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Table des matières



Questions orales

Dotation de solidarité rurale

M. Pierre-Yves Collombat

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique

Fusion des EPCI

M. Bernard Fournier

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique

Métropoles

M. Michel Savin

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique

Accueil des personnes handicapées

M. Daniel Reiner

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie

Loi Obamacare et Français de l'étranger

M. Jean-Yves Leconte

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie

Numerus clausus et désertification médicale

M. Dominique Watrin

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie

Cumul du minimum vieillesse avec des revenus professionnels

Mme Isabelle Debré

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie

Kafala

M. Richard Yung

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie

AVAP

Mme Catherine Deroche

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Cumul du PTZ pour l'accession à la propriété et aide de l'Anah

M. Richard Yung, en remplacement de M. Gilbert Roger

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Enrichissement des vins

M. Robert Tropeano

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Centre des finances publiques dans le Morbihan

M. Michel Le Scouarnec

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP)

M. Roger Madec

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Tickets restaurant

M. Christian Cambon

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Voitures électriques

M. Jean Besson

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Recherches minières dans la Creuse

Mme Renée Nicoux

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Réduction du réseau de distribution de la SNCF

M. Thierry Foucaud

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Mytiliculteurs de la baie de l'Aiguillon en Charente-Maritime

M. Daniel Laurent

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Photovoltaïque

M. Yvon Collin

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Modification à l'ordre du jour

Schéma régional des crématoriums

Discussion générale

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi

M. Jean-René Lecerf rapporteur de la commission des lois

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

M. Bernard Saugey

M. Jean-Yves Leconte

M. Robert Tropeano

Mme Esther Benbassa

M. Yves Détraigne

Mme Cécile Cukierman

M. André Vallini, secrétaire d'État

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE 3

Techniques biométriques

Discussion générale

M. Gaëtan Gorce, auteur de la proposition de loi

M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique

Mme Virginie Klès

M. François Fortassin

Mme Esther Benbassa

M. Yves Détraigne

Mme Éliane Assassi

M. Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Yves Leconte

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Charte de l'environnement (Proposition de loi constitutionnelle)

Discussion générale

M. Jean Bizet, auteur de la proposition de loi constitutionnelle

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche

M. Jacques Mézard

Mme Marie-Christine Blandin

Mme Chantal Jouanno

Mme Évelyne Didier

M. Michel Teston

M. Philippe Bas

M. Michel Berson

Discussion de l'article unique

Interventions sur l'ensemble

M. Jean-Claude Lenoir

M. Daniel Raoul

M. Michel Teston

Mme Évelyne Didier

M. François Grosdidier

M. Jacques Mézard

Mme Chantal Jouanno

M. René-Paul Savary

M. Bruno Sido

Mme Marie-Christine Blandin

M. Jean Bizet, auteur de la proposition de loi

Ordre du jour du mercredi 28 mai 2014

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mardi 27 mai 2014

102e séance de la session ordinaire 2013-2014

présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président

Secrétaires : M. Jean Boyer, M. Marc Daunis.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle dix-neuf questions orales.

Dotation de solidarité rurale

M. Pierre-Yves Collombat .  - Le mode de scrutin adopté pour les élections cantonales en mai 2013 pose des questions de fond, notamment sur la représentation des territoires ruraux. Je passerai sur l'évaporation programmée des départements en 2021...

Ma question concerne un point annexe mais important : l'incidence du redécoupage cantonal sur le calcul de la fraction « bourg centre » de la dotation de solidarité rurale (DSR). Les chefs-lieux appartiennent d'office à la catégorie « bourg centre » ainsi que les communes pouvant se prévaloir d'au moins 15 % de la population du canton.

En conséquence de la loi du 17 mai 2013 qui divise par deux le nombre de cantons, les chefs-lieux qui seront supprimés ainsi que les communes n'atteignant plus le seuil de 15 % de la population de leurs nouveaux cantons - fortement agrandis - perdront la fraction « bourg centre » de la DSR. Pour ces communes, cette perte, alors que la DGF régresse, créera nécessairement des difficultés de financement et de fonctionnement.

Que comptez-vous faire pour leur éviter cette situation quelque peu explosive ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique .  - Votre question est légitime ; elle taraude les élus, je l'ai constaté lors de mes déplacements.

La loi du 17 mai 2013 n'aura pas d'incidence financière sur la fraction « bourg centre » avant 2017, puisque les anciens chefs-lieux de canton conserveront cette qualité jusqu'au prochain renouvellement des conseils départementaux et que l'éligibilité à la fraction « bourg centre » est appréciée en fonction de la situation des communes au 1er janvier de l'année précédente.

Le Gouvernement, conscient de cet enjeu de solidarité financière, a fait progresser la DSR de 110 millions entre 2012 et 2014, pour atteindre 950 millions. Jean-Marc Ayrault avait promis que l'évolution de la carte cantonale n'aurait pas d'incidence financière sur les chefs-lieux de canton. Dès cette année, en juin, des décisions seront prises au sein du Comité des finances locales et Manuel Valls s'est engagé à prendre en compte la situation des territoires ruraux.

Merci de cette question, donc, qui intéresse tous les maires de chefs-lieux.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je salue votre attention à cette question. Il n'empêche, je me méfie des pourcentages : 50 % de rien, c'est peu... Surtout, vous ne m'avez pas répondu sur les communes comptant au moins 15 % de la population du canton. Tant qu'on n'aura pas trouver de solution satisfaisante, mieux vaudrait coefficienter d'une année sur l'autre, comme on l'a fait naguère pour la DGF.

Fusion des EPCI

M. Bernard Fournier .  - La loi du 16 décembre 2010 a simplifié le cadre juridique de la fusion des EPCI ; elle a été modifiée par la loi du 29 février 2012 et les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale ont été assouplies. Les nouvelles intercommunalités se voient refuser l'enregistrement, par les services des hypothèques, de toute vente de parcelles ou de crédits-baux immobiliers, sans que soit au préalable établi, par acte en la forme administrative ou par acte notarié, un transfert des biens entre les anciens EPCI fusionnés et la nouvelle entité.

Cette procédure alourdit considérablement l'exercice effectif des compétences du nouvel EPCI issu de la fusion et constitue surtout une charge financière supplémentaire. La loi prévoit pourtant que l'ensemble des biens sont transférés automatiquement à l'établissement issu de la fusion. Cette dernière, effectuée à titre gratuit, ne donne lieu au paiement d'aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraire.

À l'heure où les budgets locaux sont resserrés et après des fusions parfois contraintes - ce fut le cas dans mon département - comment comptez-vous remédier à cette situation anormale ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique .  - Je suis sensible à votre question. Il serait déraisonnable de se passer d'un enregistrement des actes. Mais une exonération générale a été prévue en cas de fusion, en application de l'article L.511-43 du code des collectivités territoriales, élargie aux communes nouvelles par l'article 46 de la loi de finances rectificative pour 2013.

Il fallait clarifier ce point à l'heure où l'intercommunalité progresse. Je procéderai à un rappel des règles.

M. Bernard Fournier.  - Je me réjouis que nous ayons la même analyse. Merci de ces éclaircissements nécessaires.

Métropoles

M. Michel Savin .  - Certains établissements publics de coopération intercommunale pouvaient rencontrer des difficultés lors de leur transformation en métropole prévue au 1er janvier 2015 en application de la loi du 27 janvier 2014. Ces transferts de compétences sont lourds de conséquences en matière d'organisation de la continuité du service public, de transferts de personnel, de dotations et de fiscalité.

Les nouvelles collectivités pourront définir leurs nouvelles compétences dès que les décrets et circulaires seront publiés. Le renouvellement des équipes municipales a également fait perdre plusieurs semaines. Toutes les communautés urbaines ou d'agglomération n'ont pas le même niveau d'intégration. À Grenoble, nous en sommes encore au stade du diagnostic et le projet de la nouvelle mandature sera présenté sous peu. Il nous reste six mois pour le passage à la métropole, c'est insuffisant. Ne peut-on pas repousser d'un an l'application de la loi pour les EPCI qui en feraient la demande ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique .  - L'article 43 de la loi du 26 janvier 2014 prévoit la transformation par décret en métropoles des EPCI de plus de 400 000 habitants situés dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants. Le nouveau statut de métropole est un progrès, reconnu par tous. Repousser la date du 1er janvier 2015, qui a été voulue par le législateur, nuirait au processus d'intégration de l'exercice des politiques publiques locales à l'échelle des grands bassins de vie, donc au redressement de nos territoires.

Reste des problèmes à régler ; les services de l'État sont à la disposition des collectivités pour les aider à les résoudre. Ne laissons pas ces métropoles au bord du chemin de la réforme territoriale.

M. Michel Savin.  - Toutes les collectivités n'en sont pas au même niveau d'intégration. Les communautés urbaines ont bien progressé, les communautés d'agglomération moins. À Grenoble, rien n'a été fait sur le logement, l'économie, la gestion de l'eau... La précipitation serait un très mauvais signal, donnez-nous le temps d'organiser le transfert dans de bonnes conditions sans mettre en cause la métropolisation ; c'est tout ce que je demande.

Accueil des personnes handicapées

M. Daniel Reiner .  - Entre 6 000 et 8 000 enfants et adultes et enfants handicapés sont accueillis en Belgique, faute de places en France dans les institutions spécialisées.

Dans mon département frontalier de Meurthe-et-Moselle, les familles demandent la construction d'un foyer de vie à Jarny. La presse comme les associations ont alerté sur le « scandale des handicapés » dans certains établissements en Belgique ; l'assurance maladie et les conseils généraux finançant en grande partie l'accueil, il est normal que nous puissions en garantir la qualité.

Mme Neuville s'est rendue à Namur pour y rencontrer son homologue de Wallonie ; elle a rencontré des élus à Lille. Comment comptez-vous mieux coopérez avec la Belgique ? Allez-vous créer des places supplémentaires ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Le Gouvernement crée 3 000 à 4 000 places d'accueil pour les personnes handicapées par an - 1 000 places en 2014 en Ile-de-France, qui en manque cruellement. Pour autant, tous les besoins ne sont pas couverts. Un rapport a été confié à M. Piveteau, conseiller d'État, qui devrait rendre ses préconisations dans les semaines qui viennent. Des conventions plus rigoureuses seront signées avec les établissements wallons.

M. Daniel Reiner.  - Ce rapport sera effectivement utile, il dressera un bilan. Le problème ne se pose pas seulement à Lille, mais aussi dans les Ardennes et en Lorraine.

Loi Obamacare et Français de l'étranger

M. Jean-Yves Leconte .  - La loi Obamacare, entrée en vigueur au 1er janvier 2014, impose à toute personne fiscalement résidente aux États-Unis de souscrire une assurance maladie avant le 31 mars 2014, sous peine d'amende. À ce jour, la Caisse des Français de l'étranger n'est pas reconnue par les autorités américaines comme satisfaisant aux exigences de la loi américaine.

Quelles mesures peuvent être prises dans les meilleurs délais pour que soit reconnue l'affiliation à la Caisse des Français de l'étranger et éviter à nos compatriotes toute double cotisation ? Est-il exact que les résidents étrangers aux États-Unis disposent d'un délai d'un an pour choisir leur couverture maladie ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie .  - La Caisse des Français de l'étranger dispose d'une offre équivalente à celle de la CNAMTS qui devrait être jugée satisfaisante par l'administration américaine, charge à la Caisse des Français de l'étranger de mener les discussions avec elle et d'informer ses adhérents. Ceux-ci, à ce jour, ne disposent pas d'un délai supplémentaire d'un an. Merci de votre implication dans ce dossier.

M. Jean-Yves Leconte.  - La Caisse des Français de l'étranger doit au plus tôt obtenir sa reconnaissance par l'administration américaine.

Je me félicite en outre de la récente décision du Conseil constitutionnel ; le Gouvernement doit prendre des dispositions prochainement pour revoir la gouvernance de la Caisse.

Numerus clausus et désertification médicale

M. Dominique Watrin .  - Je salue le relèvement du numerus clausus, qui n'est cependant pas un outil de régulation complètement pertinent dans la mesure où 24 % des médecins nouvellement inscrits au tableau en 2013 sont titulaires d'un diplôme étranger... Les contrats d'engagement de service public sont bienvenus mais ils ne concernent que 0,7 % de l'effectif des généralistes, dont le nombre devrait baisser fortement dans les années à venir.

Le problème de la désertification médicale se pose avec d'autant plus d'acuité dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, où la surmortalité évitable est supérieure à la moyenne nationale et où le déficit en spécialistes est criant. La région, victime des choix des gouvernements successifs, ne compte qu'un seul CHU pour 4,5 millions d'habitants - il n'y en a aucun dans le Pas-de-Calais, 1,45 million d'habitants.

Madame la ministre, pouvez-vous confirmer la vocation universitaire du futur pôle hospitalier de la Gohelle, à Lens, et prendre des engagements sur les effectifs hospitalo-universitaires ? Le pôle devra établir des relations solides avec les centres de santé du régime minier.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Le numerus clausus a été doublé dans le Nord-Pas-de-Calais entre 1991 et 2010 pour atteindre 552 places. La formation en médecine étant longue, il faut en attendre les effets.

Cela ne suffira pas à assurer une meilleure couverture médicale des territoires. Le Pacte territoire santé prévoit des allocations de 1 200 euros pour les étudiants médecins qui s'engagent à exercer dans des zones déficitaires. Pour 2013-2014, 290 contrats ont été signés, dont douze dans le Nord-Pas-de-Calais. Un statut de praticien territorial a été créé pour encourager l'installation dans les mêmes zones. Le nombre de médecins correspondants du Samu a été également relevé de 150 en 2012 à 650 en 2014.

Dans un contexte budgétaire contraint, aucun poste n'a été créé au CHU de Lille, mais un poste de maître de conférence a été transformé en poste de professeur.

Le Gouvernement est attentif à la pérennité du centre hospitalier de Lens. Le développement de coopérations avec l'Association hospitalière Nord-Artois-Clinique et les centres hospitaliers du territoire de l'Artois- Douaisis, permettra de dimensionner le pôle de la Gohelle et d'organiser une offre de soins cohérente et équilibrée. La participation de ce pôle aux missions d'enseignement et de recherche sera étudiée en liaison avec le CHU de Lille.

M. Dominique Watrin.  - Vous l'avez reconnu, la hausse du numerus clausus ne suffit pas. Dans ce cas, pourquoi ne pas prendre des mesures plus incitatives, voire directives ? L'enjeu pour le centre de la Gohelle est d'y fixer des spécialistes et de construire de liens avec les centres de santé.

Cumul du minimum vieillesse avec des revenus professionnels

Mme Isabelle Debré .  - Le 31 janvier 2013, le Sénat adoptait une proposition de loi autorisant les bénéficiaires du minimum vieillesse à cumuler leur allocation avec des revenus tirés d'une reprise d'activité, dans la limite d'un plafond. Cette mesure pragmatique redonne de la dignité aux retraités modestes et les aide à sortir de la pauvreté. Malheureusement, son examen été reporté sine die par l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption d'une motion de renvoi. J'en ai pris acte et proposé un amendement au projet de loi garantissant l'avenir du système de retraites. Sans y être favorable, Mme Touraine avait estimé cette disposition légitime et précisé qu'un décret suffisait. Quinze mois après, aucun texte n'a été publié. Certes, l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) a été revalorisée le 1er avril de 0,6 % pour atteindre 792 euros - mais le seuil de pauvreté est à 977 euros... Pourquoi tant de temps perdu ? Pourquoi laisser perdurer cette discrimination à l'égard des retraités pauvres ? Ils attendent.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Mme Touraine a tenu ses engagements : l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé a été augmentée ; l'Aspa a été revalorisée en avril et le sera une deuxième fois en octobre ; le décret autorisant le cumul sous plafond, en cours de consultation, sera publié avant l'été.

Mme Isabelle Debré.  - On aurait pu aller beaucoup plus vite, nous avons perdu deux ans. Quel sera le plafond ? Nous l'avions précisé dans notre proposition de loi. Le droit de travailler est un droit fondamental dans notre pays.

Kafala

M. Richard Yung .  - Prévue par le droit coranique, la kafala est un acte de recueil légal d'un enfant mineur qui ne crée pas de lien de filiation. Elle a été reconnue comme une mesure de protection de l'enfant par l'article 20 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989. Le droit français ne la reconnaît pas, ce qui crée des difficultés pour les familles, par exemple pour obtenir un visa pour l'enfant recueilli en kafala.

En 2009, le médiateur de la République avait suggéré de transposer dans la loi les propositions suivantes : définition d'une procédure d'agrément applicable à la kafala ; application de la jurisprudence du Conseil d'État concernant le regroupement familial : unification des règles de délivrance des visas de long séjour aux enfants recueillis par kafala ; opposabilité de plein droit des effets juridiques de la kafala en France ; suppression du délais de résidence de cinq ans exigé pour l'attribution de la nationalité française aux enfants recueillis par kafala judiciaire et élevés par une personne de nationalité française ; introduction de la possibilité de recourir à l'adoption simple quand la loi du pays d'origine interdit l'adoption. On attendait beaucoup de la loi « famille » ; son silence sur la kafala a créé la déception. Quelles sont les réflexions engagées au sein du ministère de la justice sur le statut de la kafala ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme la garde des sceaux, retenue à l'Assemblée nationale.

L'article 370-3 du code civil interdit l'adoption internationale si elle est prohibée par le pays d'origine, sauf si l'enfant est né et réside habituellement en France. Cela est conforme à la convention de La Haye du 29 mai 1993. Il y va du respect dû à la souveraineté des États.

La suppression de la condition de délai de résidence pour la naturalisation appelle une réflexion approfondie car il ne faudrait pas créer de distorsion avec les enfants nés en France de parents étrangers.

