Application de l'article 11 de la Constitution (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la deuxième lecture du projet de loi organique, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant application de l'article 11 de la Constitution et du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale avec modifications en deuxième lecture, portant application de l'article 11 de la Constitution.

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.

Discussion générale commune

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Nous nous retrouvons quelques mois après la première lecture pour débattre de ce projet de loi. Rousseau ou Montesquieu ? Démocratie directe ou représentative ? Ces deux conceptions se sont, parfois, dans notre histoire, vivement affrontées. La Constitution de 1958 a opéré une sorte de synthèse entre le Contrat social et l'Esprit des lois : son article 3 dispose que la souveraineté appartient au peuple qui l'exerce par la voie de ses représentants ou par le référendum.

Deux dispositions organisent le référendum : l'article 89 fixe la procédure applicable au référendum tandis que l'article 11 en ouvre l'initiative au Gouvernement ou aux deux assemblées, sur proposition conjointe, et en circonscrit le champ aux questions relatives à l'organisation des pouvoirs publics, à la politique économique, sociale ou environnementale et aux services publics qui y concourent, ainsi qu' à la ratification des traités.

La tradition gaulliste y a eu recours. Sur la dizaine de référendums, huit on été organisés sur le fondement de cet article 11. Il a donc été un recours pour la puissance publique seule à avoir l'initiative. Pourtant, les temps changent et les débats sur cette question sont vifs ; les citoyens veulent participer -je vous renvoie aux débats animés qui ont marqué la présidentielle en 2007.

La révision constitutionnelle de 2008 a envisagé la possibilité d'un référendum d'initiative populaire mais les conditions de sa réalisation sont particulièrement strictes. L'avancée est donc modeste.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Très!

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Il s'agit donc plutôt d'une nouvelle initiative parlementaire, poussée par les citoyens. Ce référendum ne peut être organisé que si le délai prévu pour l'examen par le Parlement est échu.

Malgré ces contraintes, l'Assemblée nationale puis le Sénat ont cherché à améliorer ce projet de loi organique. Vous avez travaillé sur les délais. A l'origine, le délai était de trois mois pour obtenir le soutien d'un dixième des électeurs, soit 4,5 millions de personnes. Vous l'avez porté à six mois et l'Assemblée nationale à neuf.

Le délai d'examen devant le Parlement était initialement de douze mois, ramené à neuf au Sénat ; les députés l'ont réduit à six mois. Votre commission a rétabli la référence à l'examen d'une proposition de loi et non au vote en séance publique.

Le délai global est maintenu puisque l'un a augmenté tandis que l'autre diminuait. Le recueil des soutiens pourra aussi se faire sur support papier et vous avez supprimé la commission de contrôle, préférant que le Conseil constitutionnel en soit chargé.

Ce texte a gagné en clarté : la proposition de loi référendaire sera une procédure simple, ordinaire. Je ne reviendrai pas sur les mesures annexes.

Il faut rappeler qu'il ne s'agit pas d'un référendum d'initiative populaire mais d'une initiative parlementaire. Nous débattons bien d'un dispositif qui permet au Parlement de provoquer ce référendum.

Au moment de modifier la Constitution, comment ne pas penser à Guy Carcassonne ? Une bonne Constitution ne suffit pas à faire le bonheur des hommes, disait-il, mais une mauvaise constitution peut faire leur malheur. J'espère que nous aurons bien travaillé. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Sueur, président et rapporteur de la commission des lois . - Vous écoutant, madame la ministre, je me demandais ce qu'il me resterait à dire. Vous avez même rappelé la mémoire de mon ami très cher, Guy Carcassonne, virtuose du droit constitutionnel, amoureux du Parlement, qui avait un sens aigu de la pédagogie pour faire aimer le droit.

Je suis aujourd'hui dans une situation un peu étrange puisque, comme toute la gauche, je n'ai pas voté la révision constitutionnelle de 2008. Plus je réfléchis à l'article 11, plus je le trouve singulier. Beaucoup de nos concitoyens ont cru qu'il s'agissait d'instaurer un référendum d'initiative populaire. Or, il n'en est rien. Ce texte est un trompe l'oeil, un faux-semblant, un mirage.

