Élections municipales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à permettre aux candidats de se présenter aux élections municipales avec la nuance « sans étiquette » dans les communes de moins de 3 500 habitants, présentée par M. Jean-Claude Carle et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe UMP.

Discussion générale

M. Jean-Claude Carle, auteur de la proposition de loi .  - La loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, communautaires et municipaux abaissait l'application de la proportionnelle aux communes de 1 000 habitants. L'objectif affiché était de sortir du bipartisme. En pratique, son application a conduit à une politisation accrue des municipales. Je m'explique : le décret du 30 août 2001 impose le rattachement des élus à une étiquette politique. Si ceux-ci n'en déclarent pas, le préfet leur attribue une nuance politique. Ce rattachement, censé ne s'appliquer que dans les communes de plus de 3 500 habitants, est dans les faits appliqué à tous les candidats depuis la loi du 17 mai 2013 et la combinaison de ses articles 24 et 25. Le candidat choisit une nuance politique sur une liste, la préfecture valide ou corrige selon sa propre appréciation. Il y a un droit de recours sans garantie que la contestation soit prise en compte.

Si les préfets s'acquittent de cette tâche avec intégrité, certaines étiquettes et nuances ne recoupent pas les réalités locales. Nous voulons mettrons fin à cette entrave à l'expression des sensibilités politiques, qui passe souvent dans les petites communes par une non-politisation des candidats.

L'AMF a demandé la suppression de cette obligation masquée d'étiquetage. Nous connaissons bien les réalités de la vie locale : dans les petites communes, l'engagement politique n'est pas partisan. Les listes rassemblent souvent des personnes qui se reconnaissent de sensibilités politiques différentes mais veulent travailler ensemble dans l'intérêt local. Le rattachement arbitraire à une nuance, de gauche ou de droite, n'y a aucun sens ; il est source de confusion.

La nuance « divers » n'est pas la solution que disait M. Valls, alors ministre de l'intérieur. Elle regroupe des mouvements qui, pour ne pas s'inscrire dans les grandes tendances nationales, n'en correspondent pas moins à des options politiques précises, comme anti-impôts, régionalistes, « pirates ». Rien à voir avec la démarche des « sans étiquette » qui correspond à une volonté d'union locale transpartisane.

Faisons vivre les sensibilités locales qui ne se rattachent ni à la droite, ni à la gauche, en autorisant des listes sans étiquette, et en mettant fin à l'attribution par le préfet d'une nuance politique.

La loi est nécessaire pour surmonter le mur réglementaire. L'article premier modifie l'article L. 255-4 du code électoral qui concerne les communes de moins de 1 000 habitants ; l'article 2 modifie l'article L. 265, qui vise les communes de 1 000 à 3 499 habitants.

Les listes « sans étiquette » réunissent des candidats souvent issus de la société civile, soucieux d'union locale : impossible de les rattacher à un courant particulier. Le déficit de confiance envers les élus nourrit l'abstention massive, voire le vote extrémiste, les récentes élections européennes en sont la preuve navrante.

Ces hommes et ces femmes qui s'unissent en dépassant dogmatisme et idéologies, au service de l'intérêt local, sont un exemple ! (Applaudissements)

M. Charles Revet.  - Très bien !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois .  - Les dernières élections municipales se sont déroulées sans dysfonctionnement majeur, malgré les innovations de la loi du 17 mai 2013, dont certaines, j'en suis convaincu, étaient bienvenues. Le seuil démographique pour la proportionnelle a été abaissé de 3 500 à 1 000 habitants. Il est, en outre, désormais obligatoire de déposer une déclaration de candidatures, ce qui a entraîné l'obligation d'indiquer une nuance politique. M. Carle a rappelé l'émoi, voire l'incompréhension, des candidats, stupéfaits devant les demandes de l'administration préfectorale, vécues comme « scandaleuses », voire « révoltantes ». Nous avons tous été interpellés dans nos circonscriptions.

Les informations collectées à l'occasion des élections alimentent deux bases de données gérées par le ministère de l'intérieur. On distingue l'« étiquette » politique, choisie librement par le candidat et qu'il peut modifier en cours de mandat, de la « nuance » politique, attribuée par l'administration en fonction d'une nomenclature proposée par le ministère de l'intérieur. Il n'existe pas de nuance « sans étiquette » mais seulement une nuance « autre » qui regroupe les partis anti-fiscalistes, régionaux, religieux, le parti pirate, et même le parti d'en rire.

Les listes « sans étiquette » n'ont pas de sensibilité politique, contrairement aux listes « divers ». Quel est l'état du droit actuel ? Dans les communes de moins de 1 000 habitants, point de nuançage ; seul le maire se voit attribuer une nuance politique. Pour les autres, l'administration impose son nuançage, que les candidats découvrent parfois dans la presse. Cette situation crée des incompréhensions, surtout quand il s'agit de listes d'union comme c'est généralement le cas dans les petites communes.

La nuance politique ne doit pas être imposée dans les communes de moins de 3 500 habitants. La marge d'erreur y est trop importante. Avant 2013, le nuançage ne s'y appliquait pas puisque ces communes n'étaient pas soumises au scrutin proportionnel.