Enfin, la kafala judiciaire est reconnue par les tribunaux français et les enfants ne sont pas sans statut : preuve en est l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 4 octobre 2012, qui a jugé que le dispositif français ne portait pas atteinte au respect de la vie privée et familiale. Les effets en France de la kafala ont été rappelés par voie de circulaire.

M. Richard Yung.  - Circulez, il n'y a rien à voir... Pourtant, un groupe de travail s'est penché sur la question durant deux ans à la Chancellerie. Il y a des améliorations à apporter, nous y reviendrons lors de la discussion du projet de loi Famille.

La séance, suspendue à 10 h 25, reprend à 10 h 30.

AVAP

Mme Catherine Deroche .  - Les collectivités territoriales de mon département s'inquiètent de l'obligation qui leur est faite de transformer leur zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) en aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (Avap). L'article L. 642-8 du code du patrimoine dispose que les ZPPAUP mises en place avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 2010 continuent de produire leurs effets jusqu'à ce que s'y substitue une Avap et ce, au plus tard dans un délai de cinq ans. Ainsi, les ZPPAUP existantes seront caduques au 14 juillet 2015 si une Avap ne s'y est pas substituée à cette date.

Or, non seulement ce délai apparaît trop court mais le principe même du dispositif est dénoncé. Que se passera-t-il si la loi sur le patrimoine annule les Avap ? Ainsi, le maire de la commune de Denée craint de voir ses choix annihilés par l'abandon ou la transformation d'une législation qui fonctionne parfaitement grâce à la collaboration des architectes des bâtiments de France.

À ce jour, il existe 670 ZPPAUP en France dont les contenus sont très variables. Moins d'une centaine ont été transformées en Avap. Et le processus coûte cher. Quelles dispositions seront prises dans le cadre de la future loi sur le patrimoine ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication .  - C'est la loi Grenelle II qui a institué les Avap ; le délai a été prorogé d'un an par la loi Alur, donc jusqu'au 14 juillet 2016.

J'ai pleinement conscience des difficultés et des dangers pour le patrimoine : c'est pourquoi le projet de loi Patrimoine supprime toute échéance couperet et crée un seul outil de protection, nommé à ce jour « cité historique », qui intégrera ZPPAUP et Avap pour en préserver les acquis. Ce texte de simplification est au service des élus ; il traitera de l'ensemble du patrimoine, rendra sa protection plus compréhensible, mettra fin à la superposition des règles et des servitudes. Je ne doute pas qu'un consensus se dégagera.

Mme Catherine Deroche.  - Merci. Le processus est long et coûteux pour les communes qui font le choix courageux de protéger leur patrimoine.

Cumul du PTZ pour l'accession à la propriété et aide de l'Anah

M. Richard Yung, en remplacement de M. Gilbert Roger .  - Les primo-accédants ne peuvent bénéficier à la fois du prêt à taux zéro (PTZ) pour l'accession à la propriété puis des aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) relatives à l'amélioration de l'habitat. Cette interdiction pose problème, notamment depuis que le PTZ s'applique aux logements anciens. Les primo-accédants sont bien souvent de jeunes ménages aux revenus modestes qui ne peuvent s'endetter davantage pour leurs travaux. Leur interdire d'effectuer des travaux de rénovation thermique, c'est les contraindre à une dépendance énergétique forte pendant cinq ans, qui réduit d'autant leur pouvoir d'achat et entraîne des gaspillages.

Le Gouvernement est-il prêt à prendre des dispositions ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication .  - Je vous prie d'excuser Mme Pinel. Le « PTZ + » est accordé sous conditions de ressources. Depuis le 1er janvier 2012, il ne peut plus financer que la construction d'un logement, l'achat d'un logement neuf ou l'achat, par les locataires HLM, d'un logement ancien vendu par un bailleur social à ses occupants - ce dernier cas a concerné en 2013 200 ménages, soit moins de 0,5 % des PTZ+ émis. L'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation thermique fait que dans la quasi-totalité des cas, le « PTZ+ » est utilisé pour financer un logement qui ne nécessite pas à court terme de travaux d'amélioration énergétique. Il n'est pas utile de revoir la réglementation.

Le programme « Habiter mieux », lancé en 2013, est destiné aux ménages modestes. D'autres aides sont mobilisables, comme le crédit d'impôt « développement durable », qui couvre jusqu'à 25 % des dépenses de travaux ; la prime à la rénovation énergétique de 1 350 euros, accordée sous condition de ressources ; l'éco-prêt à taux zéro. Un réseau de points d'information couvre l'ensemble du territoire.

M. Richard Yung.  - Votre réponse devrait satisfaire M. Roger.

Enrichissement des vins

M. Robert Tropeano .  - La nouvelle Organisation commune de marché (OCM) de 2008 apportait aux viticulteurs du sud de la France une aide sur trois ans, destinée à compenser le coût différentiel des méthodes employées pour l'enrichissement du vin : la chaptalisation est, en effet, beaucoup moins onéreuse que l'enrichissement par moûts concentrés à partir du raisin, méthode employée par les viticulteurs du Languedoc-Roussillon. La suppression de cette aide entraîne des surcoûts inadmissibles et lèse des viticulteurs confrontés comme les autres à la concurrence mondiale.

Aucune solution ne pourra être trouvée avant les vendanges, malheureusement. Comment aider nos viticulteurs ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication .  - La France demandera le rétablissement de l'aide à l'enrichissement aux moûts concentrés, dont la suppression a pris effet, lors des vendanges de 2012. Nous ne l'obtiendrons pas pour les vendanges de 2014. En attendant, les ministères de l'agriculture et de la consommation vont clarifier les règles de dérogation à l'interdiction de la chaptalisation. Il s'agit d'harmoniser, grâce à des lignes directrices, les pratiques des préfets.

M. Robert Tropeano.  - Il est dommage que le problème ne puisse être réglé dès cette année. Les viticulteurs du Languedoc-Roussillon se battent pour produire des vins de qualité, qu'ils exportent jusqu'en Chine et au Canada.

La séance, suspendue à 10 h 50, reprend à 11 heures.

Centre des finances publiques dans le Morbihan

M. Michel Le Scouarnec .  - Les agents du fisc du Morbihan subissent dans leurs effectifs les coupes claires voulues par la DGFiP. 14 000 emplois ont été supprimés à l'échelle nationale. Cinq trésoreries ont déjà été fermées dans mon département. Le service public recule sous l'effet de la politique d'austérité, sans le moindre souci des agents ou des usagers. Moins de personnel, moins de moyens de fonctionnement : voilà votre projet.

Le service public est en souffrance, les agents sont les premiers à en ressentir les symptômes. De plus, les receveurs municipaux sont en lien étroit avec les collectivités pour la gestion des comptes publics. L'État ne saurait se désengager de cette mission primordiale pour les élus et la déléguer à des cabinets d'experts-comptables privés.

Amenderez-vous bientôt ce plan, pour surseoir à la disparition de nouveaux postes ?

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Veuillez excuser M. Sapin, en déplacement à Aulnay pour suivre le travail des services des Douanes.

La DGFiP adapte ses implantations avec pragmatisme, en fonction des besoins locaux, sur la base de la concertation. Aucun objectif chiffré n'a été fixé. Cette démarche est déconcentrée.

Dans le Morbihan, où le réseau est dense avec 49 centres comptables, la taille trop réduite des structures ne leur permet pas de travailler convenablement et pose des difficultés de gestion. Aucun projet de regroupement n'a toutefois été validé à ce jour. En outre, les usagers peuvent désormais accomplir de nombreuses démarches par voie numérique. Si 24 équivalents temps plein sont supprimés en 2014, après 32 en 2013, c'est moins, en proportion, que la moyenne nationale. Les catégories B et C ainsi que les services déconcentrés sont relativement épargnés.

M. Michel Le Scouarnec.  - Je note qu'aucun regroupement n'est encore prévu pour 2015. Le personnel est inquiet, cependant. J'invite le Gouvernement à la prudence. Il y a tant à faire pour lutter contre la fraude fiscale !

Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP)

M. Roger Madec .  - Créé par la loi de 2003, le régime de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), qui concerne 4,5 millions de fonctionnaires, est financé à parité par les fonctionnaires et les employeurs. Les contraintes imposées par l'arrêté du 26 novembre 2004 sont extrêmement sévères : ses 16 milliards d'euros d'actifs doivent être investis à 65 % pour les actifs à revenu variable et 10 % pour l'immobilier. Les caractéristiques du marché obligataire altèrent depuis au moins deux ans, et de manière durable, les perspectives de rendement associées à cette classe d'actifs, au point que le risque de destruction de valeur sur le portefeuille de l'ERAFP n'est pas exclu.

En outre, cette allocation d'actifs empêche le RAFP de jouer son rôle au service de l'économie durable alors que ses caractéristiques de passif la conduiraient naturellement à investir à long terme et à apporter aux entreprises le capital patient dont elles ont besoin, par exemple dans le domaine du logement où le Gouvernement mène une politique volontariste.

Élu du nord-est parisien, je sais combien les besoins sont grands. Le Gouvernement envisage-t-il d'accroître la part des actifs à revenu variable et d'autoriser les placements dans des fonds « ouverts » ?

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Veuillez excuser, encore une fois, M. Sapin. Les règles d'investissement de l'ERAFP obéissent à une logique prudentielle. Le Gouvernement est conscient, toutefois, des difficultés posées par la baisse des taux. Nous avons donc demandé à l'établissement une étude sur le portefeuille optimal afin de financer l'économie réelle tout en préservant la sécurité des épargnants. Nous vous tiendrons informé.

M. Roger Madec.  - Je me félicite de cette évolution. Ne laissons pas passer cette opportunité de financer le logement social.

Tickets restaurant

M. Christian Cambon .  - Les tickets restaurant existent depuis les années 60. Mais les habitudes de consommation ont évolué. Depuis le 30 novembre 2010, un décret autorise les détaillants en fruits et légumes à accepter des titres-restaurant. Ainsi, le salarié peut utiliser ces bons pour déjeuner à la table d'un restaurant, auprès d'une boulangerie, charcuterie, supérette ou d'une moyenne surface. L'essentiel est de consommer un produit à consommation immédiate.

Or depuis le 1er janvier 2014, ces différents points de vente sont assujettis à des taux de taxe sur la valeur ajoutée très différents. Quand la supérette vend des produits contre un titre restaurant, elle est taxée à 5,5 %, le restaurant à 10 %. Dans une boulangerie, les sandwichs ou salades vendues avec assaisonnements et couverts, étant considérés comme de consommation immédiate, sont taxables à 10 % alors que le pain, les viennoiseries et pâtisseries, étant considérés comme à consommation différée, sont soumis au taux de 5,5 %. Un maquis fiscal où l'on a bien du mal à se retrouver.

L'utilisation du titre restaurant s'est donc considérablement éloignée de son usage initial, soit 1,55 milliard d'euros de chiffre d'affaires perdu pour les restaurateurs.

Les organisations professionnelles demandent un même taux de TVA intermédiaire pour tous les produits consommables immédiatement. Ce manque-à-gagner représente l'équivalent de 20 000 emplois dans un secteur où il existe 150 000 emplois non pourvus. Comment mettre fin à cette distorsion de concurrence ?

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Les sandwichs, salades salées ou sucrées, même si ces dernières ne sont composées que d'un fruit, avec couverts, sont considérées comme des produits à consommation immédiate, quel que soit l'emballage. La distinction avec les produits à consommation différée a été introduite en 2011, afin de ne pas recréer de distorsion entre restauration rapide et classique.

M. Christian Cambon.  - Je vous vois perplexe : entre salades salées et sucrées, avec ou sans couverts, on s'y perd... J'espère que Bercy nous permettra d'y voir fiscalement plus clair et allègera surtout le fardeau des restaurateurs. Encore une fois, il y a des emplois en jeu.

Voitures électriques

M. Jean Besson .  - Après le débat national sur la transition énergétique, puis l'installation du Conseil national de la transition écologique en 2013 et à l'aube de la présentation du projet de loi sur la transition énergétique, il est urgent de donner une direction claire à l'industrie automobile et énergétique française.

Alors que nombre de Français s'interrogent sur un potentiel rééquilibrage de la fiscalité entre le gasoil et l'essence, ils sont malheureusement trop peu incités à se tourner vers des technologies d'avenir moins polluantes. Ces filières d'avenir bénéficient d'un potentiel énorme pour favoriser le redressement productif de la France mais aussi pour réduire la pollution. Or certaines mesures freinent le développement des voitures électriques. C'est le cas notamment du bonus écologique, qui diffère selon le mode d'acquisition du véhicule, au comptant ou en location longue durée. Pour exemple, le bonus pour une Renault Zoé, véhicule tout électrique, passe de 6 300 euros à 4 100 euros pour un achat en location longue durée.

C'est aussi le cas pour les collectivités locales. J'ai constaté, en tant que président du syndicat départemental d'énergies de la Drôme que le choix de modèles hybrides pour le renouvellement de la flotte de véhicules de service a été en partie motivé par le montant du bonus dont la collectivité a pu bénéficier. Que compte faire le Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Veuillez excuser M. Montebourg, retenu. L'électro-mobilité doit être mise au service de notre souveraineté énergétique. Les ventes de véhicules électroniques ont progressé de moitié en 2013. Les voitures électriques vont changer nos villes et nos vies. Nos constructeurs ont pris de l'avance, soutenus par l'État : le bonus écologique a été consolidé à 6 300 euros et des discussions sont en cours pour des achats en location à longue durée. Les commandes de l'État sont passées de moins de 100 véhicules en 2012 à 1 270 en 2013. Le nouveau Programme d'investissement d'avenir (PIA) soutient des projets innovants, comme « Badge » porté par Renault ou « Essencycle » par Valéo.

Pour mettre fin à la « peur de la panne », une mission a été confiée au préfet Vuibert pour multiplier les points de recharge. Une proposition de loi en ce sens sera discutée ici-même le 3 juin.

M. Jean Besson.  - Je salue votre engagement, conforme au « patriotisme économique » cher à M. Montebourg. La France est un des leaders mondiaux du véhicule électrique. Les collectivités territoriales s'impliquent, aux côtés de l'État.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien !

Recherches minières dans la Creuse

Mme Renée Nicoux .  - L'octroi du permis dit « de Villeranges » à la société Cominor, le 18 novembre 2013, pour des recherches de mines d'or, de cuivre, d'argent, d'antimoine, de zinc, d'étain de tungstène et autres substances connexes dans sept communes creusoises suscite l'inquiétude à cause des produits utilisés, comme l'arsenic et le cyanure, et des risques de pollution. Le site se situe à proximité de la rivière La Voueize et de l'étang des Landes, qui recèle un patrimoine naturel extraordinaire, reconnu par l'Europe.

Le conseil général, qui espère devenir un éco-département, a adopté le 19 mai dernier une motion demandant le retrait du permis accordé à Cominor. Si tel n'était pas le cas, quelles mesures de concertation adopterait le Gouvernement ? Comment le patrimoine naturel serait-il protégé ?

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Le permis de Villeranges, accordé le 18 novembre 2013, a été émis après un avis favorable du Conseil général de l'industrie, de l'économie, de l'énergie et des technologies. Ce permis n'accorde qu'un droit de recherche ; Cominor devra ensuite, selon l'importance des travaux, déposer une déclaration ou une demande d'autorisation. C'est dans ce cadre que seront examinés les impacts environnementaux et engagée une enquête publique.

Si la société Cominor voulait ensuite exploiter le site, elle devrait demander une concession minière, qui exigerait une double instruction préfectorale et ministérielle et serait soumise à l'avis du Conseil d'État. Si la concession était accordée, le préfet exercerait la police des mines.

Vous le voyez, le code minier encadre strictement la procédure, qui sera renforcée lors de la prochaine réforme. Gouvernement et Parlement sont sur la même ligne pour développer ce secteur créateur d'emplois sans risque pour l'environnement.

Mme Renée Nicoux.  - La mine d'or de Châtelet, non loin de Villeranges, exploitée de 1905 à 1955, a été dépolluée en 2011 seulement, sur fonds publics, à hauteur de 4,5 millions. Vous comprendrez mieux les inquiétudes des élus et des habitants... Cela dit, je transmettrai votre réponse rassurante.

Réduction du réseau de distribution de la SNCF

M. Thierry Foucaud .  - Depuis plusieurs années, la gestion par marché adoptée par l'entreprise publique SNCF se décline par une différentiation de gestion des offres de transport et de ses prestations complémentaires. Ce choix de conduite de la SNCF et de son groupe dépasse l'approche comptable pour intégrer une logique uniquement financière à l'imputation des coûts de fonctionnement.

Ce système de cloisonnement structurel et opérationnel touche l'usage des locaux, l'utilisation des personnels et les moyens matériels. Ce choix entraîne des réductions significatives des points d'accueil des usagers.

Alors que les exigences collectives en matière d'éco-mobilité et de développement des technologies nouvelles devraient étendre, fluidifier, amplifier les possibilités d'accès à la préparation aux voyages, la SNCF poursuit sa politique de sape du service public de proximité.

Après les gares fermées, les triages désaffectés, les arrêts supprimés un peu partout en France, la SNCF décide ainsi de la fermeture prochaine de points de vente de billets. Après, entre autres, Ivry-sur-Seine et Argelès-Gazost, sont ciblés, dans le seul département de la Seine-Maritime, les guichets du Havre, de Sotteville-lès-Rouen et de Rouen-Saint-Sever.

La zone Seine-sud de l'agglomération de Rouen serait particulièrement impactée par la fermeture des deux boutiques précitées, alors que la gare d'Oissel fait déjà l'objet de nombreuses journées de fermetures inopinées et qu'a été décidée la fermeture de la gare de Saint-Étienne-du-Rouvray.

Les retraités, les mères de famille, les travailleurs, nombreux à utiliser le chemin de fer et à fréquenter les boutiques, ont besoin de conseils personnalisés, de présence humaine pour organiser leurs voyages ou leurs trajets quotidiens, pour comprendre les tarifications de plus en plus complexes.

