Débat sur le climat et l'énergie

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur le climat et l'énergie en Europe, à la demande du groupe écologiste.

M. Ronan Dantec, pour le groupe écologiste .  - Ce débat est important, les réponses que nous apportons sur les problématiques énergétiques sont au coeur du projet européen : de la régulation du développement économique et du changement climatique dépend la paix mondiale. Il s'agit d'assurer l'autonomie énergétique d'un continent qui importe 40 % de son charbon, 60 % de son gaz et 80 % de son pétrole. La facture énergétique de l'Union européenne est de 428 milliards d'euros. Notre déficit commercial global est du même ordre que notre déficit énergétique -68 milliards d'euros. Si nous étions autonomes en énergie, notre balance commerciale serait équilibrée.

M. Jean Desessard.  - Très bien !

M. Ronan Dantec.  - Les masses financières énormes libérées pour l'achat des énergies fossiles ne sont pas étrangères aux mouvements spéculatifs constatés sur les marchés. Nous avons basculé d'un capitalisme industriel vers un capitalisme financier dont nous subissons le cynisme.

Mme Évelyne Didier.  - Très bien.

M. Ronan Dantec.  - L'avenir économique du continent passe par une politique énergétique cohérente et volontariste. Il s'agit aussi de répondre à la crise climatique qui s'aggrave. J'ai une pensée aujourd'hui pour les Bosniaques touchés par les inondations.

La production de blé, de maïs et de riz sera affectée par le réchauffement, qui aggravera aussi les tensions, le terrorisme... Ce n'est pas pour rien si ce sont l'armée et les agences de sécurité américaines qui oeuvrent, outre-atlantique, pour un accord climatique ambitieux.

La pauvreté énergétique toucherait 50 millions d'Européens, c'est une cause importante de surendettement : entre manger et se chauffer, on choisit de manger et on s'endette pour se chauffer.

Le président de la République l'a dit, la crise ukrainienne accélère l'exigence d'une véritable Europe de l'énergie.

Le choix du tout-nucléaire pose problème, à l'heure où la plupart des États européens se désengagent du nucléaire. Finissons-en avec notre mentalité de village gaulois assiégé, dont l'Obélix serait tombé tout petit dans un chaudron d'uranium enrichi ! (Sourires)

Delphine Batho avait invité son homologue allemand pour rappeler les fondements énergétiques de l'Europe. Le président de la République a évoqué l'équivalent d'un Airbus pour l'énergie. Oui, il faut une stratégie européenne forte, au moment où l'on définit un paquet énergie-climat pour 2030. La Commission européenne a présenté en janvier un premier jet que le calendrier ukrainien et international a quelque peu bouleversé.

Hélas, les propositions sur la table ne brillent pas par leur ambition : moins 27 % d'énergie non renouvelable dans les consommations finales, ce n'est pas suffisant ! Sans objectifs nationaux précis, les résultats ne seront pas au rendez-vous : je regrette l'absence de volontarisme des négociateurs français sur ce point. Il n'y a pas non plus d'objectif de baisse de la consommation d'énergie dans l'attente de la révision de la directive de 2012 sur l'efficacité énergétique.

Les scénarios actuels pour 2030 restent en-deçà du potentiel de réduction de la consommation. Les eurodéputés écologistes regrettent ce manque d'ambition et proposent d'inverser la logique qui prévaut aujourd'hui afin de réduire la consommation finale : moins 40 % par rapport à 2010, soit moins 47 % par rapport aux propositions de la Commission européenne, ce qui entraînerait une réduction de 60 % des gaz à effet de serre.

S'il ne vous est peut-être pas possible, madame la ministre, de livrer immédiatement la position de la France pour cet automne, nous aimerions être rassurés.

Nous avons une nouvelle ministre écologiste de l'environnement au Luxembourg -lequel présidera l'Union européenne cet automne-, elle sera un soutien pour un accord ambitieux à Paris en 2015.

Au sens de la directive, l'objectif de la France en termes de consommation d'énergie primaire devrait se situer à hauteur de 220 millions de tonnes d'équivalent pétrole. La rénovation énergétique des bâtiments demeure une priorité. Mais les moyens normatifs et financiers manquent encore. Nous aurons d'ici quelques jours un projet de loi de transition énergétique. Je reste optimiste mais il faut aller au-delà pour 2030. Ne baissons pas la garde pour autant pour 2020. C'est à l'automne que se jouera la crédibilité européenne sur le climat.

Il est plus qu'urgent de réformer le système européen d'échanges de quotas carbone. Il y a un excédent de plus de 2 milliards de quotas sur le marché européen du carbone. L'Allemagne plaide pour aller plus vite pour réguler le marché et faire remonter le prix de la tonne carbone. Également réclamée par les grands énergéticiens européens et français, cette évolution est hélas bloquée par les eurodéputés libéraux et conservateurs, au-delà de leurs belles déclarations d'intentions.

Mme Corinne Bouchoux.  - Très bien !

M. Ronan Dantec.  - Aidons les Polonais à sortir de leur dépendance au charbon. Le marché carbone est un moyen de dégager des moyens plus importants, pour abonder le fameux fonds vert dont la création fut décidée à Copenhague.

