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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Élection des sénateurs

Discussion générale

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur de la commission des lois

Mme Laurence Cohen, rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mme Éliane Assassi

M. Yves Détraigne

M. Jacques Mézard

Mme Hélène Lipietz

M. Jean Louis Masson

M. Jean-Claude Gaudin

M. Jean-Pierre Michel

M. Manuel Valls, ministre

Question préalable

M. Hervé Maurey

M. François Rebsamen

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

M. Jean-Jacques Hyest

M. Pierre-Yves Collombat

Hommage à une délégation étrangère

Élection des sénateurs (Suite)

Renvoi en commission

M. Philippe Bas

M. Jean-Pierre Michel

Avenir des retraites (Questions cribles)

M. Dominique Watrin

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

M. Jean Desessard

M. Gilbert Barbier

M. Gérard Larcher

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

M. René Teulade

Mme Isabelle Debré

Mme Gisèle Printz

M. Jean Louis Masson

Organisme extraparlementaire (Appel à candidatures)

Maisons de naissance (Suite)

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Laurence Cohen

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE 2

Mme Laurence Cohen

ARTICLE 3

ARTICLE 5

Interventions sur l'ensemble

Mme Laurence Cohen

M. Ronan Kerdraon

Mme Catherine Procaccia

M. Gilbert Barbier

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Mme Muguette Dini, rapporteure

Conducteurs âgés de 70 ans et plus

Discussion générale

M. Yves Détraigne, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des lois

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie

M. Gilbert Barbier

Mme Esther Benbassa

Mme Joëlle Garriaud-Maylam

Mme Muguette Dini

Mme Laurence Cohen

Mme Virginie Klès

Mme Gisèle Printz

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée

Renvoi en commission

Mme Virginie Klès

Modification à l'ordre du jour

Décision du Conseil constitutionnel




SÉANCE

du jeudi 13 juin 2013

115e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

Secrétaires : M. Jean Boyer, M. Jacques Gillot.

La séance est ouverte à 9 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Élection des sénateurs

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi relatif à l'élection des sénateurs à la demande du groupe socialiste.

Discussion générale

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur .  - Il y a six mois je présentais devant votre assemblée le projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux en insistant sur les principes qui nous guident : la parité, une juste représentation des territoires et des populations, pour une démocratie moderne et aboutie. Après cette loi novatrice, voici une loi équilibrée, sinon modérée - je le souligne avant vos interventions.

Le Gouvernement, attaché au bicamérisme et à la spécificité du Sénat, ne veut pas révolutionner le mode d'élection des sénateurs, monsieur Mézard. La représentation différenciée de la Nation implique des élections au suffrage universel indirect et un renouvellement par moitié. Et cela, dans le respect de l'article 24 de la Constitution qui confère au Sénat la représentation des collectivités territoriales. Le Sénat, où le fait majoritaire s'applique avec moins de brutalité, a su se moderniser : à votre initiative, le mandat des sénateurs a été réduit de neuf à six ans ; le renouvellement a désormais lieu par moitié, et non plus par tiers.

Le Gouvernement veut conforter la légitimité démocratique du Sénat en modifiant le collège électoral des sénateurs et en renforçant la parité, un impératif constitutionnel. Celle-ci a progressé : mesdames les sénatrices vous étiez 3 % en 1989 et 22 % aujourd'hui. Et ce, grâce à l'action volontariste du gouvernement Jospin avec la loi du 6 juin 2000 - qui visait à assurer l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, en imposant des listes paritaires pour le scrutin proportionnel et avec la loi du 10 juillet 2000 qui a abaissé le seuil du scrutin proportionnel aux départements élisant au moins trois sénateurs.

Les effets combinés de cette loi se sont fait sentir immédiatement : 11 % de femmes lors de l'élection de 2001, dont vingt femmes élues au scrutin proportionnel sur vingt-deux et un quadruplement des sénatrices de 2001 à 2011, passant de 6 % à 23 %.

Cela dit, un essoufflement s'est fait sentir en 2011 tandis que la part des femmes élues à l'Assemblée nationale augmentait. Elles sont passées de 80 à 77, alors que le nombre total de sénateurs avait augmenté. Il est temps, comme le souhaite Mme Cohen, de relancer la parité en revenant au seuil instauré par la loi du 10 juillet 2000, qui permit l'élection en 2011 de 35 % de femmes là où il y avait le scrutin proportionnel, contre 17 % dans les départements où les élections se font au scrutin majoritaire.

Le scrutin proportionnel favorise également le pluralisme politique. Je l'ai éprouvé en venant présenter des textes devant vous. (Sourires)

Progrès de la parité et du pluralisme politique, mais aussi meilleure représentation des territoires et des populations. Le collège électoral des sénateurs ne représente plus la réalité du pays : les communes de moins de 500 habitants comptent deux fois plus de délégués que les communes de plus de 100 000 habitants alors qu'elles représentent deux fois moins d'habitants. Encore une fois, le Gouvernement ne souhaite pas bouleverser le mode d'élection des sénateurs, il veut mieux articuler deux principes constitutionnels : l'égalité devant le suffrage et la représentation des territoires. De là un rééquilibrage limité : un délégué supplémentaire par tranche de 800 habitants dans les communes de plus de 30 000 habitants. Les territoires ruraux n'en pâtiront nullement puisque la part des délégués des territoires ruraux reste inchangée et que les délégués supplémentaires représenteront seulement 2 % du total. Cette modification respecte la lettre de la décision du Conseil constitutionnel de 2000 : la part des délégués supplémentaires ne représente qu'un « correctif démographique ».

Le but est donc d'assurer une meilleure représentativité - des femmes et des territoires - dans le respect des spécificités du Sénat. J'espère que nous pourrons nous retrouver autour de ce texte de justice. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur de la commission des lois .  - La représentativité, qui dépend du mode de scrutin et du collège électoral, est une affaire de légitimité. Le débat, loin d'être interne au Sénat, concerne tous nos concitoyens. Le législateur doit s'adapter à la réalité pour assurer une meilleure représentativité.

Dès l'origine, le Sénat a été pensé comme assurant une représentation différenciée de la Nation. Le mode de scrutin est resté relativement stable depuis la IIIe République. La loi du 9 décembre 1884 a mis fin à la désignation des 75 sénateurs inamovibles.

M. Jean-Claude Gaudin.  - Quel dommage ! (Sourires)

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur.  - Pour la petite histoire, le dernier sénateur inamovible a siégé jusqu'en 1918 à l'âge de 90 ans.

M. Jacques Mézard.  - La fonction conserve ! (Sourires)

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur.  - Le collège électoral du Sénat, où les délégués communaux étaient majoritaires, ce qui faisait de cette assemblée le « Grand Conseil des communes de France » selon la formule de Gambetta, était composé d'un délégué par commune avant que la loi de 1884 ne fasse varier leur nombre selon la taille des communes.

Sous la IVe République le rôle du Sénat fut minoré ; sous la Ve République, il fut pleinement restauré, dans le cadre d'un bicamérisme inégalitaire puisque l'Assemblée nationale a le dernier mot et peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement. La dualité du mode de scrutin est conservée, la proportionnelle ayant été retenue pour les départements à trois sénateurs en 2000 par le gouvernement Jospin, avant que la loi de 2004 ne revienne au seuil de quatre sénateurs. Le collège électoral, s'il a évolué avec notamment l'intégration des conseillers de l'assemblée de Corse en 1999, est resté relativement stable.

Après ce bref rappel historique, venons-en à la réforme portée par le Gouvernement que M. Valls a excellemment présentée. On parle dans la presse de « tripatouillage », de « charcutage ». Quelle caricature ! (Exclamations à droite)

M. Jean-Claude Gaudin.  - Ne vous engagez pas trop !

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur.  - Le texte est modéré, certains le considèrent trop timide. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs) Les modifications modestes, qui ne touchent pas à la loi organique, respectent le principe de l'égalité devant le suffrage de l'article 3 de la Constitution et celui de représentation des collectivités territoriales cher à M. Mézard - espérons que son amendement sera adopté.

Avec ce texte, il y aurait un délégué supplémentaire dans les communes de plus de 30 000 habitants par tranche de 800 habitants, et non plus de 1 000 habitants. Le nombre de délégués progressera de 151 458 à 154 633, soit 3 175 délégués supplémentaires seulement. Cela ne bouleversera pas les grands équilibres, sauf peut-être à Marseille.

M. Jean-Claude Gaudin.  - Il y aura plus de délégués du Front national !

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur.  - Les petites communes restent extrêmement avantagées : elles auront un délégué pour 700 habitants. Aujourd'hui, les délégués des communes de moins de 10 000 habitants représentent deux tiers du total - la moitié de la population.

Un simple rééquilibrage, donc, qu'approuvent les élus des départements du bitume et du béton.

Deuxième modification, revenir sur le détricotage opéré en 2004, soit fixer le seuil du scrutin proportionnel aux départements élisant au moins trois sénateurs. Cela favoriserait la parité et le pluralisme politique.

Les débats furent riches en commission. Malheureusement, ils ont abouti au rejet du texte le 24 avril. J'avais présenté un amendement important pour réserver le dépôt de candidature au second tour aux seuls candidats du premier tour lorsque le scrutin majoritaire s'applique. Autre question délicate, le vote par procuration qui a entraîné des annulations.

Sans entamer le débat sur les amendements, je dirais que notre souci a été de rendre le Sénat plus représentatif, plus légitime.

Cette réforme, je le crois, est bonne : grâce à elle, nous progresserons vers la parité et le pluralisme politique, en tenant compte du fait urbain.

Merci au cabinet du ministre de sa disponibilité.

Espérons que nous pourrons corriger le texte du Gouvernement à la marge...

M. Jean-Claude Gaudin.  - « À la marge » !

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur.  - ... en séance. (Applaudissements sur les bancs de la commission)

Mme Laurence Cohen, rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes .  - Longtemps, le Sénat est resté une assemblée d'hommes. Avant 2001, la part des femmes était de 6,5 %. Grâce à la loi de 2000, elle a été multipliée par quatre : 23,3 % à la veille de l'élection de 2011. Le scrutin proportionnel a fait entrer six fois plus de femmes au Sénat. Ce qu'a confirmé l'élection de 2011 : 139 femmes élues au scrutin proportionnel sur 49, contre dix au scrutin majoritaire.

Mme Nathalie Goulet.  - C'est plus difficile !

Mme Laurence Cohen, rapporteure.  - Pourtant, le nombre de femmes a légèrement diminué lors des élections de 2011, passant de 81 à 77. Et ce, en raison de la multiplication des listes dissidentes et des têtes de liste masculines exclusivement. (Protestations à droite) Faut-il aller plus loin en abaissant le seuil du scrutin proportionnel aux départements élisant au moins deux sénateurs ? (Protestations sur les bancs du RDSE et UMP)

Cela paraît prématuré. Faut-il prévoir que le candidat et son remplaçant soient de sexe différent dans les départements à scrutin majoritaire ? Ne peut-on veiller à un meilleur équilibre entre les sexes au sein du collège électoral ? Je regrette que le ministère de l'intérieur ne dispose pas de statistiques en la matière et je lui demande de les établir.

Une modification symbolique : il est paradoxal que ce projet de loi ne mentionne dans son intitulé que l'élection des sénateurs, en oubliant les sénatrices. Je présenterai un amendement. (Protestations à droite)

Il faudrait stabiliser la ligne de partage entre scrutin majoritaire et proportionnel, à l'occasion d'une réforme constitutionnelle, pour éviter tout retour en arrière comme en 2003. Et rappeler aux partis politiques leurs obligations en termes de parité. Pour sortir des incantations, il faudrait peut-être étendre le système des pénalités financières et engager des réformes profondes comme l'a proposé la commission Jospin.

M. Jean-Claude Gaudin.  - Une catastrophe !

Mme Laurence Cohen, rapporteure.  - Et en venir - enfin - à l'adoption du statut de l'élu, qui, me semblait-il, faisait consensus.

En commission des lois, on m'a dit que les femmes devaient être patientes. De la patience, nous en avons eue. Il est temps d'aller plus loin que ce texte timide ! (Applaudissements sur les bancs CRC et plusieurs bancs socialistes)

Mme Éliane Assassi .  - La crise politique, qui s'étend à toute l'Europe, ne peut être ignorée alors que nous débattons du mode d'élection des sénateurs ; Pour le Front de gauche et le Parti communiste, la Ve République, qui confie tous les pouvoirs à un seul homme, constitue un verrou que nous devons faire sauter.

M. Bruno Sido.  - Rien que cela !

Mme Éliane Assassi.  - Un seul exemple : le budget est aux mains du seul pouvoir exécutif, l'article 40 de la Constitution fait obstacle aux pouvoirs d'initiative du Parlement. L'Europe a creusé le fossé entre les peuples et les élus depuis la ratification du Traité européen en octobre, en imposant le respect de la fameuse règle d'or.

Vous me direz que je suis hors sujet.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Un peu !

M. Jean-Claude Gaudin.  - Oh oui !

Mme Éliane Assassi.  - Non ! La question est la suivante : pourquoi le bicamérisme ? Une assemblée modérée, pour ne pas dire conservatrice, (exclamations à droite) devait tempérer les ardeurs d'une assemblée nationale trop fougueuse. Est-il normal que le Sénat, élu au suffrage universel indirect par un collège électoral réduit, possède des pouvoirs équivalents à ceux de l'Assemblée nationale ? Existe-t-il une souveraineté populaire indirecte ? (Protestations) Le problème est posé, d'autant plus que l'on observe une notabilisation de la fonction en raison du scrutin majoritaire.

Et pourtant, le débat politique est plus riche au Sénat, alors que l'Assemblée nationale est dominée par le parti du président de la République, quel qu'il soit, depuis l'inversion du calendrier électoral. Les sénateurs, et les sénatrices, (« Ah ! » à droite) jouent tout leur rôle en défendant le scrutin proportionnel qui seul fait le lien entre population et élus. Il n'est pas acceptable qu'un parti, de droite ou de gauche, soit majoritaire à l'Assemblée nationale alors qu'il est minoritaire en voix.

M. Philippe Dallier.  - Vive la IVe République !

Mme Éliane Assassi.  - Remettons la démocratie à l'endroit, restaurons les droits du peuple et des élus face au marché. Cela suppose une réforme d'une autre ampleur que celle du mode de scrutin ; par exemple, en rendant au Parlement son pouvoir budgétaire, conformément à l'esprit et à la lettre de la Déclaration des droits de l'homme, en lui conférant la maîtrise de son ordre du jour.

Les semaines d'initiative parlementaire, instaurées lors de la révision de 2008, sont un échec.

Le Parlement ne dispose pas suffisamment de temps, face à l'inflation législative. Auparavant, nous pouvions avoir de longs débats, ce n'est plus le cas et ce l'est encore moins quand le Gouvernement recourt au vote bloqué pour faire passer en force le texte sur l'accord national interprofessionnel, afin de respecter, non le temps du débat parlementaire, mais son propre calendrier...

M. Jean-Claude Gaudin.  - Eh oui !

Mme Éliane Assassi.  - ... Reste donc beaucoup à faire pour redonner un souffle démocratique à notre institution.

Ce texte, malgré tout, va dans le sens du pluralisme, du renouvellement et de la parité. Je salue l'excellent travail de Laurence Cohen, qui propose, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes des améliorations notables : notamment, un candidat et un suppléant de sexe différent dans les départements qui restent au scrutin majoritaire. Le Sénat pourrait l'adopter à l'unanimité.

Nous voterons ce texte, tout en déplorant sa timidité, en particulier sur le collège électoral.

M. Hervé Maurey.  - Alors, votez contre ! (On renchérit à droite)

Mme Éliane Assassi.  - Le Conseil constitutionnel en 1999 a censuré le principe d'un délégué par tranche de 300 habitants par commune. Nous proposons de reprendre l'idée de M. Chevènement d'un délégué par 500 habitants.

Notre groupe votera le projet de loi... (« Ah ! » à droite) en attendant mieux, mais avec la certitude que la proportionnelle est plus démocratique et plus paritaire. (Applaudissements sur les bancs CRC et sur de nombreux bancs à gauche)

M. Yves Détraigne .  - (Applaudissements sur les bancs UDI-UC et à droite) Merci !

M. Jean-Vincent Placé.  - Attendez qu'il parle !

M. Yves Détraigne.  - Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas inscrit ce texte dans le cadre de l'ordre du jour réservé ?

