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Table des matières



Modification à l'ordre du jour

Questions orales

Enfants français nés à Madagascar

Mme Claudine Lepage

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée de la francophonie

Avenir de la résidence universitaire d'Antony

M. Philippe Kaltenbach

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Vente démembrée de terres agricoles et droit de préemption des Safer

M. Marc Laménie

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

Attaques du loup

M. Gérard Bailly

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

Centre de stockage de déchets à Nonant-le-Pin

M. Jean-Vincent Placé

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique

Journée de carence

Mme Catherine Procaccia

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique

Rémunération des heures de vie de classe

M. Alain Houpert

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Rased

M. Bernard Cazeau

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Rythmes scolaires (I)

M. Jean-François Humbert

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Langues de France

M. Alain Fauconnier

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Rythmes scolaires (II)

M. Robert Tropeano

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Interdiction de fumer en voiture

M. Yannick Vaugrenard

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille

Baignades artificielles

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille

Plate-forme de la CPAM à Saint-Pol-sur-Ternoise

M. Jean-Claude Leroy

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille

Crimes contre l'humanité

M. Yves Détraigne

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Sous-préfecture

M. Alain Fouché

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Délinquance en zone rurale

M. Didier Guillaume

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Activités sociales des gaziers et électriciens

M. Michel Le Scouarnec

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Salles de sport bon marché

Mme Laurence Rossignol

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Jalonnement directionnel de Melun

Mme Colette Mélot

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Modification à l'ordre du jour

Rappel au règlement

M. Yves Pozzo di Borgo

Débat sur la suppression de la taxe professionnelle (Suite)

M. Charles Guené, rapporteur de la mission commune d'information.

Mme Françoise Laborde

M. Jean-Vincent Placé

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx

Mme Frédérique Espagnac

M. Jean-Marie Bockel

M. François Patriat

M. Claude Bérit-Débat

M. Bernard Cazeneuve, ministre chargé du budget

Débat sur le rayonnement culturel de la France

M. Louis Duvernois, pour le groupe UMP

Mme Catherine Morin-Desailly

Mme Françoise Laborde

Mme Marie-Christine Blandin

M. René Beaumont

M. Jean-Louis Carrère

M. Michel Le Scouarnec

M. Christophe-André Frassa

M. Jean Besson

M. André Vallini

Mme Claudine Lepage

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Débat sur la politique spatiale européenne

M. Bruno Sido, président et co-rapporteur de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mme Catherine Procaccia, co-rapporteur pour l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

M. Jean-Pierre Plancade

M. André Gattolin

Mme Sophie Primas

M. Jacques Chiron

M. Michel Le Scouarnec

M. Yves Pozzo di Borgo

M. Jean-Claude Lenoir

M. Jean-Étienne Antoinette

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Modification à l'ordre du jour

Questions orales

Enfants français nés à Madagascar

Mme Claudine Lepage

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée de la francophonie

Avenir de la résidence universitaire d'Antony

M. Philippe Kaltenbach

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Vente démembrée de terres agricoles et droit de préemption des Safer

M. Marc Laménie

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

Attaques du loup

M. Gérard Bailly

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

Centre de stockage de déchets à Nonant-le-Pin

M. Jean-Vincent Placé

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique

Journée de carence

Mme Catherine Procaccia

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique

Rémunération des heures de vie de classe

M. Alain Houpert

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Rased

M. Bernard Cazeau

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Rythmes scolaires (I)

M. Jean-François Humbert

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Langues de France

M. Alain Fauconnier

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Rythmes scolaires (II)

M. Robert Tropeano

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Interdiction de fumer en voiture

M. Yannick Vaugrenard

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille

Baignades artificielles

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille

Plate-forme de la CPAM à Saint-Pol-sur-Ternoise

M. Jean-Claude Leroy

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille

Crimes contre l'humanité

M. Yves Détraigne

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Sous-préfecture

M. Alain Fouché

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Délinquance en zone rurale

M. Didier Guillaume

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Activités sociales des gaziers et électriciens

M. Michel Le Scouarnec

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Salles de sport bon marché

Mme Laurence Rossignol

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Jalonnement directionnel de Melun

Mme Colette Mélot

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Modification à l'ordre du jour

Rappel au règlement

M. Yves Pozzo di Borgo

Débat sur la suppression de la taxe professionnelle (Suite)

M. Charles Guené, rapporteur de la mission commune d'information.




SÉANCE

du mardi 26 mars 2013

76e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président

Secrétaires : M. Marc Daunis, Mme Marie-Noëlle Lienemann.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Modification à l'ordre du jour

M. le président.  - J'informe le Sénat que la question orale n°234 de M. Christian Cambon est retirée, à la demande de son auteur, de l'ordre du jour de la séance du 23 avril 2013.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle vingt questions orales.

Enfants français nés à Madagascar

Mme Claudine Lepage .  - Les Français établis dans la circonscription de Tananarive et plus particulièrement ceux rattachés à la Chancellerie de Tamatave éprouvent bien des difficultés à faire transcrire les actes de naissance sur les registres d'état civil français. Le refus des autorités consulaires s'explique par le non-respect des règles malgaches par les autorités locales. Dans ces conditions, les familles, faute de passeport, ne peuvent pas quitter le territoire malgache et voyager, ni se rendre en France sans visa. La solution serait de déclarer les enfants dans les trente jours qui suivent leur naissance auprès de l'officier consulaire à Tananarive. Quelle solution pour les enfants déjà nés, littéralement pris au piège ? Qu'entendez-vous faire pour informer nos compatriotes ?

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée de la francophonie .  - Mme Hélène Conway-Mouret, en déplacement aux États-Unis, m'a demandé de vous répondre. De nombreuses irrégularités sont constatées à Tamatave, les actes de naissance ne peuvent donc être transcrits aux termes de l'article 47 du code civil. Ces documents exigent de nombreuses vérifications : seuls 46 actes sur 295 étaient authentiques, selon la mission effectuée en janvier 2012, 141 étaient apocryphes, 43 non conformes, 12 introuvables... Nous devons redoubler de vigilance car certains cherchent à créer une filiation fictive avec un parent français. Notre représentation diplomatique est intervenue à de nombreuses reprises auprès des autorités malgaches pour remédier aux dysfonctionnements. En outre, il est conseillé, sur le site du poste consulaire, de se rendre directement à Tananarive.

Une mission de l'état civil s'est rendue à Tamatave pour vérifier plus de 300 actes. A cette occasion, les familles ont été reçues et informées des possibilités de recours ; le 25 février dernier, il a été décidé de créer une cellule d'aide.

Mme Claudine Lepage.  - Merci pour ce premier pas mais j'aurais aimé une réponse moins administrative. Quand ces enfants auront-ils leurs papiers ?

Avenir de la résidence universitaire d'Antony

M. Philippe Kaltenbach .  - Le 10 mai 2012, le tribunal administratif de Versailles a annulé le transfert par l'État de la résidence universitaire Jean Zay d'Antony à la communauté d'agglomération des Hauts-de-Bièvre (CAHB), mettant fin au projet de démantèlement de cette installation. L'Ile-de-France manque de logements étudiants : trois logements pour cent étudiants, alors que la moyenne nationale est de huit logements pour cent étudiants. Pourquoi en détruire ?

Le transfert a été autorisé par un amendement opportun à l'article L. 822-1 du code de l'éducation, qui visait ce seul cas. C'était un cavalier législatif qu'avait accepté le ministre Hortefeux, saluant à l'occasion M. Devedjian... Quel avenir pour la résidence universitaire Jean Zay d'Antony ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Merci de cette question qui me donne l'occasion de souligner combien le logement étudiant est au coeur de nos priorités : comme l'a annoncé le président de la République, nous allons construire 40 000 logements étudiants en cinq ans, soit le double de l'objectif de 20 000 fixé par la précédente majorité dans le plan Anciaux, qui l'avait atteint à 50 %...

Je me suis saisie du dossier de la résidence universitaire d'Antony dès ma prise de fonction. La négociation n'ayant pu aboutir, nous sommes obligés d'appliquer l'article 822-1 du code de l'éducation. Pour répondre au déficit de 4 000 logements étudiants dans le département des Hauts-de-Seine, nous projetons de créer 4 050 logements, dont 1 000 au titre des logements détruits. Sachant que le loyer peut représenter 70 % du budget d'un étudiant en Ile-de-France, il est urgent de construire et de sortir de l'impasse, dans l'intérêt des étudiants.

M. Philippe Kaltenbach.  - Merci pour cette réponse. Le sujet d'Antony est juridiquement complexe, cela est vrai. Je souhaite que les élus locaux, les syndicats étudiants et les responsables de la résidence universitaire soient associés à la concertation, aux côtés de la communauté d'agglomération et du conseil général.

Vente démembrée de terres agricoles et droit de préemption des Safer

M. Marc Laménie .  - Le décret du 14 mars 2012, inséré à l'article R. 143-9 du code rural, ordonne à la personne chargée de dresser un acte d'aliénation de l'usufruit ou de la nue-propriété d'un bien rural de le déclarer préalablement à la Safer. Il en résulte une contestation de plus en plus fréquente des promesses de vente des biens démembrés et des contentieux. Quel est l'objectif de ce décret ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt .  - Vous posez une question technique à propos de l'application de l'article 4. 143-9 qui visait à mieux évaluer la perte de terres agricoles. On le sait, tous les dix ans, la France perd l'équivalent d'un département de terres agricoles. Le dispositif crée des difficultés et des contestations, je l'ai noté. Malgré cela, gardons le cap ; le problème plus large est celui de l'utilisation des terres agricoles et leur maintien. Nous devons revenir à une vraie politique du foncier pour éviter le gaspillage des terres agricoles.

M. Marc Laménie.  - La disparition du foncier agricole est une préoccupation partagée. Merci de votre attention.

Attaques du loup

M. Gérard Bailly .  - Président du groupe d'élevage au Sénat, j'évoquerai une nouvelle fois le problème des prédateurs. Plutôt que de plaider devant un ministre que je sais convaincu, j'aurais voulu convaincre Mme la ministre de l'environnement... Les attaques de loups découragent les éleveurs, qui abandonnent des pans entiers d'alpage, laissés en friche. Selon la Fédération nationale ovine, le nombre de loups augmente de 27 % l'an en France.

Le plan loup 2013-2017 sera-t-il suffisant ? Les éleveurs se sentent sacrifiés pour faire plaisir aux écologistes.

M. Jean-Vincent Placé.  - Pas seulement !

M. Gérard Bailly.  - Peut-on parler de bien-être animal quand on dénombre plus de 1 415 attaques en 2011, et 4 900 bêtes mortes dans d'atroces conditions ? Faut-il que les loups s'en prennent aux enfants pour que nous soyons entendus ?

Combien coûte le maintien des prédateurs ? Demanderez-vous la révision de la convention de Berne et de la directive Natura 2000 ? Écouterez-vous enfin les éleveurs en colère ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt .  - Soucieux du maintien de l'élevage ovin en zone de montagne, je travaille en étroite concertation avec la ministre de l'environnement et nous préparons le prochain plan loup ensemble parce que tout le monde a compris qu'une pression excessive s'exerce sur les troupeaux.

Les crédits mobilisés via les fonds Feder s'élèvent à plus de 8 millions d'euros pour la protection passive, auxquels s'ajoutent 2,2 millions pour les indemnisations. Nous ne reviendrons pas sur la convention de Berne. Cela dit, des progrès significatifs sont à noter dans la préparation du plan loup, avec l'accord des éleveurs et des associations. Nous doublons les prélèvements : de douze loups à vingt quatre. Plus important, nous modifions notre stratégie : nous passons d'une défense passive à une défense offensive graduée depuis le tir de défense pour effaroucher les loups jusqu'à des tirs de défense renforcée en cas d'attaques systématiques en mobilisant les chasseurs locaux. Les négociations sont difficiles, mais nous sommes déterminés à protéger l'élevage dans les zones rurales.

M. Gérard Bailly.  - Malgré les 1 200 troupeaux protégés, les 2 000 chiens, les 1 000 emplois de berger spécifiques, la politique de lutte contre le loup est un échec : le nombre de loups augmente de 27 % par an ! Un prélèvement de vingt quatre bêtes suffira-t-il à enrayer cette hausse ? Le maintien d'un loup coûterait 60 000 euros. Est-ce raisonnable, en ces temps difficiles ? Les éleveurs sont catastrophés, la Mutualité sociale agricole a dû mettre en place une cellule d'aide pour accompagner les éleveurs traumatisés. Hommes ou femmes, ils aiment leurs bêtes et souffrent de les voir mourir dans de telles conditions. Protégeons l'élevage ovin comme nous voulons protéger les terres agricoles ! Essayez d'en convaincre vos collègues du Gouvernement.

Centre de stockage de déchets à Nonant-le-Pin

M. Jean-Vincent Placé .  - Si je ne suis pas élu de Nonant-le-Pin, j'ai eu l'occasion de gambader sur ces terres lorsque j'étais enfant. Or, ce territoire, à proximité de nombreux haras dont le haras national du Pin, s'apprête à accueillir un centre de stockage de déchets ultimes. Quelle idée saugrenue ! Les habitants et les élus sont mobilisés contre cette ouverture, prévue en juin 2013. Je ne reviens pas sur les péripéties judiciaires qui ont jalonné ce projet. Le préfet de l'Orne a remis ses conclusions mi-novembre. Les élus du conseil régional de Basse-Normandie, unanimes, ont demandé un moratoire.

Ce territoire est candidat au classement au patrimoine mondial de l'Unesco et sera le théâtre des Jeux équestres mondiaux de 2014 : quelle mauvaise image pour la France que de montrer aux délégations étrangères ce centre d'enfouissement !

Quels sont les résultats de la mission demandée au préfet de l'Orne ? Que compte faire le Gouvernement pour protéger ce beau territoire contre les dangers environnementaux ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique .  - L'enquête publique de 2007 avait abouti à un avis défavorable sur l'installation de ce centre de stockage. Le 18 février 2011, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté de refus du 13 janvier 2010. Le gouvernement d'alors n'avait pas interjeté appel, d'où notre difficulté à agir aujourd'hui. Nous espérons que la demande de moratoire aboutira ; l'État ne peut que s'assurer de la surveillance et de l'encadrement de ce chantier. Telle est la réponse que je suis obligée de vous faire, avec un peu de déception parce que je connais l'attachement de tous à l'excellence de notre filière équine et au rayonnement de notre patrimoine à l'occasion des Jeux de 2014.

M. Jean-Vincent Placé.  - Vous avez rappelé la responsabilité du gouvernement précédent dans cette affaire. Quel décalage entre le souci affiché d'écologie et les procédures abandonnées aux industriels ! Je souhaite une discussion sérieuse et volontariste avec l'entreprise concernée pour obtenir un moratoire. Le préalable est de trouver une alternative économique à ce projet.

Journée de carence

Mme Catherine Procaccia .  - Depuis juillet 2012, le conseil général du Val-de-Marne refuse d'appliquer l'article 105 de la loi du 28 décembre 2011 introduisant un jour de carence dans la fonction publique. Le but était de redresser les comptes publics et de rétablir l'égalité entre secteur privé et fonction publique. En attendant une prochaine loi de finances qui peut, seule, abroger cet article, le dispositif s'applique. Vous avez répondu à M. Mézard, le 8 novembre 2012, que ce dispositif, entré en vigueur le 1er janvier 2012, avait été précisé par une circulaire du 24 février 2012. Me confirmez-vous que le refus de l'appliquer est illégal ? Le président Favier justifie son choix en invoquant d'autres collectivités territoriales, proches du Premier ministre, qui feraient de même. Quelles sont-elles ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique .  - Le Gouvernement a décidé d'abroger le jour de carence dans une prochaine loi de finances. De fait, ce dispositif n'a pas eu les effets escomptés, dont le premier était la recherche d'économies budgétaires, puisque les administrations paient, et non le renflouement de l'assurance maladie. Rétablir l'équité ? Dans le privé, 77 % des salariés des grandes entreprises et 47 % des salariés des PME ne se voient pas imposer de jour de carence. L'appliquer à 100 % des fonctionnaires serait créer une nouvelle injustice. L'absentéisme n'a pas reculé : les arrêts de courte durée sont passés de 1,2 % à 1,1 % dans la fonction publique d'État, de 0,8 % à 0,7 % dans la fonction publique hospitalière et sont restés stables dans la fonction publique territoriale, tandis que les arrêts longs ont progressé. Le dispositif a rapporté 60 millions d'euros, loin des 120 millions attendus, et des collectivités s'apprêtaient à négocier des contrats de prévoyance coûteux. En vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales, le Gouvernement n'a pas les moyens de contraindre une collectivité à appliquer la mesure avant sa prochaine abrogation. Que ceux qui estiment y avoir intérêt saisissent la justice mais vu la difficulté de mise en place, le coût des fonctions supports et de la modification des fiches de paie, je comprends que certaines collectivités aient décidé de ne pas appliquer la mesure dans les mois qui restent.

Mme Catherine Procaccia.  - J'ai posé une question simple : est-ce légal ? Au lieu de me répondre, vous avez justifié votre décision d'abroger ce dispositif. Mais ma question est purement juridique. Au conseil général du Val-de-Marne, on a dénombré 1 890 jours d'arrêt en deux mois, pour un coût de 128 000 euros. A l'heure où l'on demande aux collectivités territoriales de réaliser des économies, je trouve votre réponse scandaleuse.

Rémunération des heures de vie de classe

M. Alain Houpert .  - La rémunération de la dizaine d'heures de vie de classe, intégrée à l'emploi du temps des élèves depuis la rentrée de 2002, est floue, d'où des désaccords fréquents entre les professeurs principaux et leurs directions et des disparités entre les établissements. Ces heures devraient être rétribuées en heures supplémentaires effectives aux termes du décret n°50-581. Comment entendez-vous rétribuer ces heures de vie de classe alors que la fiscalisation des heures supplémentaires est déjà intolérable ?

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale .  - Les heures de vie de classe relèvent des obligations de service des personnels concernés, elles n'ont donc pas à être rétribuées en heures supplémentaires. En revanche, la part modulable de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves de 1993 peut être versée pour reconnaître l'investissement des professeurs principaux. Le Sénat aura bientôt l'occasion de discuter de l'école. En tout cas, cette question des heures de vie de classe, qui n'a aucun rapport avec la fiscalisation des heures supplémentaires, ne pose pas de difficultés particulières.

M. Alain Houpert.  - Elle est légitime : tout travail mérite salaire ! Comme disait le sénateur Victor Hugo : quand on enseigne à un élève, on gagne un homme.

Rased

M. Bernard Cazeau .  - En Dordogne, vingt trois postes de Rased seront supprimés cette année. Les parents d'élèves se mobilisent. Le dernier rapport sur les résultats de l'académie de Bordeaux indique que le taux de réussite au baccalauréat professionnel est inférieur, en Dordogne, à la moyenne de la région Aquitaine.

Avec 31 671 enfants à la rentrée 2012-2013, il ne reste plus qu'un enseignant Rased pour 1 319 élèves en Dordogne ; la moyenne nationale est de un pour 546. Je sais que vous avez rétabli des postes ; c'est heureux, mais la Dordogne n'en a pas bénéficié. Or les zones rurales aussi connaissent le décrochage scolaire. Comment comptez-vous renforcer l'aide aux élèves en difficulté ?

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale .  - Le traitement de la difficulté scolaire me préoccupe au premier chef. Après 77 000 suppressions de postes en cinq ans, nous nous donnons les moyens, progressivement, de renouer avec de meilleures performances. C'est notre avenir qui est en jeu. D'où un engagement dans la durée, à travers la loi de programmation. Dès notre arrivée, un collectif budgétaire a attribué de nouveaux postes au primaire, dont 10 % pour les Rased. Cette action va se poursuivre dans la durée. Cinq postes ont été attribués à votre département au titre du programme « plus de maîtres que de classes ».

Une réflexion globale sur le traitement de la difficulté scolaire a été engagée ; nous voulons traiter ces difficultés dans la classe et hors de la classe. Un rapport demandé à l'inspection générale tracera des pistes. Je regarderai tout particulièrement la situation que vous me décrivez en Dordogne.

M. Bernard Cazeau.  - Je me réjouis de l'action que vous menez. Il faut regarder tout particulièrement les problèmes en milieu rural, où les élèves sont contraints à des déplacements longs, donc fatigants. Surtout, renforçons la concertation avec les enseignants et les parents d'élèves.

Rythmes scolaires (I)

M. Jean-François Humbert .  - La grande majorité des maires du Doubs s'inquiètent de la réforme des rythmes scolaires, et surtout de ses conséquences financières. Les communes rurales pensent ne pas être en mesure de proposer des activités périscolaires de qualité. Elles ne disposent pas toujours de structures sportives ou culturelles pour accueillir les enfants après l'école. Sur 594 communes, moins de 10 s'engageront dès 2013. Besançon a opté pour 2014. Les maires demandent une compensation financière pérenne de la part de l'État. Pourrez-vous rassurer les communes rurales ?

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale .  - C'est une réforme difficile, c'est vrai. Si notre pays veut trouver la voie du redressement, il nous faudra en mener beaucoup. Parce que gouverner, c'est choisir, cette majorité a fait de l'école sa priorité. La situation scolaire se détériorant, nous devons agir, en commençant par le problème de la durée de classe. L'éducation nationale reprend trois heures le mercredi matin : nous ne transférons pas une heure aux collectivités locales. Pour la première fois, nous avons créé un fonds d'amorçage de 250 millions d'euros pour aider les collectivités locales à assumer ces activités périscolaires -nous n'en avons pas fait autant pour les professeurs, qui ne sont pas toujours satisfaits de cette modification. La plupart des communes de votre département ne souhaitent pas en bénéficier, nous le comprenons ; il faut du temps pour trouver les meilleures activités. Mais cette réforme est bénéfique. L'Académie de médecine le confirme. Nous verrons en 2014 si les aides financières se pérennisent ou non. Pour l'heure, celles qui existent ne sont pas consommées.

M. Jean-François Humbert.  - Je n'ai pas remis en cause la réforme sur le fond : je la soutiens depuis longtemps ! Mais la question n'est pas là : l'aide financière de l'État sera-t-elle pérenne ? Oui à la réforme, non dans ces conditions.

