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Table des matières



Dépôt d'un rapport

Hommage à une délégation étrangère

Débat sur l'action des collectivités locales dans le domaine de la couverture numérique du territoire

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois

M. Yves Rome, co-rapporteur de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.

M. Pierre Hérisson, co-rapporteur de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois

M. Hervé Maurey

M. Stéphane Mazars

M. André Gattolin

M. Jean-François Husson

Mme Mireille Schurch

M. Alain Dufaut

M. Michel Teston

M. Jean-Claude Lenoir

M. Pierre Camani

M. Philippe Leroy

M. Jean-Luc Fichet

M. Éric Doligé

Mme Josette Durrieu

Mme Frédérique Espagnac

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique

CMP (Nominations)

Fin d'une mission sénatoriale

Accord et échec en CMP

Bonus exceptionnel outre-mer (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Michel Vergoz, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer

M. Gilbert Barbier

Mme Aline Archimbaud

M. Michel Fontaine

M. Dominique Watrin

M. Joël Guerriau

Mme Christiane Demontès

M. Victorin Lurel, ministre

Discussion des articles

Article 2




SÉANCE

du mardi 2 avril 2013

79e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

Secrétaires : M. Jean Boyer, Mme Marie-Noëlle Lienemann.

La séance est ouverte à 14 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dépôt d'un rapport

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles, le rapport relatif aux agréments des conventions et accords applicables aux salariés des établissements sociaux et médico-sociaux privés à but non lucratif pour 2012 et aux orientations en matière d'agrément des accords et d'évolution de la masse salariale pour 2013. Il a été transmis à la commission des affaires sociales.

Hommage à une délégation étrangère

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) Il m'est particulièrement agréable de saluer, en votre nom, la présence, dans notre tribune d'honneur, d'une délégation du Conseil représentatif des régions d'Indonésie, conduite par M. Parlindungan Purba. Cette délégation s'intéresse en particulier aux missions institutionnelles du Sénat et à sa place dans le processus législatif, puisque le Conseil représentatif des régions pourrait évoluer, à terme, vers le rôle de haute assemblée de plein exercice. La délégation a déjà rencontré nos collègues du groupe interparlementaire d'amitié, présidé par Mme Catherine Proccacia, et elle poursuivra ses entretiens cet après-midi. Nous formons tous le voeu que cette visite lui soit profitable et nous souhaitons à tous ses membres la bienvenue au Sénat ! (Applaudissements)

Débat sur l'action des collectivités locales dans le domaine de la couverture numérique du territoire

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur l'action des collectivités locales dans le domaine de la couverture numérique du territoire.

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois .  - Ce débat thématique porte sur un enjeu majeur de la compétitivité et de l'aménagement du territoire, mais aussi un vecteur essentiel de la communication de la culture et des idées. L'objectif est de généraliser l'accès au très haut débit (THD). Aujourd'hui cet accès est loin d'être à la hauteur des attentes et des ambitions. Nous affichons un sérieux retard par rapport à certains de nos voisins, en occupant le vingt-troisième rang sur vingt-sept en Europe sachant qu'en Asie, le taux de pénétration s'élève à 70 % contre 4 % seulement en Europe.

Ce débat s'imposait donc au moment où le Gouvernement vient de publier sa feuille de route pour le numérique. Je remercie nos rapporteurs Yves Rome et Pierre Hérisson, ainsi que le président Raymond Vall et sa commission du développement durable avec qui nous avons bien travaillé.

Le dispositif législatif et réglementaire en vigueur est-il adapté, notamment en ce qui concerne les collectivités locales ? La logique d'économie mixte ne semble pas propice au développement du THD. Les zones très denses se développent bien tandis que dans les zones non rentables, représentant la moitié des territoires et 40 % des logements, les collectivités locales doivent intervenir faute d'opérateurs privés. J'y vois là un problème d'efficacité et d'équité.

Le financement du système pose aussi problème : l'État aide peu les collectivités locales à s'équiper tandis que les opérateurs privés ne se préoccupent que des zones rentables.

À quoi bon définir des engagements ambitieux si les moyens ne suivent pas ?

Enfin, les maires et les élus locaux souffrent d'une sous-information sur les réseaux existants, au prétexte de ne pas trahir le secret des affaires.

Au final, votre commission reste assez réservée : le bilan qui a été dressé par les deux rapporteurs de la majorité et de l'opposition est impartial et le scénario du succès reste à écrire. Il est temps que l'État joue son rôle de régulateur, débloque les crédits nécessaires et facilite le travail en commun de tous les opérateurs. (Applaudissements sur la plupart des bancs à gauche ainsi que sur quelques bancs au centre)

M. Yves Rome, co-rapporteur de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.   - Le potentiel de croissance et de compétitivité du pays pourrait être renforcé grâce au THD. Le bien-être de nos concitoyens s'en trouverait également amélioré, surtout pour ceux éloignés des grandes villes.

Je remercie le président Assouline et le président Vall de faire en sorte que le Sénat soit présent au rendez-vous de ces défis : une mutation profonde de notre société est indispensable. Mais la France n'a pas pris cette affaire par le bon bout. Le précédent gouvernement avait mal évalué les enjeux. La fracture numérique s'accroît d'année en année.

Tandis que l'Europe stagne, le reste du monde continue à s'équiper : il faudrait faire du numérique la nouvelle frontière de notre continent.

Nous avons voulu évaluer la cohérence entre le THD et les compétences des collectivités locales.

Le dispositif que nous avions conçu pour le haut débit (HD) n'est absolument pas adapté au THD. La fracture numérique s'ajoute à la fracture territoriale. Le territoire a été découpé entre zones d'intérêt commercial et zones concédées aux collectivités, aucune péréquation de premier rang n'a été prévue. Le choix de la concurrence entre les opérateurs privés n'a pas été atténué par la mutualisation.

La feuille de route conçue par le Gouvernement répond à notre préoccupation : il fallait en effet sortir de l'inertie ambiante. C'est une bonne nouvelle pour les collectivités locales qui sont prêtes à oeuvrer pour répondre aux attentes de nos concitoyens et des entreprises. Nous sommes rassurés par le renforcement de l'engagement financier de l'État, annoncé par le président de la République en Auvergne. Bien sûr, il faudra poursuivre dans la voie d'une politique agile et évolutive. L'obsolescence du réseau de cuivre devra être rapidement programmée, c'est une condition sine qua non de la réussite du THD. Nous tirerons les leçons de l'expérience menée à Palaiseau.

Le basculement du cuivre vers la fibre doit être accompagné des mesures nécessaires pour que le statut d'opérateur d'opérateurs des collectivités locales ne soit pas un handicap. Ce sont sans doute les investisseurs les plus motivés pour le THD. Il ne faut pas les décourager mais les sécuriser et les aider.

La régulation devra consolider les choix financiers des collectivités. Nous devons viser un vrai THD, et non pas un affadissement technologique comme l'envisage l'Europe. Le calibrage du financement public devra évoluer pour apporter des taux de subvention suffisants, en fonction des moyens des collectivités locales. Les fonds publics devront être mis à niveau. Notre rapport propose diverses hypothèses et des pistes de financement possible.

La France est le pays où les tarifs sont les plus bas au monde. Les passagers clandestins du net existent et sont souvent installés dans des zones fiscales que l'exemple chypriote devrait nous inciter à ramener à la raison.

L'État stratège est de retour. Il doit concilier libertés locales et cohérence, sans nuire au dynamisme des collectivités locales. Plutôt que de nous contraindre dans des cadres conçus à Paris, libérez-nous, madame la ministre !

Je remercie la Conférence des présidents d'avoir programmé ce débat. Le Sénat doit persévérer dans son rôle de conseil de surveillance de la puissance publique pour atteindre au numérique dans tous ses aspects. (Applaudissements)

M. Pierre Hérisson, co-rapporteur de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois .  - Comme l'a dit M. Assouline, deux co-rapporteurs de sensibilité différente ont été nommés pour rédiger ce rapport. Mes propos seront peut-être moins feutrés que ceux d'Yves Rome.