Plusieurs voix à droite.  - Bonne question !

M. Yves Détraigne.  - Lundi dernier, M. Rebsamen avait demandé le report de ce texte à aujourd'hui. Pourquoi ? (On renchérit à droite) La commission n'a pas adopté ce texte, faute de majorité. Le Sénat doit examiner ce texte dans le cadre d'une semaine sénatoriale et nous n'y parviendrons pas au terme de cette séance du matin. Alors pourquoi l'entamer dans ces conditions ? Nous devons en revoir l'examen, le 18 juin, sur le temps gouvernemental. Quelle curieuse façon de procéder ! (Applaudissements au centre et à droite)

Ce texte était-il nécessaire ? Il est purement politique, voire politicien. Le but est de conserver la faible majorité sénatoriale conquise en 2011. (Applaudissements sur les mêmes bancs)

Vous redoutez le vote des électeurs après deux ans de pouvoir. Le Gouvernement a voulu reporter les élections municipales, cantonales et régionales à 2015. Heureusement, vous y avez renoncé pour les premières. Pour les autres, c'est fait ! Ces petits arrangements électoraux continuent : il souhaite aujourd'hui modifier le mode de scrutin des sénateurs, après avoir imposé le binôme, que j'ai présenté comme un « double mixte » dans mon département, (sourires), moins d'un an avant le scrutin, ce qui est contraire à l'usage républicain.

La matière électorale est sans doute une priorité pour nos concitoyens victimes du chômage !

M. Jean-Claude Gaudin.  - Sans doute ! (Sourires à droite)

M. Yves Détraigne.  - Pourtant, avec la majorité absolue à l'Assemblée nationale, vous pourriez modifier tous les modes de scrutin pour asseoir votre pouvoir partout...

M. Jean-Claude Gaudin.  - Bien sûr !

M. Yves Détraigne.  - C'est pour cette raison que notre groupe a déposé une proposition de loi pour interdire à un seul groupe de modifier les modes de scrutin, à moins qu'il ne dispose d'une majorité des trois cinquièmes de chacune des assemblées.

Si ce projet de loi n'est pas adopté ici, l'Assemblée nationale pourra avoir le dernier mot. Que décidera le Gouvernement si nous rejetons ce texte ? Dans la Marne, la liste de trois candidats que j'ai conduite en 2001 avait emporté tous les sièges, alors que la proportionnelle était instaurée...

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur, et M. François Rebsamen.  - Alors !

M. Yves Détraigne.  - C'est l'implantation territoriale qui compte avant tout...

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Quelle révélation !

M. Yves Détraigne.  - Je ne suis pas certain que votre tentative de modifier le scrutin pour sauver votre majorité vous porte chance. (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

L'étude d'impact prévoit 3 000 délégués en plus, mais combien par département ? M. Mercier a rappelé en commission que 600 délégués supplémentaires du Rhône passeraient à plus de 800, soit un quart du collège électoral, ce qui est constitutionnellement contestable. Les 800 délégués non élus locaux pourront élire deux sénateurs. Ce n'est pas acceptable, si l'on veut que le Sénat représente les collectivités territoriales. Notre groupe ne peut soutenir cette réforme...

M. Henri de Raincourt.  - Très Bien !

M. Yves Détraigne.  - ... d'où notre question préalable. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Henri de Raincourt.  - Quel talent !

M. Jacques Mézard .  - (« Ah ! » à droite) Vous avez dit, monsieur le ministre, que le Sénat est la chambre des collectivités territoriales : vous avez raison. Nous saurons vous le rappeler. Vous avez commencé votre intervention par une ode au bicamérisme, fort bien. Nous vous la rappellerons aussi. Vous avez cité l'article 24 de la Constitution sur la représentation des collectivités territoriales, nous le réciterons avec vous. (Sourires sur de nombreux bancs et marques d'encouragement à droite) Oui, nous voulons conserver le rôle essentiel du Sénat, représentant des collectivités territoriales, des territoires, où doivent, en conséquence, siéger des élus locaux, responsables d'exécutifs (« Très Bien ! » et applaudissements à droite). Le projet sur le non-cumul est une imposture pseudo-démocratique (Bravos à droite) Le bicamérisme, c'est de ne pas transformer le Sénat en pâle copie de l'Assemblée nationale. (Applaudissements au centre et à droite) Le Sénat est une chambre de réflexion. N'en déplaise à Mme Assassi, il tempère les députés, quelle que soit la majorité. (Nouvelle salve d'applaudissements à droite)

Chaque majorité veut rester majoritaire, vous comme vos prédécesseurs. L'ancienne a créé des députés représentant les Français de l'étranger, avec le succès que l'on sait...

M. Henri de Raincourt.  - Eh ! (Sourires à droite)

M. Roger Karoutchi.  - Pas à pas, on y arrive ! (Marques d'approbation sur les mêmes bancs)

M. Jacques Mézard.  - ... et donné des sièges de sénateurs dans de toutes petites îles, au demeurant fort respectables, en 2008, à seule fin de conforter la majorité sénatoriale de l'époque... (On feint de s'en défendre à droite, tandis que l'ironie fuse sur les bancs socialistes) Chacun l'a fait, l'autre le fera... (Sourires sur de nombreux bancs) Encore faut-il que les améliorations à la marge restent acceptables.

Nous sommes totalement opposés aux projets tendant à passer à la proportionnelle aux départements à deux sénateurs, il y aurait alors un UMP et une PS ou une UMP et un PS dans chaque département. Est-ce cela le pluralisme ? Autant supprimer les élections !

Nous sommes tous attachés au bicamérisme, mais peut-être certains plus que d'autres... Notre groupe, qui a compté en son sein la plupart de ses figures emblématiques, s'enracine dans une histoire qui remonte aux fondements de la IIIe République.

Un ancien Premier ministre avait qualifié notre institution « d'anomalie de la démocratie »...

M. Jean-Claude Gaudin.  - Eh oui !

M. Jacques Mézard.  - ... manière de dire qu'elle doit être supprimée pour défaut de consentement. Il est des chemins qu'il ne faut pas prendre. Des esprits malins ou qui se croient tels, voudraient aller jusqu'à nous fusionner avec le Conseil économique, social et environnemental. (« Oh ! » à droite)

Le rapport sur la rénovation de la vie politique, commis par le même ancien Premier ministre, assisté pour la circonstance d'une commission qui ne compte aucun élu, ne va guère dans notre sens. Pourquoi tant d'acharnement surtout depuis que le Sénat a changé de majorité ? Par incompréhension des institutions voulues par la constitution de 1958, et qui se profilaient déjà dans les lois constitutionnelles de 1875.

Notre système parlementaire repose sur l'idée que le bicamérisme est nécessaire, pour contrer sans doute les excès de l'Assemblée nationale et pour prendre le temps de la réflexion avant de voter les lois. En outre, un véritable dialogue est noué avant toute décision. Le Sénat assure la continuité des institutions, au-delà des soubresauts versatiles de l'opinion et il a toute sa place dans notre République.

Notre Sénat repose sur une légitimité différente de celle de l'Assemblée nationale, sans lui être inférieur. Comment le conforter, sans nous transformer en clone de l'Assemblée nationale ? La voix des collectivités et des territoires serait noyée si notre mode de scrutin était trop proche. Relisez l'article 24 ! Notre légitimité n'est pas discutable, même si la logique de notre élection est autre, avec le suffrage universel indirect.

Nous disposons de la légitimité de toutes les collectivités territoriales. Il ne saurait y avoir de sénateurs des villes, ni des champs ; il ne saurait non plus y avoir des élus hors-sol. En clair, nous ne voulons pas d'une assemblée d'apparatchiks et de professionnels de la politique élus parce qu'ils sont placés sur la liste en remerciement de leur obéissance à leur parti. Il y va de la crédibilité de notre institution.

Nos territoires fragiles, ruraux comme urbains, ont besoin d'être représentés par des sénateurs qui savent de quoi ils parlent.

M. Jean-Claude Gaudin.  - Très bien.

M. Jacques Mézard.  - Avec la réforme de 2003, le mandat de sénateur reflète mieux les nouvelles réalités démographiques et le mandat a été réduit à six ans.

M. Henri de Raincourt.  - Dommage ! (Sourires)

M. Jacques Mézard.  - Nous ne sommes pas hostiles à la rénovation du mode de scrutin sénatorial, mais à condition que des limites ne soient pas franchies. Les voix de tous doivent être entendues. Une augmentation du nombre de délégués municipaux ne doit pas pénaliser les zones rurales. Il ne serait pas raisonnable d'abaisser le seuil. Les petites communes ne doivent pas être oubliées, surtout après le remodelage de la carte cantonale et le binômat - unique au monde ! - récemment instauré. (Exclamations à droite)

Le Sénat doit donner une représentation fidèle des territoires de notre pays. Nous sommes attachés à la parité, car il n'est pas normal que la moitié de la population soit exclue des mandats électifs, mais je crois à la valeur républicaine du mérite. (Vives exclamations sur les bancs CRC et écologistes)

Mme Éliane Assassi.  - Scandaleux !

Mme Laurence Cohen, rapporteure.  - Le mérite serait-il réservé aux hommes ?

M. Jacques Mézard.  - La parité ne peut être l'alpha et l'oméga de la politique. (Nouvelles protestations à gauche) S'en prendre aux représentations « genrées », selon la novlangue à la mode, n'est pas, pour nous un but en soi.

Nous ne souscrivons pas aux recommandations de la délégation qui n'ont pas été évaluées.

Mme Laurence Cohen, rapporteure.  - Quelle horreur !

M. Jacques Mézard.  - Imposer la proportionnelle aux départements à deux sénateurs reviendrait à élire ipso facto un homme et une femme de chaque grand parti.

Mme Laurence Cohen, rapporteure.  - Écoutez-nous ! Nous n'avons pas dit ça !

M. Jacques Mézard.  - Nous refusons cette approche binaire de la vie politique. Nous voulons que la liberté de choix des grands électeurs soit respectée. Nous écouterons les arguments et les amendements de tous, en souhaitant que notre voix soit entendue.

Mme Laurence Cohen, rapporteure.  - Chantage !

M. Bruno Sido.  - Quel suspense !

M. Jacques Mézard.  - Nous souhaitons que le texte qui sorte de nos travaux soit l'expression d'un vrai bicamérisme. (Applaudissements à droite, sur les bancs de l'UDI-UC et du RDSE)

M. le président.  - La parole est à Mme Lipietz.

M. Jean-Vincent Placé.  - Très Bien ! (On ironise à droite)

Mme Hélène Lipietz .  - Il est toujours difficile d'être juge et partie. Pourquoi ne pas imaginer un autre Sénat élu au suffrage universel direct (On rit à droite) ? Le bicamérisme en sortirait renforcé. (Exclamations sur les mêmes bancs) Rassurez-vous, ce n'est qu'un rêve...

M. Philippe Dallier.  - Un cauchemar !

Mme Hélène Lipietz.  - Le Sénat serait mieux compris par nos concitoyens. Une chambre des territoires ? En prévoyant un scrutin au niveau régional et en modifiant le poids écrasant des conseils municipaux dans le collège électoral, dont ils représentent 96 %, contre 3,8 % pour les régions et les départements réunis.

Pour une fois remarquez-le, je défends les départements !

Pour l'heure, l'interprétation du Conseil constitutionnel interdit un tel rêve, mais une révision est toujours possible.

Pourquoi ne pas interdire aux députés (0,4 % du collège électoral) de participer au scrutin ? Pourquoi ne pas l'ouvrir aux sénatrices et sénateurs non-élus locaux ?

L'exécutif veut plus de sénatrices grâce à la proportionnelle. Mais pour atteindre la parité au Sénat, il faudra attendre de nombreuses élections. Il en faudra du volontarisme, non pour respecter une Constitution, mais pour réparer une injustice sociale que nous peinons à expliquer à nos filles et petites-filles en ce début du XXIe siècle. Pourquoi les femmes politiques restent dans leur territoire, certes plus vaste que la domus romaine, sans trouver la voie républicaine menant au Sénat ? Une timidité naturelle, leur pudeur ancestrale, leurs faiblesses chromosomiques, ou encore leur statut de dominées, encore véhiculé par certains aspects de leur éducation ? Sont-elles responsables de ce plafond de verre, plutôt de fer ! Ou le sommes-nous ?

Pourquoi nous sommes des élus indirects, notre composition devrait être exemplaire. La parité devrait être un réflexe. Mais la misogynie est ici feutrée mais réelle.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Changez de groupe ! (Rires)

Mme Hélène Lipietz.  - Pourquoi cette frilosité ?

Nous vous proposerons trois amendements pour progresser sur la parité.

M. Jean-Vincent Placé.  - Très bien !

Mme Hélène Lipietz.  - On nous a dit que le scrutin binominal paritaire était le seul moyen de parvenir à la parité. Je vous propose la même chose pour les départements qui élisent deux sénateurs, soit 42 départements et donc 21 femmes élues. Ce n'est pas énorme, je l'avoue, mais c'est un début.

Mon deuxième amendement est plus complexe ; il vise la parité nationale des têtes de liste à la proportionnelle. Il faut que sur trois élus, deux ne soient pas systématiquement des hommes.

Mon troisième amendement crée un binômat en ajoutant une dose de proportionnelle. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Jean Louis Masson .  - Ce projet de loi, c'est le verre à moitié vide ou à moitié plein. On pouvait être inquiet, car certaines personnes donnaient l'impression de tout vouloir bouleverser, comme d'ailleurs sous l'ancienne majorité. Le bon sens a fini par prévaloir.

Ce projet de loi ne change pas la face du monde, ni celle du Sénat... Je suis très hostile à la modification du nombre de délégués dans les territoires. Passer de 1 000 à 800, soit, mais alors que le redécoupage des cantons est en cours, les territoires ruraux vont être, une fois de plus, pénalisés. Mais n'en allait-il pas de même avec la loi créant les conseillers territoriaux ?

M. François Rebsamen.  - Très juste !

M. Jean Louis Masson.  - Sur la parité, je suis tout à fait d'accord. En 2001, les sénateurs étaient affolés. Je fus élu cette année-là. Ce ne fut pas la fin du monde ! (Sourires) L'arrivée des sénatrices, d'une moyenne d'âge inférieure de dix ans à celle des sénateurs, s'est bien passé et personne ne peut regretter qu'il y ait des femmes dans l'hémicycle. (Rires)

Si l'on dresse le bilan des élections de 2001, les femmes étaient aussi trois fois moins en cumul des mandats. (On approuve sur les bancs écologistes) Cette diminution est une bonne chose. On ne peut non plus dire que les femmes travaillent moins bien que les hommes. (Mme Hélène Lipietz applaudit)

M. Jean-Claude Gaudin.  - On ne dit pas ça !

M. Jean Louis Masson.  - La proportionnelle dans les départements de trois sénateurs est une bonne chose. Il n'est pas normal qu'un parti qui regroupe 51 % des voix se retrouve avec les trois sièges ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes) D'ailleurs, rien n'interdit à un candidat indépendant d'arriver devant l'UMP et le PS ! C'est ce qui m'est arrivé...

M. François Trucy.  - Bravo !

M. Jean Louis Masson.  - Cette disposition est positive et l'expérience de 2001 a démontré que le pluralisme en sortait renforcé.

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur.  - Très bien.

M. Jean Louis Masson.  - Je voterai donc bien volontiers cet article (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Jean-Claude Gaudin .  - (Applaudissements à droite) Nous sommes ravis, monsieur le ministre, de vous retrouver, à nouveau, sur ces bancs. Nous sommes un peu gênés que le Gouvernement vous envoie, semaine après semaine, défendre des projets électoraux dont personne ne veut, même dans votre majorité. En un an, nous avons eu tant de lois électorales, dont la création baroque du binôme, sur de très grands cantons. Il fallait de l'audace, pour sexualiser les élections après avoir désexualisé le mariage ! (Vifs applaudissements à droite) Vous reviendrez sans doute prochainement, pour instaurer la proportionnelle aux élections législatives...

