, 2 000 redéploiements, soit un accroissement de 30 % des moyens humains de Pôle emploi sur le terrain. La proximité est indispensable. La Seine-Saint-Denis est le département qui compte le plus grand nombre d'agences Pôle emploi ; y seront affectés cinquante des nouveaux emplois annoncés, afin de mieux mettre en relation offres et demandes d'emplois.

Clichy-sous-Bois est rattachée à la zone Pôle emploi de Livry-Gargan, au nom de la cohérence des bassins d'emploi et en partant du fait que l'activité y est plus importante que dans votre commune. J'ai compris que la création d'une agence de Pôle emploi à Clichy-sous-Bois était une oeuvre de longue haleine, qui requiert une grande force de conviction. Je me rapprocherai du ministre de la ville pour plaider votre cause.

M. Claude Dilain.  - Merci. Puis-je néanmoins vous rappeler que les chiffres du chômage ne sont pas les mêmes à Livry-Gargan et à Clichy-sous-Bois ? La création d'une agence de Pôle emploi à Clichy-sous-Bois aurait une grande portée symbolique aux yeux de nos concitoyens qui se sentent délaissés.

Sans doute Livry-Gargan paraît-elle proche mais elle est difficile à atteindre tant que nous n'avons pas le tramway qui nous a été promis, lui aussi... Mais je ne doute pas que sur ce dossier, là aussi, vous nous soutiendrez, monsieur le ministre.

AFPA

M. Jean-Luc Fichet .  - L'association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) est l'école de la seconde chance. Depuis soixante ans, elle a formé des millions de gens sans qualification ; les trois quarts de ceux qu'elle a formés trouvent un emploi dans les six mois.

En Bretagne, les formateurs sont inquiets des rumeurs de fermeture de l'antenne de Morlaix. L'AFPA souffre des décisions désastreuses du précédent gouvernement, qui a mené le transfert de compétence au pas de charge, jusqu'à arriver à une quasi-cessation de paiement. Le gouvernement actuel a été très actif, rencontrant les syndicats et débloquant 80 millions d'euros fin juillet.

Comment rassurer les acteurs locaux sur l'avenir de l'AFPA ? Quel partage des rôles avec Pôle emploi ? Quelle place dans les emplois d'avenir ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage .  - L'AFPA n'est pas un organisme de formation comme les autres : elle assure une formation certifiée qui favorise l'insertion. Hier à Caen, le Premier ministre a rappelé que la politique de l'État, en matière d'emploi et de formation, s'est toujours appuyée sur l'AFPA. Or celle-ci s'est retrouvée dans une situation désastreuse à l'issue du précédent quinquennat. Nous nous sommes engagés à la sauver, avec 110 millions en dotation, sur un financement de 430 millions avec les partenaires. En matière de locaux, l'État signera des baux emphytéotiques administratifs pour l'occupation du domaine publique. Bref, l'État fait tout pour pérenniser l'AFPA !

M. Jean-Luc Fichet.  - Merci. Je pourrai rassurer l'AFPA de Morlaix.

PLU communaux et intercommunaux

M. Yves Détraigne .  - Je souhaite attirer votre attention sur les conséquences de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales pour les plans locaux d'urbanisme (PLU) intercommunaux.

La réforme de la carte intercommunale va entraîner des fusions, des éclatements et des regroupements de communautés de communes qui ont, pour certaines, des PLU intercommunaux et, pour d'autres, des PLU communaux. Que faire en cas de fusion entre un EPCI à PLU intercommunal (PLUI) avec un EPCI où existent plusieurs PLU communaux ? Peut-il coexister des situations différentes à l'intérieur du même territoire communautaire, certaines communes ayant un PLUI et d'autres ayant chacune leur PLU, ou le PLUI doit-il être éclaté en plusieurs PLU communaux dès lors que la nouvelle communauté n'a pas pris la compétence urbanisme ? Dans cette hypothèse, l'éclatement obéit-il à un formalisme particulier ? Dans l'attente de son éclatement, le PLU intercommunal continue-t-il à s'appliquer et à être opposable ? A l'inverse, si le nouveau groupement a pris la compétence urbanisme, doit-il obligatoirement élaborer un PLU intercommunal correspondant à son nouveau périmètre et, si oui, les PLU existants demeurent-ils opposables tant que l'élaboration d'un PLUI n'est pas achevée ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique .  - Je souhaite que la révision de la carte intercommunale se fasse autant que possible sur la base du volontariat.

Le problème que vous évoquez n'avait pas échappé au précédent gouvernement, dont l'ordonnance du 5 janvier 2012 avait modifié l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme et précisé qu'« en cas de modification du périmètre d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme, les dispositions du ou des plans locaux d'urbanisme applicables aux territoires concernés par cette modification restent applicables. Chaque établissement public de coopération intercommunale ou commune intéressé révise ou modifie ces plans pour adopter un plan couvrant l'intégralité du périmètre de l'établissement compétent ou du territoire de la commune au plus tard lors de la prochaine révision ».

Que la fusion s'opère dans les conditions de droit commun, en application de l'article L. 5211-41-3 du CGCT, ou de l'article 60 III de la loi du 16 décembre 2010, l'EPCI issu de la fusion pourra soit restituer cette compétence aux communes membres, soit exercer la compétence PLU des EPCI ayant fusionné.

Si le conseil de l'EPCI à fiscalité propre issu de cette fusion décide de ne pas conserver cette compétence, la restitution pourra intervenir à l'issue du processus de fusion ou dans un délai maximum de deux ans. Dans l'attente de l'adoption de PLU par les communes précédemment membres de l'EPCI qui s'était doté d'un PLU intercommunal, ce PLU continuera à s'appliquer dans son périmètre initial.

Dans le cas où l'EPCI aura choisi d'exercer la compétence PLU sur son nouveau périmètre, il devra réviser celui-ci pour adopter un PLU qui couvre tout le territoire intercommunal. Dans l'attente, les communes qui étaient jusqu'alors membres d'un EPCI non compétent en matière de PLU et qui avaient élaboré leur propre PLU continueront à appliquer celui-ci.

En cas de modification du périmètre d'un EPCI compétent en matière d'urbanisme, les PLU restent applicables. Un PLUI est élaboré en vue de la prochaine révision. L'EPCI issu de la fusion pourra exercer la compétence PLU ou la déléguer aux communes membres. Dans l'attente de l'adoption du PLUI, les communes membres d'un EPCI jusqu'ici non compétent en matière d'urbanisme continueront d'appliquer leur PLU.

M. Yves Détraigne.  - Merci pour la clarté et la précision de cette réponse. Merci aussi d'être venue personnellement répondre à ma seule question.

La séance est suspendue à midi et demi.

présidence de M. Jean-Pierre Bel

La séance reprend à 14 h 35.

Allocution du Président du Sénat

M. le président.  - Nous reprenons nos travaux alors que les forces françaises viennent d'être engagées par le président de la République dans une difficile opération au Mali, en réponse à la demande du président Dioncounda Traore et dans le respect des résolutions votées par le conseil de sécurité des Nations Unies.

En application de l'article 35, second alinéa, de la Constitution, le Premier ministre m'a adressé le samedi 12 janvier une lettre m'informant de cette intervention. Dès réception, je vous ai transmis à tous copie de ce courrier par voie électronique.

Comme l'indiquait la lettre du Premier ministre, celui-ci m'a reçu hier soir avec le président de l'Assemblée nationale, les présidents des groupes politiques des deux assemblées et ceux des commissions des affaires étrangères et de la défense du Sénat et de l'Assemblée nationale pour nous présenter les objectifs et les modalités de l'opération engagée au Mali. Nous aurons l'occasion d'en débattre dès demain après-midi.

En votre nom, je salue le courage de nos armées qui combattent depuis cinq jours au risque de leur vie.

L'opération Serval a coûté la vie à un officier français, le lieutenant Damien Boiteux, du 4e régiment d'hélicoptères des forces spéciales de Pau. J'adresse mes condoléances à sa famille ainsi qu'à tous ses proches. Je vous demande d'observer une minute de silence à sa mémoire, ainsi qu'à celle des militaires tués dans la tentative de libération de l'otage français Denis Allex en Somalie. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence)

Adhésion de la Croatie à l'Union européenne (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Croatie à l'Union européenne.

Discussion générale

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes .  - Avant d'aborder le sujet qui nous rassemble, je veux m'associer aux propos qui viennent d'être tenus et à l'hommage rendu au colonel Boiteux, tombé dans le cadre de l'opération Serval. J'ai une pensée pour sa famille et ses proches, à qui j'adresse mes condoléances. Une cérémonie d'hommage aura lieu tout à l'heure aux Invalides.

Je veux aussi rendre hommage aux soldats tombés lors de l'opération menée en Somalie. Au péril de leur vie, nos soldats se battent pour faire triompher nos valeurs.

J'en viens au projet de loi sur l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne.

La procédure d'adhésion a duré de nombreuses années, pour garantir que les engagements pris seront respectés.

L'adhésion de la Croatie à l'Union européenne témoigne de la paix retrouvée dans cette partie des Balkans. Pendant de longues années, les populations ont été exposées à la violence, à la guerre et parfois à la barbarie.

La Croatie a retrouvé le chemin de la paix. Les droits de l'homme sont respectés, les valeurs de la démocratie restaurées.

Les négociations lancées depuis 2005 ont été exigeantes. L'agenda d'adhésion a été respecté. Nous examinons aujourd'hui l'acte d'adhésion, les neuf annexes qui précisent les modalités d'adhésion et d'autres documents dont l'importance juridique est considérable : un protocole, un acte final et quatre déclarations.

Bien entendu, ces textes, qui témoignent de la rigueur des négociations, signifient que la Croatie devra respecter tous les traités européens, les textes dérivés et les politiques menées par l'Union européenne.

Certes, des possibilités d'adaptation transitoire seront possibles, notamment en matière de pêche, d'agriculture, de droits de la concurrence, d'espace Schengen. En dépit de ces dérogations, le principe est que la Croatie respecte l'ensemble des règles communautaires. La négociation s'est ouverte en octobre 2005 et s'est conclue en juin 2011, c'est dire le temps qu'il a fallu pour examiner tous ces sujets.

Les discussions ont été particulièrement rigoureuses. Certains estiment que l'élargissement est un processus sans fin et sans condition. Nous voyons bien ici qu'il n'en est rien.

Les valeurs de la démocratie, portée par le Conseil de l'Europe, doivent être respectées, ce qui incite les pays candidats à réformer leurs institutions.

Depuis quelques mois, les relations entre la Serbie, le Kosovo et l'Union européenne se sont améliorées et ces pays se sont engagés fermement dans la voie de réformes démocratiques.

Pour la Croatie, les étapes ont été respectées : tous les six mois, le processus d'adhésion était évalué par la Commission, qui en rendait compte au Conseil.

Les relations entre la Croatie et la Serbie se sont désormais pacifiées et des coopérations se sont nouées. Il en a été de même avec la Slovénie. Un tribunal arbitral a été nommé. L'état de droit, la séparation des pouvoirs, la liberté de presse sont désormais garantis.

Il y a eu treize réunions de négociations. La mobilisation n'a pas été que politique, mais aussi financière : l'Union européenne a accompagné financièrement le processus d'adhésion de la Croatie.

Ne négligeons pas non plus le travail très important mené par les forces politiques croates pour mener ce processus d'adhésion à son terme.

Un climat de coopération renforcé entre la France et la Croatie s'est instauré. Diverses entreprises françaises se sont implantées dans ce pays, pour construire l'aéroport de Zagreb ou des autoroutes. Des coopérations culturelles se sont nouées : récemment, des artistes croates ont ainsi été exposés au Louvre ou au Palais de Tokyo.

Aujourd'hui, la Croatie s'apprête à intégrer l'Union européenne et la France à approfondir ses relations avec ce pays.

Je vous invite à donner une suite favorable à ce projet de loi. (Applaudissements)

Modification à l'ordre du jour

M. le président.  - J'ai reçu ce jour de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement fera, à l'Assemblée nationale et au Sénat, une déclaration sur l'engagement des forces armées en réponse à la demande d'intervention militaire formulée par le président du Mali.

Cette déclaration aura lieu demain mercredi 16 janvier à 15 heures, simultanément dans les deux assemblées. Elle sera suivie d'un débat.

Après concertation avec les présidents de groupe, je vous propose, pour l'organisation de ce débat, d'attribuer, après l'intervention du Gouvernement, un temps de parole de dix minutes au président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; un temps de parole de quinze minutes pour les groupes UMP et socialiste et de dix minutes pour chacun des autres groupes politiques et un temps de trois minutes au représentant des non-inscrits.

Adhésion de la Croatie à l'Union européenne (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur de la commission des affaires étrangères .  - Je m'associe à l'hommage rendu par le président du Sénat et par le ministre aux combattants engagés au Mali. Le métier des armes requiert du courage, l'acceptation du risque. La France doit à son armée sa position dans le monde.

J'assisterai tout à l'heure à l'hommage au lieutenant Boiteux -c'est dans son régiment que j'ai jadis effectué mon service militaire. Je pense aussi aux agents de la DGSE. Nous n'oublierons pas nos soldats morts au combat.

J'en viens à ce projet de loi, en saluant la présence dans nos tribunes du nouvel ambassadeur de Croatie en France.

Je me réjouis que cette adhésion soit le premier texte à être examiné en 2013. C'est une bonne façon de commencer l'année. Avec la Croatie, l'Union européenne passe de 27 à 28 membres. C'est la dernière fois que nous pouvons voter un élargissement à la majorité simple. A l'avenir, il faudra une majorité qualifiée des trois cinquièmes ou un référendum.

La Croatie est-elle prête à adhérer à l'Union européenne ? L'entrée des pays des Balkans se fait de façon différenciée, en fonction de l'état d'avancement de chaque pays. La Croatie s'est livrée à un véritable marathon. Les critères ont été beaucoup plus rigoureux qu'auparavant, c'est vrai.