Quelles actions entend mener le Gouvernement pour assurer le maintien de ces boutiques de la rive gauche de Rouen, mais aussi de celle du Havre et du Tréport, comme de toutes celles actuellement menacées de fermeture sur le territoire national ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Le maintien d'un service ferroviaire de proximité, accessible à tous, est une question qui se pose sur tout le territoire, et dans des zones moins urbanisées que la vôtre ; nous l'avons évoquée il y a quelques jours avec le président de la SNCF.

Cependant, les pratiques évoluent : 36 % des billets sont vendus par internet, 26 % aux guichets de gare. Le déficit des boutiques de Rouen a atteint 300 000 euros en 2012, 400 000 euros en 2013.

On ne peut s'en tenir à une approche strictement comptable. Cet après-midi l'Assemblée nationale entame l'examen du projet de loi de réforme ferroviaire, sachant qu'il y a un déficit de 1,5 milliard chaque année ! Nous devons tenir compte de cette réalité tout en préservant le service public car il est le service public. Les boutiques de Rouen sont à 15 minutes en tramway des guichets de gare. Ce n'est pas le cas partout, optimisons nos services en fonction des besoins des populations. La dimension humaine ne doit pas être occultée, nous y reviendrons lors de la présentation de la réforme ferroviaire.

M. Thierry Foucaud.  - Optimiser d'accord, rentabiliser non. J'entends que vous êtes conscient du problème et que vous y travaillez avec la SNCF. Je veux bien apporter ma pierre à l'édifice pour ce qui est de la Seine-Maritime. Si la fréquentation des boutiques diminue, c'est en raison de leur fermeture inopinée. Quant aux quinze minutes jusqu'aux guichets de gare...

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État.  - En tramway !

M. Thierry Foucaud.  - ... même en tramway, c'est une autre histoire !

Mytiliculteurs de la baie de l'Aiguillon en Charente-Maritime

M. Daniel Laurent .  - Les mytiliculteurs de la baie de l'Aiguillon sont confrontés à un phénomène de mortalité d'une exceptionnelle gravité depuis le début du printemps. La totalité des moules sur filières et 80 % des moules de bouchot sont décimées. La perte de production est estimée à plus de 15 millions d'euros. Soixante entreprises de Charente-Maritime et de Vendée sont immédiatement touchées, n'ayant aucun moyen de faire face seules à cette crise sans précédent. Les chercheurs de l'Ifremer n'ont, à ce jour, pas de réponse sur les causes de mortalité, sans exclure la présence d'une bactérie. Les mytiliculteurs attendent des réponses concrètes et rapides : prise en charge des cotisations patronales et salariales, prêts à taux bonifié, fonds d'allégement des charges, exonération des redevances domaniales, mesures aqua-environnementales pour le nettoyage et le recensement des concessions et enfin le régime des calamités agricoles. Ils sollicitent l'activation du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, à l'instar des mesures prises pour les ostréiculteurs. La Charente-Maritime a adopté un plan exceptionnel, un bilan sera bientôt dressé avec les services de l'État. Les professionnels attendent, eux, une aide exceptionnelle. Quelles mesures d'urgence le Gouvernement prendra-t-il pour accompagner cette filière dans une situation catastrophique ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Soyez assuré de la forte mobilisation des services de l'État pour résoudre la crise des mytiliculteurs dans la baie de l'Aiguillon. L'Ifremer est mobilisé pour détecter les causes de cette surmortalité : bactérie ou climat exceptionnel cet hiver, avec des tempêtes qui ont créé des conditions de vie stressantes pour les moules. Cette situation impose une solidarité nationale, je salue les mesures prises par votre département de Charente-Maritime. Avec M. Le Foll, nous travaillons à l'activation du Fonds des calamités agricoles. M. Sapin a été saisi sur la question de l'exonération des redevances domaniales. Nous examinons également la possibilité d'un Fonds d'allégement des charges. Il est encore un peu tôt pour parler du Fonds européen, mais si cela est possible, nous l'utiliserons. Bref, toutes les pistes sont à l'étude.

M. Daniel Laurent.  - Merci pour cette réponse et votre invitation au ministère demain soir. De nombreux jeunes ont consenti des investissements lourds dans cette filière, ils attendent des réponses rapides.

Photovoltaïque

M. Yvon Collin .  - Ma question s'adressait à Mme Royal, je ne doute pas que M. Cuvillier m'apportera une réponse précise. Le Grenelle de l'environnement a fixé un objectif quantitatif en matière de développement des énergies renouvelables : 23 % des ENR dans la consommation finale d'ici 2020. L'exploitation de l'énergie solaire est un des moyens privilégiés pour l'atteindre. Certaines communes ont décidé d'accompagner des projets locaux d'installation solaire au sol - c'est le cas dans le Tarn-et-Garonne. Toutefois, certains d'entre eux ont un potentiel de puissance inférieur à 250 kWc, ce qui les exclut du bénéfice du tarif préférentiel de rachat de l'électricité. Alors que ces parcs solaires sont bien acceptés par la population, les conditions actuelles des appels d'offres nationaux bloquent les initiatives d'ampleur certes modeste, mais pourtant essentielle, et même indispensable à long terme au grand projet de transition énergétique.

Pouvez-vous faire évoluer la réglementation pour que les collectivités prennent toute leur place dans la transition énergétique ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Ne soyez pas déçu : Mme Royal, attentive à votre question, m'a demandé de bien vouloir vous transmettre sa réponse. Après l'emballement sur les tarifs de rachat de l'électricité, qui a appelé des réponses brutales en 2010 et pénalisé lourdement la filière, la solution a été de passer par les appels d'offre, pour les installations d'une puissance supérieure à 100 kW. Nous nous tiendrons à cette méthode qui concilie maîtrise des coûts et développement continu de la filière.

M. Yvon Collin.  - Merci pour cette réponse, qui semble positive.

Modification à l'ordre du jour

M. le président.  - Par lettre en date du 26 mai 2014, M. François Zocchetto, président du groupe UDI-UC a demandé l'interversion de l'ordre d'examen des propositions de loi inscrites à l'ordre du jour de l'espace réservé à son groupe de demain, mercredi 28 mai 2014, après-midi.

En conséquence, l'ordre du jour de la séance du mercredi 28 mai 2014 s'établit comme suit :

De 14 heures 30 à 18 heures 30 :

Ordre du jour réservé au groupe UDI-UC

- proposition de loi modifiant le délai de prescription de l'action publique des agressions sexuelles.

- Suite de la proposition de loi relative à l'accueil et à la prise en charge des mineurs isolés étrangers.

La séance est suspendue à midi.

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 15 heures.

Schéma régional des crématoriums

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi visant à instaurer un schéma régional des crématoriums, présentée par M. Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Discussion générale

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi .  - Les questions de droit funéraire ne suscitent pas toujours un intérêt soutenu. Pourtant, c'est un sujet auquel chaque famille se trouve hélas confrontée un jour.

Ayant été, il y a quelque temps, nommé secrétaire d'État, chargé des collectivités locales, j'ai trouvé sur mon bureau un projet de réforme des pompes funèbres. À force de travail et avec l'appui d'un ami hélas disparu, Pierre Bérégovoy, j'avais fait voter un texte, devenu la loi de janvier 1993, qui a réformé les obsèques de ce pays. Un rapport des trois inspections de l'Intérieur, des Finances et des affaires sociales, avait conclu que notre système était aberrant, avec un monopole faussé qui cohabitait avec une concurrence biaisée. On avait tous les inconvénients du monopole, avec des prix variant de 1 à 5 pour la même prestation effectuée par la même société, selon le territoire où l'on se trouve.

J'ai persévéré avec une seule idée, partagée par Jean-René Lecerf, puisque nous avons fait un rapport d'information ensemble : défendre les familles de ce pays, qui doivent prendre en moins de 24 heures de nombreuses décisions, juridiques, familiales, économiques, alors qu'elles sont éprouvées et fragilisées par un deuil.

La loi de 1993 a mis en place une concurrence claire, plutôt qu'une concurrence très faussée par la réalité d'un monopole. Cette loi a instauré le pluralisme parmi les établissements et redéfini les règles du service public qui doivent s'appliquer aussi bien aux établissements privés, aux régies, aux sociétés d'économie mixte, aux associations.

Il y eut bien d'autres textes ensuite : en 2004, l'un d'entre eux a défini les contrats obsèques car il y avait une confusion entre assurance-vie et contrats obsèques. Il y eu un texte sur l'autopsie judiciaire, qui a pris naissance après que nous avions entendu un Calaisien à qui l'on avait rendu le corps de son épouse dans un état déplorable.

Puis, il y eut un texte de 2005, selon lequel les restes humains, y compris les cendres, devaient être traités avec respect : c'est sur cette base qu'on a pu interdire l'exhibition des cadavres d'origine chinoise dans notre pays. Deux avancées ont été envisagées alors. La première, dès 2008, avait inscrit dans la loi que les sommes versées au titre des contrats obsèques étaient revalorisés au taux légal. Nous pensions que c'était réglé. Mais les assurances veillaient et elles ont fait valoir que notre législation n'était pas conforme aux règles européennes

Cinq ans de travail nous ont amenés à faire inscrire à nouveau cette revalorisation dans la récente loi bancaire afin qu'elle entre dans les faits : toujours dans la même idée de défendre les familles.

Autre débat, depuis 1992, avec les entreprises funéraires : la question des prix. Lorsque l'on est éprouvé, que l'on doit se décider immédiatement, on n'est pas toujours en situation de faire les meilleurs choix. C'est pourquoi je défends depuis 1993 cette conception des devis-modèles : chaque entreprise habilitée sera amenée à donner des prix qu'elle s'engagera à respecter pour un ensemble de prestations. Cela pourra figurer, par exemple, sur le site internet de la mairie. Les professionnels sont toujours quelque peu réticents. Il a fallu revenir à la charge. Nous sommes parvenus, en 2008, à une rédaction qui a été contestée. D'où une nouvelle formulation, tout à fait claire, adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées. L'idée que je défends, congrès après congrès, devant les organisations professionnelles, c'est que tout le monde a intérêt à la transparence.

On nous a rétorqué cent fois que l'obligation de devis existait. Qui lira, le lendemain du décès d'un être cher, une cinquantaine de pages de devis en tout petits caractères ? L'information doit être fournie, en toute transparence, aux familles.

Le texte d'aujourd'hui s'inscrit dans cette histoire. Il s'agit, alors que la crémation s'est beaucoup développée, de prévoir les équipements adaptés. En 1993, les crémations représentaient environ 1 % des obsèques en France. Aujourd'hui, dans les grandes villes, nous en sommes à 50 %.

Il a fallu créer des équipements sous l'autorité de la puissance publique, gérés par la commune ou l'intercommunalité ou confiés, par délégation de service public, à une société spécialisée. Des situations étranges sont survenues : à Roanne, il existe deux crématoriums à quelques kilomètres de distance. Dans quatre départements, la Lozère, le Cantal, le Territoire de Belfort, la Haute-Marne, il n'y en a aucun. Les familles doivent faire un trajet de plus de deux heures. Ce n'est pas respectueux. Des considérations économiques jouent. Quand il y a trop d'offre par rapport à la demande, ce n'est pas sain. Il était sage de prévoir un schéma régional, établi par le préfet, après consultation des conseils régionaux et des autorités compétentes, schémas pour cinq ou six ans, révisables, qui contribueront à maîtriser la situation.

Très fréquemment, les cérémonies ont lieu dans l'enceinte des crématoriums. L'existence d'une salle spécialement aménagée est une nécessité. À Orléans, j'ai conçu un équipement qui comprend une salle omniculte, laïque, qui peut accueillir des cérémonies civiles ou religieuses. Elle n'est pas assez grande. Cette capacité d'accueil augmente bien entendu le coût des crématoriums. Il faudra le prendre en compte.

Il faut aussi veiller aux sites cinéraires à proximité des crématoriums, au sein des cimetières. D'où la question du statut des centres, traitée au regard du respect qui leur est dû. Il faut aussi prendre en compte la question de l'environnement : les crématoriums devront être adaptés à des règles coûteuses pour le filtrage des fumées.

Bref, le droit funéraire progresse, dans le respect des personnes et des familles, ce qui, dans une société humaniste, s'impose. (Applaudissements)

M. Jean-René Lecerf rapporteur de la commission des lois .  - On sait l'attention que porte votre commission des lois et son président à la législation funéraire. Notre rapport Sérénité des vivants et respect des défunts a inspiré la loi de 2008. Cette proposition de loi s'inscrit dans le même mouvement. Des problèmes laissés pendants par la loi de 2008 relèvent du domaine réglementaire et certains encourent des risques d'inconstitutionnalité.

La crémation progresse depuis 1980 : elle concernait 1 % des obsèques en 1980, on en était à 32,15 % en 2012. Il convient donc d'adapter l'offre aux besoins. La loi de 2008 a considéré les cendres comme des restes humains exigeant respect et décence ; elle a arrêté leur destination juridique et mis fin à l'appropriation privative des urnes, certaines situations inacceptables, et encadré la création des crématoriums et des sites cinéraires. Ils sont propriété de la puissance publique, commune ou EPCI. Toute création ou extension d'un crématorium est soumise à autorisation du préfet, après enquête publique.

Pourquoi mieux réguler aujourd'hui l'implantation des crématoriums ? Dès 2008, je relevais de nombreuses lacunes. Quatre départements métropolitains étaient dépourvus de crématoriums et deux outre-mer. Certains choix d'implantation étaient déraisonnables, comme à Roanne. La couverture a progressé mais demeurent des lacunes et des problèmes d'implantation concurrentes, en Moselle, en Isère, en Seine-et-Marne. La DGCL ne semble pas disposer d'une carte des implantations, alors que le législateur a confié au préfet le soin de délivrer des autorisations. Une certaine anarchie subsiste aux conséquences redoutables, tant pour la puissance publique que pour nos concitoyens.

La pratique de la crémation s'est intégrée au rituel du deuil. Le souci de rentabilité privilégie, comme le relève le président Sueur dans l'exposé des motifs de la proposition de loi, des choix qui pèsent, en définitive, sur les collectivités locales. Les gestionnaires sont tenus de mettre aux normes avant 2018 leurs dispositifs de filtrage des fumées toxiques, ce qui aura un coût significatif. Il fallait un nouveau modèle de régulation pour adapter l'offre aux besoins.

Cette proposition de loi renoue avec l'inspiration initiale de la législation de 2008 : un schéma régional des crématoriums avait été adopté par le Sénat unanime en première lecture, puis supprimé par l'Assemblée nationale conformément au souhait du Gouvernement.

Elle compte trois articles. Le premier définit l'objet et la procédure d'élaboration du schéma. Votre commission des lois a précisé qu'il fallait tenir compte des équipements funéraires existants. Ce schéma serait élaboré par le préfet de région, en collaboration avec les préfets de département. Les organes délibérants des 52 EPCI qui ont cette compétence seraient consultés. Votre commission des lois a ajouté la consultation des communes de plus de 2 000 habitants, ainsi que celle du Conseil national des opérations funéraires (CNOF). Il reviendra ensuite au préfet de région d'arrêter le schéma, qui pourra être révisé tous les six ans. Le premier schéma fera l'objet d'une révision à plus brève échéance.

L'article 2 exige une compatibilité entre la création d'un crématorium et le schéma régional. L'article 3 organise la mise en oeuvre du dispositif. La commission des lois a adopté cette proposition de loi à l'unanimité. (Applaudissements)

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Le sujet de notre débat n'est pas ordinaire. Il touche à l'intime, à la douleur, à l'émotion, aux croyances de chacun. La mort, même sur le plan juridique et législatif, n'échappe pas à sa dimension philosophique. D'où un équilibre difficile à trouver. Je salue le travail approfondi de l'auteur de cette proposition de loi et du rapporteur de votre commission des lois. C'est avec beaucoup d'humanisme qu'ils ont travaillé sur ce texte, comme ils le font sur les questions pénales et pénitentiaires.

Lors de la discussion de la loi du 19 décembre 2008, vous aviez, monsieur le président Sueur, déposé un amendement créant un schéma régional des crématoriums ; le Sénat l'avait adopté à l'unanimité mais il avait été supprimé par l'Assemblée nationale. Cette proposition de loi le reprend.

Seules les communes et les EPCI sont compétents pour créer des crématoriums. La compétence est automatiquement transférée aux communautés urbaines. Elle peut être exercée directement ou par délégation de service public. Les communes et les EPCI doivent recevoir une autorisation préfectorale pour l'exercer.

Les problématiques funéraires ont beaucoup évolué : longtemps marginale, voire controversée, la crémation est aujourd'hui une pratique courante : de 0,75 % en 1975, nous sommes passés à 30 % en France, 40 % à Paris et même 50 % dans certaines grandes agglomérations. Mais la France ne compte que 141 crématoriums soit un pour 468 000 habitants, soit moins, proportionnellement au nombre d'habitants, que l'Espagne ou le Royaume-Uni. Leur implantation géographique ne correspond pas aux besoins. Le Gouvernement partage votre constat d'une nécessaire rationalisation.

Pour autant, votre proposition de loi soulève des interrogations. Des créations ou extensions incompatibles avec le schéma régional pourraient être refusées par le préfet. Or le président de la République a fait du « choc de simplification » une priorité du quinquennat, que le gouvernement de Manuel Valls, après celui de Jean-Marc Ayrault, met en oeuvre. Votre dispositif va à l'encontre de l'allégement des normes imposées aux collectivités locales qu'implique ce choc de simplification.

Le code général des collectivités territoriales indique que les communes et les EPCI sont seuls compétents : pourquoi prévoir une consultation du conseil régional ?