Les écologistes sont également mobilisés sur la taxe sur les transactions financières. Pouvez-vous, madame la ministre, nous rassurer et nous éclairer sur cette question ?

Il faut renforcer les interconnexions aux frontières, une approche européenne du mécanisme de capacité diviserait les coûts par deux. Accélérons la fermeture des centrales nucléaires. L'hypothèse de la fermeture de vingt tranches nucléaires d'ici 2025 est aujourd'hui assumée par votre ministère.

Ne défendons pas une ligne Maginot de la politique électrique française. Tirer le fil -électrique !- du débat énergétique européen ouvre de vastes horizons.

Dans la recherche sur l'énergie solaire, la France est forte. C'est un gisement d'emplois, de l'ordre d'un million en Europe. Ce sont des marchés considérables sur lesquels nous devons être présents. C'est une véritable stratégie industrielle européenne qu'il faut coordonner.

Je suis inquiet pour Alstom, madame la ministre, et pour l'emploi en Basse-Loire. Quel sera le poids de nos filières d'éolien off-shore face à celles qui se développent au Nord de l'Europe ? Nous avons pris du retard. Ne nous laissons plus distancer. Je compte, madame la ministre, sur votre engagement résolu. C'est l'avenir de la France et de l'Europe qui se joue (Vifs applaudissements sur les bancs écologistes ; applaudissements sur les bancs CRC et socialistes)

M. Jean-Claude Lenoir .  - (Les applaudissements continuent alors que l'orateur monte à la tribune) Quel enthousiasme ! J'ai souri en voyant l'intitulé de ce débat demandé par les écologistes : j'y ai vu l'occasion de rappeler nos atouts et de dénoncer quelques errements. Je souligne l'avance incontestable de la France dans la lutte contre les gaz à effet de serre et les émissions de CO2. Par unité comptabilisée, l'émission par habitant est de 7 000 tonnes en France, contre 12 000 en Allemagne. Lorsque vous dénoncez les gaz à effet de serre, interrogez-vous sur les choix de l'Allemagne ! Or toute l'argumentation écologiste consiste à calquer notre politique sur celle de l'Allemagne.

Contrairement à M. Dantec, je pense que la consommation d'électricité va augmenter.

M. Jacques Mézard.  - Tout à fait !

M. Jean-Claude Lenoir.  - De 0,5 % par an du fait de la démographie, de l'usage de technologies grosses consommatrices comme l'informatique, du transfert du fioul et du pétrole vers l'électricité, notamment pour les véhicules. Nous devons privilégier les filières qui émettent le moins de CO2 et de gaz à effet de serre. Je rappelle que l'électricité produite en Allemagne dégage six fois plus de CO2 et de gaz à effet de serre que celle produite en France.

M. Jacques Mézard.  - Oui.

M. Jean-Claude Lenoir.  - C'est dû en particulier à l'usage du charbon particulièrement poussiéreux et polluant qu'est le lignite. Le comble est que celui-ci est exporté à bas prix par les États-Unis, qui disposent des ressources du gaz de schiste.

M. Gérard Longuet.  - Exact.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Notre système doit être compétitif et nous assurer un avantage commercial. Les chiffres sont accablants. Les 58 réacteurs nucléaires de la deuxième génération ont coûté 87 milliards d'euros valeur 2014, pour 128 000 mégawatts installés. Les 40 milliards investis par les Allemands dans l'éolien permettent de produire 21 térawatts heure, quand nos réacteurs en produisent dix fois plus. Quant aux 112 milliards du photovoltaïque, ils donnent aux Allemands 12 térawatts heure ! Nous avons donc un véritable avantage compétitif qu'il ne faudrait pas dilapider au nom d'idées qui s'apparentent à de l'idéologie.

M. Jacques Mézard.  - Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir.  - L'Allemagne a inscrit dans sa loi la possibilité pour les gros consommateurs électriques de ne pas payer le transport de l'électricité. Le président de la Commission de régulation de l'énergie a annoncé que celle-ci devait décider de diviser par deux le coût du transport pour les électro-intensifs. Il faut un support législatif pour aller au-delà et donner à nos entreprises le même avantage.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Eh oui, c'est cela le marché commun ! (Sourires)

M. Jean-Claude Lenoir.  - J'entendais l'orateur écologiste parler du « tout nucléaire ». Celui-ci n'a jamais existé, aucun gouvernement, de droite ou de gauche, n'a jamais voulu produire toute notre électricité à partir du seul nucléaire. Certes, les Allemands ont fait le choix du tout charbon... Nous avons un programme nucléaire.

M. Jean Desessard.  - Un peu cher, l'EPR !

M. Ronan Dantec.  - Oh oui !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Cette filière a fait ses preuves et demeure une référence internationale. La France doit-elle se retrouver au banc des accusés, au point de ne pouvoir défendre les atouts de son industrie, auprès des pays demandeurs ?

M. Ronan Dantec.  - Peu nombreux !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Le Gouvernement semble avoir abandonné la promesse de fermer 24 centrales -c'est heureux ! Reste Fessenheim, qui est devenu un trophée, brandi devant les alliés -peut-on encore les qualifier ainsi ? - écologistes (Exclamations sur les bancs écologistes)

La centrale doit être fermée avant 2016. Madame la ministre, je ne suis pas sûr que ce soit possible ! Il y a des procédures à respecter auprès de l'Autorité de sûreté nucléaire.