La commission des lois a adopté ce texte, assorti de deux amendements rédactionnels. Aucune nuance politique ne sera attribuée dans les communes de moins de 3 500 habitants si le candidat n'a pas lui-même fait connaître son étiquette. Pour les autres, le droit actuel demeurera. Merci à Isabelle Lajoux de sa contribution.

La loi du 6 janvier 1978 offre effectivement un droit de modification. Le texte relève peut-être du Règlement, son auteur l'a lui-même reconnu ; toutefois, la question mérite que l'on interpelle le Gouvernement. Monsieur le ministre, le Gouvernement envisage-t-il au moins de toiletter le décret du 5 juillet 2001 ? Nous lèverions ainsi bien des ambiguïtés.

La commission des lois vous propose d'adopter cette proposition de loi. (Applaudissements)

M. Bernard Saugey.  - Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur .  - Pour un Normand, l'esprit de nuance est une seconde nature... M. Bas ne me contredira pas, non plus que M. Garrec. (Sourires)

M. Charles Revet.  - Ni moi !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Vive la Normandie réunifiée ! (Sourires)

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Mais je ne me contenterai pas d'une telle diversion sur un sujet dont je mesure toute l'importance. Ce texte répond à de nombreuses plaintes de candidats, relayées par les associations d'élus. Ministre des élections, je suis très attaché à la démocratie locale et au pouvoir des maires.

Je veux toutefois préciser que d'abord, l'étiquette politique relève d'un choix libre des candidats, qui peuvent ne pas en choisir. Le nuançage, en revanche, relève du seul ministère de l'intérieur, qui attribue une nuance qui ne correspond pas nécessairement à l'étiquette déclarée. Elle a pour seule raison d'être une analyse fine du résultat des élections.

Avant les municipales de mars 2014, et en application du décret du 30 août 2001, le nuançage politique concernait exclusivement les candidats dans les communes de plus de 3 500 habitants, seuil à partir duquel s'appliquait le scrutin proportionnel. Ce seuil ayant été abaissé à 1 000 habitants, le ministère de l'intérieur a demandé à la Cnil l'autorisation de pratiquer ce nuançage à partir du seuil de 1 000 habitants. Plusieurs préfectures m'ont alerté sur les difficultés rencontrées et les nombreuses demandes de rectification de la part de candidats s'estimant mal nuancés.

Je comprends ces critiques, mais en l'état, la proposition de loi pose un problème de droit, de hiérarchie des normes puisqu'elle modifie des règles qui relèvent de la Cnil. Le seuil de 3 500 habitants avait un sens avant la loi du 17 mai 2013. Le scrutin de liste existe désormais pour toutes les communes de plus de 1 000 habitants. En conservant un sens au seuil de 3 500 habitants, la proposition de loi met en cause le principe d'égalité. Enfin et surtout, la pratique du nuançage me paraît légitime. L'argument selon lequel il n'y aurait pas d'affrontement politique dans les petites communes est contredit par les faits : dans 60 % des 6 784 communes comptant entre 1 000 et 3 500 habitants, il y a eu affrontement entre au moins deux listes, ce qui est bon pour la démocratie.

Le nuançage, nécessaire à l'analyse du scrutin, ne doit pas contrarier le déroulement de la campagne. Il ne revient pas à l'État d'arbitrer le débat sur l'appartenance politique des candidats. Je propose, dans une démarche constructive, que l'étiquette soit connue durant la campagne, mais que le nuançage ne le soit qu'après promulgation des résultats, à des fins d'analyse. Et ce, dès l'adoption de votre texte : c'est le sens de l'amendement du Gouvernement, qui supprime toute référence au seuil de 3 500 habitants. Il prévoit que les candidats déclarent leur étiquette, ou se disent sans étiquette, sans que cette déclaration soit contrariée au cours de la campagne.

Plus encore que les lois scolaires, la grande oeuvre de Jules Ferry fut l'instauration de la démocratie communale avec les lois du 28 mars 1882 et du 5 avril 1884. La mairie était alors conçue comme un modèle réduit de la république parlementaire. Je ne doute pas que le Sénat sera attaché à l'équilibre cher à Jules Ferry, entre un État fort, garant de l'unité, et une riche vie communale, garante de la complexité. Voilà l'esprit ouvert dans lequel le Gouvernement aborde cette distinction. (Applaudissements)

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

M. Pierre Jarlier .  - Cette proposition de loi est la bienvenue. Dans un contexte de crise de confiance politique, l'élu local reste un garant du bon fonctionnement démocratique. Il doit pouvoir se dire sans étiquette. La loi de 2013 a eu comme conséquence l'obligation pour les candidats des communes de 1 000 à 3 500 habitants de déclarer une appartenance partisane, la préfecture attribuant de manière discrétionnaire une nuance politique. Elle l'a fait avec des erreurs manifestes qui scandalisent à juste titre. La rubrique « sans étiquette » ne se retrouve nulle part dans le nuancier des préfets. Un fichier des élus existe déjà pour les communes de plus de 3 500 habitants, il suscite bien des incompréhensions. Les dysfonctionnements sont avérés ; les associations d'élus se sont donc mobilisées. Les notions d'étiquette et de nuance ont peu de sens dans les petites communes, où les listes regroupent des personnes de sensibilités très diverses, sans considération politique.