Le précédent président de la République avait décidé d'équiper la France en THD en 2025 et le président Hollande a fixé l'échéance à 2022, surenchère électorale oblige...

Le THD est une sorte de pavillon de complaisance. Nous avons dû déchanter : en effet, le THD ne sera pas de 100 mégabits/seconde. Vous n'êtes pas pour rien, madame la ministre, dans cette désillusion, tant vous avez répété à l'envi le slogan « la fibre pour tous ». L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) avait fixé le THD à 30 mégabits/seconde dès que fut connue la position de la Commission européenne. Vous devrez clarifier vos choix, alors que vous revenez, madame la ministre, d'un pays qui vous est cher et qui parle en gigabits...

Des clarifications sont indispensables pour les collectivités locales qui doivent pouvoir définir des projets réalistes et financés. Je suis attaché à ce que l'État ne leur laisse pas prendre des risques inconsidérés. Vous avez refusé la table rase, madame la ministre, et c'est bien. Le système de régulation mis en place sous la précédente législature doit corriger les imperfections, mais les incitations à la mutualisation doivent être renforcées. Je ne suis pas sûr que la feuille de route gouvernementale est à la hauteur des exigences.

Comment assurer la cohérence entre les divers réseaux actuels et futurs ? Les zones les plus déshéritées du numérique seront-elles les premières servies ? Combien de foyers ruraux seront-ils câblés ?

Nous veillons à ce que l'éligibilité ne soit pas de façade. Pour cela, il faudra des financements. Quel sera l'effet du basculement sur la fibre sur le produit de la composante télécom de l'Ifer qui a rapporté 400 millions d'euros aux collectivités locales en 2012 ? Je m'interroge sur le cadre financier que vous avez présenté : respecte-t-il les normes concurrentielles européennes ?

Avec 20 milliards pour le déploiement de la fibre, dites-nous quel sera le taux d'éligibilité, madame la ministre, territoire par territoire. Nos concitoyens devront payer le dernier segment de raccordement. Qui assumera le coût de l'extinction du cuivre ?

M. Bruno Sido.  - Les départements ?

M. Éric Doligé.  - Pas les régions.

M. Pierre Hérisson, co-rapporteur.  - Et que coûtera le basculement du cuivre à l'opérateur historique ? Les opérateurs privés devraient investir 14 milliards. Que se passera-t-il si tel n'est pas le cas, d'autant que le budget européen ne sera pas au rendez-vous ?

Que ferez-vous pour compenser ce manque de financement ?

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.  - C'est le fait de tous les gouvernements précédents !

M. Pierre Hérisson, co-rapporteur.  - Je remercie la Conférence des présidents d'avoir inscrit ce débat à notre ordre du jour. J'ai eu grand plaisir à travailler avec M. Rome sur le THD et je souhaite que notre assemblée poursuive son travail de contrôle de l'application des lois et d'évaluation des politiques publiques, au service du bien public. (Applaudissements des bancs écologistes à la droite ; M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, et M. Yves Rome, co-rapporteur, applaudissent aussi)

M. Hervé Maurey .  - Je salue le travail de nos collègues auquel je souscris en grande part. Ce rapport s'inscrit dans la tradition sénatoriale qui fait de notre assemblée un acteur majeur du combat en faveur du numérique.

Je rappelle que nous avons déjà beaucoup travaillé sur ce dossier, notamment avec la loi Pintat, qui avait créé un fonds pour le numérique, toujours sans fonds ! J'avais ensuite présenté un rapport intitulé Aménagement numérique du territoire : passer de la parole aux actes. Ma proposition de loi rédigée avec Philippe Leroy a été adoptée à une large majorité, avec les voix socialistes, pour garantir un vrai HD pour tous, pour redéfinir les critères de couverture de téléphonie mobile et pour équiper tout le territoire, à terme, en THD.

Les relations nous paraissaient bien trop déséquilibrées entres les collectivités et les opérateurs privés libres d'investir où ils veulent et gelant les projets locaux. M. Rome en convenait à l'époque, qui a évolué depuis. Après ce vote, un nouveau président de la République et un nouveau gouvernement sont arrivés et je me suis dit : le changement, c'est maintenant ! (Sourires)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Voilà !

M. Hervé Maurey.  - Mes illusions ont été de courte durée : à l'Assemblée nationale vous avez qualifié notre proposition de loi d'idéologique et court-termiste, de texte inutile, inefficace et surdimensionné. Bel hommage rendu au Sénat, madame la ministre ! Vous avez déposé des amendements de suppression de tous les articles en employant les arguments de M. Éric Besson, qui sont ceux des opérateurs : au lieu du changement, c'était du renoncement. Au lieu de vous appuyer sur le travail des parlementaires, vous avez nommé un fonctionnaire qui nous a présenté son travail dans une réunion dite de concertation où la nombreuse assistance empêchait de s'exprimer ; j'y ai renoncé. La feuille de route ne prévoit rien pour le HD, alors que la moitié des Français n'ont pas encore 2 mégabits. Rien non plus pour la téléphonie mobile, alors que tant de zones ne sont pas couvertes : venez dans l'Eure ! Sur le THD, vous aviez assuré le retour de l'État stratège. Mais il n'en est rien : divers comités ont été créés, mais l'État ne retrouve aucun pouvoir et ne se porte pas garant du bon déploiement.

Sur le rééquilibrage entre opérateurs et collectivités locales, vous prévoyez la contractualisation, mais sans aucune sanction. Aucune péréquation n'est prévue. Vous préconisez le THD pour 2022 et, à terme, la fibre...

Sur le financement, le flou est absolu. Si le déploiement coûte 20 milliards, rien ne dit comment vous y parviendrez. Six milliards pour les opérateurs privés, ils n'investissent actuellement que 300 millions l'an, l'intervention partagée des collectivités locales, dont les dotations diminuent, et de l'État, mais aucun engagement n'est pris. Cela ne répond en rien aux objectifs affichés par nos deux rapporteurs et le Sénat.

Nos collègues de la majorité font semblant de croire que votre plan n'a rien à voir avec celui de M. Besson. Mais comme l'a dit le président de l'Arcep, nous sommes dans la continuité, d'où ma colère...

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.  - Vous avez voté Hollande ?

M. Hervé Maurey.  - Sur ce dossier comme sur d'autres, le Gouvernement critique ses prédécesseurs, il nomme une commission, constate qu'il manque de moyens et finalement annonce que les objectifs ne sont pas atteints. Je vous assure qu'il n'y aura pas de THD en 2022 et que les engagements, une fois de plus, ne seront pas tenus. (Applaudissements à droite)

M. Bruno Sido.  - Exact !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Hélas !

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.  - Vous n'êtes pas dans l'esprit de la commission pour le contrôle de l'application des lois.

M. Stéphane Mazars .  - Merci pour ce rapport qui nous permet d'avoir ce débat. Il n'est pas possible de comparer des pays en développement à ceux comme le nôtre, qui disposent déjà d'un réseau câblé et doivent basculer. Les moyens multiples aujourd'hui sont inférieurs à ce qu'ils seront demain. Les entreprises le savent et s'implantent en fonction de la bande passante ; leurs salariés nomades pratiquent la visioconférence et stockent des données.

Il est donc indispensable de proposer des instruments nécessaires à leur compétitivité. Le HD est déjà obsolète pour les entreprises. Où en serons-nous dans dix ans ? Les échanges doivent devenir fluides. Nous avons déploré l'absence d'infrastructures de transport dans les collectivités. Le THD pourrait pallier cette absence, car son accès permet de réduire les déplacements. Le numérique concentre l'espoir de nos concitoyens et des entreprises. Pourtant, les opérateurs refusent de le déployer, faute de rentabilité.

Les collectivités locales ont pourtant consenti de nombreux efforts. Le président de la République a eu raison d'instaurer une mission sur le THD. L'État doit aménager les territoires pour assurer la cohérence nationale. La feuille de route prévoit des investissements de 20 milliards, dont un tiers seront consacrés aux territoires les moins denses. La création d'une taxe permettrait d'assurer le financement du département du THD. Quelles sont les intentions du Gouvernement, madame la ministre ?