M. Ronan Dantec.  - Absolument.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Fessenheim apporte 85 % de l'électricité nécessaire à l'Alsace.

Je suis convaincu que vous n'y arriverez pas.

M. Gérard Longuet.  - Heureusement !

M. Jean-Claude Lenoir.  - N'en déplaise aux écologistes, il n'y a pas de « vieille centrale » : toutes les centrales sont régulièrement révisées et mises aux normes.

M. Ronan Dantec.  - Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Claude Lenoir.  - La France dispose d'une Autorité de sûreté nucléaire reconnue dans le monde entier, nous l'avons vu à propos de Fukushima.

Je ne peux passer sous silence la question des gaz de schiste. La loi du 13 juillet 2011 a interdit leur exploitation par fracturation hydraulique.

M. Jean-Vincent Placé.  - C'était sous Fillon !

M. Jean Desessard.  - Parlez-en à M. Jacob.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Mais elle permet à la recherche de se poursuivre et aux expérimentations d'avoir lieu, ne serait-ce que pour vérifier que nous avons bien de ces hydrocarbures sous nos pieds.

M. Ronan Dantec.  - Et la lutte contre le changement climatique ?

M. Jean-Claude Lenoir.  - Oui, il faut que notre objectif essentiel soit de réduire les gaz à effet de serre. Or, le marché du carbone est devenu complètement plat. Le prix du carbone a été divisé par dix depuis 2006.

Le marché de l'électricité en Europe manque de cohérence, faute d'arbitrage entre la politique climatique et la politique énergétique, deux équipes différentes ayant officié.

M. Ronan Dantec.  - C'est tout le problème !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Nous avons besoin de cohérence européenne. Nous avons besoin d'une force européenne, de filières efficaces. L'efficacité n'est pas qu'économique, elle est aussi environnementale. La France n'a aucune leçon à recevoir. Elle pourrait, si on voulait l'entendre, en donner.

La question de la précarité énergétique est importante.

M. Roland Courteau.  - C'est exact !

Mme Évelyne Didier.  - Nous sommes d'accord là-dessus.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Il faut que les réseaux soient renforcés. A-t-on pensé au sentiment des populations face à la multiplication des pylônes éoliens en Allemagne, destinés à apporter à d'autres régions ou à la France l'énergie éolienne que l'on ne peut stocker ? On ne la donne pas parce qu'elle serait compétitive mais parce que l'on est obligé de l'évacuer immédiatement. Et cela impose d'éteindre des centres de production, en Allemagne et en France.

Madame la ministre, il faut tout faire pour soutenir la recherche et l'innovation. Grâce au nucléaire, nous pouvons consacrer 6 000 mégawatts à des stations de pompage pour le stockage de l'énergie.

M. Jean Desessard.  - Grâce à une électricité allemande.

M. Jean-Claude Lenoir.  - J'espère avoir modestement contribué à l'édification d'une véritable politique énergétique. (Applaudissements sur les bancs UMP, du RDSE et sur certains bancs socialistes)

Mme Chantal Jouanno .  - Merci pour l'initiative de ce débat, à quelques mois de la conférence sur le climat.

Que dit la science ? Qu'il ne convient pas de dépasser de plus de 2°C la température de l'ère préindustrielle. Or nous sommes sur une trajectoire de quelque 4°C, trajectoire dangereuse sur le plan économique puisque un réchauffement de 1°C correspond à une baisse de 1,3 % de la croissance, dixit la Banque mondiale, pas une assemblée d'hurluberlus chevelus.

Les ressources halieutiques, dont vivent 12 % de la population mondiale, sont menacées. C'est un sujet fondamental, économique, écologique, de sécurité. La communauté internationale discourt, l'Europe vote mais d'autres continents évoluent très vite et risquent de nous donner bientôt des leçons.

Je m'étonne que l'on ait pu voter au sein de l'Union européenne un budget en baisse, dérisoire, pour la recherche et l'innovation sur le changement climatique alors qu'on devrait tout au contraire mettre le paquet là-dessus.

Cette politique doit être la nouvelle ambition de l'Europe, à l'image de l'acte fondateur de la Communauté européenne qu'aura été la Ceca. Ce nouveau souffle de l'Europe, ce sont les énergies du futur. La Chine, elle, investit massivement dans ce secteur.

Arrêtez d'opposer le nucléaire aux énergies renouvelables ! Nous sommes les seuls en Europe à avoir à nos portes un continent, l'Afrique, dont la croissance et la démographie explosent et qui peut être une chance formidable si nous l'incluons dans notre projet énergétique et écologique.

L'Europe doit réviser son objectif de réduction de gaz à effet de serre : 50 % en 2030, c'est atteignable. Je ne suis pas d'accord pour dire que cet objectif doive être ravalé du premier au troisième rang. Elle doit aussi mettre au premier plan l'empreinte carbone, qui ne cesse de croître. Corollaire : la mise en place d'une contribution carbone sur les produits importés en Europe.

Les régions sont les mieux placées pour expérimenter de nouveaux modèles coopératifs ou collaboratifs.