Marcel Pagnol, dans La gloire de mon père, se souvenait des vieilleries que rapportait son père des brocanteurs après avoir « touché son mandat de maire ». Il se demandait, en en dressant l'inventaire, quelle pouvait être l'utilité, pour son père, d'une « scie de chirurgien » et d'un « couteau à scalper ». Nous savons, monsieur le ministre, ce que vous en ferez ici. (Rires et applaudissements à droite). Nous avons plaisir à vous voir ici, semaine après semaine. Mais ne pourrions-nous débattre d'autres choses ?

Dans nos quartiers, et non dans « les » quartiers, il y a des Français qui n'ont pas la même échelle de priorités, qui ne peuvent admettre que vos services modifient les modes de scrutin, ni comprendre l'urgence qu'il y a à adopter un système électoral taillé sur mesure pour contourner l'inévitable sanction des urnes, alors que la délinquance est repartie à la hausse. En campagne, vous prônez volontiers « l'imagination au pouvoir ». Au pied du mur, c'est l'imagination pour garder le pouvoir. Nous préférerions que ce soit l'innovation pour créer des emplois. (« Très Bien ! » et applaudissements à droite). Mais voilà, une fois rangée la scie et le couteau à scalper dans la « boîte à outils » du président de la République, que reste-t-il ? (Sourires)

Quelle ingéniosité, monsieur le ministre, à l'instar de l'un de nos prédécesseurs, Gaston Defferre... C'est ce dernier qui a inventé la loi dite « PLM », laquelle a avantageusement découpé les arrondissements de Marseille pour noyer les voix des îlots de droite dans celles de vastes secteurs de gauche, regroupant le nombre d'arrondissements idoines (Sourires). Elle ne tarda pas à porter ses fruits, puisqu'il fut, grâce à ce stratagème, réélu en 1983, bien que votre serviteur rassemblât 2 500 voix de plus. À Paris, en revanche, il fallut attendre plus longtemps, pour l'emporter avec moins de voix que la droite, M. Delanoë accédant à la mairie avec 49 % des suffrages des citoyens. (Exclamations à droite)

Vous voici donc de retour : le découpage de certains cantons n'est pas terminé, mais l'équarrissage du Sénat commence. (Rires à droite) Un Sénat enfin de gauche en 2011 symbolise, à vos yeux, l'irrésistible marche vers la prise du pouvoir. Pourtant, le Sénat rejette tous vos projets phares (loi de finances, loi de financement de la sécurité sociale, loi sur l'énergie), à moins que le groupe UMP vienne à votre secours, comme sur la loi sur le terrorisme. (On s'amuse à droite) Il faut que les textes viennent de l'opposition pour qu'ils soient adoptés - à l'unanimité-  par le Sénat, comme on l'a vu avec la résolution sur les collectivités territoriales ou la proposition de loi sur le référendum d'initiative partagée ! Il fallait donc punir le Sénat. Vous avez convoqué Lionel Jospin, le plus farouchement hostile à notre institution, dont il n'a jamais accepté qu'elle représente les territoires et non la démographie, d'où son appréciation malheureuse sur « l'anomalie de la démocratie » : en 2000, sa réforme du Sénat avait été censurée par le Conseil constitutionnel, mais il a réuni ensuite une commission composée d'aucun élu. Que propose-t-elle ? La proportionnelle à partir de trois sénateurs et le « vote plural ». De quoi s'agit-il ? Rien de moins que de distribuer aux électeurs des bulletins de vote de différentes valeurs, comme on le fait au casino, avec des jetons de couleurs variées ! Vous êtes maire rural ? Une voix. Conseiller régional ? Quinze ! Dieu merci, aucun constitutionnaliste sérieux n'a été en ce sens. Qu'à cela ne tienne... Revenons donc à la proportionnelle à partir de trois sièges : pourquoi ? Pour la parité ? Laissez-moi rire ! (On rit à droite)

Pourquoi s'arrêter à trois sièges ? À deux sièges, le scrutin aurait défavorisé le parti socialiste. Voulez-vous que je cite les quinze départements concernés ? Tenez, prenons-en un au hasard... En Corrèze, par exemple, (sourires attentifs) vos élus n'auraient pas accepté d'offrir un des deux sièges à l'opposition. La parité devient ici, d'un coup, plus discrète... (Sourires au centre et à droite)

Retour aux départements pour lesquels la proportionnelle est instaurée par ce projet de loi : ô surprise, sur les 51 sénateurs sortants concernés, il y a 27 UMP, sept UDI et un non-inscrit, soit 35 sénateurs de l'opposition pour 16 sénateurs de la majorité. (Sourires entendus à droite) Sur les séries renouvelables, la gauche gagnerait donc neuf sièges et n'en perdrait que deux, soit un gain de sept sièges. Disons-le tout net : il s'agit de vous accorder un avantage de 14 sièges au regard de la majorité sénatoriale ! (Approbation à droite)

L'opposition entamerait donc ces élections avec un sérieux handicap ce qui ne passe pas inaperçu. (On le confirme à droite)

M. Henri de Raincourt.  - Bien sûr !

M. Jean-Claude Gaudin.  - Jusqu'en 1998, la proportionnelle s'appliquait à partir de cinq sièges. La loi Jospin a abaissé ce seuil à trois sièges et trois quarts des sièges furent pourvus à la proportionnelle. Revenus au pouvoir, nous avons proposé une loi de compromis à quatre sièges. Nous aurions pu revenir au statu quo ante. Nous ne l'avons pas fait, car nous étions parvenus à un juste équilibre, destiné à durer. La moitié des sénateurs furent ensuite élus à la proportionnelle et l'autre moitié au scrutin majoritaire. Vous voulez briser cet équilibre au nom de vos petits intérêts électoraux. (Marques d'approbation à droite)

L'autre mesure de votre projet de loi est tout aussi insidieuse : donner des délégués supplémentaires aux communes de plus de 30 000 habitants. Déjà, le gouvernement Jospin avait proposé un système ubuesque : jusqu'à 71 % du collège électoral aurait été composé de délégués non élus dans certains départements d'Île-de-France ! (M. Henri de Raincourt renchérit) Le Conseil constitutionnel vous avait donné tort, vous essayez maintenant de contourner sa décision.

Monsieur Kaltenbach, je n'en devrais pas m'en plaindre pour être élu de Marseille. Certes ! Mais c'est sans compter la hausse mécanique des délégués du Front national et l'injustice faite aux territoires ruraux...

Après le rejet du texte par la commission, passer en force à l'Assemblée nationale sur un texte relatif au Sénat, contre l'avis du Sénat, ne serait pas acceptable, plus grave encore que d'avoir laissé le dernier mot à l'autre chambre sur l'élection des conseillers départementaux.

Monsieur le ministre, avec l'esprit de dialogue que nous vous connaissons, prendrez-vous l'engagement demandé par M. Détraigne : arrêter la navette si le texte est rejeté en séance par le Sénat ?

Du reste, en persistant, vous ne vous rendriez pas service... Vous savez comme nous que manipuler les modes de scrutin ne garantit pas la victoire aux élections...

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur.  - Vous le savez mieux que quiconque ! Parole d'expert !

Mme Éliane Assassi.  - Le charcutage Pasqua !

M. Jean-Claude Gaudin.  - Et puis vous ne servez pas vos intérêts en maintenant le Sénat à gauche... (Sourires) S'il revenait à droite, il continuerait à rejeter les textes du Gouvernement avec le même entrain que le fait la majorité mais vous pourriez alors vous retrancher derrière un Sénat dans l'opposition... (Nouveaux sourires) Si vous ne renoncez pas par souci d'équité électorale, faites-le pour vous-même au nom de la solidarité gouvernementale ! Le groupe UMP unanime votera contre ce texte. (Rires et vifs applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Michel .  - Après la brillante intervention de M. Gaudin, dont l'humour signait en quelque sorte la mauvaise foi, revenons à l'essentiel : qu'est donc le Sénat ? Non pas seulement le représentant des collectivités territoriales, mais surtout une assemblée politique à part entière qui représente l'ensemble de la Nation aux côtés de l'Assemblée nationale.

M. Bruno Sido.  - C'est vrai !

M. Jean-Pierre Michel.  - Le suffrage universel indirect, inscrit dans la Constitution - je le signale à Mme Lipietz - marque un bicamérisme auquel je suis très attaché. Qu'il soit à droite ou à gauche, le Sénat fait entendre une voix différente, plus libre, plus dégagée des formations politiques.

Ce texte, fort heureusement, ne modifie pas les dispositions organiques qui nous régissent. Après la tentative de dissolution du Sénat dans un ensemble où les élus n'avaient plus guère de place, notre assemblée reste ce qu'elle est : une assemblée libre de ses réflexions, riche de ses expériences et de son expertise. Cela tient à notre mode de scrutin, à la durée de notre mandat et aux modalités de notre renouvellement. Nous avons sur tous les bancs des experts et spécialistes de matières très différentes, dont des collectivités territoriales à la commission des lois.

Ce texte prévoit, cela a été dit, deux modifications mineures. Abaisser d'abord le seuil de la proportionnelle permet de renforcer, sinon la parité, du moins la place des femmes au sein de notre assemblée.

Mme Isabelle Debré.  - La parité ne doit pas être un prétexte !

M. Jean-Pierre Michel.  - Nous ne pouvons que nous en féliciter.

La seconde modification modifie le collège des grands électeurs. Je regrette que nous ne soyons pas allés plus loin. Élu d'un département qui n'a pas de commune de plus de 15 000 habitants, j'avais voulu plus d'équilibre. On aurait pu revoir totalement la composition du collège, de même qu'il aurait fallu mieux représenter les autres collectivités territoriales que sont les départements et les régions. La décision du Conseil constitutionnel de 2000 ne nous l'interdit pas : elle demande seulement que la part des élus locaux soit prépondérante. Un plafond de 10 % était tout à fait possible.

Voilà mes remarques sur ce texte, que le groupe socialiste votera naturellement dans son entièreté. (Applaudissements sur les bancs des commissions)

M. Manuel Valls, ministre .  - Je salue le soutien de M. Kaltenbach, la détermination de Mme Cohen sur la parité...

M. Jean-Louis Carrère.  - À l'UMP, ils présentent deux listes pour éviter d'élire des femmes !

M. Manuel Valls, ministre.  - ... et l'attachement au bicamérisme de Mme Assassi. Monsieur Détraigne, je vous rappelle cette règle de base de la démocratie : la majorité l'emporte sur la minorité. M. Mézard, qui n'a pas cité Clemenceau pour une fois, a fait preuve de son engagement radical pour la République. Il a cité quelques-unes des mesures exotiques prises par l'ancienne majorité : un sénateur élu par 24 grands électeurs pour la petite île de Saint-Martin, un autre par 20 à Saint-Barthélemy... La droite s'y entend en matière de lois électorales... Je remercie M. Masson de son soutien au dispositif le plus important du texte.

Le président Gaudin le sait : je viens au Sénat présenter des textes importants comme celui sur le terrorisme, qui nécessitent unité et rassemblement ; je suis aussi présent sur le terrain, à Marseille comme ailleurs. Il m'arrive aussi de défendre des textes à la tonalité différente ; je me prépare d'ailleurs à vous présenter celui sur le non-cumul des mandats... (Exclamations à droite)

M. Jean-Jacques Hyest.  - Ce sera dur !

M. Manuel Valls, ministre.  - Il ne faut pas avoir la mémoire politique sélective. Ce n'est pas Lionel Jospin qui s'est attaqué le plus violemment au Sénat mais le général de Gaulle en 1969...

M. Jean-Claude Gaudin.  - Cela ne lui a pas réussi !

M. Manuel Valls, ministre.  - Le seuil de la proportionnelle... Il n'y a pas de vérité arithmétique, chacun le sait. Le Sénat serait peut-être resté à droite en 2011 si elle n'avait pas remonté le seuil à quatre sénateurs... Ce n'est pas le mode de scrutin qui change la volonté des grands électeurs.

Ce texte modéré et équilibré ne touche pas à la représentation du monde rural et apporte à la marge les corrections démographiques nécessaires.

Enfin, je le dis clairement : ce texte, parce qu'il concerne le Sénat, doit recueillir une majorité au Sénat. La situation inverse poserait un problème. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°36, présentée par M. Zocchetto et les membres du groupe UDI-UC.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à l'élection des sénateurs (n° 377, 2012-2013).

M. Hervé Maurey .  - Le groupe UDI-UC se situe dans l'opposition, mais dans une opposition constructive. Il croit l'avoir prouvé. Nous n'étions pas plus des godillots hier que nous ne sommes des opposants de principe aujourd'hui. Si nous avons soutenu la loi sur le terrorisme et celle sur la sécurisation de l'emploi quand vos amis faisaient défaut, certains textes doivent être combattus. Celui que vous nous présentez aujourd'hui est du nombre, qui est inopportun, inadapté et dangereux.

Inopportun parce que votre bilan est déjà lourd : la récession quand vous promettiez la croissance ; plus de 40 000 chômeurs supplémentaires en mai 2013 quand vous dites avoir fait de la lutte pour l'emploi votre priorité ; plus de 33 milliards de prélèvements supplémentaires et une insécurité qui s'accroît depuis mai 2012. Le président de la République, après l'adoption du mariage pour tous, réaffirmait sa priorité : l'emploi. Las, vous nous présentez une énième loi électorale après le tripatouillage de la carte cantonale, l'adoption d'un mode de scrutin unique au monde - le binôme - et le report des élections locales en 2015. Et vous vous apprêtez à modifier le mode d'élection des sénateurs représentant les français établis hors de France.

Mme Nathalie Goulet.  - Pas assez !

M. Hervé Maurey.  - Alors que vous avez fait il y a peu l'éloge du scrutin majoritaire, voilà que vous renforcez le poids de la proportionnelle au point que si on vous suivait, près des trois quarts des sénateurs seraient demain élus à la proportionnelle...

Quand donc le Gouvernement s'attaquera-t-il aux problèmes des Français ? Quand allez-vous mener les réformes dont le pays a besoin ?

Cette réforme est ensuite inadaptée. Noble cause que la parité, mais elle sert ici de prétexte à une triste manoeuvre... Il n'y a pas de hausse mécanique de la parité en cas de scrutin proportionnel. Nos collègues féminines n'ont pas besoin d'un mode de scrutin ad hoc pour être élues. Le résultat des élections de 2011 le montre.

Mme Laurence Cohen, rapporteure.  - Vraiment ?

M. Hervé Maurey.  - Mme Cohen le reconnaît dans son rapport. Mieux vaudrait instaurer un candidat et un suppléant de sexe différent dans les départements à scrutin majoritaire. Voyez l'Assemblée nationale élue au scrutin majoritaire : les femmes y sont plus nombreuses qu'au Sénat. Cette démonstration vaut pour le pluralisme politique ; sur les 25 départements élisant trois sénateurs, seuls sept ont une représentation monocolore.

Cette réforme est enfin dangereuse. Comment pourrait-il en être autrement quand elle s'inspire du rapport de M. Jospin pour qui le Sénat est une anomalie démocratique ? Je signale qu'il s'était heurté au Conseil constitutionnel dans sa tentative de réformer notre assemblée. Le rapporteur et le ministre ont essayé de nous rassurer. Ils ont dit leur attachement au bicamérisme...

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est vrai !

M. Hervé Maurey.  - ... et à la légitimité du Sénat...

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est vrai !

M. Hervé Maurey.  - Il n'empêche : ce texte nie les spécificités du Sénat. Nous représentons les territoires, l'Assemblée nationale le peuple... Ce texte s'ajoute à la diminution de la représentation du monde rural dans les assemblées départementales. Pourquoi ces attaques répétées, texte après texte, contre le monde rural où nos concitoyens souhaitent de plus en plus s'installer ?

Plutôt que de jouer aux apprentis sorciers, ce qui jette le trouble sur notre légitimité, engagez une vraie réflexion sur le rôle de notre assemblée ! Encore faudrait-il que ce Gouvernement eût un cap, ce qui n'est pas le cas (Exclamations sur les bancs socialistes)

En somme, vous tentez, monsieur le ministre, une petite opération politicienne...

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous êtes des experts pour nous donner pareilles leçons !

M. Hervé Maurey.  - ... pour conserver un peu plus longtemps le Sénat à gauche. Ce n'est pas digne de quelqu'un qui aspire aux plus hautes fonctions de l'État. (Protestations sur les bancs socialistes)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Hors sujet !

M. Hervé Maurey.  - La colère des élus ne cesse de monter. Vous leur avez imposé la réforme des rythmes scolaires (protestations sur les bancs socialistes), un mariage pour tous dont la majorité d'entre eux ne voulait pas...