Dans dix ans, d'autres révolutions technologiques auront eu lieu. Les réseaux sans fil pourront assurer un rôle de transition en attendant le déploiement de la fibre. Ne risquons-nous pas d'être en retard, une fois de plus ? La feuille de route sera-t-elle financée ? Certes, elle est bien accueillie, car elle devrait permettre de réduire la fracture numérique. (Applaudissements sur les bancs de la commission)

M. André Gattolin .  - Je salue le travail de nos rapporteurs : ce double play gagnant a mis en lumière les blocages du THD en France. Le plan du précédent gouvernement prévoyait le THD en 2025, et nous sommes en retard puisque seuls 2 millions de foyers sont raccordés dans les zones les plus urbanisées. La couverture de tout le territoire d'ici 2022 est un engagement du candidat François Hollande qui voulait réduire la fracture numérique et assurer l'égalité du territoire. Le groupe écologiste partage ces objectifs, mais l'investissement est important : 20 milliards, dont 6 milliards pour l'État. En cette période de crise, est-ce possible ? La fibre est sans doute la technologie la plus adaptée, mais encore faut-il pouvoir la déployer !

La fiscalité du numérique, comme l'a souligné le rapport Collin-Colin profite aux grands groupes américains qui ne paient ni TVA ni impôt sur les sociétés.

Les inégalités en matière d'accès et d'usage du numérique ne se réduisent pas à de simples questions de tuyaux - je pense à la qualité des équipements, au coût d'accès à certains logiciels ou à la sécurisation des données personnelles et professionnelles.

La fracture numérique territoriale ne doit pas être isolée de la fermeture des commerces, de la disparition ou de la raréfaction des services publics dans des zones importantes de notre territoire. La fracture territoriale est une et doit être pensée globalement, en termes d'écosystème. Veillons à ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul.

On parle aujourd'hui d'un besoin de financement de 20 milliards d'euros, peut-être davantage. Une étude doit être prochainement rendue publique que nous attendons avec impatience. Les opérateurs privés doivent contribuer au financement des tuyaux dont ils seront les premiers à tirer profit. La plus grande transparence doit être faite sur la réalité des réseaux existants, les projets d'extension et les conditions d'attribution des aides aux réseaux d'initiative publique.

Le groupe écologiste réaffirme son soutien à un développement numérique harmonieux des territoires. Mais il ne doit pas s'agir, comme souvent, de socialiser les pertes et de privatiser les profits. Nous prônons un autre modèle, celui du service public local qui place les collectivités territoriales en pleine responsabilité sur l'intégralité de leur territoire, dans le respect des principes du service public. Les prérequis techniques et juridiques sont en place. Il faut la volonté de les appliquer. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-François Husson .  - En octobre 2011, devant la commission de l'économie et à la suite des rapports Sido et Maurey, j'alertais sur des enjeux qui sont encore plus prégnants aujourd'hui. Il est temps d'agir avec pragmatisme et efficacité, madame la ministre. Le new deal numérique auquel appelle l'Institut Montaigne me paraît pertinent.

Nous devons rattraper notre retard pour que le numérique contribue davantage à la croissance et à la création d'emplois. Nous manquons de business angels tandis que les aides sont trop dispersées. La contrainte budgétaire forte dicte des solutions originales et peu onéreuses. À l'État stratège d'organiser les infrastructures, en priorité la fibre, à montrer l'exemple en lien avec les collectivités locales. Notre administration doit poursuivre sa révolution numérique et ouvrir ses données. Le HD et demain le THD sont la première priorité, indispensable pour donner de nouvelles perspectives de développement aux territoires ruraux comme aux zones plus urbanisées. En Meurthe-et-Moselle, au-delà d'un engagement financier de 70 millions d'euros, les recettes de commercialisation restent faibles.

La couverture en téléphonie mobile prend du retard. Des zones blanches persistent. Ce n'est plus acceptable, alors que la 4G se déploie en 2014. Un plan d'ensemble est nécessaire sous la responsabilité de l'État. La thérapie doit être ciblée. Ne nous éparpillons pas et concentrons nos efforts dans des domaines très spécialisés où il existe une réelle touche française, comme l'informatique en nuage et les technologies mobiles. L'exemple de Taïwan pourrait nous inspirer.

Les enjeux sont trop importants pour notre économie et pour les populations « fracturées ». J'espère que les réponses du Gouvernement nous rassureront. (Applaudissements à droite ; M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, applaudit aussi)

Mme Mireille Schurch .  - L'ouverture à la concurrence n'ayant pas fait ses preuves, la France accuse toujours un retard. À la première fracture qui concerne l'accès aux réseaux, s'y ajoute une deuxième en termes de débit.

S'il existe d'autres techniques que le fibrage, celui-ci constitue l'investissement d'avenir. Mais un tel déploiement ne pourra être réalisé par les collectivités territoriales seules, au regard de son coût - 20 à 30 milliards d'euros. D'où l'intérêt de certaines technologies dites encore palliatives, qui ouvrent l'accès à un débit minimum pour tous - élément du service universel.

Ramener l'horizon à 2022 comme annoncé par le président de la République est une bonne chose, même si l'investissement dans le THD doit être réalisé dans les cinq ans à venir - pour les acteurs, une course de vitesse est engagée pour l'attractivité de leurs territoires. Le déploiement des nouveaux réseaux représente des sommes colossales, dans un contexte financier plus que contraint, notamment par le cadre européen. Qu'en est-il de la taxation des géants du net, qui ne peuvent s'enrichir sans des réseaux fiables, rapides et neutres ? N'ajoutons pas une fracture sociale à une fracture territoriale.

Le rôle des collectivités territoriales est essentiel pour lutter contre la fracture numérique. Nous partageons les doutes des rapporteurs sur la pertinence du choix d'un modèle qui repose avant tout sur des opérateurs privés. Ceux-ci n'ont pas le souci de l'aménagement du territoire, mais uniquement celui de la rentabilité.

La puissance publique doit reprendre en main le déploiement des réseaux. Comme vous le savez, madame la ministre, l'Auvergne fait figure de première de la classe. Mais l'intervention des collectivités locales est contrainte, alors que les opérateurs privés peuvent aller où ils veulent et même geler des territoires alors qu'ils ne les équipent pas.

Sur l'aide de l'État, les collectivités souhaitent être associées dans le cadre d'un véritable processus de codécision. Nous plaidons pour un opérateur de réseau unique et un aménagement progressif du territoire. La mise en place d'un réseau public est préférable à l'octroi de subventions aux opérateurs privés ; c'est nécessaire si l'on veut éviter les gâchis dus à la concurrence dans les zones rentables, où il y a pléthore de réseaux. Nous appelons de nos voeux la résurgence de l'État stratège, dans l'intérêt national. (Applaudissements)

M. Hervé Maurey.  - Très bien !

M. Alain Dufaut .  - Le numérique fait désormais partie de notre vie. Son impact sur l'aménagement du territoire est important. La France doit s'adapter au virage du THD, qui nécessite des investissements colossaux. Les capacités de collectivités locales étant affaiblies, l'apport du secteur privé est essentiel. La coopération collectivités territoriales-opérateurs s'impose stratégiquement. Il faut mutualiser, si possible par la contractualisation. Veillons toutefois à ce que la fracture numérique ne se creuse pas à la faveur d'investissements concentrés dans les zones denses. Veillons aussi à ne pas doublonner. Je connais ce phénomène dans mon département, où le conseil général a décidé de créer son propre réseau avec une délégation de service public sur vingt-cinq ans, alors qu'un opérateur privé a déjà déployé un réseau HD et THD... Il ne sert à rien d'engager des travaux onéreux sans apporter quoi que ce soit de nouveau aux populations.