Langues de France

M. Alain Fauconnier .  - La France est multilingue, malgré les tentatives d'éradiquer les langues régionales, qualifiées de patois. La moitié de notre territoire national, y compris outre-mer, parle une de ces langues. Depuis 2008, elles sont reconnues par la Constitution comme patrimoine de la France. Jean Jaurès recommandait déjà aux enseignants de les prendre en compte, à l'époque où l'on décernait, en 1904, le prix Nobel de littérature à Frédéric Mistral. Ce gisement linguistique doit être valorisé. Or, depuis 2002, leur place a été réduite, le nombre des places aux Capes de langue régionale n'a pas augmenté. Le projet de loi organique ne les évoque qu'en annexe. Que comptez-vous faire pour développer les langues de France ? Combien de postes au Capes ? Il y a, là aussi, un devoir de mémoire !

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale .  - Les langues régionales sont consacrées au plus haut niveau dans l'article 75-1 de la Constitution.

La loi Jospin du 10 juillet 1989 et la loi Fillon du 23 avril 2005 reconnaissent le droit de suivre un enseignement de langue régionale. Je souhaite une généralisation de ce partenariat, qui bénéficie à 270 000 élèves répartis dans treize académies et pratiquant onze langues régionales. Le succès est au rendez-vous : de 2009 à 2011, on a observé une hausse de 24 % des élèves. Il est vrai que le nombre de postes n'a pas suivi ; c'est pourquoi je me suis engagé à augmenter le nombre de postes au concours.

Je souhaite que les langues régionales puissent être pratiquées dès le plus jeune âge, ce qui est bénéfique pour les enfants. Avançons dans cette direction.

M. Alain Fauconnier.  - Merci. Nous essaierons d'enrichir votre texte. À Saint-Affrique, nous nous sommes engagés dans le bilinguisme de la maternelle au lycée : le succès est éclatant. Mais les choses se dégradent : les maîtres et les parents attendent que le changement se concrétise et que l'on mette fin aux coupes budgétaires.

Quant à la réforme des rythmes scolaires, ma ville l'adoptera avec enthousiasme ! Merci de tout ce que vous faites pour l'école, monsieur le ministre.

Rythmes scolaires (II)

M. Robert Tropeano .  - Les élus s'inquiètent des modalités pratiques de la réforme annoncée des rythmes scolaires. Où trouver des intervenants pour une heure par jour pendant quatre jours ? On risque de se contenter de simples garderies... Il faut prendre en compte les spécificités locales, notamment en milieu rural. Le fonds d'amorçage prévoit 50 euros par élève en 2013, mais ensuite ? Les élus se préoccupent de leur équilibre budgétaire, c'est légitime. Quelle aide pérenne prévoyez-vous pour que cette réforme soit une réussite ?

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale .  - La France s'est passionnée pour cette question, grâce à quoi on a beaucoup parlé des élèves et de l'école. Cette réforme est difficile à mettre en oeuvre ? C'est bien pourquoi mes prédécesseurs ne l'ont pas engagée. J'installerai la semaine prochaine un comité de suivi.

Les choses se passent de façon très différente d'un endroit à l'autre, sans qu'il y ait lieu d'opposer villes et campagne. Dans le Tarn-et-Garonne ou l'Aude, qui sont des départements plutôt ruraux, on avance ; en revanche, des difficultés apparaissent dans des grandes villes, dont certaines sont pourtant dirigées par la gauche. Le critère n'est donc pas politique. Il ne tient pas non plus à la richesse : Denain, qui est une commune pauvre, s'est enthousiasmée.

Calmons les passions, regardons les choses avec rationalité. Nous tirerons les conclusions de cette première démarche, en continuant d'accompagner ces élus. Quoi qu'il en soit, nous débattrons de ce sujet prochainement au Sénat puisque le fonds est accroché à la future loi que je vous présenterai.

M. Robert Tropeano.  - Le dialogue avec les associations sportives et culturelles, les parents d'élèves et les enseignants a été fructueux. Nous nous attacherons à ce que cette réforme soit un succès.

Interdiction de fumer en voiture

M. Yannick Vaugrenard .  - Le tabagisme fait plus de 5 millions de victimes par an dans le monde, un mort toutes les six secondes. En France, il tue plus de 60 000 personnes par an soit autant que l'alcool, la route, le sida, les suicides et la drogue réunis. C'est terrifiant ! La loi de santé publique prévoit déjà nombre de bonnes mesures pour lutter contre le tabagisme et la protection des mineurs. Je vous propose d'aller plus loin pour protéger les enfants du tabagisme passif, dont la dangerosité est avérée au bout de quelques minutes seulement ! Interdisons de fumer dans les voitures en présence de mineurs comme la Grèce l'a fait en décembre 2010 : l'Irlande, le Royaume-Uni, l'Allemagne y réfléchissent.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille .  - Le tabagisme est la première cause de mortalité évitable en France : 73 000 décès chaque année. Le tabagisme passif est source de morbidité et mortalité croissantes : 1 000 décès lui sont attribués par an. Le décret de 2006 a renforcé les interdictions, mais des améliorations restent possibles. La protection des plus jeunes doit être une priorité. Il faut aussi rendre le tabac moins attractif pour les jeunes.

L'OMS et la Commission européenne recommandent d'élaborer ou de renforcer les stratégies pour lutter contre le tabagisme passif. Votre proposition se heurte au caractère privé d'une voiture. Nous réfléchissons à une interdiction du tabac dans des lieux publics collectifs qui accueillent des enfants, comme les parcs publics ou les jardins d'enfants.

M. Yannick Vaugrenard.  - La protection de l'enfance ne s'arrête pas à la porte du domicile privé ! Ma liberté s'arrête là où commence celle des autres, m'a-t-on appris à l'école. Prenons ce dossier à bras-le-corps.

Baignades artificielles

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx .  - Un projet de décret relatif à la gestion de la qualité des baignades artificielles prévoit de « renouveler la totalité du volume de la zone de baignades en moins de douze heures au moins pendant la période d'ouverture au public par un apport d'eau neuve ». Je n'en conteste pas le bien-fondé mais comment compter les baigneurs pour en limiter le nombre ? Les baignades aménagées maritimes dont l'alimentation est soumise à un régime de marées macrotidales ne pourront pas respecter cette prescription, en raison de l'éloignement de la ressource en eau à marée basse : elles seront donc condamnées.

Ne pourrait-on nuancer cette exigence en termes de moyens au bénéfice d'un objectif de résultat ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille .  - Le but est double : assurer à nos concitoyens l'accès à des lieux de loisirs dans les meilleures conditions d'hygiène et de sécurité. Les règles techniques relatives aux eaux de baignades naturelles et celles applicables aux piscines ne s'appliquent pas aux baignades artificielles. Le rapport d'expertise collective, publié en 2009, a identifié des dangers sanitaires, risques infectieux ou liés à l'environnement. Sur la base du rapport, un projet de décret a été élaboré.

L'exigence du renouvellement de la totalité de l'eau au moins de douze heures pourra faire l'objet d'une dérogation pour les baignades à marée.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Merci pour cette réponse encourageante. Le bassin d'Arcachon compte trois bassins de baignades de ce type ; ma ville projette d'en ouvrir un autre. Une fois de plus, on cherche à imposer aux collectivités locales des mises aux normes impossibles ! Il faudrait avoir deux bassins de baignades en permanence, l'un pour assurer le renouvellement de l'autre. C'est exclu pour les bassins existants.

Merci d'ouvrir la porte à une dérogation, sinon les familles et les enfants seraient privés de baignade, qui n'a jamais causé de mort, que je sache ! Ne pénalisons pas encore les collectivités locales.

Plate-forme de la CPAM à Saint-Pol-sur-Ternoise

M. Jean-Claude Leroy .  - La plate-forme de services de la CPAM a Saint-Pol-sur-Ternoise, inaugurée en 2004, est à la disposition des 1,5 million d'assurés du Pas-de-Calais. Or on annonce son transfert sur le site arrageois, au motif que le site de Saint-Pol serait trop éloigné d'Arras et de Lens. Il y a dix ans, cette même localisation avait été présentée comme un atout pour Saint-Pol...

Outre que l'on va ainsi allonger le trajet domicile-travail des cinquante salariés de la plate-forme, ce transfert est un nouveau coup porté à ce territoire qui a déjà enregistré le départ de la DDE, de l'antenne de la préfecture et la fermeture de son tribunal d'instance.

Les nouvelles technologies favorisent pourtant une nouvelle politique d'aménagement du territoire tournée vers le monde rural. Qu'entend-faire le Gouvernement pour maintenir cette activité à Saint-Pol ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille .  - Le conseil de la CPAM a opté pour le transfert de la plate-forme téléphonique de Saint-Pol vers Arras pour répondre à la dégradation des conditions de travail sur le site de Saint-Pol, due à l'augmentation du nombre des téléconsultations. Ce transfert améliorera le confort des salariés, notamment en termes d'espace et de volume sonore. Seul le quart des 56 salariés résident à Saint-Pol même. Un lieu d'accueil sera maintenu sur le territoire de la commune. Les locaux libérés ont déjà fait l'objet d'une offre de reprise, ce qui témoigne de l'attractivité économique de la commune.

M. Jean-Claude Leroy.  - Je déplore qu'une fois de plus on sacrifie un territoire rural au bénéfice d'une concentration qui ne se justifie pas, eu égard au développement des nouvelles technologies.

La séance, suspendue à 11 h 20, reprend à 11 h 30.

Crimes contre l'humanité

M. Yves Détraigne .  - Un pôle judiciaire spécialisé dans les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité a été créé au sein du tribunal de grande instance de Paris à la suite de la loi du 13 décembre 2011. À l'époque, la commission des lois du Sénat avait légitimement souhaité que les moyens nécessaires soient donnés à ce pôle pour accélérer le traitement de ces dossiers. Les associations qui militent pour que soient déférés les responsables de ces crimes, notamment ceux perpétrés au Rwanda en 1994, ne constatent pas d'améliorations. Où en est-on ? Il y va de la crédibilité de la justice française.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Le sujet des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité est cher à la Haute Assemblée. En adoptant une proposition de loi de M. Sueur, elle a fait sauter trois des quatre verrous à la compétence française : ceux de la résidence habituelle en France, de la double incrimination et de la complémentarité entre juridiction nationale et tribunal pénal international. Reste le verrou du monopole du ministère public, qui peut toutefois être saisi par tout citoyen. Ces procédures sont lourdes : pour le Rwanda, toute demande entraîne un déplacement de quinze jours avec une semaine de préparation.

Le pôle comptait à l'origine un magistrat du siège et un du parquet, il regroupe désormais deux procureurs, trois juges instructeurs et deux assistants spécialisés -dont un sociologue- qui seront au nombre de six en 2013. Je vous propose de participer à une évaluation après un an d'application de la proposition de loi Sueur.

M. Yves Détraigne.  - On est presque vingt ans après les massacres au Rwanda ; plus le temps passe, plus les familles désespèrent de voir les coupables enfin punis. La question des moyens est importante ; j'ai entendu dire que les magistrats de ce pôle n'étaient pas entièrement déchargés de leurs dossiers métropolitains. Faisons en sorte d'apaiser les familles.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Normalement, ces juges sont à temps plein. Je vérifierai.

La séance, suspendue à 11 h 40, reprend à 11 h 45.

Sous-préfecture

M. Alain Fouché .  - Je suis très à l'aise pour intervenir sur le sujet des services publics en milieu rural car j'ai toujours lutté contre les fermetures de classe ou de tribunaux d'instance, y compris quand elle était le fait d'un gouvernement que je soutenais. Le pouvoir actuel a beau avoir fait des promesses, le sentiment d'indécision prévaut et l'article du Monde, le 20 mars, n'est guère rassurant.

La présence de l'État dans les territoires ruraux est menacée. Dans mon département de la Vienne, la sous-préfecture de Montmorillon est dépossédée de ses missions en matière de permis de conduire -sans concertation, bien sûr- et l'on parle même de lui enlever la pêche pour recentraliser les missions au niveau de la préfecture. Quel est l'intérêt de cette RGPP déguisée ? Avec cette pure logique comptable, on fragilise les territoires. A-t-on oublié le rapport Patriat sur les sous-préfectures, dont l'intérêt n'est plus à prouver ? Qu'est-il advenu des déclarations de M. Hollande ? Cette situation est difficilement acceptable. Madame la ministre, je connais votre souci de défendre la ruralité ; rassurez-nous.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - Les sous-préfectures sont un lieu essentiel pour la cohésion sociale. Nous sommes sensibles au sentiment d'abandon dont souffre le monde rural. Il n'est pas question de revenir à une RGPP mais, après un travail d'évaluation qui est en cours, de mieux répondre aux besoins des populations, en concertation avec les élus car le dialogue est la méthode de ce Gouvernement.

Avec Mme Duflot, Mme Lebranchu et M. Valls, nous nous efforçons d'apporter des réponses cohérentes et pérennes pour des services publics de qualité et accessibles à tous.

M. Alain Fouché.  - Nous sommes inquiets : les gendarmeries et les perceptions ferment. Merci de tenir compte des spécificités de la ruralité.

Délinquance en zone rurale

M. Didier Guillaume .  - Le 18 janvier dernier, l'ONDRP a présenté son rapport sur la délinquance constatée en 2012, en distinguant zones police et zones gendarmerie. Si la délinquance n'augmente guère dans la Drôme elle progresse de façon préoccupante dans les zones gendarmerie : plus 18,2 % pour les atteintes volontaires à l'intégrité physique contre 2,5 % en zone police, avec une hausse de 5,4 % des violences à dépositaire de l'autorité publique, stables en zone police, sans parler des cambriolages, en particulier à proximité de l'autoroute. Cela est-il dû à un changement de l'outil statistique ou traduit-il une nouvelle délinquance en zone rurale ?

Je pense, avec Manuel Valls, qu'il faut moderniser l'organisation territoriale des services de sécurité. La création des zones prioritaires de sécurité ne doit pas se faire aux dépens de la ruralité. Les délinquants ont l'intelligence de ne pas commettre leurs méfaits sous les caméras de vidéosurveillance et d'aller dans les zones tranquilles.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - M. Valls est retenu devant l'Assemblée nationale pour parler justement de la rénovation des outils statistiques en 2013.

Dans la Drôme, les opérations de contrôle des territoires sont menées régulièrement par la gendarmerie pour prévenir les cambriolages, qui augmentent, c'est vrai. Les opérations « Tranquillité vacances » et « Tranquillité seniors » mettent l'accent sur la prévention, en liaison avec les maires. Idem pour l'opération « Participation citoyenne », très importante dans la Drôme. Grâce à ces actions, 268 auteurs supplémentaires ont été interpellés, sachant que la population augmente dans 84 % des communes du département. Nous réfléchissons à une réorganisation mieux adaptée aux réalités locales dans le contexte budgétaire qui est le nôtre.

M. Didier Guillaume.  - Merci pour cette réponse. La délinquance rurale, si elle n'est pas comparable à celle constatée en ville et dans la vallée du Rhône, doit être traitée pour prévenir toute escalade. Je soutiens l'action du Gouvernement, prenons garde toutefois à ne pas déposséder les zones rurales des forces de l'ordre, dont je veux saluer encore une fois la qualité du travail.

Activités sociales des gaziers et électriciens

M. Michel Le Scouarnec .  - Antoine Vitez disait : « Une mise en scène n'est jamais neutre. Toujours, il s'agit d'un choix ». Effectivement, et nous faisons le choix de la santé, de la culture et des activités sociales pour tous. Or la loi Nome du 7 décembre 2010 pourrait mettre un terme à ces activités sociales et de santé. Plusieurs dizaines d'entreprises du secteur de l'énergie, sur 144, ne participeraient plus au fonds 1 %, qui finance ces activités. Alors, quel choix de mise en scène ? Ces activités sociales sont un droit lié à la création de richesse par le travail, c'est un élément du salaire social différé. Le gouvernement précédent avait donné des gages aux organisations patronales...

Qu'envisage le Gouvernement pour maintenir l'accès des pensionnés et de leurs familles aux activités sociales ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - Mme Batho, retenue, m'a chargé de vous donner une réponse sur nos choix de politique, et pas seulement de « mise en scène ».

L'assiette de financement du 1 % est devenue fragile depuis la fin du monopole de l'opérateur historique, le constat est partagé. À la suite de plusieurs rapports de la Cour des comptes, M. Borloo avait proposé une réforme. En avril 2012, M. Besson, qui lui avait succédé en charge de ce dossier, avait souhaité une concertation et un bilan dès décembre 2012.

Nous avons considéré que ce délai de six mois était bien trop court au regard de l'ampleur du sujet et de sa difficulté. Nous avons l'intention d'avancer mais en donnant tout son temps à la concertation, pour pérenniser les oeuvres sociales des entreprises électriques et gazières.

M. Michel Le Scouarnec.  - L'essentiel est d'aller vers plus de progrès et de justice sociale, afin de préserver des acquis sociaux qui datent de 1945.

Salles de sport bon marché

Mme Laurence Rossignol .  - Les salles de sport rencontrent un succès grandissant. Les Français sont 12 à 13 millions à pratiquer de la gymnastique d'entretien, de la remise en forme, de la musculation.

L'offre s'est accrue et l'appellation « salle de remise en forme » recouvre des réalités très différentes. Des salles bon marché proposent des tarifs attractifs, deux à trois fois moins cher que les clubs classiques, en réduisant l'encadrement au minimum : les cours sont diffusés sur des écrans vidéos, avec des entraîneurs virtuels. C'est une concurrence déloyale, quand la masse salariale peut représenter 50 % des charges des salles de remise en forme. Oui au sport pour tous mais dans de bonnes conditions, avec un encadrement garantissant la sécurité des utilisateurs. Que comptez-vous faire ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - La ministre des sports est retenue à Annecy pour l'ouverture des Jeux mondiaux militaires.

La pratique du sport est réglementée, notamment par l'article L. 221-1 du code du sport. Les salles doivent répondre à des normes d'hygiène et de sécurité. La norme Afnor, définie en 2011, bien que reposant sur le volontariat, constitue une référence pour le juge. En tout cas, l'encadrement n'est pas imposé dans les salles. Un encadrement virtuel par écran vaut-il un encadrement physique ? Nous reviendrons sur ces questions lors de la révision du code du sport, en 2013.

Mme Laurence Rossignol.  - Le ministère se pose des questions, c'est heureux ! On ne peut pas fragiliser le mouvement sportif et associatif, si important pour le lien social, en favorisant la concurrence d'entreprises qui se vantent d'être bon marché mais ont des effets déstructurants et imposent une perte sensible de qualité.

Jalonnement directionnel de Melun

Mme Colette Mélot .  - Le jalonnement directionnel de Melun fait défaut. Pourtant, il s'agit de la ville chef-lieu de Seine-et-Marne, premier département de la région par sa superficie. Or, à la sortie de l'A 4, en provenance de Paris et en direction de la Francilienne, seule Sénart est signalée. Cela constitue une discrimination pour Melun, ville de 110 000 habitants à l'importance économique, historique et touristique non négligeable, qui accueille l'école nationale des officiers de la gendarmerie.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - Veuillez excuser l'absence de M. Cuvillier, qui est à Orly pour assister au lancement de la nouvelle compagnie aérienne Hop.

Dans le schéma de signalisation pour l'Ile-de-France, on signalait « Melun-Sénart » jusqu'en 1997. Depuis lors, les deux villes se sont séparées et le nouveau schéma, adopté en 2002, place Melun et Sénart au même niveau de jalonnement. Melun est la première indiquée en sortant de l'A 5 et de l'A 6 ; Sénart, première commune rencontrée en sortant de l'A 4, est seule signalée sur cet axe. L'équité est donc assurée entre ces deux communes.

Mme Colette Mélot.  - Je connais l'histoire de mon département... Soit, l'équité est assurée mais on entretient la confusion ; les gens qui ne connaissent pas notre région se repèrent mal. Nous espérons, avec les habitants et les entreprises, une amélioration.

La séance est suspendue à 12 h 25.

présidence de M. Jean-Pierre Bel

La séance reprend à 14 h 35.

Modification à l'ordre du jour

M. le président.  - J'informe le Sénat que la question orale n°302 de M. Francis Grignon est retirée, à la demande de son auteur, de l'ordre du jour de la séance du 9 avril 2013.

Rappel au règlement

M. Yves Pozzo di Borgo .  - Au nom du groupe UDI-UC, je veux m'élever contre l'attitude du ministre de l'intérieur lors de la manifestation du 24 mars contre le mariage pour tous. La préfecture de police de Paris est une machine formidable, l'une des plus belles structures du monde, animée par des fonctionnaires de qualité. Les dérapages sont très rares. On l'a vu lors de la manifestation du 13 janvier dernier, qui fut la plus importante depuis 1984 et qui se déroula pourtant sans aucun incident. Il en fut tout autrement dimanche 24 mars : tensions sur le parcours, blocage place de l'Etoile, utilisation de gaz lacrymogènes et consignes de « taper fort ». J'ai vu des familles avec des poussettes, des personnes âgées recevoir des gaz alors qu'elles rejoignaient les transports en commun ; j'ai vu des jeunes matraqués, des élus en état de choc. Certes, quelques provocateurs ont pu se glisser dans la manifestation, mais seules six personnes ont été placées en garde à vue à l'issue des événements. Le ministre de l'intérieur n'est-il pas, par volonté de dévaluer cette action, allé trop loin dans ses consignes ? Je demande la constitution non d'une commission d'enquête mais tout au moins d'une mission commune d'information sur ces débordements et le rôle qu'y tient le ministre de l'intérieur. La préfecture de police et le ministère de l'intérieur sont des belles machines à condition d'être bien dirigées. Or, dimanche, un état d'esprit a été créé, si bien que les fonctionnaires ont mal réagi.

M. le président.  - Acte est donné de ce rappel au règlement.

Débat sur la suppression de la taxe professionnelle (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite du débat sur les conclusions de la mission commune d'information sur les conséquences, pour les collectivités territoriales, l'État et les entreprises, de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale. Vous vous souvenez que nous avions entamé ce débat le 30 janvier dernier...

M. Pierre Martin.  - Nous avons eu le temps de réfléchir !

M. Charles Guené, rapporteur de la mission commune d'information.   - Il y a quelques semaines, via une étroite fenêtre de tir, nous avions entamé ce débat mais il fut interrompu ; et tous les collègues présents étaient restés sur leur faim après cette discussion tronquée. Je salue la pugnacité du groupe RDSE et de son président M. Mézard, grâce à qui nous pouvons aujourd'hui la poursuivre.

Au-delà des insuffisances de la réforme et des ajustements nécessaires, l'abrogation de la taxe professionnelle et son remplacement par la contribution économique territoriale (CET) ont un impact fort sur nos finances publiques.