Conscient que la coexistence rapprochée de plusieurs crématoriums crée une concurrence absurde, que les locaux annexes ne satisfont pas les demandes des familles, que le développement des crématoriums doit être coordonné et global, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de votre Haute Assemblée. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition des lois.  - Très bien !

M. Bernard Saugey .  - Merci à Mme Cukierman d'avoir accepté d'échanger nos prises de parole.

Je salue la persévérance du président Sueur depuis 2006. Le gouvernement d'alors était favorable à un schéma régional des crématoriums à condition qu'il y ait un débat public. Pour autant, celui-ci n'a pas vu le jour. Vous avez persévéré et je fus le rapporteur de certains textes...

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.  - Nous nous en souvenons.

M. Bernard Saugey.  - Il s'agit ici de satisfaire un besoin grandissant et de sauvegarder l'équilibre économique de ces équipements. Le nombre de crémations, vous l'avez dit, est passé, en 30 ans, de 1 % à 32 % des obsèques, et 51 % des Français souhaiteraient se faire incinérer. Nous devons repenser les funérailles et tel est l'objectif de ce texte.

Ce sont les communes qui ont la lourde charge de construire, entretenir et gérer les crématoriums. Mission difficile à assumer pour les petites communes, qui les délèguent à des entreprises privées. Les prix varient de 400 euros d'un établissement à l'autre. La répartition des crématoriums est inégale. Certains établissements sont surchargés, d'où l'allongement du temps d'attente, difficilement supportable pour les familles.

Le Sénat a un rôle de rééquilibrage à jouer, alors que tous les territoires ne disposent pas d'un tel équipement, investissement parfois disproportionné à l'heure où baissent les dotations budgétaires. Le schéma régional permettra aux communes de mutualiser leurs moyens.

Certains établissements sont tout juste rentables, quand d'autres arrivent à saturation. Quel échelon territorial est à même de répondre au problème ? L'initiative doit rester aux communes et EPCI, qui maintiennent le lien de proximité avec les familles. Il faut cependant raisonner à long terme. Le schéma régional est une piste intéressante.

Nous suivons la proposition du rapporteur d'intégrer les communes à la consultation préalable et à l'élaboration du schéma par le préfet de région. Il est important d'associer également le CNOF. Ni la proposition de loi initiale ni le texte de la commission n'ont prévu une évaluation des besoins futurs.

Nous avons là l'occasion d'optimiser un service public de qualité sur l'ensemble du territoire et de réduire les inégalités territoriales et financières. C'est pourquoi je voterai avec mon groupe ce texte d'avenir. (Applaudissements)

M. Jean-Yves Leconte .  - La loi de décembre 2008 a encadré la crémation, pratique en pleine croissance : 30 % des obsèques, on l'a dit. Cette proposition de loi permet une planification cohérente de l'implantation des crématoriums. L'auteur de la proposition de loi et le rapporteur ont rappelé combien il convient de la réguler.

Le schéma régional des crématoriums assurera une couverture coordonnée du territoire ? En commission, le rapporteur a proposé des amendements utiles. À l'initiative de M. Vandierendonck, le groupe socialiste a déposé deux amendements : le premier intègre la dimension transfrontalière ; le deuxième assouplit et simplifie les contraintes pesant sur les transports de corps entre pays frontaliers.

Le transport international de dépouilles mortelles est réglementé par deux instruments internationaux : la Convention de Berlin de 1937 et celle de Strasbourg de 1970. La législation française interdit le transfert d'un défunt dans un autre cercueil avant un délai de cinq ans, après la mise en bière, or on ne peut pas pratiquer une crémation avec un cercueil scellé.

Un problème se pose avec la Wallonie où existe une taxe sur le transport des corps.

Mme Nathalie Goulet.  - Cela fait la moyenne avec l'évasion fiscale ! (Sourires)

M. Jean-Yves Leconte.  - Les intercommunalités de Tournai, Courtrai et Lille Métropole ont réalisé une étude juridique conjointe qui a débouché sur un projet de convention bilatérale. Le problème vient du fait qu'un certain nombre de personnes âgées sont accueillies en maison de repos de l'autre côté de la frontière. Il se pose aussi à propos de l'hôpital espagnol transfrontalier de Cerdagne, ainsi que dans les Ardennes, en Moselle, en Meurthe-et-Moselle.

Je salue les travaux de longue date de MM. Sueur et Lecerf. Restant vigilant sur le sort de ses amendements, le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements)

M. Robert Tropeano .  - L'organisation des obsèques est un temps d'urgence et d'obligations à remplir dans une période douloureuse. Les délais sont brefs. Contrairement aux pays du nord ou de tradition protestante, le développement de la crémation en France a été lent, d'où des temps d'attente et des coûts importants dans certaines régions. À titre d'exemple, l'absence de crématorium en Lozère oblige les cortèges à se rendre en Aveyron ; ce n'est ni rationnel, ni acceptable. D'où l'amendement déposé à l'initiative de M. Bertrand.

La crémation n'est plus une pratique exceptionnelle : 0,9 % des obsèques en 1980, 30 % en 2010. Le décret du 27 avril 1889 l'encadre. Le premier crématorium a vu le jour au Père Lachaise ; Rouen s'en est doté en 1889, Lyon en 1914, Béziers en 1998. En parallèle, on comptait neuf crématoriums en 1980, 120 en 2006. Une trentaine sont en cours d'étude ou de réalisation.

La loi de 2008 oblige les communes à disposer d'un site cinéraire. Cette proposition de loi prévoit la création d'un schéma régional des crématoriums, pour assurer une meilleure répartition territoriale, avec une consultation des conseils régionaux, des EPCI compétents, des communes de plus de 2 000 habitants. Le schéma sera défini après avis du CNOF, révisé tous les six ans ; il tiendra compte des contraintes environnementales ; les crématoriums ont jusqu'à 2018 pour s'équiper de filtres pour limiter les pollutions.

Cette proposition de loi est bienvenue. Il faudra cependant s'assurer du respect de la liberté du commerce. La jurisprudence de la CJCE garantit la mise en concurrence. Le schéma régional ne constitue-t-il pas une entrave au principe de libre installation ? Il y a d'une part la neutralité au service de tous, de l'autre, la préoccupation d'éviter les rentes de situation. Enfin, comment financer la construction d'un crématorium ? Il faudra compter sur la sagacité des acteurs, à commencer par le préfet de région. L'avenir nous dira si nous avions raison de voter ce texte. J'abrège, car parler de la mort raccourcit la vie... Le groupe RDSE voter ce texte. (Applaudissements)

Mme Esther Benbassa .  - L'étude de certaines pratiques, rites et usages, révèle l'évolution et les constantes des sociétés. En France, depuis un quart de siècle, la crémation augmente dans les pratiques funéraires - une révolution anthropologique ? Sera-t-elle bientôt une nouvelle norme ? Autorisée depuis 1889, cette pratique s'est répandue avec la levée de l'interdit de l'Église en 1963, mais surtout avec la baisse du nombre de pratiquants. L'Islam et le judaïsme interdisent la crémation. En Italie, où la tradition catholique est plus ancrée, le taux de crémation n'est que de 8,5 %. L'effritement des pratiques religieuses en France favorise donc l'essor de cette pratique. Reste que 80 % des cérémonies, notait le Crédoc dans un récent rapport, se tiennent dans un lieu de culte : la ritualisation ne disparaît pas, elle est libérée des contingences communautaires et sociales traditionnelles.

La répartition des équipements sur le territoire ne correspond pas aux besoins : il faut la rationnaliser. Le schéma régional que propose cette proposition de loi ferait l'objet d'une révision tous les cinq ans. Je me félicite de l'adoption d'un amendement prenant en compte les exigences environnementales liées à la pollution émise par les crématoriums. Le groupe écologiste votera ce texte, qui nous met en phase avec les évolutions de la société. (Applaudissements)

M. Yves Détraigne .  - Ce texte offre un dispositif mieux adapté en matière de crémation. MM. Sueur et Lecerf avaient déjà fait avancer la législation. Depuis la loi de 2008, les communes de plus de 2 000 habitants sont obligées de créer un site cinéraire. Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité de ces travaux. La France dispose de moins de deux crématoriums par département en moyenne, alors que le recours à la crémation augmente. L'Aquitaine dispose de deux fois plus de crématoriums que Midi-Pyrénées ; certains départements en sont totalement dépourvus. Un schéma régional assurerait des coûts moins élevés pour les familles et les professionnels.

Sur le fond, on ne peut qu'être en accord avec ce texte. Mais je m'interroge sur ses conséquences. Quand leurs dotations accusent une baisse drastique, les collectivités territoriales pourront-elles assumer un tel service ? Sans compter qu'elles sont exposées à un risque financier non négligeable, la rentabilité des crématoriums n'étant pas toujours assurée.

Je salue la prise en compte de la dimension environnementale ; tous les crématoriums devront être pourvus d'un filtre anti-pollution d'ici 2018. Cela représente un coût pour les communes et sans doute, in fine, pour les familles.

La révision tous les six ans, et non tous les cinq ans, me convient - on aurait pu prévoir un temps plus long encore.

Le législateur a vocation à adapter la loi aux évolutions de la société. Le groupe centriste votera ce texte, qui va dans le bon sens et apportera une réponse concrète aux familles endeuillées. (Applaudissements)

Mme Cécile Cukierman .  - Le choix de la crémation s'est fortement développé ; chaque citoyen doit avoir accès à ce service, où qu'il vive. Il importe d'en créer les conditions.

En 2008, l'idée d'un schéma avait été abandonnée au profit du maintien du système en vigueur. Cependant, la difficulté à trouver un équipement dans certains territoires persiste : certains départements ne comptent aucun crématorium. S'ensuivent des temps d'attente trop longs, des déplacements coûteux.

Dans la Loire, dont je suis élue, la crémation représente 40 % des obsèques, un chiffre supérieur à la moyenne nationale. Or, le département compte seulement trois crématoriums, un à Saint-Étienne et deux autour de Roanne, un public et un privé. Dans le centre du département, en revanche, rien.

L'élaboration d'un schéma régional peut donc se révéler intéressante. Oui aux normes environnementales mais les crématoriums de Roanne devront débourser 500 000 euros pour se mettre à niveau. Se pose la question du maintien des deux équipements...

Ces difficultés de financement existent dans nombre de collectivités - je n'ouvrirai pas le débat sur les finances des collectivités locales, nous en reparlerons ! La proposition de loi n'imposant pas expressément l'ouverture de crématorium, on peut s'interroger : le schéma n'est pas prescriptif. Peut-être supprimera-t-on un crématorium dans le nord de la Loire mais cela ne fera pas qu'on en ouvre un en Lozère... Saisir le conseil régional aura du moins un effet incitatif.

Ce texte contribuera à une meilleure prise en compte de l'évolution des traditions funéraires dans notre pays : nous le voterons. (Applaudissements)

M. André Vallini, secrétaire d'État .  - J'entends bien : encore un schéma... Il faut donc trouver la voie étroite entre la nécessité d'aménager les territoires et le souci de ne pas alourdir la gestion des collectivités locales par trop de normes. Deuxième point, la question des finances locales et du financement : nous en reparlerons bientôt, en effet ; en attendant, la proposition de loi n'impose pas aux communes et aux EPCI de créer un crématorium.

Le Gouvernement s'en est remis à la sagesse de la Haute assemblée : je constate qu'elle sera largement partagée sur tous les bancs.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

L'amendement n°1 n'est pas défendu.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Nous comprenons la préoccupation de M. Bertrand : il souhaite au moins un crématorium par département. La Lozère est effet l'un des quatre départements dépourvus de site cinéraire. Les familles sont obligées de se rendre dans un département voisin, ce qui est coûteux et psychologiquement difficile.

Si je ne doute pas que le préfet et le conseil régional seront attentifs à la légitime préoccupation de M. Bertrand, la proposition de loi n'impose pas la création d'un crématorium ; il faut qu'une commune en décide ou fasse appel à une délégation de service public.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Après l'alinéa  2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'évaluation des besoins de la population tient compte, le cas échéant, de ceux des populations immédiatement limitrophes sur le territoire national ou à l'étranger.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le schéma régional des crématoriums doit prendre en compte la dimension transfrontalière des besoins dans les régions concernées. M. Vandierendonck pensait particulièrement à la Belgique, mais cela vaut pour toutes les zones transfrontalières.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'amendement a été rectifié, comme je le demandais, pour viser toutes les situations de territoires limitrophes. Dès lors, avis favorable.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Il sera difficile pour le préfet de région de déterminer précisément les populations concernées... Sagesse.

Mme Nathalie Goulet.  - Je trouve cet amendement très réjouissant (exclamations) sur un sujet aussi grave... La coopération transfrontalière progresse plus vite sur ces sujets que dans le domaine économique : c'est un bon signal !

L'amendement n°3 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Tropeano.

Alinéa 3

Après les mots :

en collaboration avec

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

les représentants de l'État dans les départements qui la composent.

M. Robert Tropeano.  - Amendement rédactionnel.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Favorable.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°2 est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Lorsque le corps d'une personne décédée dans un pays frontalier doit être rapatrié dans une commune française située dans un rayon maximum de cinquante kilomètres du lieu de fermeture du cercueil, son transport s'effectue dans un cercueil répondant aux normes en vigueur dans le pays de mise en bière. Le permis d'inhumer ou de crématiser, délivré par l'autorité compétente en France, tient lieu de laisser passer.

Un décret précise les conditions d'application du présent article.

M. Jean-Yves Leconte.  - Il a été défendu dans la discussion générale. C'est un amendement d'appel. Nous souhaiterions des conventions bilatérales, notamment avec la Belgique.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cet amendement vise à répondre à une situation douloureuse et incompréhensible pour les familles. En effet, les cercueils scellés utilisés pour le transfert transfrontalier contenant des éléments métalliques interdisent la crémation en France. Il faut alors transférer le corps dans un autre cercueil, ce qui est pratiquement impossible. On ne peut toutefois imposer à des pays étrangers de respecter les normes françaises. Je suggère de retirer cet amendement au profit des explications que le ministre voudra bien donner.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Deux textes régissent le transport transfrontalier des corps : l'arrangement de Berlin de 1937 et l'accord de Strasbourg de 1973. Le Gouvernement, conscient du problème, travaille depuis plusieurs mois à des accords bilatéraux avec l'Espagne et la Belgique, qui pourraient servir de base pour des conventions avec d'autres pays limitrophes. Le premier accord traitera particulièrement de l'hôpital de Cerdagne. Le ministère des affaires étrangères a indiqué que le volet transport de corps n'interviendra que dans un second temps, compte tenu de la situation tendue entre Madrid et Barcelone. Pour ce qui est de la Belgique, le projet de convention avec le royaume et les trois entités fédérales est en cours de finalisation.

Le Gouvernement regrette de ne pouvoir donner un avis favorable à cet amendement mais les conventions internationales priment sur le droit interne. Retrait ?

M. Jean-Yves Leconte.  - Je prends note de l'avancée des travaux du Gouvernement.

L'amendement n°4 est retiré.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission.

Seconde phrase

Supprimer les mots :

créé par la présente loi

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Rédactionnel.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Favorable.

L'amendement n°5 est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

L'ensemble de la proposition de loi, modifiée, est adoptée.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Il arrive fréquemment que ces sujets suscitent un large assentiment : ainsi de la loi de 2008 et de la proposition de loi Badinter sur le rôle du juge français à la Cour pénale internationale. C'est également le cas de la proposition de loi sur les sondages, adoptée à une large majorité au Sénat et toujours en attente à l'Assemblée nationale. Espérons qu'elle sera adoptée définitivement par les députés avant la fin de la session extraordinaire.

Je remercie très chaleureusement notre rapporteur ainsi que l'ensemble des collègues qui ont participé à ce débat.

Techniques biométriques

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi visant à limiter l'usage des techniques biométriques.

Discussion générale

M. Gaëtan Gorce, auteur de la proposition de loi .  - Pourquoi cette proposition de loi ? Pourquoi donner le sentiment de s'opposer à cette évolution inéluctable qu'on appelle encore le progrès ? Pourquoi obliger chacun à continuer à mémoriser un code, utiliser une carte, acheter un ticket ? Le texte n'aborde pas ces questions par le biais de la protection des libertés individuelles, même si on peut par exemple s'interroger sur le fait que l'interopérabilité des systèmes pourrait conduire à une mise sous profil de tous nos concitoyens. Je n'oublie pas la rigueur de notre législation ni les travaux menés par le Sénat sur ce sujet.

Mais trois problèmes devraient être débattus. Le premier a trait à l'ampleur du changement technologique que nous vivons. La machine à vapeur ou la machine à tisser ont mis des décennies à modifier les modes de vie. L'électricité l'a fait à l'échelle d'une vie. Avec la révolution numérique, le changement technologique se fait à un rythme inédit : ces vingt dernières années, autant d'innovations qu'au cours du XXe siècle ; au rythme actuel, le XXIe siècle connaîtra autant d'innovations que toutes celles qu'a connues l'humanité depuis que la civilisation s'est organisée. Nous avons parfois le sentiment d'être moins à l'initiative du changement que produits par lui. Les créations, les créatures, produits par la technologie pourraient nous échapper. Quelle société voulons-nous ? La question est posée.

La deuxième raison tient à la nature du changement. Depuis quelques décennies, elle touche non plus aux organisations, mais à la personne. Les données personnelles sont traitées à des fins commerciales, de renseignement ou de police. Mais la biométrie touche au corps lui-même, à l'intimité de la personne. Or peu de protections existent : rien n'encadre les critères selon lesquels la Cnil en autorise les usages, de sécurité comme de confort. En quelque sorte, il en va de l'objectivation de la personne.