Dans 45 % des communes de 1 000 à 3 500 et dans 50 % de celles de moins de 2 000 habitants, il s'agit d'une liste d'union unique motivée par le seul intérêt local. Les listes sans étiquette n'ont pas d'appartenance politique revendiquée car, plus que l'appartenance politique, c'est l'engagement sur le terrain qui inspire la confiance des électeurs. Reconnaissons ces forces vives, qui dépassent les clivages.

L'obligation faite au préfet d'attribuer une nuance politique, fondée sur un faisceau d'indices, entraîne d'importantes erreurs. Pour preuve les nombreuses réclamations. La suppression de cette obligation pour les communes de moins de 3 500 habitants va dans le bon sens. Cette nuance, lorsqu'elle est revendiquée par les candidats, doit toutefois être cohérente avec la réalité, le préfet doit y veiller.

Le ministère de l'intérieur ayant refusé de prendre en compte les demande de l'AMF sur le « sans étiquette », le Sénat se voit contraint de se pencher sur ce sujet pourtant réglementaire. Nous voterons cette proposition de loi en faveur d'une démocratie rénovée, loin des clivages dogmatiques. Le parti de la plupart des élus, c'est d'abord leur territoire ! (Applaudissements)

Mme Éliane Assassi .  - Pour le britannique James Brice, les partis politiques constituent les muscles et les nerfs du corps démocratique. La tendance à leur dénigrement est fâcheuse : l'affaiblissement des partis conduirait au décharnement de notre squelette institutionnel. La prétendue neutralité relève souvent d'une posture ouvrant la voie à toutes les récupérations politiciennes. Faire de la politique, c'est faire des choix, prendre des décisions. Or il n'existe pas de choix neutre. Les listes apolitiques sont d'ailleurs le plus souvent conduites par des personnes rattachées à la droite. (Mme Esther Sittler s'offusque)

La nuance est plus large que l'étiquette ; à gauche, la nomenclature distingue listes socialistes, d'union de la gauche, divers gauche, etc. Il existe une catégorie « divers » qui semble suffisante pour refléter les listes d'union « neutres » ou transpartisanes. Les candidats peuvent de plus déposer un recours pour contester la nuance qui leur a été attribuée. Dès lors, faut-il légiférer pour corriger les erreurs ? Nous ne le pensons pas. À quelques jours de l'ouverture de la campagne sénatoriale, nous nous interrogeons... Mon groupe s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Isabelle Lajoux .  - L'attribution d'une nuance politique a provoqué un vif émoi ans les petites communes. La grille préétablie par le ministère de l'intérieur ne comporte en effet pas de case « sans étiquette ». Ce système pose difficulté dans les communes où les listes d'intérêt communal sont fréquentes et où les candidats encartés sont rares.

L'Association des maires ruraux, jugeant le nuancier utilisé inadapté, demande que la dénomination « sans étiquette » figure parmi les nuances. Certes, le sujet relève du domaine réglementaire ou d'une proposition de résolution mais il s'agit avant tout d'interpeller le Gouvernement. Faut-il voir dans cette revendication des sans-étiquettes la traduction de la défiance que suscitent désormais les partis politiques ? En 2008, on recensait 24 000 maires sans étiquette. Les municipales sont souvent l'occasion d'un réveil citoyen, dépassant les clivages. C'est rendre à la politique son sens étymologique : la gestion des affaires de la cité.

Avec les lettres de « maire », on peut écrire « aimer », a dit François Hollande en 2012.

M. Philippe Bas.  - C'est charmant !

Mme Isabelle Lajoux.  - Dans un village, la politique, c'est surtout l'énergie et un engagement citoyen des conseillers municipaux.

M. Philippe Bas.  - Aimer sans clivage...

Mme Isabelle Lajoux.  - Encourageons cette vitalité démocratique dans nos villages. Le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements)

M. Jean-Michel Baylet .  - À l'occasion des dernières municipales, nous sommes nombreux à avoir été saisis par des candidats qui découvraient la « nuance » politique qui leur avait été attribuée, souvent à tort. Dans les petites communes, les clivages politiques sont relégués derrière l'intérêt supérieur de la commune -et c'est tant mieux.

Nous comprenons le penchant du ministère de l'intérieur à classer les listes selon son nuancier politique. Mais ses données étant reprises par de nombreux sites d'information, elles sont de nature à nuire à la sincérité du scrutin.

Le Gouvernement a déposé un amendement qui modifie profondément la proposition de loi : il maintient le système de nuances, mais prévoit qu'elles ne soient pas communiquées avant la fin du scrutin. Ce n'est pas une bonne réponse.

Les électeurs découvriront, à la lecture des résultats, que la liste pour laquelle ils ont voté s'est vue attribuer par la préfecture une nuance qu'ils ignoraient au moment du vote.

Certaines listes d'une même formation ont été classées en différentes nuances et 34 703 élus ont été classés comme appartenant à la nuance « divers ».

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Cela fait beaucoup de « divers ».

M. Jean-Michel Baylet.  - Que de diversité en effet, que de disparités entre ces formations. En l'absence de l'indispensable nuance « sans étiquette », les services préfectoraux ont ainsi classé les listes n'entrant dans aucune autre catégorie.