Telles sont nos convictions, nos propositions, nos certitudes : le prochain projet européen, après la Ceca, la PAC, le marché commun, doit concerner les énergies du futur et l'innovation écologique. (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme Évelyne Didier .  - Merci d'avoir demandé ce débat. Le sujet est large et nécessite une mise en perspective internationale. Le climat ne connaît pas les frontières. Les engagements qui seront pris lors du sommet de l'automne prochain pèseront lourd. Le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) rappelle l'urgence à agir : il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de 70 % d'ici 2050, et les faire disparaître d'ici la fin du siècle...

La nécessité de diminuer l'utilisation des énergies fossiles ne fait plus débat. Le conseil économique, social et environnemental note qu'en France le réchauffement pourrait atteindre 1,5°C en 2050 et entre 2,5° et 3,5 C en 2100. La disparition de l'enneigement, la fonte des glaciers, l'élévation du niveau de la mer, c'est pour demain. (M. Roland Courteau le confirme) Les outre-mer seront particulièrement touchées. Paul Vergès a attiré l'attention du président Vall sur ce sujet, j'espère que cette initiative fera l'unanimité.

La Conférence de Paris en 2015 ne peut pas être un rendez-vous manqué. La Commission européenne n'a pas posé d'objectif en termes d'efficacité énergétique. Selon Nicolas Hulot, la Grande-Bretagne en a fait une ligne rouge ; comme les Allemands, les Britanniques se réservent la possibilité de recourir à toutes les énergies...

Le marché européen du carbone a fait flop et s'est révélé inefficace. La commission propose 27 % d'énergies renouvelables en Europe, mais cet objectif est renvoyé à la bonne volonté des États.

Madame la ministre, vous nous avez dit vouloir tirer tous les États vers le haut et trouver le mix énergétique le plus efficace au plan européen. Espérons que vous serez entendue.

La filière photovoltaïque est une filière d'avenir (Applaudissements sur les bancs écologistes) ; nous sommes également pour des avancées en matière de stockage de l'électricité et opposés à la privatisation des barrages hydroélectriques, première source d'énergie renouvelable en France.

M. Roland Courteau.  - Nous aussi.

Mme Évelyne Didier.  - Le fonds vert ne sera pas opérationnel sans recapitalisation ambitieuse. Les pays riches devront aider les autres, par des transferts technologiques notamment. Enfin, il faut faire le bilan de la libéralisation. Nous appelons de nos voeux la constitution d'un grand pôle du secteur public de l'énergie. Nous prônons une association étroite des citoyens et des salariés à la définition de la politique énergétique.

La lutte contre le changement climatique requiert de la volonté et des moyens peu compatibles avec l'austérité. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Roland Courteau .  - Le sort du monde se joue dans la capacité à se mobiliser contre le changement climatique. Les catastrophes climatiques montrent la vulnérabilité des sociétés humaines face à la nature quand elles se sont bâties dans le déni de l'environnement. Évaluer les impacts, prévoir les adaptations, voilà ce que je prône depuis longtemps.

Le déficit en eau, le retrait des sels argileux, la hausse du niveau des mers, tout cela détruira des logements et coûtera des milliards. D'ici 2100, si rien n'est fait, Paris connaîtra le climat de Cordoue.

L'énergie est banale, nous la gaspillons sans nous en rendre compte. Il y a toujours de l'essence à la pompe, de l'eau au robinet, du courant à la prise. Ce n'est pas la terre qui est en danger, c'est l'humanité, la biodiversité qui risquent de ne pas survivre. D'où la nécessité de passer à une société plus sobre et écologiquement responsable : la transition énergétique doit être une priorité.

Il n'y a pas de meilleure réponse à la hausse des prix de l'énergie, à la précarité énergétique, aux menaces climatiques, aux incertitudes géopolitiques. Nous devons changer nos comportements, nos modes de vie, construire un nouveau modèle français et européen.

Le secteur des transports émet 132 millions de plus de CO2 par an ! Il faut diversifier le mix énergétique des transports, en finir avec les bâtiments-passoires.

La loi du 15 avril 2013 étend le bénéfice des taris sociaux de l'énergie mais quid de ceux qui se chauffent au fioul ou au bois ? La rénovation thermique est indispensable, avec l'objectif de rénover 500 000 logements. N'oublions pas l'hydraulique...

Chaque révolution industrielle s'est appuyée sur une source d'énergie. Après le charbon et le pétrole, la prochaine s'appuiera sur les énergies renouvelables.

M. Jean Desessard.  - Bravo.

M. Roland Courteau.  - Les projets de la Commission européenne m'inquiètent. Les États doivent pouvoir déterminer leur propre bouquet énergétique ! En 2012, la production d'énergie renouvelable en France a été de 88 MWh, soit 16 % du total. C'est trop peu. Pourquoi attendre six ou huit ans en France pour développer des parcs éoliens au photovoltaïque au lieu de trois en Allemagne ?

M. Jacques Mézard.  - Parce qu'il y a des associations...

M. Roland Courteau.  - Accélérons les installations, simplifions les procédures. Le bois-énergie est une filière d'excellence, c'est un gisement trop peu exploité.

Je ne suis pas favorable au renouvellement rapide des concessions hydroélectriques. Pourquoi livrer cette énergie à la concurrence ?

Mme Évelyne Didier.  - Eh oui !