Les avantages furent indéniables. La compétitivité des entreprises a été renforcée, seules 20 % d'entre elles y ont perdu, et 60 % ont économisé entre 30 et 80 % de taxe. Le secteur industriel en a bénéficié au premier chef -au détriment des services cependant. L'État, en versant 4,5 milliards d'euros par an, le double la première année, a stoppé l'hémorragie que subissaient les collectivités locales, mais en payant pour solde de tout compte. Les collectivités ont donc été indemnisées mais leurs relations avec l'État en ont été profondément affectées. Il s'est produit un rebasage de la ressource fiscale communale et la part des impôts économiques s'est considérablement réduite. La recette suit une dynamique nouvelle, corrélée aux évolutions économiques et aux capacités contributives des habitants. Les parlementaires ont dû apporter d'importants correctifs pour corriger les anomalies, mieux prendre en compte la spécificité des établissements industriels et revoir l'indexation des Ifer -c'était une proposition du Sénat. La péréquation est également le corollaire indispensable du nouveau système. Nous devrons aussi apprécier la richesse en stock et les charges supportées par les collectivités territoriales. C'est un chantier essentiel pour le Parlement et il convient de respecter le calendrier fixé, en tenant cependant compte de la conjoncture. Pour le bloc communal, le cap a été maintenu par le Gouvernement ; l'introduction du revenu des habitants dans le calcul du CIF fut une correction utile de la loi de finances pour 2013. Il faudra déplafonner progressivement, en attendant que l'Ile-de-France opère sa mutation intercommunale. Quant aux régions et départements, ces collectivités seraient bien inspirées de faire des propositions rapidement.

Le Gouvernement n'a pas réglé définitivement le dossier de la contribution foncière des entreprises (CFE) minimale : il doit le faire dans la loi de finances pour 2014. Je souhaite qu'il intègre le plafonnement sur la valeur ajoutée que nous proposons. La répartition de la Contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) devra être adaptée aux caractéristiques des groupes car le mécanisme actuel n'est pas neutre. Il faudra s'inspirer des mécanismes classiques régissant les entreprises multi-établissements. Quant à la révision des valeurs locatives, elle aura un impact sur la fiscalité locale. Elle aboutira à une nouvelle carte des richesses et de la péréquation. La perte de levier fiscal impose une revalorisation permanente de la matière fiscale. Je réclame pour les parlementaires l'accès à des simulations sérieuses, car cet outil devient de plus en plus nécessaire.

La taxe professionnelle a vu le jour à la fin des Trente Glorieuses, afin que les collectivités locales assurent les enjeux de construction et de développement. Elle n'est arrivée à maturité qu'alors que la donne, avec le choc pétrolier de 1973, changeait. Modifiée à plusieurs reprises, elle ne fut plus portée, à terme, que par les seuls investissements, ce qui, pour le rapport Fouquet, la condamnait.

En 2002-2004, avec l'introduction de l'article 72-2 de la Constitution, l'horizon a basculé : avec la norme de référence, exit l'autonomie fiscale, l'autonomie financière était créée. Puis les taux furent figés. La réforme exigeait un second pilier de péréquation, horizontale. Les élus se sont heurtés à la radicalisation du Gouvernement. Ils ont réagi avec retard ! Le mouvement peut être inversé mais il y faudra plusieurs décennies.

Une réduction drastique des dotations vient de nous être annoncée : 4,5 milliards de moins sur deux ans, soit 6 % de leur montant. Quelles sont les intentions du Gouvernement quant à la répartition de l'effort ? La suppression de la taxe professionnelle n'est pas seulement une grande réforme technique : nous basculons d'un monde fondé sur la régulation des États à un monde fondé sur la globalisation. Il y faut des outils nouveaux. L'équilibre du lien social est en jeu, le risque de l'exercice étant que cette intégration prenne la voie d'une recentralisation.

Souhaitons que le Parlement se saisisse de tous ces enjeux. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Françoise Laborde .  - Notre groupe a voulu ce débat. Il fut aussi à l'origine de la mission commune d'information présidée par Mme Escoffier et dont les conclusions ont été rendues publiques en juin 2012. Il ne pouvait plus attendre : le sujet mérite en effet des éclaircissements du Gouvernement, en particulier de la question de plus en plus sensible des finances des collectivités territoriales.

Les vingt-cinq préconisations de la mission commune d'information sont autant de pistes pour limiter les dégâts de la réforme et pour apporter des compléments utiles. Il fut hélas, lors de la réforme, difficile d'obtenir des informations de la part du Gouvernement. Nous attendons toujours des estimations sur les conséquences des nouvelles définitions des potentiels fiscal et financier. Aucune évaluation non plus sur les conséquences pour les départements et les régions de la péréquation de la CVAE. D'où notre seizième proposition, pour disposer d'informations en amont de la loi de finances pour 2013.

Les parlementaires, faute de moyens, ne peuvent pas élaborer leurs propres simulations. Cela est regrettable. Nous l'avons encore constaté en loi de finances pour 2013. A l'article 69, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement qui modifiait à nouveau totalement la péréquation de la CVAE. On peut s'en étonner en l'absence de simulations. C'est faire peu de cas du rôle du Parlement. Nous espérons, monsieur le ministre, que vous faciliterez la diffusion, par Bercy, des informations qui nous sont nécessaires.

Les effets de la réforme, certes positifs, ne sont pas aussi mirobolants qu'on nous l'annonçait. Si elle a bénéficié aux entreprises industrielles, la perte de compétitivité se poursuit, comme l'a montré le rapport Gallois. Les PME et TPE ont pâti de cette réforme.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - C'est peu dire !

Mme Françoise Laborde.  - Pour les collectivités territoriales, le constat est sans appel. La réforme les a d'abord plongées dans l'incertitude quant à leurs ressources fiscales et budgétaires. A présent, plus d'incertitude mais un grand scepticisme. La réforme, Charles Guené l'a souligné, a porté un coup de grâce à l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Les états généraux de la démocratie territoriale ont souligné le manque d'informations et de simulations qui a conduit certaines d'entre elles à prendre des décisions inadaptées. On craignait un poids fiscal plus lourd pour les ménages. C'est devenu une réalité.

Au total, la réforme n'a que très partiellement atteint ses objectifs. Les défis demeurent les mêmes aujourd'hui.

Tous les membres du RDSE sont attachés à une péréquation verticale et horizontale juste et efficace. Il reste beaucoup de chemin à parcourir, espérons que le Gouvernement ne se laissera pas ralentir. Notre groupe saura lui rappeler ces exigences ! (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)

M. Jean-Vincent Placé .  - La fiscalité locale comme nationale représente un enjeu pragmatique, mais aussi démocratique. Le peu de lisibilité des dotations peut, à cet égard, inquiéter. Merci à Jacques Mézard de cette initiative. Le Sénat sera la future chambre des régions avec la réforme des collectivités, ne l'oublions pas...

Le rapport Escoffier dresse un tableau éloquent. Nous nous rejoignons sur le constat : la taxe professionnelle demandait à être revue -multiples exonérations, assiette à revoir, investissement pénalisé. Bref, on parlait de « taxe imbécile » à juste titre : bases reposant sur des critères obsolètes, substitution de l'État. Les modifications successives ont remis en cause le principe constitutionnel qui veut que les ressources fiscales des collectivités territoriales représentent une part déterminante de leurs ressources.

La nouvelle CET, pourtant, est opaque et renforce la perte d'autonomie fiscale des territoires, alors que les collectivités territoriales prennent en charge un nombre toujours plus grand de politiques publiques. La part des recettes correspondant à des recettes fiscales se réduit comme peau de chagrin.

La réforme rompt le lien, surtout, entre l'implantation économique dans un territoire et l'impôt local. Elle a eu des effets néfastes pour les petites entreprises, artisanales en particulier. La CFE a été mal pensée et les collectivités locales n'ont pas pu faire leurs calculs avant le vote de leurs budgets.

M. Jean-Marie Bockel.  - Très juste.

M. Jean-Vincent Placé.  - Le Sénat, par la voix de son rapporteur général François Marc, a proposé de revenir sur la question et je me réjouis que ce gouvernement, singulièrement Jérôme Cahuzac dont je salue la pugnacité, ait donné aux collectivités la possibilité de revenir sur les délibérations déjà prises.

Nous voulons une réforme ambitieuse, consensuelle, applicable aisément et marquant la rupture avec la conception administrative ancienne des collectivités locales. L'instance qui décide de la dépense doit être la même que celle qui détermine la ressource : c'est une lapalissade. Il faut ainsi promouvoir, via la fiscalité locale, des comportements écologiques. (Applaudissements sur divers bancs à gauche)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx .  - Un constat d'abord : le remplacement de la taxe professionnelle par la CET n'a pas été remis en cause par François Hollande qui, en mars 2012, pendant la campagne électorale, reconnaissait ses effets positifs sur un certain nombre d'entreprises, n'entendant apporter que des correctifs. Le groupe UMP ne dit pas autre chose : la réforme est perfectible, elle n'est pas un aboutissement mais une étape de la réforme de la fiscalité locale. La part salariale a été supprimée en 2000-2002. Lors de la création de la CET, le Sénat avait mené, sur la part relative aux investissements productifs, un travail transpartisan. Il avait sensiblement modifié la version initiale et avait demandé une clause de revoyure.

Notre commission des finances s'est également emparée du problème de la CFE, dont le relèvement en 2012 a abouti, faute de simulations disponibles pour guider les décisions des élus, à une taxation parfois excessive des artisans et commerçants. Un dispositif a été adopté dans le dernier collectif, à l'initiative de la commission des finances unanime, pour autoriser les EPCI à procéder à de nouvelles délibérations. Les efforts positifs de la réforme ont été indéniables pour notre industrie. La sortie de l'assiette des investissements productifs, 7,7 milliards d'allégement en 2010 puis 4 milliards par an depuis, a profité à la compétitivité de nos entreprises. Les industries ont bénéficié de 26 % de l'allégement global. Il est faux de dire que seules les grandes entreprises y ont gagné. L'effet d'aubaine a été évité, grâce à l'Ifer, pour les entreprises de réseau.

Lors de la création de la taxe professionnelle, en 1975, en remplacement de la patente, les bénéficiaires furent les petites entreprises et les artisans. Il n'en fut pas de même avec la deuxième réforme : les choses ont été rééquilibrées.

J'en viens à la péréquation. La réforme de la taxe professionnelle a modifié non seulement le panier des ressources mais leur distribution sur le territoire. Les départements et les régions sont les plus touchés. Des mécanismes ont heureusement amélioré le système : fonds de péréquation de la CVAE et, pour les seuls départements, fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), améliorés à mesure des lois de finances. Le Sénat a obtenu des avancées en faveur des territoires ruraux.

En résumé, la réforme fut complexe mais nécessaire -et substantiellement corrigée par le Sénat. Elle reste perfectible mais ses effets positifs sur notre industrie et nos PME sont notoires, pour endiguer la déliquescence industrielle et la perte de compétitivité. Le montant des ressources des collectivités territoriales n'a pas été modifié, le panier des ressources fiscales a été diversifié et la péréquation renforcée.

Le groupe UMP juge que cette réforme peut être encore améliorée mais qu'elle est positive pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jacques Mézard.  - Aucun remord, donc !

Mme Frédérique Espagnac .  - L'ampleur de la réforme et ses conséquences profondes dans nos territoires appellent un bilan. Maintenant que le rapport de 2012 a établi un tableau objectif, la remarque de M. Marini, citant Talleyrand, « Tout ce qui est excessif est insignifiant », fait sourire. Dans cette réforme, tout fut excessif : annonce surprise, absence de concertation comme de simulation, précipitation, discussion dans des conditions indignes du Parlement. Pourtant, cette réforme portait sur 18 % des ressources des collectivités territoriales. Elle a été menée avec irresponsabilité, il nous revient de redresser ce qui a été cassé.

Ces excès sont loin d'être insignifiants. La réforme a entamé les possibilités pour les collectivités d'employer le levier de la fiscalité. Quel département a aujourd'hui la capacité de faire des projets ? Tous leurs moyens sont consacrés aux prestations sociales. La modulation des taux ne porte plus que sur 10 % de leurs ressources. Quant aux schémas départementaux de coopération intercommunale, les discussions entre intercommunalités et communes achoppent, le plus souvent, sur les questions fiscales, alors que la réforme était censée les faciliter. Hier, il était question de lier les entreprises et les territoires, de remettre au centre du jeu les acteurs économiques ; aujourd'hui, la fiscalité repose essentiellement sur les ménages. Quel paradoxe !

Les clauses de revoyure ont heureusement été l'occasion d'ajustements techniques. Un bilan est aujourd'hui indispensable. Il faut poursuivre et redresser la barre. C'est ce que fait ce gouvernement, en réparant l'injustice faite aux petites entreprises et en avançant sur la révision des bases, selon un calendrier réaliste, laissant la place à la concertation.

Un « impôt imbécile » : l'ancienne majorité n'a eu de cesse de rappeler ce mot de François Mitterrand à propos de la taxe professionnelle. Mais cela ne justifie pas de la supprimer par une réforme bâclée ! L'injustice a été accrue, les libertés locales réduites. Nous ne sommes pas fatalistes et continuerons à mener le combat. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Marie Bockel .  - La réforme de la taxe professionnelle, initiative bienvenue, était, au premier regard, une entreprise de simplification, visant à développer la compétitivité des entreprises. La démarche vient de loin, elle n'est pas tombée du ciel il y a quelques années. Mais elle a bouleversé les schémas de la fiscalité locale, sans apporter le dynamisme attendu. Elle aura des effets à moyen et long termes, au risque de créer des asymétries entre les territoires car le nouveau panier fiscal n'a pas la même croissance que l'ancien, tandis que les collectivités locales ne disposent pas des mêmes leviers.

La CET est plafonnée à 3 %, contre 3,5 % pour l'ancienne taxe, ce qui réduit le recours au levier fiscal. Quant à la CVAE, elle est fixée au niveau national. A un moment où l'on attend beaucoup des collectivités territoriales, n'est-ce pas réduire leur capacité d'initiative ? En 2011, Mulhouse a tout fait pour couvrir ses dépenses, en jouant sur la CFE et l'impôt ménages, au prix d'une réelle perte de dynamisme, chiffrée à 1,5 million. En 2012, nous ne pouvions plus que décider des économies, qui réduiront l'investissement et les services à la population. Si nous nous inquiétons, tout n'est pas noir. Le propos de Mme Espagnac était quelque peu manichéen ; dans quelques années, avec une nouvelle méthode, nous porterons peut-être un autre jugement sur la réforme. Il faut tout faire pour encourager l'investissement, qui crée l'emploi, et revenir à l'esprit de la création de la CET ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. François Patriat .  - Je salue l'action de M. Cahuzac ; je vous souhaite bonne chance, monsieur le ministre, dans cet exercice difficile.

Certains ne trouvent que des vertus à cette réforme ; d'autres, comme moi, sans nier ses vertus, l'estiment brutale, coûteuse et inefficace. L'objectif était de revenir à une imposition juste et, implicitement, de châtier les collectivités territoriales considérées comme « non amies ». D'où la méthode à la hussarde, employée également pour la loi Tepa, qui devait créer un choc de confiance. Une réforme onéreuse : elle a coûté le double des 3,6 milliards prévus la première année. Une réforme injuste parce que c'est la contribution d'entreprises de la taille d'EDF, de Carrefour ou d'Areva qui a été diminuée tandis que les entreprises d'insertion paient sept fois plus. Quant aux collectivités territoriales, et particulièrement les régions, leur budget, alimenté par les cartes grises et la Tipp, est dorénavant un budget affecté alors qu'elles sont sollicitées pour financer de plus en plus : les TGV, les autoroutes, l'aménagement du territoire et le haut débit.

Les temps ont changé et nous pouvons corriger le tir. Nous devrons, demain, redéfinir les compétences des collectivités -ce sera l'objet d'une prochaine loi- et leurs ressources, assises sur leurs compétences comme les transports.

Le budget des agglomérations est de 128 milliards, celui des départements de 70 milliards et celui des régions de 35 milliards en moyenne. Quoi qu'il en soit, n'opposons pas, comme le faisait le précédent président de la République, les établissements industriels aux collectivités territoriales. Celles-ci jouent un rôle majeur pour réparer des défaillances au niveau local. Je fais confiance au Gouvernement pour mener les réformes nécessaires ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Claude Bérit-Débat .  - Je salue à mon tour l'action de M. Cahuzac et l'arrivée de M. Cazeneuve, dont je connais la capacité et la pugnacité.

La réforme de la taxe professionnelle, que chacun considère au regard de ses fonctions électives, n'a pas eu les effets économiques escomptés. Quel est l'apport exact de la CET ?

La réforme a profondément affecté le panier fiscal des collectivités territoriales, entraînant une perte de dynamisme des ressources locales. Nous l'avions prédit, cela se vérifie au niveau des EPCI, qui avaient pour seule ressource la taxe professionnelle unique. Je l'ai constaté dans ma communauté d'agglomération : sept ressources au lieu d'une, un financement assuré à 45 % par les ménages contre 100 % pour la taxe professionnelle unique autrefois, un dynamisme fiscal de 0,4 % par an entre 2009 et 2012 contre 4,5 % du temps de la taxe professionnelle unique.

Alors que la crise impose des investissements, la réforme a enserré les collectivités territoriales dans un carcan fiscal et sa dimension péréquatrice reste insuffisante. Elle n'a pas provoqué le coup de fouet attendu sur la compétitivité des entreprises. La réforme des collectivités territoriales sera l'occasion de revenir à une fiscalité équitable et à l'autonomie fiscale, qui préserve la capacité d'investissements des collectivités territoriales.

Je fais mien le plaidoyer de M. Patriat pour les régions en l'appliquant aux EPCI. Puissions-nous être entendus ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - Je suis heureux de saluer M. Cazeneuve dans ses nouvelles fonctions.

M. Bernard Cazeneuve, ministre chargé du budget .  - Je remercie le Sénat d'avoir pris l'initiative de ce débat important, qui intervient à la veille de la redéfinition des relations entre l'État et les collectivités territoriales, avec l'acte III de la décentralisation, et au moment du bilan de la réforme de la taxe professionnelle prévu par la loi de 2000.

Nous avons présenté devant le comité des finances locales le rapport d'étape que le précédent gouvernement n'avait pas souhaité donner en novembre dernier. Ses conclusions rejoignent celles de votre rapporteur.

On attendait de la réforme un bénéfice significatif pour les entreprises ; cet objectif a-t-il été atteint ? D'abord, on a observé un effet de recomposition sectorielle. A titre d'exemple, l'impact de la réforme pour le bâtiment et l'industrie est très positif : leur effort fiscal a diminué respectivement de 46 % et de 29 %. Au total, les entreprises qui ont le plus bénéficié de la réforme sont celles de l'automobile -ce qui n'est pas neutre en temps de crise-, avec une réduction de l'effort de 74 % ; celles qui en ont le moins profité sont les entreprises financières, avec une majoration de 35 %.

La CVAE a été dynamique, dans les communes, les chiffres ne mentent pas : entre 2010 en 2011, son produit a évolué de 9 %, soit près de 1 milliard. Il conviendra de suivre de près son évolution pour ne pas gêner la compétitivité des entreprises.

Le dégrèvement barémique pour les PME dont le chiffre d'affaires est compris entre 500 000 euros et 50 millions d'euros garantit la compétitivité de nos petites entreprises, nous l'avons maintenu.

L'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau, nous en sommes d'accord, ne doit intervenir qu'en cas d'importants décrochages entre la taxe professionnelle et la CET. De manière générale, les collectivités territoriales ont été raisonnables.

L'augmentation excessive de la CFE minimale a conduit le Gouvernement à apporter des ajustements en loi de finances rectificative pour protéger un secteur déjà fragilisé ; les collectivités territoriales ont reçu l'autorisation de prendre une deuxième délibération avant le 21 janvier 2013.

Concernant le statut de l'auto-entrepreneur, nous examinerons les conclusions des travaux en cours avant de prendre d'autres décisions.

Le Gouvernement s'emploiera à faire toute la transparence sur cette réforme, concernant les entreprises.

J'en viens au coût, pour l'État, de la réforme de la taxe professionnelle, environ 4 milliards, question brûlante à l'heure où État et collectivités territoriales partagent l'obligation de redressement des comptes publics ; nous avons tiré les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel relative à la CFE sur les bénéfices non commerciaux des entreprises de moins de cinq salariés, en apportant une compensation supplémentaire. Le fameux « jaune budgétaire » fera, comme vous l'avez légitimement demandé, le point sur les relations financières de l'État avec les collectivités.

S'agissant justement des conséquences de la réforme sur les collectivités territoriales, le bilan est, au vrai, très contrasté selon le niveau des collectivités. Les communes ont vu leurs ressources garanties. Le panier des ressources a été moins modifié pour les départements, qui souffrent par ailleurs d'un effet ciseau, que pour les régions -M. Patriat l'a montré. Un fonds d'urgence de 170 millions a été créé pour les conseils généraux afin de les aider à faire face à leurs charges. La révision des valeurs locatives garantira les ressources communales et intercommunales. Pour les régions, nous nous pencherons, après expertise, sur la question d'un versement transport.

présidence de M. Didier Guillaume,vice-président

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Le fonds de péréquation à destination du bloc communal prend dorénavant en compte le revenu par habitant, c'est un progrès à relever. Idem pour le fonds des droits de mutation à titre onéreux, qui profite aux départements afin de garantir la plus grande participation des départements les plus riches. La mobilisation de 60 millions pour le fonds de péréquation de la CVAE repose sur des critères tels que le nombre de personnes âgées ou de bénéficiaires du RSA -des indicateurs directement liés aux compétences de conseils généraux. Il y a encore à améliorer la péréquation entre régions ; on tient compte toutefois de l'ensemble de leurs ressources, ce qui est une avancée.

Cet exposé, que j'ai voulu objectif et dépassionné, donne le ton de la relation que l'État veut entretenir avec les collectivités territoriales à la veille de l'acte III de la décentralisation. Nous demanderons aux collectivités, que vous êtes nombreux à représenter ici, un effort raisonnable, en garantissant la transparence et la transmission d'informations.

Votre assemblée le mérite, en raison de la qualité du débat qui vient d'avoir lieu et du rapport qui a présidé à son organisation ! (Applaudissements)

La séance, suspendue à 16 h 15, reprend à 17 heures.