Le nombre de chapitres est passé de 30 à 35, avec un nouveau chapitre 23 sur les pouvoirs judiciaires et les droits fondamentaux dans le domaine de l'État de droit. Le nombre et la rigueur des critères ont été renforcés. Dix actions concrètes ont été identifiées en octobre. Depuis 2001, la Croatie a bénéficié de 1,5 milliard d'euros pour sa préadhésion. A partir de 2014, la part du budget dévolu à la Croatie augmentera ; elle disposera de quatorze parlementaires et d'un commissaire européen.

La Croatie est donc prête à devenir le vingt-huitième membre de l'Union européenne. Elle a su affronter son passé et se tourner vers l'avenir. Même si des difficultés demeurent avec certains de ses voisins, nous avons pourtant confiance et nous considérons que ce pays est prêt à entrer dans l'Union européenne.

Où en sont les Balkans occidentaux? Depuis dix ans, le bilan est assez mince. Après la Slovénie, la Croatie sera le seul pays à entrer dans l'Union européenne.

Divers pays ont frappé à la porte de l'Union européenne -Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine- mais beaucoup reste à faire pour qu'ils adhèrent.

Mme Nathalie Goulet.  - Tant mieux !

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères.  - Cela témoigne de la difficulté de la transition démocratique et de la construction des institutions, de l'imbroglio historique, ethnique et frontalier, de la part de l'économie criminelle et de la corruption. Certains agitent la menace que ces pays ne deviennent un lieu de compétition entre les nations émergentes, un peu comme au XIXe siècle, entre le tropisme russe de la Serbie, la puissance traditionnelle de la Turquie et le poids économique croissant de la Chine qui veut entrer sur le marché européen par les ports grecs. L'Union européenne reste un horizon de prospérité et de stabilité mais quelle est la force du projet européen ? Sommes-nous capables de faire autre chose que gérer nos crises ? Saurons-nous bâtir l'Europe de la défense ? Saurons-nous instaurer la croissance qui donne l'espoir ?

En matière d'élargissement, il faut trouver un équilibre pour ne pas fragiliser l'Union européenne. Les États membres doivent rester les maîtres du jeu. La Croatie sera un allié pour parvenir à trouver cet équilibre.

« Croatie, la voici ! » dit le slogan de la saison culturelle croate. Pour ma part, je dis : « Croatie, bienvenue ! ». (Applaudissements)

M. André Gattolin, au nom de la commission des affaires européennes .  - J'ai plaisir à saluer le rapport de la commission des affaires étrangères. Nous sommes particulièrement heureux d'accueillir ce 28e État de l'Union européenne.

Nous nous sommes rendus en Croatie en 2011. La commission des affaires européennes du Sénat a ensuite adopté une proposition de résolution pour obtenir une ratification rapide de l'adhésion de la Croatie.

Les relations entre nos deux pays sont excellentes. Le président Bel a accueilli, en octobre, le président de la République croate et il recevra demain le président du Sabor, le parlement croate. Je salue le nouvel ambassadeur de Croatie en France, présent dans nos tribunes.

Si l'élargissement a pu être critiqué parce que mal préparé et se faisant au détriment de l'approfondissement, il faut reconnaître que, pour la Croatie, toutes les conditions sont réunies pour en faire une adhésion réussie. La Croatie est un État de droit et ses institutions, pleinement démocratiques, ont autorisé l'alternance politique.

La Croatie a su faire toute leur place aux minorités, aux réfugiés et aux déplacés auxquels des droits importants ont été accordés par la loi constitutionnelle de 2002. La Croatie a accepté le retour après la guerre de la minorité serbe.

Le chapitre 23 sur la justice et les droits fondamentaux a finalement été adopté. La réforme judicaire a été mise en oeuvre, le nombre d'affaires en souffrance a diminué, la Croatie a créé une école pour former ses magistrats. La lutte contre la corruption et la criminalité organisée fermement engagée doit se poursuivre avec le renforcement des capacités de l'office contre la corruption et le crime organisé. Enfin, un effort supplémentaire doit être consenti en faveur de la transparence en matière de dépenses publiques et de financement de la vie politique.

Les relations de la Croatie avec ses voisins se sont pacifiées. Les différends avec la Serbie étaient les plus nombreux ; ils se sont apaisés et les hautes autorités des deux pays se sont reçues mutuellement. Avec la Slovénie, la dispute concerne le golfe de Biran, les eaux territoriales et la restitution des avoirs croates dans les banques slovènes.

La Slovénie et la Croatie ont accepté un arbitrage international sur le premier point. Sur les avoirs croates, la situation est gênante puisque la Slovénie menace de ne pas ratifier l'accord d'adhésion, mais le problème devrait trouver une solution prochainement.

Sur le plan économique, la Croatie a connu une croissance remarquable, de 4 à 5 % l'an, avant la crise. Son économie est dynamique et concurrentielle. La Croatie, qui a reçu le soutien de la BERD et de la BEI, a lancé trente projets d'investissements publics pour soutenir sa croissance. Le potentiel touristique est également important. Le secteur agricole représente 5 % du PIB, le secteur secondaire, 22 %, celui des services, 73%. La Croatie reçoit 10 millions de touristes par an.

Le référendum de janvier 2012, alors que la crise était à son comble dans la zone euro, a montré l'adhésion d'une majorité de 67 % des votants à l'Union européenne, preuve de la volonté de la population de progresser par l'Europe et de faire progresser l'Europe.

Je suis heureux de saluer ce sursaut historique et héroïque de nos amis croates.

C'est donc avec joie que nous nous apprêtons à accueillir la Croatie au sein de l'Union européenne. Le pays renoue avec ses origines en nous rejoignant ; il ne peut que réussir son intégration.

Je me suis rendu plusieurs fois en Croatie, notamment pendant la guerre, quand le front n'était qu'à une douzaine de kilomètres de Zagreb. Cette expérience douloureuse m'a beaucoup marqué. Le but premier de la construction européenne après le terrible conflit des années quarante était la pacification de nos territoires et la reconstruction de l'État de droit. La réconciliation et l'amitié durable entre la France et l'Allemagne en sont le plus fort symbole. Avec l'adhésion de la Croatie, il y a une forme de réactualisation du rêve européen.

Je me suis lié d'amitié avec le traducteur croate d'Albert Camus qui a écrit que le seul combat qui vaille est celui de la paix. J'imagine qu'il doit être aujourd'hui d'accord avec cet auteur qu'il a tant lu et traduit.

Au nom de la commission des affaires européennes, j'appelle à la ratification de ce traité. (Applaudissements)

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

M. le président.  - M. le président Bel s'est absenté pour se rendre à l'hommage rendu aux Invalides au lieutenant Boiteux.

M. Jean-Michel Baylet .  - Je m'associe à l'hommage rendu aux soldats tombés au Mali.

Lors de la remise du prix Nobel de la paix à l'Union européenne, MM. Barroso et Van Rompuy ont intitulé leur discours « de la guerre à la paix, une histoire européenne ». M. Van Rompuy a déclaré que la guerre était aussi ancienne que l'Europe. C'est particulièrement vrai pour les Balkans, ravagés par les conflits qui ont suivi l'éclatement de l'ex-Yougoslavie comme ceux suscités auparavant par d'anciennes haines. Ce territoire fut sous l'influence de la Hongrie et de l'Autriche, de Venise comme de l'Italie, tout en étant aux marges de l'empire ottoman.

Je n'oublie pas que Napoléon a incorporé à l'empire français les provinces de Dalmatie et de Dubrovnik entre 1809 et 1813. La Croatie se situe bien au coeur de l'Europe.

Certains rejouant la Triple alliance contre la Triple entente voudraient voir dans la Croatie une alliée de l'Allemagne tandis que la Serbie serait celle de la France. Je n'oublie pas le monument de reconnaissance à la France dans un parc de Belgrade ni l'évacuation vers Corfou par des bateaux français de Pierre 1er de Serbie, en 1915. Je forme le voeu que la Serbie rejoigne rapidement l'Europe.

M. Roland du Luart.  - Très bien !

M. Jean-Michel Baylet.  - L'Union européenne permet de transcender les vieux antagonismes entre les nations européennes. Les Balkans étaient considérés naguère comme une poudrière. L'arrivée de la Croatie marque une nouvelle étape dans l'élargissement de l'Union. L'adhésion des douze pays de l'Europe centrale et orientale était une promesse de réconciliation après la fin du rideau de fer mais les conditions de leur intégration n'ont pas toujours été suffisamment rigoureuses.

L'engagement moral a en réalité occulté les difficultés des États candidats. Les institutions communautaires ont depuis renforcé les exigences envers ces derniers -c'était nécessaire. La Commission a fait du cas croate un exemple de négociation pour les autres pays des Balkans occidentaux, tous engagés dans un rapprochement avec l'Union européenne à des degrés divers.

Certaines questions demeurent toutefois sans réponse : réforme judiciaire, lutte contre la corruption et le crime organisé, participation au tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, retour des réfugiés -notamment de la minorité serbe-, différends frontalier et bancaire avec la Slovénie -ceux-ci pouvant retarder la ratification par les autorités de Ljubljana. Néanmoins, les efforts de la Croatie pour se conformer aux exigences de l'Union européenne sont à saluer. Le rapport de Jacques Blanc et Didier Boulaud intitulé « Croatie, 28e État de l'Union européenne » ne disait pas autre chose. Si l'enthousiasme de la population croate s'est quelque peu érodé avec le temps, le référendum d'adhésion a vu le « oui » l'emporter à 66 %.

D'autres pays sont amenés à rejoindre l'Union : l'Islande, le Monténégro, la Macédoine, la Serbie, la Turquie -aussi l'Albanie et la Bosnie-Herzégovine. Un nouvel élargissement ne pourra se faire sans une réforme de la gouvernance de l'Europe. Les radicaux sont favorables à une évolution fédéraliste de l'Union européenne. Comment mener à bien l'approfondissement à plus de trente ? En changeant de dimension, l'Europe a changé de modèle, a déclaré François Hollande lors du sommet européen d'octobre dernier ; il a plaidé pour que l'Europe avance à plusieurs vitesses, dans des cercles différents. L'attribution du prix Nobel a été un hommage aux pères fondateurs mais aussi un appel aux gouvernements à un sursaut.

La grande majorité du groupe du RDSE votera pour la ratification de ce traité, pour une Europe puissante, réconciliée, pour une Europe de l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

Mme Leila Aïchi .  - Nous nous associons à l'hommage rendu au lieutenant Boiteux et aux condoléances adressés à sa famille.

L'adhésion de la Croatie sera, en ces temps de doute, une bouffée d'air frais. La vocation européenne des Balkans occidentaux a été affirmée dès le sommet de Zagreb, en 2000. La Croatie n'a pas démérité, renforçant ses institutions, intégrant les réfugiés, améliorant le statut des minorités.

L'Europe, c'est la paix. La Croatie en connaît trop bien le prix. La guerre y fut plus longue et sanglante qu'en Slovénie : dix ans -jusqu'à la reconquête du territoire en 1998, 16 000 tués, 40 000 disparus, 37 milliards de dollars de dégâts, soit deux fois le PIB de ce pays. Les sièges de Dubrovnik et de Vukovar en furent le sinistre symbole. Un million d'hectares ne seraient pas exploités, notamment à cause de la présence de mines anti-personnel. Le cheptel bovin a été décimé. Rappelons-nous que ces événements tragiques ont eu lieu sur notre continent...

L'adhésion de la Croatie souligne la vocation universelle de l'Union européenne dans la promotion de la paix et des droits de l'homme -qui a justifié l'attribution du prix Nobel.

Certes, l'enthousiasme pro-européen des Croates s'est érodé au fil du temps. Le différend bancaire avec la Slovénie pourrait retarder l'entrée de la Croatie dans l'Union européenne car il faut une ratification par les Vingt-sept...

Le 22 janvier 2012, les Croates ont voté à 67 % pour l'adhésion, arrimant leur destin à celui d'un projet européen toujours en mouvement. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Européenne convaincue, je suis persuadée que l'agrandissement de la famille européenne représente une formidable chance pour notre pays. (Applaudissements)

M. Jean Bizet .  - A mon tour de saluer le grand professionnalisme des soldats français, où qu'ils se trouvent, et de m'associer, au nom du groupe UMP, à la douleur des familles des soldats décédés en Somalie, au Mali ou en Afghanistan.

L'élargissement démontre la soif d'Europe dans une période de turbulences qui fait douter certains. Raison de plus pour rappeler ce qu'est l'Europe. L'Union européenne, ce sont des valeurs. Adhérer, c'est une responsabilité : il faut pouvoir mettre en place une économie de marché. Être membre de l'Union ne peut se résumer au seul parapluie sécuritaire, ou au calcul des retombées financières des fonds de cohésion ou de la PAC. Être membre de l'Union, c'est un engagement à mieux répondre aux défis de la mondialisation, c'est la solidarité entre États membres, c'est avoir une haute exigence face à la corruption, qui était encore importante naguère. La Croatie a beaucoup de défis à relever ; l'Union européenne a décidé de lui faire confiance. Je salue les travaux de la commission des affaires européennes sur la Roumanie et la Bulgarie, dont l'adhésion a sans doute été trop précipitée.

Désormais, toute nouvelle adhésion nécessitera un référendum, ou un vote du Parlement à la majorité qualifiée des trois cinquièmes.