M. Alain Fauconnier.  - Arrêtez !

M. Hervé Maurey.  - Alors que vous vous indigniez du gel des dotations lorsque vous étiez au pouvoir, vous vous apprêtez à les diminuer pour la première fois de notre histoire. Par respect pour les élus, par respect pour la ruralité, revenez sur ce texte. Sans quoi, vous en pâtirez en septembre 2014... je demande au Sénat de voter la motion. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC et à droite)

M. Jean-Louis Carrère.  - Quelle démagogie !

M. François Rebsamen .  - J'ai noté les propos de M. Gaudin...

M. Jean-Louis Carrère.  - Ses pagnolades !

M. François Rebsamen.  - Une question préalable sur un tel texte, monsieur Maurey, c'est du jamais vu. Au reste, vous invoquez des arguments qui ont peu à voir avec le mode de scrutin des sénateurs. Vous avez même cru bon de lancer une attaque personnelle inacceptable contre le ministre... (Applaudissements à gauche)

Vous avez cité abondamment Lionel Jospin sur le Sénat en oubliant de Gaulle. Les gaullistes authentiques, il est vrai, sont désormais peu nombreux dans cet hémicycle...

M. Gérard Longuet.  - Nous sommes peu à avoir connu 1940.

M. François Rebsamen.  - M. Gaudin a parlé de scalpel, je me souviens plutôt du ciseau à dents qu'a manié M. Pasqua en 1986... Et même de la façon dont Valéry Giscard d'Estaing en 1973 affectait les Français de l'étranger dans les villes qui l'arrangeait...

Au vrai, vous avez du mal avec un principe de base de la démocratie : un homme, une femme, une voix. Et vous vous prétendez les défenseurs exclusifs de la ruralité alors que vous en êtes bien souvent, par conservatisme, les fossoyeurs. Vous refusez de voir le monde changer, ce qui vous vaut des déconvenues aux élections - parce que les maires ruraux ne sont pas vos affidés. (M. Gérard Longuet proteste)

Vous persévérez à refuser le moindre inventaire des causes de vos échecs, alors que le temps n'est plus à l'opposition entre mondes rural et urbain. Nous avons fait preuve d'imagination avec le binôme, peut-être. Vous n'en aviez pas manqué non plus en convoquant le président du Sénat pour faire adopter de justesse cet être hybride qu'était le conseiller territorial. De grâce, pas de leçons ! Personne ne peut nier le fait urbain, les lois électorales doivent en tenir compte. Vous n'êtes pas, chers collègues, les seuls défenseurs du monde rural.

M. Jean-Louis Carrère.  - Quand cela les arrange !

M. François Rebsamen.  - Non, vous êtes des conservateurs.

La défense de la question préalable a été l'occasion de dresser un réquisitoire contre la politique du Gouvernement. Que vous avez la mémoire courte ! Que n'avez-vous fait durant dix ans !

À M. Gaudin, je rappellerai le progrès démocratique de 1983 avec l'entrée de l'opposition dans les conseils départementaux. Je ne puis non plus laisser dire que M. Defferre ne fut que le ministre du découpage électoral. Il fut l'auteur d'une grande loi de décentralisation qui a conforté le pouvoir des collectivités. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Quand on crie à la vilenie, c'est qu'on est habitué à en faire !

M. François Rebsamen.  - Ce texte propose une nouvelle avancée, certes modeste. Il confortera la parité et le pluralisme et, partant, notre légitimité. Les spécificités du Sénat ne sont aucunement visées ; au contraire, avec plus de scrutin proportionnel, nous nous différencions un peu plus encore de l'Assemblée nationale. J'ajoute que ce texte, s'il ne sera pas le grand soir de la parité, prolonge la loi de 2001. Comme l'a bien dit M. Maurey, les femmes élues au scrutin proportionnel en 2001 l'ont été au scrutin majoritaire en 2011, preuve de leur mérite plus grand que celui des hommes qui pensent que tout leur est dû, ici comme ailleurs...

En conclusion, ce texte est tout à fait justifié au vu des évolutions de notre société. Nous demandons au Sénat de rejeter la motion présentée par M. Maurey. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur.  - L'avis de la commission est tout à fait défavorable : voter cette motion serait donner carte blanche à l'Assemblée nationale sur la modification de notre mode de scrutin. Ce texte renforcera la parité et le pluralisme avec une représentation plus juste des territoires. (Applaudissements à gauche)

M. Manuel Valls, ministre.  - M. Maurey a dit beaucoup de choses, c'était son droit, mais restons-en au texte. Celui-ci respecte les principes énoncés par le Conseil constitutionnel. Il faudrait d'ailleurs aller plus loin : un délégué représente en moyenne 431 habitants, ce qui masque une véritable disparité puisqu'un délégué d'une commune de plus de 30 000 habitants représente 931 électeurs - c'est dire que le vote d'un citoyen aux municipales peut avoir deux fois moins d'influence que celui d'un autre sur l'élection des sénateurs... Si nous ne l'avons pas fait, c'est que le Sénat, aux termes de l'article 24 de la Constitution, assure la représentation des collectivités territoriales.

Je ne comprends pas votre opposition obstinée contre la parité. Seule la loi peut la faire progresser ! (Mme Laurence Cohen applaudit) Votre démonstration sur la moindre importance des territoires ruraux ne tient pas : on peut concilier représentation des populations et des territoires, nous y travaillons en remodelant la carte cantonale.

Le Gouvernement défend les spécificités du Sénat, tirez-en les conséquences et rejetez cette motion ! (Applaudissements à gauche)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - La proportionnelle est la garantie du pluralisme - le groupe UDI devrait y être attentif -, de la parité et du rajeunissement de nos assemblées. En un mot, un moyen de lutter contre la notabilisation de nos fonctions. La démocratie et notre vie politique s'en trouveront rénovées.

M. Jean-Jacques Hyest .  - Que personne ne dise que déposer une question préalable ou une demande de renvoi en commission n'est pas une pratique habituelle de la part de l'opposition ! Vous l'avez fait systématiquement naguère. Il y a quand même un problème : un délégué supplémentaire par tranche de 800 habitants respecte le principe posé par le Conseil constitutionnel en 2000 mais dans certains départements, l'effet sera considérable : jusqu'à 25 % dans le Rhône ! La question méritera d'être portée devant le Conseil constitutionnel qui pourra alors préciser sa jurisprudence.

Une hausse mécanique de la parité ? Vous oubliez la multiplication des listes dissidentes en 2011. C'est comme pour l'élection des conseillers départementaux ; cela revient à euthanasier des sénateurs qui n'ont pas démérité. (Exclamations indignées à gauche) C'est comme ça ! La progression de la parité ne viendra pas de ce projet de loi, j'en suis persuadé. Il n'est pas bon de modifier les règles après chaque élection.

Nous voterons donc cette motion. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Il est paradoxal que le Sénat refuse de délibérer sur un sujet qui le concerne tant. Ce texte ne mérite ni cet excès d'honneur ni cette indignité.

L'abaissement du seuil du scrutin proportionnel aux départements élisant trois sénateurs ne défavorisera pas forcément le monde rural. Il n'y a pas que l'expression de l'opinion des partis politiques mais aussi celle des habitants des territoires qui peuvent se sentir frustrés dans leur parole. On le verra peut-être aux prochaines élections.

En revanche, l'augmentation du nombre de délégués dans les communes de plus de 30 000 habitants sera défavorable aux petites communes, mais le scrutin ne sera modifié qu'à la marge. (Mme Catherine Procaccia s'exclame)

Le RDSE veut débattre de ces sujets essentiels pour le Sénat. Nous ne voterons donc pas cette motion. (Applaudissements sur les bancs de la commission)

À la demande du groupe socialiste, la motion n°36 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l'adoption 167
Contre 178

Le Sénat n'a pas adopté.

Hommage à une délégation étrangère

M. le président.  - Je suis heureux de saluer la présence dans notre tribune d'honneur d'une délégation de l'Assemblée nationale du Burkina Faso, conduite par son président, M. Soungalo Apollinaire Ouattara. La délégation est accompagnée par M. Jacques Legendre, président du groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique de l'Ouest du Sénat, et des membres de son groupe. Cette délégation effectue cette semaine une visite d'étude afin de mieux connaître le fonctionnement de l'Assemblée nationale française. Sa venue au Sénat sera l'occasion de mieux appréhender le fonctionnement de notre Haute Assemblée et d'échanger, à l'occasion du déjeuner, avec les membres du groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique de l'Ouest. Nous formons le voeu que cette visite conforte l'excellence des relations entre nos deux pays, relations tout à la fois historiques et tournées vers l'avenir. Nous leur souhaitons la bienvenue au Sénat français. (Applaudissements)

Élection des sénateurs (Suite)

M. le président.  - Nous en revenons à l'examen du projet de loi relatif à l'élection des sénateurs.

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe UMP.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, le projet de loi relatif à l'élection des sénateurs (n° 377, 2012-2013).

M. Philippe Bas .  - On aimerait donner acte au Gouvernement de ses bonnes intentions en matière de parité, de représentativité et de pluralité. Hélas, charité bien ordonnée commence par soi-même. (« Oh ! » à gauche)

Le Gouvernement aurait dû l'assumer clairement : vous voulez fortifier votre majorité en 2014 et vous voulez une garantie de résultats. En peu de mois, le code électoral n'aura jamais été autant modifié.

M. Charles Revet.  - C'est le chamboule-tout !

M. Philippe Bas.  - Alors que le parti socialiste court-circuite les préfets dans le redécoupage des cantons pour le compte du ministère de l'intérieur (exclamations sur les bancs socialistes), voici que nous devons délibérer toutes affaires cessantes du mode de scrutin sénatorial alors que la France est en récession, que le chômage explose, la délinquance augmente...

M. Manuel Valls, ministre.  - C'est faux !

M. Philippe Bas.  - L'agenda gouvernemental n'est pas seulement déroutant mais inconvenant.

Aucun d'entre nous n'est obligé d'invoquer la morale pour justifier son action, mais celui qui le fait s'expose à être jugé à cette aune. Rien ne vous arrête dans votre travail méthodique de destruction de l'originalité du Sénat.

Heureusement, la Constitution et le Conseil constitutionnel vous retiennent. Le collège électoral doit être composé en majorité d'élus locaux avait indiqué le Conseil en 2000. Ce qui n'a pas empêché M. Jospin, à la fin de l'année dernière, de proposer à nouveau un système baroque ; le Conseil ne s'y serait pas trompé. Je donne acte au Gouvernement d'y avoir renoncé. Pour lui la crainte du Conseil constitutionnel est le commencement de la raison politique.

Reportez-vous à l'article 24 de la Constitution. Le Sénat doit être élu par un corps électoral composé principalement d'élus.

M. Alain Fauconnier.  - C'est le Sénat pour tous !

M. Philippe Bas.  - C'est le fondement historique de l'institution qui fit dire à Gambetta que le Sénat est le grand conseil des communes de France. Ne vous indignez donc pas que le Sénat soit élu en grande majorité par les délégués municipaux. Si vous voulez changer cela, ce n'est pas le mode électoral qu'il faut changer mais le Sénat. Le constituant aurait pu vouloir pas de Sénat ou un autre Sénat. La République a voulu à côté de la représentation du peuple une représentation des territoires ; elle a instauré un puissant défenseur des collectivités locales comme contrepoids au jacobinisme, avec les excès de pouvoir qu'amplifie le fait majoritaire. Le Sénat est le meilleur défenseur des libertés locales. Si l'on admet l'utilité et même la nécessité du Sénat, il faut aussi admettre non comme une anomalie mais comme un bienfait la représentation des territoires. Les collectivités ne sont pas de simples circonscriptions électorales mais des communautés humaines.

Nous ne vivons pas dans un régime fédéral, mais depuis la révision constitutionnelle de 2003, la Constitution proclame que la République est décentralisée. Cette réforme, même modeste, porte en germe la négation de l'identité de notre assemblée. Vous avez le droit de dire que le Sénat vous gêne et nous serions prêts à en débattre. Le Sénat n'est pas inféodé au pouvoir en place, quel qu'il soit, il est libre, il n'est pas inféodé au système bipartisan. Si comme Lionel Jospin vous considérez que le Sénat est une anomalie démocratique, assumez-le. Mais si notre institution trouve grâce à vos yeux, arrêtez de la dénigrer. (Marques d'approbation à droite)

Le critère démographique ne peut résumer le débat à lui seul. La composition du collège sénatorial est très variable d'un département à un autre. Il s'agit de représenter des territoires et non des populations à l'Assemblée nationale. Un exemple : la Moselle a 601 communes contre 369 pour la Drôme, alors que leur population est équivalente. C'est d'ailleurs la légitimité propre du Sénat. En allant contre cela, vous niez les spécificités du Sénat.

M. Charles Revet.  - Très bien !

M. Philippe Bas.  - Par votre réforme, vous allez le fragiliser en ajoutant une fournée de grands électeurs non élus, comme sous la Restauration. (M. Manuel Valls, ministre, rit)

M. François Rebsamen.  - C'est à peine exagéré !

M. Philippe Bas.  - Vous faites le choix de la politisation. Ce n'est pas la bonne voie, même si le Conseil constitutionnel avait admis de tempérer l'exigence d'élection par des élus. Dans les pays fédéraux, ce n'est pas l'équilibre démographique mais la représentation des territoires qui l'emporte.

M. François Rebsamen.  - Ce n'est pas vrai en Allemagne !

M. Philippe Bas.  - J'y viendrai ensuite... Aux États-Unis, deux sénateurs par État, quelle que soit la population. En Allemagne, la Rhénanie du Nord-Westphalie a 12 sièges au Bundesrat, pour 18 millions d'habitants, autant que la Bavière et ses 12 millions d'habitants.

En France, on essaie de grignoter ici ou là quelques voix en substituant à des élus des militants bien choisis, au nom du principe d'égalité et de parité. (Applaudissements à droite)

M. Alain Richard.  - Quelle médiocrité !

M. Philippe Bas.  - La proportionnelle dans les départements de trois sénateurs, est un recul, les deux principaux partis seront favorisés, l'attribution du troisième siège relèvera de la loterie.

Ce système permettrait de favoriser l'élection de sénatrices ? Ce n'est pas certain : les listes dissidentes risquent de se multiplier.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Rien à voir !

M. Philippe Bas.  - Enfin, souvenez-vous qu'il a fallu réviser la Constitution en 1999 pour favoriser la parité, c'est-à-dire la disqualification de candidats en raison de leur sexe masculin. La restriction de la liberté des candidatures peut faire progresser l'accès des femmes, elle ne fait pas progresser la démocratie.

Le Sénat devrait être sensible à la sollicitude du Gouvernement, mais il n'a nul besoin d'une telle attention. Si vous voulez changer le Sénat, modifiez la Constitution. Quant à nous, nous souhaitons que la commission puisse travailler sur le bicamérisme, d'où cette motion. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Michel .  - M. Bas a détourné une fois de plus le Règlement du Sénat. Pourquoi pas une exception d'irrecevabilité puisque vous n'avez cessé de parler de la Constitution ? Pourquoi ne pas être intervenu en discussion générale ? Encore aurait-il fallu que votre président de groupe ne prenne pas les trente minutes dévolues à votre groupe.

La commission a bien travaillé ; son président s'excuse de ne pouvoir être présent, il assiste aux funérailles de Pierre Mauroy. Ce projet de loi, restreint, apporte des corrections à la marge. Il faut repousser cette motion. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur.  - Avis défavorable : les débats en commission ont été fournis. J'ai auditionné tous les présidents de groupe et les experts du ministère de l'intérieur et je ne vois pas ce qu'apporterait le retour en commission.

Le nombre de grands électeurs non élus ne doit pas représenter une part substantielle, a dit le Conseil constitutionnel. Avant ce projet de loi, cette part était de 8 %, elle sera de 10 %.

Mme Catherine Procaccia.  - 18 % dans certains départements !

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur.  - Vous saisirez le Conseil constitutionnel et nous verrons.

Mme Catherine Procaccia.  - Nous n'y manquerons pas !

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur.  - De plus, il ne faut pas que le nombre des grands électeurs non élus soit majoritaire dans un département. Nous en sommes encore bien loin.