Débat sur le rayonnement culturel de la France

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur le rayonnement culturel de la France à l'étranger

M. Louis Duvernois, pour le groupe UMP .  - Dans mon rapport d'information de 2004 « Pour une nouvelle stratégie de l'action culturelle de la France à l'étranger », je mesurais le poids des attentes insatisfaites, qui généraient l'immobilisme. Le déclin de la France se nourrit d'abord des conservatismes et des corporatismes. En 2008, rapporteur pour avis de la mission « Action extérieure de la France », je dénonçais le nombre excessif des opérateurs culturels, une dispersion qui nuisait à notre efficacité. Aussi je me réjouis de la création des instituts français, dont j'ai arraché le nom de haute lutte, de « CampusFrance » et de « France expertise internationale » comme opérateurs uniques.

A l'École nationale supérieure, monsieur le ministre, vous avez qualifié la France de « puissance d'influence » et souligné l'importance du défi culturel et éducatif dans un monde en constante évolution, où la compétition est rude. Si la France a perdu l'influence qui était la sienne au XIXsiècle au bénéfice des États-Unis, puis des pays émergents, elle n'en dispose pas moins d'atouts, avec son histoire, sa création artistique, ses musées, ses écoles, sa langue, parlée par plus de 220 millions de locuteurs dans le monde.

L'Institut français et le réseau des Alliances françaises, près d'un millier dans le monde, CampusFrance, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, et la Mission laïque française sont de bons outils pour développer notre influence, avec notre réseau audiovisuel.

Notre premier vecteur d'influence est l'Institut français. La loi de 2010 lui a conféré un statut et un mode de gestion compatibles avec la Lolf et comparables au British Council, au Goethe Institut, au Cercle Cervantes, aux Instituts Confucius. Sa présidence a été confiée à un homme de grande culture et de dimension internationale, M. Xavier Darcos. L'expérimentation, dans douze postes, a fait ses preuves : normes comptables plus efficaces, nomenclature budgétaire partagée, formation intégrée des gestionnaires et des comptables. Conséquence : fongibilité des crédits, visibilité de subventions jusqu'ici interdites par le décret de 1976, coopération universitaire fluidifiée.

Ces avancées devraient s'appliquer à l'ensemble du réseau. UbiFrance a créé soixante bureaux entre 2006 et 2009, mais les postes ne font que gérer les budgets de fonctionnement, les ressources étant centralisées à Paris. Autre avancée, la fusion des Services de coopération et d'action culturelle avec les Instituts français a renforcé, autour de la marque unique Institut français, le sentiment d'appartenance à un réseau. La formation a bénéficié, en 2012, à 1 300 agents. Les mutualisations ont été encouragées. Les acquis de la professionnalisation doivent être poursuivis.

Le pilotage stratégique par les ambassadeurs est également positif. Le conseil stratégique, sans être dépossédé de ses missions, travaille en accord avec eux. En présence de contraintes budgétaires fortes, les bureaux locaux peuvent lever des fonds multilatéraux. C'est l'exemple du British Council.

Avec 440 établissements d'enseignement homologués, la France dispose d'un puissant levier pour sa politique d'influence car elle forme des élites étrangères, véritablement bilingues, qui seront des ambassadeurs de la culture française. Nombre d'anciens élèves mènent de brillantes carrières : ils sont des relais très précieux pour la France. Ce réseau est aussi une vitrine de l'excellence de l'éducation à la française : laïcité, universalité, humanisme, exigence intellectuelle, promotion du multiculturalisme.

Une récente table ronde a permis de mieux saisir les relations entre nos différents opérateurs. Des liens se tissent entre eux car ils servent la même cause. Ainsi, nos chercheurs devraient jouer un rôle dans les écoles pour promouvoir nos universités. Faisons des lycées français un vivier pour nos universités.

L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, fondée sur le principe de cofinancement avec les familles, peine à trouver un équilibre. D'où la nécessité de préserver les bourses et des partenariats avec les établissements étrangers. Le label « France éducation », qui en est résulté, constitue une véritable marque. Nous avons récemment envisagé les perspectives offertes par ce label, en complément des dispositifs existants. Nous nous réjouissons que vous ayez choisi de préserver, monsieur le ministre, les moyens de l'Agence.

Troisième axe de notre influence : l'action audiovisuelle extérieure. L'avis de la France est attendu et respecté, bien au-delà de son poids économique. A l'heure de la mondialisation, il offre un regard singulier, qui trouve son ancrage dans le monde francophone et porte des valeurs d'égalité et de laïcité qui restent à promouvoir dans bien des régions du monde. On peut regretter que nos compatriotes connaissent mal cette action extérieure audiovisuelle, qui assure de surcroît le lien avec nos expatriés.

Que de mécomptes ne sont-ils pas résultés de plans de restructuration mal conçus ! Déjà considérable à près de 300 millions, le budget reste cependant insuffisant au regard des défis à relever. Médias de référence, France 24, RFI et Monte-Carlo Doualiya rassemblent des dizaines de millions d'auditeurs. En Tunisie, France 24 en arabe a plus d'audience qu'al Djezira. Tous les chefs d'État africains regardent cette chaîne. Au-delà, ces médias savent s'affranchir des frontières territoriales. Il s'agit de conforter cette présence, ce qui requiert des moyens car les entraves, de la censure politique au protectionnisme en passant par les coûts de distribution, sont nombreuses. Le passage à la TNT et à la haute définition justifient des financements spécifiques. Notre objectif est d'être présents au-delà de nos zones traditionnelles d'influence. Notre audiovisuel extérieur doit aussi disposer d'un point d'appui à l'intérieur de nos frontières, comme une fenêtre ouverte sur le monde.

Les Français vivent mal la mondialisation. La question est de savoir si nous voulons être des mondialisateurs ou des mondialisés. A des élites démissionnaires qui misent sur le tout-anglais, il faut opposer une confiance renouvelée. « Puissance d'influence », la France doit réapprendre à aimer sa langue.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Très bien.

M. Louis Duvernois, pour le groupe UMP.  - Développer une direction économique, comme vous le voulez, au sein de la direction de l'action extérieure participe de ce retour à la confiance. Le moment est venu de réenchanter le rêve de France sur le territoire national. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - La diffusion culturelle est plus que jamais un enjeu économique et culturel. La France, qui a inauguré la diplomatie culturelle au XVIIIe siècle, doit s'adapter au monde nouveau. Elle a obtenu, en 2005, une convention sur la diversité culturelle de l'Unesco. Son réseau éducatif, les expositions universelles, l'action audiovisuelle sont des instruments efficaces.

En ces temps de mainstream, nous devons plus que jamais nous affirmer pour contrer l'homogénéisation. Telle est la conclusion de mon récent rapport sur le numérique en Europe. Internet est une chance, mais faut-il se livrer pieds et poings liés aux géants américains ? En décembre dernier, douze États membres ont envoyé une lettre conjointe aux commissaires Vassiliou, Barnier et Kroes afin que l'Europe ne devienne pas une colonie du numérique.

L'Institut français est le principal instrument de notre influence. La professionnalisation accrue de ses intervenants va dans le bon sens. Pour autant, ne marginalisons pas les Alliances françaises. Je me souviens de cette petite antenne à Manáos, au Brésil, et de sa directrice qui se sentait bien seule... L'Institut français doit animer effectivement l'ensemble du réseau.

S'il faut maîtriser notre dépense publique, je déplore les coupes opérées dans le budget pour 2013. Les crédits de coopération culturelle diminuent de 6,5 millions alors qu'ils sont indispensables pour l'Organisation internationale de la francophonie, qui regroupe 63 pays. Nous devons mieux promouvoir notre système éducatif dans la nouvelle économie du savoir.

Quels sont les résultats des années croisées ? Nous n'avons pas les moyens de les mesurer. La coopération culturelle passe aussi par les collectivités territoriales. J'en veux pour preuve le partenariat entre la région de Hué, au Vietnam, et le Nord-Pas-de-Calais où l'accord entre le troisième cycle du conservatoire de musique de Rouen et Hanoï, grâce auquel des musiciens vietnamiens viennent désormais se former dans une ville que vous connaissez comme moi, monsieur le ministre.

L'action de Mme Saragosse à la tête de l'audiovisuel extérieur de la France mérite d'être saluée. Fin 2011, l'inspection générale des finances préconisait de renforcer les synergies au sein du groupe. Qu'en pensez-vous ? (Applaudissements au centre)

Mme Françoise Laborde .  - « Tout a changé. Nous ne sommes plus les rois du monde. » déclarait Bernard Kouchner. C'est peut-être aussi que nous nous sommes crus trop longtemps les rois du monde que notre diplomatie culturelle accuse un retard et souffre parfois d'un manque de légitimité. L'anthropologue Philippe Descola, professeur au Collège de France, a bien résumé le défi auquel est confrontée notre diplomatie d'influence : « incarner une civilisation singulière sans pour autant présumer de la supériorité de sa culture ». Depuis la Seconde guerre mondiale, Paris n'est plus la capitale des artistes.

La gageure est bien, désormais, d'incarner une civilisation singulière sans présumer de la dangerosité de notre civilisation. Il faut en tenir compte pour construire une nouvelle politique extérieure. Les chiffres ne sont pas glorieux : un tiers des centres ont fermé depuis 2000 et le budget a été amputé de 20 %. D'après le journaliste et chercheur Frédéric Martel, notre réseau est déprimé. Sans virer au catastrophisme, nous devons agir. Que faire ?

Pour développer un soft power à la française, l'argent n'est pas le seul nerf de la guerre. Soit, les instituts Confucius se sont multipliés ; ils sont présents dans cent pays, mais ce n'est pas parce que notre Institut français a un budget supérieur à celui des instituts Goethe, Cervantes ou des British Council que notre diplomatie culturelle est plus efficace -à supposer que l'on sache comment mesurer l'efficacité en la matière. La différence d'efficacité pourrait bien tenir à leur autonomie par rapport à l'exécutif. Cessons d'imposer nos normes et laissons faire les artistes. C'est au nombre de pièces de théâtre françaises programmées et d'artistes français exposés par des commissaires étrangers que nous mesurerons l'efficacité de notre influence. Je vous renvoie aux échanges réussis entre galeries privées d'art parisiennes et berlinoises avec le soutien de nos ambassades. Internet jouera également un rôle dans ce déploiement de la culture française.

Mais la diplomatie culturelle dépend aussi du hard power. Le 15 mars dernier, le président de la République a déclaré que l'exception culturelle ne devait pas être rediscutée dans le cadre de l'accord de libre-échange en négociation entre les États-Unis et l'Europe. Notre diplomatie culturelle doit désormais s'incarner au niveau européen ! (Applaudissements)

Mme Marie-Christine Blandin .  - La culture mérite mieux que l'exacerbation des rivalités. Même avec des moyens modestes, c'est la qualité des liens tissés qui compte plus que tout. La France, riche de son histoire, ne doit pas afficher sa supériorité quand d'autres pays ont compris l'intérêt d'adopter un ton discret. La culture procède d'un dialogue entre les peuples ; le rayonnement ne se décrète pas, il se fait chaque fois que des équipes, que des artistes travaillent ensemble. Nous avons à nous émerveiller des cultures étrangères.

Nous navrons nos amis quand, au nom de la lutte contre l'immigration clandestine, nous bloquons aux frontières le violoniste d'un sextuor à cordes, les percussionnistes africains du festival de Bidon, un jeune chercheur en informatique qui sera accueilli les bras ouverts chez Apple. L'incompréhension est totale quand notre consulat de Yaoundé ne délivre pas de visa à la déléguée africaine de l'école Freinet, l'empêchant de venir au congrès mondial malgré son billet retour payé, son hébergement assuré, son invitation montrée. Il est vrai que c'était avant 2012 et que le changement nous est annoncé...

L'attention portée à la réciprocité porte davantage d'espoirs de retombées d'échanges marchands et durables qu'une offensive de rayonnement portée par la seule quête de nouveaux marchés. Hélas, les missions culturelles du ministère des affaires étrangères ont subi une baisse significative de leurs crédits. On ne sortira pas des vieux schémas postcoloniaux si la culture n'est que la cerise sur le gâteau de notre politique de développement. La coopération culturelle est un moyen de prévention des conflits. Sans culture, pas de paix et sans paix, pas de développement possible.

Au Vietnam, un tiers du financement de la saison croisée vient des entreprises. Ce n'est pas un bon signal. L'École française d'Extrême-Orient ne compte plus qu'un chercheur à Hanoï, contre trois autrefois. Le laboratoire sur la génomique du riz est, en revanche, un exemple de partenariat réussi avec le Vietnam : on y travaille sur un riz débarrassé des OGM.

Bref, je souhaite que la France se batte pour l'application de la convention de la diversité culturelle de l'Unesco dans le respect de nos partenaires. (Applaudissements)

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères.  - Merci.

M. René Beaumont .  - Héritière d'un patrimoine et d'une histoire, la France compte encore, mais jusqu'à quand ? Grâce aux nouvelles technologies de l'information, notre culture n'a jamais été aussi accessible. Nos opérateurs peuvent diffuser leurs informations à la fois en français et dans la langue locale. Ce formidable potentiel doit être développé face à nos concurrents traditionnels et aux pays émergents. Tandis que nos concurrents traditionnels accentuent leurs efforts, le développement des nouvelles technologies donne les moyens de mener une action culturelle offensive à des puissances émergentes comme la Chine, les pays du Golfe, la Turquie.

Répondre au désir de France suppose des investissements. Or les crédits du programme 185 diminuent. L'Institut français, dont la loi de juillet 2010, a fait l'opérateur unique, a vu son budget réduit de 7 %. Idem pour les Alliances françaises. Sans doute des économies peuvent être réalisées mais n'allons pas trop réduire la voilure.

L'autofinancement, devenu indicateur de performance, a ses limites. Ne serait-ce que parce que dans certaines activités, la ressource est irrégulière : grâce aux cours de langue, les écoles françaises à l'étranger ont réuni 150 millions en 2011, contre 174,6 millions l'année précédente.

Je me réjouis que notre pays attire les étudiants étrangers : leur nombre a augmenté de 65 % en dix ans, pour représenter 12,3 % des étudiants. Former les élites étrangères de demain, et pas seulement en humanité, est un enjeu fondamental : travaillons à garantir l'excellence de nos formations.

L'État doit jouer un rôle de pilotage. CampusFrance propose aux pays partenaires un système performant de gestion des bourses délivrées à leurs étudiants. Le partenariat avec le Brésil dans le cadre du programme « Sciences sans frontières » est exemplaire. Hélas, CampusFrance attend toujours sa convention d'objectifs et de moyens et une stratégie claire.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé une réflexion à l'automne dernier, où en est-on ? J'ai l'impression d'une baisse uniforme des crédits, sans orientations privilégiées. Quel est le but : la promotion de langue française ? Parce que choisir, c'est aussi renoncer. Quels seront les pays ciblés ? Pardonnez-moi, monsieur le ministre, de vous soumettre à la question mais vous avez esquissé des pistes dont nous ne voyons pas encore la concrétisation. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)

M. Jean-Louis Carrère .  - Le rayonnement culturel d'un pays ne se décrète pas ; il est fonction d'abord de son patrimoine culturel, cela a été dit. A cet égard, la France représente une référence. A nous de la renforcer en appuyant la politique du Gouvernement sur l'éducation et en rappelant l'importance de l'investissement dans la création.

Le rayonnement culturel dépend aussi de la capacité à atteindre l'universel et à dialoguer avec l'extérieur.

Là où la liberté est restreinte, le rayonnement culturel s'étiole ; il est fondamental que notre pays continue de militer pour la liberté de création et de diffusion tout en protégeant la diversité contre l'uniformisation induite par les nouvelles technologies. Cela suppose de réguler les industries cultuelles, sans s'isoler pour autant.

Enfin, notre rayonnement culturel tient à la capacité de l'État à susciter le désir de France. La modernisation et la professionnalisation de notre réseau doivent se poursuivre. Le pilotage par des conventions d'objectifs et de moyens est une bonne chose en ce qu'il permet l'évaluation. Enfin, le rayonnement culturel est fonction de notre capacité à promouvoir notre culture et à susciter un désir de France.

MM. Vallini et Besson, les rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, s'exprimeront. D'emblée, je vous dis notre soutien : le rayonnement culturel est partie intégrante de notre influence. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Michel Le Scouarnec .  - Notre diplomatie culturelle appartient au « pouvoir doux », le soft power.

La France possède le premier réseau de coopération culturelle, avec 154 services de coopération ou d'action culturelle, ainsi que le premier réseau scolaire à l'étranger, chapeauté par l'Institut français depuis 2010, présent dans 130 pays et accueillant 310 000 élèves. A quoi s'ajoutent 145 Alliances françaises.

Pour autant, on enregistre un déclin de notre culture dans le monde et un recul de la francophonie devant l'anglais, langue officielle de 94 pays contre 54 pour le français. Malgré son importance stratégique, notre diplomatie a été durement frappée par la RGPP. Ce gouvernement n'a pas enrayé cette tendance avec 184 postes supprimés en 2013 et des crédits diminués de 15 % de 2013 à 2015.

En revanche, notre réseau éducatif a été globalement préservé. Cependant, à l'heure où d'autres pays développent un réseau culturel -la Chine a installé son premier Institut Confucius en France en 2004 et en avait déjà créé 357 autres dans le monde en 2010-, notre stratégie paraît bien timorée. Or la France consacre l'essentiel de ses effectifs et de ses ressources à l'Europe et aux anciennes colonies. Il y va de la survie de notre culture et de nos valeurs dans un monde globalisé. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Christophe-André Frassa .  - Sénateur des Français de l'étranger, je serais tenté d'évoquer l'AEFE et la prise en charge des frais de scolarité dans les lycées français. Je vous parlerai plutôt de notre réseau : comme tous les héritages, il faut le faire fructifier si nous ne voulons pas le voir dilapider.

Face aux défis de la mondialisation, nous ne répondons plus à la demande de France à l'étranger, faute de la susciter. D'ailleurs, le succès des Instituts Goethe et Confucius tient aussi à la capacité de leurs pays à gérer la crise ; c'est cela le véritable smart power que voulait développer Hilary Clinton sous le premier mandat d'Obama. Nous avons voté, il y a deux ans, une loi sur l'action extérieure de l'Etat et créé l'Institut français, mais cela ne suffit pas. Nous n'inspirons plus la confiance, ni en France ni à l'étranger. Le marasme économique persiste. De plus en plus de jeunes songent à s'expatrier : ils sont 65 % dans ce cas, selon un récent sondage. Pour mémoire, la moyenne d'âge des 20 000 Français de Shanghai est de moins de 29 ans. Prenons garde, tout de même, à une hémorragie de jeunes actifs qualifiés.

Ils sont loin d'être des millionnaires ! De même que nos ambassadeurs et nos agents consulaires ne sont pas des exilés fiscaux ! Une telle image est lamentable et irrespectueuse.

Monsieur le ministre, vous me pardonnerez mes propos un peu vifs car je sais que vous voulez, comme moi, plus de France et mieux de France ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean Besson .  - Le président Carrère nous a appelés à actualiser notre diplomatie d'influence. Le travail commun engagé il y a cinq ans par le Sénat en la matière a débouché sur un constat unanime, que nous pourrions reprendre. La loi de 2010 a mis en place des opérateurs tels que l'Institut français, CampusFrance, France Expertise internationale. Fort bien. Mais nous sommes restés au milieu du gué et les faiblesses persistent, face à une concurrence croissante des pays émergents, la Chine mais aussi les pays du Golfe, comme le Qatar. Quant à nos opérateurs privés, à quelques exceptions près, ils restent très timides. La puissance de certains acteurs de l'internet doit également nous alerter. A force de réduire nos investissements, nous perdons notre influence.

Les moyens des opérateurs en diminution : une baisse de 7 % des crédits pour l'Institut français en 2013, de 4 % pour le réseau, même chose pour l'Alliance française.

Certes, il faut saluer les efforts de remise en ordre et de modernisation mais ne nous berçons pas d'illusions : ce n'est pas en affichant des prévisions irréalistes que l'on redressera la barre, ni en comptant sur l'autofinancement par les cours de langue ou le mécénat.

La formation initiale du personnel de direction des centres est insuffisante : sept jours en moyenne contre six mois en Allemagne. Comme le sont les formations en immersion, la formation des agents du réseau doit être une priorité. A-t-on vraiment progressé ? On ne saurait laisser les personnels déconnectés de l'opérateur central. Le pilotage par objectifs est plus opérant que les contrôles tatillons par la tutelle. La commission des affaires étrangères est mobilisée sur l'évaluation de l'expérimentation menée, concernant le rattachement du réseau culturel à l'Institut français. La démarche stratégique du Gouvernement doit être plus explicite. Trop d'opérateurs restent sans contrat d'objectifs et de moyens. Il est temps d'avancer et je crois que c'est votre volonté, monsieur le ministre.

L'heure est au choix entre les objectifs et les territoires sur lesquels porte l'effort. Les moyens manquent, depuis trop longtemps ; notre coopération culturelle a servi de variable d'ajustement. Sachez que nous serons à vos côtés pour rendre à notre diplomatie culturelle ses ambitions. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. André Vallini .  - Le rayonnement culturel dépend de multiples facteurs. L'explosion des nouvelles technologies de la communication exacerbe la concurrence, en particulier pour l'audiovisuel et les médias, car de nombreux pays ont une volonté farouche de promouvoir leur culture.

L'audiovisuel extérieur de la France a-t-il les moyens de jouer son rôle ? Si le Gouvernement a remis de l'ordre dans une situation devenue inextricable, reste à lui assigner des objectifs clairs. Où en est le contrat d'objectifs et de moyens de l'AEF, monsieur le ministre, et celui de TV5 Monde ? Quel rôle le ministère des affaires étrangères entend-il jouer face au ministère de la culture, sachant que l'audiovisuel extérieur ne recevra que 8 % de la contribution publique ?

Quelles ambitions au Maghreb, au Moyen-Orient ? Ne devrait-on développer l'information en langue arabe ? Et renforcer l'offre radiophonique sur notre territoire pour contourner le développement d'une offre orientée religieusement ? Quel usage des réseaux sociaux ?

Notre audiovisuel peut participer à l'effort d'enseignement du français, comme l'a fait TV 5 avec un site dédié à cet apprentissage. Il faut aller plus loin. Le français est parlé aux quatre coins du monde, mais il le sera encore plus dans les années à venir -jusqu'à 1 milliard de francophones dans deux ou trois décennies ! C'est là un élément essentiel de notre diplomatie et du rayonnement de notre culture : nous ne cesserons d'y être attentifs. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Claudine Lepage .  - Il y a 478 établissements d'enseignement du français, répartis entre 130 pays, ou encore 135 espaces CampusFrance ; à considérer les chiffres, notre réseau reste puissant. C'est un atout formidable. Le soft power contribue à notre rayonnement et constitue, avec l'exception culturelle, notre marque de fabrique.