Je souhaite profiter de cette tribune pour adresser trois messages. Je m'inquiète d'abord de la décision -vraisemblable- de David Cameron de tenir un référendum sur l'appartenance de la Grande-Bretagne à l'Union européenne. Comme le dit M. Giuliani, voilà ce qui se produit quand une classe politique néglige la politique européenne en faisant croire que tout se décide au niveau national, quand on fait des promesses inconsidérées pour gagner les élections, quand on fait de l'Europe le bouc émissaire de ses propres turpitudes. La place de la Grande-Bretagne est dans l'Europe, pas ailleurs, même si elle a acquis au fil du temps des régimes spéciaux. C'est le secrétaire d'État américain adjoint à l'Europe qui l'assure : les États-Unis veulent des liens resserrés avec l'Union européenne en tant qu'entité ayant une influence croissante dans le monde -et que la Grande Bretagne ait une influence croissante au sein d'une Union tournée vers l'extérieur. On ne peut mieux dire.

Deuxième message au couple franco-allemand : il est la clé de la force de l'Europe car nos différences sont des complémentarités. Notre ancien ambassadeur à Berlin estime que nous avons deux défis à relever : celui de l'énergie et celui de la défense. La première puissance économique mondiale ne doit pas s'engager dans un désarmement, au contraire ; je salue à cet égard la coopération entre Londres et Paris en la matière.

Enfin, la France doit continuer à mettre en oeuvre des réformes structurelles : flexibilité du marché du travail, coût du travail plus compétitif, réduction des dépenses publiques. A défaut, elle ne pourra profiter des propositions budgétaires pour la croissance de M. Van Rompuy. L'opposition sera constructive.

Adhérer à l'Union européenne, c'est, pour tous les États membres, l'obligation de mettre en oeuvre au niveau national des obligations décidées à Bruxelles.

L'intégration de la Croatie doit être une réussite, pour les Balkans occidentaux mais aussi pour les Vingt sept, qui peuvent être fiers d'avoir tracé la voie à ces pays assoiffés d'Europe, de liberté et de démocratie. Le groupe UMP votera la ratification de ce traité. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Michel Billout .  - L'adhésion de la Croatie à l'Union européenne nous donne l'occasion d'une réflexion plus générale sur le processus d'élargissement. La Croatie a franchi des étapes longues et difficiles ; répond-elle pour autant aux exigences de Copenhague -dont je conteste par ailleurs les principes néolibéraux ? Non. Il lui reste beaucoup à faire et les Croates sont incités à poursuivre leurs efforts, de la privatisation de leurs chantiers navals aux sanctions des crimes de guerre -efforts qu'il ne faut pas sous-estimer. L'adhésion peut inciter à poursuivre les réformes, mais je crains que, comme ses prédécesseurs, la Croatie ne subisse les conséquences néfastes d'une stricte application des exigences communautaires, qui pousse à libéraliser, à précariser, à privatiser, à favoriser les bas salaires -quitte à créer un énorme déficit commercial.

Le processus d'élargissement paraît mal maîtrisé et mal défini. Les peuples ont besoin de savoir où ils vont. Pourquoi élargir ? A qui et jusqu'où ? A l'heure où l'on constate l'impuissance de l'Union européenne à parler d'une seule voix sur la scène internationale, on peut s'interroger sur l'intérêt de poursuivre l'élargissement.

Le passage de quinze à vingt sept membres a changé la nature du projet européen, qui tend à devenir une simple zone de libre-échange. Les grandes et généreuses notions, les valeurs communes sont venues après l'objectif de marché unique. Il faut redéfinir les principes sur lesquels doit se fonder l'élargissement. La construction européenne traverse une profonde crise d'identité. L'Union européenne a déjà mis en place plusieurs cercles, plusieurs strates, des mécanismes de coopération à plusieurs vitesses. Le problème tient moins aux limites territoriales qu'au projet de société ; ce n'est pas la politique d'élargissement qui est en cause mais la façon dont elle est appliquée, les retards à trouver des solutions solidaires face à la crise, l'absence de régulation pour lutter contre la spéculation des marchés financiers. La seule réponse de l'Union européenne à la crise a été de faire payer les populations en renforçant le dogme aveugle de la lutte contre les déficits budgétaires. Est-ce dans ce contexte, à ces conditions, qu'il faut accueillir la Croatie ? Ce n'est pas en différenciant les niveaux d'intégration que l'on résoudra les problèmes.

Faut-il pour autant différer l'adhésion de la Croatie ? Il faut mesurer l'attente des Croates qui se sont prononcés pour à 66 % ; il serait dangereux de décevoir leur espoir, au risque de nourrir le populisme et le nationalisme d'extrême droite. Et l'Europe doit être facteur de paix et de stabilité dans une région qui a beaucoup souffert. Pour ces deux raisons, le groupe CRC se prononcera en faveur de la ratification. (Applaudissements sur les bancs CRC, socialistes et écologistes)

M. Jean Arthuis .  - Le groupe UDI-UC s'associe à l'hommage rendu à nos soldats tombés au Mali et en Somalie et dit sa compassion à leurs familles.

Mécanique, pathétique, l'élargissement de l'Union européenne progresse tel un automate ; l'immeuble menace de s'écrouler mais peu importe, la porte reste ouverte ! Loin de stigmatiser la Croatie, nous nous associons aux louanges qui lui ont été adressées. Le processus de négociation a été plus exigeant que lors des précédentes adhésions, notamment sur les droits fondamentaux, alors que le pays sortait d'un douloureux et meurtrier conflit. Nous saluons les efforts réalisés -c'est pour cela que nous voterons la ratification. Mais n'est-il pas temps de marquer une pause dans la marche forcée vers l'élargissement ? Où est le pilotage politique ?

Depuis 1973, la logique de l'élargissement s'oppose à celle de l'approfondissement -ce n'est pas seulement de la rhétorique. La crise n'est pas terminée, elle ne le sera pas sans approfondissement de la construction européenne car il s'agit d'une crise systémique. Pour contrer l'instabilité monétaire, incompatible avec des objectifs de croissance et d'emploi, nous nous sommes dotés d'une monnaie unique, orpheline d'État. Son règlement de copropriété, le pacte de stabilité et de croissance, a été allègrement transgressé, face à une Commission européenne pusillanime et des agences de notation qui ont feint de croire à un espace fédéral. D'où la crise des dettes souveraines en 2009, dont nous ne sommes toujours pas sortis. Après les années folles de l'euro, nous avons réagi -six pack, TSCG- mais ces instruments sont trop jeunes pour avoir porté leurs fruits et sont, bien sûr, insuffisants : les racines du mal demeurent. Voyez Chypre : le pays a intégré l'Union européenne en 2004 et la zone euro en 2008. Or le contrôle prudentiel de l'Union européenne a été défaillant et Chypre, qui tire les deux-tiers de son PIB, comme le Luxembourg, de revenus financiers, vient de solliciter l'assistance financière de l'Union européenne. En cas de sinistre, ce sont les budgets nationaux des États membres qui règleront la note, sachant que les engagements des banques chypriotes représentent sept à huit fois son PIB... Chaque élargissement a un coût, que l'Union européenne est de moins en moins capable d'assumer.

La Croatie est vertueuse, dont acte ; elle va adhérer, très bien. Mais combien de traducteurs faudra-t-il recruter pour son adhésion ? Elle a reçu 1,5 milliard en aides de préadhésion, elle recevra 187 millions en 2013, davantage à partir de 2014 en fonds structurels ou de cohésion. Elle aura douze députés européens, et bien sûr son commissaire. Le problème est que le budget de l'Union européenne ressemble à une table de casino. Après avoir rémunéré le croupier -7 % pour le fonctionnement administratif-, chacun cherche à récupérer le maximum de jetons. Forcément il y a des gagnants et des perdants. Tout cela ne fait pas une politique européenne ; tout cela ne fait pas l'Europe. Une fois la Croatie intégrée, il faudra suspendre le processus d'élargissement, le temps de mettre en place une gouvernance digne de ce nom. La Bulgarie et la Roumanie, intégrées trop vite, bénéficient encore de crédits qu'elles sont incapables de mobiliser. L'élargissement semble un processus autonome, qui s'auto-entretient.

Lors de son audition, le commissaire européen à l'élargissement Füle m'a répondu, de bonne foi, que le sujet de Chypre ne relevait pas de la politique d'élargissement. C'est vrai et c'est grave ! Réponse symptomatique de la schizophrénie de l'Union européenne, menée par deux forces, l'une qui active des dépenses publiques et l'autre, avec la zone euro, qui pèse pour une réduction de celles-ci. L'élargissement relève de la première, il s'emballe. La Macédoine, la Serbie et le Monténégro ont déjà le statut de candidat. Le Kosovo, l'Albanie et la Bosnie-Herzégovine sont des candidats potentiels. Et je ne parle pas de l'Islande ni de la Turquie. Qui peut douter que l'Ukraine, la Géorgie ou la Moldavie s'ajouteront à la liste ?

On veut nous rassurer en affirmant que cet élargissement est le dernier à la majorité simple. Stop. Le remède est connu : c'est le fédéralisme. La monnaie unique était un billet aller sans retour vers une souveraineté partagée. La zone euro doit être le noyau de cristallisation d'un fédéralisme européen, avec un pilotage politique et un ministre de l'économie et des finances européennes...

M. Aymeri de Montesquiou.  - Très bien !

M. Jean Arthuis.  - On a créé pour Mme Aston un département de 3 000 personnes... Pour quelle politique étrangère européenne ? Il faut aussi une instance parlementaire de contrôle à la légitimité incontestable. La solidarité de la zone euro n'a rien à voir avec celle entre les 27 ou 28.

L'Europe est en danger, sa gouvernance est caricaturale : l'élargissement compulsif en est la manifestation. Première mesure à prendre : supprimer le poste de commissaire à l'élargissement. (Applaudissements sur les bancs UMP et UDI-UC)

La séance, suspendue à 16 h 15, reprend à 16 h 25.

Mme Josette Durrieu .  - Certains mots font consensus dans ce débat : satisfaction et confiance. Le processus d'adhésion a été long, on l'a dit. Avant d'être candidate à l'Union européenne, la Croatie a été candidate au Conseil de l'Europe, et a fait l'objet d'un monitoring de 1996 à 2003. Présidente de la commission concernée, j'ai clos ce monitoring avant terme, tant les progrès avaient été importants. En 2003, nous disions déjà toute notre confiance à la Croatie, qui consolidait ses réformes démocratiques, l'intégration des minorités. Nous soulevions à l'époque des difficultés, les mêmes qu'aujourd'hui : décentralisation, régionalisation, privatisation passaient mal. La France accepterait-elle de privatiser ses chemins de fer ? C'est pourtant ce que nous avons demandé à la Croatie. Nous allions trop vite. La Croatie a néanmoins consenti des efforts exceptionnels. Mon regard a changé sur ce peuple, ce pays qui se lançait dans une véritable reconstruction -sans aucune aide, à l'époque !

J'avais été confrontée à l'époque à tous ces faits et ma vision des choses avait fortement évolué quand j'ai vu, par exemple, que l'on reconstruisait le parc immobilier en pensant aux familles serbes qui allaient venir.

La Croatie est un pays stable, comparé à la Grèce. Je ne suis pas sûre que la Serbie ait fait autant d'efforts. Oui, la Croatie est prête. Certes, nos craintes sont légitimes mais pourquoi sommes-nous déçus, pourquoi devons-nous être prudents ? Ces pays portent le fardeau de leur histoire récente, on ne parle pas assez des peurs qui y sont véhiculées. On ne parle pas non plus assez des erreurs commises par l'Europe lors du précédent élargissement. L'Union européenne montre ses faiblesses, ses impuissances et cause ainsi du tort. Comment peut-elle être incapable de résoudre le problème de Chypre ?

L'impuissance de l'Europe à faire rêver la jeunesse l'empêche d'avancer. En Serbie, les nationalistes ont emporté les élections. La montée des nationalismes est un échec collectif, un mal profond qui risque de faire imploser l'Europe.

Tous ces pays sont membres du Conseil de l'Europe, qui devrait être, qui est le creuset de la conscience européenne. Mais le débat y est bloqué sur des thèmes comme l'identité, les minorités, et les nationalismes prospèrent sur cette incapacité à avancer des solutions nouvelles.

Des menaces existent, il y a toujours des risques. Cette zone géographique est stabilisée mais l'intégration, la réconciliation ne sont pas achevées.

M. le président.  - Veuillez conclure !

Mme Josette Durrieu.  - Que dire de la construction artificielle du Kosovo ? De la Serbie, transformée en État croupion ? La Russie est un pays déstabilisateur. On le voit pour les pays Baltes, pour la Moldavie. Attention au Monténégro, à la Serbie. Il y a urgence à stabiliser les frontières est et sud-est de l'Europe. La solution est dans l'intégration de ces pays dans l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)

M. André Vallini .  - La Croatie est prête à rejoindre l'Union européenne ; il nous revient de l'accueillir. Elle est un pôle de stabilité, dans cette région des Balkans qui reste compliquée.

Les cicatrices de la tragédie yougoslave se sont peu à peu refermées. Depuis dix ans, la Croatie a mis en oeuvre les réformes ambitieuses, parfois difficiles, exigées par l'Union européenne. La classe politique croate a été unanime en faveur de l'entrée du pays dans l'Union européenne.

Si cette adhésion est possible et nécessaire, elle pose la question des élargissements futurs : le Monténégro et la Serbie ont le statut officiel de candidat, ainsi que la Macédoine, bloquée par le veto grec. L'Albanie a déposé sa candidature ; la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo demeurent sur le seuil de la porte. Souvenons-nous des problèmes qu'ont posés les adhésions trop rapides de la Bulgarie et de la Roumanie, après quoi il a fallu instaurer un « mécanisme de coopération et de vérification ».

Il convient de privilégier l'approfondissement de l'Europe plutôt que son élargissement. Une Europe à plusieurs vitesses, organisée en cercles concentriques, est possible. Le coeur en serait le couple franco-allemand, élargi aux pays fondateurs. Une Europe de la défense doit aussi être mise en place autour du triangle de Weimar.