L'État stratège doit reprendre toute sa place, coordonner (M. Daniel Raoul approuve) comme il est préconisé dans le rapport, pour irradier le territoire, sans doublons et sans les surcoûts qui sont inenvisageables en ce temps de disette budgétaire. Maintenons l'avantage compétitif de certaines de nos entreprises. Réduisons les zones blanches, ayons une vision globale, faute de quoi les entreprises et les emplois partiront vers les zones urbaines et périurbaines. L'État doit agir. L'idée d'un établissement public ad hoc peut être bonne si les collectivités territoriales sont associées et si l'État peut intervenir en tant que de besoin. (Applaudissements)

M. Michel Teston .  - L'Union européenne a fait prévaloir une approche libérale et concurrentielle des services de télécommunications ; le service universel n'a été instauré que pour la téléphonie fixe. Des droits exclusifs d'exploitation des réseaux de communication électronique ne peuvent être accordés par les États aux termes du droit européen ; un opérateur ne peut être contraint de se déployer sur une zone donnée, pas plus qu'on ne peut lui en interdire l'accès ; les aides d'État sont strictement encadrées. Le plan Fillon fait la part trop belle aux opérateurs privés au détriment des collectivités locales - ils peuvent bloquer les investissements de ces dernières.

M. Daniel Raoul.  - Très bien ! Il fallait le dire !

M. Michel Teston.  - Et le Fonds national n'a jamais été alimenté.

Dans ce contexte peu favorable aux initiatives numériques des collectivités locales, on comprend pourquoi l'article L. 1425-1 du CGCT n'a pas eu plus que la proposition de loi Pintat les effets escomptés.

Il fallait remettre l'ouvrage sur le métier. Je salue le pragmatisme et la justesse de la méthode du Gouvernement ; l'État se pose en garant de l'égalité entre les opérateurs avec un objectif stratégique : la complémentarité des moyens pour la couverture du territoire. L'action des collectivités locales est confortée par la reconnaissance de leur rôle opérationnel et sécurisée juridiquement. Des marchés de taille correcte pourront être proposés aux opérateurs. La négociation des conventions de programmation et de suivi ouvrira un dialogue entre les collectivités locales et les opérateurs, dont les défaillances éventuelles relèveront de ce mode contractuel sous le contrôle des préfets.

Le soutien technique et financier de l'État est renforcé. Un référentiel technique, des recommandations standard seront proposées ainsi qu'une assistance à maîtrise d'ouvrage. Une enveloppe de 20 milliards d'euros de prêts est dégagée par l'accès aux fonds d'épargne règlementée ; l'État apportera 3 milliards sur dix ans dans les zones moins denses.

En 2004, l'article 1425-1 du CGCT a marqué une étape importante. Une autre étape essentielle est franchie en 2013. Les collectivités locales auront désormais toute leur place dans la couverture numérique du territoire. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Claude Lenoir .  - Cette nuit j'ai fait un rêve. (Marques d'intérêt amusé sur divers bancs)

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.  - C'est le passage à l'heure d'été !

M. Jean-Claude Lenoir.  - J'étais en 2022, sans doute en avril, et je m'émerveillais de voir dans ma campagne les enfants partager leur temps entre l'école et les programmes de l'éducation nationale distribués sur les réseaux. Le THD était accessible à tous. Je me suis réveillé, plutôt de bonne humeur... Puis j'ai repris mes notes et le rêve a cessé. Parce que la fracture numérique est aussi territoriale et sociale.

Madame la ministre, je m'exprime aujourd'hui avec réalisme, et je suis conscient que tout ce qui a été fait avant n'a pas été toujours excellent.

M. Yves Rome, co-rapporteur.  - Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Je suis à cette tribune le porte-parole des laissés-pour-compte qui ne supportent plus ce discours lénifiant qui fait croire que tous les Français auront bientôt le THD. La plupart des départements comptent des zones blanches. L'annonce du déploiement de la 4G dans les villes a suscité une vraie colère dans les populations qui n'ont pas encore accès au téléphone mobile. On annonce des chiffres qui ne correspondent pas à la réalité.

Deux exigences : l'aménagement du territoire et l'équité sociale. Comment faire ? Chacun a sa méthode. Le rapport Rome-Hérisson est excellent, nous connaissons la qualité de ses co-auteurs et celle du président de la commission... Les critiques formulées envers le précédent gouvernement vous rendront certainement plus exigeants envers le gouvernement en place.

M. Yves Rome, co-rapporteur.  - Bien sûr !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Si quelqu'un ici pense que le THD sera déployé partout en 2022, qu'il se lève... (M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, fait mine de se lever) Vous êtes Parisien, voilà qui simplifie les choses !

Nous avons réuni une table ronde à la commission de l'économie ; le président-directeur général d'Eutelsat s'est plaint de n'avoir pas été invité. Pourquoi a-t-on écarté la voie satellitaire ? Dans un département comme le mien, elle pourrait avoir son utilité.

Madame la ministre, comme je vous l'ai dit en commission, je ne crois qu'à la péréquation, à la mutualisation. L'électricité est allée partout après la guerre grâce au fonds d'investissement utilisé par les collectivités territoriales en charge de l'électrification rurale. (On approuve sur les bancs CRC et socialistes) La course à l'abonnement le moins élevé est une erreur, il faut demander une participation à tous les clients et donner plus aux territoires ruraux isolés qu'à ceux qui sont mieux pourvus.

Mme Mireille Schurch.  - Eh oui !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Je fais confiance...

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.  - Au Gouvernement ! (Applaudissements)

M. Jean-Claude Lenoir.  - ... à l'avenir et à l'intelligence des hommes. (Applaudissements à droite)

La séance, suspendue à 16 h 10, reprend à 16 h 20.

M. Pierre Camani .  - La nécessité d'un déploiement accéléré et équitable du HD fait consensus. Comme le souligne l'excellent rapport de nos collègues, il s'agit d'un levier majeur de croissance, de modernisation de l'action publique et d'aménagement du territoire. Nous devons doter notre pays de ces infrastructures du xxie siècle. Je salue l'ambition et l'engagement du Gouvernement, sa feuille de route est à la mesure de l'investissement nécessaire.

Le rapport Rome-Hérisson est sans concession. La France accuse un sérieux retard ; le modèle prôné par le précédent gouvernement a été un échec. Les raisons en sont connues. Les opérateurs privés ont pu préempter les zones qu'ils estimaient rentables. Le Fonds d'aménagement numérique, faute d'abondement suffisant, n'a pas eu les effets escomptés. Des projets régionaux ont été figés, la péréquation a été rendue plus difficile. La concurrence privée qui s'exerce sur les réseaux publics est une aberration. L'oligopole déséquilibré - celui des opérateurs privés - s'est superposé à un monopole contrarié - celui des collectivités territoriales. Comme le soulignent nos rapporteurs, le plan présenté par le Gouvernement va dans le bon sens. Le conventionnement est une incontestable avancée, qui devrait rompre avec la logique d'écrémage des zones denses. La mise en place d'une agence nationale devrait permettre d'établir un référentiel technique unique, nécessaire à l'interopérabilité des réseaux. Je m'en réjouis.

Les collectivités locales auront besoin d'un modèle financier stable. Leurs projets pourront être accompagnés par l'État à hauteur de 50 % contre 35 % auparavant ; je m'en félicite. Mais il faudra faire jouer la péréquation parce que les territoires les plus ruraux ne pourront pas financer le reste à charge. Les réseaux publics doivent en outre être sécurisés ; un cadre réglementaire précis et stable dans le temps doit être mis en place.

Madame la ministre, vous avez annoncé une mission de réflexion sur l'avenir du réseau cuivre. C'est essentiel.

Un signal a été donné. Aux opérateurs et aux collectivités de transformer l'essai. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Leroy .  - Je rends hommage aux collectivités locales, notamment celles du monde rural. C'est grâce à elles que nous avons progressé dans la compréhension du problème. En 2004, elles sont devenues opérateurs. Le monde rural a été le premier à réclamer la fibre optique.