Mais, depuis quelques années, le coeur n'y est plus. La présidence Sarkozy a été dépourvue de vision stratégique et la réforme de 2010 n'a pas rempli son objectif, ainsi que l'a rappelé M. Besson. Le nouvel Institut français peine à déployer une politique ambitieuse de coopération.

L'audiovisuel extérieur de la France contribue à notre rayonnement. Administratrice de la société AEF, je veux saluer le travail de Mme Saragosse qui, en quelques mois, a redonné espoir aux salariés durement éprouvés par l'ère Sarkozy-Pouzilhac.

Comme fut durement touché notre réseau d'enseignement, qui y a perdu des objectifs de justice et de mixité. François Hollande a supprimé la prise en charge (PEC) des frais scolaires à son arrivée, je m'en réjouis. Je m'inquiète en revanche d'une récente décision de justice de la cour administrative d'appel de Paris, l'arrêt Chauvet, qui ne permettra plus d'accueillir les élèves étrangers qu'en fonction des places laissées disponibles par les jeunes Français. Si la Commission européenne n'y voit pas une discrimination entre ressortissants des pays membres, il en résulterait un grand bouleversement de l'enseignement du français à l'étranger. Je me félicite par conséquent qu'une mission d'information soit constituée et que la ministre déléguée entende faire des propositions. Je souhaite y collaborer activement. Il s'agit de tenir de front la mission de scolarisation des enfants français et l'accueil de jeunes étrangers pour former, à l'avenir, de nouveaux Boutros Boutros-Ghali, de nouvelles Jodie Foster, qui ont fréquenté la langue et la culture françaises et en sont à présent les ambassadeurs ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères .  - M. Duvernois a porté un jugement positif sur l'Institut français, émis des suggestions sur notre réseau d'enseignement français et sur notre audiovisuel extérieur. Mme Morin-Desailly a souligné la nécessité d'une approche européenne, regretté les coupes budgétaires -mais d'autres ont eu l'amabilité de rappeler que tous les ministères y sont soumis et je rappelle que l'éducation a été épargnée. Mme Blandin s'est interrogée sur les visas pour les artistes. Qu'elle sache que nous avons tout récemment, avec Manuel Valls, pris une décision pour faciliter les visas courts pour les hommes d'affaires et les professionnels de la culture et envoyé des instructions en ce sens à nos postes. Elle a également souligné l'action des collectivités territoriales et l'importance de la convention de l'Unesco sur la diversité culturelle. Le Gouvernement partage ses analyses.

Mme Laborde s'est interrogée sur le pilotage de l'action culturelle. Certes, il faut faire appel aux artistes, mais beaucoup de diplomates sont assez cultivés. (Rires) Je m'efforce moi-même de les rattraper. (Même mouvement) Il faut trouver le bon niveau de brassage.

Le président de la République a demandé expressément que la culture soit exclue des négociations sur l'accord de libre-échange entre l'Europe et les États-Unis. Nous ne sommes pas les seuls à tenir cette position, d'autres États membres souhaitent préserver l'exception et la diversité culturelles.

M. Beaumont s'est demandé jusqu'à quand la France resterait une puissance culturelle. Je ne partage pas ses inquiétudes ; notre réseau est puissant et, surtout, notre influence reste exceptionnelle. Je le sais pour faire deux fois le tour du globe par mois. Il est vrai que les contraintes budgétaires sont là, que la concurrence est rude et aiguisée par les nouvelles technologies mais la France a tous les moyens pour rester à la pointe.

M. Le Scouarnec, tout en insistant sur la place éminente de notre réseau, a lui aussi pointé le risque de déclin, face à ce qu'il a appelé « les pays d'avenir » -reste à les définir. Il est vrai que le monde a évolué. Je pense à l'Afrique, grand continent francophone : son développement devait nous faire approcher, dans trente ans, les 800 millions à 1 milliard de francophones.

M. Frassa s'est désolé, avec beaucoup d'humour, du recul de notre influence. Je ne suis pas aussi pessimiste que lui. Certes, la concurrence des États-Unis, de la Chine est forte mais on ne saurait parler d'une fuite de nos jeunes cerveaux : réjouissons-nous qu'il y ait beaucoup d'étudiants français à l'étranger. Ils sont nos meilleurs ambassadeurs. Le mouvement ne traduit pas un dépit de France, bien au contraire ! Je me réjouis de l'hommage rendu à nos expatriés et à nos postes.

M. Besson a pointé l'influence montante des « Bric ». S'agissant des opérateurs nouveaux, les ressources propres ne sont pas nulles mais, vu notre trajectoire budgétaire, il faut faire flèche de tout bois. Sur l'Institut français, il est trop tôt pour porter un jugement.

M. Vallini a demandé le renforcement de notre audiovisuel extérieur, y compris en France. J'ai demandé une réflexion, notamment sur la diffusion en arabe. Notre réseau est multiple et une fenêtre ouverte à l'intérieur de nos frontières ne serait pas inutile.

Mme Lepage est critique sur l'Institut français, mais accorde une mention bien, en revanche, à Mme Saragosse. Comme dans The Voice, je me retourne et je suis son vote. Elle a rappelé la réforme de la PEC, lancée il y a dix mois, et rendu hommage à notre ministre délégué qui s'est saisi de cette difficile question. Nous ignorons encore la portée de la décision judiciaire intervenue, mais il faudra y être attentifs pour éviter toute dérive.

Nous avons tous, sur le rayonnement de la France, quelques souvenirs marquants. Récemment, à l'occasion d'un déplacement en Colombie, j'ai assisté à une cérémonie traditionnelle au lycée français à Bogota. Tôt le matin, vers sept heures, 800 élèves, en uniforme, des petites classes à celles préparant au bac, en majorité colombiens, se tenaient dans la cour.

Ils ont chanté, dans un français impeccable, les cinq premiers couplets de La Marseillaise. Oserons-nous tenter l'exercice ici ?(Sourires) C'est en tout cas dans de telles circonstances que l'on se rend compte que le rayonnement culturel de la France n'est pas un vain mot.

La France conjugue le soft power, création de Joseph Nye, et le hard power. L'influence de notre pays est liée à un ensemble de facteurs, dont fait partie l'influence culturelle. Notre dernier prix Nobel nous le prouve, comme la liste de nos médailles Fields, nos prix Nobel de littérature, nos Oscars, nos établissements prestigieux à l'étranger. A regarder notre bilan, on peut dire sans arrogance que notre capacité de rayonnement est remarquable. Et cela va au-delà de nos intellectuels : nos designers, nos cinéastes, l'attrait de Paris, ville la plus visitée du monde, nos industries culturelles, qui comptent pour 5 % de nos exportations doivent aussi être pris en compte.

Nous avons, comme responsables politiques, une mission essentielle d'appui, en particulier dans les enceintes internationales.

Hommage soit rendu à ceux qui font vivre notre culture à l'étranger. Nous ne sommes pas les seuls. La Grande-Bretagne, avec le British Council, l'Allemagne, avec l'Institut Goethe -qui m'a permis tout à la fois d'apprendre l'allemand et de rencontrer ma première fiancée (sourires), l'Espagne, avec l'Institut Cervantes, sont à nos côtés. Et la Chine « produit » six millions de diplômés de l'université chaque année...

Quels sont nos objectifs ? Promouvoir la création et le patrimoine français là où se construit le monde de demain. Je pense à l'Afrique, à l'Amérique latine, à l'Asie. En certains lieux, nous sommes très aimés, même si nous sommes insuffisamment présents. Il faut donc travailler avec nos grandes institutions ; je pense à nos grands musées, comme Le Louvre, Orsay, le centre Pompidou ou le Quai Branly, qui sont d'extraordinaires vitrines. Nous soutenons la création en tous les domaines et nous agirons pour promouvoir nos industries culturelles, qui représentent 350 000 emplois.

Nous serons vigilants, dans la négociation avec les États-Unis, à la préservation de la diversité culturelle. L'enjeu est majeur. A l'occasion du Salon du livre, les responsables du Syndicat national de l'édition m'ont dit combien ils étaient attentifs à la possibilité de publier dans le monde. Mais l'audiovisuel compte aussi : il y aura plus de 30 000 chaînes en 2015 dans le monde. La France doit prendre toute sa place dans le monde des médias. D'où la mission confiée à l'Audiovisuel extérieur de la France. Nous avons des atouts majeurs et les turbulences sont apaisées. La réflexion est en cours sur la Convention d'objectifs et de moyens. Le pôle média de l'audiovisuel extérieur de la France sera renforcé et l'État assumera son rôle stratégique.

Autre axe prioritaire, la francophonie. Le français mérite d'être développé partout dans le monde... y compris en France. La francophonie accélère les échanges, y compris économiques, et rapporte un supplément de 6 % du PIB par tête dans les pays concernés, selon un rapport récent qui gagnerait à être connu. Preuve que la francophonie n'est pas une vieille lune. Nous en sommes cocréateurs et nous avons mis sur pied un programme d'action avec nos partenaires. Quand une assemblée francophone se réunit, pourquoi s'y exprimer en anglais à la tribune ? Outre que ce n'est pas toujours rendre service à l'anglais (sourires), comment un auditeur qui a peiné des années à apprendre le français peut-il prendre ceci ? (Applaudissements)

Une anecdote : lorsque les États-Unis ont eu à choisir leur langue, étaient en concurrence le français, l'anglais et l'allemand. L'anglais ne l'a emporté que d'une voix...

M. Gérard Longuet.  - Comme pour la République ! Et pour la tête de Louis XVI !

M. Laurent Fabius, ministre.  - ...et le bruit court que le français l'aurait devancé s'il n'y avait eu, parmi les votants, deux retardataires...

Le label FrancÉducation, créé en 2012, est un encouragement à l'enseignement français à l'étranger. Mme Conway-Mouret me rendra son rapport en juin, lequel prendra en compte les questions juridiques et les suites de la suppression du droit d'écolage. Un contrat d'objectifs et de moyens sera ensuite conclu avec l'AEFE.

Troisième priorité : l'attractivité de nos universités. Cela suppose la mobilisation de nos chercheurs et de nos universitaires à l'étranger, là où surgissent des idées et se forment des élites.

Nous travaillons à renforcer le lien entre CampusFrance et les universités, nous avons maintenu les crédits alloués aux bourses et abrogé la circulaire Guéant qui témoignait d'une méconnaissance de ce que sera le monde de demain.

M. Jean Besson.  - Tout à fait !

M. Laurent Fabius, ministre.  - Les étudiants étrangers, de retour chez eux, sont les meilleurs ambassadeurs de la culture française. Ils répondent aussi aux besoins de nos entreprises à l'international. Les accueillir chez nous nous donne une immense force. Répondre à la concurrence ne doit pas signifier se replier sur soi-même.

Dans toute politique de visa, il est deux considérations. Celle de la politique migratoire, qu'avait évoquée Michel Rocard quand il disait que l'on ne peut accueillir toute la misère du monde, mais aussi celle de l'attractivité. Foin de ces sottises qui ont conduit à refuser des visas à des artistes venant participer, chez nous, à des festivals.

Hommes d'affaires, universitaires, artistes ont la France pour destination privilégiée. Avec Manuel Valls, nous avons donné instruction à notre réseau diplomatique et consulaire de leur accorder des visas de circulation avec plusieurs entrées dans l'espace Schengen. Nous renforcerons ainsi notre attractivité tout en maîtrisant les flux migratoires.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Laurent Fabius, ministre.  - Nous développons également la coopération scientifique.

La modernisation de notre réseau implique un redéploiement géographique ; sans négliger nos partenaires traditionnels, nous devons répondre au désir de France dans les pays émergents présents et à venir, en liaison avec les collectivités territoriales et les grandes ONG. Nous devons agir aussi au sein du réseau européen des agences culturelles, dont la France assure actuellement la présidence. A ce sujet, monsieur Besson, notre réseau collecteur a levé 180 millions en cofinancement. Je veux féliciter les acteurs, souvent contractuels, qui animent notre réseau : ils en sont le coeur battant. Nous avons ouvert un chantier pour mieux valoriser leur expérience.

Un rapport récent sur les relations entre l'Institut français et les Alliances françaises insiste sur le renforcement du pilotage, la recherche de mécènes et la coordination européenne. Il sera transmis aux commissions compétentes du Parlement avant la fin du mois. Le budget de l'Institut a été préservé mais l'hypothèse du rattachement de l'ensemble du réseau, pour un coût évalué à 50 millions, ne paraît pas compatible avec la situation budgétaire. J'attends de connaître l'évaluation de la Cour des comptes avant de procéder à toutes les consultations pour d'arrêter les grandes orientations et la configuration du réseau.

Il n'y a pas, d'un côté, la diplomatie des grandes capitales et des chancelleries, de l'autre, l'action culturelle ; d'un côté, la diplomatie de l'économie, de l'autre, la diplomatie de la culture : il n'existe qu'une diplomatie au service de notre pays. Suscitons ce désir de France dont vous avez si bien parlé ! (Applaudissements)

La séance est suspendue à 19 h 35.

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

La séance reprend à 21 h 35.

Débat sur la politique spatiale européenne

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle un débat sur les enjeux et les perspectives de la politique spatiale européenne.

M. Bruno Sido, président et co-rapporteur de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques .  - Avec Mme Procaccia, nous avons le plaisir de vous présenter le rapport que nous a confié l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, saisi par la commission des affaires économiques du Sénat, sur les enjeux et perspectives de la politique spatiale européenne. L'office, vous le savez, est la seule structure commune à l'Assemblée nationale et au Sénat. Il traite de questions ardues, techniques, dont la politique spatiale, hélas trop méconnue. Qui sait que le robot Curiosity qui s'est posé sur Mars l'an dernier est issu d'une coopération franco-américaine ? Je salue la présence dans notre tribune de M. Jean-Yves Le Gall, candidat à la présidence du Centre national d'études spatiales, et reconnais en Mme la ministre une ancienne de l'Office.

L'ESA, l'agence spatiale européenne, s'est réunie à Naples en octobre dernier dans un contexte budgétaire tendu. Nous consacrons six fois moins de crédits à l'espace que les États-Unis, alors que l'espace est une compétence européenne depuis le traité de Lisbonne. Il faut donc clarifier le millefeuille de la gouvernance de l'Europe spatiale. En France, nous devons faire figurer explicitement l'espace parmi les compétences d'un ministre ; associer, comme le font les États-Unis, le Parlement à la définition de la politique spatiale et créer une structure de concertation entre État et grandes industries.

Nous devons garantir le financement du GMES, le programme de surveillance globale pour l'environnement et la sécurité, et faire de Pesa une véritable agence spatiale européenne sans remettre en cause le caractère intergouvernemental de cette structure. Mieux vaut recourir aux organisations existantes que de créer des structures redondantes. La règle de « retour géographique » doit évoluer vers celle de « juste contribution » ; de même, il faut appliquer la préférence européenne et ne pas être contraint de recourir à un lanceur russe pour certains satellites du programme GMES.

Cela nous amène à la question majeure de notre indépendance d'accès à l'espace. Nous utilisons trois types de lanceurs : Ariane 5, dont la capacité d'emport est de 10 tonnes en orbite géostationnaire et qui vient de réussir 54 lancements consécutifs ; le russe Soyouz, exploité depuis Baïkonour jusqu'à ce qu'en 2011 et maintenant depuis Kourou, avec une capacité d'emport de 3,2 tonnes en orbite géostationnaire ; enfin Véga, le dernier-né, dont la capacité est pour le moment d'1,5 tonne en orbite basse. Ariane 5 est surdimensionnée pour le marché, ce qui nous impose de recourir à Soyouz, un dérivé des missiles intercontinentaux. Nous attendons le développement de Véga...

De nouveaux acteurs émergent, telle l'entreprise américaine Space X, directement issue de l'inflexion de la politique spatiale américaine voulue par le président Obama, qui a tenu à recentrer la Nasa vers l'exploration lointaine. Les Américains ont titré les leçons des navettes et voulu un lanceur simple, fiable et d'un coût faible. Nous avons visité l'entreprise, centrée sur l'utilisation d'un lanceur modulable. D'autres concurrents se profilent, comme la Chine, l'Inde, le Brésil, la Russie.

Bref, alors que la demande stagne et que l'offre s'accroît, les projets Ariane 5 ME et Ariane 6 ne sauraient rester complémentaires. Sachant que nous avons tout intérêt à développer un lanceur à étage supérieur rallumable, Ariane 6 représente une solution plus pérenne, quoique moins rapide, dans sa version poudre-poudre-hydrogène, une technologie très fiable et peu coûteuse. De plus, Ariane 6 viendrait en complément de Véga pour un coût unitaire réduit à 70 millions si l'on parvient à en réorganiser la production industrielle, actuellement trop éparpillée.

Plutôt que deux lanceurs, nous proposons d'en privilégier un seul, en l'occurrence Ariane 6. Ce serait plus raisonnable en ces temps budgétaires difficiles. (Applaudissements)

Mme Catherine Procaccia, co-rapporteur pour l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques .  - Il faut poursuivre l'appui à l'industrie en développant des programmes centrés sur les satellites tout-électriques sur lesquels Boeing a pris de l'avance.

Notre dépendance ne s'explique qu'en partie par les règles Itar ; c'est vrai pour les composants micro-électroniques durcis. Réorientons nos activités vers les services aux citoyens et les retombées concrètes de notre politique spatiale. Je pense, entre autres, à l'observation destinée à comprendre le fonctionnement de la terre. L'Europe détient une expertise reconnue en océanographie, pour l'étude des sols, de l'eau, des glaces, de l'atmosphère, des champs magnétiques. On voit l'intérêt de la climatologie indispensable pour évaluer le changement climatique. Encore faut-il garantir la continuité de l'observation et la surveillance via le programme GMES.

Jusqu'en 2020, nous continuerons de financer la station spatiale internationale en attendant sa désorbitation, dont le coût est estimé à 2 milliards, soit 2 % du coût exorbitant de cette station. Il faudra aller plus loin en privilégiant les missions robotiques à innovation scientifique et coûts maîtrisés dans le cadre de coopérations internationales. M. Sido a parlé de Curiosity, il est d'autres exemples.

L'exploration de Mars est prioritaire, non par goût de l'aventure mais parce qu'on y a trouvé un environnement propice à la vie et que cela peut nous aider à mieux comprendre la terre. La question d'un vol habité sur Mars n'est pas à l'ordre du jour, même si l'on parle beaucoup dans certains pays de 8 000 volontaires prêts à partir pour la planète rouge sans espoir de retour. Un vol habité coûterait mille fois plus cher qu'une grosse mission robotisée !

Quelles seront les retombées de nos coopérations avec la Nasa ?

Enfin, je voudrais aborder un sujet dont on parle trop peu : la multiplication des débris dans l'espace, qui compromet les opérations spatiales. Ce n'est pas une vue de l'esprit. On a dénombré des accidents et collisions en 1985, en 2007 et en 2009. En outre, il existe un risque de dommages au sol. Pour limiter ces dangers, nous proposons un code de bonne conduite qui est en cours de négociation. N'attendons pas un nouvel accident ! Un programme commun de surveillance, grâce à des capteurs supplémentaires, réduirait les collisions. La surveillance de l'espace lointain ne relève pas de la science-fiction : la chute d'une météorite sur une ville de Russie, en février dernier, l'a prouvé. Nous pourrions aussi faire contribuer les opérateurs commerciaux au nettoyage des débris spatiaux. Que faire pour promouvoir la durabilité des opérations spatiales ?

Nous sommes heureux que le Sénat contribue à la réflexion sur notre politique spatiale, un enjeu économique, géostratégique et de sécurité. Merci aux personnes présentes d'avoir choisi ce débat plutôt que le match de football ! (Sourires et applaudissements)

M. Jean-Pierre Plancade .  - Votre rapport est réellement remarquable. C'est un Toulousain un peu au fait de ces questions qui vous le dit.

Mme Catherine Procaccia, co-rapporteur.  - Merci.

M. Jean-Pierre Plancade.  - L'aventure spatiale, née après la Seconde guerre mondiale, a connu de nombreuses évolutions, depuis la fin de la guerre froide jusqu'à l'arrivée des pays émergents. Le général de Gaulle a mis l'accent sur la coopération spatiale, et à raison. Nous n'en serions jamais arrivés à ce niveau si la France avait prétendu avancer seule.

Nos sociétés, largement modelées par les nouvelles technologies de l'information et de la communication, sont aujourd'hui dépendantes des relais satellitaires. Il est donc primordial de préserver notre autonomie d'accès à l'espace, via les programmes GMES et Galileo.

La dernière réunion de l'ESA à Naples n'a guère tranché entre Ariane 5 ME et Ariane 6. Pourtant, les subventions à Ariane se réduisent, passant de 250 millions à 100 millions. Toulouse concentre un quart des effectifs de la politique spatiale européenne.

Au regard des avantages que nous pouvons tirer de l'espace, de l'enjeu économique qu'il représente pour la France, le groupe du RDSE considère que la politique spatiale européenne, pour un coût de 10 euros par an et par habitant, mérite tout notre soutien. (Applaudissements)

M. André Gattolin .  - Les écologistes ne comptent guère de spécialistes de l'espace. Peut-être m'a-t-on désigné parce que je suis passionné par le sujet depuis l'enfance ou que mon empreinte carbone est la plus importante en raison de mes nombreux voyages intercontinentaux... (On apprécie l'humour)

L'espace est le lieu le plus absolu de l'échelle globale, et aussi du temps long. Depuis l'espace, la terre apparaît dans sa fragilité et sa solitude. Cela nous fait prendre conscience de notre finitude et nous invite à rêver, à nous réaliser. Publié par Le Monde du 21 mars, le formidable cliché de l'univers tel qu'il était, âgé de 380 000 ans seulement, justifie à lui seul la politique spatiale européenne, car cette image a été produite grâce à notre satellite Planck.

La concurrence est vive, y compris avec les pays émergents, ce qui nous oblige à une redéfinition de notre gouvernance. L'ESA, depuis 1975, était le pilier de notre politique autour de l'axe franco-allemand. Avec l'article 199 du traité de Lisbonne, la politique spatiale est devenue une compétence de l'Europe. Ce qui ne pose aucun problème pour le GMES ou Galileo. Les écologistes soutiennent une politique spatiale européenne ambitieuse...