Certains dénoncent une Europe « à la carte ». Mais comment imaginer faire fonctionner une Union à 28 ? La seule exigence fondamentale sur laquelle on ne saurait transiger est le respect de la démocratie qui doit animer chaque membre de l'Union européenne et la volonté qu'ils doivent avoir en partage de réaliser le rêve de nos pères fondateurs, celui d'un continent de paix. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)

Mme Michèle André .  - Je salue la présence du nouvel ambassadeur de Croatie à notre tribune.

C'est la dernière fois que nous nous prononçons sur un élargissement dans le cadre traditionnel. A l'avenir, la procédure sera celle, tout autre, qu'a définie la réforme constitutionnelle de 2008, avec référendum ou réunion du Congrès.

Le processus de négociation a été plus exigeant que précédemment. La Croatie s'est montrée à la hauteur des demandes de l'Union européenne. Elle a vaincu les démons du passé, en coopérant au TPIY. Le 9 décembre 2011, le traité d'adhésion était enfin signé. Désormais, il revient aux États membres de l'Union de ratifier cette adhésion.

Le prix Nobel de la paix vient d'être attribué à l'Union européenne, après soixante ans sans conflit. Pourtant, l'éclatement de la Yougoslavie a mené à la guerre sur le continent européen. La période difficile que nous traversons n'a pas empêché la Croatie de vouloir rejoindre l'Union européenne. C'est une chance pour la France car nos liens d'amitié avec ce pays sont profonds. La plus grande avenue de Split porte le nom de Marmont, en souvenir de ce maréchal de Napoléon.

Le festival « Croatie, la voici » de cet automne a montré toutes les facettes culturelles de ce pays, qui a une tradition francophone. Nous pouvons compter l'un sur l'autre pour nous aider. Depuis trente cinq ans, je sillonne ce pays. Présidente du groupe d'amitié qui nous lie, j'ai toujours cru à sa destinée européenne et je suis fière de défendre son adhésion à l'Union européenne. Merci aux commissions du Sénat d'appeler à voter pour ce projet de loi.

Je veux conclure sur une pensée spéciale pour un grand linguiste, le professeur Petar Guberina, ami de Césaire et de Senghor, qui a ouvert les chemins de la connaissance, de la tolérance et de l'intelligence entre les peuples. (Applaudissements)

M. Jean-Yves Leconte .  - Nous allons ratifier l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne. Quel beau dessein, quel beau symbole de voir ce pays rejoindre l'Europe ! Nous en revenons aux fondements de la construction européenne : la paix.

Alors que l'Union européenne fait face à de nombreuses difficultés, cette adhésion est un baume au coeur des partisans de l'Europe. N'imaginons pourtant pas que ce processus a été simple pour les Croates, tant il remettait en cause de nombreux équilibres économiques. Il lui a fallu aussi instaurer un système judiciaire moderne, coopérer avec le TPIY.

Depuis dix ans, les alternances politiques se sont succédé et les droits des minorités ont été reconnus.

On a vu, à propos de la Roumanie et de la Bulgarie, que les instances de contrôle européennes semblent se désintéresser des dérapages de ses nouveaux membres. La réussite de l'adhésion croate est vitale pour l'Europe. Ce sont les difficultés de l'approfondissement qui ralentissent l'élargissement, pas l'inverse, n'en déplaise à M. Arthuis.

J'ai confiance en la bonne volonté de tous les États membres pour accueillir la Croatie : vive la Croatie dans l'UE ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

M. René Teulade .  - Lors de la troisième guerre balkanique, celle de 1991, l'Europe était en retard sur l'événement, disait le grand universitaire Paul Garde. Vingt ans plus tard, nous pouvons dire que l'Union européenne est à l'heure. Le 1er juillet 2013, la Croatie deviendra le 28e État de l'Union européenne, sous réserve de la ratification par tous les États membres.

En deux décennies, la Croatie a effectué d'importantes réformes en matière de justice et de droits fondamentaux. Ce travail doit être salué, d'autant que ce processus s'est déroulé dans un cadre renforcé. Le plan d'action adopté en octobre dernier par le gouvernement croate permet de satisfaire les dernières exigences européennes.

Les institutions et États européens se sont fixé comme objectif d'intégrer un certain nombre d'États des Balkans, où le traumatisme de la guerre est encore vivace. Souvenons-nous des charniers humains, non pas à la lisère de l'Europe, comme on l'a dit faussement, mais en son coeur, puisque la Grèce en est le berceau. Où étions-nous à l'époque ? Où sommes-nous aujourd'hui par rapport à la Syrie ? Je tiens à rendre hommage au précédent président serbe qui a eu le courage de reconnaître les exactions commises par son pays lors de la guerre, en particulier à Srebrenica.

Jean Monnet avait fait de la méthode des petits pas le moyen de rapprocher les pays de l'Union européenne. Cette solidarité doit être l'expression d'une grande conscience européenne pour élargir le projet de l'Union. J'espère que ce projet sera approuvé à l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

L'article unique du projet de loi est adopté.

M. le président.  - C'est l'unanimité ! (Applaudissements sur tous les bancs)

Adaptation de la législation au droit européen (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière.

Discussion générale

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes .  - Ce projet de loi a été adopté en première lecture l'année dernière par le Sénat, puis par l'Assemblée nationale, qui lui a apporté un grand nombre d'amendements rédactionnels. Votre commission des finances vous propose d'en rester au texte issu de l'Assemblée nationale. Je tiens à la remercier, ainsi que son rapporteur, pour le travail fourni.

Dès sa prise de fonction, M. Moscovici a voulu remédier au retard de transposition de ces trois directives. La France était exposée à des sanctions financières par la Cour de justice de l'Union européenne. Il y allait surtout de la crédibilité de la parole française. Les opérateurs français de l'électronique ont rappelé l'incertitude économique qui était la leur.

Première directive transposée, la directive Monnaie électronique. Le calendrier sera enfin stabilisé et une nouvelle catégorie d'acteurs sera crée. La monnaie électronique sera ainsi disponible et sécurisée. Les mesures de transposition de la directive Omnibus I sont en totale cohérence avec le projet de loi de régulation bancaire et financière déposé par le Gouvernement sur la supervision des actions financières. Enfin, la transposition de la directive sur les retards de paiement sécurisera les entreprises : les sanctions seront renforcées en cas de retard de paiement.

Ce texte nécessaire est donc également utile.

Un mot sur la méthode de transposition : nous tenions à éviter de recourir aux ordonnances et à soumettre ce texte au Parlement. Il faudra sans doute parfois recourir aux ordonnances, mais ce ne peut être une solution ordinaire pour couvrir les retards pris par le gouvernement.

M. André Gattolin.  - Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - Ces mesures de modernisation sont indispensables, elles sont attendues par nos concitoyens et par les opérateurs économiques. Le gouvernement espère donc un vote positif. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Richard Yung, rapporteur de la commission des finances.   - Nous revient donc en deuxième lecture ce texte qui transpose trois directives, dont celle sur la monnaie électronique qui avait dû l'être depuis un an et demi. Notre retard pourrait nous coûter 20 millions, ce qui n'est pas négligeable quand on cherche à réduire le déficit budgétaire. La Commission européenne se fait de plus en plus pressante.

Les acteurs devront se saisir de ce nouveau cadre réglementaire pour développer la monnaie électronique. Il est probable qu'il faille bientôt remettre l'ouvrage sur le métier, tant les évolutions en ce domaine sont rapides.

La deuxième directive transposée, dite Omnibus I, rend possible l'échange de données entre les autorités prudentielles françaises et européennes. La troisième la lutte contre les retards de paiement dans les transactions entre fournisseurs. Le délai maximal est fixé à trente jours, sous peine d'une amende forfaitaire. L'enjeu n'est pas négligeable.

En première lecture, la commission des finances avait adopté une dizaine d'amendements et deux articles additionnels sur les agences de notation et sur les ventes à découvert. L'Assemblée nationale a, pour sa part, adopté 93 amendements rédactionnels, ce qui fait que 23 articles sur 46 sont encore en discussion. Compte tenu de l'urgence, la commission des finances les a adoptés sans modification. Je vous propose d'adopter ce texte en l'état. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. André Gattolin .  - Cette nouvelle année débute sous le signe de l'Europe : c'est un bon présage ! En France, le Parlement a été insuffisamment associé aux textes européens. Nous nous félicitons donc de la position de l'actuel Gouvernement. Le groupe écologiste votera ce texte par cohérence et du fait de l'urgence qu'il y a à transposer ces directives.

La directive sur la monnaie électronique aurait dû être transposée il y a un an et demi ; ce retard nous expose à des sanctions financières. En septembre, j'avais attiré l'attention du gouvernement sur les retards accumulés. Je m'étais également élevé contre tout recours aux ordonnances. Le gouvernement et la majorité précédente n'ont pas été les seuls à accumuler des retards de transposition. Les transpositions laissent peu de marge aux parlements mais il ne faut pas se montrer cavalier pour autant. Le débat public est nécessaire. Le Gouvernement entend procéder par voie parlementaire : je salue son intention. Je suis convaincu que l'Union européenne à tout à gagner à un dialogue démocratique. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Roland du Luart .  - Ce projet de loi ne pose pas de difficultés à notre groupe. La transposition de la directive sur la monnaie électronique sécurisera l'utilisation de ces moyens de paiement. L'harmonisation européenne favorisera leur utilisation dans toute l'Union européenne. Il faudra veiller à la lutte contre le blanchiment, nous resterons vigilants sur ce point.

La deuxième directive traite des autorités européennes de supervision pour assurer une meilleure coordination entre la France et l'Union. Cela facilitera l'échange d'informations entre les États membres.

Enfin, ce projet de loi transpose la directive sur les retards de paiement. Les PME seront les premières bénéficiaires de ce texte : les délais de paiement ne devront pas excéder un délai fixé par décret. En cas de retard, une indemnité moratoire et des indemnités forfaitaires seront versées.

La loi de simplification du 22 mars 2012 transposait déjà une partie de cette directive. L'actuelle majorité avait alors voté contre... Constant dans ses positions, le groupe UMP votera pour ce texte, qui transpose des directives utiles à l'économie. (Applaudissements à droite)

M. Thierry Foucaud .  - Ce projet de loi vise à éviter à la France des amendes pour non-transposition de directives européennes. Il faut dire que l'abondante législation et réglementation européenne encombre notre ordre du jour. Le Luxembourg, pays le moins regardant ou le plus accueillant, a été privilégié par les opérateurs de monnaie électronique, ce qui ne peut que renforcer la méfiance envers ce type de règlement...

La deuxième directive concerne la régulation financière et bancaire, confiée à la BCE, dont la clairvoyance laisse à désirer. La troisième directive porte sur les retards de paiement. Les difficultés des PME tiennent surtout aux difficultés d'accès au crédit, que les évolutions actuelles risquent d'aggraver. Bref, la production législative communautaire traduit une fois de plus le dogme de la concurrence libre et non faussée.

Certes, l'adoption conforme du texte permettrait de clore l'épisode et de passer à autre chose mais ce texte sera en grande partie inapplicable et il sera inappliqué en métropole : comme son rejet nous exposerait à des sanctions financières de la part des autorités européennes, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Michel Baylet .  - Le rapporteur, que je félicite pour son travail sur ce texte technique, l'a rappelé : il y a urgence. Ces directives auraient déjà dû être transposées et nous risquons une amende de 20 millions d'euros.

Les Français sont trop souvent en retard dans la transposition des textes européens. Je le regrette. (M. Roland du Luart renchérit) Nous contribuons à la technocratisation des textes, en donnant l'impression que la représentation nationale n'a aucune prise sur une matière incompréhensible pour le commun des mortels. (M. André Gattolin approuve) Je regrette que l'on nous présente des projets de loi qui rassemblent tout un paquet de directives, interdisant tout examen approfondi et tout débat démocratique.

Le présent projet de loi transpose ainsi trois directives sans guère de rapport entre elles, déjà largement dépassées. La directive Monnaie électronique doit néanmoins permettre le développement de ce type de moyen de paiement, freiné par le monopole bancaire. Laissons-lui une chance.

La directive sur les retards de paiement est attendue par les PME. S'agissant de supervision bancaire, l'union bancaire permettra la recapitalisation des établissements financés par le MES. Le mécanisme commun de résolution des crises et la garantie des dépôts bancaires des épargnants seront mis en oeuvre en 2013 et 2014.

C'est un grand progrès. Les radicaux de gauche soutiendront toutes les avancées impulsées par le Gouvernement pour une Europe plus solidaire et protectrice. En attendant, compte tenu de l'urgence, l'ensemble du groupe RDSE votera ce projet de loi.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Les articles 2, 5, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 16, 17, 23, 25, 26, 27, 28, 29, 31, 32, 33, 34, 34 bis, 35 et 43 sont adoptés.

L'ensemble du projet de loi est définitivement adopté.

La séance est suspendue à 17 h 45.

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Question prioritaire de constitutionnalité

M. le président.  - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date de ce jour, une décision du Conseil sur une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du II de l'article 6 de la loi du 20 décembre 2011 relative à la rémunération pour copie privée.

Conseillers départementaux

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral et le projet de loi organique relatif à l'élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux. Il a été décidé que ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.

Discussion générale commune

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur .  - Un tournant ambitieux. C'est bien de cela qu'il s'agit. La démocratie n'est pas un modèle figé, abouti, elle doit se moderniser, s'approfondir pour renforcer le lien si singulier entre nos concitoyens et leurs représentants, ce lien constitutif de notre histoire et de notre Nation, garant de la cohésion au coeur du pacte républicain. Nous débattons aujourd'hui d'une nouvelle phase de réforme pour donner un nouvel élan à notre démocratie locale. Il y a un an, le Sénat a adopté une proposition de loi abrogeant le conseiller territorial. Je salue cette initiative utile. Le président de la République, lors de son discours de Dijon, puis lors des états généraux de la démocratie en octobre, a fixé les grandes orientations -confiance, clarté, cohérence et démocratie- que le Gouvernement met en oeuvre notamment par ces deux projets de loi.