M. Roland Courteau.  - Notre proposition de loi vise à prolonger la durée des concessions à 99 ans. Nous aiderez-vous, madame la ministre ? La politique d'ouverture des marchés de l'énergie a échoué. Il faut enfin une vraie politique européenne de l'énergie. Notre ambition est de créer un cercle vertueux. L'heure est grave mais, comme l'écrivait Hölderlin, « là où croît le péril croît aussi ce qui sauve ». (Applaudissements)

M. Jacques Mézard .  - Les êtres humains sont de plus en plus nombreux, de plus en plus consommateurs d'énergie. La priorité, ce doit être la recherche et l'innovation.

L'Union européenne a décidé d'agir en adoptant le paquet énergie-climat en 2009, avec un triple objectif, celui des trois fois 20 %. Mais les orientations des États sont très différentes. Voyez l'Allemagne et la France...

Il est urgent de définir une stratégie claire ; l'efficacité énergétique doit être améliorée, notamment dans le domaine des transports. La France est en retard pour ce qui est des véhicules du futur. Pour nous, l'hydrogène doit être un vecteur essentiel de la transition énergétique. Or nos constructeurs automobiles sont à la traîne.

Le mécanisme d'échange de quota de gaz à effet de serre est inefficace ; le prix du quota de carbone s'est effondré, rendant le dispositif peu incitatif.

Le plan d'action nationale en matière d'énergies renouvelables fixe un objectif de 23 %. Il est compromis. Il est facile de multiplier les déclarations en faveur des énergies renouvelables quand on soutient sur le terrain les associations de défense de l'environnement déchaînées contre l'éolien et même le photovoltaïque...

Nous souhaitons, nous, le développement de la filière nucléaire, qui est l'orgueil de la France et indispensable pour notre autonomie énergétique.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien.

M. Jacques Mézard.  - Quand l'Allemagne ferme ses centrales nucléaires, elle génère une pollution supplémentaire et désavantage les autres moyens de production mis à l'arrêt alors qu'ils sont moins polluants que ses centrales à charbon. Le prix de l'électricité devient négatif quand la mise à l'arrêt n'est pas rentable : la France devient donc importatrice nette d'électricité vis-à-vis de l'Allemagne. Si l'on ajoute les gaz de schiste américains, qui font baisser le prix du charbon, les centrales à gaz ferment en Europe.

Nous sommes bien loin de toute posture idéologique. Il est absurde de prétendre que la consommation électrique n'augmentera pas... (M. Ronan Dantec proteste) Ne m'interrompez pas, s'il vous plaît, même si je sais que vous ne supportez pas la contradiction.

M. Jean-Claude Lenoir.  - C'est vrai, laissez-le parler !

M. Jacques Mézard.  - L'avenir est électrique : le nucléaire est un avantage pour notre pays, qui a le deuxième mix le moins carboné, après la Suède. Il est essentiel de développer la recherche pour le nucléaire, y compris sur la quatrième génération et les réacteurs au thorium. Il y va de l'indépendance énergétique de la France, face à la force de frappe de la Russie. On ne peut nous imposer le renouvellement de certaines concessions hydro-électriques et en exempter d'autres pays... Accélérons l'investissement sur le stockage et le transport de l'énergie. Nous souhaitons bien sûr une concertation renforcée à l'échelle européenne mais elle ne saurait être l'alignement de la France sur une politique allemande très contestable.

M. Gérard Longuet.  - Très bien.

M. Jacques Mézard.  - Innovation, recherche, voilà les priorités que nous défendons. (Applaudissements sur les bancs RDSE et à droite)

M. André Gattolin .  - Les enjeux climatiques et énergétiques sont des défis majeurs, qui concernent la planète toute entière. L'Europe a longtemps fait figure de pionnière. L'échec du sommet de Copenhague de 2009 a toutefois interrompu cette dynamique. Le seuil critique n'a pas été atteint, les acteurs se sont découragés. La crise économique et financière a eu un effet dramatique : on a usé des recettes les plus classiques pour renouer avec la croissance et fait des choix énergétiques de court terme en surexploitant nos ressources et en recourant aux importations. La facture énergétique de l'Europe a été multipliée par six en douze ans, pour atteindre 488 milliards d'euros en 2011. Nous dilapidons notre capital-planète, avec, à la clé, des phénomènes climatiques dramatiques. Que de décisions folles, fondées sur des raisonnements fantasmatiques : la banquise fond ? Formidable, nous pourrons exploiter les ressources cachées dessous ! disent certains. Ce serait une opportunité de business... Folie ! Mais l'économie mondialisée spécule, privatise les bénéfices et collectivise les pertes....

La crise russo-ukrainienne a remis la question énergétique sur le devant de la scène en Europe. Le président de la République dit vouloir un Airbus de l'énergie. Mais la politique énergétique de l'Europe est découplée de la politique climatique. Pourtant, l'énergie la moins chère est celle que l'on ne consomme pas... Depuis le dernier paquet énergie-climat, la situation s'est dégradée. La Grande-Bretagne et la Pologne ont eu gain de cause. Point d'objectif contraignant, malgré ce que réclamait le Parlement européen.