M. Bruno Sido, co-rapporteur.  - Très bien !

M. André Gattolin.  - ...à condition de veiller à la soutenabilité des opérations : 20 000 débris spatiaux requièrent une surveillance accrue. De plus, le centre de Kourou pose des problèmes environnementaux à la Guyane.

Surtout, évitons toute dérive militaire de l'espace ! Je rappelle que le GPS que nous utilisons tous autorise, en retour, une géolocalisation par satellite.

Mme Sophie Primas .  - Merci pour ce rapport éclairant.

M. Bruno Sido, co-rapporteur.  - Merci.

Mme Sophie Primas.  - Notre industrie spatiale émerveille les lycéens -je l'ai vu au centre Astrium récemment ; elle est une promesse.

Le champ des applications, très vaste, n'est pas encore défriché. D'après les estimations, le GPS, qui génère 58 milliards en 2010, rapportera 165 milliards en 2020. Grâce à l'observation satellitaire, nous affinerons notre connaissance des sols et parcelles agricoles, chères à mon coeur, et réduirons l'emploi des pesticides, ce qui fera plaisir aux écologistes. Améliorer les prévisions météorologiques de 1 degré Fahrenheit permettrait une économie de 1 milliard par an aux producteurs d'énergie !

L'indépendance de l'accès à l'espace est aussi cruciale que notre autonomie alimentaire ou énergétique. Il y va de notre souveraineté, mais aussi de notre influence culturelle. Même notre tradition humaniste peut s'exprimer dans la politique spatiale. Je pense à la charte « Espace et catastrophe majeures », créée il y a quinze ans par l'ESA et le Cnes pour coordonner les secours, qui a montré son efficacité à Haïti.

La souveraineté nationale suppose un accès autonome à l'espace et une technique fiable et performante. Le recours à nos propres lanceurs est essentiel : cet objectif doit être partagé avec tous, y compris avec nos amis allemands. D'autant que la concurrence mondiale s'active, avec des moyens bien supérieurs aux nôtres, y compris dans les pays émergents. Il faut donc consolider nos positions et optimiser tout euro investi. Améliorer la gouvernance, clarifier les objectifs de nos politiques, créer des filières, surveiller les débris spatiaux : autant de préconisations pertinentes des auteurs du rapport. L'industrie doit être intégrée aux décisions stratégiques. Le choix d'un lanceur Ariane 6 a des conséquences sur le site d'Astrium. Il faut anticiper, pour maintenir activité, emploi et compétences sur les sites, comme aux Mureaux. Mieux vaut intervenir pour soutenir une activité pérenne plutôt qu'un redressement.

Il est nécessaire de maintenir les budgets spatiaux, tant la dépense dans l'industrie spatiale a un puissant effet multiplicateur : un pour vingt. Avec 1,143 milliard, les crédits progressent de 1 %, je me réjouis de cette stabilité mais ce n'est pas suffisant pour affirmer une priorité. Le programme des investissements d'avenir a alloué 600 millions à la recherche spatiale, à l'initiative du précédent gouvernement. Nos efforts détermineront l'avenir.

Je salue les avancées obtenues à Naples grâce à la mutualisation des dépenses et le lancement, en conséquence, d'Ariane 6. Ainsi seront préservées les compétences de haute technologie, dont la perte serait irrémédiable. Il faut aider le ministère de la défense à obtenir des arbitrages budgétaires favorables à la recherche spatiale militaire. Le retard du Livre blanc aura, hélas, des conséquences immédiates sur l'activité militaire et, par ricochet, sur l'activité civile. De fait, l'activité militaire représente parfois deux tiers du carnet de commandes des entreprises. Le Parlement, enfin, devrait être plus souvent consulté et l'idée de réintroduire l'espace dans l'intitulé d'un ministère n'est pas anecdotique. Il faut associer les citoyens. Une heure sans espace, où serait coupé l'accès à toutes les applications, créerait en vérité un vrai choc de conscience.

M. Bruno Sido et Mme Catherine Procaccia, co-rapporteurs.  - Très bonne idée !

Mme Sophie Primas.  - Merci à l'Office de son travail irremplaçable. (Applaudissements sur les bancs UMP ; M. Bruno Sido, co-rapporteur, applaudit)

M. Jacques Chiron .  - Je salue le travail fouillé de l'Office.

Avec la crise économique, certains s'interrogent sur l'utilité de l'investissement spatial : budgets très lourds pour des retours peu connus du grand public.

L'industrie européenne prend toute sa part dans cette activité, qui a des effets multiplicateurs importants dans l'économie et dans la société -voyez l'attrait des jeunes pour les études scientifiques. Notre compétitivité tient à un engagement ancien et résolu de l'Europe qui, dès 1975, a su fédérer ses forces dans l'Agence spatiale européenne, au service de nos concitoyens. Eumetsat ou Eutelsat sont deux exemples de ses réalisations ; Galileo garantira notre autonomie à l'égard des États-Unis ; GMES nous mettrait en position d'acteur majeur dans le domaine spatial, où les pays émergents nous livrent une vive concurrence.

D'où la nécessité de conforter nos positions. Il y faut d'abord des moyens.

Nous nous réjouissons de l'augmentation de 3,7 % de la contribution française à l'ESA, soit 29 millions d'euros supplémentaires, ce qui contribuera à apurer la dette de l'agence. Il faut faire évoluer nos lanceurs, pour nous adapter au marché et garantir notre autonomie d'accès à l'espace. La réunion de Naples a signé l'acte de naissance d'Ariane 6, c'est une bonne nouvelle.

Troisième condition, l'amélioration de la gouvernance. Nombreux sont les acteurs à intervenir. Les États membres, d'abord, dont la France, qui y consacre 31 milliards, via le Centre national d'études spatiales (Cnes) ; vient ensuite l'ESA, puis l'Union européenne, avec une compétence propre depuis 2009. Évitons une dispersion des forces et des moyens et associons mieux les industriels. Quatrième condition : aider l'industrie européenne à rester compétitive, grâce aux investissements d'avenir, consacrés à des objectifs ciblés. Ce type d'investissement devrait être porté à terme par l'Union européenne. La chose est suffisamment rare pour être signalée, cette filière spatiale fait travailler ensemble grands groupes industriels, PME, TPE et laboratoires, réunis autour de la recherche fondamentale et l'innovation appliquée aux besoins industriels. Je sais, madame la ministre, que vous êtes attentive à cet enjeu.

Je veux ici évoquer l'entreprise grenobloise Airliquide, née d'une collaboration avec le CNRS et qui fournit le ministère de la défense et assure la propulsion des lanceurs Ariane. Les innovations qu'elle autorise sont aujourd'hui remarquables, notamment pour les véhicules propres à hydrogène. La filière est un acteur clé de la transition énergétique. La collaboration public-privé crée l'innovation. Tel est bien l'esprit du pacte de compétitivité et de croissance.

Dans le spatial comme dans l'aéronautique, l'Europe a su se montrer exemplaire. MM. Mirassou et Plancade en savent quelque chose. Alors que l'Europe est critiquée, sa politique spatiale montre la nécessité de la solidarité et d'une plus grande intégration. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Le Scouarnec .  - Ce débat vient à point nommé après la réunion interministérielle de Naples, qui s'est employée à définir à dix ans les contours de la politique spatiale. Les parlementaires que nous sommes sont attentifs à l'avenir de ce secteur. L'excellent rapport de l'OPECST a fait d'utiles recommandations.

La réunion de Naples a montré que la politique spatiale est à la croisée des chemins. Le paysage a évolué, avec l'émergence de nouveaux acteurs et la compétence spatiale reconnue à l'Europe par le traité de Lisbonne. Mais l'équilibre n'a pas été trouvé entre exigence de la recherche et recherche forcenée de réduction des coûts. Veut-on se fier à une logique purement commerciale ou considère-t-on que notre autonomie de lancement est un impératif stratégique ? La conférence de Naples a privilégié la logique commerciale, mais l'exigence de préserver notre accès à l'espace n'a pas été oubliée.

Le rapport de l'OPECST préconise un principe de réciprocité et m'en réjouis. Souhaitons que la conférence de 2014 donne une suite positive à Ariane 6 et à Ariane 5 ME.

Une clarification de la gouvernance de la politique européenne s'impose. L'Union européenne doit se doter d'un vrai programme spatial, l'ESA et les agences nationales devenant ses interlocuteurs privilégiés, plutôt que les investisseurs privés. Il faut aussi éviter les doublons et mieux employer les compétences. Chez nous, le CNES doit redevenir maître d'oeuvre et ses relations avec l'ESA doivent être clarifiées, notamment en ce qui concerne les règles de retour sur investissement. Les entreprises privées doivent également être responsabilisées ; si elles ne l'acceptaient pas, l'État devrait rentrer dans leur capital. Il faut, enfin, favoriser l'engagement européen sur une gamme de lanceurs Ariane. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Yves Pozzo di Borgo .  - A l'automne 2009, j'exhortais votre prédécesseur à plus d'audace. Hélas je dois renouveler mes encouragements. Depuis 2009, la crise a détruit nos marges de manoeuvre et les dépenses spatiales sont considérées comme superflues. Les États-Unis, l'Espagne et d'autres se sont livrés à un exercice de rigueur mais avec des conséquences différentes. Pourquoi investir dans la défense après soixante ans de paix ? De la même manière la politique spatiale peine à s'imposer actuellement...

Faux raisonnement. J'en veux pour preuve un vieux conte persan : trois princes, partis à la recherche d'un chameau, retrouvent non seulement l'animal mais s'en reviennent couverts d'or. Ainsi le philosophe anglais Horace Walpole définit-il la « sérendipité », une découverte faite en cherchant autre chose. La recherche spatiale a montré combien elle est féconde en innovations de toute nature : elle a bouleversé tous nos modes de consommation. Or le budget de l'ESA a perdu plus d'un milliard en moins de cinq ans. Je regrette que le pacte de croissance se désintéresse de la recherche spatiale. Certes, le financement du site de Kourou est assuré à cinq ans, mais est-ce suffisant ? Une stabilisation de l'enveloppe répond-elle aux enjeux ? La compétition spatiale, dans un monde globalisé, est générale. Si nous restons les bras ballants, nous serons vite devancés. Et la recherche spatiale est aussi un enjeu de souveraineté nationale, comme l'a bien compris la Chine qui s'est imposée comme une puissance majeure. L'Europe est contrainte par ses budgets, ce qui n'est pas le cas des pays émergents.

L'espace pose la question cruciale de la brevetabilité des découvertes. Il faut préserver l'émulation entre les équipes, sauf à creuser le fossé technologique avec les États-Unis notamment. L'Europe a de grands astrophysiciens mais manque d'impulsion publique sous forme d'investissements. La recherche spatiale est un sentier escarpé où l'échec est possible, mais les réussites, incomparables. L'effort ne peut être assumé par l'État seul, mais le lancement satellitaire peut faire appel au privé : ouvrons les vannes, tout le monde y gagnera. Il ne faut pas craindre d'injecter des sommes folles, comme aux Etats-Unis. Nous avons les talents, donnons-leur les moyens de remplir nos ambitions. (Applaudissements sur divers bancs)

M. Jean-Claude Lenoir .  - Cet après-midi la commission des affaires économiques procédait à l'audition du candidat à la présidence du Cnes, et ce soir a lieu ce débat sur l'Europe spatiale dans l'hémicycle. La France est le vrai moteur de la politique spatiale européenne. La création du Cnes par le général de Gaulle fut inaugurale. Des moyens importants sont consacrés à l'espace : 31 euros par habitant, contre 17 euros pour l'Allemagne et 6 euros au Royaume-Uni. La France porte près de la moitié du budget de l'Europe spatiale. Elle bénéficie d'un leadership. Un siège de l'ESA est à Paris et la base de Kourou est centrale. Ce n'est donc pas être cocardier que de dire que la France a apporté l'essentiel de l'impulsion nécessaire.

Quels sont nos atouts ? Le premier, c'est la volonté politique, qui peut surmonter bien des difficultés, ce que nous avons obtenu à Naples le montre. J'ai présidé, dans une autre vie et dans une autre assemblée, le groupe d'études sur l'espace et constaté les réticences de nos partenaires européens, prompts à tenter de retarder les décisions alors que la période n'était pas encore aux difficultés budgétaires.

Le consensus, ce soir, a prévalu parmi nous.

Autre atout, la communauté scientifique. La plupart des scientifiques de premier plan sont français. Ils ont besoin de notre appui. C'est grâce à une bourse que le futur président du Cnes a mis pour la première fois le pied dans l'espace.

Troisième atout, les industries, qui donnent à l'Europe spatiale sa manifestation concrète, avec les tirs satellitaires. La concurrence, cependant, est aujourd'hui sévère, même si la moitié des satellites civils restent lancés par l'Europe. Face à quoi il faut savoir coordonner l'action. La coopération avec la Russie s'impose : Soyouz a un large palmarès à son actif et la seule vraie révolution en Russie est bien celle de ses satellites autour de la terre. (Sourires)

Les contraintes budgétaires sont énormes : on ne peut plus dilapider les deniers publics. Question délicate que celle de l'utilité. Est-il utile d'aller creuser le sol de Mars pour un coût faramineux ? Nous avons en tout cas besoin d'une Europe spatiale utile aux citoyens, dans leur vie quotidienne : Galileo constitue, à cet égard, l'objectif essentiel.

Notre politique spatiale a besoin du soutien de l'opinion. Les Français doivent être mieux familiarisés avec l'espace et son exploration à des fins très concrètes pour eux. (Applaudissements sur divers bancs)

M. Jean-Étienne Antoinette .  - Il y a moins d'une semaine, le satellite Planck a révélé une image de la formation de l'univers exceptionnelle, dix fois plus précise que celle de la Nasa en 2003.

Ce débat nous projette non dans le passé de l'univers mais vers l'avenir. Or, la politique spatiale reste une nébuleuse. Son pilotage, d'abord. La gouvernance spatiale a pu être qualifiée de millefeuille. Chaque État possède son agence spatiale, le traité de Lisbonne a donné à l'Europe compétence spatiale. L'ESA regroupe vingt États, dont la Norvège et la Suisse qui sont extérieures à l'Union européenne. Comment mener à bien des projets techniques et industriels dans cette situation ? Les retards des programmes Galileo montrent que les montages institutionnels sont complexes. Le projet GMES est lui aussi parlant. La Commission européenne menaçait de se retirer du projet. Dans cette Europe à la carte, c'est le couple franco-italien qui fait figure de pionnier.

Le manque d'intégration, de direction pose de réels problèmes, tant les applications de la politique spatiale sont multiples. La souveraineté ou le marché : telles sont les deux façons de fonder une politique européenne. Mais alors que l'ESA plaide pour une politique de « retour géographique », les règles du marché européen contredisent cette volonté. L'autonomie de l'accès à l'espace, ensuite, ne saurait être abandonnée au géant américain, ni aux Russes, ni aux Chinois. La politique spatiale militaire fonctionne à coups d'accords trilatéraux. Le manque de cohésion fait sentir ses effets.

Être une puissance spatiale est aussi affaire de prestige.

Alors qu'Ariane domine le lancement, que l'Europe approvisionne l'ISS, le retour symbolique qu'elle en tire reste maigre. Il faut rapprocher l'Europe spatiale des citoyens. En témoigne le décalage entre l'énormité des moyens mis en oeuvre à Kourou et le dénuement des populations qui entourent la base.

Le rapport de l'Office ne laisse guère de doute quant à la place que devrait prendre la politique spatiale européenne. Une telle politique, si elle est aujourd'hui soutenue, est entravée par les difficultés économiques. L'Europe, écartelée entre les volontés discordantes des États et les difficultés économiques, marque le pas. Puisse la décision de lancer le programme Ariane 6, obtenue à Naples, être partagée par tous nos partenaires européens. (Applaudissements sur divers bancs)

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Merci à l'OPECST de ce rapport remarquable sur les enjeux et perspectives de notre politique spatiale, au Sénat d'avoir organisé ce débat dans une journée consacrée à l'espace, et à M. Jean-Yves Le Gall d'être présent dans les tribunes. La réunion de l'ESA à Naples en 2012 a été un succès : nous avons décidé, avec les vingt membres de l'organisation, dont le Canada, d'allouer 10 milliards à l'ESA dans les années à venir. Ce n'est pas anodin dans la situation présente. De même l'évolution vers Ariane 6 a été entérinée pour un lanceur plus robuste, correspondant aux besoins internationaux, tout en ménageant une période de transition pour consolider savoir-faire et emplois. Ariane a réussi 54 lancements successifs -aucun n'a été raté depuis que je suis en fonction, performance que je salue, consciente que tous mes prédécesseurs n'ont pas eu cette chance ! (Sourires)

La France a confirmé un engagement de 300 millions sur 619 millions. La quote-part de la France dans l'ISS diminue, passant de 27 à 20 %, mais contribuera au futur module comme vous le souhaitiez dans votre rapport. Nous avons tous rêvé devant les images délivrés par Planck. Ce programme, comme les autres, sera maintenu. Le financement de Kourou est assuré pour cinq ans.

Dans une situation budgétaire difficile, le retour sur investissement doit être garanti. C'est tout l'enjeu de la période transitoire qui nous sépare de la prochaine réunion de l'ESA en 2014.

Pour Ariane, la meilleure garantie est la contribution de la France puisque s'applique le principe du retour géographique. Après beaucoup de consultations -les spécialistes me comprendront-, l'ESA est donc dotée de 10 milliards dont 2,3 milliards pour la France et un gros effort de 2,5 milliards pour l'Allemagne. Il s'agit de la plus grosse coopération franco-allemande. Après deux jours et deux nuits de rudes négociations à Naples, j'ai tiré la leçon suivante : il faut valoriser notre industrie dans toute sa diversité, des grands groupes comme Safran et Thalès jusqu'aux PME. C'est parce que nous avons joué collectif que nous avons réussi à convaincre nos amis allemands, et rien n'était joué.

Autre priorité, préserver l'emploi et éviter les ruptures de charge. Enfin, créer un projet fédérateur en construisant des alliances avec l'Italie ou la Suisse.

Les relations entre l'Union européenne et l'ESA sont d'une grande importance pour l'avenir des programmes GMES -3,3 milliards- et Galiléo -6,3 milliards- et nos activités spatiales, soit plus de 11 milliards. Il faut, vous l'avez dit, redéfinir et clarifier la gouvernance du spatial en Europe. Le sujet a été abordé sans tabou à Naples, et plus récemment à Bruxelles. Rien ne serait pire qu'un doublon, une nouvelle agence qui s'ajouterait à l'ESA. La commission européenne a publié une communication sur les rapports entre l'Union européenne et l'ESA le 14 novembre dernier.

L'option d'un rapprochement, d'une tutelle de l'Europe sur l'ESA qui resterait cependant une agence intergouvernementale, représente une piste prometteuse en ce qu'elle n'interdirait pas à l'ESA de poursuivre sa collaboration avec tel ou tel État membre.

Autre sujet, la politique industrielle spatiale européenne, qui a fait l'objet d'une communication de la commission européenne le 14 février dernier. Organiser un cadre réglementaire stable ; développer une base industrielle solide propre à soutenir la compétitivité de nos PME, de notre industrie tout au long de la chaîne, ainsi que celle de toute l'Union européenne ; assurer l'autonomie d'accès à l'espace : nous partageons tous ces objectifs, que décline en partie le programme 20/20.

L'espace est effectivement un enjeu stratégique pour notre sécurité, mais aussi du fait de la multiplicité de ses applications dans la vie quotidienne. Avec 7 000 emplois en France et 20 euros de richesse créés pour un euro investi, l'espace est aussi un enjeu économique et de recherche. Nous avons institué un co-space à l'image du Corac qui existe pour l'aéronautique civile afin de favoriser la concertation entre État et industries.

Mon ministère, dans son intitulé, ne comprend pas l'espace mais celui-ci est, aux termes de ma lettre de mission, de mon ressort. Cela est naturel quand l'espace contribue à l'attractivité des filières scientifiques, émerveille le public étudiant et procure, grâce aux nano-satellites, une véritable émulation intellectuelle.

Il y a quelques années, nous avons demandé à un astronaute de venir en tenue dans les classes de collège. Cela avait suscité bien des vocations. Les étudiants de Montpellier II ont lancé leur premier nano-satellite Robusta au moyen du lanceur Véga. Tout un champ d'activités s'ouvre et déjà des start up se créent.

Le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault apporte son soutien plein et entier à la volonté du Sénat de consolider notre politique spatiale. Merci de votre passion pour l'espace ; puissions-nous mieux le partager !

Prochaine séance demain, mercredi 27 mars 2013, à 14 h 30.

La séance est levée à 23 h 55.

Mardi 26 mars 2013

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Sommaire

Modification à l'ordre du jour1

Questions orales1

Enfants français nés à Madagascar1

Mme Claudine Lepage1

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée de la francophonie1

Avenir de la résidence universitaire d'Antony1

M. Philippe Kaltenbach1

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche2

Vente démembrée de terres agricoles et droit de préemption des Safer2

M. Marc Laménie2

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt2

Attaques du loup2

M. Gérard Bailly2

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt2

Centre de stockage de déchets à Nonant-le-Pin3

M. Jean-Vincent Placé3

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique3

Journée de carence3

Mme Catherine Procaccia3

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique3

Rémunération des heures de vie de classe4

M. Alain Houpert4

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale4

Rased4

M. Bernard Cazeau4

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale4

Rythmes scolaires (I)4

M. Jean-François Humbert4

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale4

Langues de France4

M. Alain Fauconnier4

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale4

Rythmes scolaires (II)4

M. Robert Tropeano4

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale4

Interdiction de fumer en voiture4

M. Yannick Vaugrenard4

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille4

Baignades artificielles4

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx4

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille4

Plate-forme de la CPAM à Saint-Pol-sur-Ternoise4

M. Jean-Claude Leroy4

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille4

Crimes contre l'humanité4

M. Yves Détraigne4

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice4

Sous-préfecture4

M. Alain Fouché4

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation4

Délinquance en zone rurale4

M. Didier Guillaume4

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation4

Activités sociales des gaziers et électriciens4

M. Michel Le Scouarnec4

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation4

Salles de sport bon marché4

Mme Laurence Rossignol4

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation4

Jalonnement directionnel de Melun4

Mme Colette Mélot4

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation4

Modification à l'ordre du jour4

Rappel au règlement4

M. Yves Pozzo di Borgo4

Débat sur la suppression de la taxe professionnelle (Suite)4

M. Charles Guené, rapporteur de la mission commune d'information.4

SÉANCE

du mardi 26 mars 2013

76e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président

Secrétaires : M. Marc Daunis, Mme Marie-Noëlle Lienemann.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Modification à l'ordre du jour

M. le président.  - J'informe le Sénat que la question orale n°234 de M. Christian Cambon est retirée, à la demande de son auteur, de l'ordre du jour de la séance du 23 avril 2013.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle vingt questions orales.