Vous êtes arrivée, madame la ministre, après une longue histoire. Votre feuille de route ne renie pas le passé, c'est bien ; mais il ne faudrait pas que les bonnes intentions cachent des diableries...

Évitez de vous tromper, comme certains de vos prédécesseurs ! N'écoutez pas ceux qui, par opportunisme, tentent de prolonger la vie du cuivre au-delà du raisonnable. Méfiez-vous de leur sémantique dangereuse : parlons de THD et non de « débit de qualité ». Ne prolongeons pas non plus les délais du basculement au-delà du raisonnable.

N'écoutez pas ceux qui, par prudence ou résignation, se réfugient dans le dopage du cuivre, y compris par le satellite. Le véritable objectif, ce doit être la fibre pour le maximum d'abonnés.

Le THD mobile ne peut se substituer au THD fixe : les usages sont différents. Ceux qui par résignation tentent des opérations de dopage font des dépenses inutiles. Je vous supplie de bien vouloir écouter nos conseils : à droite comme à gauche, il y a des tenants de la désespérance : ne les écoutez pas ! Numericable, ce diable dont on ne parle jamais, propose des réseaux câblés : fibrons-les !

Vous n'avez pas voulu de la proposition de loi que nous avons préparée avec M. Maurey.

M. Charles Revet.  - Et vous avez eu tort !

M. Philippe Leroy.  - Ce n'est pas grave, mais présentez-nous une loi pour prévoir le basculement, le financement, une nouvelle fiscalité, un rôle réel aux collectivités locales seules garantes de l'équilibre entre la concurrence privée et le public. Si vous attendez trop, la désespérance sera réelle.

L'État doit reprendre la main en lieu et place de l'autorité de régulation. Ce n'est pas à l'Arcep ou au CSA de donner une stratégie, c'est à l'État, qui doit aussi exister au niveau local, avec les préfets. Chaque collectivité a ses caractéristiques propres, il faut, pierre par pierre, construire des schémas adaptés aux réalités locales.

Voilà ce qu'un vieux sénateur peut conseiller à une jeune ministre : allez vite. (Applaudissements)

M. Jean-Luc Fichet .  - Le président de la République s'est engagé à réaliser la couverture territoriale en THD d'ici dix ans, ce qui est essentiel pour la survie de nos communes. Le 19 février 2013 a été adopté l'excellent rapport Rome-Hérisson, qui dresse un bilan de la situation actuelle et formule diverses propositions en matière d'accélération du déploiement du THD.

Le projet Bretagne THD vient d'être publié : en 2025, la fibre devrait y être totalement déployée. L'État paiera 65 millions d'euros, suite à un contrat d'engagement signé en 2012. Une prise installée en zone dense égale une prise installée en zone faiblement peuplée. Les élus ont applaudi à cette initiative.

Pour ma part, j'ai la responsabilité du pays de Morlaix, soit 110 000 habitants dans une communauté d'agglomération et trois communautés de communes. Je dois présenter aux élus les priorités d'ici 2025 : il y a des satisfaits... et des mécontents, ceux chez qui la fibre n'arrive qu'en 2022, voire 2025. Le déploiement en très haut débit est un enjeu économique essentiel en matière d'aménagement du territoire. Ce peut être un moyen de pallier les déserts médicaux, grâce notamment à des capteurs et des dispositifs d'alerte. Encore faut-il qu'il soit connecté !

Comment répondre aux maires éloignés du très haut débit ? Faut-il leur dire de patienter encore douze ans ? Impensable !

M. Hervé Maurey.  - Évidemment !

M. Alain Gournac.  - Bien sûr !

M. Jean-Luc Fichet.  - Il faut donc trouver des réponses adéquates. Le développement du haut débit est donc essentiel, pour éviter la désertification : douze ans d'attente, c'est injuste et incohérent en termes d'aménagement du territoire. On ne va s'installer dans une commune que s'il y a un accès possible à la Toile.

Des négociations doivent donc s'ouvrir avec les opérateurs privés, ou alors il faudra légiférer : le haut débit est une nécessité, à titre transitoire. (Applaudissements)

M. Éric Doligé .  - Ce rapport touche du doigt les enjeux du très haut débit. Après le « choc de compétitivité » et le « choc de simplification », nous allons peut-être connaître le choc du très haut débit... (Sourires) Quel sera le contenu du plan Hollande ? En la matière, nos concitoyens attendent beaucoup. Prenons garde de ne pas les décevoir.

On compte sur le département et ce n'est pas neutre. J'y vois la reconnaissance du savoir-faire, de la proximité, et de la capacité des départements à être un véritable acteur de l'économie. Dans l'acte III de la décentralisation, il serait bon que le pouvoir réfléchisse bien avant d'exclure les départements de l'économie. L'économie de la proximité, l'économie du réel, l'économie du quotidien sur nos territoires ce sont les départements.

Les modèles qui sous-tendent le déploiement des infrastructures de télécommunications fixes et mobiles risquent de créer de fortes disparités ; il y aura de fortes disparités entre ceux qui auront pu intervenir et ceux qui auront laissé faire le marché. Les collectivités locales devront donc bâtir des réseaux d'initiative publique ne serait-ce que pour conserver l'attractivité de leur territoire. Il ne faudrait pas qu'il faille pour cela l'accord de la région.

Le recours au cofinancement des réseaux d'initiative publique doit être facilité, avec des subventions pérennisées sur la durée des projets. Il faut aussi pouvoir accéder à des prêts à très long terme à des taux attractifs pour financer des investissements qui vont s'étaler sur dix à vingt ans.

Le rôle des opérateurs est souvent illisible : ils n'investissent que dans des zones denses déjà bien pourvues. L'appétence pour la fibre y demeure faible puisque les foyers disposent déjà du confort que procure un accès ADSL d'excellente qualité. Or il faut faire le deuil du modèle qui a permis à l'opérateur historique d'amener le téléphone dans tous les foyers à la fin des années 1970.

La règlementation et le rôle de l'Arcep doivent évoluer. La règlementation européenne s'impose dans ce domaine. À Montargis, l'opérateur historique pourrait être contraint de créer un central téléphonique pour permettre à une partie de cette commune de disposer d'un très haut débit de qualité. C'est absurde !

II faut simplifier le modèle d'intervention des collectivités mais aussi aider les décideurs territoriaux à mieux comprendre pourquoi et comment agir. Des guides existent. Dans ma région, nous mettons en place une mutualisation entre collectivités pour que chacune bénéficie des expériences des territoires voisins.

M. Rome a dit qu'avant, tout était mauvais et que maintenant, tout est bien : je demande à voir, car, comme l'a dit David Assouline, le scénario du succès reste à écrire, madame la ministre. (Applaudissements à droite)

Mme Josette Durrieu .  - Le monde rural est délaissé...

M. Charles Revet.  - Il ne faut pas l'oublier !

Mme Josette Durrieu.  - 80 % du territoire et 14 millions d'habitants ont été oubliés. En outre, plus de la moitié de notre industrie y est implantée. Le Gouvernement a prévu des financements pour développer la fibre dans ces territoires. L'attractivité de notre territoire rural doit être réaffirmée, grâce à la fibre.

On a cité la Drôme, l'Auvergne. Dans les Pyrénées, on ne s'est pas mal débrouillés non plus, avec le déploiement du 2 Mo pour tous. Il en a coûté 29 millions au département, sur un an et 150 millions d'emprunts, tandis que l'État a dégagé... zéro euro.

Partout, et pour tous : oui ! Mais ce défi devra être financé. Soyons réalistes : si on veut le très haut débit pour un redémarrage de notre industrie, il faut des crédits à la hauteur des enjeux. Or, les investissements sont exorbitants. À nous de fixer les priorités.

La commercialisation est une phase importante, d'autant que les collectivités sont face aux trois opérateurs privés. Vous devez sécuriser les investissements publics des collectivités en prévoyant un partenariat entre ces dernières et l'État.

Les usages seront multiples, on l'a dit. Et l'Europe, dans tout cela ? Si nous devons être seuls, nous les relèverons seuls ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Charles Revet.  - Vous ne serez pas seule !