Dans nos collectivités locales, une culture démocratique s'est affirmée, faite de proximité et de dialogue, qui a permis de rapprocher nos concitoyens des décisions publiques. Pourtant, nous ne sommes pas allés jusqu'au bout. Il fallait au préalable revenir sur la création du conseiller territorial qui confondait deux échelons, région et département, qui n'ont ni la même logique de fonctionnement ni les mêmes perspectives d'action ; il aurait été source d'inefficacité. (Marques de dénégation à droite) Or, la démocratie exige transparence et clarté. Les citoyens doivent savoir qui fait quoi et qui décide de quoi. (Exclamations à droite) Le conseiller territorial était voué à faire des allers-retours permanents. (Mêmes mouvements) Or, l'élu local doit être au coeur de la réalité du terrain. Le mode de scrutin retenu était de plus défavorable au pluralisme, et surtout à la parité. Enfin, les économies attendues de la réforme n'ont jamais été démontrées. Bref, le conseiller territorial relevait de l'usine à gaz (exclamations à droite) : il compliquait là où il fallait simplifier et clarifier. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs) Il était d'ailleurs critiqué aussi bien à droite qu'à gauche...

Cette réforme était en fait l'expression d'une défiance à l'endroit de la démocratie locale et des élus. (Marques de dénégation à droite)

Le président de la République l'a rappelé lors des états généraux de la démocratie locale : les libertés locales sont une conquête républicaine ; les faire progresser, c'est faire progresser la République. Dans ce mouvement de conquête, le département a une place particulière.

M. Éric Doligé.  - De moins en moins !

M. Manuel Valls, ministre.  - En 1790, le découpage départemental a été le symbole d'une conception rationnelle de l'administration ; la loi de 1871 a été une grande avancée démocratique de la IIIe République naissante ; celle de 1982 a mis fin à la tutelle. La démocratie ne peut se concevoir comme un modèle figé : une nouvelle phase de la démocratie locale doit accompagner un nouvel élan de décentralisation. Fusionner les mandats de conseiller général et de conseiller régional relevait d'une volonté d'affaiblissement de la démocratie.

L'échelon départemental est un échelon de proximité, républicain par excellence ; il doit continuer à se moderniser. Chacun est conscient des lacunes du mode de scrutin actuel. Les trois cinquièmes des cantons sont les mêmes qu'il y a deux siècles. Or, depuis 1801, les territoires ont évolué, les populations se sont réparties différemment. L'écart entre le canton le plus peuplé et le canton le moins peuplé est de 1 pour 47 dans l'Hérault, supérieur à 1 pour 20 dans 18 départements, à 1 pour 5 dans 88 départements. Le principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant le suffrage n'est plus respecté.

La sous-représentation des femmes -le mot est faible- dans les assemblées départementales n'est plus supportable. La parité a progressé dans les régions, les communes, au Parlement, mais pas dans les départements : seulement 13,5 % des femmes dans les conseils généraux ! (Marques d'indignation à gauche) Des mesures ont été prises mais rien n'y a fait. Les femmes n'ont représenté en 2011 que 23 % des candidats...

Les dernières élections cantonales ont démontré que le mode de scrutin actuel ne pouvait pas améliorer la situation. Après le renouvellement partiel de 2011, 14 départements n'ont élu aucune femme ; et, dans 3 départements, les assemblées sont restées exclusivement masculines. Du point de vue de la parité, il ne doit plus exister d'exception départementale.

Démocratiser, moderniser, ce n'est pas dénaturer. Le scrutin majoritaire garantit un lien fort entre l'électeur et le territoire : il faut le préserver. Proximité et parité, tels sont les principes qui ont guidé la rédaction de ce projet de loi. J'ai beaucoup consulté. Certains ont proposé un scrutin de liste sur le modèle régional. C'était répondre à l'exigence de parité mais renoncer à la proximité. D'autres ont prôné une élection par arrondissement -c'était faire fi, là encore, de la proximité- ou dans le cadre intercommunal -mais l'intercommunalité est jeune et sa carte est inachevée.

Le canton reste un espace électoral bien identifié et légitime : nous l'avons conservé. Un scrutin moderne et paritaire : c'est l'objectif du scrutin binominal majoritaire que propose le Gouvernement, après le travail de Mme André. Dans chaque canton seront élus solidairement deux conseillers de sexe différent ; le principe s'appliquera aussi aux remplaçants. 95 % des présidents de conseil général et 85 % des vice-présidents sont des hommes. Je vous proposerai, pour les commissions permanentes et les vice-présidents, les mêmes règles que pour les conseils régionaux.

La parité est un gage de représentativité mais elle ne suffit pas. Les cantons actuels ne représentent plus la réalité de la répartition de la population. Il est nécessaire de procéder à une refonte globale de la carte cantonale, tout en conservant un nombre d'élus proche de ce qu'il est aujourd'hui. Un critère clair est fixé dans la loi : l'écart de population d'un canton par rapport à la moyenne départementale ne devra pas dépasser 20 %. (Exclamations à droite)

M. Éric Doligé.  - Quelle catastrophe !

M. Manuel Valls, ministre.  - Cette limite n'a rien d'arbitraire, c'est celle appliquée par le Conseil constitutionnel en matière de redécoupage des circonscriptions législatives. (On le conteste à droite) Certains voudront assouplir cette règle ; je me refuse à ce que perdurent les inégalités actuelles. Mais je tiens à vous rassurer : des exceptions sont prévues, pourvu qu'elles soient fondées sur un motif géographique ou des considérations d'intérêt général -je pense en particulier aux îles et à la montagne. Mais elles devront être spécialement justifiées.

Il faudra aussi améliorer la lisibilité de cette élection, d'où la dénomination proposée de conseil départemental et de conseiller départemental. En outre, les conseils généraux seront renouvelés en totalité et non plus par moitié.

Il faut enfin créer les conditions d'une participation satisfaisante aux élections. A l'heure actuelle, cinq élections sont prévues en 2014, municipales, territoriales, européennes et sénatoriales, soit neuf tours de scrutin en quelques mois. Une faible participation aux élections est à craindre. C'est pourquoi nous proposons de reporter à 2015 les élections départementales et régionales. Le précédent gouvernement avait raccourci la durée des mandats pour créer le conseiller territorial. Nous ne ferons donc que rétablir ce qui avait été défait.

Cette entreprise de modernisation et d'approfondissement de la démocratie locale ne doit pas se cantonner aux seuls départements. Les communautés de communes et d'agglomération ont toujours davantage de responsabilités ; elles doivent s'affirmer comme une réalité démocratique. Les délégués communautaires seront élus au scrutin universel direct, le même jour et par le même vote que les conseillers municipaux. Dans le même temps, l'échelon municipal doit être néanmoins préservé car les Français y sont très attachés ; les élus municipaux sont les premiers représentants de la République devant nos concitoyens. Le texte initial prévoyait que les délégués communautaires étaient signalés parmi les premiers de chaque liste. Votre commission des lois souhaite que le principe de liberté dans l'établissement des listes l'emporte. Je salue son travail mais son texte me semble encore trop complexe. Il faudra y travailler encore.

Démocratiser l'intercommunalité, c'est aussi étendre cette élection par fléchage des délégués communautaires à un plus grand nombre de communes. Il convient en conséquence d'abaisser de 3 500 à 1 000 habitants le seuil de population au-delà duquel les conseillers municipaux seront élus au scrutin de liste. Il y va de la parité, quasiment atteinte dans les communes de plus de 3 500 habitants, là où s'applique l'obligation de constituer des listes paritaires. Dans les communes plus petites, la part des conseillères municipales est de 32 %... Abaisser le seuil, c'est aussi simplifier et rendre plus transparente l'élection municipale. Le panachage rend l'élection plus complexe. Rien ne justifie en outre que des règles telle l'obligation de dépôt de candidature ne s'appliquent pas dans les communes de plus de 1 000 habitants. Votre commission des lois a d'ailleurs étendu cette obligation à toutes les communes. Je sais que le seuil de 1 000 habitants ne fait pas l'unanimité ; nous en débattrons.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - 1 000 habitants, c'est un bon compromis !

M. Manuel Valls, ministre.  - Dans les petites communes, des listes complètes sont difficiles à établir -ce qui justifie le maintien d'un seuil.

Le projet de loi organique est pour l'essentiel lié à la question du vote des ressortissants communautaires aux élections municipales.

Aborder une réforme du mode de scrutin n'est jamais chose aisée. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité que le Sénat en débatte en premier. Le président de la République a fixé de grandes orientations pour la démocratie locale. Veillons à donner un exemple de démocratie, pour ne pas alimenter le sentiment de défiance trop présent chez nos concitoyens, dont témoigne encore une étude très récente du Cevipof.

Nous allons avoir des débats, des oppositions, c'est normal. Je vous invite à mener ces débats avec la volonté de renforcer notre démocratie et l'intérêt général. Prenons le temps de bien négocier le tournant que nous abordons aujourd'hui, c'est important pour notre démocratie locale. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Michel Delebarre, rapporteur de la commission des lois .  - Le Sénat est saisi de deux projets de loi visant notamment à renforcer la parité dans le scrutin départemental et à concrétiser le principe de l'élection directe par les citoyens des délégués communautaires. La mixité progressera en outre au sein des conseils municipaux et se diffusera dans les intercommunalités. Ce sera un atout pour la démocratie locale.

La coopération intercommunale s'est affirmée tout au long de ces dernières années ; dans quelques mois, la carte intercommunale sera achevée. La démocratisation des instances intercommunales est l'aboutissement nécessaire de l'élargissement de leurs attributions et de leur poids financier croissant. Les citoyens éliront désormais en même temps que les conseillers municipaux les membres des organes délibérants des intercommunalités.

Le législateur est appelé à fixer les principes qui régissent l'administration des collectivités. La commission des lois a adopté l'article premier, qui modifie l'appellation des conseils et conseillers généraux. Symbolique, cette clarification n'en est pas moins indispensable. Sous réserve de modifications ponctuelles, la commission a adopté le principe du binôme au sein de cantons redélimités, pour favoriser la parité. Les articles 2 à 13 mettent ainsi fin au scrutin uninominal à deux tours. Le renouvellement par moitié sera remplacé par un renouvellement intégral qui favorisera la continuité des politiques locales. (Exclamations à droite)

L'article 5 prévoit qu'en cas d'égalité des suffrages, l'élection sera acquise au binôme comportant le candidat le plus jeune. C'est une innovation majeure. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Sur ce point, la commission n'a pas intégralement suivi son rapporteur... (Sourires)

Le recours au suppléant sera possible pour tous les cas autres que la démission d'office par le représentant de l'État ou l'annulation de l'élection. La question de la vacance d'un siège devra être examinée.

M. Bruno Sido.  - Il n'y a pas de bonne solution...

M. Michel Delebarre, rapporteur.  - Le remodelage de la carte cantonale est le sujet le plus sensible. Il faut répondre à l'exigence constitutionnelle d'égalité du suffrage. De nombreuses craintes s'expriment : certains redoutent des cantons trop vastes, ou trop peuplés. Certes, l'article 23 prévoit des exceptions de portée limitée et justifiées par des considération d'intérêt général ou géographiques -territoires montagneux ou de faible densité, cantons comportant un nombre très important de communes...Ces règles permettent de respecter la jurisprudence et de prendre en même temps en compte la spécificité des territoires.

Enfin, la commission des lois a approuvé le report des élections départementales et régionales à 2015. Les premières élections prévues à la Martinique et en Guyane dans le cadre de la collectivité unique sont également repoussées à mars 2015.

La commission des lois a approuvé l'économie générale de ce projet de loi ; elle l'a complété pour en conforter la cohérence. Elle a retenu le seuil proposé par le Gouvernement pour élargir l'application du scrutin proportionnel ; 1 000 habitants est un étiage raisonnable qui autorise pleinement l'application de la proportionnelle, et donc de la parité dans les conseils municipaux qui comptent au moins 15 membres et permet sans grande difficulté la constitution des listes. En outre, la réduction du champ d'application du scrutin majoritaire unifie les modalités de vote en vigueur dans ce régime : y seront autorisées les candidatures isolées, les listes incomplètes et le panachage. La commission a en conséquence adopté l'article 16 sans modification et ses corollaires, les articles 17 et 18 -en prévoyant cependant pour le premier tour de scrutin une déclaration de candidature obligatoire dans les communes régies par le scrutin majoritaire. Elle a en outre inversé le principe d'attribution du siège en cas d'égalité des suffrages en retenant le critère du plus jeune.

Pour faciliter l'élection des conseillers municipaux dans les plus petites communes, elle a réduit de deux le nombre des membres de leurs assemblées délibérantes ; l'effectif du conseil municipal serait abaissé de 9 à 7 dans les communes de moins de 100 habitants et de 11 à 9 dans celles de moins de 499 habitants.

La commission a approuvé l'article 19, qui modifie la répartition des conseillers de Paris entre les secteurs : les principes de 1982 sont respectés et les modifications découlent mécaniquement de l'évolution démographique des vingt arrondissements de Paris.

Par coordination, la commission des lois a aligné, dans le projet de loi organique, le mandat municipal pris en compte au titre du cumul des mandats, pour tenir compte de l'abaissement du seuil à 1 000 habitants.

Elle a adopté le dispositif de fléchage pour l'élection au suffrage universel direct des délégués communautaires mais en a assoupli les modalités pour permettre aux différentes listes de mieux répartir entre leurs candidats les responsabilités au sein du conseil municipal et de l'organe communautaire. Elle a supprimé le blocage en tête de liste des candidats fléchés pour le conseil de l'intercommunalité, dispositif unanimement contesté. Le texte de la commission s'efforce de concilier la liberté du choix des candidatures fléchées et la sincérité du scrutin. Il est cependant complexe et perfectible...