Madame la ministre, votre ministère regroupe, enfin, énergie et écologie. Quels objectifs défendra le Gouvernement pour relier ces deux politiques fondamentales pour notre avenir ? (Applaudissements sur les bancs écologistes et socialistes)

M. Jean-François Husson .  - Le Giec confirme les tendances envisagées depuis les années 50 et  70. En avril, pour la première fois, le taux de gaz carbonique dans l'atmosphère a dépassé pendant un mois les 400 particules par million. En Allemagne, la production des centrales charbon a atteint son plus haut niveau depuis 1989 -avec, à la clé, des pics de pollutions en Lorraine. Après dix-sept ans de supranationalité, on cherche encore comment définir une politique européenne de l'énergie et les historiens auront du mal à faire le partage entre les ambitions excessives et les hypocrisies nationales, écrivait Le Monde .... en mai 1970 !

L'Europe repousse à plus tard les choix nécessaires en raison de dissensions internes. La France semble avoir baissé les bras. Pour être crédibles lors de la conférence de Paris de 2015, les chefs d'État européens doivent fixer dès à présent des objectifs crédibles de réduction des gaz à effet de serre de façon à faire remonter le prix du C02.

Madame la ministre, vous misez sur la croissance verte. Vous faites le pari de la social-écologie, facteur de progrès économique et social. Pari difficile à relever vu les renoncements de votre majorité depuis 2012. Le président de la République a fait bien des annonces ; il faut certainement moins promettre pour mieux agir. Le Gouvernement détricote les progrès intervenus grâce au Grenelle de l'environnement. Vous souhaitez une grande loi bousculant les résistances et les conformismes. Comment croire que vous ferez mieux que vos prédécesseurs, sur le nucléaire ou sur le photovoltaïque, en pleine crise ?

Dans mon département, à Badonviller, un projet de requalification d'une friche industrielle en centrale photovoltaïque n'a pu voir le jour en raison de la préférence accordée par la CRE au Midi... Que dire de la méthanisation, qui se heurte aussi à bien des difficultés dans l'agglomération de Nancy ? Il n'est pas acceptable qu'écologie rime si souvent avec contraintes ou taxes supplémentaires, labellisation RGE ou certificats d'économie d'énergie, sans parler de l'écotaxe à propos de laquelle le Gouvernement semble avoir perdu son latin, alors que les transporteurs proposent une bonne solution avec Ecomax.

Sur le dossier des certificats d'économie d'énergie, les lourdeurs administratives sont insupportables. Dans le Grand-Nancy, les blocages ont entraîné quinze mois de délai ! C'est de l'argent qui dort, à l'heure où les dotations s'effondrent et où nos concitoyens ploient sous le poids de l'impôt.

La pollution de l'air, selon l'OMS, aurait causé la mort de 7 millions de personnes en 2012 : c'est désormais le principal risque environnemental pour la santé. Imposons le « thermomètre » air dans l'évaluation des politiques publiques : c'est possible grâce aux associations de surveillance de la qualité de l'air, n'attendons pas. Les élections européennes auraient dû être l'occasion de refonder les bases de la construction européenne autour d'une politique européenne de l'énergie. L'Union européenne doit reprendre en main son destin énergétique et, in fine, économique et stratégique. (Applaudissements à droite)

Mme Delphine Bataille .  - Les débats sur l'énergie se multiplient au Sénat, en attendant la loi sur la transition énergétique. L'Union européenne s'est engagée dans les négociations internationales sur le climat et a adopté un paquet climat-énergie. C'est la seule zone du monde à avoir réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 18 % depuis 1990 et à respecter ses engagements au titre du protocole de Kyoto.

La France est le bon élève de la classe mais les défis restent colossaux. Nous restons trop dépendants des énergies fossiles et cette dépendance va croissant. Les politiques climatiques doivent réduire davantage les émissions de CO2 si l'on veut limiter le réchauffement de la planète à 2 %.

La facture énergétique représente 80 % de notre déficit commercial. Au triplement du prix du brut s'ajoutent les problèmes de sécurité d'approvisionnement. Les États membres sont interdépendants, or leurs choix divergent.

La France a fait le choix des énergies renouvelables et d'un nucléaire plus sûr, avec pour objectif de réduire la part du nucléaire d'ici 2025, comme s'y est engagé le président de la République. Cela suppose de laisser du temps à l'innovation technologique, notamment en matière de stockage.

L'Allemagne, elle, a prévu l'abandon du nucléaire. Son mix énergétique est donc dominé par les énergies fossiles, et émet plus de gaz à effet de serre que la France.

M. Gérard Longuet.  - C'est bien vrai !

Mme Delphine Bataille.  - Elle devra en outre importer de l'énergie. L'arrêt des centrales allemandes s'accompagne d'une dépendance accrue au gaz russe et d'une flambée des prix au consommateur...

M. Bruno Sido.  - Eh oui !

Mme Delphine Bataille.  - La Pologne, riche en charbon, s'oppose systématiquement aux objectifs ambitieux souhaités par les autres membres.

La Commission veut réduire les émissions de 40 % d'ici 2030, sans faire consensus. À court terme, les énergies renouvelables ne sauraient se substituer seules aux énergies fossiles. L'Europe doit aussi réduire sa dépendance. Les contraintes financières imposent une approche raisonnée.

La rénovation des bâtiments est un bon pari, mais elle pourrait coûter à terme 1 000 milliards d'euros à la France : c'est vertigineux, et trois fois plus que le renouvellement du parc nucléaire d'ici un demi-siècle.