Quant aux 41 départements qui élisent deux sénateurs, je vous rappelle que 17 sont entièrement à gauche, 15 entièrement à droite et 9 partagés entre droite et gauche... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Manuel Valls, ministre.  - Rien ne justifie un renvoi en commission. C'est de bonne guerre, comme l'a dit M. Hyest, encore faudrait-il que vos arguments soient solides.

M. Charles Revet.  - Ils le sont !

M. Manuel Valls, ministre.  - Un débat sur le bicamérisme ? Mais il ne justifie pas une représentation différente des territoires. M. Richard a rappelé en commission des lois qu'un important travail avait été effectué pour améliorer la représentativité des collectivités locales. C'est vrai pour les élections cantonales, pour le Conseil de Paris, même si nous n'avons pas été jusqu'au bout. Grâce au Conseil constitutionnel, que certains ne souhaitaient pas saisir, nous approfondirons notre réflexion et notre texte. Soyez prudent, si vous saisissez le Conseil constitutionnel, monsieur Bas !

Nul besoin de rappeler en permanence le nom de M. Jospin ! Des propositions ont été faites, toutes ne sont pas prises en compte, ce fut le cas de la commission Balladur. Ce que nous proposons l'a été il y a treize ans et le Conseil constitutionnel n'a rien dit à propos des départements à trois sénateurs. Pour le reste nous modifions à la marge la représentation des départements et des collectivités locales qui reste affirmée. Ne craignez donc rien. Les modes de scrutin ne changent pas les résultats. Si vous voulez débattre du bicamérisme, parlez-en à M. Copé, qui se fera un plaisir d'organiser un colloque ! (Rires à gauche)

Jamais depuis 2012 le Sénat n'a joué un tel rôle dans notre vie politique. (Applaudissements sur les bancs socialistes) et parfois aux dépens du Gouvernement. J'apprends beaucoup au contact de M. Mézard, de Mme Assassi ou de Mme Lipietz et je n'ignore pas la rugosité de M. Rebsamen (Sourires) Le Sénat compte pleinement dans la République, alors arrêtez de vous faire peur ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

À la demande du groupe socialiste, la motion1 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l'adoption 167
Contre 178

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Nous poursuivrons la discussion de ce projet mardi prochain à 14 h 30.

La séance est suspendue à midi quarante-cinq.

présidence de M. Charles Guené,vice-président

La séance reprend à 15 heures.

Avenir des retraites (Questions cribles)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur l'avenir des retraites.

M. Dominique Watrin .  - Le rapport Moreau, s'il n'a pas été rendu public, a fuité dans la presse comme s'il s'agissait de préparer l'opinion publique à des mesures injustes... Malgré l'allongement de l'espérance de vie, que vous invoquez madame la ministre, et qui résulte des avancées sociales conquises de haute lutte par les organisations syndicales, ouvriers et cadres ne bénéficient pas - loin s'en faut ! - de la même espérance de vie.

La situation des finances publiques et sociales exige une nouvelle réforme des retraites qui ne soit pas dirigée contre les salariés, mais articule des mesures justes et solidaires, à rebours de celles adoptées par la droite et le Medef autrefois. Le capital et l'argent de la spéculation doivent être mobilisés pour financer les retraites. Êtes-vous prêts à garantir la retraite à 60 ans sans décote ? Ce serait cela la justice !

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - Nous avons engagé la discussion sur la réforme de la retraite lors de la première conférence sociale de juillet 2012. Il fallait se mettre d'accord sur la méthode et le calendrier, pour rompre avec la pratique de l'ancienne majorité qui est passée en force en réduisant le débat au report de l'âge de départ en retraite.

Après le diagnostic du Conseil d'orientation des retraites (COR) et le rapport Moreau, nous engagerons une concertation longue et approfondie avec les partenaires sociaux. L'objectif est bien de rassurer les jeunes quant à leur avenir ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Dominique Watrin.  - Des pistes alternatives au rapport Moreau sont envisageables. La rémunération annuelle des actionnaires représente pas moins de 100 milliards d'euros. Taxer le capital au même niveau que le travail rapporterait 20 milliards d'euros par an. Nous continuerons de défendre cette option ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean Desessard .  - Quand on vit plus longtemps, il faudrait travailler plus longtemps... On entend souvent cette petite musique. Encore faudrait-il que le chômage ne touche pas les seniors (55-64 ans) : ils sont seulement 40 % à travailler...

Mme Annie David.  - Eh oui !

M. Jean Desessard.  - De ce point de vue, la France se situe derrière l'Espagne, le Portugal, la Grèce.

En outre, les jeunes sont les premières victimes du chômage - on le répète assez ici - qui les frappe à hauteur de 25 %. Comment financeront-ils les retraites s'ils ne travaillent pas ?

Comment les seniors trouveront-ils du travail davantage que les jeunes, sans déséquilibrer encore davantage le marché du travail ?

Mme Marisol Touraine, ministre.  - L'espérance de vie diffère selon les catégories professionnelles : à 35 ans, l'espérance de vie des ouvriers est de cinq à six ans inférieure à celle des cadres du même âge. Et cela est encore plus vrai pour l'espérance de vie en bonne santé. Nous devons donc tenir compte de la pénibilité et de l'âge d'entrée dans le travail.

Cela étant, l'allongement de l'espérance de vie est une réalité que nous ne pouvons ignorer. Le taux d'emploi des seniors a diminué significativement ces dernières années, des mesures fortes, qui accompagneront la réforme des retraites, comme le contrat de génération, doivent inverser la tendance. Inspirons-nous à cet égard de l'exemple des pays du nord.

À l'évidence, politique de l'emploi et réforme des retraites sont indissociablement liées ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Desessard.  - Je ne peux être que d'accord. L'allongement de la durée de cotisation doit s'appliquer à tout le monde, alors que la concurrence effrénée favorisée par la mondialisation produit des effets délétères, mis en évidence par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

La casse sociale est une réalité. Selon une étude de l'OMS, l'espérance de vie est de 54 ans dans les quartiers les plus pauvres de Glasgow, contre 82 ans dans les quartiers les plus riches...

M. le président. - Veuillez conclure !

M. Jean Desessard.  - Madame la ministre, je vous donne rendez-vous à l'automne pour en reparler et nous seront très attentifs aux propositions que vous ferez en faveur de l'emploi et notamment des jeunes. (M. Dominique Watrin applaudit)

M. Gilbert Barbier .  - Le déficit de la branche vieillesse atteindra 20 milliards en 2020. Que n'avez-vous entendu Michel Rocard, lorsqu'il annonçait que le dossier des retraites était explosif ! Le rapport de Mme Moreau constitue une boîte à outils : il propose l'alignement du calcul des pensions du public sur le privé, sans se pencher sur les régimes spéciaux. S'il faut tenir compte des spécificités de chacun, une réforme ne sera acceptée que si l'effort est partagé par tous. Malgré les réformes des dix dernières années, qui ont opéré une certaine convergence, de fortes disparités demeurent. Le lien exclusif entre travail, cotisation et prestations est-il toujours pertinent ? Ayez l'audace d'ouvrir un vrai débat sur le système des retraites à la française ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Marisol Touraine, ministre.  - La situation, grave, exige de prendre des mesures de court terme, pour rétablir l'équilibre du financement des prestations, et de long terme, pour regagner la confiance des jeunes. L'effort doit être effectivement partagé. On entend beaucoup, depuis quelques jours une petite musique sur les retraites des fonctionnaires, qui seraient des privilégiés ; certains, dans l'opposition, en recourant à des comparaisons bancales, feignant par exemple d'ignorer les retraites complémentaires versées aux salariés du privé en sus des prestations relevant du régime général,...

M. Jean-Louis Carrère.  - Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre.  - ... Ils veulent un big bang. Si les fonctionnaires ne doivent pas être tenus à l'écart de la réforme, il n'est pas envisageable d'en faire des boucs-émissaires. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; M. Dominique Watrin applaudit aussi)

M. Gilbert Barbier.  - Vous n'avez pas évoqué les régimes spéciaux dans votre réponse.

Mme Catherine Procaccia.  - C'est vrai !

M. Gilbert Barbier.  - Ce problème nous concerne tous. Nous ne réussirons cette réforme que dans le consensus et le dialogue avec toutes les catégories professionnelles. (Applaudissements à droite)

M. Gérard Larcher .  - (Applaudissements sur les bancs de l'UMP) Beaucoup a été fait, sous la droite, par Édouard Balladur, Jacques Chirac, Jean-Pierre Raffarin, Nicolas Sarkozy, François Fillon, pour sauvegarder notre système solidaire de retraite par répartition. (M. Jean-Louis Carrère ironise) Déjà, en 1981, des hommes aussi peu conservateurs que Philippe Séguin ou Jacques Chaban-Delmas alertèrent sur le coût de la retraite à 60 ans, une réforme certes sympathique. Il vous faudra, madame la ministre, prendre le contre-pied de l'attitude traditionnelle de la gauche à cet égard. Appliquerez-vous le dispositif de la loi de 2010, adopté au Sénat, avec les groupes de travail qui doivent être mis en place ? Allez-vous paupériser les retraités ? En un mot, renoncerez-vous enfin aux faux-fuyants pour soutenir les efforts que nous faisons depuis vingt ans ? Vous êtes, madame la ministre, au pied du mur. Il est temps d'agir.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Point de leçon à recevoir : nous sommes aux affaires depuis un an. (On renchérit à gauche) Nous n'allons pas nous laisser dicter une réforme par ceux-là mêmes qui nous ont conduits au déficit actuel !

M. Jean-Louis Carrère.  - Très bien !

Mme Catherine Procaccia.  - C'est incroyable !

Mme Marisol Touraine, ministre.  - La volonté du Gouvernement est de garantir le financement de l'ensemble des systèmes de retraites pour regagner la confiance des jeunes. Avec une méthode, celle de la concertation. Notre réforme sera globale et non pas comptable. (« Très bien ! » sur les bancs socialistes) Nous voulons plus de justice pour ceux qui touchent une petite retraite : les agriculteurs, les femmes, ou ceux qui ont eu des carrières hachées. Nous voulons, pour tous, des retraites suffisantes, grâce auxquelles chacun pourra envisager l'avenir avec sérénité. Nous y travaillons avec les partenaires sociaux. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Gérard Larcher.  - Au-delà des mots chaleureux et des déclarations, il faudra passer aux actes. Si vous prenez les bonnes décisions, nous vous soutiendrons. En revanche, si vous prenez les sentiers de traverse, vous nous trouverez au milieu du chemin. (Exclamations ironiques sur les bancs socialistes ; approbation à droite)

M. Alain Richard.  - Merci pour votre soutien !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - D'après le bilan du COR, le besoin de financement de la branche vieillesse atteindra 20 milliards en 2020, en raison de l'iniquité du système, ou plutôt des 35 systèmes différents.

Le régime de la fonction publique et les régimes spéciaux coûtent entre six et neuf milliards d'euros par an...

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous n'avez pas eu le courage d'y toucher !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Seul un système par points garantira la solidarité, la loi de 2010 avait acté cette évolution en son article 16. Qu'en est-il de la mise en place des groupes de réflexion prévus ? Déjà, le rapport Moreau suscite l'opposition des syndicats.

Nous voulons une réforme systématique, profonde, pérenne. Aurez-vous le courage de vaincre les réticences de vos propres alliés ?

M. Jean-Louis Carrère.  - Et de ceux qui souhaitent l'échec !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - C'est la seule manière d'aller vers la justice et l'équité, des valeurs que vous défendez et qui sont aussi les nôtres ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Je reconnais votre constance. Vous défendez régulièrement le système par points, contrairement à d'autres.

M. Gérard Larcher.  - Nous l'avons voté !

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Pas du tout ! (On le conteste à droite) Vous envisagiez une réflexion, devant aboutir à un rapport... Le Gouvernement envisagera toutes les pistes. Le système par points n'est pas la solution miracle, l'exemple suédois le confirme. Certes, les régimes seraient simplifiés et plus lisibles, mais la question du financement ne serait en rien résolue. Nous présenterons une réforme globale et pérenne. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; exclamations à droite)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - La retraite par points constitue justement une réforme globale. Elle n'exclut nullement la prise en compte de situations particulières, moyennant décotes et surcotes. Les Français y seraient favorables et cela ne pénaliserait personne, et surtout pas les fonctionnaires. (Applaudissements à droite)

M. René Teulade .  - Depuis cinquante ans, l'agriculture a connu de nombreux bouleversements, liés à sa mécanisation et à sa modernisation. Les exploitants vivent souvent seuls et leur paupérisation est réelle.

La pension moyenne d'un agriculteur est de 800 euros, celle de son conjoint de 500 euros, nous sommes en dessous du seuil de pauvreté, qui s'établit à 964 euros.

Le candidat François Hollande avait proposé un plan quinquennal de 650 millions d'euros, afin de porter ces pensions au niveau de 75 % du smic.

M. le président.  - Veuillez poser votre question...

M. Jean-Louis Carrère.  - Accordez à M. Teulade le même dépassement de temps de parole qu'à M. Larcher !

M. René Teulade.  - D'autres mesures étaient prévues aussi pour les conjoints, dont 98 % sont des femmes. Quand le plan sera-t-il mis en oeuvre ? La réforme des retraites en fournit l'occasion. D'autres pistes de réflexion sont-elles explorées, en faveur des agriculteurs, qui contribuent pour 3,5 % à notre richesse nationale ?

Mme Marisol Touraine, ministre.  - La situation des exploitants agricoles et de leurs conjoints doit être améliorée. Depuis dix ans, ceux-ci ont été les grands oubliés des politiques sociales. Il faut renouer avec la politique de justice et de dignité menée par le gouvernement de Lionel Jospin.

Nous avons été particulièrement attentifs à la situation des femmes des exploitants qui ont souvent travaillé sans contrepartie...

M. Jean-Louis Carrère.  - Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Avec le ministre de l'agriculture M. Le Foll, nous avons mis en oeuvre les engagements de François Hollande. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 accorde, depuis le 1er janvier dernier, aux exploitants agricoles le bénéfice d'une validation supplémentaire en cas de maladie grave.

D'autres mesures vont suivre. La réforme à venir se penchera sur le sort des agriculteurs et de leurs conjoints. Nous n'oublierons personne. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. René Teulade.  - Toutes les mesures qui se dessinent vont dans le bon sens pour les plus modestes, celui de l'équité promise par le président de la République. Merci pour votre réponse. Je fais confiance au Gouvernement pour la mettre en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Isabelle Debré .  - (Applaudissements à droite) Malgré les réformes courageuses du précédent gouvernement, les régimes des retraites se dégradent du fait de la situation économique...

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Qu'avez-vous fait pour l'empêcher ?

Mme Isabelle Debré.  - L'heure n'est plus aux tergiversations, réfléchissons à un système juste et efficace. Cela suppose courage et détermination. Vous avez combattu toutes les réformes de la droite sans jamais prendre d'initiative en ce domaine.

À la lumière du rapport Moreau et dans une situation économique difficile, quelles seront les axes de la réforme ? Nous attendons des réponses précises à des questions précises. Envisagez-vous d'unifier les régimes de retraite du public et du privé ? Intégrer les régimes spéciaux dans le régime général ? Reporter l'âge légal de la retraite ? Instaurer un système universel par points ? Les Français y sont favorables. (Applaudissements à droite)

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Au fond, l'opposition d'aujourd'hui considère courageuses les réformes qu'elle n'a jamais menées lorsqu'elle était au pouvoir ! (Applaudissements sur les bancs socialistes ; protestations à droite)

Un système par points ? En 2010, vous n'en avez pas voulu ! Un rendez-vous avait été fixé en 2013...

M. Gérard Larcher.  - Oui.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - ... pour évaluer la situation ! Vous limitez la réforme à la question du calcul des pensions de la fonction publique. Nous prendrons à bras-le-corps la situation que vous avez laissée...

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - C'est incroyable !

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Cette réforme ne sera pas seulement comptable, car ce serait s'exposer à de tristes déconvenues - vous en avez fait l'expérience... Vous nous laissez un déficit de 14 milliards d'euros. Notre réforme volontariste s'inscrira dans la durée. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Catherine Procaccia.  - Le débat sur les retraites commence mal !