Enfin, la commission a adopté le principe de la participation des citoyens des États membres de l'Union européenne autres que la France à l'élection des délégués intercommunaux ; ceux-ci seront désignés par le corps électoral des conseillers municipaux qui, depuis 1998, inclut les ressortissants communautaires.

Cette réforme marque une évolution importante pour la démocratie locale. Elle bouleversera les conditions d'exercice des mandats locaux et les habitudes des électeurs. Mais elle renforcera la légitimité des élus. Les conseillers intercommunaux seront élus au suffrage universel direct ; les femmes seront mieux représentées à tous les niveaux de collectivités ; la gestion départementale en sortira renforcée et modernisée.

La commission des lois soumet à la délibération du Sénat le texte qu'elle a établi pour le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes .  - Je me félicite que la conférence des présidents m'ait accordé un temps de parole dans ce débat. La délégation aux droits des femmes a consacré de nombreux rapports à la parité en politique. Dans les communes de plus de 3 500 habitants et les conseils régionaux, la parité est presque parfaite. En revanche, elle a peu progressé dans les élections au scrutin uninominal majoritaire.

Ce projet de loi apporte des réponses intéressantes pour l'élection des conseils généraux, pour les organes délibérants des EPCI à fiscalité propre et les communes de 1 000 à 3 500 habitants.

Le mode de scrutin proposé pour les élections départementales a suscité beaucoup de questions. Le mode de scrutin actuel dans les départements n'offre aucun avenir à la parité : les femmes ne représentent que 14 % des conseillers généraux et trois départements sont dirigés par un conseil exclusivement masculin.

Le Gouvernement propose de constituer des binômes pour ces élections, en divisant par deux le nombre de cantons. Ce mode de scrutin inédit permettra d'instaurer la parité. Les candidats seront solidaires dans l'élection, mais après ? Les deux conseillers deviendront indépendants l'un de l'autre. Les femmes ne risquent-elle pas de se trouver, une fois de plus, cantonnées aux questions sociales, d'éducation et de santé quand les hommes s'arrogeront le monopole des sujets économiques ? (Exclamations sur divers bancs)

M. Bruno Sido.  - C'est un procès d'intention !

M. Jean-Patrick Courtois.  - Scandaleux !

Mme Éliane Assassi.  - C'est pourtant la réalité aujourd'hui !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.  - La conjonction du critère démographique et de la réduction de moitié du nombre de canton ne risque-t-elle pas d'être défavorable à la ruralité et à la proximité, et d'accélérer la disparition des services publics ? (Marques d'approbation à droite)

Le binôme sera-t-il composé de conseillers issus de la même formation politique ? Seule l'expérience le dira mais on peut craindre un renforcement du bipartisme. Certains, dont je suis, estiment que le scrutin proportionnel s'imposait.

La délégation s'était demandé si le Conseil constitutionnel allait conserver le mode d'élection des conseillers territoriaux. Elle avait recherché une disposition pour favoriser la parité, afin de remédier aux inconvénients du scrutin majoritaire.

Dans les départements, les exécutifs locaux seront paritaires, sur le modèle des conseils régionaux. Nous nous en félicitons.

Pour les élections municipales, le seuil d'application du scrutin proportionnel est abaissé à 1 000 habitants, ce qui favorisera la parité.

Les délégués des EPCI à fiscalité propre seront dorénavant élus directement par les électeurs. La délégation s'est inquiétée du fléchage proposé par le Gouvernement, mais aussi du dispositif retenu par la commission, bien compliqués à ses yeux. Je me suis inquiétée personnellement de voir l'intercommunalité se développer au détriment des communes.

Telles sont les principales remarques que je voulais formuler au nom de la délégation. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC ; Mmes Laurence Rossignol et Hélène Lipietz applaudissent aussi)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois .  - Merci, monsieur le ministre, de nous présenter ces textes qui, dans le cadre de la révolution tranquille de l'intercommunalité, constituent un pas essentiel.

Je me souviens qu'il y a une vingtaine d'année, j'avais eu l'honneur de présenter devant le Sénat la loi de 1992 sur les communautés de communes. Il y avait ici quelque scepticisme.

M. Bruno Sido.  - Il y en a toujours !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Chemin faisant, nous avons remarqué que la liberté était féconde. Les communautés ne portant pas atteinte aux communes, les périmètres n'étant pas imposés, de nombreuses communautés se sont créées.

Grâce à une loi que le Sénat a votée, il existe désormais des communautés de communes urbaines et d'agglomération dans toute la France. Ce modèle s'est donc généralisé.

La question de la démocratie est désormais posée : la Révolution française a fixé la règle que pour pouvoir lever l'impôt, il fallait être élu au suffrage universel direct. (M. François Grosdidier s'exclame) Or, la réalité, c'est que des communautés d'agglomération et urbaines ont des budgets qui représentent 70 % de la dépense publique alors que celui de la commune centre est bien inférieur. Dès lors, tous les élus intercommunaux découleront du suffrage universel. La révolution de l'intercommunalité aura enfin un support démocratique. Qui pourrait s'y opposer ?

Ce projet de loi marque un pas important. Je suis fier, monsieur le Premier ministre... (rires et applaudissements à droite) j'anticipe peut-être... (mêmes mouvements) monsieur le ministre, d'appartenir à la majorité qui va conforter cet acquis.

Il faut encore travailler, M. Delebarre l'a dit, pour clarifier les choses et rendre la loi intelligible. Certains ont imaginé des numérotations, voire des doubles numérotations. Il y a d'autres manières, plus simples, d'identifier les candidats pour siéger dans les intercommunalités. Disons les choses clairement.

Deuxième question, celle du département. Je vois le débat qui s'amorce : on va évoquer le monde rural... (Exclamations à droite) Nous y sommes tous attachés. (Nouvelles exclamations à droite) Nous sommes nombreux à vouloir tenir compte des évolutions démographiques de ces territoires.

M. Alain Fouché.  - Il n'y a aucun rapport entre les élus des villes et ceux des territoires !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Le seuil de 20 % est celui retenu pour les circonscriptions législatives ; c'est celui que retient le Conseil d'État. Dès lors que le Conseil constitutionnel fixe ce seuil, que le Conseil d'État le confirme, on s'exposerait, en votant autre chose, à un recours devant le Conseil constitutionnel.

M. Bruno Sido.  - Il y en aura un de toute façon !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Si vous ne tenez aucun compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il faut l'assumer et dire ce que vous proposez.

M. Bruno Sido.  - Nous le ferons ! (Exclamations à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Nous irons au maximum de ce que l'on pourra faire pour prendre en compte les particularités géographiques et démographiques, dans les limites de ce principe. Je vois mal un gouvernement, une majorité, quels qu'ils fussent, qui pourraient justifier que l'on fît autrement.

La solution qui nous est proposée a le mérite d'instaurer la parité. Vous avez voté une révision de la Constitution qui a introduit cette notion.

M. Bruno Sido.  - Elle ne rend pas la parité obligatoire !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Il s'agit de la favoriser.

M. Henri de Raincourt.  - Bien sûr.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Le dispositif proposé permet également de maintenir l'attachement au territoire.

M. Bruno Sido.  - Je vous démontrerai le contraire !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - La proportionnelle, disent certains ? Elle coupe l'élu du terrain, disent d'autres. (On le confirme à droite)

J'attends les solutions alternatives qui soient compatibles avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État, qui favorisent la parité et qui préservent l'ancrage territorial.

M. Gérard Le Cam.  - Scandaleux !

M. François Grosdidier.  - Vous ne voulez même plus de la parité dans les familles !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Enfin, il y a la question des dates. Cinq élections la même année, dont quatre à deux tours, cela fait neuf tours de scrutin. C'est impossible à organiser.

M. Bruno Sido.  - Aux États-Unis, comment font-ils ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - La culture y est différente. Nous avons nos traditions françaises. (Exclamations à droite) Il faut trouver une solution. Peut-être pouvez-vous en préparer une autre ?

Sur le mode de scrutin départemental, une réforme est indispensable. Personne, à ce jour, n'a proposé de solution alternative.

M. Gérard Collomb.  - Si ! Si !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Nul ne peut contester que ce projet de loi constitue une avancée majeure vers la démocratie. J'espère qu'il emportera votre adhésion. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Rappel au Règlement

Mme Catherine Troendle .  - Mon rappel au Règlement se fonde sur l'article 29 ter du Règlement.

Ce texte a été déposé sur le bureau du Sénat le 28 novembre. Le rapporteur a été nommé le 5 décembre, le rapport a été publié le 19 décembre. Comment le rapporteur a-t-il pu réaliser dans un aussi bref délai un travail approfondi sur un texte aussi important (exclamations sur les bancs socialistes) qui concerne 101 départements, 4 056 cantons, 15 communautés urbaines, 202 communautés d'agglomération, 2 356 communautés de communes, 6 642 communes, soit 64 millions de Français ? La liste des personnes entendues est bien courte : cinq associations, la DGCL ; le rapporteur s'est contenté d'analyser des contributions écrites de trois associations d'élus : l'AMF, l'AMFR et l'ARF. Les partis politiques n'ont pas été entendus, sur un projet de loi électoral. Le travail est bâclé, la réflexion annihilée. C'est sûrement cela, le changement ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. François Rebsamen .  - Je ne vois pas en quoi l'article 29 ter peut fonder ce rappel au Règlement. Cet article concerne le temps de parole. Vous êtes hors sujet !

Mme Catherine Troendle.  - Pas du tout !

M. François Rebsamen.  - Il s'agit d'une intervention d'opportunité, vous pourriez la faire à un autre moment ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Discussion générale commune (Suite)

M. Philippe Adnot .  - J'étais favorable à la suppression de conseiller territorial.

M. Bruno Sido.  - Bien à tort.

M. Philippe Adnot.  - Je ne le regrette pas. Les départements avaient beaucoup à y perdre. Je suis favorable au redécoupage des cantons, qui était nécessaire. Les dérogations doivent toutefois tenir compte des contraintes géographiques, et aussi démographiques. Fallait-il pour autant modifier le mode de scrutin ? La sous-représentation féminine justifiait des modifications. Je propose la proportionnelle en milieu urbain, par exemple à partir de 100 000 habitants, tout en préservant le lien entre élu et territoire en zone rurale. Le Sénat compte bien des élus à la proportionnelle et des élus au scrutin uninominal ! Je sais que beaucoup sont favorables au système que je propose, qui mérite réflexion.

Les critiques faites au scrutin binominal méconnaissent le fait que les élus départementaux ne sont pas des gestionnaires locaux.

M. François Rebsamen.  - Absolument.

M. Philippe Adnot.  - Le système binominal serait acceptable, sous réserve que l'on fasse évoluer le seuil de 20 %. Je préfère toutefois ma solution, mais ce dont je ne veux en aucun cas, c'est de la proportionnelle intégrale. On sait comment sont faites les listes : dans les grandes agglomérations.

M. Roland Courteau.  - C'est bien vrai.

M. Philippe Adnot.  - Sur les municipales, je salue le passage de 500 à 1 000. Les communes préféreraient 1 500. M. le ministre a ouvert la porte ; c'est dans ce sens qu'il faut aller.

M. Jean-Jacques Hyest .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) On nous annonce une grande loi sur la décentralisation. Les engagements du président de la République sont assez flous... En attendant le cumul des mandats...

M. François Grosdidier.  - Avec M. Delebarre comme rapporteur ? (Sourires à droite)

M. Jean-Jacques Hyest.  - La loi de 1982 a été une grande loi.

M. Jean-Michel Baylet.  - Faite par la gauche.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Refusée par la droite.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Pas par moi : je n'étais pas élu, à l'époque.

A l'époque, le préfet dirigeait le département. C'est une chose qui nous paraît désormais inimaginable. Depuis, il y a eu la loi de 1992 dont parlait M. Sueur, puis la loi Chevènement, mais aussi la loi Raffarin, qui ont contribué à faire de notre pays une République toujours une mais plus décentralisée.

La mode chez les experts est de supprimer les petites communes et les départements. C'est le dada des grands ordonnateurs de la pensée unique qui ignorent ce qui existe au-delà du périphérique.

M. Yves Daudigny.  - M. Copé veut supprimer les départements.

M. Henri de Raincourt.  - Attali aussi.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Le président Sueur a rappelé le texte de 1793 sur le suffrage universel -en oubliant qu'il n'avait pas été question alors de distinguer entre suffrage direct et indirect. Le scrutin indirect n'est pas moins le scrutin universel, faut-il le rappeler ici ? A prendre au mot le président de la commission des lois, le Sénat ne serait pas apte à voter le budget...

Laissons un peu de souplesse dans l'élection des délégués. Beaucoup d'élus nous ont fait part de leurs préoccupations diverses.

Mme Jacqueline Gourault.  - Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Pour les élections communales, nous pensons que le seuil de 2 000 habitants est pertinent ; c'est d'ailleurs celui que retient l'Insee pour définir les communes rurales.

La carte de l'intercommunalité est quasiment achevée ; elle a été confirmée avec le changement de gouvernement. Cela montre que les préfets sont au service de la République : ils ont fait leur travail honnêtement. La proposition de loi Richard devrait faciliter le processus.

Les départements ont résisté aux tentatives d'affaiblissement mais ils sont en grande difficulté financière. L'effondrement des DMTO va aggraver leur situation. La gauche a supprimé le conseiller territorial. C'était une véritable réforme, que votre conservatisme ne pouvait tolérer. (Exclamations à gauche)

M. Claude Bérit-Débat.  - Et la parité ?

M. Jean-Jacques Hyest.  - Beaucoup d'économies auraient pu être réalisées, moins sur les indemnités des élus qu'en évitant les doublons, toutes ces décisions purement clientélistes et d'affichage. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Aucun motif d'intérêt général ne justifie le report des élections régionales à 2015. Vos raisons sont à rechercher ailleurs. Il était légitime de les tenir en même temps que les européennes !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Ce ne sont pas les mêmes circonscriptions !