Les enjeux écologiques ne peuvent être séparés des enjeux économiques et financiers. Espérons qu'un accord sera trouvé entre Européens avant le sommet de Paris (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et UMP)

Mme Bernadette Bourzai .  - Le réchauffement climatique est un défi majeur, qui doit être relevé à l'échelle de l'Europe. En janvier, la Commission a fait connaître ses objectifs en la matière : réduire de 80 % à 95 % les émissions de gaz à effet de serre en 2050 par rapport à 1990.

L'Union européenne est en passe d'atteindre les objectifs du paquet climat-énergie : baisse de 18 % des émissions, hausse de 13 % de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale. Il faut cependant aller plus loin.

Ce qui fait défaut, c'est une ambition commune pour une politique européenne de l'énergie. La fiscalité est un outil important alors que le marché du carbone a échoué. La présidence grecque appelle de ses voeux un accord contraignant, mais les décisions sont reportées jusqu'en octobre. Je présenterai prochainement pour la commission des affaires européennes du Sénat un rapport sur le cadre européen de production d'énergie et d'électricité. Quelle est la position de la France, après le rapport de Jean-Michel Charpin ?

La sécurité d'approvisionnement est l'autre défi de l'Europe. Le Conseil des ministres informel -sur lequel nous attendons plus d'information- aurait mis l'accent sur la diversification des approvisionnements et les réseaux : c'est judicieux. J'ai publié un rapport sur l'interconnexion, dont les effets bénéfiques sont multiples. Une vision d'ensemble des réseaux européens est nécessaire. Priorité doit être donnée à l'interopérabilité, aux corridors et aux énergies renouvelables. Ces dépenses d'avenir -pour des investissements pérennes- ne doivent pas être sacrifiées : je me félicite donc de l'appel à projet qui vient d'être lancé pour un montant de 750 millions d'euros.

Les investissements énergétiques relèvent du temps long. C'est aujourd'hui qu'il faut construire les infrastructures des années 2050. L'accélération des dernières semaines est donc bienvenue : l'Union européenne doit imaginer une véritable politique énergétique, en s'inspirant de ses origines marquées par la CECA et Euratom...

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Bernadette Bourzai.  - Quelles initiatives allez-vous prendre, madame la ministre ? Vous pouvez compter sur notre soutien. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et RDSE).

Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie .  - Merci de contribuer par ce débat de belle qualité à une réflexion sur la loi de transition énergétique dont nous discuterons prochainement. Il y a un grand paradoxe : les Français n'imaginent pas leur destin hors d'Europe mais doutent de son efficacité.

L'Union européenne, premier consommateur mondial d'énergie, doit donc se consacrer à des projets concrets, qui améliorent les conditions de vie de tous.

La transition énergétique est rendue urgente par les mutations du climat et la hausse des prix. Des millions d'emplois pourraient être créés.

M. Roland Courteau.  - Oui.

Mme Ségolène Royal, ministre.  - L'histoire ne se répète pas. L'Europe des pères fondateurs n'est plus la nôtre mais la Ceca reste fondatrice. Après la guerre, les industries charbonnières européennes étaient obsolètes ; six pays firent alors le pari de réussir ensemble. Aujourd'hui, mettons le cap sur la croissante verte, créatrice d'emplois et de bien-être.

Nous pouvons aller plus vite, développer la recherche sur le stockage de l'énergie, par exemple, devenir les champions de la chimie verte. La rénovation des bâtiments, l'amélioration des modes de production d'énergie renouvelable, sont à notre portée. En conjuguant nos atouts, nous pourrons échapper aux soubresauts géopolitiques et assurer notre souveraineté et notre sécurité. Ne laissons pas les bureaucraties nous ralentir car les peuples s'impatientent.

L'uniformisation est une bataille perdue d'avance. Qu'importe que tout le monde ne soit pas prêt à s'engager dans une coopération renforcée : faisons avec ceux qui le veulent, pour réussir la troisième révolution industrielle. Voilà comment nous nous arracherons à la crise.

À nous de rendre l'Europe crédible et désirable. Les Français y croiront quand elle fera la preuve de sa capacité d'anticipation. C'est la politique par la preuve.

Les forces progressistes doivent mettre tout le monde en mouvement. L'Europe s'englue trop souvent dans des problèmes techniques et un vocabulaire technocratique -qui comprend ce qu'est un « paquet climat » ? Simplifions le vocabulaire ! Clarifions les objectifs !

Saisissons cette chance de changer de société, de régénérer notre démocratie en associant les citoyens aux décisions.

Notre calendrier est chargé. Il y a trois semaines, j'étais à Rome avec les ministres de l'énergie du G7 : je me suis entretenue en particulier avec mes homologues italien, allemand, britannique. Une convention climat se tiendra à Bonn les 5 et 6 juin. Le Conseil européen du 24 au 27 juin évoquera le paquet climat. Suivront la conférence de Nairobi, celle des Nations unies à New-York le 23 septembre, avant le conseil européen d'octobre-novembre qui sera décisif, puis le sommet de Paris... Je me réjouis de voir que la représentation nationale se saisit de ce débat.