Qu'est-ce qui justifie la banalisation de ces pratiques ? On les utilise pour accéder au restaurant scolaire... N'y a-t-il pas un risque de mesurer la personne par ces seuls critères ? N'y a-t-il pas là le risque d'un changement profond de notre société ? Nos assemblées doivent en débattre tant les implications économiques, sociales mais aussi philosophiques sont lourdes. Apple développe un téléphone opéré par empreinte digitale ; Facebook travaille sur un système de reconnaissance faciale pour améliorer le profilage de ses utilisateurs à des fins commerciales ; n'aurait-on plus le droit d'hésiter, le droit à l'imprécision, à l'erreur, à l'errance, au secret ?

Cette proposition de loi fixe comme butoir l'exigence majeure de sécurité, qui doit dépasser le pur intérêt commercial.

Je sais que nous nous exposons à des critiques. Nonobstant, notre Haute Assemblée n'est-elle pas dans son rôle quand elle examine ces questions avec patience et impartialité ? Lorsqu'elle rappelle que la société n'est pas là pour répondre aux modes ou à la loi du marché, mais défendre les valeurs auxquelles elle est attachée ? (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Une réflexion profondément humaniste !

M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois .  - Parce que la biométrie embrasse l'ensemble des procédés qui identifient un individu à partir de ses caractéristiques physiques, physiologiques, mais aussi comportementales ; parce ces données sont produites par le corps et sont par conséquent immuables ; parce que les catégories pour classer ces techniques évoluent, la réflexion à laquelle nous invite M. Gorce est particulièrement opportune. Le Sénat doit se donner une doctrine.

3

La loi du 6 août 2004 soumet le traitement des données biométriques à un régime d'autorisation préalable. La France s'est dotée d'un des régimes les plus protecteurs en la matière, mais sans que le Parlement se soit prononcé sur la pertinence des usages des techniques biométriques, laissant toute latitude à la Cnil. De 2005 à 2012, celle-ci a distingué les techniques biométriques à traces et sans traces ; à partir de 2013, elle a pris conscience de la faiblesse de cette classification. Il faut en effet envisager désormais la biométrie de sécurité, la biométrie de service ou de confort et les expérimentations, tests et recherches menés par les laboratoires. Adaptant ses exigences aux finalités de chaque traitement, la Cnil ne s'autorise pas à juger de leur pertinence.

Or l'usage de la biométrie se banalise et se répand. Cette proposition de loi peut être la première pierre de la réflexion sénatoriale. M. Gaëtan Gorce s'interroge sur la légitimité de certains usages, comme celui filtrant l'accès dans les cantines scolaires ; la biométrie de confort n'est guère rassurante - les parents ont-ils vraiment le choix ? Le texte complète la loi du 6 janvier 1978. Elle conditionne l'autorisation du traitement des données biométriques par la Cnil à une stricte nécessité de sécurité. Elle n'inclut pas les activités exclusivement personnelles, comme l'ouverture d'un iPhone par reconnaissance digitale ou faciale - cela mériterait pourtant qu'on s'interrogeât.

C'est au législateur de se prononcer sur les usages légitimes de la biométrie ; or, le Gouvernement devrait déposer un projet de loi sur les libertés numériques. De son côté, le Conseil de l'Europe est en train de réviser la convention 108 relative à la protection des personnes au regard des traitements automatisés des données personnelles.

S'il faut promouvoir un usage raisonné des techniques, comment articuler cette proposition de loi avec le règlement européen à venir qui sera d'application directe ? La résolution législative du Parlement européen du 12 mars 2014 interdit le traitement des données biométriques - avec des exceptions, en particulier si la personne y a consenti, à moins qu'une disposition nationale y fasse obstacle.

Plutôt que la notion de « stricte nécessité de sécurité », imprécise, retenons celle d'intérêt excédant l'intérêt propre de l'organisme, introduite par une communication de la Cnil de 2007. Enfin, prévoyons un dispositif transitoire.

En commission, nous avons beaucoup débattu de l'article premier. Apaisons le débat : l'expression « intérêt excédant l'intérêt propre de l'organisme » doit se comprendre comme mettant en jeu l'intérêt supérieur. N'est-ce pas le cas pour le recours à la biométrie dans les transactions financières ? Le grief d'imprécision qu'on m'a fait ne tient pas : voyez la délibération de la Cnil du 28 décembre 2007.

Deuxième difficulté, l'expression « préjudice grave et irréversible ». À mon sens, elle doit être mentionnée. Si je n'avais plus accès à mon « nuage », parce qu'un hacker a usurpé mon identité, je perdrais une partie de moi-même.

Je vous invite à adopter le texte élaboré par la commission à l'unanimité. (Applaudissements)

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique .  - Nous voici à l'interface de l'ancien et du nouveau. Cicéron disait : « si le visage est le miroir de l'âme, les yeux en sont les interprètes ». Oui, le corps a un sens. C'est sans doute pourquoi les Massaï de Tanzanie refusent d'être photographiés par crainte qu'on vole leur âme...

Selon une récente étude du Credoc, les Français acceptent le recours à la biométrie quand la sécurité l'exige pour la délivrance de pièces d'identité, par exemple : moins de 30 %, en revanche, en veulent pour les transactions financières. Paradoxal alors qu'ils sont très friands d'innovation.

Si la France a l'un des régimes les plus protecteurs, la loi de 1978 ne précise pas les usages de la biométrie, sujet fondamental s'il en est puisqu'il touche à l'intégrité du corps, à la dignité humaine... L'esprit du code civil doit nous guider dans ce débat que M. Gorce a ouvert.

Les réticences devant l'usage des données biométriques s'accroissent à mesure de l'évolution des technologies. Cette technologie peut pourtant être utile pour éviter les usurpations d'identité au moyen de terminaux biométriques. La France est également à l'avant-garde de la crypto-biométrie, ne bloquons pas ces recherches et innovations. Quant à la reconnaissance digitale pour accéder à un téléphone portable, elle relève de l'exception domestique.

Autre exemple : faute de recensement, les élections au Mali ont été rendues possibles en quelques mois grâce à la biométrie, l'état civil ayant disparu lors de la guerre. Voulons-nous, comme aux États-Unis où je me rends prochainement, conserver les données relatives aux empreintes digitales prises à l'entrée sur le territoire pendant 75 ans ? Cela incite certains à des mutilations, se brûler les doigts pour passer les frontières... Enfin, le risque est grand chez les jeunes de l'accoutumance à la biométrie de confort... Autant d'usages différents, autant de cas à prendre en compte avant de légiférer. Je regrette que ce texte ne comporte pas d'étude d'impact économique. Il eût fallu en effet analyser les conséquences de cette nouvelle législation sur la confiance numérique. La donnée, la data, on a coutume de le dire, sera le pétrole du XXIe siècle.

Le rapporteur a fait des propositions intéressantes, tout à fait conformes à la jurisprudence de la Cnil. La biométrie peut être utilisée pour l'accès à des locaux ou à un restaurant non pour le contrôle des horaires. L'interdire pour les mineurs me semble tout à fait justifié, on peut s'interroger également sur son usage dans les lieux publics comme les piscines.

J'aurais également aimé que le texte s'accompagne d'une analyse des risques et d'une évaluation d'impact sur la vie privée. Une collaboration avec la Cnil ou l'Anssi serait utile.

Le Gouvernement, saluant le travail des parlementaires, souhaite fixer des principes clairs pour guider le travail des autorités indépendantes sans pour autant freiner l'innovation biométrique. Il vous proposera un amendement pour clarifier les finalités des usages de la biométrie et la notion d'« intérêt excédant l'intérêt propre de l'organisme ».

Si vous en êtes d'accord, je propose un groupe de travail pour affiner la rédaction de la proposition de loi entre son adoption au Sénat et son examen à l'Assemblée nationale. Affirmons notre tradition française de protection des données sans freiner l'innovation. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)

Mme Virginie Klès .  - Beaucoup a déjà été dit... Ce qui est surprenant, est la perception et la connaissance qu'ont les Français de la biométrie. Ils craignent son détournement à des fins commerciales, mais font confiance aux services de sécurité tout en étant largement inconscients de toutes les traces biométriques que nous laissons partout malgré nous - telles les phéromones.

Acceptation, crainte, rejet, ignorance, c'est un mélange de tout cela. Raison pour laquelle il importe, pour le législateur, d'expliquer la biométrie, toutes ces traces de notre corps qui peuvent être stockées à notre insu dans des bases de données. On parle beaucoup de génétique mais les Français savent-ils que la biométrie recouvre, par exemple, notre manière de taper sur un clavier d'ordinateur ?

Rendons-nous compte, la reconnaissance faciale est désormais classée parmi les techniques « traçantes ». La frontière entre ces dernières et les techniques « non traçantes » se déplace.

C'est vrai, les techniques biométriques servent à lutter contre les usurpations d'identité. Revenons pourtant à nos débats sur la carte d'identité électronique et distinguons un stockage permanent des données, qui peut être détourné à des fins malveillantes, d'un stockage limité.

La biométrie, ce n'est pas seulement l'ADN ou les empreintes digitales ; c'est tout ce qui signe notre passage.

Le groupe socialiste suivra M. Gorce tout en étant conscient que la réflexion sur le numérique doit se poursuivre, qu'il ne faut pas bloquer l'innovation et la recherche, qu'un projet de loi sur les libertés numériques viendra bientôt. Faisons donc ce premier pas ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. François Fortassin .  - À l'heure de l'essor de la biotechnologie et de l'informatique, la biométrie, qui va de l'ADN à l'empreinte digitale ou palmaire en passant par la reconnaissance faciale, entre autres, doit entrer dans notre droit. Le risque tient à la banalisation de ces usages. Le 18 juin 2009, la Cnil a autorisé l'enregistrement de données telles que le contour des yeux pour lutter contre la fraude aux examens ; la biométrie sert aussi maintenant pour les cartes de fidélité, l'accès aux clubs de sport... On pourrait l'imaginer pour le don d'organes.

Cette multiplication des usages s'explique en grande partie par la souplesse de la jurisprudence de la Cnil, laquelle procède par décision-cadre ou autorisation unique. Résultat, il est désormais question de reconnaissance digitale pour accéder à son Smartphone selon un système qui a déjà été piraté. Les débordements sont réels : entre décembre 2012 et janvier 2013, la NSA a récupéré plus de 60 millions d'enregistrements de données téléphoniques...

La proposition de loi de M. Gorce, qui restreint le traitement de la biométrie à des situations de stricte nécessité, suscite quelques réserves. Elle arrive trop tôt parce qu'un règlement européen, en cours d'élaboration, sera bientôt d'application directe et que le Gouvernement proposera un projet de loi sur les libertés numériques.

Sous ces réserves calendaires, le groupe RDSE approuvera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Esther Benbassa .  - Les données biométriques ne sont pas des données comme les autres : elles permettent le traçage des personnes et leur identification certaine. Elles nécessitent, par conséquent, un contrôle, un encadrement, d'autant que la frontière entre public et privé s'estompe sur internet. Nous attendons avec impatience, à cet égard, le projet de loi sur les libertés numériques.

En ce domaine comme dans d'autres, tout est question de mesure : il faut protéger sans freiner l'innovation en laquelle la France est leader.

Au reste, penser que le verrouillage est possible est déraisonnable... Mais faut-il utiliser la biométrie pour l'accès des enfants au restaurant scolaire ou à la piscine ? Le groupe écologiste ne le pense pas.

Comme le déclarait Axel Türk en 2011, il faut sensibiliser les individus et les juristes et intervenir parce que « dans vingt ans il sera trop tard ».Oui, il faut compléter la loi du 6 janvier 1978 pour poser des garde-fous en conditionnant l'usage de la biométrie à une stricte nécessité de sécurité et à un souci de proportionnalité entre le but recherché et la technique utilisée. C'est s'inscrire dans le droit fil des travaux du Conseil de l'Europe dont la convention n°108 révisée invite, en son article 8 le législateur à encadrer ces usages.

Le groupe écologiste, très attaché à la protection de la vie privée, du corps humain et des libertés individuelles, soutiendra ce texte à condition qu'il n'entrave pas l'innovation. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Yves Détraigne .  - Ce texte témoigne une nouvelle fois de la volonté du Sénat de défendre les libertés individuelles. Lui qui est souvent critiqué, est pourtant le premier à avoir défendu la vie privée dans les années soixante-dix. La proposition de loi, issue du rapport d'information de Mme Escoffier et moi-même, adoptée par le Sénat le 23 mars 2010, n'a malheureusement pas été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale jusqu'à présent.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Hélas !

M. Yves Détraigne.  - Si l'on imagine encore mal les conséquences d'un détournement massif des données biométriques, ces dernières sont trop précieuses pour que le législateur n'encadre par leur usage. Le régime actuel de régulation de ces activités, issu de la loi de 2004, n'est plus adapté ; M. Gorce le note avec raison dans son exposé des motifs. La Cnil, si elle est indépendante, n'est pas toute puissante : elle n'a pas les moyens de contrôler ces usages croissants. Les données biométriques, si elles ne se confondent pas avec le corps, en sont le prolongement. Dès lors, l'article 34 de la Constitution s'applique : charge au législateur de fixer les règles.

Deux voies s'offraient à nous : renforcer les pouvoirs d'intervention de la Cnil a posteriori ou contrôler le phénomène en amont. Le rapporteur a bien fait de proposer un statut de la biométrie et une liste des usages. Au-delà de ce satisfecit, je salue l'initiative de M. Gorce en espérant que nous parviendrons à traduire dans la loi l'équilibre trouvé en commission.

Le groupe UDI-UC votera ce texte. (Applaudissements au centre et à gauche)

Mme Éliane Assassi .  - La biométrie, si elle n'est pas mauvaise en soi, peut donner lieu à des dérives dangereuses, c'est un fait. Notre régime est déjà protecteur, certes, mais trop imprécis sur le traitement de ces données. La proposition de loi vise à combler ce vide juridique. Je salue la démarche de l'auteur : il est anormal que l'entreprise utilise la biométrie pour suivre à la trace et à la minute ses employés...

Ce texte exclut les usages étatiques tels que le Fichier national automatique des empreintes digitales (FNAED) ou le Fichier national automatique des empreintes génétiques (FNAEG).

Pour autant, la Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt du 18 avril 2013, a jugé que le fichier français des empreintes digitales contrevenait à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme garantissant à toute personne le droit au respect de sa vie privée. La Cour rappelle que le stockage de ces données doit être proportionné aux fins poursuivies.

Cet arrêt ne concerne pas le seul fichier des empreintes digitales, il vaut pour le fichier élaboré en application de notre code de procédure pénal, le FNAEG. Initialement limité aux actes de délinquance sexuelle, il a été étendu par Nicolas Sarkozy à bien des délits mineurs, mais aussi aux actions syndicales et revendicatives. Le président Sarkozy s'est bien gardé d'y inclure la délinquance financière, les délits d'initiés, la fraude fiscale, l'abus de biens sociaux, etc.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Elle ne laisse pas de trace !

Mme Éliane Assassi.  - Nous refusons l'assimilation de syndicalistes à des criminels. En complément de notre proposition de loi relative à l'amnistie des faits commis à l'occasion d'activités syndicales ou revendicatives, nous avons déposé une proposition de loi interdisant le fichage génétique des personnes poursuivies pour ces faits.

Le groupe CRC votera ce texte tout en étant convaincu que nous aurons à nous pencher non seulement sur l'usage mais sur le traitement de l'intégralité des données biométriques. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Jacques Hyest .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Le travail a été bien fait. Ce soir, il s'agira de dire que le principe de précaution ne doit pas exclure l'innovation ; cet après-midi, on dit plutôt que l'innovation ne doit pas se faire sans précaution... On s'occupe d'innovation. Très bien : c'est un vivier d'emplois, nous dit-on, soit ; le « pétrole du XXIe siècle », à voir... Cette proposition de loi, dont il faut féliciter l'auteur et le rapporteur, porte sur les techniques biométriques. Elles existent depuis longtemps : ni la photographie ni les empreintes digitales n'ont attendu l'informatique. Avec celle-ci, l'enjeu concerne la protection de la vie privée et des libertés personnelles.

La jurisprudence rappelle la nécessité de protéger la vie privée. Trois risques sont susceptibles d'y porter atteinte : au moment de la collecte d'informations, au stade de leur traitement et lors de leur utilisation. Cette proposition de loi limite le recours aux données biométriques. Elle comporte deux avancées : le renforcement de la doctrine de la Cnil et la suppression de la biométrie dite de confort. On donne une valeur législative à la doctrine de la Cnil, qui encadre l'utilisation de la biométrie dite à trace. Celle-ci serait conditionnée à la stricte nécessité de sécurité.

Pour la biométrie de service, le dispositif vise la sécurité du site ou la protection des données. Le consentement de l'usager ? Dans quelle mesure pourra-t-on se soustraire à des contrôles biométriques, dont l'usage sera généralisé dans une entreprise ? Le risque de dispersion des données personnelles demeure.

Cette proposition de loi est bienvenue. Elle s'inscrit dans le cadre de la loi du 6 janvier 1978, ce qui exclut la biométrie dans le cadre d'activités exclusivement personnelles. Nul doute que le législateur devra se prononcer à nouveau sur le droit à l'oubli et le respect de la vie privée.

Il va falloir renforcer les moyens de la Cnil. Ses vérifications ne portent que sur 4,5 % du total... Le projet de règlement européen prévoit la suppression de l'autorisation préalable au profit d'un contrôle a posteriori ; il faudra renforcer ces contrôles, cela suppose que l'on ait assez de contrôleurs.

Dans l'Union européenne, la France est en pointe pour la protection des libertés publiques. Adoptons le cadre législatif le plus adapté. Le groupe UMP votera ce texte, que l'amendement du Gouvernement ne dénature pas et se félicite de l'unanimité du Sénat sur ces questions. Beaucoup de sociétés nous envieraient si elles pouvaient faire aussi bien ! (Applaudissements)

M. Jean-Yves Leconte .  - La biométrie est vieille comme le monde. Ce qui a changé, bien entendu, c'est le traitement informatique de ces données, parfois récoltés à l'insu de la personne. Avec les algorithmes dont on dispose désormais, la reconnaissance faciale, conjuguée aux caméras de surveillance, constitue une réelle atteinte à la vie privée. L'insistance sur les droits de la personne est une préoccupation constante du Sénat et de sa commission des lois depuis longtemps.