Monsieur le ministre, je vous le dis droit dans les yeux, il est un parti cher à votre coeur, le parti radical de gauche...

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Un parti que j'ai aimé, en effet, et que j'aime encore !

M. Jean-Michel Baylet.  - Eh oui, il ne figure pas dans la nomenclature ! (Exclamations sur divers bancs) « L'extrême gauche », elle, y figure, même si elle ne compte que 64 élus municipaux. Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous donnerez des instructions pour rectifier cela...

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Ce n'est pas moi qui ai fait cette liste !

M. Jean-Michel Baylet.  - C'est l'héritage ! En tout cas, la clarté s'impose, pour les élus, les électeurs, les citoyens. Ce texte nous convient. Les radicaux décideront de leur vote en fonction du sort réservé à leur amendement. (Applaudissements sur les bancs socialistes, au centre et à droite)

M. Jean Louis Masson .  - Cette proposition de loi a le mérite de poser un vrai problème qui ne date pas des dernières municipales. Ce système de nuancier est complètement contraire au principe républicain de représentativité et de liberté des partis politiques. De quel droit en inclut-on certains et en exclut-on d'autres de ce nuancier ? De quel droit obliger les citoyens à choisir une nuance politique au sein d'une liste limitative ? C'est une atteinte aux principes constitutionnels et aux droits qu'ils garantissent. Ce système est très pernicieux. À plusieurs reprises, j'ai déposé des propositions de loi pour m'élever contre ce nuancier, qui donne en quelque sorte la préséance aux élus qui en font partie. C'est incroyable : s'il n'y a pas de nuance qui corresponde à nos idées, l'on nous en impute une quand même ! C'est digne d'un régime soviétique ! Le régime actuel mériterait une QPC.

M. Philippe Bas.  - C'est vrai.

M. Jean Louis Masson.  - Je suis sénateur non inscrit et sans étiquette. Pourquoi veut-on à tout prix me classer quelque part ? Avant les élections, personne ne nous soutient et après, tout le monde veut nous récupérer ! (Mouvements divers) Seul reproche à cette proposition de loi : sa portée limitée aux communes de moins de 3 500 habitants. Pourquoi ? Ce qui est contestable, c'est le principe même du nuancier.

On voit, dans le nuancier, soudainement, des partis apparaître, puis disparaître : sur quelles bases ?

Cette proposition de loi a le mérite énorme d'ouvrir le débat. Il serait cohérent qu'elle s'applique aussi aux communes de plus de 3 500 habitants. (Applaudissements sur quelques bancs UMP)

Mme Esther Benbassa .  - Cette proposition de loi prend tout son sens à la lumière des dernières élections municipales. La loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, municipaux et communautaires a modifié en profondeur leur mode d'élection. Le seuil démographique a été abaissé à 1 000 habitants. L'obligation de dépôt préalable d'une déclaration de candidature a été généralisée. La préfecture a le devoir d'affecter aux listes une nuance si elles ne le font pas elles-mêmes. Les élus, soutenus par l'AMF et l'AMRF, ont, dans les communes entre 1 000 et 3 500 habitants, particulièrement mal vécu d'indiquer une étiquette politique lors du dépôt des candidatures en préfecture. La nomenclature des nuances politiques est fixée par le ministère de l'intérieur : pas de nuance « sans étiquette » mais une case « divers » qui regroupe beaucoup d'appellations, jusqu'à « parti d'en rire » ! On le sait, dans les petites communes, les listes vont au-delà de tout clivage partisan. Avec le texte de la commission des lois, les candidats sans étiquette ne pourront se voir attribuer une nuance arbitrairement. Ce texte allierait un équilibre bénéfique à la démocratie locale. Le groupe écologiste le soutient. (Applaudissements sur les bancs socialistes, au centre et à droite)

M. Philippe Bas .  - Ce débat intervient à quelques semaines des élections municipales, lesquelles ont provoqué un mécontentement, principalement dans nos communes rurales. Certaines dispositions nouvelles de la loi du 17 mai 2013 soulèvent des questions qui devront être traitées. L'obligation de candidature dans les toutes petites communes nous prive de conseillers municipaux qui n'osent pas se porter candidat et que l'on va chercher ; l'interdiction du panachage crée de l'abstention. Dans 40 % des communes de 1 000 à 3 000 habitants, une seule liste est déposée. Comment s'étonner dès lors que les électeurs ne se précipitent pas aux urnes ? Dans la Manche, l'abstention était supérieure dans les trois quarts des communes de 1 000 à 3 500 habitants à ce qu'elle était lors du précédent scrutin.

Il est vrai qu'une question de principe est posée partout, plus fortement encore dans les petites communes rurales où la règle est l'absence d'engagement partisan des candidats. C'est ainsi que fonctionne la démocratie locale. Jusqu'où celle-ci devrait-elle être irriguée par la vie partisane ? Monsieur le ministre, il faut tenir compte des réalités : il n'est pas souhaitable que se développe, dans ces communes où il n'existe pas, un débat fondé sur des préférences partisanes.

Le principe d'interdiction de collecter des données personnelles découle de l'article 5 de la loi de 1978 dite « Informatique et libertés ». Il est loisible au législateur, dans le cadre de cette proposition de loi, de déterminer des conditions nouvelles d'autorisation par la Cnil, laquelle n'a pas d'autorité supérieure à celle du Parlement.