Mme Frédérique Espagnac .  - Depuis l'an 2000, notre relation à la culture et au travail a beaucoup changé, du fait du numérique. En 2013, l'équipement de notre pays reste très disparate, alors que l'accès à Internet est devenu impératif.

Dans mon département, des zones immenses sont déclassées, faute de pouvoir proposer Internet aux entreprises et aux citoyens. Je salue l'action des pouvoirs publics qui prévoient le très haut débit pour tous d'ici douze ans.

Notre pays disposera de nombreux atouts : la recherche et développement y est très développée. L'État s'est engagé à apporter des aides financières et à sécuriser les usagers.

Le numérique doit être une véritable chance pour la jeunesse, avec une formation précoce et jusqu'à la mise en ligne de cours universitaires. Il renforcera l'économie et permettra de promouvoir nos valeurs républicaines. Tout comme les voies de chemin de fer et les autoroutes, le numérique apportera une prospérité nouvelle à nos territoires ruraux. Nous attendons vos réponses, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique .  - Je suis heureuse de ce débat. Je salue le travail remarquable des collectivités locales, face à un État trop longtemps absent. Nous sommes en retard, par rapport à un certain nombre de pays. Nous parlons d'un mégaoctet ; en Corée et au Japon où j'étais la semaine dernière, il y aura bientôt des offres à un gigaoctet ! Ce débat est l'occasion de répondre à vos interrogations et de présenter le plan du Gouvernement. Je propose d'ailleurs de vous tenir au courant chaque année de l'avancée des travaux.

Toutes les pistes de financement ont été évoquées. L'Assemblée nationale a examiné la proposition de loi Leroy-Maurey, pour laquelle j'ai beaucoup de respect, même si elle était floue sur quelques sujets.

Le président de la République et le Premier ministre ont indiqué les grandes lignes du plan « France très haut débit ». Il s'agit d'une nécessité pour dynamiser la croissance. L'objectif de long terme, c'est la fibre optique. Le plan France THD concerne aussi la résorption de la fracture numérique, désormais insupportable pour nos concitoyens. Notre position n'est pas dogmatique : nous mobiliserons l'ensemble des financements disponibles.

Dans de nombreux territoires, le maintien en haut débit apporte des gains réels, même s'il ne s'agit pas d'une solution pérenne. L'État accompagne donc de tels projets même s'il privilégie la fibre. Les réseaux câblés ne seront pas pour autant oubliés, monsieur Leroy.

Nous voulons obtenir des résultats concrets et ne pas laisser de côté des zones entières. En 2017, près de la moitié des ménages devraient être éligibles en très haut débit. Nous avons bâti un schéma de déploiement tant avec les opérateurs privés que les collectivités locales. Un opérateur unique national était-il possible ? Il ne serait pas crédible en termes industriel. Nous nous reposerons donc en partie sur les opérateurs privés, comme le font la Corée et le Japon, pour développer des usages intelligents tant pour la santé que le logement.

Des conventions tripartites seront signées entre les opérateurs privés, les collectivités locales et l'État. Une convention type sera publiée en juin et elle tiendra compte des besoins urgents, notamment en zones rurales. Les opérateurs devront mener ces négociations avec les collectivités, comme cela s'est fait en Bretagne. Les règles d'urbanisme devront simplifier les relations entre opérateurs et pouvoirs publics. Les projets intégrés ne bénéficient pas d'un accompagnement public. La mission THD préfigure une mission de politique nationale qui aura pour objectif un accompagnement local. Les services déconcentrés de l'État, les préfets, seront mobilisés. Nous révisons les cahiers des charges des villes pour tenir compte de nouvelles priorités. Les soutiens bénéficieront aux territoires ruraux. Le cahier des charges sera publié dans quelques jours. Le préfet Pierre Mirabaud présidera le Comité des réseaux d'initiatives publiques (Crip), instance de concertation.

La couverture du territoire en THD coûtera 20 milliards d'euros : c'est un choix d'avenir courageux et même visionnaire en temps de crise. Les opérateurs apporteront les deux tiers des investissements, 6 milliards d'euros dans les zones denses et 6 milliards pour celles qui sont moins denses. Les opérateurs ont déjà apporté 3 milliards pour le HD. Les pouvoirs publics apportent le dernier tiers pour amener le haut débit en zone peu dense. L'État apportera 3 milliards, soit la moitié du financement public. L'autre moitié sera apportée par les collectivités, grâce à des emprunts à long terme et à faible taux : livret A + 130 points de base. Une taxe sur les infrastructures cuivre est à l'étude, pour financer le déploiement de la fibre.

La Commission européenne apprécie le volontarisme français qui fait du très haut débit une priorité grâce à quoi 20 000 emplois directs devraient être créés. Je veux rendre hommage aux collectivités locales qui financent ces infrastructures. Le Gouvernement souhaite l'extinction du réseau cuivre dans l'intérêt de tous, mais c'est un dossier extrêmement complexe qui touche de près France Télécom. Je me suis rendue en Australie où une telle évolution a eu lieu. Les parlementaires seront associés à cette évolution. L'extinction du cuivre aura lieu à moyen terme.

Le Gouvernement a répondu à l'appel des collectivités locales. Le plan France THD a tous les atouts pour réussir. L'État aidera les collectivités pour les sécuriser dans leurs investissements, le cadre juridique sera stable et les opérateurs garantissent les engagements pris auprès des collectivités locales.

Je vous remercie pour votre soutien à notre ambition numérique. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

CMP (Nominations)

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution des commissions mixtes paritaires sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l'élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux et du projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 28 mars prennent effet.

Fin d'une mission sénatoriale

M. le président.  - Par lettre en date du 29 mars 2013, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter du 9 avril 2013, de la mission temporaire sur l'accessibilité des personnes handicapées aux bâtiments recevant du public, à la voirie et aux transports publics, confiée à Mme Claire-Lise Campion, sénatrice de l'Essonne, auprès de Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, dans le cadre des dispositions de l'article LO297 du code électoral.

La séance est suspendue à 17 h 25.

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Accord et échec en CMP

M. le président.  - La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l'élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Par ailleurs, la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Bonus exceptionnel outre-mer (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à proroger jusqu'au 31 décembre 2013 le régime social du bonus exceptionnel outre-mer.

Discussion générale

M. Michel Vergoz, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - La loi pour le développement économique des outre-mer (Lodeom) du 27 mai 2009 a permis aux entreprises implantées outre-mer de verser à leurs salariés un bonus exceptionnel, plafonné à 1 500 euros par an et par salarié. Cette mesure provisoire, prise initialement pour une durée de trois ans, visait à répondre aux revendications contre la vie chère qui ont marqué l'année 2009. Le revenu moyen des ménages domiens est inférieur de 35 % à celui des ménages hexagonaux, quand les prix alimentaires sont supérieurs de 30 à 50 %. La proportion de salariés au Smic est plus élevée dans les départements d'outre-mer qu'en métropole.

Le bonus exceptionnel est exonéré de toutes charges, hormis la CSG, la CRDS et le forfait social.

Le texte, adopté à l'unanimité par la commission des affaires sociales le 27 mars, vise à proroger ce régime social, qui doit s'interrompre entre mars et décembre 2013. Alors que la loi relative à la régulation économique outre-mer de novembre dernier n'a pas encore produit ses effets, l'arrêt brutal de ce dispositif - qui concerne trois salariés sur quatre - aurait de graves conséquences. Pour mémoire, ce dispositif concerne 95 000 salariés à La Réunion, 52 000 en Guadeloupe et 25 000 en Guyane.

Le Premier ministre s'est engagé à le proroger d'un an dans l'attente de la montée en charge des mesures contre la vie chère engagées par le présent Gouvernement. L'article 9 du texte créant le contrat de génération prévoyait la prorogation de l'exonération jusqu'au 31 décembre. Le Conseil constitutionnel l'a invalidé, pour des raisons de forme. La présente proposition de loi vise à répondre aux préoccupations sociales tout en répondant aux exigences du Conseil constitutionnel. Il s'agit de proroger les exonérations de cotisations sociales jusqu'au 31 décembre 2013, dans un esprit de transition, avant le retour au droit commun.

Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale - évaluées à 12 millions d'euros - sont intégralement compensées. Le Gouvernement présentera un amendement supprimant l'article 2 pour lever le gage financier. Je l'en remercie, comme je remercie la commission des affaires sociales d'avoir adopté ce texte à l'unanimité. Puisse une telle unité de vue être confirmée ce soir. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer .  - Cette proposition de loi correspond à un engagement du Premier ministre. Il y a quatre ans, à la suite de la grave crise sociale qui secoua les départements d'outre-mer, étaient signés une série d'accords de sortie de crise. La Lodeom a créé ce bonus exceptionnel, exonéré de charges sociales hors CSG et CRDS. Prévue pour une durée de trois ans, cette mesure a été prorogée d'un an par la précédente majorité. Dès la nomination du Gouvernement Ayrault, il nous a fallu reprendre le dossier pour éviter un choc financier brutal pour les salariés. Nous avons souhaité donner du temps aux salariés et aux entreprises. Le 10 décembre 2012, le Premier ministre a annoncé la prolongation du RSTA jusqu'à la fin du premier semestre 2013 et celle de l'exonération de charges du bonus jusqu'au 31 décembre 2013, dans l'attente de la mise en place du CICE au plan national. Les engagements ont été tenus.

Nous avons présenté un amendement au projet de loi créant le contrat de génération, dont les dispositions concernant l'outre-mer ont été censurées par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure. Je remercie donc les sénateurs de La Réunion, Paul Vergès et Michel Vergoz, d'avoir pris l'initiative de déposer ce texte, le groupe socialiste qui l'a inscrit à l'ordre du jour et la commission des affaires sociales qui l'a adopté à l'unanimité.

Dans un contexte budgétaire difficile, on ne pourra prolonger ces dispositifs davantage. Nous ne nous contenterons cependant pas de planifier le calendrier d'une simple extinction du dispositif : après la loi contre la vie chère, nous poursuivons nos efforts en faveur du développement des outre-mer. Ces actions, que nous engagerons courant 2013, ont pour objectif ultime de favoriser la création de valeurs et d'emplois dans nos territoires ultramarins. (Applaudissements à gauche)

M. Gilbert Barbier .  - Depuis des années, nos concitoyens ultramarins vivent dans un état de tension, victimes d'une crise sans précédent. Avec le bonus exceptionnel, il s'agissait en 2009 de répondre aux inquiétudes suscitées par la vie chère et la pauvreté qui exaspéraient la population. Le contexte ne s'est pas amélioré, bien au contraire. Au-delà des images enchanteresses, en outre-mer le chômage est deux fois plus élevé qu'en métropole : 60 % des jeunes à la Martinique et à La Réunion, contre 22 % dans l'Hexagone. Le coût de la vie y est 30 à 50 % plus cher, alors que le revenu est inférieur de 35 % à celui de la métropole. Il faut impérativement dynamiser l'économie, créer des emplois. Les mesures contre la vie chère ne sont pas encore entrées en vigueur. Or la conjoncture et le climat social se dégradent. Il est donc indispensable de maintenir le dispositif pour éviter de pénaliser les salariés les plus pauvres. Le dispositif ne peut être que transitoire, le rapporteur l'a dit. Le groupe RDSE dans son ensemble soutiendra ce texte. (Applaudissements à gauche)

Mme Aline Archimbaud .  - Cette proposition de loi a été déposée quasi simultanément par nos collègues Vergès et Vergoz. Cette prime a été mise en place en 2009 à la suite des crises qui avaient secoué l'outre-mer, dont les populations étaient excédées par la vie chère. Ce bonus exceptionnel est assorti d'un régime incitatif d'exonération quasi intégrale des charges. Faut-il se réjouir de son succès, ou s'inquiéter du nombre de salariés concernés ? L'article 60 de la loi de finances pour 2012 avait porté la durée du bonus à quatre ans et la loi de finances pour 2013 avait prévu la prolongation de la mesure, avant que le Gouvernement ne la retire pour la réintroduire dans la loi portant création du contrat de génération, mesure qui n'avait pas convaincu le Conseil constitutionnel, qui y avait vu un cavalier.

Après des péripéties législatives, nous voici appelés à nous prononcer en urgence pour autoriser la prorogation de ce dispositif. Solidaire de la population ultramarine, le groupe écologiste votera ce texte. Il faut éviter d'exacerber les tensions dans l'attente de l'entrée en vigueur des mesures contre la vie chère. Nous espérons que l'Assemblée nationale émettra un vote conforme le 9 avril. Toutefois, proroger ad infinitum ce type de mesure n'est pas une solution de long terme. Le bouclier prix est le premier pas, qui doit nous encourager à aller plus loin. Les négociations en cours sur le prix du carburant sont primordiales. À quand les décrets d'application de la loi contre la vie chère, à commencer par la création de l'observatoire de la vie chère ? Nous attendons aussi le rapport Letchimy sur les échanges commerciaux directs entre les régions. Des filières économiques nouvelles, écologiques et non-délocalisables doivent être favorisées. Je sais que nous aurons l'occasion d'en reparler ! (Applaudissements à gauche)

M. Michel Fontaine .  - Le bonus exceptionnel créé en 2009, exonéré de cotisations, devait avoir une existence de trois ans. Il s'agissait de revaloriser le pouvoir d'achat des salariés en évitant un surcoût pour les entreprises. Mis en place dans un contexte économique et social tendu, il était une réponse aux mouvements violents qui ont éclaté en 2009. Il fut prolongé en 2011 d'un an, dans un contexte qui restait dégradé.

Face aux problèmes économiques persistants, le Gouvernement actuel s'est résolu à une nouvelle prorogation - de façon un peu brouillonne. Il s'est ainsi d'abord opposé à un amendement de prorogation de Paul Vergès, repoussé en loi de finances à la demande du Gouvernement. Certes, l'amendement proposait une prorogation de trois ans... Quelques jours plus tard, lors de la conférence sociale et économique sur les outre-mer, le Gouvernement est revenu sur sa position, préconisant une prorogation d'un an. D'où l'insertion d'un article additionnel à la loi créant le contrat de génération censuré par le Conseil constitutionnel. Je m'étonne d'entendre M. Vergoz accuser l'UMP d'avoir saisi le Conseil constitutionnel - le recours portait sur un autre article, l'article 6 qui traitait du corps de l'inspection du travail et non l'article 9 ! On ne peut parler d'obstruction - quand c'est notre majorité qui avait créé le dispositif, et l'avait prorogé une première fois ! Quoi qu'il en soit, le sujet est consensuel. Le souci de soutenir le pouvoir d'achat des plus modestes des ultramarins nous rassemble. Notre département a été marqué par des troubles sociaux liés au prix des carburants. Le chômage des jeunes atteint 70 % dans certains quartiers de La Réunion. La croissance économique de notre île doit s'appuyer sur le privé, l'alternance, la formation, encourager les échanges commerciaux avec nos voisins et le coût du travail doit diminuer. Le Gouvernement doit donner aux entreprises les moyens d'embaucher. Pour l'heure, le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements à droite)

M. Dominique Watrin .  - Ce texte sera sans doute adopté à une très large majorité. Le Gouvernement a répondu aux mouvements de 2009 avec la prime Cospar, prévue initialement pour une durée de trois ans. Mais le gouvernement précédent n'avait rien fait pour anticiper la sortie du dispositif, d'où l'amendement de notre collègue Paul Vergès en loi de finances pour le proroger de trois ans. La disparition brutale de cette prime Cospar aurait des conséquences économiques et sociales considérables dans une île gravement touchée par le chômage. L'avis défavorable du Gouvernement - incompréhensible - avait conduit au rejet de l'amendement de M. Vergès. De nombreuses pétitions ont été déposées à l'ouverture de la conférence des outre-mer, et le Premier ministre s'est engagé à proroger le dispositif dans l'attente des nouvelles mesures contre la vie chère. Après la censure du Conseil constitutionnel, déjà évoquée, il fallait une proposition de loi appelant à une prorogation.