Il s'agit d'un référendum d'initiative partagée. Un cinquième des membres du Parlement et un dixième du corps électoral -ce qui n'est pas rien- doivent se mettre d'accord sur une proposition de loi.

Dès lors qu'un cinquième des parlementaires et que 4,5 millions d'électeurs seraient d'accord, un référendum devrait obligatoirement avoir lieu. Eh bien non ! A l'occasion de la discussion d'un récent projet de loi où vous vous êtes illustrée, madame la ministre, le CESE avait reçu 1 million de signatures. Et il en faudrait quatre fois plus ! Or, dès lors que les deux conditions préalables seraient réunies, le Parlement serait invité à se saisir du sujet. Un référendum serait obligatoire si tel n'était pas le cas. Or, comme il existe six groupes politiques à l'Assemblée nationale et au Sénat, il y a fort peu de chance que le sujet ne soit pas inscrit à l'ordre du jour. Les chances pour que le président de la République organise un référendum sont donc infimes. Il y a là une singularité que M. Portelli s'emploiera sûrement à nous expliquer. Nous devons être le seul pays à avoir inscrit une telle disposition dans sa Constitution.

Je me suis demandé pourquoi le groupe UMP avait demandé que le sujet soit inscrit et réinscrit à l'ordre du jour. J'ai pensé qu'il y avait une sorte de lien subliminal avec le débat que j'ai déjà cité, mais c'eût été impossible en raison de l'article 11 de la Constitution... et il eût fallu réunir 4,5 millions de signatures.

Nous sommes donc dans l'improbable. Il s'agit d'un aménagement du droit de pétition, comme l'avait dit Robert Badinter.

L'Assemblée nationale n'a pas voulu retenir l'appellation « proposition de loi référendaire », en quoi elle a raison parce que l'organisation d'un referendum semblerait en découler nécessairement.

Le projet de loi prévoyait de confier à une commission ad hoc le soin de contrôler les signatures des pétitionnaires. Le rapport de l'Assemblée nationale indique que le Conseil constitutionnel en aurait lui-même suggéré la création mais nous le refusons : conformément à la lettre et à l'esprit de la Constitution, il revient au Conseil constitutionnel d'exercer ce contrôle.

Le Conseil constitutionnel peut avoir recours à des experts, à des vacataires, mais il n'y a pas lieu de le déposséder de ses obligations constitutionnelles : nous maintenons donc notre position. Comme nous maintenons la possibilité d'un recueil des signatures sur papier. Faute de quoi, il faudrait installer une borne dans chaque chef-lieu de canton, dont la frontière devient d'ailleurs mouvante...

Mme Nathalie Goulet.  - Ce serait mieux qu'ils disparaissent !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Si tout citoyen doit pouvoir envoyer sa signature par voie électronique, il doit aussi pourvoir le faire sur papier. M. Michel a proposé deux amendements, agréés par notre commission, prévoyant qu'une signature ne peut être retirée et que la liste des signataires est publique.

L'Assemblée nationale, dans sa sagesse, a porté la période de recueil des signatures de six à neuf mois ; la commission des lois vous propose de la suivre. Il n'est en effet pas facile de recueillir quatre millions et demi de signatures. La période courrait à compter de la validation par le Conseil constitutionnel de la proposition de loi signée par un cinquième des parlementaire. Il était, de là, normal de réduire de neuf à six mois le temps prévu pour l'examen parlementaire, afin de ne pas rallonger la procédure. Mais nous avons prévu que le délai de six mois ne courait que durant la session ordinaire.

Enfin, l'Assemblée nationale a instauré, je comprends mal pourquoi, un délai de quatre mois entre la fin de la période d'examen dévolue au Parlement et l'organisation du référendum par le président de la République. Pour nous, le président de la République doit garder toute latitude : il n'y a pas de raison de lui imposer un tel délai de carence.