Le nuançage donne des résultats erronés. Vouloir rattacher à toute force des élus à une famille politique est une mission impossible. Le Gouvernement propose, dans son amendement, que ces informations ne soient publiées qu'après le vote...

M. Henri de Raincourt.  - C'est effrayant !

M. Jean-Paul Emorine.  - En effet !

M. Philippe Bas.  - Pourquoi cacher ces informations si elles sont exactes ? Pourquoi les publier après si elles sont erronées ? Cette proposition de loi relève bien du domaine de la loi parce qu'elle touche à une liberté fondamentale. L'élu est un citoyen qui doit pouvoir ne pas afficher une appartenance politique qu'il n'a pas envie de divulguer. Pourquoi interférer avec sa candidature ? Cela relève de la liberté privée du candidat.

Monsieur le ministre, je serais très heureux que le Gouvernement aille au-devant du vote du Sénat en révisant sa position et en approuvant cette proposition de bon sens. (Applaudissements à droite, au centre et sur quelques bancs socialistes)

M. Bernard Saugey.  - Bravo !

M. Yannick Vaugrenard .  - Les candidats ont découvert, lors des dernières élections municipales, qu'ils devaient déclarer une étiquette politique. S'ils n'en déclaraient aucune, les préfets leur en attribuaient une. Pour les petites communes en particulier, cela fut contesté, l'appartenance à la grille de nuances politiques de la préfecture ayant été définie de manière subjective.

Or l'attribution d'une étiquette politique peut contrecarrer des projets locaux et aller à l'encontre de la volonté des élus de demeurer sans étiquette. Mais les partis politiques demeurent utiles à la démocratie. Il y a eu des abus : en Loire-Atlantique, on a vu les limites de l'honnêteté, quand certain candidat, par ailleurs tête de liste UMP, a affirmé contre toute vraisemblance ne pas se reconnaître dans une étiquette politique pourtant évidente.

Je suis d'accord avec la proposition permettant aux candidats de se présenter sans étiquette. Je me félicite de l'amendement de la commission des lois, afin que les candidats soient informés à chaque élection de la grille de nuances utilisée et de leur droit de rectification, un droit qui existe mais qui est insuffisamment connu.

Nous devons faciliter l'accès aux mandats électifs locaux. Le rôle du maire est de plus en plus complexe. Laissons à tous la possibilité de s'engager au service de nos concitoyens. L'amélioration apportée par la proposition de loi est nécessaire. Les petites communes la méritent. (Applaudissements sur les bancs socialistes, au centre et à droite)

Mme Delphine Bataille .  - Cette proposition de loi n'est pas la première tendant à encadrer le nuançage politique réalisé par les services de l'État en fonction d'une grille préétablie. Il n'existe pas dans ce nuancier de catégorie « sans étiquette ». D'où l'attribution d'office d'une nuance identifiée dans la grille, à laquelle chaque candidat peut accéder dès aujourd'hui, pour la modifier... Le répertoire des nuances politiques des élus n'a pas vocation à être rendu public avant la clôture du dépôt des candidatures. Ces nuances contribuent à l'information du citoyen et à l'application de la législation sur le cumul des mandats, sur la parité ou le financement politique.

Certains élus semblent découvrir dans la presse la nuance qui leur a été attribuée. Une certaine presse a entretenu une polémique sur le fichage politique des maires, voire sur le bidouillage organisé. Il est vrai que les services de l'État préfèrent ne pas gonfler la nuance « divers », afin de ne pas entraver la lecture politique des résultats des scrutins. Un engagement, le plus souvent à droite, est parfois camouflé derrière un pseudo « sans étiquette ». D'autres candidats avancent masqués, ce qui va à l'encontre des valeurs de la République.

La nuance « sans étiquette » ne favorise pas la lisibilité par les citoyens de l'appartenance politique des candidatures. L'abaissement du seuil de la proportionnelle de 3 500 à 1 000 habitants introduit en 2013 a accru la perception du problème. Souvent, les plus petites communes rencontrent des difficultés pour monter une liste. Il s'agit de prendre en compte la réalité des territoires ruraux. Notre groupe soutient l'objectif de cette proposition de loi. Mais il n'y a pas urgence : elle ne devrait s'appliquer qu'aux prochaines élections municipales ; elle a le mérite d'interpeller le Gouvernement sur cette question. Néanmoins, ce texte contribue à faciliter l'engagement citoyen au service de la République. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur quelques bancs à droite)

M. Bernard Cazeneuve, ministre .  - Le nuançage est un instrument d'analyse politique pour le ministère de l'intérieur. Il ne consiste en aucun cas à attribuer une étiquette aux candidats après le scrutin.

M. Bernard Saugey.  - Ce n'est pas très clair.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Ce nuançage ne recouvrerait pas toutes les situations, en particulier celles des candidats sans étiquette ? Dans le nuancier, il y a suffisamment de catégories pour représenter la totalité de celles et ceux qui se présentent à l'élection. Le fait qu'il y ait dans la rubrique « divers » des partis ou organisations ne signifie pas qu'elle soit limitée à ceux-ci.