La volonté du Gouvernement d'aller plus loin, avec la carte d'identité biométrique, par exemple, a chaque fois été bloquée, ici, par le Conseil d'État ou par le Conseil constitutionnel. Les protections que nous pouvons accorder à nos concitoyens sont incertaines tant ces données circulent par-delà les frontières. Point de protection sans maîtrise de l'innovation et sans règlements européens et internationaux.

Instituer un fichier de toute une population à l'occasion d'une élection en Afrique serait contraire à nos valeurs. La manière dont nous exploitons un certain nombre de fichiers pose question : les étrangers doivent être traités de la même façon, notamment en ce qui concerne les visas et passeports délivrés à l'étranger, ou au sein de l'espace Schengen. Idem pour le certificat de nationalité française, qui pourrait être biométrisé... Point de protection sans échange et coopération européenne, sans respect du droit des étrangers.

La banalisation de la biométrie est un danger pour la société. Il faut un cadre national approprié - qu'apporte cette proposition de loi. Mais seule la maîtrise technologique, l'innovation pour les sociétés françaises permettra de le mettre en oeuvre.

Le groupe socialiste votera ce texte qui n'aura vraiment d'utilité que si le Gouvernement porte nos préoccupations au niveau européen, en insistant sur la réciprocité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II bis. - Pour l'application du 8° du I du présent article, ne peuvent être autorisés que les traitements dont la finalité est la protection de l'intégrité physique des personnes, la protection des biens ou la protection d'informations dont la divulgation, le détournement ou la destruction porterait un préjudice grave et irréversible et qui répondent à une nécessité ne se limitant pas aux besoins de l'organisme les mettant en oeuvre. »

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État.  - Notre amendement clarifie la rédaction et précise la finalité des traitements autorisés. Il ne faudrait pas que la loi interdise certains usages comme l'authentification d'un paiement par biométrie. Afin de limiter effectivement le recours à la biométrie aux cas pour lesquels elle est nécessaire, nous proposons une rédaction plus facilement utilisable par le juge. La Cnil doit pouvoir recourir aux outils pertinents comme l'analyse de risques.

M. le président.  - Sous-amendement n°2 à l'amendement n° 1 du Gouvernement, présenté par M. Pillet, au nom de la commission.

Amendement n° 1, alinéa 3

Remplacer les mots :

ne se limitant pas aux besoins

par les mots :

excédant l'intérêt propre

M. François Pillet, rapporteur.  - Je partage avec vous un regret et un accord. Le regret : que l'Anssi n'ait pas fourni son avis. L'accord : sur la création annoncée d'un groupe de réflexion dont nous espérons qu'il durera au-delà de la navette parlementaire.

Il ne s'agit pas de freiner l'initiative économique et industrielle. L'invention de l'écriture entraîne, entre autres conséquences, la pratique de la lettre anonyme. Elle n'en est pas moins un immense progrès de l'humanité. Un livre peut servir à publier des choses repoussantes, on condamne alors cet usage-là du livre pas l'objet livre en tant que tel. Ne blâmons pas une technique à cause des usages qui peuvent en être faits !

Les amendements limitent les usages dans des conditions à la fois souples et précises. L'amendement du Gouvernement fait suite à une réflexion qui a été la nôtre après l'élaboration du texte de la commission, lequel était, il est vrai, un peu « proustien » comme a dit le président Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission.  - C'était un compliment ! (Sourires)

M. François Pillet, rapporteur.  - L'amendement du Gouvernement reprend donc pour l'essentiel le texte de la commission, le caractère cumulatif des deux conditions et la finalité de sécurité. Le texte est allégé, tout cela nous convient. Reste un point purement rédactionnel, d'où ce sous-amendement : nous préférons une rédaction positive.

Sous cette réserve, la commission des lois a été unanime pour accepter cet amendement du Gouvernement.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État.  - Vous rétablissez la notion d'intérêt propre de l'organisme, qui n'est pas définie en droit. L'usage de la biométrie peut être utile même indépendamment de l'intérêt de l'organisme, comme quand il y va de l'intérêt du consommateur, par exemple pour authentifier le paiement d'une transaction. Il y va aussi de l'intérêt de l'économie dans son ensemble, qui repose sur l'existence de marchés sécurisés.

Le Gouvernement s'engage à créer un groupe de travail sur ce sujet ; nous en reparlerons donc. Sagesse sur le sous-amendement n°2.

Le sous-amendement n°2 est adopté.

L'amendement n°1, ainsi sous-amendé, est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté ainsi que l'article 2.

L'ensemble de la proposition de loi, modifiée, est adoptée.

La séance est suspendue à 18 h 30.

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 21 heures.

Charte de l'environnement (Proposition de loi constitutionnelle)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi constitutionnelle visant à modifier la Charte de l'environnement pour exprimer plus clairement que le principe de précaution est aussi un principe d'innovation, présentée par M. Jean Bizet et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

M. Jean Bizet, auteur de la proposition de loi constitutionnelle .  - « À chaque époque sa vérité, à chaque génération sa nature ». Par ces mots de Lamartine, je veux dire mon attachement à la Charte de l'environnement qui, en 2005, est venue répondre aux préoccupations de notre époque. Voulue par Jacques Chirac, cette charte, introduite par la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, symbolise la haute importance qu'accordent les pouvoirs publics à l'environnement : elle vise d'une part à préserver nos concitoyens et d'autre part à répondre à une réalité économique pensée globalement : le développement durable et la préservation de nos richesses naturelles.

Il nous était alors apparu nécessaire de repenser la prévention du risque et de mettre fin à un certain attentisme. Jusque-là, les pouvoirs publics ne prenaient en compte que les risques avérés, avec le principe de prévention, ou les risques réalisés comme dommages, avec le principe d'indemnisation. En constitutionnalisant le principe de précaution, la France s'est conformée à l'article 15 de la Convention de Rio, comme à l'article 174 du traité de Maastricht.

Après dix ans, la Charte n'a pas répondu à toutes les interrogations ni à toutes les attentes. Il faut concilier précaution et innovation. Le constituant n'a pas voulu entraver la recherche, au contraire : je rends hommage au doyen Gélard, déjà rapporteur à l'époque, qui rappelait que le principe de précaution devait conduire les autorités publiques à surpasser le risque potentiel d'une innovation, en procédant à une évaluation technique et scientifique de ces dangers hypothétiques. L'autorité compétente devait alors prendre toutes les mesures, proportionnelles et provisoires, permettant d'aiguiller la recherche vers les procédés les mieux adaptés au regard des connaissances scientifiques. C'est dire que le principe de précaution est un aiguillon, un moteur susceptible de favoriser l'approfondissement des connaissances ; loin de garantir le risque zéro, il appelle à une prise de risque raisonnable.

Les jurisprudences pénale et administrative ont elles-mêmes circonscrit l'application directe du principe de précaution. Le constituant entendait en effet exclure la responsabilité pénale pour manquement à des obligations de précaution par les autorités publiques ; le risque incertain était exclu. Il résulte des lois de 1999 et 2000 que cette responsabilité ne peut être engagée qu'en cas de faute caractérisée par un risque que l'on ne pouvait ignorer. La responsabilité administrative, elle, était limitée à l'erreur manifeste d'appréciation. En d'autres termes, l'interdiction d'un procédé innovant par l'autorité publique doit être subordonnée à l'exigence d'un dommage environnemental potentiel, qui serait le cas échéant grave et irréversible.

Voilà ce qu'aurait pu être l'application du principe de précaution. Il a été souvent dévoyé. Tout dépend en dernier lieu de l'interprétation qu'en ont faite les autorités publiques et les juges. La commission Attali a relevé que la portée normative l'article 5 de la Charte reste incertaine, ce qui crée un contexte hostile à l'innovation et nuit à la croissance en raison du risque, pour les entreprises innovantes, de voir leur responsabilité engagée. L'activité économique et administrative en est paralysée.

On a érigé le principe en la formule : « dans le doute, abstiens-toi ». Or l'administration n'est pas en mesure de suivre l'ensemble des recherches scientifiques... Ce qui a conduit à la démission du politique, comme si le principe de précaution pouvait à lui seul nous protéger contre tous les dangers de la mondialisation.

La commission Lauvergeon préconisait l'adoption d'un principe d'innovation équilibrant le principe de précaution ; à défaut, de préciser ce dernier pour rappeler qu'il ne doit pas nuire à la recherche et à l'innovation, indispensable à la croissance économique de notre pays. D'où cette proposition de loi.

Le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques a préconisé la création d'une instance de mise en débat du principe de précaution. Il m'a semblé préférable, en me fondant sur le rapport d'information de l'Assemblée nationale en 2010, l'avis de 2011, le rapport du Cese de 2013 et les nombreux articles de doctrine, d'articuler notre politique publique en fonction de deux orientations : deux jambes, en quelque sorte, pour une marche équilibrée - mettre fin définitivement à l'ambiguïté, renforcer l'information du public.

Ma famille politique n'a cessé de défendre une écologie intégrée, par la Charte comme par le Grenelle. En octobre 2007, Nicolas Sarkozy avait rappelé que le principe de précaution n'allait pas contre l'innovation mais était un principe de vigilance et de transparence. Nathalie Kosciusko-Morizet ne disait pas autre chose : le doute est inhérent à la démarche scientifique.

Malheureusement, les acteurs publics ont fui leurs responsabilités, de peur de voir engagée leur responsabilité et par ignorance des fondements du principe de précaution. D'où ma proposition de rédaction pour l'article 5 de la Charte de l'environnement. On dira l'ajout superfétatoire mais le constituant doit mettre fin aux divergences d'interprétation et éclairer la méthodologie à appliquer par les pouvoirs publics. La recherche appellera l'innovation qui, à son tour, appellera, en cas de risques potentiels, de nouvelles recherches. En aucun cas, le seul doute ne doit conduire à bloquer l'innovation. À terme, ou le risque n'existe pas et les limitations doivent être levées, ou il existe et il faut l'appréhender autrement, par la prévention, la surveillance ou l'interdiction.

Le deuxième objectif de cette proposition de loi est de faire évoluer les mentalités. La mondialisation fait et fera partie de notre quotidien. Or l'opinion publique s'inquiète moins du risque encouru que de savoir s'il existe ou non. L'information renforce la vie démocratique, elle peut désamorcer, rassurer et même conduire à l'acceptation d'un risque raisonnable.

J'insiste sur le droit absolu à l'information. Parfois, la volonté d'information de nos concitoyens peut suivre un processus négatif qui, partant de la volonté de connaitre les risques potentiels, aboutit à discréditer les fondements scientifiques de la gestion des risques et débouche sur la stigmatisation. On bascule alors du côté de la phobie irrationnelle ou du blocage contestataire...

Pour nous en prémunir, je propose, à l'article 7 de la Charte, de garantir l'indépendance des expertises ; et à l'article 8 de la Charte, de promouvoir la culture scientifique.

Le Sénat a toujours été tourné vers l'avenir. Avec le Grenelle, ma famille politique a voulu montrer que l'environnement concerne toutes les politiques publiques. Aujourd'hui, il faut adresser un message aux chercheurs comme aux entreprises qui investissent trop peu dans la recherche ; réconcilier partisans de la recherche et défenseurs de l'environnement. Il n'est pas question de privilégier l'innovation, mais de démontrer que les deux principes - précaution et innovation - peuvent n'en faire qu'un. (Applaudissements à droite et sur les bancs du RDSE ; M. Jacques Chiron applaudit aussi)

M. Charles Revet.  - Bravo !

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois .  - Nous fêtons un anniversaire : il y a dix ans, le président Chirac nous recevait, Jean Bizet, le président Hyest et moi-même pour nous dire son attachement à la Charte de l'environnement. Aujourd'hui, nous voulons faire le point sur l'application de cette Charte : c'est de bonne méthode.

J'ai en tête un précédent. La loi Littoral posait un principe de protection, mais aussi de développement économique du littoral. Pendant dix-huit ans, on a attendu les décrets d'application, en s'en remettant à une jurisprudence excessive qui autorisait la création de larges périmètres de protection jusqu'à 15 kilomètres à l'intérieur des terres, à laquelle le Conseil d'État a mis heureusement le holà. Les décrets enfin publiés, la loi a été appliquée comme le législateur l'avait voulu.

La Charte de l'environnement est un texte un peu étonnant, qui crée peu de droits et beaucoup de devoirs. L'article 5 est mal interprété, non par les tribunaux, mais par l'opinion publique. Le principe de précaution est un principe de procédure, non de fond, qui ne s'impose qu'à l'autorité publique ; les maires eux-mêmes n'y sont pas soumis. La jurisprudence relative aux antennes de téléphonie mobile se fonde non sur le principe de précaution mais sur d'autres principes.

Mise à part la décision toute récente de la cour d'appel de Colmar sur les faucheurs d'OGM, dans l'attente de la décision de la Cour de cassation, nos juridictions ont interprété le principe de précaution de façon raisonnable et conforme à l'esprit du constituant. Le Conseil constitutionnel a reconnu la valeur constitutionnelle de la Charte et de son préambule. La jurisprudence de la CJUE va dans le même sens dans des litiges qui concernent essentiellement les entreprises. La CEDH, elle, n'a pas encore été saisie de la question mais pourrait l'être un jour pour des questions de protection de la santé.

La France a été plus loin que d'autres. Les constitutions brésilienne, indienne, allemande ne font que mentionner le principe de précaution. Les choses, en France, se passent assez bien, mais les autorités publiques ont souvent peur de ce qui pourrait arriver si elles n'appliquaient pas une conception étroite du principe de précaution. Au lieu d'agir comme le prescrit l'article 5, elles sont paralysées - et l'innovation et la recherche sont paralysées avec elles.

En présentant ce texte, M. Bizet peut paraître un peu naïf : aucune proposition de loi constitutionnelle n'a abouti depuis 1958. Le texte doit être adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, puis le président de la République doit, s'il le souhaite, organiser un référendum... M. Bizet a toutefois le grand mérite de nous conduire à dresser un bilan et à mener une réflexion de qualité au Sénat, qui fera date. (Applaudissements)

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Il importe de sortir du débat qui oppose partisans et détracteurs du principe de précaution. Pour les premiers, il doit prévenir le risque, anticiper les effets potentiellement néfastes de certaines innovations ; pour les seconds, il conduit à la paralysie et au décrochage.

Si je comprends votre position, je veux souligner que le principe de précaution n'est pas une innovation française. La Convention de Londres sur les hydrocarbures, la Convention de Paris sur la protection des milieux marins y faisaient déjà référence. C'est à Rio que ce principe a été consacré, avant d'être repris dans le traité de Maastricht.

La Charte de l'environnement a constitutionnalisé un principe introduit en droit interne par la loi Barnier de 1995. C'est un principe d'action, qui incite les autorités publiques à développer la recherche scientifique pour évaluer les risques et prendre les mesures opportunes. Cette proposition de loi n'apporte rien de nouveau. C'est la mise en oeuvre de ce principe qui pose problème.

Pour paraphraser Jean-Louis Borloo, « l'utilisation inappropriée d'un terme n'appelle pas la suppression du concept ; il s'agit plutôt de revenir à un usage approprié. »

Le rapport de l'Assemblée nationale de 2010 soulignait la confusion qui règne dans le public et les médias sur le sens du principe de précaution ; le fait qu'il est bien davantage invoqué dans le domaine de la santé ou de l'urbanisme que dans celui de l'environnement ; et l'existence de jurisprudences divergentes. Il convient de mieux encadrer ce principe au lieu de s'en remettre à la jurisprudence. Ainsi, la cour d'appel de Versailles a interdit la mise en place d'antennes relais au motif de l'impossibilité d'assurer le public de l'absence de risques : ce n'est pas le sens de la Charte.

Il faut nous mettre d'accord sur le cadre légal des recherches, sur les limites éthiques et environnementales des expérimentations. Nous le faisons dans le cadre des lois de bioéthique. J'ai contribué à passer d'une interdiction hors dérogation à une autorisation strictement encadrée de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, pour ne pas nous priver de nouveaux traitements contre la myopathie ou la DMLA. Je note d'ailleurs une contradiction dans vos positions...

La France, en dix ans, est passée de la cinquième à la quinzième place mondiale en termes de publications scientifiques. Ne laissons pas le principe de précaution freiner la recherche pour revenir à une société de la recherche.

Pour que l'investissement de notre pays dans la recherche porte ses fruits, le cadre juridique doit être sécurisé. L'analyse coût-bénéfice doit être à la base du raisonnement. Voilà pourquoi la ministre de l'écologie et moi-même nous apprêtons à élargir les compétences du comité scientifique du Haut conseil des biotechnologies.

Le baromètre IRSN 2012 illustre la méfiance des citoyens à l'égard de la recherche : 31 % d'entre eux considèrent que la science et la technologie créent plus de risques qu'elles n'en suppriment. Faut-il rappeler que les experts ne décident pas mais éclairent nos décisions ? Décider sans être éclairé, cela porte un nom : l'obscurantisme.

À la suite du Grenelle, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a invité les organismes scientifiques à se doter d'une charte de l'expertise scientifique. Il convient à présent de diffuser les bonnes pratiques et de les faire connaître au public. Le fonctionnement des agences sanitaires et environnementales doit, lui aussi, être transparent. La proposition de loi de Mme Blandin va dans ce sens.

L'application du principe de précaution repose, par définition, sur une situation d'incertitude. Le débat est alors nécessaire pour prendre une décision, la faire comprendre et accepter. Mais les modalités du débat public ne sont pas adaptées à l'examen de questions scientifiques complexes - or elles sont de plus en plus complexes. Dans le domaine de la biologie de synthèse, le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a mis en place un observatoire dont il faudra dresser le bilan.