Mme Isabelle Debré.  - Quelle caricature ! Je vous ai posé des questions précises. Vous persistez à ne répondre à aucune d'entre elles. Écouterez-vous les Français qui préfèrent l'allongement de la durée du travail à une baisse des pensions ? Vous êtes sensibles, dites-vous, aux retraités pauvres. Dans ce cas, pourquoi refuser d'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale la proposition de loi que nous avons votée au Sénat, autorisant le cumul du minimum vieillesse avec un revenu d'activité ? Voilà un texte de justice et d'équité ! (Applaudissements à droite)

Mme Gisèle Printz .  - La réforme de 2010 était brutale, injuste et inefficace. (Rires ironiques à droite) Le rendez-vous de 2013 sera l'occasion d'une belle réforme, grâce à la concertation, qui est la marque de fabrique de ce Gouvernement. Le rapport de Mme Moreau, vous l'avez dit, dessine des pistes : le temps de la décision viendra après les consultations. Avec le décret du 2 juillet 2012, la retraite à 60 ans - « une ligne de vie, une ligne d'espérance » pour Pierre Mauroy - a été rétablie pour les personnes ayant commencé à travailler tôt. Tiendrez-vous compte de la pénibilité, ainsi que des inégalités entre les hommes et les femmes - qui se traduisent par un écart moyen du niveau des pensions de 42 % - ce que la droite et le Medef n'ont jamais voulu faire ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Une réforme sociale ne peut se concevoir que dans la concertation. C'est pourquoi on ne peut suivre la droite qui, fidèle à sa méthode, qui se caractérise par l'absence de concertation avec les partenaires sociaux...

M. Christian Cointat.  - N'importe quoi !

Mme Marisol Touraine, ministre.  - ... veut des réponses dès maintenant. La nôtre est toute différente. Pour nous, en effet, le dialogue prime. (Protestations à droite)

M. Ronan Kerdraon.  - Eh oui !

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Le Gouvernement n'est donc pas en mesure de répondre à toutes les questions. (On le déplore à droite) Notre réforme sera juste, surtout pour les femmes. Nous prendrons ainsi en compte les carrières hachées et la pénibilité du travail, ce que le gouvernement précédent n'avait pas fait. Nos réponses seront constructives et justes. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Christian Cointat.  - Paroles verbales !

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Est-il des paroles non verbales ?

Mme Gisèle Printz.  - Je vous remercie pour vos paroles, madame la ministre. La pénibilité et les inégalités salariales entre les hommes et les femmes me tiennent particulièrement à coeur. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Louis Masson .  - Vous parlez beaucoup de justice et d'effort partagé. Si de nombreux gouvernements ont évoqué la question des fonctionnaires, ils ne se sont pas attelés aux régimes spéciaux. Or c'est là où se trouvent les plus grandes inégalités. Si partout ils peuvent bloquer la France par des grèves, le Gouvernement ne bouge pas. J'attends une réponse claire à ce sujet, alors que vous vous apprêtez à demander des efforts à tout le monde.

La solution d'équité, c'est le système par points. Là encore, vous êtes restée évasive. S'il était instauré, tout le monde serait dans le même système...

Le problème présent n'est pas de parler mais d'agir.

M. Jacky Le Menn.  - Que ne l'avez-vous fait ?

M. Jean Louis Masson.  - Je profite de l'occasion pour rendre hommage à la CFDT qui a le courage de ses opinions : elle ne tombe pas dans la démagogie comme tant d'autres syndicats. (Applaudissements à droite)

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Le Parlement est le lieu où l'on parle, où j'utilise les mots que nous poserons sur les réformes que nous élaborons. Les paroles sont toujours verbales, n'est-ce pas ! Vous examinerez un projet de loi pour que les régimes de retraite soient pérennisés. Ce n'est pas avec des règles uniformes que l'on parvient à l'équité. Les droits familiaux sont plus équitables dans le privé que dans le public. Les fonctionnaires partent à la retraite avec des pensions calculées hors prime.

L'effort demandé à chacun doit être le même et le niveau des pensions doit être acceptable en contrepartie d'un effort de même nature. Le système par points n'est sans doute pas la panacée. L'exemple le plus intéressant est celui qui a été mis en place, graduellement, pendant quinze ans en Suède et la dégradation des pensions des Suédois a été limitée. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Desessard.  - Ce n'est pas le système par points !

M. Jean Louis Masson.  - J'espérais que le Saint-Esprit tomberait sur votre réponse. Hélas, il n'en fut rien. (Exclamations socialistes) Vous avez rejeté le système par points, mais soyez honnêtes ! Regardez la réalité en face. La situation d'un chauffeur de poids lourd est-elle comparable à celle d'un conducteur de train, celle d'un employé d'EDF à l'ouvrier d'une entreprise de travaux publics ? Il ne faut pas dire n'importe quoi. Ne faites pas semblant de croire qu'il n'y a pas de problèmes ! (Applaudissements sur quelques bancs à droite)

M. Jacky Le Menn.  - Ce n'est pas le cas !

La séance, suspendue à 15 h 55, reprend à 16 heures.

Organisme extraparlementaire (Appel à candidatures)

M. le président.  - M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître le nom d'un sénateur titulaire et d'un sénateur suppléant désignés pour siéger au sein du Conseil consultatif des Terres australes et antarctiques françaises.

La commission des lois a été saisie de cette désignation. Les nominations au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu ultérieurement.

Maisons de naissance (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la suite de la proposition de loi autorisant l'expérimentation des maisons de naissance.

Nous avions commencé l'examen de ce texte le 28 février dernier, jour où la discussion générale avait été close. Nous passons à l'examen des articles.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Laurence Cohen .  - Nous sommes favorables au fait de laisser aux femmes le choix de leur mode d'accouchement comme à une revalorisation de la profession de sage-femme - un sujet que ne traite pas ce texte. De plus, de nombreux établissements non lucratifs ferment, tels ceux des Bluets ou des Lilas, du fait d'un financement insuffisant ; la T2A est passée par là... On exige des maternités un seuil de 300 actes ; cela signifie-t-il que les maisons de naissance qui ne l'atteindront pas seront immédiatement fermées ? Les mêmes règles devront s'appliquer en tout cas dans ces maisons et dans les maternités de niveau I. Certaines femmes veulent un accouchement plus naturel, certes médicalisé mais davantage personnalisé et plus humain que dans les maternités de niveau III où sévit la surmédicalisation en raison de la T2A et du processus de convergence. Les Françaises préfèrent accoucher dans le service public à 75 % mais ne veulent pas d'usine à bébés. D'où l'amendement que nous présentons.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe CRC.

1° Alinéa 1, première phrase

Remplacer les mots :

de structures dénommées

par les mots :

d'unités fonctionnelles ou services dénommés

2° Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

doit être attenante à 

par les mots :

constitue une unité fonctionnelle ou un service d'

Mme Laurence Cohen.  - Plutôt que de créer des maisons de naissance, dont on ignore les tarifs et la nature juridique, nous proposons que l'expérimentation ait lieu dans les établissements publics ou privés non lucratifs. Veut-on répondre aux besoins des femmes ou à ceux des professionnels ? Cette alternative, que la commission a refusée, pourrait prospérer dans la navette.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard et Alfonsi, Mme Laborde et MM. Mazars, Requier et Tropeano.

Alinéa 2, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La maison de naissance doit être attenante au service de gynécologie-obstétrique de l'établissement autorisé pour cette activité, avec lequel elle passe obligatoirement une convention après avoir recueilli l'avis favorable du chef de ce service.

M. Gilbert Barbier.  - Disons les choses clairement : les maisons de naissance doivent être attenantes à un service de gynécologie-obstétrique pour des raisons de sécurité évidentes. Leur création devra faire l'objet d'un accord exprès du chef du service de gynécologie-obstétrique.

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié, présenté par Mme Génisson et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 2, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La maison de naissance doit être contiguë à une structure autorisée pour l'activité de gynécologie-obstétrique avec laquelle elle passe obligatoirement une convention et avec laquelle un accès direct est aménagé, permettant notamment un transfert rapide des parturientes en cas de complication.

M. Ronan Kerdraon.  - Les maisons de naissance doivent être contiguës à une maternité et avoir un accès direct avec elle, pour la sécurité des parturientes : en cas de difficulté, elles pourront être transférées rapidement à la maternité.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe CRC.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

une structure autorisée

par les mots :

un établissement public de santé ou à un établissement de santé privé d'intérêt collectif autorisé

M. Dominique Watrin.  - L'argent public doit aller à des structures publiques. Si cette option n'était pas retenue, interdisons au moins les dépassements d'honoraires.

Mme Muguette Dini, auteure de la proposition de loi et rapporteure de la commission des affaires sociales.  - Les amendements nos1 et 2 du groupe CRC limitent l'expérimentation quand notre philosophie est de donner une certaine autonomie aux maisons de naissance. Ne s'appuyer que sur des structures qui ne poursuivent pas d'intérêt commercial introduirait une rupture d'égalité. Rejet.

L'amendement n°13 rectifié apporte une précision utile : favorable. Quant à l'amendement n°8 rectifié, ne suspendons pas la création d'une maison de naissance à l'avis d'une personne qui peut en changer... La décision engage avant tout la maternité. En outre, cette disposition ne relève pas de la loi.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé.  - Que les maternités accueillent des services d'accouchements physiologiques, ce que j'entends développer, n'exclut pas l'expérimentation des maisons de naissance. Les deux approches sont complémentaires. L'avis est défavorable à l'amendement n°1. Idem pour l'amendement n°8 rectifié, qui n'est pas du ressort de la loi. Sagesse sur l'amendement n°13 rectifié : je vous laisse trancher le débat sémantique entre « contiguë » et « attenante ».

L'état actuel du droit ne nous autorise pas à exclure les établissements à but lucratif. En revanche, je veux vous rassurer : les tarifs opposables s'appliqueraient évidemment si une femme devait être transférée d'urgence d'une maison de naissance à un établissement de santé privé, puisqu'il s'agirait alors d'une mission de service public.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. Gilbert Barbier.  - Je m'étonne de la réponse du Gouvernement et de la commission sur l'avis du chef de service. Nous sommes en temps d'expérimentation. Celle-ci ne fonctionnera pas s'il n'y a pas symbiose entre maternités et maisons de naissance.

L'amendement n°8 rectifié n'est pas adopté.

Mme Laurence Cohen.  - L'amendement n°13 rectifié soulève bien des questions : qui financera les travaux pour rendre l'accès direct ? Question complexe dès lors que l'établissement de santé est public et la maison de naissance privée... S'il devait payer, l'hôpital public, déjà en difficulté, en souffrirait. On sait en outre que ce sont les soins non programmés qui coûtent le plus cher ; les dépenses supplémentaires supportées par l'établissement public seront-elles compensées par la maison de naissance ? Qui sera tenu responsable en cas de faute ? Le médecin hospitalier ou la sage-femme libérale ? Dans ces circonstances, adopter cet amendement ne serait pas raisonnable. Nous nous abstiendrons néanmoins car il apporte plus de sécurité aux femmes.

L'amendement n°13 rectifié est adopté.

L'amendement n°2 devient sans objet.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard et Alfonsi, Mme Laborde et MM. Mazars, Requier et Tropeano.

Alinéa 1, première phrase

Après le mot :

sages-femmes

insérer les mots :

et des maïeuticiens

M. Gilbert Barbier.  - Amendement d'appel alors que nous parlons beaucoup de parité depuis ce matin : la profession de sage-femme n'est pas exclusivement féminine.

Mme Muguette Dini, rapporteure.  - Certes, et le code de la santé publique le précise. Il ne connaît pas en revanche le terme de maïeuticien. Retrait ?

Mme Marisol Touraine, ministre.  - De même. Nous vous suivrons, monsieur Barbier, à chaque fois que vous lutterez pour la parité. Je ne vous savais pas si engagé dans ce combat... (Sourires)

L'amendement n°12 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe CRC.

Alinéa 2, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

Mme Laurence Cohen.  - Cet amendement n'a plus d'objet, l'amendement n°2 ayant été rejeté.

L'amendement n°3 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard et Alfonsi, Mme Laborde et MM. Mazars, Requier et Tropeano.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Sont prises en charge en maison de naissance les femmes dont la grossesse ne présente pas de risque selon les critères définis par la Haute autorité de santé et qui sont volontaires, après avoir été informées par voie écrite des conditions de leur prise en charge, notamment de l'absence de péridurale, des modalités de transfert le cas échéant, de la gestion des complications de l'accouchement et du suivi post-partum.

M. Gilbert Barbier.  - Cet amendement précise les conditions de prise en charge en maison de naissance. Il convient de s'assurer que la femme a été informée correctement et qu'elle est bien volontaire afin d'éviter toute pression, notamment à caractère idéologique, ou une orientation forcée par manque de places dans une maternité. Évitons abus et dérives.

Mme Muguette Dini, rapporteure.  - Ces précisions, qui témoignent d'une certaine défiance envers les sages-femmes, relèvent du cahier des charges qui sera établi par la Haute Autorité de santé (HAS) ou du décret. Rejet.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Je comprends votre préoccupation. Cela dit, seules les femmes dont la grossesse ne présente pas de risque pourront être accueillies dans les maisons de naissance - parce que les autres grossesses ne peuvent être prises en charge par les sages-femmes. C'est la loi.

M. Gilbert Barbier.  - Je m'étonne de votre réponse, madame la ministre. Le risque survient juste avant ou pendant l'accouchement, vous le savez bien. Je veux bien retirer mon amendement si le problème que j'expose est réglé par voie réglementaire.

M. Dominique Watrin.  - Nous voterons cet amendement : personne ne peut être contre une meilleure information des femmes. Je propose d'ailleurs un sous-amendement : après les mots « prise en charge », il conviendrait d'ajouter le membre de phrase suivant : « les tarifs pratiqués par la maison de naissance et la structure autorisée pour l'activité de gynécologie-obstétrique avec laquelle elle a signé une convention ».

M. le président.  - Ce sera le sous-amendement n°15.

Mme Muguette Dini.  - À titre personnel, avis défavorable car le sous-amendement va dans le même sens que l'amendement.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - D'une part, plus les listes sont longues, plus on risque d'exclure des éléments - tout cela relève du cahier des charges ; d'autre part, le Gouvernement privilégiera les projets qui s'inscriront dans une démarche de tarif opposable.

Monsieur Barbier, votre argument sur les complications qui surviennent à tout moment ne tient pas : si l'on vous suit, il faudrait fermer les maternités de niveau I. Heureusement, notre système de santé sait gérer les situations difficiles.

Le sous-amendement n°15 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°9 rectifié.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par Mme Génisson et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'expérimentation des maisons de naissance ne doit pas obérer l'aménagement du territoire en matière d'égalité d'accès aux services de gynécologie-obstétrique. De même, l'égalité de traitement et de prise en charge des parturientes entre les établissements publics et privés doit demeurer un objectif incontournable de la politique de santé.

M. Ronan Kerdraon.  - Nous voulons rappeler le principe fondamental d'égalité d'accès aux soins sur tout le territoire. Les maisons de naissance ne doivent en aucun cas remplacer des maternités qui ferment leurs portes, ont dit Mme la rapporteure et Mme la ministre. Nous sommes rassurés. Cet amendement est devenu inutile.

L'amendement n°14 rectifié est retiré.

ARTICLE 2

Mme Laurence Cohen .  - Les maisons de naissance seraient financées au moyen des Missions d'intérêt général (MIG) selon la procédure prévue à l'article L. 162-22-14 du code de la santé. Or ces établissements pourraient être publics comme privés. J'ajoute que les MIG sont déjà insuffisantes. Nous ne pouvons pas accepter un tel fonctionnement, à moins que le Gouvernement n'annonce un relèvement des MIG - ce qui enverrait un signal positif à tous ceux qui luttent pour une hausse des dotations aux hôpitaux publics. Ce serait d'autant plus nécessaire que le coût de ces maisons est souvent sous-évalué - voyez l'expérience québécoise.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe CRC.

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

, sans toutefois faire obstacle à l'application de l'article L. 331-2 du même code

Mme Laurence Cohen.  - Le troisième alinéa de cet article autorise à déroger, pendant la période de l'expérimentation, à l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale. Afin que la prise en charge à 100 % soit garantie aux femmes accueillies dans les maisons de naissance, il convient donc de compléter cet alinéa.