Les motivations des mouvements de 2009 sont toujours présentes : vie chère et inégalités de revenu. La loi de régulation économique outre-mer comporte des avancées, dont la lutte contre les monopoles, mais ne suffira pas à faire baisser le coût de la vie outre-mer. Il faut réfléchir à la diversification des sources d'approvisionnement, sans oublier les produits locaux, au fret, à la fiscalité, et surtout à l'harmonisation des revenus.

La politique en vigueur à La Réunion crée un véritable apartheid social. La prime Cospar a été utile, tout comme le RSTA - qui arrive à expiration dans deux mois... Que compte faire le Gouvernement ? Les Réunionnais sont inquiets. Nous nous interrogeons sur la sortie de ces dispositifs. Le Premier ministre a pris des engagements, annonçant des mesures d'allègement du coût du travail outre-mer. Nous resterons très vigilants. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Joël Guerriau .  - Pour nous, ce texte pose problème tant sur la forme que sur le fond. Dans quelles conditions examinons-nous cette proposition de loi !

Initialement, la Lodeom instaurait ce bonus pour trois ans, prorogé pour un an par la suite. Or l'amendement Vergès, proposant une prorogation ultérieure de trois ans, fut repoussé par le Gouvernement. Quinze jours plus tard, le Gouvernement faisait volte-face. Mais à la recherche d'un autre véhicule législatif, il a pris le premier qui se présentait - en l'occurrence la loi créant les contrats de génération. Magnifique cavalier... En CMP, M. Marseille jouait les Cassandre, redoutant une censure constitutionnelle.

Mme Christiane Demontès.  - Grâce à l'UMP !

M. Joël Guerriau.  - Qui n'a pas manqué ! D'où cette proposition de loi téléguidée. Face au malaise ultramarin, il fallait bien trouver quelque chose. Faute de proposition, vous vous contentez de reprendre une mesure du gouvernement Fillon, tant honni. Notre rapporteur estime qu'« il s'agit de passer du provisoire au transitoire » et d'« assurer une sortie en sifflet du dispositif et d'éviter tout arrêt brutal de l'aide ». Mais où est l'arrêt en sifflet ? Rien n'est prévu ! Le bouclier qualité-prix, qui vient d'entrer en vigueur, la mise en oeuvre du CICE porteraient leurs fruits dans un an, ai-je cru comprendre. Mais ni l'une ni l'autre de ces mesures n'est de nature à répondre aux causes structurelles de la vie chère outre-mer ni de l'économie de comptoir. (Protestations sur les bancs socialistes) Les territoires d'outre-mer se sont enfoncés dans une économie administrée ; les sur-rémunérations des fonctionnaires ont engendré des distorsions. Tout ceci ne peut durer. Les salaires étant trop bas, le bonus visait à les augmenter... C'est prendre le problème par le petit bout de la lorgnette. L'insertion régionale, les sur-rémunérations, les normes, voilà les vraies questions. Nous ne voterons toutefois pas contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)

Mme Christiane Demontès .  - Pour des raisons purement formelles, le Conseil constitutionnel a remis en cause une disposition qui présente un intérêt social majeur, et qu'il faut donc réintroduire dans notre corpus législatif. En 2009, la population, excédée, s'est mobilisée. Afin de répondre - un peu tard - à ces légitimes demandes, le gouvernement de l'époque avait fait adopter la Lodeom. Prise dans la précipitation, elle ne répondait que très partiellement au problème, alors que 65 % des moins de 25 ans et plus de la moitié des séniors sont à la recherche d'un emploi : c'est intolérable, comme nous le confiait M. Antoinette. Le Gouvernement Ayrault mobilise le plus de moyens possibles pour y répondre : les crédits de la mission outre-mer augmentent enfin sensiblement. Ce budget s'articule autour de quatre priorités : le logement, la relance de l'investissement public, l'insertion professionnelle de la jeunesse, avec la montée en puissance du Service militaire adapté (SMA), et enfin, la bataille de l'emploi : plus 8 % d'exonérations de charges pour les entreprises ultramarines. Cette détermination constitue le socle de la loi de novembre dernier, et a motivé le dépôt d'un amendement gouvernemental dans la loi créant le contrat de génération, prorogeant d'un an le bonus exceptionnel. Après la censure constitutionnelle, cette proposition de loi vient donc rétablir cette mesure. En espérant que nous n'aurons pas à la proroger encore, le groupe socialiste, comme il l'avait fait le 6 février dernier, votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Victorin Lurel, ministre .  - Je vous remercie pour la clarté et la rapidité de votre travail. Le dispositif sera donc prorogé jusqu'à la fin de l'année. La loi portant régulation économique outre-mer donne de bons résultats et a créé des perspectives économiques : grâce à une concurrence accrue, les prix ont déjà diminué de 10 à 15 %. Le décret sur l'observatoire des prix est prêt, mais nous avons voulu engager des concertations avant de le publier, pour éviter tout choc procédural.

Cette loi concerne aussi d'autres domaines que les prix alimentaires ; nous attendons le rapport du député Serge Letchimy et le député de La Réunion, Patrick Lebreton, fera des propositions pour une certaine priorisation, à compétences égales, du recrutement local.

De belles discussions sont engagées sur le fret et le travail se poursuit, tant sur place que dans les ministères. L'outre-mer doit également s'ouvrir à son environnement immédiat, dans la réciprocité et équilibre. Si, sans sortir du régime des RUP, nous pouvons nous émanciper des normes européennes, nous le ferons.

La loi d'avenir de l'agriculture intéresse aussi nos territoires : comment sortir des pesticides, aller vers des productions plus écologiques, voilà les questions en débat.

Comme vous le voyez, il y a bien une vision, le cap est fixé. C'est la première fois qu'est engagé de façon volontariste un combat contre les monopoles et l'économie de la rente.

Le Conseil constitutionnel s'empare de l'intégralité des textes qui lui sont soumis, d'où sa censure. Je rappelle que le budget des outre-mer est une priorité au même titre que ceux de la justice ou de l'éducation ; il a augmenté de 5 % malgré la crise.

Cette proposition de loi va être adoptée, alors que la mise en place du RSA va devenir effective. L'information des titulaires du RSTA, monsieur Guerriau, est permanente. Il restera peut-être une petite part résiduelle de la population qui ne pourra en bénéficier. Il faudra régler la question. Le CICE, quant à lui, est adossé à la masse salariale ; il faudra évaluer, voir comment il pourra entrer en vigueur.

Ma feuille de route, ce sont les trente engagements du président de la République pour l'outre-mer. Je les mets en oeuvre avec obstination, diligence mais aussi esprit d'ouverture.

Merci à tous pour la qualité de ce débat, et pour votre soutien. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier est adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Victorin Lurel, ministre.  - Le Gouvernement lève le gage.

M. Michel Vergoz, rapporteur.  - Avis favorable à l'unanimité. (Sourires)

L'amendement n°1 est adopté ; l'article 2 est supprimé.

L'ensemble de la proposition de loi est adopté.

Prochaine séance demain, mercredi 3 avril 2013, à 14 h 30.

La séance est levée à 22 h 40.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mercredi 3 avril 2013

Séance publique

De 14 h 30 à 18 h 50

1. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte (n° 329, 2012-2013)

Rapport de M. Ronan Dantec, fait au nom de la commission du développement durable (n° 451, 2012-2013)

Texte de la commission (n° 452, 2012-2013)

2. Question orale avec débat n° 2 de Mme Aline Archimbaud à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les droits sanitaires et sociaux des détenus

À 21 h 30

3. Proposition de résolution relative au respect des droits et libertés des collectivités territoriales, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution par M. Jean-Claude Gaudin et les membres du groupe UMP, apparentés et rattachés (n° 385, 2012-2013)