Certains arguments, comme ceux de mon ami Philippe Bas, me laissent pantois : en droit électoral, comment ne pas se référer au seuil du nombre d'habitants, pour respecter le principe cardinal d'égalité ?

Si nous proposons de rendre la nuance publique après le scrutin, c'est parce que, selon l'auteur de la proposition de loi, la rendre publique avant le scrutin serait facteur de trouble et de confusion. Il ne s'agit nullement de dissimuler quoi que ce soit.

Échapper à la clarté et à la transparence dues aux électeurs ne m'apparaît pas souhaitable démocratiquement. Comme le disait François Mitterrand, quand on est sans étiquette, on est souvent « ni de gauche, ni de gauche »...

M. Bruno Retailleau.  - C'est spécieux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Non ! Je l'ai constaté dans mon département. Beaucoup d'élus remarquables mais plutôt conservateurs ne voulaient pas, au moment des élections, déclarer leur étiquette.

M. Jean Louis Masson.  - C'est leur droit !

M. Bruno Retailleau.  - Liberté de choix !

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Esprit de nuance ! Prenez l'amendement gouvernemental, afin de garantir l'équilibre, sans altérer la sincérité du scrutin, afin que personne ne puisse se dissimuler et que le ministère de l'intérieur puisse continuer à faire des statistiques.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLES ADDITIONNELS AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Masson.

Avant l'article premier

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tout élu ou candidat peut refuser d'être répertorié dans le fichier des nuances politiques.

M. Jean Louis Masson.  - Pourquoi l'État déciderait-il à la place des candidats leur appartenance ? C'est digne d'un régime soviétique. (Mme Gisèle Printz s'exclame) C'est regrettable. D'où mon amendement : on a le droit, en République, en démocratie, de refuser de figurer dans un fichier, d'autant qu'il ne retrace pas de façon exhaustive l'ensemble des opinions politiques.

L'obligation de déclarer sa candidature dans toutes les communes a relancé le débat sur le fichage politique des élus et des candidats. Depuis 2001, les préfectures doivent pratiquer ce fichage sans utiliser la catégorie « non inscrit ou sans étiquette ». Face à une telle carence, j'ai déjà déposé une proposition de loi du 7 février 2011. Puis, après les élections municipales, j'ai déposé une nouvelle proposition de loi.

Cet amendement vise l'ensemble des élus et des candidats car à l'évidence, le problème du fichage politique systématique contre la volonté des personnes est une atteinte à la liberté fondamentale. On doit avoir le droit de se présenter à une élection ou d'être élu sans avoir pour autant une étiquette partisane ou une nuance politique arbitraire.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Avis défavorable. Ce fichier a un motif d'intérêt public, raison pour laquelle la Cnil a autorisé sa création. Se soustraire à l'enregistrement des données nuirait à l'efficacité des contrôles du ministère de l'intérieur. En outre, il s'agit d'éviter les doubles candidatures.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis. Je vous redis, sans acrimonie ni suspicion aucune, que beaucoup de candidats ont voulu se débarrasser d'une étiquette qui ne leur convenait plus parce qu'elle était moins porteuse qu'auparavant. Les préfets peuvent les rétablir.

M. Jean Louis Masson.  - Monsieur le rapporteur, je ne vois pas en quoi le fait d'accoler une étiquette à tel ou tel candidat peut empêcher des doubles candidatures. Monsieur le ministre, que faites-vous de la liberté de pensée et d'opinion ? Un candidat a le droit de changer d'opinion sans que le préfet se prononce à sa place.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Dans le fichier du ministère de l'intérieur, il y a des informations utiles. Votre amendement n'est pas bien rédigé car il permet de les effacer toutes.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Masson.

Avant l'article premier

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le fichier des nuances politiques doit comporter la rubrique « non inscrit ou sans étiquette ».

M. Jean Louis Masson.  - Ici, il y a des sénateurs non-inscrits. Pourquoi, lorsqu'on sort de cet hémicycle, faudrait-il s'étiqueter ? (Mme Cécile Cukierman s'exclame) C'est de l'inquisition ! (Mme Esther Benbassa s'exclame) Pourquoi les radicaux de gauche ne sont-ils pas pris en compte ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Cela, je vais le corriger ! Je soutiens M. Masson sur ce point.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Étendre la rubrique « sans étiquette » à toutes les élections n'a pas de sens. Il faut s'en tenir aux élections municipales pour les communes de moins de 3 500 habitants.

M. René Garrec.  - Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

M. Jean Louis Masson.  - Très bien pour les radicaux de gauche mais il n'y a pas qu'une lacune ! Il faut prendre l'ensemble des partis évincés du fichier et non un seul d'entre eux pour faire plaisir à telle personnalité, aussi éminente soit-elle. Il n'y a pas de raison que l'on soit arbitrairement fiché!

Mme Nathalie Goulet.  - Tout à fait d'accord !

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Monsieur Masson, il est difficile de vous être agréable. Ce que je fais pour le PRG, je le ferai pour toutes les formations. J'espère que cette fois ? ma réponse vous agréera.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. Jean Louis Masson.  - Si vous vous engagez devant le Sénat à prendre en compte tous les partis politiques, je vous envoie demain un courrier pour prendre en compte le mien ! (Sourires)

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 2 à 4

Rédiger ainsi ces alinéas :

II.  -  Après le quatrième alinéa de l'article L. 265 du code électoral, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« 3° L'étiquette politique, le cas échéant, de chacun des candidats s'ils souhaitent la préciser.