J'en profite pour dire un différend entre le Sénat et l'Assemblée nationale sur l'interprétation de la notion d'examen prévue par la Constitution : l'Assemblée nationale estime qu'il doit y avoir un vote, pas nous qui nous en tenons à la lettre du texte fondamental.

Tel a été notre travail, qui s'est voulu humble, dans le souci de respecter l'esprit et la lettre de ce qu'a voulu le constituant. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; Mme Nathalie Goulet applaudit aussi)

M. Hugues Portelli .  - (Applaudissements à droite) C'est le groupe UMP qui a inscrit ce texte dans son ordre du jour réservé, pour les mêmes raisons qu'il souhaite que les dispositions relatives à la mise en oeuvre de l'article 68 de la Constitution soient examinées prochainement. Car un tel retard n'est pas acceptable.

M. Philippe Bas.  - Très bien.

M. Hugues Portelli.  - Nous devons faire notre travail de législateur, faut-il le rappeler à la gauche ? Je suis d'autant plus aise pour le dire que la droite aurait pu le faire quand elle était aux affaires...

Ce texte est plus que paradoxal dans la mesure où il a peu de chance d'être un jour appliqué... Certains éléments peuvent présenter, pour le pouvoir du moment, un danger potentiel, c'est ce que rappelait le grand constitutionnaliste que fut Guy Carcassonne, membre en son temps du comité Vedel puis du comité Balladur. Mais, entre les versions de l'un et de l'autre, un glissement s'est produit... Le texte du comité Vedel prévoyait que si le texte n'était pas adopté sous quatre mois, le référendum était de droit. Celui du comité Balladur opère une régression : la saisine du peuple n'est plus automatique puisqu'il suffit qu'un groupe parlementaire l'inscrive à son ordre du jour réservé, qu'un examen ait lieu, fut-ce sans vote, pour que tout s'arrête. Cela dit, serait-il possible de faire fi de 4,5 millions de signatures ? Mais c'est une toute autre question.

Ce texte, nous le soutenons parce que nous avons voté la révision de 2008. La majorité actuelle le soutient, sans doute avec l'idée qu'il n'a aucune chance d'être mis en oeuvre... Et parce qu'il faut bien, encore une fois, faire notre travail.

Les propositions de la commission des lois ont fait l'unanimité. Parce qu'une loi organique ne peut rien ajouter à la Constitution, quand bien même le Conseil constitutionnel le demanderait... C'est clair, net, sans débat. On ne peut créer une commission de contrôle parce qu'elle na pas été prévue par le constituant. Si nous l'introduisions, le Conseil constitutionnel serait obligé de nous censurer, même s'il peut n'être pas enchanté d'avoir à contrôler des millions de signatures.

De la même manière, on ne peut infliger de délai au président de la République. Nous connaissons la pratique, validée par tous, de l'article 89 ; le chef de l'État garde tout loisir pour convoquer le congrès quand bon lui semble, et même de décider que le congrès n'a plus lieu de se réunir la veille de la date prévue... Souvenez-vous que Lionel Jospin a cosigné le décret voulu par Jacques Chirac...

Lorsque cette loi organique aura été adoptée, il sera bon que l'on s'attelle enfin, madame la garde des sceaux, à l'article 68. Dès lors qu'en modifiant l'article 67, le Gouvernement n'a pas touché à l'article 68, il n'y a pas de raison de ne pas permettre à ce dernier, grâce à une loi organique, d'entrer en vigueur. D'autant qu'il y a consensus, au moins tacite... (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Éliane Assassi .  - La révision de 2008 était, à l'époque, présentée comme l'aboutissement d'une réflexion visant à impliquer davantage les citoyens dans le processus législatif, de les rapprocher des centres de décision. Là, dans cette procédure fort complexe, il reste cantonné à un rôle secondaire. Un cinquième des membres du Parlement appuyé par un dixième des électeurs inscrits : autant dire qu'il s'agit non d'une nouvelle forme de consultation populaire mais d'une nouvelle forme d'initiative parlementaire, soutenue par le droit de pétition. On est loin d'avancer vers la démocratie participative. Voilà qui traduit bien là le leurre lancé en 2008 par Nicolas Sarkozy d'une démocratisation profonde de nos institutions.