Je salue aussi les efforts des associations et des enseignants pour promouvoir la culture scientifique, avec des actions comme « la main à la pâte », car la connaissance partagée est le fondement d'une société démocratique. C'est l'une des priorités de mon ministère. Le 30 janvier, Mme Filippetti et moi-même avons annoncé la réforme de la gouvernance de la médiation culturelle scientifique, technique et industrielle, qui signe le retour de l'État stratège. Recherche et innovation doivent revenir au premier plan dans les programmes éducatifs.

Cette proposition de loi ne modifie pas l'état du droit. Reste qu'il conviendrait de mieux encadrer les modalités d'application du principe de précaution : l'amendement du président Sueur va dans ce sens. M. Badinter appelait lui-même, en 2004, à préciser ces modalités dans la loi, sous peine d'ouvrir la voie à un désordre constitutionnel évident.

Nous devons éviter trois écueils : une évolution de la jurisprudence qui ne considérerait pas le principe de précaution comme un principe d'action ; une mauvaise perception sociale du risque, qui conduirait à une défiance générale vis-à-vis de l'innovation ; enfin l'absence de prise en compte des données scientifiques, qui entraînerait une mauvaise mesure du risque et à une mauvaise appréciation des mesures prises pour y répondre.

C'est ensemble, dans le dialogue avec la société et les chercheurs, que nous devons faire du principe de précaution un principe d'action et d'innovation au service d'une société, qui tout en protégeant la planète et ses habitants, soit d'abord une société de progrès. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jacques Mézard .  - Il faut être prudent, diligent, ne pas faire n'importe quoi n'importe comment. Mais si le principe de précaution devient un dogme, il faut le combattre. Faut-il toujours pousser l'administration à ouvrir le parapluie ? Une société peut-elle se développer en ayant peur de tout ?

Jusqu'à la moitié du XXe siècle, le risque faisait partie du quotidien. Nous dérivons vers une société aseptisée où le progrès est désiré mais le risque rejeté. Le rapport Gallois déplorait une interprétation extensive du principe de précaution, qui nous fait courir un bien grand risque : celui du déclin. Imaginons Pasteur soumis au principe de précaution !

Je n'ai pas encore cité ici Jacques Attali... (Sourires) Il déclarait le 10 décembre dernier : « Le principe de précaution est un principe suicidaire, que la France est seule au monde à avoir inscrit dans sa Constitution ». La consécration du principe de précaution en 2005, au même rang constitutionnel que la Déclaration des droits de l'homme, n'allait pas de soi selon nous. Ses promoteurs d'alors s'en mordent peut-être aujourd'hui les doigts... La Charte a été globalement acceptée mais les discussions se sont cristallisées autour du principe de précaution. Quelle définition donner du dommage grave et irréversible ? Quel niveau de risque pourrait être jugé acceptable pour que ne soit pas mise en cause la responsabilité des décideurs publics ?

Dominique Perben, garde des sceaux lors de la discussion en 2004, reconnaissait que le principe de précaution était parfois appliqué dans des domaines qui relèvent de la prévention. L'article 5 devait encadrer clairement le recours à ce principe ; des verrous ont ainsi été imaginés - restriction à leurs domaines d'attribution de l'obligation d'agir des autorités compétentes, mise en oeuvre préalable de procédures d'évaluation des risques, caractère provisoire et proportionné des mesures de précaution.

Il faut le dire, le bilan de l'application du principe de précaution est contrasté. Certes, la jurisprudence du Conseil constitutionnel, de la Cour de cassation et du conseil d'État est stable et raisonnable. Mais le contentieux à lui seul freine l'innovation tout comme les arrêtés d'interdiction pris contre les OGM, pourtant annulés par le Conseil d'État.

La présente proposition de loi constitutionnelle met fin à ces fausses interprétations du principe de précaution. Notre recherche a besoin, également de moyens.

Je conclurai avec Gaston Bachelard : « C'est en termes d'obstacles qu'il faut poser le problème de la connaissance scientifique ». Seul cet état d'esprit nous permettra d'éviter la régression du savoir. (Applaudissements sur les bancs du RDSE, de l'UMP et plusieurs bancs socialistes)

Mme Marie-Christine Blandin .  - Voilà dix ans, nous adoptions la Charte de l'environnement, issue de la commission Yves Coppens. Ce projet, présenté par une droite réticente, critiqué par une gauche qui n'était pas dupe, diabolisé par des scientistes autistes, je l'avais soutenu. La raison l'a finalement emporté même si la confusion règne sur le champ d'application de ce principe. Mme Bachelot l'a invoqué pour dépenser un milliard en vue de vaccins contre une pandémie, avec le succès que l'on sait...

C'est l'absence du principe de précaution qui a forgé les crises de l'amiante, de la vache folle ou des hormones de croissance. Tous les faisceaux d'indices allaient dans le même sens.

Il est un point sur lequel nous sommes toutefois d'accord : la promotion de la culture scientifique à laquelle sont allouées des sommes si modestes. Vous parlez d'innovation, mais vous défendez des technologies dépassés, comme le diesel.

Vous voulez réduire la portée du principe de précaution pour autoriser les OGM et l'exploitation des gaz de schiste : qu'importe le sabordage des sous-sols ou la santé de tous si vos amis de la chimie et de l'agro-alimentaire peuvent s'enrichir ! Nos tribunaux, comme l'a rappelé le rapporteur, font du principe de précaution une application mesurée, circonscrite et raisonnable ; pourquoi y revenir ? Les arguments sur la compétitivité ne sont pas recevables, l'innovation doit être au service de l'humain.

Le groupe écologiste s'opposera à ce texte. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Chantal Jouanno .  - Je salue la constance de M. Bizet...

M. Charles Revet.  - Constant, il l'est...

Mme Chantal Jouanno.  - ... même si nos positions diffèrent parfois.

À l'évidence, notre société verse parfois dans le précautionnisme et le principe de précaution a fait l'objet d'une instrumentalisation politique : voyez le débat avorté sur les nanotechnologies, le fauchage de parcelles d'OGM plantées pour la recherche.

Pour autant, les tribunaux, M. Gélard l'a montré, ont fait de ce principe une application raisonnable. Le problème est plutôt celui du principe de responsabilité avec la judiciarisation de notre société.

Ce texte, sans être nécessaire donc, revivifiera-t-il l'esprit d'innovation ? Je comprends mal la nouvelle rédaction de l'article 5, d'autant que notre Constitution est déjà trop bavarde. Le renvoi à la loi, qu'a proposé M. Sueur, aurait été une meilleure solution.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Merci !

Mme Chantal Jouanno.  - Quant à la nouvelle rédaction de l'article 7, elle est, après consultation, un nid à contentieux.

C'est vrai, il ne faut pas freiner l'innovation. Nous étions premiers sur les véhicules électriques, le solaire... Faut-il pour autant nous renier ? Ce qui était vrai en 2004 l'est encore. Le principe de précaution s'impose : jamais auparavant une génération entière n'a été exposée aux mêmes produits. Ne donnons pas le sentiment que le principe d'innovation s'oppose à celui de précaution ; il mérite à lui seul un débat.

Mme Évelyne Didier .  - Après la loi de 1995, le principe de précaution a été intégré à la Charte de l'environnement. Mettons fins aux mauvaises interprétations : le danger doit être grave et irréversible, les mesures sont provisoires et proportionnées. Le principe est donc encadré, tant et si bien que les tribunaux en ont peu fait usage.

M. Bizet, dont je salue également la constance, laisse croire que ce principe contrevient à la sacro-sainte compétitivité ? Il n'y a pas d'un côté, les modernes et de l'autre, les obscurantistes.

Le principe de précaution est, en soi, un principe d'innovation. Le droit à l'échec doit se conjuguer avec le principe de précaution ? Mme Anne Lauvergeon confond tout. Ce qui est reproché au principe de précaution, c'est le symbole, celui du rôle de régulateur de l'État. Voilà ce que les marchés infusent. Dès l'adoption de la Charte de l'environnement, le président du Medef avait annoncé une perte de compétitivité et de parts de marché...

M. Bruno Sido.  - Et nous avons perdu des emplois !

Mme Évelyne Didier.  - Rien à voir ! On voit bien que cette nouvelle offensive survient alors que certains veulent rouvrir le débat sur le gaz de schiste. C'est à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises qu'il faut faire appel si nous voulons de l'innovation, c'est à la financiarisation de l'économie que nous devons nous attaquer.

M. Bruno Sido.  - Ho la la !

Mme Évelyne Didier.  - Le groupe CRC votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs CRC et écologistes)

M. Michel Teston .  - Ce débat s'engage dans un climat passionnel, après la décision de la cour d'appel de Colmar de relaxer 54 faucheurs volontaires de plants de vigne génétiquement modifiés dans une parcelle expérimentale. Faire preuve de rigueur juridique et de mesure politique, dans cette situation, est essentiel.

Je m'interroge sur la méthode : la Charte de l'environnement adoptée par le Congrès a été préparée par quatre années de travaux avec des comités scientifiques et la consultation de 14 000 acteurs régionaux. Faut-il y revenir avec une seule proposition de loi ? Sur le fond, les tribunaux font de ce principe de précaution une interprétation raisonnable ; surtout, ce principe n'est pas une règle de fond mais un principe procédural, M. Gélard le rappelle dans son rapport. La décision de la cour d'appel de Colmar s'inscrit dans cette logique : elle a jugé l'arrêté ministériel qui avait autorisé l'expérimentation de l'Inra illégal.

Quant à l'affirmation selon laquelle le principe de précaution freinerait l'innovation, comment l'étayer ? Le volume des brevets déposés a augmenté : il a atteint 7 844 en 2013 contre 6 255 en 2006.

Enfin, le principe de précaution ne nuit pas à notre compétitivité parce que la Cour de justice de l'Union européenne et l'OMC se sont engagées dans une dynamique d'harmonisation de la jurisprudence.

Quelles sont donc les raisons qui ont poussé au dépôt de cette proposition de loi ? Elle a été déposée quelques jours après la décision du Conseil constitutionnel du 11 mars 2013 sur l'annulation des permis de recherche accordés pour l'exploration du gaz de schiste. Les arguments des requérants étaient proches : le législateur, disaient-ils, avait méconnu l'article 6 de la Charte de l'environnement qui impose de concilier protection de l'environnement et développement économique. Alors que le Conseil avait jugé que cet article 6 n'instituait pas un droit ou une liberté garantie par la Constitution, l'auteur de cette proposition de loi espère-t-il un revirement de jurisprudence ?

J'entends bien qu'il s'agit d'aménager le principe de précaution. Soit, mais au terme d'une large concertation et non quand le débat médiatique fait rage.

M. Bruno Sido.  - Courage, fuyons !

M. Michel Teston.  - À titre personnel, je voterai l'amendement de M. Sueur, qui renvoie la mise en oeuvre du principe de précaution à une loi organique et m'opposerai à l'amendement de M. Détraigne qui rétablit la proposition de loi initiale tout en renvoyant à une loi ordinaire. Pour finir, citons Jean Jaurès : « Les progrès de l'humanité se mesurent aux concessions que la folie des sages fait à la sagesse des fous ». (Applaudissements sur les bancs socialistes, CRC et écologistes)

M. Philippe Bas .  - J'ai cosigné ce texte, persuadé que le principe de précaution doit être mieux encadré. Chacun ne le sait que trop, il est plus facile d'inquiéter que de rassurer.

La Charte de l'environnement voulue par Jacques Chirac, est au fondement d'une écologie humaniste. Depuis, la protection de nos libertés fondamentales repose sur trois piliers : droits individuels, économiques et sociaux, et environnementaux.

En ce domaine, la France, si elle fut première, doit beaucoup à la Convention de Rio et au Traité de Maastricht. La Charte de l'environnement doit donc être défendue, et elle le sera mieux en étant complétée.

Dès avant la Charte, le principe de précaution figurait dans notre droit interne en vertu de traités internationaux, du droit européen et de la loi Barnier de 1995. La portée de l'article 5 est d'ailleurs plus réduite qu'on ne le croit habituellement. Seule la responsabilité des pouvoirs publics est engagée, le dommage doit être grave et irréversible et les mesures prises proportionnées et transitoires. Autrement dit, ceux qui détruisent des installations de recherche doivent être sanctionnés.

La proposition de loi de M. Bizet n'enlève rien à cet article 5. Elle ne fait que le compléter. La tension entre risque et recherche a toujours été riche et féconde depuis la découverte du feu jusqu'à la découverte de l'atome. Le progrès sans le risque n'existe pas. C'est pourquoi il faut répondre au risque, non par l'interdiction mais par la prévention, la précaution et surtout de nouveaux progrès.

L'accélération des technologies et l'émergence de nouveaux modèles de développement feraient peser de nouveaux risques qui invitent à la prudence. Le texte de M. Bizet est équilibré, nous vous invitons à le voter. (Vifs applaudissements à droite)

M. Michel Berson .  - La révision constitutionnelle du 1er mars 2005 a donné au principe de précaution une valeur constitutionnelle. Dix ans après, et alors que la loi Barnier le reconnaissait depuis 1995, le débat continue de faire rage. De fait, son inscription dans la Constitution sans plus de précision suscite des inquiétudes légitimes - la récente décision de la cour d'appel de Colmar, si elle était confirmée, paralyserait la recherche. C'est une décision étonnante...

M. Daniel Raoul.  - Scandaleux !

M. Michel Berson.  - Il n'appartient pas au juge d'évaluer la pertinence de l'autorisation conférée par le Haut conseil.

M. Jean Bizet.  - Très juste !

M. Michel Berson.  - Jacques Attali, dans son rapport de 2008, Louis Gallois, dans son rapport sur la compétitivité, dénonçaient une interprétation trop restrictive du principe de précaution. (M. Bruno Sido approuve)

La prise de risque est, nous le savons, inhérente au progrès. Anne Lauvergeon proposait, elle, d'équilibrer le principe de précaution par un principe d'innovation, l'un et l'autre constituant le yin et le yang du progrès social.

L'innovation, en ce début de XXIe siècle, est la clé des grands défis que nous devons affronter, à commencer par celui de la concurrence, de la croissance et de l'emploi. Le rapporteur du Cese, Alain Feretti, ne disait pas autre chose.

Revenir sur le principe de précaution serait un recul, donc ce ne serait pas un progrès - pensons à la crise de la vache folle ! En revanche, lui adjoindre un principe d'innovation redonnerait confiance en celle-ci. Notre foi républicaine en la connaissance passe par la reconnaissance de l'un et de l'autre, nous n'avons pas à choisir entre compétitivité, recherche et précaution.

Cette proposition de loi sage contribue utilement à un débat qui se prolongera le 5 juin avec l'examen du rapport de l'Opecst sur ce qui pourrait devenir demain la charte de l'innovation. (Applaudissements à droite, sur les bancs du RDSE et sur quelques bancs socialistes)

La discussion générale est close.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État.  - Je demande une suspension de séance de quelques minutes.

M. le président.  - Elle est de droit.

La séance, suspendue à 22 h 55, reprend à 23 h 5.

Discussion de l'article unique

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article 34-1 de la Constitution, il est inséré un article 34-2 ainsi rédigé :

« Art. 34-2.  -  Le principe de précaution inscrit dans la Charte de l'environnement s'applique dans les conditions fixées par une loi organique. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il est permis d'être un farouche partisan du principe de précaution, qui n'est pas un dogme, et de croire en les vertus de la recherche scientifique et en la liberté des chercheurs. Il ne peut y avoir là de contradiction ; dès lors, certaines oppositions, qui se sont exprimées dans cet hémicycle, m'apparaissent un peu forcées.

Mme Cécile Cukierman.  - Ce n'est pas faux.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Merci à Mme la ministre, à Mme Jouanno et à M. Teston d'avoir marqué leur intérêt pour mon amendement qui est de fidélité. Je n'oublierai jamais le discours prononcé ici il y a dix ans par Robert Badinter : « Reconnaître ce principe et lui donner une applicabilité directe en se dispensant de l'intervention du législateur pourtant prévu pour d'autres articles. Je pense au principe de prévention - en prétendant qu'il pourra intervenir plus tard, c'est négliger la hiérarchie des normes et ouvrir la voie à un désordre juridique ». Pourquoi cette méfiance à l'égard du législateur demandait M. Badinter ?

À la demande du rapporteur, les membres du groupe socialiste ont accepté de retirer cet amendement au bénéfice de celui de M. Détraigne, qui reprend certains points du texte, non contraires au principe de précaution et qui renvoie à la loi, ce à quoi nous tenions beaucoup.

L'amendement n°1 est retiré.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État.  - Je regrette ce retrait que je comprends mal. Les arguments de M. Badinter étaient pertinents. Le principe de précaution doit être débattu. Il aurait mieux valu renvoyer à une loi organique.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Pourquoi organique ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État.  - Ministre des chercheurs, j'ai mesuré l'impact négatif de certaines décisions judiciaires, même si elles sont rares.

Pourquoi décourager les vocations, et nous savons que nous en manquons, en n'insistant que sur les quelques dysfonctionnements de la recherche, sans adresser de signes aux chercheurs, auxquels on ne rend jamais assez hommage ? Ils ne gagnent pas des mille et des cents ; ils travaillent avec passion, de la recherche fondamentale à la recherche appliquée et au transfert.

D'autres pays savent débattre plus posément de l'innovation technologique.

Ironie de l'affaire, il me faut tenir compte de la balance coût-avantages, une méthode que je préconisais tout à l'heure, pour prendre une décision à chaud, après le retrait inattendu de l'amendement de M. Sueur.

Je ne veux pas adresser un nouveau signal négatif aux chercheurs, qui se dévouent pour un maigre salaire souvent, dont les innovations créent effectivement des emplois.