Mme Muguette Dini, rapporteure.  - Les femmes doivent avoir le choix de leur mode d'accouchement ; en revanche, l'accouchement n'est pas un choix... Il est évident que tout accouchement doit être intégralement pris en charge par la sécurité sociale, je le dis clairement dans mon rapport. Sagesse, en attendant les explications de Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Retrait sinon défavorable. Il est évident qu'une femme qui accouchera dans une maison de naissance sera prise en charge dans les mêmes conditions que si elle accouchait dans une autre structure.

Les MIG financeront l'expérimentation. Si nous allons plus loin, il faudra bien évidemment passer à un autre mode de financement.

M. Gilbert Barbier.  - Je ne comprends pas bien : y aura-t-il prélèvement sur les MIG ou dégagerez-vous une enveloppe spécifique ? Et pour combien de structures ?

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Oui, un financement spécifique au titre des MIG sera accordé en sus à l'établissement attenant à la maison de naissance.

M. Philippe Bas.  - Je voterai cet amendement : ne créons pas de précédents dangereux et rappelons que la prise en charge des femmes enceintes est de 100 % ; c'est une des conditions de la réussite de l'expérimentation.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - C'est une évidence !

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°4, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard et Placé, Mmes Aïchi, Ango Ela, Benbassa, Blandin et Bouchoux, MM. Dantec, Gattolin et Labbé et Mme Lipietz.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les maisons de naissance ayant conclu une convention avec un établissement privé à but lucratif ne peuvent pas bénéficier de cette dotation.

Mme Aline Archimbaud.  - Seules les maisons de naissance ayant conclu une convention avec un établissement à but non lucratif doivent bénéficier des MIG.

Mme Muguette Dini, rapporteure.  - Mme la ministre a déjà répondu à cette question... Cet amendement introduirait une rupture d'égalité. Sagesse.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Retrait, sinon défavorable. Nous ne pouvons pas, en l'état du droit, établir une discrimination à l'égard des établissements à but lucratif. Dans le cadre de l'expérimentation, nous privilégierons les projets porteurs d'une certaine conception du service public.

Mme Aline Archimbaud.  - Je vous ai entendue. Je retire donc mon amendement même si mes préoccupations demeurent.

L'amendement n°7 est retiré.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe CRC.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

maisons de naissance autorisées à fonctionner à titre expérimental

par les mots :

établissements autorisés à accueillir à titre expérimental un service ou une unité fonctionnelle dénommé maison de naissance

Mme Laurence Cohen.  - Amendement de conséquence, devenu sans objet.

L'amendement n°5 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard et Alfonsi, Mme Laborde et MM. Mazars, Requier et Tropeano.

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots :

sous réserve que le service de gynécologie obstétrique auquel elles sont attenantes ait une activité supérieure à 1000 accouchements par an

M. Gilbert Barbier.  - Le seuil opérationnel d'une maternité présentant toutes les garanties en matière de personnels et d'équipements est fixé à 1 000 accouchements par an. Il convient d'adosser les maisons de naissance aux maternités ayant atteint ce seuil. À défaut, l'activité des maisons de naissance pourrait conduire des maternités qui perdraient des parturientes à rétrograder de catégorie, ce qui serait dramatique pour certaines d'entre elles.

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard et Alfonsi, Mme Laborde et MM. Mazars, Requier et Tropeano.

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée : 

Dans les départements où une maison de naissance est autorisée, aucune autorisation d'activité de gynécologie-obstétrique située dans un rayon de 50 kilomètres ne peut être suspendue ou retirée pour un motif lié au volume de l'activité pendant la durée de l'expérimentation.

M. Gilbert Barbier.  - Toujours une préoccupation du monde rural : l'activité de la maison de naissance ne doit pas siphonner celle d'une maternité proche et entraîner sa fermeture. D'où cet amendement, qui s'explique par son texte même.

Mme Muguette Dini, rapporteure.  - Si la préoccupation de M. Barbier est légitime, l'amendement n°10 rectifié relève du cahier des charges de la HAS ou du règlement. Dans les faits, quand seules 4 % à 5 % de futures mères sont concernées, soit 40 à 50 accouchements pas an, cela m'étonnerait que la HAS autorise l'ouverture d'une maison de naissance dans laquelle officierait une seule sage-femme. La sécurité ne serait pas assurée. Pourquoi en outre le législateur exclurait-il priori certains projets locaux ? Défavorable.

La commission a donné un avis favorable à l'amendement n°11 rectifié par souci d'aménagement du territoire, mais, là encore, la crainte paraît infondée au regard du petit nombre de structures qui seront mises en place pendant la période d'expérimentation. Et la rédaction poserait des difficultés dans les zones urbaines des métropoles - Pontoise n'est par exemple qu'à 28 kilomètres de Paris.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Défavorable aux deux amendements. Le premier retient un seuil d'accouchements ; cela ne garantit pas la sécurité qui est notre principal souci. Quant au second, il pose un problème majeur. Un directeur général d'ARS doit pouvoir apprécier les conditions de sécurité dans tous les établissements du territoire dont il a la charge et en tirer les conséquences. Comment pourrait-il faire fi de la sécurité pour une raison purement administrative ?

Nous y reviendrons si nous décidons de généraliser cette expérience.

Cet amendement serait donc très dangereux.

Évidemment, quand les expérimentations se mettront en place, nous ferons en sorte qu'elles se déroulent dans des lieux qui ne posent pas de difficulté. C'est une alternative offerte aux femmes, pas une alternative aux établissements existants.

J'ai maintenu pour des questions d'isolement géographique une maternité qui devait fermer. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°10 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°11 rectifié.

L'article 3 est adopté.

L'article 4 est adopté.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe CRC.

Supprimer les mots :

, les conditions de prise en charge par l'assurance maladie de la rémunération des professionnels

Mme Laurence Cohen.  - Cet amendement de conséquence n'a plus de raison d'être.

L'amendement n°6 est retiré.

L'article 5 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

Mme Laurence Cohen .  - L'expérimentation est une idée intéressante et nos amendements visaient à clarifier les choses. On ne peut faire abstraction du contexte : les structures de proximité ferment, ce qui ne manque pas de nous inquiéter. Il est dommage que les réponses fournies par le Gouvernement ne nous aient pas rassurés. La loi HPST, la tarification, tout cela devrait être derrière nous. Nous ne pourrons donc voter ce texte.

M. Ronan Kerdraon .  - Le débat a été lancé de longue date, en 1998, sous M. Kouchner, ministre de la santé. Il s'est poursuivi ensuite, notamment lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Aujourd'hui, il est question d'expérimentation. La sécurité doit primer et les choix des femmes être entendus.

Compte tenu des garanties apportées, cette expérimentation nous paraît acceptable. Le groupe socialiste votera donc ce texte pour que les maisons de naissance voient le jour.

Mme Catherine Procaccia .  - En 2011, le Sénat avait repoussé l'idée de toute expérimentation, car la sécurité ne semblait pas assurée.

Aujourd'hui, il en va autrement, le choix est laissé aux femmes d'accoucher comme elles l'entendent mais je suis persuadée que peu d'entre elles feront ce choix. Le groupe UMP votera ce texte présenté par Mme Dini avec conviction et persuasion. Je salue son travail. J'espère que ce texte verra enfin le jour pour répondre à l'attente de certaines femmes. (Applaudissements à droite)

M. Gilbert Barbier .  - Je comprends les intentions de l'auteure de cette proposition de loi qui répond aux demandes de certaines sages-femmes, qui connaissent des problèmes d'autorité, de responsabilité. Comme ces maisons de naissance seront pratiquement placées sous la tutelle des services d'obstétrique-gynécologie, pourquoi pas ? Mais il ne faudrait pas généraliser.

Pourtant, la fermeture des maternités inquiète le monde rural. Cette proposition de loi les fragilise encore un peu plus. Le groupe RDSE s'abstiendra donc.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - Je salue l'initiative de Mme Dini.

Je regrette qu'on ait attendu trop longtemps pour adopter ce texte qui, je l'espère, sera voté par l'Assemblée nationale. Les femmes - et les sages-femmes - pourront donc expérimenter. L'initiative de Mme Dini concrétise le droit à l'expérimentation, auquel on a trop peu recours en France. Pour toutes ces raisons, l'UDI-UC votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)

La proposition de loi est adoptée.

Mme Muguette Dini, rapporteure .  - Je me réjouis de ce vote sur l'expérimentation des maisons de naissance, qui permettra de voir comment les choses fonctionnent. Je vous remercie, madame la ministre, de votre soutien qui ne m'a pas étonnée puisque vous y aviez été favorable comme parlementaire et je me réjouis pour les jeunes mamans et pour les sages-femmes qui souhaitent travailler dans les maisons de naissance.

Quand mes enfants sont venus au monde, il n'y avait ni la médicalisation, ni le recours à la péridurale qu'on a connu ensuite. Aujourd'hui certaines femmes souhaitent accoucher de façon plus simple et naturelle. J'espère que l'Assemblée nationale votera ce texte à l'automne pour que les expérimentations soient lancées. (Applaudissements)

Conducteurs âgés de 70 ans et plus

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi visant à instituer une évaluation médicale à la conduite pour les conducteurs de 70 ans et plus, à la demande du groupe UDI-UC.

Discussion générale

M. Yves Détraigne, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des lois .  - La situation est inhabituelle. Outre le fait que je suis l'auteur et le rapporteur de cette proposition de loi, la commission des lois a refusé et mon texte et mes amendements. Si j'avais 70 ans, et cela viendra, on m'accuserait de conflit d'intérêts. (Rires à droite)

Le permis A et B, autrefois délivré à vie et sans visite médicale préalable, est délivré désormais pour quinze ans en application de la directive du 20 décembre 2006. Son renouvellement sera purement administratif. En revanche, les professionnels, chauffeurs routiers et conducteurs de taxis, subissent des contrôles réguliers. Le vieillissement de la population accroît le nombre de conducteurs âgés. L'Observatoire national interministériel de la sécurité routière parle de conducteurs du quatrième âge, dont la part de responsabilité augmente dans les accidents avec atteintes corporelles.

Ils sont aussi plus vulnérables et victimes en cas d'accident. Notre proposition de loi instaure un examen médical à partir de 70 ans. Certes, il ne s'agit pas de stigmatiser telle ou telle catégorie de population, d'autant que l'alcoolisation et la vitesse excessive expliquent la plupart des accidents.

Le but est d'exercer une vigilance particulière à l'égard d'une classe d'âge très exposée à certaines catégories d'accidents, notamment aux traversées de carrefour. Cette proposition de loi nous rapprochera de la situation de nombreux pays de l'Union européenne : 13 des 27 pays de l'Union imposent un examen médical avant délivrance du permis et 10 imposent un contrôle périodique.

La directive de 2006 prévoit une harmonisation dans la délivrance des permis.

Ce texte, qui soulève des difficultés importantes, a fait l'objet d'un débat vif en commission des lois. Il a été indiqué le risque d'isolement des personnes âgées, en cas de retrait du permis, surtout en milieu rural, le sentiment de stigmatisation qu'elles pourraient éprouver, dans la mesure où il y a des conduites à risque à tous les âges.

Se pose aussi un problème pratique : l'insuffisance du nombre de médecins agréés, le recours aux médecins-traitants paraissant peu efficace.

La commission des lois ne souhaite pas rejeter cette proposition de loi intéressante, au regard de l'harmonisation européenne qui va intervenir. Soulignant l'importance des actions de prévention à mener auprès des personnes âgées, elle a estimé que ce texte ne pouvait être adopté en l'état. Un groupe de travail examinera les mesures les plus pertinentes à adopter devant la hausse du nombre de conducteurs âgés. (Applaudissements au centre, à droite et sur les bancs de la commission)

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie .  - Le sujet intéresse tous nos concitoyens car cette proposition de loi traite de la conduite de véhicules par les personnes âgées. Le nombre d'accidents de la route a encore diminué en mai. Sur les cinq premiers mois, on enregistre une baisse de 16 % par rapport à 2012. Pourtant, la sécurité routière se joue au quotidien et près de dix personnes décèdent chaque jour d'un accident de circulation. Les beaux jours, s'ils viennent, (sourires) y sont propices car ils sont traditionnellement l'occasion de sorties, en particulier pour les conducteurs de deux-roues. Je les invite à la plus grande prudence.

J'en reviens au texte : les personnes âgées ne connaissent pas plus d'accidents que les autres et elles sont même sous-représentés dans les statistiques. Elles privilégient des modes de déplacements alternatifs et font attention lorsqu'elles conduisent.

L'autonomie des personnes âgées dépend de leur faculté de conduire. Si la visite médicale obligatoire a été mise en place dans plusieurs pays, elle n'a pas fait la preuve de son efficacité. En France, le dialogue avec le médecin a été privilégié. Une brochure a été réalisée par l'Ordre des médecins et par le Comité interministériel de la prévention routière, à destination des généralistes ; une autre, à destination des personnes âgées, rédigée avec l'Ordre des pharmaciens, sera distribuée au mois de juillet.

Cette stratégie fonctionne bien.

N'oublions pas le rôle de la famille, qui, dans les cas extrêmes, peut saisir le préfet qui pourra enjoindre aux personnes âgées de se soumettre à un contrôle médical.

Le champ du contrôle porte sur l'aptitude physique mais aussi cognitive et sensorielle de la personne âgée. Le préfet peut alors prononcer la restriction, voire la suspension du permis de conduire. En outre, des stages sont destinés aux conducteurs âgés. La prévention routière propose 30 000 stages par an à ces personnes. D'autres associations travaillent également en ce sens. Un partenariat exemplaire a été réalisé dans l'Amiénois entre la MSA et Générations Mouvement.

Enfin, la conduite est aussi une forme de prévention de la perte d'autonomie. Il faut favoriser l'accès aux technologies d'aide à la conduite. Un centre d'expertise de la CNSA y travaille pour garantir une conduite sécurisée et pallier les faiblesses de l'âge.

La recherche s'amplifie et son développement est prometteur. Chaque intervenant des transports devra s'en saisir pour offrir une mobilité sûre aux personnes âgées.

La concertation menée jusqu'à présent a démontré que l'inaptitude dépend davantage de l'état de santé que de l'âge.

Avec cette proposition de loi, qui instaure une discrimination injuste car infondée, on risquerait d'aboutir à une brutale perte d'autonomie en cas de suppression du permis. Le Gouvernement n'est donc pas favorable à ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Gilbert Barbier .  - Je remercie M. Détraigne de nous permettre de débattre de ce sujet. En 1972, il y a eu18 000 morts sur les routes. Les pouvoirs publics se sont saisis de la question et le nombre de décès a depuis diminué. La prévention et la sécurité routière sont un enjeu majeur. Cette proposition de loi serait-elle efficace ? Je ne le crois pas.

Les conducteurs âgés n'ont pas plus d'accidents que les autres, même s'ils sont plus vulnérables. C'est pourquoi la prévention routière organise des stages de remise à niveau. Pourquoi stigmatiser ces conducteurs, alors que l'alcool et la vitesse expliquent la majeure partie des accidents !

À la campagne, la voiture est le seul moyen de faire ses courses et de maintenir le lien social. En outre, on risquerait de voir les voitures sans permis se multiplier, ce qui n'est pas toujours sécurisant.

Certains patients n'ont pas conscience des risques qu'ils courent avec certains médicaments. Les médecins doivent les informer des risques encourus, mais ils n'ont qu'une obligation de moyens. Ils ne peuvent contraindre leur patient à ne pas conduire. En outre, le secret médical leur interdit d'avertir le préfet alors qu'ils sont obligés de signaler les sportifs qui se dopent... J'ai déposé deux amendements à ce sujet.

Le groupe RDSE ne pourra voter cette proposition de loi.

Mme Esther Benbassa .  - Cette proposition de loi semble utile, à première vue, le but étant de réduire la mortalité routière. Chacun a dans sa famille un parent âgé qui est un véritable danger public sur la route. Ce texte n'est pourtant pas anodin. Dans l'opposition, la gauche s'est toujours élevée contre les textes présentés sous le coup de l'émotion à la suite d'un événement médiatique. Continuons ainsi.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Esther Benbassa.  - Certaines personnes conduisent alors qu'elles ne devraient pas. Mais elles le font par nécessité, surtout à la campagne. Imposer un contrôle médical, pourquoi pas, mais il faudrait prendre en charge les déplacements quotidiens. Notre population vieillit, mais il faut l'accompagner. Or les crédits manquent...