Monsieur Dantec, comptez sur mon engagement, autant que je compte sur vous. Il est bon que le Sénat, la représentation nationale se saisissent de ce débat.

Monsieur Lenoir, je vous rejoins sur bien des points. (On s'en réjouit à droite) Mais ne répétons pas ce que disent les producteurs d'électricité en affirmant que l'augmentation de la consommation d'électricité est une fatalité, non plus que la hausse des prix. (Vifs applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Jean-Claude Lenoir.  - C'est un rapport du Gouvernement que je citais !

Mme Ségolène Royal, ministre.  - En comptant sur cette rente, pourquoi les producteurs investiraient-ils pour se renouveler ? Les bâtiments énergiquement neutres, les voitures propres, cela existe !

Faire baisser la consommation, c'est aussi faire baisser la facture. Ne faisons pas croire aux Français que le prix de l'électricité est condamné à augmenter ! Le modèle, c'est une société sobre, qui ne sera pas synonyme d'inconfort. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Jean-Vincent Placé.  - Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre.  - Une société intelligente, où chacun peut maîtriser sa consommation, grâce aux nouveaux compteurs.

Certains responsables politiques proposent de sortir du nucléaire. C'est respectable. Il est bon que le nucléaire soit soumis au débat démocratique. Ce n'est pas un tabou. Pour ma part, je suis pour l'intégration du nucléaire au mix énergétique, et pour l'investissement dans le nucléaire de demain.

M. Jean-Claude Lenoir et M. Jacques Mézard.  - Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre.  - Cela ne dispense pas EDF d'investir dans les énergies renouvelables. L'État actionnaire a son mot à dire. En rester aux choix du passé, ce n'est pas rendre service à EDF : le marché international a beaucoup changé depuis Fukushima ! (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Bruno Sido.  - Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Étonnant que les écologistes applaudissent...

M. René-Paul Savary.  - Nous n'avons pas dû tous comprendre la même chose !

Mme Ségolène Royal, ministre.  - Madame Jouanno, vous avez eu raison d'insister sur les difficultés que va créer le réchauffement climatique, en particulier avec le grand nombre de personnes déplacées et les conflits liés à l'accès à l'eau potable. Vous avez raison aussi de dire que l'Union européenne devrait avancer sur le prix du carbone.

De fait, madame Didier, les rapports de forces seraient différents si les transports étaient payés à leur vrai prix. Vous appelez à tirer chaque pays vers le haut, en partant de ses atouts : c'est une bonne approche. J'ai plaidé auprès de la Commission européenne la prolongation des concessions hydroélectriques en contrepartie de la transformation de ces entités en sociétés d'économie mixte.

C'est vrai, monsieur Courteau, la France est en retard pour l'isolation des bâtiments. Les passoires thermiques y sont nombreuses parce que l'énergie a longtemps été bon marché. Dans les pays où elle était chère, on a été plus regardant. Oui, il faut accélérer la simplification des procédures pour les entreprises. Il n'y a aucune raison pour que nos délais soient plus longs qu'en Allemagne. Je ferai bientôt des annonces à ce sujet. (M. Roland Courteau s'en félicite)

Monsieur Mézard, vous avez souligné le rôle du nucléaire. N'opposez pas entre elles les sources d'énergie, en effet. In fine, ce sont les Français qui paient la facture.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Eh oui !

Mme Ségolène Royal, ministre.  - Je refuse la fatalité de l'augmentation de 10 % par an de la facture des ménages : pourquoi la CRE se borne-t-elle à entériner le prix établi par les producteurs ? Pourquoi les entreprises ne feraient-elles pas des gains de productivité ?

M. Jean-Claude Lenoir.  - EDF n'est pas une entreprise privée.

M. Gérard Longuet.  - C'est une entreprise publique, la vôtre !

Mme Ségolène Royal, ministre.  - Je vais prendre la main ! La procédure de fixation des prix sera donc revue.

Merci de vos propos, monsieur Gattolin : la ministre que je suis a besoin de s'appuyer sur le Parlement pour peser en Europe.

Monsieur Husson, vous avez raison : les résultats se font attendre, et c'est pourquoi je suis déterminée à avancer, en coopération avec Sigmar Gabriel, avec le ministre britannique de l'énergie, qui a créé le green growth group... Tous sont très offensifs, mais les choses s'engluent trop souvent. Comme vous, monsieur Husson, je suis pour une écologie positive, qui ne soit pas synonyme de taxes. Et puisque vous avez fait un peu de polémique, je vous rappellerai que, sous le précédent quinquennat, il y avait bien eu le Grenelle mais que cela s'est terminé par « l'écologie, ça commence à bien faire »...

M. René-Paul Savary.  - Attendez... Il en sera peut-être de même !

Mme Ségolène Royal, ministre.  - La validation automatique des certificats serait une bonne chose, mais un contrôle est nécessaire pour éviter les fraudes, lesquelles, en définitive, sont payées par les non fraudeurs.

Merci d'avoir plaidé avec conviction madame Bataille : comptez sur mon ambition pour l'innovation.

Madame Bourzai, vous avez parlé en experte de l'interconnexion, et souligné les effets concrets que nous pouvons attendre de la croissance verte.

Merci à tous pour ce débat, dû au groupe écologiste et à son président. Nous nous reverrons vite. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Vous serez la bienvenue.