M. Jean-Jacques Hyest.  - L'argument ne vaut rien : ce ne sont pas non plus les mêmes circonscriptions pour les départements et pour les communes.

Vous inventez un mode de scrutin exotique et incompréhensible pour les électeurs, que vous couplez avec un redécoupage des cantons qui aura pour effet de supprimer cette spécificité des assemblées départementales qu'est la représentation des territoires ruraux.

Le retour au seuil de 10 % pour le deuxième tour, on sait ce qu'il signifie : favoriser les triangulaires.

M. Bruno Sido.  - Un cadeau au Front national.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Encore une fois, vous ne recherchez que votre intérêt électoral. La moindre des choses aurait été de désigner, pour le découpage, une commission indépendante ! (Exclamations ironiques à gauche)

M. Alain Bertrand.  - La Cocoé ? (On s'amuse sur divers bancs)

M. Jean-Jacques Hyest.  - Le seuil de plus ou moins 20 % ne me choque pas dans le principe. J'observe toutefois que, dans certains départements, il aura pour effet que tous les conseillers généraux seront rassemblés au centre sans qu'il reste plus rien autour. (Applaudissements à droite)

Si votre scrutin binominal est si merveilleux, pourquoi ne pas l'appliquer demain aux députés ? (Rires approbateurs à droite)

L'approche du ministre était sympathique, comme d'habitude. Il nous dit en substance « Embrassons-nous Folleville ! ». Mais son projet risque fort d'éloigner encore un peu plus nos concitoyens des urnes. Je suis pour une opposition constructive : d'accord sur l'intercommunalité, pas du tout sur cette réforme des conseils généraux. (Applaudissements à droite)

Mme Éliane Assassi .  - Ce projet de loi a été déposé le 28 novembre dernier, le rapport présenté dès le 19 décembre en commission, sans que le ministre ait été entendu.

Mme Catherine Troendle.  - Absolument !

Mme Éliane Assassi.  - Cette précipitation ne nous a pas permis d'organiser une véritable concertation... (on renchérit bruyamment à droite) pour rapprocher les positions de notre majorité de gauche. Ce débat doit pourtant avoir lieu. Espérons que le Gouvernement évoluera et permettra à la majorité de se rassembler. Après l'abrogation du conseiller territorial, il suffisait d'un texte reportant les élections départementales et régionales à 2015 ; nous aurions alors eu le temps d'élaborer le meilleur système et de trouver un accord.

Malheureusement, les conditions d'examen de ce texte risquent de l'interdire. Nous espérons encore néanmoins trouver un accord.

Nous sommes favorables au report des élections régionales et départementales à 2015 ; le mandat avait été raccourci par la précédente majorité. Le scrutin municipal gagne à être autonome. Nous sommes également favorables au changement de nom des conseils généraux et à leur renouvellement intégral tous les six ans. D'accord aussi pour l'abaissement du seuil de la proportionnelle pour les élections communales, que nous souhaiterions voir généralisé. Nous vous proposerons d'élargir encore le champ de la réforme pour étendre cette avancée démocratique à 7 000 communes supplémentaires, avec un seuil à 500 habitants. Ce serait aussi une avancée en termes de parité.

Le scrutin binominal doit également renforcer la parité mais nous ne pouvons accepter le recul en termes de pluralisme : le bipartisme en sortira renforcé. (On le confirme à droite) Il faut à la fois la parité et le pluralisme, que seule garantit la proportionnelle par liste, avec une alternance entre les sexes. L'élection départementale que vous proposez serait un anachronisme démocratique ! Aussi nous vous demanderons, dans nos amendements, une représentation plus démocratique du pluralisme républicain. Faisons oeuvre d'intelligence pour inventer un mode de scrutin qui réponde à tous les objectifs.

Autre point de désaccord : l'élection des délégués communautaires, qui deviennent des « conseillers », c'est-à-dire des élus représentant leur commune au sein de l'intercommunalité. Ils changent de statut, comme si les intercommunalités étaient des collectivités locales à part entière.

Nous sommes inquiets des pouvoirs dévolus aux préfets, qui peuvent forcer les communes récalcitrantes à l'intégration. Les contentieux se multiplient d'ailleurs, comme dans la Loire. L'augmentation du transfert de compétences des communes aux intercommunalités nous inquiète également. Le fléchage des délégués est une première étape vers la disparition des communes. (M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, et M. François Rebsamen le contestent) Nous proposerons l'élection des délégués communautaires au scrutin de liste à la proportionnelle. Si nos amendements n'étaient pas retenus, difficile pour nous de soutenir ce texte, même si nous nous félicitons de la suppression du droit d'ainesse et la primauté donnée à la jeunesse en cas d'égalité des suffrages.

Malheureusement, votre projet ne va pas dans le sens du renforcement de la démocratie. Nous le regrettons. Pour l'heure, la porte est encore ouverte. (Applaudissements sur les bancs CRC ainsi que sur certains bancs UMP)

M. François Zocchetto .  - Mme Troendle et Mme Assassi ont eu raison de dénoncer les conditions d'examen de ce texte. Comment le Sénat peut-il examiner un texte aussi important et lourd de conséquences en un laps de temps aussi court ? Aucun membre du Gouvernement n'a été auditionné ! Il a fallu toute l'expérience et la dextérité de notre rapporteur pour remédier à ces insuffisances d'information. (Applaudissements sur les bancs UMP et UC-UDI) C'est un exemple de plus du manque de concertation entre le gouvernement et le Parlement. Même avec vous, monsieur le ministre, même en 2013 !

M. Manuel Valls, ministre.  - Je n'ai pas été invité.

M. François Zocchetto.  - Vous nous avez imposé ce calendrier.

M. Manuel Valls, ministre.  - Je vous ai reçu, monsieur Zocchetto.

M. François Zocchetto.  - Nul ne contestera à ce texte son mérite principal : la créativité. Le scrutin binominal est, pour le moins, pittoresque. C'est sans aucun doute une première mondiale.

M. François Rebsamen.  - Et le conseiller territorial ?

M. François Zocchetto.  - L'exception culturelle française se double d'une exception électorale. Le groupe UDI-UC est unanimement opposé au mode de scrutin retenu. Ce binôme est tout simplement absurde. La solidarité ne durerait que le temps de l'élection.

M. François Rebsamen.  - Qu'avez-vous à proposer ? Le conseiller territorial ?

M. François Zocchetto.  - Conjuguée au redécoupage des cantons, cette réforme va écraser la représentation des territoires ruraux. (Applaudissements à droite) Plutôt que d'empêcher les départements de fonctionner en organisant la zizanie sur leur territoire, autant annoncer d'emblée leur suppression !

Vous avez choisi de ne pas augmenter le nombre de conseillers généraux...

M. François Rebsamen.  - Vous les aviez supprimés !

M. François Zocchetto.  - Dans le Rhône, chacun des conseillers départementaux représenterait 80 000 habitants, quand une ville de 80 000 habitants est représentée par 54 conseillers municipaux !

Nous sommes donc enclins à combattre ce projet de loi. Certes, le redécoupage de la carte électorale s'imposait. Mais le pourcentage de 20 % est insuffisant pour toutes les zones à faible densité de population : des cantons gigantesques vont être créés au détriment de leur identité.

Vous n'avez pas intégré la notion de bassin de vie, de communautés de communes : quelle erreur ! (Applaudissements sur les bancs UC-UDI et UMP) Nous proposons la suppression de ce seuil pour laisser plus de souplesse au redécoupage. Puisque vous voulez des seuils, nous proposerons plus ou moins 50 %. (Applaudissements à droite) En la matière, la souplesse est la seule solution possible.

J'en viens au calendrier électoral. (« Ah ! » à droite) Il s'agit, dites-vous, d'éviter la concomitance des élections. L'organisation le même jour des cantonales et des régionales a-t-elle réduit la participation en 1992 ? Nous ne le croyons pas. En quoi l'organisation de la concomitance des élections cantonales et régionales impose-t-elle de modifier le calendrier électoral ? Vous allez nous dire que vous supprimez le conseiller territorial. La loi du 16 février 2010 est juridiquement indépendante de la création de ce conseiller. Quelles sont donc vos véritables motivations ? Les élections intermédiaires ont toujours été compliquées pour le pouvoir en place : pour modifier le calendrier, il faut des motifs valables. Quels sont les motifs pour repousser les élections régionales ? En outre, ces élections auront de grandes conséquences sur le collège des grands électeurs. (On le confirme à droite) Or les sénatoriales se tiennent en 2014... Vous avez le droit de le proposer, nous avons le droit de nous y opposer.

M. Bruno Sido.  - La ficelle est un peu grosse !

M. François Zocchetto.  - Le Conseil constitutionnel saura répondre sur ce point.

S'agissant du fléchage, je regrette le mécanisme ultra-compliqué qui a été prévu par la commission des lois.

Le mode de scrutin pour les élections municipales ? Nous préférons un seuil fixé à 1 500 habitants, plutôt qu'à 1 000 pour la proportionnelle.

M. François Rebsamen.  - 500 pour le conseiller territorial !

M. François Zocchetto.  - L'abaissement du seuil requis de 10 % des inscrits pour se présenter au deuxième tour ? Lors des dernières élections, cet abaissement aurait provoqué plus de 300 triangulaires. (Applaudissements à droite)

M. Bruno Sido.  - Là encore, la ficelle est un peu grosse !

M. François Zocchetto.  - Ce sont les candidats du Front national qui en bénéficieront, vous le savez bien. A l'UDI-UC, nous ne souhaitons pas de telles triangulaires. (Applaudissements à droite)

Vous modifiez le mode d'élection avant d'avoir modifié les missions des départements. C'est mettre la charrue avant les boeufs ! Pourquoi ne pas avoir redéfini les missions de chaque collectivité avant toute chose ?

Le groupe UC-UDI est fermement opposé à ce texte, non parce qu'il ne veut pas débattre mais parce votre système va porter atteinte aux territoires ruraux et désorganiser les départements. (Applaudissements sur les bancs UMP et UC-UDI)

M. Jacques Mézard .  - Le conseiller général est mort. Faut-il créer ici le conseiller départemental ? Nous passons de l'être électoral hybride au couple strictement hétérosexuel -au moment même où il est question du mariage pour tous. (Rires et applaudissements à droite) Que se passera-t-il quand le couple ne sera plus d'accord ?

Dans les deux partis politiques dominants, il y a des esprits suffisamment tortueux pour inventer soit le conseiller territorial, soit le conseiller binomial.

La constitutionnalité du scrutin binominal est-elle avérée ? Est-il possible de se soustraire à l'individualisation de l'élection ?

M. Bruno Retailleau.  - Bonne question.

M. Jacques Mézard.  - Le système modifiera les circonscriptions électorales dans tous les départements. Or, l'article 34 est clair sur ce point : le canton est la circonscription électorale des conseils généraux. Ce projet de loi modifie donc de façon générale la représentation du département.

Ce projet de loi présente des aspects positifs... et négatifs.

Sur la forme, la concertation n'a pas eu lieu. Le projet de loi ne tient pas compte de la mission Belot ni du rapport Gourault-Krattinger qui recommandait de faire confiance à l'intelligence de territoires. Le binôme n'a été défendu par personne. Les états généraux de la démocratie territoriale n'en ont soufflé mot. En revanche, grâce à ce texte, la parité sera totale et les déséquilibres seront corrigés. Ce que le Gouvernement refuse, c'est de dire clairement l'avenir qu'il réserve aux départements. (Applaudissements à droite) Allez-vous les diluer en douceur ? Il faudrait que le Gouvernement dise quels sont ses objectifs.

Une infime minorité de nos concitoyens savent qu'un canton sur deux va disparaître. Nombre de conseillers généraux ne savent pas que vous allez les faire bénéficier d'une retraite anticipée ! (Rires)

La diminution drastique du nombre de cantons entraînera des conséquences néfastes pour les territoires ruraux. Les 20 % seront un véritable carcan. Le découpage des cantons devrait se faire de façon équilibrée, en tenant compte de la démographie, mais aussi des zones géographiques.

L'article 40 a frappé nombre d'amendements, ce n'est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs UC-UDI)

Ce projet de loi aura des effets plus importants que vous ne le pensez. La concertation devrait se poursuivre. S'il s'agissait d'affaiblir le Sénat, le bicamérisme, ce serait vraiment dommage. Voyez ce qu'il en a été pour la péréquation en faveur des départements ruraux : le lendemain du vote à l'unanimité de notre amendement, le Gouvernement a déposé un amendement en sens inverse. (Applaudissements sur les bancs UC-UDI)

Ce texte ne doit pas aggraver la fracture territoriale qui se creuse.

Notre groupe vous a, à maintes reprises, soutenu mais il vous demande de répondre à ses questions pour se prononcer. (Applaudissements sur les bancs du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP)

Mme Hélène Lipietz .  - Enfin ! Nous attendions depuis un an une grande loi sur la décentralisation. Face à la mondialisation, comment faire en sorte que notre pays demeure un modèle démocratique ? Comment donner l'envie à nos concitoyens de voter ? Votez, ce n'est pas se soumettre, c'est prendre la parole pour changer le monde. Il n'y a pas de vote de chômeurs ou d'exilés fiscaux, de riches ou de pauvres : l'alchimie du vote permet à chacun de se faire entendre.

Enfin, la réforme arrive ! Nous commençons par le mode d'élection. Est-ce le sujet le plus facile ? Sans doute pas. Et nos concitoyens nous soupçonnent de vouloir magouiller parce que nous sommes juges et partie. A la démagogie qui accuse les élus de s'accrocher à leurs privilèges, il faut opposer la pédagogie pour justifier l'exercice : il faut adapter les modes de scrutin à la démographie et renforcer la parité.

Avec le binôme, toutefois, on crée un septième mode de scrutin...