Enfants français nés à Madagascar

Mme Claudine Lepage .  - Les Français établis dans la circonscription de Tananarive et plus particulièrement ceux rattachés à la Chancellerie de Tamatave éprouvent bien des difficultés à faire transcrire les actes de naissance sur les registres d'état civil français. Le refus des autorités consulaires s'explique par le non-respect des règles malgaches par les autorités locales. Dans ces conditions, les familles, faute de passeport, ne peuvent pas quitter le territoire malgache et voyager, ni se rendre en France sans visa. La solution serait de déclarer les enfants dans les trente jours qui suivent leur naissance auprès de l'officier consulaire à Tananarive. Quelle solution pour les enfants déjà nés, littéralement pris au piège ? Qu'entendez-vous faire pour informer nos compatriotes ?

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée de la francophonie .  - Mme Hélène Conway-Mouret, en déplacement aux États-Unis, m'a demandé de vous répondre. De nombreuses irrégularités sont constatées à Tamatave, les actes de naissance ne peuvent donc être transcrits aux termes de l'article 47 du code civil. Ces documents exigent de nombreuses vérifications : seuls 46 actes sur 295 étaient authentiques, selon la mission effectuée en janvier 2012, 141 étaient apocryphes, 43 non conformes, 12 introuvables... Nous devons redoubler de vigilance car certains cherchent à créer une filiation fictive avec un parent français. Notre représentation diplomatique est intervenue à de nombreuses reprises auprès des autorités malgaches pour remédier aux dysfonctionnements. En outre, il est conseillé, sur le site du poste consulaire, de se rendre directement à Tananarive.

Une mission de l'état civil s'est rendue à Tamatave pour vérifier plus de 300 actes. A cette occasion, les familles ont été reçues et informées des possibilités de recours ; le 25 février dernier, il a été décidé de créer une cellule d'aide.

Mme Claudine Lepage.  - Merci pour ce premier pas mais j'aurais aimé une réponse moins administrative. Quand ces enfants auront-ils leurs papiers ?

Avenir de la résidence universitaire d'Antony

M. Philippe Kaltenbach .  - Le 10 mai 2012, le tribunal administratif de Versailles a annulé le transfert par l'État de la résidence universitaire Jean Zay d'Antony à la communauté d'agglomération des Hauts-de-Bièvre (CAHB), mettant fin au projet de démantèlement de cette installation. L'Ile-de-France manque de logements étudiants : trois logements pour cent étudiants, alors que la moyenne nationale est de huit logements pour cent étudiants. Pourquoi en détruire ?

Le transfert a été autorisé par un amendement opportun à l'article L. 822-1 du code de l'éducation, qui visait ce seul cas. C'était un cavalier législatif qu'avait accepté le ministre Hortefeux, saluant à l'occasion M. Devedjian... Quel avenir pour la résidence universitaire Jean Zay d'Antony ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Merci de cette question qui me donne l'occasion de souligner combien le logement étudiant est au coeur de nos priorités : comme l'a annoncé le président de la République, nous allons construire 40 000 logements étudiants en cinq ans, soit le double de l'objectif de 20 000 fixé par la précédente majorité dans le plan Anciaux, qui l'avait atteint à 50 %...

Je me suis saisie du dossier de la résidence universitaire d'Antony dès ma prise de fonction. La négociation n'ayant pu aboutir, nous sommes obligés d'appliquer l'article 822-1 du code de l'éducation. Pour répondre au déficit de 4 000 logements étudiants dans le département des Hauts-de-Seine, nous projetons de créer 4 050 logements, dont 1 000 au titre des logements détruits. Sachant que le loyer peut représenter 70 % du budget d'un étudiant en Ile-de-France, il est urgent de construire et de sortir de l'impasse, dans l'intérêt des étudiants.

M. Philippe Kaltenbach.  - Merci pour cette réponse. Le sujet d'Antony est juridiquement complexe, cela est vrai. Je souhaite que les élus locaux, les syndicats étudiants et les responsables de la résidence universitaire soient associés à la concertation, aux côtés de la communauté d'agglomération et du conseil général.

Vente démembrée de terres agricoles et droit de préemption des Safer

M. Marc Laménie .  - Le décret du 14 mars 2012, inséré à l'article R. 143-9 du code rural, ordonne à la personne chargée de dresser un acte d'aliénation de l'usufruit ou de la nue-propriété d'un bien rural de le déclarer préalablement à la Safer. Il en résulte une contestation de plus en plus fréquente des promesses de vente des biens démembrés et des contentieux. Quel est l'objectif de ce décret ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt .  - Vous posez une question technique à propos de l'application de l'article 4. 143-9 qui visait à mieux évaluer la perte de terres agricoles. On le sait, tous les dix ans, la France perd l'équivalent d'un département de terres agricoles. Le dispositif crée des difficultés et des contestations, je l'ai noté. Malgré cela, gardons le cap ; le problème plus large est celui de l'utilisation des terres agricoles et leur maintien. Nous devons revenir à une vraie politique du foncier pour éviter le gaspillage des terres agricoles.

M. Marc Laménie.  - La disparition du foncier agricole est une préoccupation partagée. Merci de votre attention.

Attaques du loup

M. Gérard Bailly .  - Président du groupe d'élevage au Sénat, j'évoquerai une nouvelle fois le problème des prédateurs. Plutôt que de plaider devant un ministre que je sais convaincu, j'aurais voulu convaincre Mme la ministre de l'environnement... Les attaques de loups découragent les éleveurs, qui abandonnent des pans entiers d'alpage, laissés en friche. Selon la Fédération nationale ovine, le nombre de loups augmente de 27 % l'an en France.

Le plan loup 2013-2017 sera-t-il suffisant ? Les éleveurs se sentent sacrifiés pour faire plaisir aux écologistes.

M. Jean-Vincent Placé.  - Pas seulement !

M. Gérard Bailly.  - Peut-on parler de bien-être animal quand on dénombre plus de 1 415 attaques en 2011, et 4 900 bêtes mortes dans d'atroces conditions ? Faut-il que les loups s'en prennent aux enfants pour que nous soyons entendus ?

Combien coûte le maintien des prédateurs ? Demanderez-vous la révision de la convention de Berne et de la directive Natura 2000 ? Écouterez-vous enfin les éleveurs en colère ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt .  - Soucieux du maintien de l'élevage ovin en zone de montagne, je travaille en étroite concertation avec la ministre de l'environnement et nous préparons le prochain plan loup ensemble parce que tout le monde a compris qu'une pression excessive s'exerce sur les troupeaux.

Les crédits mobilisés via les fonds Feder s'élèvent à plus de 8 millions d'euros pour la protection passive, auxquels s'ajoutent 2,2 millions pour les indemnisations. Nous ne reviendrons pas sur la convention de Berne. Cela dit, des progrès significatifs sont à noter dans la préparation du plan loup, avec l'accord des éleveurs et des associations. Nous doublons les prélèvements : de douze loups à vingt quatre. Plus important, nous modifions notre stratégie : nous passons d'une défense passive à une défense offensive graduée depuis le tir de défense pour effaroucher les loups jusqu'à des tirs de défense renforcée en cas d'attaques systématiques en mobilisant les chasseurs locaux. Les négociations sont difficiles, mais nous sommes déterminés à protéger l'élevage dans les zones rurales.

M. Gérard Bailly.  - Malgré les 1 200 troupeaux protégés, les 2 000 chiens, les 1 000 emplois de berger spécifiques, la politique de lutte contre le loup est un échec : le nombre de loups augmente de 27 % par an ! Un prélèvement de vingt quatre bêtes suffira-t-il à enrayer cette hausse ? Le maintien d'un loup coûterait 60 000 euros. Est-ce raisonnable, en ces temps difficiles ? Les éleveurs sont catastrophés, la Mutualité sociale agricole a dû mettre en place une cellule d'aide pour accompagner les éleveurs traumatisés. Hommes ou femmes, ils aiment leurs bêtes et souffrent de les voir mourir dans de telles conditions. Protégeons l'élevage ovin comme nous voulons protéger les terres agricoles ! Essayez d'en convaincre vos collègues du Gouvernement.

Centre de stockage de déchets à Nonant-le-Pin

M. Jean-Vincent Placé .  - Si je ne suis pas élu de Nonant-le-Pin, j'ai eu l'occasion de gambader sur ces terres lorsque j'étais enfant. Or, ce territoire, à proximité de nombreux haras dont le haras national du Pin, s'apprête à accueillir un centre de stockage de déchets ultimes. Quelle idée saugrenue ! Les habitants et les élus sont mobilisés contre cette ouverture, prévue en juin 2013. Je ne reviens pas sur les péripéties judiciaires qui ont jalonné ce projet. Le préfet de l'Orne a remis ses conclusions mi-novembre. Les élus du conseil régional de Basse-Normandie, unanimes, ont demandé un moratoire.

Ce territoire est candidat au classement au patrimoine mondial de l'Unesco et sera le théâtre des Jeux équestres mondiaux de 2014 : quelle mauvaise image pour la France que de montrer aux délégations étrangères ce centre d'enfouissement !

Quels sont les résultats de la mission demandée au préfet de l'Orne ? Que compte faire le Gouvernement pour protéger ce beau territoire contre les dangers environnementaux ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique .  - L'enquête publique de 2007 avait abouti à un avis défavorable sur l'installation de ce centre de stockage. Le 18 février 2011, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté de refus du 13 janvier 2010. Le gouvernement d'alors n'avait pas interjeté appel, d'où notre difficulté à agir aujourd'hui. Nous espérons que la demande de moratoire aboutira ; l'État ne peut que s'assurer de la surveillance et de l'encadrement de ce chantier. Telle est la réponse que je suis obligée de vous faire, avec un peu de déception parce que je connais l'attachement de tous à l'excellence de notre filière équine et au rayonnement de notre patrimoine à l'occasion des Jeux de 2014.

M. Jean-Vincent Placé.  - Vous avez rappelé la responsabilité du gouvernement précédent dans cette affaire. Quel décalage entre le souci affiché d'écologie et les procédures abandonnées aux industriels ! Je souhaite une discussion sérieuse et volontariste avec l'entreprise concernée pour obtenir un moratoire. Le préalable est de trouver une alternative économique à ce projet.

Journée de carence

Mme Catherine Procaccia .  - Depuis juillet 2012, le conseil général du Val-de-Marne refuse d'appliquer l'article 105 de la loi du 28 décembre 2011 introduisant un jour de carence dans la fonction publique. Le but était de redresser les comptes publics et de rétablir l'égalité entre secteur privé et fonction publique. En attendant une prochaine loi de finances qui peut, seule, abroger cet article, le dispositif s'applique. Vous avez répondu à M. Mézard, le 8 novembre 2012, que ce dispositif, entré en vigueur le 1er janvier 2012, avait été précisé par une circulaire du 24 février 2012. Me confirmez-vous que le refus de l'appliquer est illégal ? Le président Favier justifie son choix en invoquant d'autres collectivités territoriales, proches du Premier ministre, qui feraient de même. Quelles sont-elles ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique .  - Le Gouvernement a décidé d'abroger le jour de carence dans une prochaine loi de finances. De fait, ce dispositif n'a pas eu les effets escomptés, dont le premier était la recherche d'économies budgétaires, puisque les administrations paient, et non le renflouement de l'assurance maladie. Rétablir l'équité ? Dans le privé, 77 % des salariés des grandes entreprises et 47 % des salariés des PME ne se voient pas imposer de jour de carence. L'appliquer à 100 % des fonctionnaires serait créer une nouvelle injustice. L'absentéisme n'a pas reculé : les arrêts de courte durée sont passés de 1,2 % à 1,1 % dans la fonction publique d'État, de 0,8 % à 0,7 % dans la fonction publique hospitalière et sont restés stables dans la fonction publique territoriale, tandis que les arrêts longs ont progressé. Le dispositif a rapporté 60 millions d'euros, loin des 120 millions attendus, et des collectivités s'apprêtaient à négocier des contrats de prévoyance coûteux. En vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales, le Gouvernement n'a pas les moyens de contraindre une collectivité à appliquer la mesure avant sa prochaine abrogation. Que ceux qui estiment y avoir intérêt saisissent la justice mais vu la difficulté de mise en place, le coût des fonctions supports et de la modification des fiches de paie, je comprends que certaines collectivités aient décidé de ne pas appliquer la mesure dans les mois qui restent.

Mme Catherine Procaccia.  - J'ai posé une question simple : est-ce légal ? Au lieu de me répondre, vous avez justifié votre décision d'abroger ce dispositif. Mais ma question est purement juridique. Au conseil général du Val-de-Marne, on a dénombré 1 890 jours d'arrêt en deux mois, pour un coût de 128 000 euros. A l'heure où l'on demande aux collectivités territoriales de réaliser des économies, je trouve votre réponse scandaleuse.

Rémunération des heures de vie de classe

M. Alain Houpert .  - La rémunération de la dizaine d'heures de vie de classe, intégrée à l'emploi du temps des élèves depuis la rentrée de 2002, est floue, d'où des désaccords fréquents entre les professeurs principaux et leurs directions et des disparités entre les établissements. Ces heures devraient être rétribuées en heures supplémentaires effectives aux termes du décret n°50-581. Comment entendez-vous rétribuer ces heures de vie de classe alors que la fiscalisation des heures supplémentaires est déjà intolérable ?

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale .  - Les heures de vie de classe relèvent des obligations de service des personnels concernés, elles n'ont donc pas à être rétribuées en heures supplémentaires. En revanche, la part modulable de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves de 1993 peut être versée pour reconnaître l'investissement des professeurs principaux. Le Sénat aura bientôt l'occasion de discuter de l'école. En tout cas, cette question des heures de vie de classe, qui n'a aucun rapport avec la fiscalisation des heures supplémentaires, ne pose pas de difficultés particulières.

M. Alain Houpert.  - Elle est légitime : tout travail mérite salaire ! Comme disait le sénateur Victor Hugo : quand on enseigne à un élève, on gagne un homme.

Rased

M. Bernard Cazeau .  - En Dordogne, vingt trois postes de Rased seront supprimés cette année. Les parents d'élèves se mobilisent. Le dernier rapport sur les résultats de l'académie de Bordeaux indique que le taux de réussite au baccalauréat professionnel est inférieur, en Dordogne, à la moyenne de la région Aquitaine.

Avec 31 671 enfants à la rentrée 2012-2013, il ne reste plus qu'un enseignant Rased pour 1 319 élèves en Dordogne ; la moyenne nationale est de un pour 546. Je sais que vous avez rétabli des postes ; c'est heureux, mais la Dordogne n'en a pas bénéficié. Or les zones rurales aussi connaissent le décrochage scolaire. Comment comptez-vous renforcer l'aide aux élèves en difficulté ?

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale .  - Le traitement de la difficulté scolaire me préoccupe au premier chef. Après 77 000 suppressions de postes en cinq ans, nous nous donnons les moyens, progressivement, de renouer avec de meilleures performances. C'est notre avenir qui est en jeu. D'où un engagement dans la durée, à travers la loi de programmation. Dès notre arrivée, un collectif budgétaire a attribué de nouveaux postes au primaire, dont 10 % pour les Rased. Cette action va se poursuivre dans la durée. Cinq postes ont été attribués à votre département au titre du programme « plus de maîtres que de classes ».

Une réflexion globale sur le traitement de la difficulté scolaire a été engagée ; nous voulons traiter ces difficultés dans la classe et hors de la classe. Un rapport demandé à l'inspection générale tracera des pistes. Je regarderai tout particulièrement la situation que vous me décrivez en Dordogne.

M. Bernard Cazeau.  - Je me réjouis de l'action que vous menez. Il faut regarder tout particulièrement les problèmes en milieu rural, où les élèves sont contraints à des déplacements longs, donc fatigants. Surtout, renforçons la concertation avec les enseignants et les parents d'élèves.

Rythmes scolaires (I)

M. Jean-François Humbert .  - La grande majorité des maires du Doubs s'inquiètent de la réforme des rythmes scolaires, et surtout de ses conséquences financières. Les communes rurales pensent ne pas être en mesure de proposer des activités périscolaires de qualité. Elles ne disposent pas toujours de structures sportives ou culturelles pour accueillir les enfants après l'école. Sur 594 communes, moins de 10 s'engageront dès 2013. Besançon a opté pour 2014. Les maires demandent une compensation financière pérenne de la part de l'État. Pourrez-vous rassurer les communes rurales ?

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale .  - C'est une réforme difficile, c'est vrai. Si notre pays veut trouver la voie du redressement, il nous faudra en mener beaucoup. Parce que gouverner, c'est choisir, cette majorité a fait de l'école sa priorité. La situation scolaire se détériorant, nous devons agir, en commençant par le problème de la durée de classe. L'éducation nationale reprend trois heures le mercredi matin : nous ne transférons pas une heure aux collectivités locales. Pour la première fois, nous avons créé un fonds d'amorçage de 250 millions d'euros pour aider les collectivités locales à assumer ces activités périscolaires -nous n'en avons pas fait autant pour les professeurs, qui ne sont pas toujours satisfaits de cette modification. La plupart des communes de votre département ne souhaitent pas en bénéficier, nous le comprenons ; il faut du temps pour trouver les meilleures activités. Mais cette réforme est bénéfique. L'Académie de médecine le confirme. Nous verrons en 2014 si les aides financières se pérennisent ou non. Pour l'heure, celles qui existent ne sont pas consommées.

M. Jean-François Humbert.  - Je n'ai pas remis en cause la réforme sur le fond : je la soutiens depuis longtemps ! Mais la question n'est pas là : l'aide financière de l'État sera-t-elle pérenne ? Oui à la réforme, non dans ces conditions.

Langues de France

M. Alain Fauconnier .  - La France est multilingue, malgré les tentatives d'éradiquer les langues régionales, qualifiées de patois. La moitié de notre territoire national, y compris outre-mer, parle une de ces langues. Depuis 2008, elles sont reconnues par la Constitution comme patrimoine de la France. Jean Jaurès recommandait déjà aux enseignants de les prendre en compte, à l'époque où l'on décernait, en 1904, le prix Nobel de littérature à Frédéric Mistral. Ce gisement linguistique doit être valorisé. Or, depuis 2002, leur place a été réduite, le nombre des places aux Capes de langue régionale n'a pas augmenté. Le projet de loi organique ne les évoque qu'en annexe. Que comptez-vous faire pour développer les langues de France ? Combien de postes au Capes ? Il y a, là aussi, un devoir de mémoire !

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale .  - Les langues régionales sont consacrées au plus haut niveau dans l'article 75-1 de la Constitution.

La loi Jospin du 10 juillet 1989 et la loi Fillon du 23 avril 2005 reconnaissent le droit de suivre un enseignement de langue régionale. Je souhaite une généralisation de ce partenariat, qui bénéficie à 270 000 élèves répartis dans treize académies et pratiquant onze langues régionales. Le succès est au rendez-vous : de 2009 à 2011, on a observé une hausse de 24 % des élèves. Il est vrai que le nombre de postes n'a pas suivi ; c'est pourquoi je me suis engagé à augmenter le nombre de postes au concours.

Je souhaite que les langues régionales puissent être pratiquées dès le plus jeune âge, ce qui est bénéfique pour les enfants. Avançons dans cette direction.

M. Alain Fauconnier.  - Merci. Nous essaierons d'enrichir votre texte. À Saint-Affrique, nous nous sommes engagés dans le bilinguisme de la maternelle au lycée : le succès est éclatant. Mais les choses se dégradent : les maîtres et les parents attendent que le changement se concrétise et que l'on mette fin aux coupes budgétaires.

Quant à la réforme des rythmes scolaires, ma ville l'adoptera avec enthousiasme ! Merci de tout ce que vous faites pour l'école, monsieur le ministre.

Rythmes scolaires (II)

M. Robert Tropeano .  - Les élus s'inquiètent des modalités pratiques de la réforme annoncée des rythmes scolaires. Où trouver des intervenants pour une heure par jour pendant quatre jours ? On risque de se contenter de simples garderies... Il faut prendre en compte les spécificités locales, notamment en milieu rural. Le fonds d'amorçage prévoit 50 euros par élève en 2013, mais ensuite ? Les élus se préoccupent de leur équilibre budgétaire, c'est légitime. Quelle aide pérenne prévoyez-vous pour que cette réforme soit une réussite ?

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale .  - La France s'est passionnée pour cette question, grâce à quoi on a beaucoup parlé des élèves et de l'école. Cette réforme est difficile à mettre en oeuvre ? C'est bien pourquoi mes prédécesseurs ne l'ont pas engagée. J'installerai la semaine prochaine un comité de suivi.

Les choses se passent de façon très différente d'un endroit à l'autre, sans qu'il y ait lieu d'opposer villes et campagne. Dans le Tarn-et-Garonne ou l'Aude, qui sont des départements plutôt ruraux, on avance ; en revanche, des difficultés apparaissent dans des grandes villes, dont certaines sont pourtant dirigées par la gauche. Le critère n'est donc pas politique. Il ne tient pas non plus à la richesse : Denain, qui est une commune pauvre, s'est enthousiasmée.

Calmons les passions, regardons les choses avec rationalité. Nous tirerons les conclusions de cette première démarche, en continuant d'accompagner ces élus. Quoi qu'il en soit, nous débattrons de ce sujet prochainement au Sénat puisque le fonds est accroché à la future loi que je vous présenterai.

M. Robert Tropeano.  - Le dialogue avec les associations sportives et culturelles, les parents d'élèves et les enseignants a été fructueux. Nous nous attacherons à ce que cette réforme soit un succès.

Interdiction de fumer en voiture

M. Yannick Vaugrenard .  - Le tabagisme fait plus de 5 millions de victimes par an dans le monde, un mort toutes les six secondes. En France, il tue plus de 60 000 personnes par an soit autant que l'alcool, la route, le sida, les suicides et la drogue réunis. C'est terrifiant ! La loi de santé publique prévoit déjà nombre de bonnes mesures pour lutter contre le tabagisme et la protection des mineurs. Je vous propose d'aller plus loin pour protéger les enfants du tabagisme passif, dont la dangerosité est avérée au bout de quelques minutes seulement ! Interdisons de fumer dans les voitures en présence de mineurs comme la Grèce l'a fait en décembre 2010 : l'Irlande, le Royaume-Uni, l'Allemagne y réfléchissent.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille .  - Le tabagisme est la première cause de mortalité évitable en France : 73 000 décès chaque année. Le tabagisme passif est source de morbidité et mortalité croissantes : 1 000 décès lui sont attribués par an. Le décret de 2006 a renforcé les interdictions, mais des améliorations restent possibles. La protection des plus jeunes doit être une priorité. Il faut aussi rendre le tabac moins attractif pour les jeunes.

