SÉANCE

du vendredi 28 novembre 2014

29e séance de la session ordinaire 2014-2015

présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente

Secrétaires : M. Jean-Pierre Leleux, M. Philippe Nachbar.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Projet de loi de finances pour 2015 (Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite du projet de loi de finances pour 2015, adopté à l'Assemblée nationale.

Travail et emploi

Mme la présidente.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission Travail et emploi (et articles 62 et 63) et du compte spécial Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage.

M. François Patriat, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Cette mission, importante, est le reflet de la solidarité de la nation envers les plus fragiles. Elle est dotée de près de 12 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 11,4 milliards en crédits de paiement. Face à la crise et au chômage, c'est un budget de soutien à l'emploi, à la reprise économique ainsi qu'aux réformes inscrites dans la loi du 5 mars 2014. Il augmente de 428 millions d'euros par rapport à celui de 2014, à l'issue du vote de l'Assemblée nationale.

Les moyens du service public de l'emploi seront consolidés : 1,52 milliard d'euros sera versé à Pôle emploi, comme en 2014, afin de prendre en charge l'augmentation des moyens humains de cet opérateur depuis 2012.

Avec un taux de chômage de près de 23 %, les jeunes sont les premières victimes de la crise économique. Le Gouvernement propose 65 000 emplois jeunes supplémentaires en 2015. Les dotations de la « garantie jeunes » augmentent, à 148 millions d'euros en autorisations d'engagement et 133 millions en crédits de paiement. Au total, plus de 400 000 contrats aidés supplémentaires seront créés en 2015 pour une dépense de près de 3 milliards d'euros. L'article 62 rattaché prévoit en outre que 58 millions d'euros seront prélevés sur les réserves de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) et sur le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (Fiphfp), afin de financer certains de ces contrats.

Les contrats aidés ne sont pas parfaits, loin s'en faut, mais ils ont le mérite de donner une chance à ceux qui veulent s'insérer. Tous les gouvernements en ont usé en temps de crise.

Ce budget prépare l'avenir.

L'accompagnement des mutations économiques et le développement de l'emploi bénéficieront de 5,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 5 milliards d'euros en crédits de paiement, dont 1,3 milliard d'euros pour le développement de l'alternance.

L'architecture du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement de l'apprentissage » sera entièrement rénovée afin de tirer les conséquences de la réforme des aides et du financement de l'apprentissage engagée en 2013.

L'article 63 rattaché crée une aide incitative de 1 000 euros au recrutement d'un apprenti, versée par les régions aux entreprises de moins de 250 salariés sous certaines conditions. Je me félicite de cette extension. Après une réforme majeure de l'apprentissage, il convient désormais de stabiliser les dispositifs existants.

Le budget 2015 crée les conditions d'une amélioration de la situation de l'emploi. À lui seul, il ne permettra pas d'inverser la courbe du chômage. Cependant, il constitue un effort à saluer.

Je vous propose l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi » du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » ainsi que les articles 62 et 63 sans modification. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Claude Requier, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Dans la situation économique et financière actuelle, les crédits de cette mission ne sont pas anodins. Je donnerai donc un satisfecit général à ce budget de sortie de crise.

Si les autorisations d'engagement de cette mission sont stabilisées, les crédits de paiement sont en hausse pour soutenir l'emploi des plus fragiles : les jeunes et les personnes handicapées. Ce budget accompagnera des réformes importantes, dans le champ du dialogue social. Les crédits du programme 111 s'élèveront à 133,514 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 81,62 millions d'euros en crédits de paiement pour financer le deuxième cycle de la mesure de l'audience des organisations syndicales.

En 2015, sera également mis en oeuvre le financement de la mesure de l'audience des organisations patronales.

Le fonds prévu par la loi du 5 mars 2014, qui sera créé le 1er janvier 2015, sera doté de 82 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 34 millions d'euros en crédits de paiement. Il prendra en charge la formation des salariés appelés à exercer des responsabilités syndicales ainsi que la participation des partenaires sociaux à la conception des politiques publiques du travail et de l'emploi.

Les crédits demandés au programme 111 prennent en compte la prolongation des mandats des conseillers prud'hommes jusqu'en 2017 : le principe en a été voté par le Sénat le 14 octobre 2014, afin de permettre la réforme de leur mode de désignation, qui sera désormais fondé sur l'audience des organisations syndicales et patronales. Cette réforme se traduira par une économie structurelle proche de 100 millions d'euros sur cinq ans.

Le programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » sera doté de 765 millions d'euros en autorisations d'engagement, 771 millions d'euros en crédits de paiement, la diminution correspondant à la participation du ministère à la réduction de la dépense publique : 150 postes seront supprimés en 2015. Les dépenses de personnel, en baisse de 1,73 %, s'élèveront à 628,5 millions d'euros.

Le schéma du programme 155 sera profondément rénové : il comptera douze actions, contre six auparavant. Plus cohérente, cette architecture contribuera à mieux identifier les dépenses en fonction de leur nature.