« Lors du dépôt de la déclaration de candidature, la liste des nuances politiques est portée à la connaissance de la personne qui procède à ce dépôt. Cette personne est également informée du droit d'accès et de rectification dont disposent les candidats. La nuance politique attribuée aux candidats et aux listes de candidats par l'administration ne peut être publiée ou communiquée à des tiers par le ministère de l'intérieur et les représentants de l'État avant la fermeture du dernier bureau de vote de la commune, lors du tour décisif. »

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - J'aurai peut-être du mal à accéder à la demande de M. Masson s'il y a autant de partis que de sénateurs...

Le Gouvernement est favorable aux principes de l'article premier favorisant la bonne information des candidats sur les nuances politiques. Selon le quatrième alinéa, la liste des nuances politiques est portée à la connaissance de la personne procédant au dépôt de la déclaration de candidature ? qui est également informée du droit d'accès et de rectification dont disposent les candidats.

La mention de la déclaration d'une étiquette politique s'inscrit dans la continuité des principes soutenus par le Gouvernement. Le ministère de l'intérieur demande déjà aux candidats aux élections municipales des communes de 1 000 habitants et plus de préciser, s'ils le souhaitent, leur étiquette politique. Il n'apparaît pas nécessaire de le demander aux candidats des communes de moins de 1 000 habitants où le scrutin majoritaire conduit à une plus forte personnalisation des débats.

Le Gouvernement souhaite, en revanche, maintenir l'attribution d'une nuance politique aux candidats des communes de 1 000 à 3 500 habitants. Dans 59 % de ces communes, au moins deux listes de candidats se sont présentées lors des dernières élections municipales, attestant d'un véritable débat politique Avec cette proposition de loi, on ne pourrait plus présenter aux citoyens une analyse des rapports de force nationaux par nuances.

En lieu et place de ces dispositions, le présent amendement répond aux préoccupations formulées durant ces derniers mois en mettant fin à la publication des nuances des listes de candidats durant la campagne électorale. Elle interviendra après le résultat des élections.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Masson.

Alinéa 3

Supprimer les mots :

, dans les communes de moins de 3 500 habitants,

M. Jean Louis Masson.  - Je conteste cette mesure limitée aux communes de moins de 3 500 habitants. Il existe bien des élus, bien des sénateurs qui ne souhaitent pas être fichés politiquement ! (Marques d'impatience sur les bancs CRC)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Le seuil de 3 500 habitants, choisi au jugé en 1982, s'est avéré correspondre à une réalité ; Alain Richard l'a rappelé en commission des lois, en deçà les listes d'union sont très fréquentes. Il n'y a aucun obstacle constitutionnel à le retenir. De plus, l'analyse politique des scrutins était déjà de qualité avant la loi de 2014 ; ce qui était possible avant l'est après. Enfin, l'attribution arbitraire d'une nuance politique pose également problème après les élections, lors des élections dans les EPCI ou de l'adhésion aux associations locales d'élus. Le rattachement peut être tout aussi mal vécu.

Monsieur le ministre a rappelé les propos de M. Mitterrand : « être sans étiquette, c'est être ni de gauche ni de gauche ». Pourtant, dans la Nièvre, lorsque François Mitterrand s'est présenté pour la première fois aux élections cantonales, il était « sans étiquette » ! (Rires et applaudissements à droite)

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - C'est vrai : François Mitterrand est passé du sans étiquette « ni de gauche ni de gauche » à la gauche... (Sourires) au cours d'une riche carrière politique. Bien que cette question relève du Règlement, le Gouvernement a préféré ouvrir le débat. C'est par cohérence avec le régime électoral qu'il propose de retenir le seuil de 1 000 habitants. Avis défavorable à l'amendement n°3.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Je dois mettre en garde notre ministre normand contre les pratiques qui pourraient découler de son amendement. Jusqu'aux élections on avance masqué et on tombe le masque après... Vous risquez, monsieur le ministre, des démissions en cascade aux quatre coins de l'hexagone en dévoilant après coup des nuances qui ne seront pas forcément admises par les élus ; et vous aurez ès qualité à en gérer les conséquences... Attention à ne pas provoquer un séisme dans les zones rurales.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Je comprends votre préoccupation. Malgré tout, il s'agit d'un faux débat : ne confondons pas étiquette et nuance politique donnée par le ministère de l'intérieur. Que le nuançage ait lieu avant ou après l'élection est neutre. Mais on en a besoin pour effectuer une analyse politique du scrutin. Le masque ne tombera pas après -on m'opposait tout à l'heure que le nuançage préélectoral perturberait le scrutin... Ce qui fait l'élection, ce qui fait l'engagement devant les électeurs, c'est la déclaration par le candidat lui-même de son étiquette ou de sa non-étiquette. Nul, dans cette assemblée, ne propose de l'abandonner.