Il faut d'abord un nombre élevé de parlementaires. On sait ce qu'il en est et pourquoi on n'a toujours pas accordé le droit de vote aux étrangers... Il faut aussi recueillir environ 4,5 millions de signatures. Tous les observateurs conviennent que la conjonction de ces deux conditions est rédhibitoire... Chacun sait ici combien il est difficile de recueillir un si grand nombre de signatures. Nos voisins, en Italie, en Belgique, en Suisse, ont retenu des seuils bien plus bas. Si l'on ajoute que seuls les grands groupes politiques auront voix au chapitre et le contrôle du Conseil constitutionnel, on voit mal où est l'avancée démocratique. C'est un texte de manipulation, dont on comprend mal que la gauche le fasse sien. Nous plaidons, nous, pour une profonde réforme de nos institutions qui fasse la part belle à l'initiative citoyenne. L'effervescence des réseaux sociaux masque bien mal la fracture entre représentants et représentés, c'est une militante qui vous le dit...

Quitte à convoquer une véritable constituante, la démocratie participative devrait être inscrite dans la Constitution et devrait s'appliquer à l'élaboration des lois comme à l'élaboration des politiques publiques ou à la vie locale. Ce texte ne répond pas à cette exigence démocratique et nous ne pouvons le voter.

Nous appelons à un débat sur la rénovation de nos institutions et la place de l'initiative citoyenne en leur sein. (Applaudissements sur les bancs CRC et écologistes)

M. François Zocchetto .  - A mes yeux, la réforme de 2008 fut novatrice avant tout parce qu'elle a introduit la question prioritaire de constitutionnalité.

La question du référendum d'initiative partagée a connu une lente gestation, commencée avec le comité Vedel et poursuivie avec le comité Balladur. C'est que notre Constitution met en place ce qu'on a appelé un parlementarisme rationalisé, auquel on a pu reprocher de laisser les citoyens passifs dans l'élaboration de la loi. Il n'a échappé à personne que le référendum, celui de l'article 11 comme celui de l'article 89, restait entre les mains de l'exécutif. La réforme de 2008 a introduit non un référendum d'initiative populaire mais un référendum d'initiative parlementaire appuyé par l'expression populaire ; on peut imaginer que des groupes parlementaires minoritaires puissent s'en saisir, si l'exécutif s'obstinait à ignorer la volonté conjointe du peuple et du Parlement.

La procédure est lourde et contraignante, on a du mal à se représenter les circonstances dans lesquelles elle pourrait être utilisée ; mais elle a le mérite d'exister juridiquement et notre capacité à imaginer des situations qui ne se sont jamais présentées est nécessairement limitée...

Notre groupe votera ce texte tel qu'amendé par notre commission des lois, dont les aménagements vont dans le bon sens. Nous vous proposerons, par la voix de Mme Goulet, un amendement tendant à la limitation du financement des campagnes référendaires par les personnes physiques étrangères : c'est une précision qu'il ne faut pas prendre à la légère. (Applaudissements)

M. Jacques Mézard .  - L'ambiguïté de la pratique et les enseignements de l'Histoire laissent les radicaux fort tièdes devant la pratique référendaire, qui répond souvent à des intentions étrangères au dessein de ses laudateurs...

Reste que la révision de 2008 nous appelle à élaborer les textes permettant son application. Nous sommes cependant face à un faux nez, à un dispositif que la nouvelle rédaction de l'article 11 rend inapplicable et dont ne pourront se saisir que les deux partis dominants, seuls susceptibles de réunir 185 parlementaires, ce qui en dit long sur l'impossibilité d'échapper au fait majoritaire inscrit dans les gènes de la Ve République...

On peut craindre une instrumentalisation de la question référendaire, visant à transformer la consultation en tribune médiatique. La campagne pour la collecte des signatures sera une aubaine pour les lobbies, qui n'ont pourtant rien à faire dans le débat démocratique ; l'argent et la chose publique ne font pas bon ménage... On ouvre là une boîte de Pandore.