De plus, les personnes âgées ne causent pas plus d'accidents que les autres. Les accidents graves ne sont pas toujours liés à l'âge du conducteur. Le drame de Loriol, qui a coûté la vie à des pompiers, n'était pas dû au malaise lié à l'âge du conducteur octogénaire, mais au grand excès de vitesse avec lequel il conduisait son puissant véhicule à l'approche d'un accident signalé. Cette question est légitime, mais elle doit se poser à tous les âges de la vie. L'entourage et le médecin-traitant sont les plus à même d'être des lanceurs d'alerte. Tout le monde n'habite pas dans les préfectures et il faudra s'y rendre... en voiture pour voir le médecin ! Il conviendrait donc que le médecin-traitant fasse le contrôle.

Pour éviter toute discrimination liée à l'âge, le groupe écologiste ne votera pas ce texte. (Mme Virginie Klès applaudit)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Ce texte, qui veut rapprocher notre législation de celle de l'Union européenne, imposerait un contrôle aux conducteurs âgés. Le comité interministériel de la sécurité routière avait déjà fait une telle proposition en décembre 2002.

Après un débat vif, la commission des lois n'a pas élaboré de texte. Le dispositif est mal calibré sur la réalité de la sécurité routière. Comment organiser le contrôle pour toutes ces personnes qui vivent souvent en milieu rural ?

En cas d'infraction, le préfet peut demander un examen médical à la préfecture. Mais comment la personne mise en cause peut-elle s'y rendre si son permis a été retiré ?

Qu'en serait-il de la responsabilité des médecins qui n'auraient pas suspendu un permis alors qu'un accident serait intervenu ultérieurement ? Est-il pertinent d'établir un lien entre l'âge et l'accident ? À partir de 45 ans, les réflexes diminuent... Ce qui est en cause, c'est l'état de santé et la prise de médicaments.

Chateaubriand disait qu'il n'y a pas d'âge légal pour le malheur... De nombreux accidents sont dus à des événements fortuits.

On ne peut pas tout anticiper, tout prévenir, sans porter atteinte aux libertés individuelles.

Pourquoi pas des contrôles d'alcoolémie à la sortie de toutes les boîtes de nuit de France ?

Mais le contrôle des uns est plus facile à opérer que celui des autres.

Suite à un accident de la route, il serait sans doute plus facile d'instaurer un contrôle systématique.

Ce texte risque de stigmatiser les personnes les plus âgées qui ne sont pas toutes inaptes à conduire. Ce qui est en cause, ce n'est pas l'âge, mais la santé des conducteurs.

L'essentiel des accidents sont le fait des 18-24 ans et non pas des personnes âgées qui conduisent peu et prudemment. Les statistiques ne sont pas exploitables en tant que telles.

Dès lors, l'examen médical, s'il faut en passer par là, doit être imposé à toutes les catégories de conducteurs.

Merci à M. Détraigne d'avoir soulevé une question essentielle. Nous lui apporterions une meilleure réponse en renforçant les campagnes de prévention routière et le rôle des médecins dits de famille. La France a fait d'immenses progrès en matière de sécurité routière. Poursuivons !

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera la motion de renvoi en commission. (Mme Virginie Klès applaudit)

Mme Muguette Dini .  - J'ai cosigné spontanément la proposition de loi de M. Détraigne qui a eu le courage de soulever un problème important. Après les débats en commission, je veux expliquer ma position. L'exploitation des études détaillées d'accidents, la conduite des personnes âgées se caractérise par la prudence : elles réduisent leur vitesse, la distance parcourue, la prise de risques. Cependant, l'altération des perceptions due au vieillissement accroît le risque d'accident. En outre, hors agglomération, les besoins des conducteurs âgés diffèrent de ceux des autres, notamment pour ce qui concerne la perception transversale. De là les accidents au croisement des intersections. Le vieillissement affectent les perceptions sensorielles et cognitives, d'où des comportements surprenants, voire aberrants dans la conduite des véhicules. En outre, en raison des troubles liés au sommeil, la vigilance diminue. (Mme la ministre en convient)

Voilà l'objectif de cette proposition de loi : non pas discriminer, ni stigmatiser, mais tenir compte de cette réalité largement reconnue.

Le but est seulement de prévoir un examen par un médecin agréé par la préfecture, renouvelable tous les cinq ans, dans le cadre d'un dispositif souple et encadré. Beaucoup d'entre vous y sont hostiles,...

M. Roland Courteau.  - Oui.

Mme Muguette Dini.  - Je le sais, nous devrons pourtant, j'en suis convaincue, à l'instar de maints pays européens, y revenir. (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre ; Mme la ministre applaudit aussi)

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Très bien !

Mme Laurence Cohen .  - Le groupe CRC votera la motion de renvoi en commission, d'autant plus opportune que le calendrier parlementaire est encombré. Qui plus est, si la sécurité routière est une préoccupation importante et partagée, l'urgence pour les Français est d'abord de traiter la question du chômage, de revaloriser les salaires, de relever l'hôpital public et l'école.

Quelques données : les conducteurs âgés ne sont qu'un peu plus nombreux à mourir que les piétons de plus de 65 ans. Le principe de précaution devrait donc nous conduire à légiférer sur la circulation sur les trottoirs ? Surtout, pourquoi viser ceux qu'on appelle les seniors, les plus fragiles et non les jeunes qui sont responsables de davantage d'accidents ? Faut-il interdire aux 18-25 ans de conduire ? Pour ces derniers, le Gouvernement imagine un mélange subtil de prévention et de sanction. Ne faut-il pas appliquer la même méthode, au lieu de discriminer les personnes âgées ?

Il y a quelque paradoxe à soutenir ce texte quand on a voté le cumul du minimum vieillesse et du travail et qu'on défend le rapport Moreau. Ainsi donc, on pourrait travailler tard, mais non conduire...

Mme Gisèle Printz.  - C'est vrai !

Mme Laurence Cohen.  - ... En réalité, les personnes visées par cette proposition de loi font preuve de prudence et décident elles-mêmes de limiter leur conduite aux actes indispensables...

M. Roland Courteau.  - Exact !

Mme Laurence Cohen.  - La réflexion doit se poursuivre en commission. (Applaudissements à gauche ; M. Jean Boyer applaudit aussi)

Mme Virginie Klès .  - Merci à M. Détraigne d'avoir soulevé cette question ô combien importante. Bien évidemment, chaque accident est un drame ; bien évidemment, chaque victime est de trop. Pour autant, ne votons pas ce texte en l'état. Contrairement à M. Détraigne, je suis en plein conflit d'intérêts : titulaire d'un permis E, je dois passer un examen médical tous les cinq ans qui n'apporte rien. Ma presbytie évolue rapidement ; à moi de veiller à la corriger. Pourquoi le critère de l'âge ? Parce qu'il est le seul auquel on ne peut rien ; la prise de médicament ou de drogue, l'alcool, la vitesse excessive sont de notre responsabilité. Sans doute aussi, voulions-nous protéger ce vieil oncle ou ce grand-père qui est un véritable danger sur la route, pour lui-même, pour nos enfants ou petits-enfants.

Néanmoins, l'âge n'entraîne pas plus de baisse de vigilance que la prise de neuroleptiques ou de psychotropes. Soit, un avertissement figure sur la boîte, mais qui y prête attention ? Si nous devions dresser la liste de toutes les causes d'insécurité routière, nous obtiendrions un inventaire à la Prévert, et nous serions loin de la loi.

Après tout, n'est-ce pas une question de responsabilité individuelle ? Prend-on la route après plus de deux verres de vin ?

M. Philippe Bas.  - Jamais !

Mme Virginie Klès.  - Cela relève de la responsabilité individuelle de chacun, passible, éventuellement, de sanction...

Les personnes âgées s'endorment au volant ? Elles ne sont pas les seules. Elles prennent l'autoroute en sens inverse ? Les autres aussi. Et cætera...

Les personnes âgées, parce qu'elles sont plus fragiles, sont souvent victimes d'accidents. (Mme la ministre approuve) Elles le savent, et se protègent.

Alors, oui, il faut se préoccuper de sécurité routière publique. Oui, il faut renvoyer ce texte en commission. (Applaudissements)

Mme Gisèle Printz .  - Je profite qu'il n'existe pas de loi interdisant aux personnes de plus de 70 ans de s'exprimer à cette tribune pour intervenir dans ce débat...

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée.  - Heureusement !

Mme Gisèle Printz.  - Ces dernières années, on a monté les Français les uns contre les autres. Et comme l'automne, invariablement, revient après l'été, on n'a cessé d'agiter la division entre les générations. Voici un nouveau coup porté aux seniors et à l'unité nationale.

En s'appuyant sur une mythologie de l'accidentologie des conducteurs âgés, soupçonnés d'être des dangers publics, on veut restreindre l'autonomie des seniors, tout en leur demandant - quel paradoxe ! - de travailler plus longtemps.

Nous sommes réputés constituer la chambre des sages de la République. Cette proposition de loi n'est pas bonne. Elle amènerait à violer le secret médical, comme le relevait le Conseil national de l'Ordre des médecins en mai 2011, en s'opposant à ce que le médecin soit rendu responsable de la validation de l'aptitude à conduire. L'Automobile club médical de France a souligné que l'examen médical n'a pas fait ses preuves dans les pays nordiques. Ne l'imposons pas aux personnes âgées, qui apportent leur expérience à la vie politique, s'investissent dans les associations pour une société plus juste et plus fraternelle, aident leurs familles en allant chercher leurs petits-enfants à la crèche, à l'école ou au centre aéré. Elles sont responsables, faisons-leur confiance ; elles sauront laisser leur voiture au garage si cela est nécessaire.

Ne stigmatisons pas, ne pénalisons pas une catégorie de population pour quelques cas isolés ! Je voterai la motion de renvoi en commission (Mme Virginie Klès applaudit)

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée .  - Madame Benbassa et monsieur Barbier, le médecin a deux rôles : il peut prescrire un examen visuel, l'opération d'une cataracte, mais aussi prescrire de ne pas conduire la nuit.

M. Gilbert Barbier.  - Il conseille !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée.  - Écrire cela sur une ordonnance a un poids. Que voulais-je ajouter ? (Mme Michèle Delaunay met ses lunettes) Ah oui, et vous voyez que ma vue baisse aussi. (Sourires) Mme Garriaud-Maylam a raison : ne pénalisons pas les personnes âgées, surtout en milieu rural. Au reste, si nous suivions cette voie, nous serions certainement condamnés par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Je conseillerais aux âgés de la saisir en l'occurrence !

Le temps presse, mais je veux dire à Mme Printz une chose : heureusement que les personnes âgées prennent la parole. J'aimerais les entendre davantage...

M. Gilbert Barbier.  - Cela viendra !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée.  - ... non seulement sur le niveau des retraites, comme je le dis aux associations de retraités que je reçois, mais aussi sur les questions de société, car elles forment la colonne vertébrale de notre cohésion sociale. Imaginer une grève des plus de 65 ans : les élus ne pourraient plus faire campagne, les parents ne pourraient plus aller travailler et même les stages de sécurité routière s'arrêteraient, faute de bénévoles !

Un point sur lequel nous devons travailler : l'examen de la vue. Des lunettes adaptées - elles ne le sont pas pour la moitié des âgés ! - ou une opération de la cataracte sont un gage d'autonomie.

Oui, madame Klès, il y a matière à travailler pour améliorer les choses.

La discussion générale est close.

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°12, présentée par Mme Klès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, la proposition de loi visant à instituer une évaluation médicale à la conduite pour les conducteurs de 70 ans et plus (n° 605, 2011-2012).

Mme Virginie Klès .  - Merci, monsieur le rapporteur, de nous avoir convaincus de ne pas voter ce texte. Merci également de nous donner l'occasion de le retravailler. Nous devrons traiter la question de la santé, et non pas seulement celle de l'âge ; remettre le médecin traitant au coeur du dispositif - qui doit avoir un rôle de conseil, de recommandation et d'injonction - en lien avec la commission médicale préfectorale. Ce lien devra aussi inclure la famille, l'entourage de proximité et éventuellement être facilité par les institutions.

Garantir la meilleure information - comme on le fait pour l'alcool au volant - et sanctionner si l'injonction du médecin n'est pas suivie. Quelle fréquence pour ces contrôles ? Nous devons répondre à toutes ces questions avec les médecins, la famille, mais aussi les syndicats, les associations. De fait, toute sanction limitera l'autonomie de la personne, ce qui suppose une prise de relais par la famille, les amis, une exploration des possibilités offertes par les transports en commun. Sans quoi, attention, nous assisterons à un report massif sur les voiturettes sans permis, qui ne sont pas, non plus, exemptes de risques. Ce n'est pas si facile de prendre le métro ou le bus quand on n'en a pas l'habitude ! Bref, il faut un accompagnement et une formation continue. Voyez, mes enfants, qui ont passé récemment leur permis de conduire, ne parlent plus de clignotants, mais « d'indicateurs de changement de direction » !

Des stages, donc, qui incluraient une formation aux gestes de premiers secours pour avoir les bons réflexes lorsqu'on intervient en premier sur le lieu d'un accident. Hélas, ces formations, censées être obligatoires dans les établissements scolaires, ne sont pas délivrées.

Renvoyons le texte en commission et mettons-nous au travail d'arrache-pied ! (Applaudissements à gauche)

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Après un débat musclé, la commission a donné un avis favorable à cette motion, que j'approuve d'ailleurs.

Mme Gisèle Printz.  - Très bien !

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Mon but n'a jamais été de stigmatiser les personnes âgées. Je remarque qu'aucun intervenant, si ce n'est Mme Klès, n'a proposé de pistes. C'est donc qu'il n'y aurait aucun problème !

Madame la ministre, croyez-vous que les citoyens du Danemark, d'Espagne, d'Italie, d'Estonie, de Lettonie, qui ont instauré des examens médicaux pour les personnes âgées ignorent l'existence de la CEDH ? J'en doute...

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée.  - L'avis est favorable.

La motion n°12 est adoptée.

Mme Virginie Klès.  - Au nom de la commission des lois, je dois vous dire que nous nous retrousserons les manches sans tarder pour avancer sur ce sujet. Un groupe de travail sera mis en route prochainement.

Modification à l'ordre du jour

M. le président.  - Par lettre en date de ce jour et à la suite de la modification de l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, le Gouvernement a demandé le retrait de l'ordre du jour du mercredi 26 juin du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2012 ainsi que de la déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'orientation des finances publiques.

En conséquence, le Sénat ne siégera pas le lundi 24 juin 2013 et l'ordre du jour des mardi 25, mercredi 26 et jeudi 27 juin s'établit comme suit :

MARDI 25 JUIN

À 14 h 30 :

- Sept conventions internationales en forme simplifiée

- Deuxième lecture du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République

À 21 h 30 :

- Débat sur le bilan annuel de l'application des lois

MERCREDI 26 JUIN

À 15 heures et le soir

- Suite éventuelle de la deuxième lecture du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République

- Deuxième lecture du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires

JEUDI 27 JUIN

À 9 h 30 :

- Suite de l'ordre du jour de la veille

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable

De 15 heures à 15 h 45 :

- Questions cribles thématiques sur la situation des caisses d'allocations familiales

À 16 heures et le soir :

- Suite de l'ordre du jour du matin

- Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France

Décision du Conseil constitutionnel

M. le président.  - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 13 juin 2013, le texte d'une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi relative à la sécurisation de l'emploi.

Prochaine séance mardi 18 juin 2013, à 9 h 30.

La séance est levée à 18 h 55.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mardi 18 juin 2013

Séance publique

À 9 h 30

1. Questions orales.

À 14 h 30 et le soir

2. Suite du projet de loi relatif à la l'élection des sénateurs (n° 377, 2012-2013).

Rapport de M. Philippe Kaltenbach, fait au nom de la commission des lois (n° 538, 2012-2013).

Résultats des travaux de la commission (n° 539, 2012-2013).

Rapport d'information de Mme Laurence Cohen, fait au nom de la délégation aux droits des femmes (n° 533, 2012-2013).

3. Proposition de loi portant diverses dispositions relatives aux collectivités locales (n° 554, 2012-2013)

Rapport de M. Alain Richard, fait au nom de la commission des lois (n° 630, 2012-2013)

Texte de la commission (n° 631, 2012-2013)