M. Bruno Sido.  - Quel numéro !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État.  - Notre rayonnement, la survie de notre société supposent d'avoir confiance dans le progrès.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Vous pouvez reprendre l'amendement de M. Sueur !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État.  - Sur l'amendement de M. Détraigne, je m'en remettrai donc à la sagesse du Sénat.

M. le président.  - Du fait du retrait de l'amendement n°1, il n'y a plus discussion commune.

Amendement n°4 rectifié, présenté par Mme Jouanno, MM. Lasserre et Roche, Mme Morin-Desailly et M. Marseille.

Alinéas 2 à 8

Supprimer ces alinéas.

Mme Chantal Jouanno.  - Je propose de ne conserver que la dernière partie du texte sur la formation à l'innovation. Le reste est superflu ou dangereux.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement qui réduit à néant la proposition de loi.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien !

L'amendement n°4 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par M. Détraigne, Mme Férat et MM. Capo-Canellas, J. Boyer, Merceron et Amoudry.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Les mots : « et dans leurs domaines d'attributions » sont remplacés par les mots : « dans leurs domaines d'attributions et dans les conditions définies par la loi » ;

M. Yves Détraigne.  - Encadrer la mise en oeuvre du principe de précaution par une loi simple, c'est le rôle du législateur.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Avis favorable. Cet amendement se conforme à ce que disait M. Badinter il y a dix ans, qui parlait de la loi in abstracto, c'est-à-dire de tout texte qui crée une norme et qui peut être un règlement. Le Préambule de 1946 renvoie l'exercice du droit de grève à la loi. Or il y en a très peu, ce qui ne lui ôte rien de son effectivité.

Il ne peut s'agir d'une loi organique car la Constitution elle-même doit conférer à une loi le caractère organique. Imagine-t-on de renvoyer à une loi organique pour l'application du Préambule de 1946 ? Cela en affecterait le caractère supra-constitutionnel, dirai-je.

En outre, l'amendement de M. Sueur rendait le principe de précaution inapplicable tant qu'une loi organique n'aurait pas été adoptée. D'où notre position de consensus.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État.  - Je veux rappeler mes réserves. Si l'on juxtapose deux principes dans la Constitution, on créera les mêmes désordres jurisprudentiels. Les principes ne devraient jamais être opposés. Mieux vaudrait préciser les choses dans la loi.

Le Gouvernement est tout à fait favorable à l'innovation : il l'a montré en demandant un rapport à Louis Gallois, en renversant le principe sur la recherche sur les cellules souches - la droite alors ne défendait pas l'innovation scientifique avec une grande énergie. Mais nous craignons la complexité juridique. D'où notre avis de sagesse.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Je ne suis pas un grand scientifique, je ne suis qu'un modeste juriste ; j'ai appris qu'une loi organique était relative à l'organisation des pouvoirs publics... Le texte ne crée pas de principe d'innovation mais dit que l'on veille à l'innovation. Le principe de précaution est un principe de procédure et d'application directe. On a déjà bouleversé la Constitution et voilà un article 34-2 !

Le principe de précaution s'applique-t-il seulement par la loi ? Pas sûr... Je m'interroge donc sur l'intérêt de cet amendement. Attention aux blocages. On dira : « Il faut une loi » !

M. François Grosdidier.  - Encore plus modeste juriste, je ne crois pas du tout qu'il s'agisse ici de la matière d'une loi organique... Et Mme la ministre parle de complexité ! Je suis, quant à moi, très attaché à la valeur constitutionnelle du principe de précaution. Il est contradictoire avec celui d'innovation ? Voire ! Tous les principes constitutionnels du reste sont contradictoires. C'est la loi qui établit entre eux des compromis, comme entre la liberté et l'égalité.

J'ai d'abord craint que cet amendement ne serve à vider le principe de précaution de sa substance. Mais le renvoi à la loi ne remet pas en cause l'applicabilité directe du principe, pas plus que du droit de grève, comme l'a expliqué le rapporteur. L'amendement ne me paraît pas indispensable car la Charte de l'environnement est parfaitement rédigée, mais il n'est pas inutile. Je le voterai.

M. Jean-Yves Leconte.  - Un règlement européen de 2002 détermine les modalités d'application du principe de précaution. Notre droit est à la fois plus exigeant et plus flou, mieux vaut donc préciser les choses par la loi.

Le progrès scientifique, sans toujours entraîner le progrès social, en est la condition. En outre, face aux mutations du monde, le premier risque est de ne pas en prendre. Le risque doit être géré raisonnablement par la démocratie représentative et non par l'émotion.

La France a toujours porté l'idéal des Lumières. Qu'elle y reste fidèle ! Je préférerais que le principe de précaution s'appelle « Obligation d'anticipation » mais je voterai l'amendement.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Ce texte est inutile, sauf s'il cache d'autres desseins... Le choix n'est pas seulement entre loi organique et loi simple. L'amendement de M. Sueur se substituait à celui de M. Détraigne. J'ai l'impression ce soir d'un jeu de rôle : on dépose un amendement pour le retirer, on défend les chercheurs avec passion avant de donner un avis de sagesse. On fait voter une loi en leur faveur et l'on ne trouve pas moyen d'en publier les décrets d'application. Tout le monde connaît pourtant le dénouement. On se réfère au grand Badinter, le débat sur la Charte de l'environnement ne fut pas son meilleur jour : il s'était inquiété que certaines formules à la gloire de la recherche ne froissent les croyants.

En renvoyant à une loi, nous ouvrons une brèche où les lobbys du gaz de schiste s'engouffreront. Il est écrit que le principe de précaution appelle une loi ? En attendant, allons-y, sortons les foreuses ! 

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - La loi existe déjà : c'est le code de l'environnement, ce sont les règlements du ministère de la santé ! Nous devons adopter l'amendement de M. Détraigne sans quoi rien n'interdira à un justiciable de contester la constitutionnalité du code de l'environnement au moyen d'une question prioritaire de constitutionnalité.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques.  - Très bien !

À la demande du groupe UDI-UC, l'amendement n°3 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n° 185:

Nombre de votants32 0
Nombre de suffrages exprimés 318
Pour l'adoption 281
Contre 37

Le Sénat a adopté.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Grosdidier.

Alinéa 3

Après les mots :

, à un coût économiquement acceptable,

insérer les mots :

au regard des enjeux sanitaires et environnementaux

M. François Grosdidier.  - Un amendement du rapporteur m'a gêné. Les mesures prises pour parer à d'éventuels risques doivent être proportionnées, mais que signifie « à un coût économiquement acceptable » ? Le coût pour qui ? Immédiat ou à long terme ? S'il s'agit du coût pour celui qui crée le risque...

Sur l'amiante, on fait aujourd'hui de la prévention mais dans les années 1960 ou 1970, où le risque était incertain, on aurait parlé de précaution. Le « coût économique » aurait-il été acceptable ? Les considérations économiques peuvent-elles prévaloir sur tout ?

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Retrait. L'amendement est satisfait par les articles premier à 4 de la Charte européenne, comme par l'amendement de M. Détraigne.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Jean-Claude Lenoir .  - Ce débat fut très intéressant. Il a permis d'exprimer notre attachement à la liberté. La France est le pays des Lumières. Que d'innovations qui n'auraient pas vu le jour si le principe de précaution avait prévalu !

La proposition de loi prévoit aussi l'information du public. J'ai été frappé de voir combien les mauvais arguments chassent les bons, comme la monnaie... Le public retient ce qui fait peur. Au sein de l'Opecst, nous avons souvent souhaité que la vérité puisse être établie de façon impartiale et indépendante. C'est ce que prévoit ce texte. Il y a là un moyen de consolider la vérité contre la mauvaise foi.

M. Daniel Raoul .  - Je félicite Mme la ministre de témoigner sa confiance à l'égard des chercheurs. Personne n'ose plus s'engager dans la recherche en biologie génétique, en raison de la pression psychologique, quand ce n'est pas de la violence physique. Jamais Pasteur n'aurait combattu la rage avec cette conception étroite du principe de précaution.

Le doyen Gélard l'a dit : la loi, prise dans sa généralité abstraite, c'est aussi le code de l'environnement et des règlements. Je suis choqué de la décision de la cour d'appel de Colmar : le fauchage d'installations autorisées par le Haut conseil des biotechnologies doit être puni. (Applaudissements à droite et sur divers bancs centristes et socialistes)

Mme Évelyne Didier.  - Cette proposition de loi n'y changera rien.

M. Michel Teston .  - Je voterai contre, comme plusieurs autres membres du groupe socialiste.

Mme Évelyne Didier .  - Le principe de précaution, tel qu'il existe, favorise la recherche et ne l'entrave pas. Foin des amalgames : les fauchages sauvages n'ont rien à voir avec la Charte de l'environnement ! On peut faire confiance à M. Bizet pour tout faire pour détricoter le beau travail de 2005.

Il y a bien d'autres freins à l'innovation. Souvenez-vous du scandale de l'amiante. Combien de temps a-t-il fallu avant que cette vérité, sue de tous, soit enfin reconnue ?

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - C'était avant !

Mme Évelyne Didier.  - Il y a eu Métal-Europe, et bien d'autres affaires.

Je ne doute pas que d'autres attaques seront portées contre le principe de précaution. Cela va continuer, avant longtemps, jusqu'à la mort (on s'émeut, à droite) du principe de précaution.

M. Jean Bizet.  - Je suis rassuré !

M. François Grosdidier .  - Même si la Charte de l'environnement n'a rien perdu de sa pertinence, et le président Chirac a bien fait de la proposer, il n'est pas inutile de rappeler que le principe de précaution est un principe d'action et d'innovation, non d'abstention. D'accord, donc, pour cette redondance. D'accord pour le droit à l'information. En tant que gaulliste, je n'ai aucun a priori contre la science, évitons de tomber dans les excès.

Il y a débat sur l'applicabilité directe. Comment la loi peut-elle tout prévoir en des domaines qui ne sont pas encore connus ?

Je regrette toutefois que l'on n'ait pas mis la santé et l'environnement sur le même plan que l'économie. Raison pour laquelle je ne voterai pas ce texte, avec regret.

M. Jacques Mézard .  - Le groupe RDSE continue de déplorer l'inscription du principe de précaution dans la Constitution. Il votera dans sa majorité ce texte, deux d'entre nous s'abstiendront en raison de leur hostilité foncière au principe de précaution.

Bien sûr, il faut préserver notre environnement. Mais l'accumulation d'obstacles à la recherche, de discours alimentant les peurs sur les effets de la recherche doivent nous inciter à réagir : envoyons un message de soutien aux chercheurs.

Mme Chantal Jouanno .  - Depuis le début de ce débat, M. Gélard nous explique que cette proposition de loi constitutionnelle ne prospérera pas, que la jurisprudence est raisonnable. Nous discutons donc depuis plusieurs heures pour rien et n'avons pas débattu un seul instant du contenu. En vérité, le principe de précaution a bon dos. On n'a pas beaucoup entendu s'indigner les responsables politiques quand les parcelles de recherche ont été arrachées. (M. Daniel Raoul le conteste) Même silence lors de l'obstruction du débat sur les nanotechnologies...

Je voterai contre cette proposition de loi, certains de mes collègues du groupe UDI-UC pour, les autres s'abstiendront.

M. René-Paul Savary .  - J'attendais avec impatience ce débat, nous devons avancer sur le principe de précaution si nous voulons des progrès en matière de médecine, de nanotechnologies... On m'a appris que la recherche fondamentale devait précéder la recherche appliquée. Le même raisonnement s'applique : le principe d'innovation avant le principe de précaution. Les autres pays progressent, nous restons arc-boutés sur nos grands principes. Il faut bouger. Je voterai ce texte avec enthousiasme

M. Bruno Sido .  - Le président de l'Opecst que je suis encore se félicite de ce débat de qualité. Le principe de précaution était important. Malheureusement, il a été maltraité, mal interprété ; on a même oublié qu'il ne s'appliquait qu'à l'environnement ; le monde de la recherche, inquiet, attend un signe.

Mme Évelyne Didier.  - Il patine faute de moyens !

M. Bruno Sido.  - Notre pays ne peut pas rester dans l'ambiguïté ; merci à M. Bizet pour son texte qui redonnera confiance au monde de l'innovation pour que notre chère France retrouve sa place !

M. Jean Bizet, auteur de la proposition de loi.  - Très bien !

Mme Marie-Christine Blandin .  - Nous sommes tous d'accord sur le lien étroit entre principe de précaution et principe d'innovation. Ce texte était donc inutile.

Monsieur Bizet, vous avez su bien emballer les choses. Vous êtes habile : vous savez occuper les meilleurs postes, à la commission des affaires européennes où l'on anticipe sur les textes relatifs à la brevetabilité des semences, à l'Opecst où l'on ouvre grand les oreilles aux industriels mais où l'on n'écoute pas les victimes de vaccins. Dans ces moments-là le président Sido voit comme nous les rangs de l'Office se clairsemer.

Le groupe écologiste ne votera pas ce texte dont j'espère qu'il ne prospérera pas. Dans le cas contraire, je vous donne rendez-vous : on verra qui était dans le cheval de Troie.

M. Jean Bizet, auteur de la proposition de loi .  - Ce texte, puisque la majorité est la même à l'Assemblée nationale, devrait prospérer. Il ne vise, je veux rassurer Mme Blandin en craignant de ne pas y parvenir, qu'à rappeler que le principe de précaution est aussi un principe d'innovation. Je déplore l'absence de débats sur les nanotechnologies ; ils ont eu lieu dans les pays du Nord.

Ce texte, madame la ministre, n'envoie pas un mauvais signal aux chercheurs. Je suis moi aussi à leur écoute et à celle des entreprises. Les chercheurs attendent un éclairage sur ce que veut et pense la représentation nationale. J'invite le président de la République à considérer cette proposition de loi constitutionnelle en cohérence avec les rapports Attali, Gallois et Feretti, avec les recommandations de Mme Lauvergeon. Le Gouvernement veut développer la recherche ? Chiche !

Disons aux chefs d'entreprise et aux chercheurs que nous croyons en une écologie scientifique, où les sauts technologiques permettent de conjuguer modernité et respect de l'environnement. C'est la quintessence du développement durable.

Je me réjouis de la convergence là-dessus avec M. Raoul, malgré nos sensibilités politiques différentes. La mondialisation doit se vivre dans la modernité ! (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Le scrutin public est de droit sur une proposition de loi constitutionnelle.

Voici le résultat du scrutin n°186 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 334
Pour l'adoption 290
Contre 44

Le Sénat a adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 28 mai 2014, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit vingt-cinq.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mercredi 28 mai 2014

Séance publique

De 14 h30 à 18 h 30

Présidence : M. Jean-Pierre Raffarin, vice-président

Secrétaires : Mme Michelle Demessine Mme Catherine Procaccia

1. Proposition de loi modifiant le délai de prescription de l'action publique des agressions sexuelles (n°368, 2013-2014)

Rapport de M. Philippe Kaltenbach, fait au nom de la commission des lois (n°549, 2013-2014)

Résultat des travaux de la commission (n°550, 2013-2014)

2. Suite de la proposition de loi relative à l'accueil et à la prise en charge des mineurs isolés étrangers (n°154, 2013-2014)

Rapport de M. René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois (n°340, 2013-2014)

Texte de la commission (n°341, 2013-2014)

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°185 sur l'amendement n°3 rectifié bis, présenté par M. Yves Détraigne et plusieurs de ses collègues, à l'article unique de la proposition de loi constitutionnelle visant à modifier la Charte de l'environnement pour exprimer plus clairement que le principe de précaution est aussi un principe d'innovation.

Nombre de votants :320

Suffrages exprimés :318

Pour :281

Contre :37

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (130)

Pour :130

Groupe socialiste (128)

Pour :122

Contre : 6 - M. Pierre Camani, Mme Frédérique Espagnac, M. Jean-Jacques Filleul, Mmes Marie-Françoise Gaouyer, Odette Herviaux, M. Michel Teston

Groupe UDI-UC (32)

Pour : 6 - MM. Jean-Paul Amoudry, Jean Boyer, Vincent Capo-Canellas, Yves Détraigne, Mme Françoise Férat, M. Jean-Claude Merceron

N'ont pas pris part au vote : 26

Groupe CRC (21)

Contre : 21

Groupe RDSE (19)

Pour :17-

Abstentions : 2 - MM. Jean-Pierre Chevènement, Pierre-Yves Collombat

Groupe écologiste (10)

Contre :10

Sénateurs non-inscrits (6)

Pour :6

Scrutin n°186 sur l'ensemble de la proposition de loi constitutionnelle visant à modifier la Charte de l'environnement pour préciser la portée du principe de précaution

Nombre de votants :341

Suffrages exprimés :334

Pour :290

Contre :44

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (130)

Pour :129

Contre : 1  -  M. François Grosdidier

Groupe socialiste (128)

Pour :122

Contre : 6 - M. Pierre Camani, Mme Frédérique Espagnac, M. Jean-Jacques Filleul, Mmes Marie-Françoise Gaouyer, Odette Herviaux, M. Michel Teston

Groupe UDI-UC (32)

Pour :16

Contre : 6 - M. Jean Arthuis, Mmes Nathalie Goulet, Chantal Jouanno, MM. Jean-Jacques Lasserre, Hervé Marseille, Mme Catherine Morin-Desailly

Abstentions : 5 - MM. Jean-Marie Bockel, Jean Boyer, Mme Valérie Létard, MM. Henri Tandonnet, Jean-Marie Vanlerenberghe

N'ont pas pris part au vote : 5 - MM. Marcel Deneux, Daniel Dubois, Mme Jacqueline Gourault, MM. Pierre Jarlier, Christian Namy

Groupe CRC (21)

Contre : 21

Groupe RDSE (19)

Pour :17

Abstentions : 2 - MM. Jean-Pierre Chevènement, Pierre-Yves Collombat

Groupe écologiste (10)

Contre :10

Sénateurs non-inscrits (6)

Pour : 6