Pour nous, nous faisons confiance à la démocratie représentative pour conduire le débat public. Ce qui ne signifie pas qu'il ne faut pas écouter ce qu'ont à dire les citoyens.

Les divergences avec l'Assemblée nationale portent sur le recueil et le contrôle des signatures : nous suivrons la commission des lois, qui s'en tient sagement à la lettre de la Constitution. Nous approuvons, de même, la réintroduction de la faculté de recueillir les signatures sur papier, tant la fracture numérique reste patente. Et les primaires d'un grand parti à Paris ont montré que le vote électronique n'est pas nécessairement un instrument pertinent de démocratie.

Quant au financement des campagnes, nous approuvons les dispositions qui visent à éviter que le dispositif ne soit détourné par des intérêts particuliers.

Cinq ans se sont écoulés depuis la révision constitutionnelle. Ceux qui avaient la possibilité de la mettre en application, et ne l'ont pas saisie, sont les mêmes qui ont récemment appelé au référendum pour empêcher le Parlement de délibérer d'un texte médiatique... Un minimum de cohérence serait bienvenu...

La commission des lois, prudente, a fait preuve de sagesse : nous voterons ses conclusions. (Applaudissements au centre)

Mme Hélène Lipietz .  - Retour de l'Assemblée nationale, le texte n'a rien gagné en démocratie participative. Notre Constitution reste bloquée sur un modèle dépassé de référendum. Nous plaidons pour un vrai référendum d'initiative populaire, la nouveauté démocratique dont la France a besoin, car il est des sujets qui doivent être tranchés par le peuple et non pour lui. Nous faisons confiance à l'intelligence citoyenne comme à celle des territoires. Rappelez-vous que les Suisses ont limité, grâce à cette procédure, les parachutes dorés des grands patrons -même s'il est vrai qu'ils ont aussi interdit les minarets...

Ici, les conditions sont draconiennes. Nous avons un texte qui peut être adopté sans l'aval populaire et qui peut finir dans les oubliettes de l'histoire sans jamais arriver jusqu'à lui. Quant à la dématérialisation, elle délite encore un peu plus le lien social, quand il faut rencontrer, débattre, convaincre. La mission d'information de l'Assemblée nationale relative au vote électronique nous réserve sans doute bien des surprises...

Nous avons un texte a minima, lui-même issu d'une révision a minima. Ce sont généralement nos professeurs de droit, Hugues Portelli et Guy Carcassonne furent les miens, qui proposent des cas d'espèce à la survenue improbable. Ici, c'est la Constitution qui nous propose l'exercice... Sensibles cependant à la beauté du geste, les écologistes voteront ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Michel .  - Ce texte fut d'abord examiné en un temps où certains, sans doute mal informés ou ignorant notre Constitution, réclamaient dans la rue et sur tous les écrans un référendum sur un projet de loi aujourd'hui voté, en vigueur et prospère...

Il nous revient en un moment plus apaisé, après un débat sur la simplification des normes où nous avons été, à gauche, économe de notre temps de parole -ce qui n'a pas été le cas de l'opposition, notamment de M. Doligé. A croire que son intention était que la loi organique ne soit pas adoptée... (On se récrie à droite)

Au mieux, ce texte est une plaisanterie. Il a fallu cinq ans pour qu'il arrive laborieusement devant nous. Et à quelles conditions ! Jusqu'au président de la République qui perd sa liberté d'initiative : c'est une première que le Parlement puisse déposséder -puisqu'il lui suffira de mettre le texte à son ordre du jour- le président de la République de la faculté de convoquer un référendum. Sans compter qu'il aura fallu que le Conseil constitutionnel ait donné par deux fois son avis. Autant dire qu'il n'y a aucune chance que ce dispositif prospère. Et heureusement, pas plus que M. Mézard je ne suis un fanatique du référendum. L'exemple suisse ? Sur bien des sujets -immigration, travail des femmes-, il ne va pas dans le sens du progrès...

M. Roland Courteau.  - C'est vrai !

M. Jean-Pierre Michel.  - En France, il est vrai, on traite le référendum et ses résultats à la légère... Voyez ce qui s'est passé après le référendum sur le traité européen, refusé par une large majorité de Français, dont j'étais...