M. Bruno Retailleau.  - il est impossible d'adopter cet amendement du Gouvernement qui détricote complètement la proposition de loi. Monsieur le ministre, vous avez pointé du doigt le prétendu manque de courage d'élus, pour l'essentiel du centre et de droite, qui avancent masqués. Le masque tombera après ? Existe-t-il, oui ou non, des listes d'intérêt local ? Ce n'est pas au préfet d'attribuer ex post telle ou telle étiquette à des élus qui n'en veulent pas.

Enfin, vous ne perdrez rien en termes d'analyse politique : lors des dernières élections municipales comme des précédentes, l'attention ne s'est pas portée sur les communes de moins de 3 500 habitants. Ne votons pas l'amendement du Gouvernement, c'est une question de bon sens ! (Applaudissements à droite)

M. Joël Guerriau.  - D'après le Gouvernement, il y aurait eu deux listes concurrentes, donc débat public, dans 59 % des communes. Dans ce cas, comment traiter les 41 % restant ? La réalité, nous l'avons constaté dans nos départements, est que l'existence de deux listes ne signifie pas forcément politisation du débat. Vous pouvez avoir deux listes d'intérêt général, n'opposons pas artificiellement la nuance droite et gauche.

Quant à l'amendement de M. Masson, il assure, lui, une égalité de traitement.

M. Jean Louis Masson.  - Pour être fiable, l'analyse doit porter sur des données fiables. Nous parlons là d'étiquettes attribuées arbitrairement par le préfet... Que valent des études sur de telles bases ? Pas un clou !

L'amendement n°5 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°3.

L'article premier est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Masson.

Après l'article premier

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tous les partis politiques enregistrés de manière continue depuis au moins cinq ans par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques sont traités sur un pied d'égalité et sont notamment répertoriés dans la grille des nuances politiques du fichier.

M. Jean Louis Masson.  - Le problème reste entier : on ne peut pas, au bon vouloir du Premier ministre, du ministre de l'intérieur ou de Tartempion, décider quel parti politique doit être répertorié dans la grille des nuances. Il faut des critères clairs. Le Gouvernement veut faire plaisir à ses petits amis radicaux, certes, mais ça ne suffit pas.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Avec cet amendement, on tomberait dans l'excès. Va-t-on mettre dans cette grille tous les micro-partis créés ici ou là pour financer des sondages ? Le document serait plus volumineux que le code général des collectivités territoriales. L'avis est défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Idem.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois .  - Merci à M. Carle de cette proposition de loi, à M. Courtois de l'avoir rapportée et au ministre d'avoir participé à ce débat riche avec son flegme habituel.

J'ai bien écouté Mme Assassi : oui, il y a une dignité à la politique, à annoncer sa couleur politique. On entend trop souvent « Moi, monsieur, je ne fais pas de politique », comme si c'était un mal dont il faudrait se prémunir. Reste que la situation est différente dans les petites communes. On a beaucoup parlé de nuances. Beau mot qui me fait penser à Verlaine : « Car nous voulons la nuance encor / Pas la couleur, rien que la nuance ! / Oh ! la nuance seule fiance / Le rêve au rêve et la flûte au cor ! ». Je pense aussi aux tableaux de Quentin de la Tour ou de Chardin. Le petit parti auquel j'ai appartenu jadis, le PSU, comportait beaucoup de nuances (exclamations sur les bancs CRC) puis, dans un parti plus grand, le PS, on parlait de courants. On les évoque aujourd'hui aussi à l'UMP. Être dans la nuance, c'est être dans l'infini... Faire de la politique n'est pas un mal honteux.

M. René Garrec.  - Il se soigne !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Si des candidats, ici ou là, veulent se déclarer sans étiquette, je ne vois pas comment on leur ôterait cette liberté. Le Sénat a trouvé un équilibre pour les petites communes. Que le ministère de l'intérieur fasse son office !

Espérons que ce texte prospérera à l'Assemblée nationale. Je compte d'ailleurs écrire au Premier ministre, ainsi qu'aux présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, à ce sujet car plusieurs propositions de loi utiles, votées par le Sénat, ne sont toujours pas inscrites à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Mme Esther Sittler .  - Le nuançage, lors des élections de 2014, a suscité un vif émoi chez les élus des petites communes, j'en ai été témoin. Le fichier des élus n'est pas adapté aux communes de moins de 3 500 habitants. Moi-même, je n'ai adhéré à l'UMP que vingt ans après avoir été élue maire.

Je voterai ce texte, dont je remercie M. Carle, qui prouve que le Sénat, grand conseil des communes de France, sait faire taire ses clivages quand l'intérêt des élus locaux est en jeu.

M. Joël Guerriau .  - Lors des dernières élections, dans les communes de plus de 3 500 habitants, les têtes de liste ont été contraintes d'afficher une nuance quand leur campagne reposait sur la poursuite de l'intérêt communal. En Loire-Atlantique, 85 % des listes voulaient se déclarer sans étiquette, elles ne l'ont pas pu. La couleur politique de la tête de liste vaut-elle toujours pour l'ensemble ? Certainement pas. Je voterai le texte.

M. Jean Louis Masson .  - Le principe même du nuancier constitue une atteinte profonde au droit des élus et à la démocratie. Je voterai néanmoins cette proposition de loi parce qu'elle constitue une petite avancée.

L'ensemble de la proposition de loi est adoptée.

présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président