L'OMS et la Commission européenne recommandent d'élaborer ou de renforcer les stratégies pour lutter contre le tabagisme passif. Votre proposition se heurte au caractère privé d'une voiture. Nous réfléchissons à une interdiction du tabac dans des lieux publics collectifs qui accueillent des enfants, comme les parcs publics ou les jardins d'enfants.

M. Yannick Vaugrenard.  - La protection de l'enfance ne s'arrête pas à la porte du domicile privé ! Ma liberté s'arrête là où commence celle des autres, m'a-t-on appris à l'école. Prenons ce dossier à bras-le-corps.

Baignades artificielles

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx .  - Un projet de décret relatif à la gestion de la qualité des baignades artificielles prévoit de « renouveler la totalité du volume de la zone de baignades en moins de douze heures au moins pendant la période d'ouverture au public par un apport d'eau neuve ». Je n'en conteste pas le bien-fondé mais comment compter les baigneurs pour en limiter le nombre ? Les baignades aménagées maritimes dont l'alimentation est soumise à un régime de marées macrotidales ne pourront pas respecter cette prescription, en raison de l'éloignement de la ressource en eau à marée basse : elles seront donc condamnées.

Ne pourrait-on nuancer cette exigence en termes de moyens au bénéfice d'un objectif de résultat ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille .  - Le but est double : assurer à nos concitoyens l'accès à des lieux de loisirs dans les meilleures conditions d'hygiène et de sécurité. Les règles techniques relatives aux eaux de baignades naturelles et celles applicables aux piscines ne s'appliquent pas aux baignades artificielles. Le rapport d'expertise collective, publié en 2009, a identifié des dangers sanitaires, risques infectieux ou liés à l'environnement. Sur la base du rapport, un projet de décret a été élaboré.

L'exigence du renouvellement de la totalité de l'eau au moins de douze heures pourra faire l'objet d'une dérogation pour les baignades à marée.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Merci pour cette réponse encourageante. Le bassin d'Arcachon compte trois bassins de baignades de ce type ; ma ville projette d'en ouvrir un autre. Une fois de plus, on cherche à imposer aux collectivités locales des mises aux normes impossibles ! Il faudrait avoir deux bassins de baignades en permanence, l'un pour assurer le renouvellement de l'autre. C'est exclu pour les bassins existants.

Merci d'ouvrir la porte à une dérogation, sinon les familles et les enfants seraient privés de baignade, qui n'a jamais causé de mort, que je sache ! Ne pénalisons pas encore les collectivités locales.

Plate-forme de la CPAM à Saint-Pol-sur-Ternoise

M. Jean-Claude Leroy .  - La plate-forme de services de la CPAM a Saint-Pol-sur-Ternoise, inaugurée en 2004, est à la disposition des 1,5 million d'assurés du Pas-de-Calais. Or on annonce son transfert sur le site arrageois, au motif que le site de Saint-Pol serait trop éloigné d'Arras et de Lens. Il y a dix ans, cette même localisation avait été présentée comme un atout pour Saint-Pol...

Outre que l'on va ainsi allonger le trajet domicile-travail des cinquante salariés de la plate-forme, ce transfert est un nouveau coup porté à ce territoire qui a déjà enregistré le départ de la DDE, de l'antenne de la préfecture et la fermeture de son tribunal d'instance.

Les nouvelles technologies favorisent pourtant une nouvelle politique d'aménagement du territoire tournée vers le monde rural. Qu'entend-faire le Gouvernement pour maintenir cette activité à Saint-Pol ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille .  - Le conseil de la CPAM a opté pour le transfert de la plate-forme téléphonique de Saint-Pol vers Arras pour répondre à la dégradation des conditions de travail sur le site de Saint-Pol, due à l'augmentation du nombre des téléconsultations. Ce transfert améliorera le confort des salariés, notamment en termes d'espace et de volume sonore. Seul le quart des 56 salariés résident à Saint-Pol même. Un lieu d'accueil sera maintenu sur le territoire de la commune. Les locaux libérés ont déjà fait l'objet d'une offre de reprise, ce qui témoigne de l'attractivité économique de la commune.

M. Jean-Claude Leroy.  - Je déplore qu'une fois de plus on sacrifie un territoire rural au bénéfice d'une concentration qui ne se justifie pas, eu égard au développement des nouvelles technologies.

La séance, suspendue à 11 h 20, reprend à 11 h 30.

Crimes contre l'humanité

M. Yves Détraigne .  - Un pôle judiciaire spécialisé dans les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité a été créé au sein du tribunal de grande instance de Paris à la suite de la loi du 13 décembre 2011. À l'époque, la commission des lois du Sénat avait légitimement souhaité que les moyens nécessaires soient donnés à ce pôle pour accélérer le traitement de ces dossiers. Les associations qui militent pour que soient déférés les responsables de ces crimes, notamment ceux perpétrés au Rwanda en 1994, ne constatent pas d'améliorations. Où en est-on ? Il y va de la crédibilité de la justice française.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Le sujet des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité est cher à la Haute Assemblée. En adoptant une proposition de loi de M. Sueur, elle a fait sauter trois des quatre verrous à la compétence française : ceux de la résidence habituelle en France, de la double incrimination et de la complémentarité entre juridiction nationale et tribunal pénal international. Reste le verrou du monopole du ministère public, qui peut toutefois être saisi par tout citoyen. Ces procédures sont lourdes : pour le Rwanda, toute demande entraîne un déplacement de quinze jours avec une semaine de préparation.

Le pôle comptait à l'origine un magistrat du siège et un du parquet, il regroupe désormais deux procureurs, trois juges instructeurs et deux assistants spécialisés -dont un sociologue- qui seront au nombre de six en 2013. Je vous propose de participer à une évaluation après un an d'application de la proposition de loi Sueur.

M. Yves Détraigne.  - On est presque vingt ans après les massacres au Rwanda ; plus le temps passe, plus les familles désespèrent de voir les coupables enfin punis. La question des moyens est importante ; j'ai entendu dire que les magistrats de ce pôle n'étaient pas entièrement déchargés de leurs dossiers métropolitains. Faisons en sorte d'apaiser les familles.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Normalement, ces juges sont à temps plein. Je vérifierai.

La séance, suspendue à 11 h 40, reprend à 11 h 45.

Sous-préfecture

M. Alain Fouché .  - Je suis très à l'aise pour intervenir sur le sujet des services publics en milieu rural car j'ai toujours lutté contre les fermetures de classe ou de tribunaux d'instance, y compris quand elle était le fait d'un gouvernement que je soutenais. Le pouvoir actuel a beau avoir fait des promesses, le sentiment d'indécision prévaut et l'article du Monde, le 20 mars, n'est guère rassurant.

La présence de l'État dans les territoires ruraux est menacée. Dans mon département de la Vienne, la sous-préfecture de Montmorillon est dépossédée de ses missions en matière de permis de conduire -sans concertation, bien sûr- et l'on parle même de lui enlever la pêche pour recentraliser les missions au niveau de la préfecture. Quel est l'intérêt de cette RGPP déguisée ? Avec cette pure logique comptable, on fragilise les territoires. A-t-on oublié le rapport Patriat sur les sous-préfectures, dont l'intérêt n'est plus à prouver ? Qu'est-il advenu des déclarations de M. Hollande ? Cette situation est difficilement acceptable. Madame la ministre, je connais votre souci de défendre la ruralité ; rassurez-nous.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - Les sous-préfectures sont un lieu essentiel pour la cohésion sociale. Nous sommes sensibles au sentiment d'abandon dont souffre le monde rural. Il n'est pas question de revenir à une RGPP mais, après un travail d'évaluation qui est en cours, de mieux répondre aux besoins des populations, en concertation avec les élus car le dialogue est la méthode de ce Gouvernement.

Avec Mme Duflot, Mme Lebranchu et M. Valls, nous nous efforçons d'apporter des réponses cohérentes et pérennes pour des services publics de qualité et accessibles à tous.

M. Alain Fouché.  - Nous sommes inquiets : les gendarmeries et les perceptions ferment. Merci de tenir compte des spécificités de la ruralité.

Délinquance en zone rurale

M. Didier Guillaume .  - Le 18 janvier dernier, l'ONDRP a présenté son rapport sur la délinquance constatée en 2012, en distinguant zones police et zones gendarmerie. Si la délinquance n'augmente guère dans la Drôme elle progresse de façon préoccupante dans les zones gendarmerie : plus 18,2 % pour les atteintes volontaires à l'intégrité physique contre 2,5 % en zone police, avec une hausse de 5,4 % des violences à dépositaire de l'autorité publique, stables en zone police, sans parler des cambriolages, en particulier à proximité de l'autoroute. Cela est-il dû à un changement de l'outil statistique ou traduit-il une nouvelle délinquance en zone rurale ?

Je pense, avec Manuel Valls, qu'il faut moderniser l'organisation territoriale des services de sécurité. La création des zones prioritaires de sécurité ne doit pas se faire aux dépens de la ruralité. Les délinquants ont l'intelligence de ne pas commettre leurs méfaits sous les caméras de vidéosurveillance et d'aller dans les zones tranquilles.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - M. Valls est retenu devant l'Assemblée nationale pour parler justement de la rénovation des outils statistiques en 2013.

Dans la Drôme, les opérations de contrôle des territoires sont menées régulièrement par la gendarmerie pour prévenir les cambriolages, qui augmentent, c'est vrai. Les opérations « Tranquillité vacances » et « Tranquillité seniors » mettent l'accent sur la prévention, en liaison avec les maires. Idem pour l'opération « Participation citoyenne », très importante dans la Drôme. Grâce à ces actions, 268 auteurs supplémentaires ont été interpellés, sachant que la population augmente dans 84 % des communes du département. Nous réfléchissons à une réorganisation mieux adaptée aux réalités locales dans le contexte budgétaire qui est le nôtre.

M. Didier Guillaume.  - Merci pour cette réponse. La délinquance rurale, si elle n'est pas comparable à celle constatée en ville et dans la vallée du Rhône, doit être traitée pour prévenir toute escalade. Je soutiens l'action du Gouvernement, prenons garde toutefois à ne pas déposséder les zones rurales des forces de l'ordre, dont je veux saluer encore une fois la qualité du travail.

Activités sociales des gaziers et électriciens

M. Michel Le Scouarnec .  - Antoine Vitez disait : « Une mise en scène n'est jamais neutre. Toujours, il s'agit d'un choix ». Effectivement, et nous faisons le choix de la santé, de la culture et des activités sociales pour tous. Or la loi Nome du 7 décembre 2010 pourrait mettre un terme à ces activités sociales et de santé. Plusieurs dizaines d'entreprises du secteur de l'énergie, sur 144, ne participeraient plus au fonds 1 %, qui finance ces activités. Alors, quel choix de mise en scène ? Ces activités sociales sont un droit lié à la création de richesse par le travail, c'est un élément du salaire social différé. Le gouvernement précédent avait donné des gages aux organisations patronales...

Qu'envisage le Gouvernement pour maintenir l'accès des pensionnés et de leurs familles aux activités sociales ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - Mme Batho, retenue, m'a chargé de vous donner une réponse sur nos choix de politique, et pas seulement de « mise en scène ».

L'assiette de financement du 1 % est devenue fragile depuis la fin du monopole de l'opérateur historique, le constat est partagé. À la suite de plusieurs rapports de la Cour des comptes, M. Borloo avait proposé une réforme. En avril 2012, M. Besson, qui lui avait succédé en charge de ce dossier, avait souhaité une concertation et un bilan dès décembre 2012.

Nous avons considéré que ce délai de six mois était bien trop court au regard de l'ampleur du sujet et de sa difficulté. Nous avons l'intention d'avancer mais en donnant tout son temps à la concertation, pour pérenniser les oeuvres sociales des entreprises électriques et gazières.

M. Michel Le Scouarnec.  - L'essentiel est d'aller vers plus de progrès et de justice sociale, afin de préserver des acquis sociaux qui datent de 1945.

Salles de sport bon marché

Mme Laurence Rossignol .  - Les salles de sport rencontrent un succès grandissant. Les Français sont 12 à 13 millions à pratiquer de la gymnastique d'entretien, de la remise en forme, de la musculation.

L'offre s'est accrue et l'appellation « salle de remise en forme » recouvre des réalités très différentes. Des salles bon marché proposent des tarifs attractifs, deux à trois fois moins cher que les clubs classiques, en réduisant l'encadrement au minimum : les cours sont diffusés sur des écrans vidéos, avec des entraîneurs virtuels. C'est une concurrence déloyale, quand la masse salariale peut représenter 50 % des charges des salles de remise en forme. Oui au sport pour tous mais dans de bonnes conditions, avec un encadrement garantissant la sécurité des utilisateurs. Que comptez-vous faire ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - La ministre des sports est retenue à Annecy pour l'ouverture des Jeux mondiaux militaires.

La pratique du sport est réglementée, notamment par l'article L. 221-1 du code du sport. Les salles doivent répondre à des normes d'hygiène et de sécurité. La norme Afnor, définie en 2011, bien que reposant sur le volontariat, constitue une référence pour le juge. En tout cas, l'encadrement n'est pas imposé dans les salles. Un encadrement virtuel par écran vaut-il un encadrement physique ? Nous reviendrons sur ces questions lors de la révision du code du sport, en 2013.

Mme Laurence Rossignol.  - Le ministère se pose des questions, c'est heureux ! On ne peut pas fragiliser le mouvement sportif et associatif, si important pour le lien social, en favorisant la concurrence d'entreprises qui se vantent d'être bon marché mais ont des effets déstructurants et imposent une perte sensible de qualité.

Jalonnement directionnel de Melun

Mme Colette Mélot .  - Le jalonnement directionnel de Melun fait défaut. Pourtant, il s'agit de la ville chef-lieu de Seine-et-Marne, premier département de la région par sa superficie. Or, à la sortie de l'A 4, en provenance de Paris et en direction de la Francilienne, seule Sénart est signalée. Cela constitue une discrimination pour Melun, ville de 110 000 habitants à l'importance économique, historique et touristique non négligeable, qui accueille l'école nationale des officiers de la gendarmerie.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - Veuillez excuser l'absence de M. Cuvillier, qui est à Orly pour assister au lancement de la nouvelle compagnie aérienne Hop.

Dans le schéma de signalisation pour l'Ile-de-France, on signalait « Melun-Sénart » jusqu'en 1997. Depuis lors, les deux villes se sont séparées et le nouveau schéma, adopté en 2002, place Melun et Sénart au même niveau de jalonnement. Melun est la première indiquée en sortant de l'A 5 et de l'A 6 ; Sénart, première commune rencontrée en sortant de l'A 4, est seule signalée sur cet axe. L'équité est donc assurée entre ces deux communes.

Mme Colette Mélot.  - Je connais l'histoire de mon département... Soit, l'équité est assurée mais on entretient la confusion ; les gens qui ne connaissent pas notre région se repèrent mal. Nous espérons, avec les habitants et les entreprises, une amélioration.

La séance est suspendue à 12 h 25.

présidence de M. Jean-Pierre Bel

La séance reprend à 14 h 35.

Modification à l'ordre du jour

M. le président.  - J'informe le Sénat que la question orale n°302 de M. Francis Grignon est retirée, à la demande de son auteur, de l'ordre du jour de la séance du 9 avril 2013.

Rappel au règlement

M. Yves Pozzo di Borgo .  - Au nom du groupe UDI-UC, je veux m'élever contre l'attitude du ministre de l'intérieur lors de la manifestation du 24 mars contre le mariage pour tous. La préfecture de police de Paris est une machine formidable, l'une des plus belles structures du monde, animée par des fonctionnaires de qualité. Les dérapages sont très rares. On l'a vu lors de la manifestation du 13 janvier dernier, qui fut la plus importante depuis 1984 et qui se déroula pourtant sans aucun incident. Il en fut tout autrement dimanche 24 mars : tensions sur le parcours, blocage place de l'Etoile, utilisation de gaz lacrymogènes et consignes de « taper fort ». J'ai vu des familles avec des poussettes, des personnes âgées recevoir des gaz alors qu'elles rejoignaient les transports en commun ; j'ai vu des jeunes matraqués, des élus en état de choc. Certes, quelques provocateurs ont pu se glisser dans la manifestation, mais seules six personnes ont été placées en garde à vue à l'issue des événements. Le ministre de l'intérieur n'est-il pas, par volonté de dévaluer cette action, allé trop loin dans ses consignes ? Je demande la constitution non d'une commission d'enquête mais tout au moins d'une mission commune d'information sur ces débordements et le rôle qu'y tient le ministre de l'intérieur. La préfecture de police et le ministère de l'intérieur sont des belles machines à condition d'être bien dirigées. Or, dimanche, un état d'esprit a été créé, si bien que les fonctionnaires ont mal réagi.

M. le président.  - Acte est donné de ce rappel au règlement.

Débat sur la suppression de la taxe professionnelle (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite du débat sur les conclusions de la mission commune d'information sur les conséquences, pour les collectivités territoriales, l'État et les entreprises, de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale. Vous vous souvenez que nous avions entamé ce débat le 30 janvier dernier...

M. Pierre Martin.  - Nous avons eu le temps de réfléchir !

M. Charles Guené, rapporteur de la mission commune d'information.   - Il y a quelques semaines, via une étroite fenêtre de tir, nous avions entamé ce débat mais il fut interrompu ; et tous les collègues présents étaient restés sur leur faim après cette discussion tronquée. Je salue la pugnacité du groupe RDSE et de son président M. Mézard, grâce à qui nous pouvons aujourd'hui la poursuivre.

Au-delà des insuffisances de la réforme et des ajustements nécessaires, l'abrogation de la taxe professionnelle et son remplacement par la contribution économique territoriale (CET) ont un impact fort sur nos finances publiques.

Les avantages furent indéniables. La compétitivité des entreprises a été renforcée, seules 20 % d'entre elles y ont perdu, et 60 % ont économisé entre 30 et 80 % de taxe. Le secteur industriel en a bénéficié au premier chef -au détriment des services cependant. L'État, en versant 4,5 milliards d'euros par an, le double la première année, a stoppé l'hémorragie que subissaient les collectivités locales, mais en payant pour solde de tout compte. Les collectivités ont donc été indemnisées mais leurs relations avec l'État en ont été profondément affectées. Il s'est produit un rebasage de la ressource fiscale communale et la part des impôts économiques s'est considérablement réduite. La recette suit une dynamique nouvelle, corrélée aux évolutions économiques et aux capacités contributives des habitants. Les parlementaires ont dû apporter d'importants correctifs pour corriger les anomalies, mieux prendre en compte la spécificité des établissements industriels et revoir l'indexation des Ifer -c'était une proposition du Sénat. La péréquation est également le corollaire indispensable du nouveau système. Nous devrons aussi apprécier la richesse en stock et les charges supportées par les collectivités territoriales. C'est un chantier essentiel pour le Parlement et il convient de respecter le calendrier fixé, en tenant cependant compte de la conjoncture. Pour le bloc communal, le cap a été maintenu par le Gouvernement ; l'introduction du revenu des habitants dans le calcul du CIF fut une correction utile de la loi de finances pour 2013. Il faudra déplafonner progressivement, en attendant que l'Ile-de-France opère sa mutation intercommunale. Quant aux régions et départements, ces collectivités seraient bien inspirées de faire des propositions rapidement.

Le Gouvernement n'a pas réglé définitivement le dossier de la CFE minimale : il doit le faire dans la loi de finances pour 2014. Je souhaite qu'il intègre le plafonnement sur la valeur ajoutée que nous proposons. La répartition de la CVAE devra être adaptée aux caractéristiques des groupes car le mécanisme actuel n'est pas neutre. Il faudra s'inspirer des mécanismes classiques régissant les entreprises multi-établissements. Quant à la révision des valeurs locatives, elle aura un impact sur la fiscalité locale. Elle aboutira à une nouvelle carte des richesses et de la péréquation. La perte de levier fiscal impose une revalorisation permanente de la matière fiscale. Je réclame pour les parlementaires l'accès à des simulations sérieuses, car cet outil devient de plus en plus nécessaire.

La taxe professionnelle a vu le jour à la fin des Trente Glorieuses, afin que les collectivités locales assurent les enjeux de construction et de développement. Elle n'est arrivée à maturité qu'alors que la donne, avec le choc pétrolier de 1973, changeait. Modifiée à plusieurs reprises, elle ne fut plus portée, à terme, que par les seuls investissements, ce qui, pour le rapport Fouquet, la condamnait.

En 2002-2004, avec l'introduction de l'article 72-2 de la Constitution, l'horizon a basculé : avec la norme de référence, exit l'autonomie fiscale, l'autonomie financière était créée. Puis les taux furent figés. La réforme exigeait un second pilier de péréquation, horizontale. Les élus se sont heurtés à la radicalisation du Gouvernement. Ils ont réagi avec retard ! Le mouvement peut être inversé mais il y faudra plusieurs décennies.

Une réduction drastique des dotations vient de nous être annoncée : 4,5 milliards de moins sur deux ans, soit 6 % de leur montant. Quelles sont les intentions du Gouvernement quant à la répartition de l'effort ? La suppression de la taxe professionnelle n'est pas seulement une grande réforme technique : nous basculons d'un monde fondé sur la régulation des États à un monde fondé sur la globalisation. Il y faut des outils nouveaux. L'équilibre du lien social est en jeu. Le risque de l'exercice étant que cette intégration prenne la voie d'une recentralisation.

Souhaitons que le Parlement se saisisse de tous ces enjeux. (Applaudissements sur les bancs UMP)

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Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mercredi 27 mars 2013

Séance publique

De 14 heures 30 à 18 heures 30

1. Proposition de loi relative au versement des allocations familiales et de l'allocation de rentrée scolaire au service d'aide à l'enfance lorsque l'enfant a été confié à ce service par décision du juge (n°640, 2011-2012)

Rapport de Mme Catherine Deroche, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°430, 2012-2013)

Texte de la commission (n°431, 2012-2013)

A 21 heures

2. Débat sur le droit de semer et la propriété intellectuelle