Mme Éliane Assassi.  - Eh oui !

M. Jean-Pierre Michel.  - On a bricolé à Lisbonne un nouveau traité et on a demandé au Parlement de le ratifier... A combien de peuples européens n'a-t-on pas dit qu'ils s'étaient trompés, puisque Bruxelles avait parlé ? Supprimons le peuple, ce serait plus simple !

Mme Éliane Assassi.  - Vous avez ratifié le traité, ne l'oubliez pas !

M. Jean-Pierre Michel.  - Pour l'heure, nous voterons le texte tel que la commission des lois l'a rédigé. Peut-être ferons-nous ainsi plaisir à l'opposition sénatoriale... Mais peut-être pas... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux .  - C'est bien d'un référendum d'initiative partagée qu'il s'agit, mais par étages... C'est surtout une possibilité supplémentaire pour les parlementaires de s'emparer d'un sujet et de mobiliser l'opinion publique. La souveraineté nationale reste entre les mains du peuple mais l'initiative référendaire ne lui est pas encore confiée... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Discussion des articles du projet de loi organique

L'article premier A est adopté, ainsi que les articles 2 et 3.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 3

Remplacer le mot :

Un

par les mots :

Les électeurs sont informés que leur

M. Jean-Pierre Michel.  - Cet amendement interdit de retirer sa signature une fois donnée. Mon second amendement, à l'article 7, a pour objet de prévoir que les listes des signataires sont publiques. Il faut informer complètement les citoyens.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - La commission des lois a considéré que ces initiatives sont bienvenues mais relèvent plutôt du réglementaire. Peut-être Mme la garde des sceaux pourrait-elle prendre l'engagement d'y pourvoir ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Bien volontiers car ces précisions sont de bon sens.

M. Jean-Pierre Michel.  - Je retire mais je reste persuadé que ces dispositions sont d'ordre législatif.

L'amendement n°1 est retiré.

L'article 4 est adopté.

L'article 5 demeure supprimé.

L'amendement n°2 est retiré.

L'article 7 est adopté.

L'article 9 est adopté.

Les articles 10 à 19 demeurent supprimés.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique.

Le scrutin public est de droit.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Pour l'adoption 326
Contre 20

Le Sénat a adopté.

Discussion des articles du projet de loi ordinaire

M. le président.  - Nous en arrivons au projet de loi.

ARTICLE PREMIER A

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme N. Goulet.

Alinéa 8

Après les mots :

personne physique

insérer les mots :

de nationalité française

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement vise à interdire les dons de personnes physiques qui ne seraient pas citoyens français.

M. Jean-Pierre Michel.  - Retirez-le ! Voyez, le temps presse !

Mme Nathalie Goulet.  - La morale doit être respectée...

M. Jean-Pierre Michel.  - Il n'est pas question de morale mais de délai !

M. le président.  - Le scrutin a donné lieu à une brève interruption, que nous rattrapons maintenant. Maintenez-vous l'amendement, malgré M. Michel ?

Mme Nathalie Goulet.  - Je le maintiens, à cause de M. Michel !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Cet amendement pose une question judicieuse mais il n'existe pas de restriction au financement de personnes physiques étrangères dans notre droit. Il serait paradoxal qu'elles puissent être candidates et ne puissent pas financer. Je vous invite à retirer votre amendement pour nous permettre de revenir plus au fond sur cette question juridique.

Mme Nathalie Goulet.  - Au bénéfice de ces explications, je retire.

L'amendement n°1 est retiré.

L'article premier A est adopté, ainsi que les articles premier et 3.

L'article 3 bis demeure supprimé.

L'article 3 quater est adopté.

Le projet de loi ordinaire est adopté.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Grâce à l'effort de tous, y compris de M. Michel qui a fait preuve de son sympathique sens de la provocation (sourires), ces textes ont pu être adoptés.

M. le président.  - Merci à tous.

La séance suspendue à 18 h 35, reprend à 18 h 40.