Faisons preuve de pragmatisme en examinant ce qui fonctionne et ce qui dysfonctionne à chaque échelon institutionnel. Et faisons preuve d'honnêteté en ne favorisant pas notre propre camp et en donnant à nos citoyens une vraie représentation politique. Le projet de loi est taillé pour faire triompher la parité. Celle-ci est un moyen d'assurer la représentation, ce n'est pas son but en soi. (M. Bruno Retailleau approuve) Ce projet maintient un scrutin catholique dans un état laïc, celui qui permettait d'élire les abbés et les abbesses en écrasant les voix minoritaires. La parité et la pluralité sont possibles : nos amendements en témoignent. Pour les élections régionales, le mode de scrutin fonctionne. La peur du Front national ne doit pas nous empêcher de proposer ce qu'il y a de mieux en démocratie. Le Front national représente un Français sur cinq, nous ne pouvons les priver de toute représentation ! C'est par notre travail sur le terrain et par la pédagogie que nous ferons reculer les extrémismes ; c'est en rentrant dans les institutions que leurs défenseurs prouveront l'ineptie de leurs conceptions.

Le mode de scrutin prévu renforcera le clivage droite-gauche, au détriment des sensibilités différentes. Si le projet demeure en l'état, nous risquons de belles surprises lors des prochaines élections.

Enfin, ce système aura pour conséquence de créer des cantons immenses dans les zones rurales et minuscules dans les villes.

Nous présenterons donc trois amendements graduant le recours au scrutin proportionnel. Pourquoi ne pas instaurer le scrutin binominal pour les législatives, s'il est si merveilleux ? (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Philippe Kaltenbach .  - Ce projet de loi poursuit un unique objectif : moderniser notre démocratie territoriale afin de rapprocher la décision du citoyen.

Pour accompagner l'acte III de la décentralisation, il fallait réformer les modes de scrutin et réaménager le calendrier électoral. Enfin, ce texte abroge le conseiller territorial, cet élu hybride qui aurait siégé dans deux assemblées distinctes. (Murmures de réprobation à droite) Certaines ont qualifié ce binôme de baroque, d'absurde. Mais que dire du conseiller territorial ? Son seul objectif était de permettre à l'UMP de gagner des sièges. (Exclamations à droite) On nous disait que les élus coûtaient trop cher, bel argument pour asseoir les pouvoirs des élus locaux !

Avec ce projet de loi, nous renforcerons la proximité, la parité et l'égalité devant le suffrage. Il a fallu beaucoup d'ingéniosité pour inventer le scrutin binominal qui garantit l'atteinte de ces trois objectifs.

M. Bruno Sido.  - Pour la proximité, c'est raté !

M. Philippe Kaltenbach.  - Les conseils départementaux seront renouvelés intégralement tous les six ans. La réforme du mode de scrutin est bienvenue.

M. Bruno Sido.  - A quand le Sénat ?

M. Philippe Kaltenbach.  - Nous en reparlerons sûrement dans quelques mois... Avec ce projet de loi, une véritable révolution se profile : dans les conseils généraux, il n'y a que 13 % de femmes élues et dans trois départements, aucune femme ne siège : Haute-Corse, Tarn-et-Garonne et Deux-Sèvres.

M. Bruno Sido.  - Ils sont de gauche ces trois départements !

M. Philippe Kaltenbach.  - Des élus de droite y siègent aussi. Sur ces questions, la gauche et la droite sont à égalité.

Avec le mode de scrutin préconisé par le Gouvernement, la parité deviendra une réalité.

On juge la proximité mise en cause. Mais la proportionnelle aurait éloigné bien plus l'élu de ses électeurs. Mieux vaut un grand canton que pas de territoire du tout. (Exclamations à droite)

La Constitution exige l'égalité devant le suffrage. La voix de tout citoyen doit peser du même poids. On ne peut accepter des voix qui pèsent 47 fois moins que d'autres, comme dans l'Hérault.

En Grande-Bretagne, il y avait, au XIXe siècle, les « rotten boroughs », ces bourgs pourris peu peuplés où quelques propriétaires élisaient des représentants conservateurs... Le Gouvernement a suivi les recommandations du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État : il ne peut y avoir d'inégalité devant le suffrage. Le seuil de plus ou moins 20 % reflète la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le groupe socialiste s'est longuement interrogé sur la possibilité de s'affranchir de ce seuil mais il a préféré s'abstenir pour ne pas risquer la censure du Conseil constitutionnel.

L'article 23 permet de s'affranchir de cette règle à titre exceptionnel. Nous proposerons un amendement pour en préciser l'application, mais les modifications ne pourront avoir lieu qu'à la marge.

Le mode de scrutin proposé est ingénieux et permet de répondre à ces trois objectifs.

Enfin, ce texte améliore le scrutin municipal en abaissant le seuil de la proportionnelle à 1 000 habitants. Les femmes ont beaucoup à gagner dans cette réforme. L'opposition sera également mieux représentée.

Le fléchage pour les élus communautaires ? C'est un bon système qui a été amélioré par la commission des lois, grâce à Alain Richard. L'aménagement du calendrier électoral déclenche les foudres de l'opposition, mais il s'agit d'éviter une explosion de l'abstention.

Reporter le vote aux départementales et aux régionales à 2015 permettra à nos concitoyens de s'exprimer en toute connaissance de cause. Le groupe socialiste a procédé à diverses auditions de représentants d'élus, qui semblent satisfaits par ce texte. Merci à M. le ministre pour son écoute. Le Sénat a mis une fois de plus son expertise au service des collectivités territoriales ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Paul Vergès .  - Nous sommes face à un rendez-vous important avec ces deux projets de loi. Le Gouvernement ne veut pas toucher à l'architecture de l'organisation administrative mais souhaite modifier les modes d'élection. Pour La Réunion, à 10 000 kilomètres de la France, la situation est bien différente. Nous nous acheminons vers une rupture historique de l'outre-mer.

Les quatre départements d'outre-mer sont régis par la loi sur les régions ultrapériphériques dans la communauté européenne. La Guadeloupe et La Réunion sont particulièrement concernées. La Martinique et la Guyane ont opté pour une collectivité unique tandis que la Guadeloupe et La Réunion ont préféré garder un conseil général et un conseil régional.

Comment réformer les collectivités territoriales ? L'essence même de cette réforme me pose problème : les quatre départements d'outre-mer sont monodépartementaux. La Martinique et la Guyane en ont tiré la leçon.

Comment, à La Réunion, pouvons-nous nous intégrer dans une telle réforme alors que nous sommes à 10 000 kilomètres de la métropole ? Madagascar, Maurice, les Seychelles, les Comores, proches de nous, vont signer des accords de partenariat économique avec l'Europe. Comment concilier notre intégration en France et dans l'Europe avec notre intégration dans notre environnement économique régional ? Une simple loi électorale conçue pour la métropole ne peut nous aider à répondre à cette question.

Contrairement à la Guadeloupe, La Réunion n'a pas le droit de faire connaître son opinion. Une loi a été votée en 1981 instituant une assemblée unique dans les quatre DOM mais une erreur de référence a fait annuler cette loi...

Le simple principe de précaution mériterait que l'on discute de cette réforme par les intéressés eux-mêmes. Devant l'absence de congrès à La Réunion, le Gouvernement doit consulter la population sur l'opportunité de cette réforme.

Je lance un appel au Gouvernement et à la population pour examiner la situation concrète, concilier le passé et l'avenir et réfléchir sur la réforme effectuée en Guyane et en Martinique pour instaurer une assemblée unique. Nous ne pourrons donc pas participer à ce vote. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Bruno Sido .  - Voici trente ans, la France a rompu avec sa tradition centralisatrice. Le mouvement a été lancé par le général de Gaulle dans les années soixante. Le passage de la France centralisatrice à la France des territoires, nous le devons aux lois Defferre, qui ont fait échapper les collectivités à la tutelle préfectorale et consacré le principe de leur libre administration.

Les élections cantonales se sont alors chargées d'un véritable sens. Or, ce projet de loi fragilise l'équilibre du dispositif né il y a trois décennies. Je soulignerai les limites et les dangers de ce projet et je proposerai des pistes de réflexion.

Président de conseil général, sénateur et président du groupe des départements de droite et du centre au sein de l'ADF, je mesure l'impact du mode de scrutin sur le fonctionnement de la démocratie locale, dans les conseils généraux en particulier. Cette question est de la plus haute importance. Je limiterai mon propos au titre I, relatif au conseil départemental. Selon l'exposé des motifs, il ne s'agirait que de prendre en compte les évolutions des territoires, de moderniser le système et de procéder aux adaptations strictement nécessaires sans remettre en cause ce qui fonctionne bien et depuis longtemps. Malheureusement, la réalité est tout autre avec le passage au scrutin binominal pour un même territoire. Une candidature individuelle, un élu pour un territoire, voilà qui était sans doute trop facile et insuffisamment subtil pour le Gouvernement. Que se passera-t-il si les deux élus cessent de parler d'une même voix ? La crédibilité du conseil départemental en sera affectée. J'ai passé l'âge de la candeur et cessé de croire que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles en politique...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Comme Pangloss !

M. Bruno Sido.  - Rien ne garantit que l'entente entre les membres du binôme va durer ; une fois passé le bonheur de la victoire électorale, chacun votera comme bon lui semble au sein de l'assemblée. L'innovation du binôme est une expérimentation hasardeuse, source de confusion. L'abaissement à 10 % du seuil pour se maintenir au deuxième tour ? La droite risque de ne pas être la seule victime des triangulaires, ne l'oubliez pas !

L'article premier de la Constitution fixe l'objectif d'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions électives. C'est un idéal, non une obligation. Attention à l'excès -faut-il passer en 2015 d'un seul coup de 13 % à 50 % de femmes dans les conseils généraux ? Les conseillers généraux qui resteront sur le bord du chemin ne sont pas moins compétents que les femmes qui les remplaceront ! Je regrette que le Gouvernement confonde vitesse et précipitation. A-t-il pris la mesure des recompositions qui s'annoncent ?

Les exécutifs devront eux aussi être paritaires -on abandonne l'élection individuelle au profit d'une liste déposée par le président de l'exécutif que la majorité ratifiera ; je doute que la démocratie locale y gagne... Avant d'être homme ou femme, les élus sont des citoyens auxquels le corps électoral a fait confiance. Le principal gagnant de ce mode de scrutin illisible sera sans doute l'abstention...

Le Gouvernement entend préserver le lien entre l'élu et son territoire ? C'est le contraire qui arrivera. Le conseiller général est l'élu de proximité par excellence, le relais avec la préfecture et la région. Il est en prise directe avec tous les problèmes de nos concitoyens. Ce mode de scrutin va laminer la représentation des territoires ruraux, éloigner l'élu du citoyen.

Le Gouvernement entend remodeler la carte cantonale pour réduire les écarts de représentation. Il est vrai que les trois cinquièmes des cantons n'ont pas connu de modification de leurs limites administratives depuis 1801, alors que leur démographie a évolué. Le gouvernement Fillon avait proposé une solution appropriée avec le conseiller territorial... Il est anormal que dans la Haute-Marne, le canton de Chaumont Sud et ses 18 000 habitants ait autant de poids dans l'assemblée que le très charmant canton d'Auberive et ses 1 500 habitants... Le constat est clair et partagé.

Le Gouvernement autorise une variation de plus ou moins 20 % autour de la moyenne. Le plus petit canton de mon département comptera 9 202 habitants contre 1 440 aujourd'hui ; pour atteindre ces 9 202, il devra s'étendre sur 1 840 kilomètres carrés...

M. Yves Daudigny.  - Il y aura deux conseillers !

M. Bruno Sido.  - Pourra-t-on encore parler d'élus de proximité ? En Seine-et-Marne, le canton moyen comporterait 60 221 habitants, le plus petit, 40 177. Comment espérer une vraie représentation pour les zones rurales du département ? Allez expliquer après cela que le lien entre l'élu et la population est respecté ! (Applaudissements à droite) Seules des exceptions de portée limitée pourront être apportées. Les territoires de montagne, les territoires ruraux peu peuplés seront-ils concernés ? L'article 23 sera précisé par décret. Nous ne le verrons pas passer...

Le découpage sera fait par la voie réglementaire et non par la loi. Rien ne permet de penser qu'un taux différent de 20 % serait inconstitutionnel. Envisageons une variation de plus ou moins 40 à 50 %, la plupart des déséquilibres seraient corrigés sans créer de cantons démesurés. Prenons le temps d'examiner sérieusement cette possibilité qui n'a rien d'excessif.

La gauche, qui dénonçait hier, et avec quelle énergie, le conseiller territorial, au nom de la proximité, soutient aujourd'hui un texte qui va laminer la représentation de nombreux territoires et menacer l'équilibre entre monde urbain et monde rural. Je souhaite que le Parlement soit saisi du redécoupage des cantons ; l'article 34 le permet. La saisine pour avis des conseils départementaux éclairerait utilement le Parlement.

Tous affirment leur attachement au mandat de conseiller départemental, mais ce projet de loi en organise l'affaiblissement. Malgré quelques points positifs comme le renouvellement en totalité -à quand le Sénat ?-, il nous est impossible de voter un tel texte s'il n'est pas substantiellement modifié. (Applaudissements au centre et à droite)

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 16 janvier 2013, à 15 heures.

La séance est levée à minuit 45.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mercredi 16 janvier 2013

Séance publique

A 15 heures et le soir

1. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'engagement des forces armées en réponse à la demande d'intervention militaire formulée par le président du Mali, en application de l'article 35, alinéa 2, de la Constitution.

2. Suite du projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral (n°166 rect., 2012-2013) et du projet de loi organique relatif à l'élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux (n°165 rect., 2012-2013).

Rapport de M. Michel Delebarre, fait au nom de la commission des lois (n°250, 2012-2013).

Textes de la commission (nos252, 2012-2013 et 251, 2012-2013).