Si les choix assumés par ce budget sont difficiles, les objectifs sont clairs : réduire le chômage des jeunes, consolider les moyens du service public de l'emploi, accompagner des réformes importantes. C'est pourquoi, à titre personnel, je propose l'adoption sans modification des crédits de cette mission comme du compte d'affectation spéciale « Financement national de la modernisation et du développement de l'apprentissage » ainsi que des articles 62 et 63 rattachés.

M. Michel Forissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales .  - Le budget de la mission diminue de 3 %. Cette diminution est pour le moins surprenante quand le chômage continue de progresser.

Le Gouvernement privilégie les contrats aidés dans le secteur non marchand. Aussi j'approuve l'amendement n°II-71 du rapporteur général.

Le contrat de génération est-il condamné à péricliter ? De mars 2013 à mai 2014 seulement 21 570 demandes d'aides ont été acceptées, bien loin des 100 000 par an, objectif fixé initialement par le Gouvernement, qui apparaît hors d'atteinte. Le Gouvernement a revu ses prévisions pour 2014, de 33 305 à 20 000 aides financées. Le Gouvernement va-t-il demander aux partenaires sociaux d'assouplir les règles ?

Deuxième motif d'insatisfaction, les zones d'ombre de ce budget : pas de crédit inscrit pour tenir compte du décret du 13 octobre 2014 relatif aux intermittents du spectacle, décidant d'un différé d'indemnisation estimé par l'Unedic à 70 millions d'euros.

L'article 62 du projet de loi de finances 2015 impose à l'Agefiph et à la Fiphfp une contribution annuelle de 29 millions d'euros pendant trois ans pour financer des contrats aidés. Mais le Gouvernement n'a pas garanti le fléchage de ces fonds.

J'en viens aux hésitations du Gouvernement sur l'apprentissage. La prime de 1 000 euros vise à inciter au recrutement d'apprentis. Mais elle est trop complexe et intervient un an seulement après la réforme contestée de l'apprentissage. La rénovation du compte d'affectation spéciale ne peut, à elle seul, combler le manque de pilotage de cette politique.

La commission des affaires sociales a donné un avis défavorable aux articles rattachés à cette mission et au compte d'affectation spéciale. Je voterai, à titre personnel, les crédits de cette mission modifiés par l'amendement du rapporteur général. (Applaudissements à droite)

Mme la présidente.  - Je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la Conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

En outre, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

M. Claude Kern .  - S'il est bien un budget que l'on peut juger à l'aune de ses résultats, c'est celui du travail et de l'emploi. Le ministre Rebsamen a eu le mérite de tordre le cou au mythe de l'inversion de la courbe du chômage. Pour autant, le chômage progresse de 4,3 % quand le budget diminue de 3 %. Quel curieux signal...

Ce budget traduit une absence de cap et de cohérence : priorité est donnée aux emplois aidés dans le secteur non-marchand, ce que l'Assemblée nationale a encore renforcé. Heureusement, notre rapporteur général est revenu sur la modification introduite par les députés. Absence de cap aussi, quand les chômeurs ne savent plus où s'adresser : Pôle emploi, permanences d'accueil, missions locales, plans locaux pluriannuels, maisons de l'emploi... personne ne s'y retrouve. Il faut régionaliser cette politique pour se rapprocher des bassins d'emploi. Ce sont aux régions d'en assurer le pilotage. Les maisons de l'emploi, dont on nous dit que les crédits sont sanctuarisés, connaissent une sanctuarisation de leur sous-dotation : paradoxe, certaines ont licencié, d'autres ont fermé. Leurs financements complémentaires sont aussi menacés. Si l'État ne veut plus soutenir ces structures, il doit le dire.

La régionalisation de la politique de l'emploi va nécessairement de pair avec celle de la politique de formation professionnelle.

La mission apparaît comme un paquet de rustines face aux grandes masses que forment les 20 milliards du CICE, les 36 milliards d'euros d'allégements de charges, et les 32 milliards d'euros de la formation professionnelle. Manquent toujours les réformes : assouplissement du droit du travail et choc de compétitivité, fiscalisation du financement des branches santé et famille et surtout réforme de la formation professionnelle, après le rendez-vous manqué de la loi du 5 mars.

En attendant, le groupe UDI-UC votera ces crédits sous réserve des amendements corrigeant les lignes budgétaires consacrées aux emplois aidés et aux maisons de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)

M. Jean Desessard .  - Ce budget est globalement stable : une baisse de 3 %. Monsieur le ministre, ne voyez nulle haine à la commissure de mes lèvres...

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances.  - Heureusement !

M. Jean Desessard.  - ... mais de la déception dans les pupilles de mes yeux.

M. André Gattolin.  - Très bien !

M. Jean Desessard.  - Le 2 septembre, vous demandiez un renforcement du contrôle des chômeurs. Le 12 juin dernier, procédant à des auditions en vue d'un débat au Sénat, nous avons compris que les causes expliquant que 350 000 emplois soient non pourvus étaient multiples.

Le contexte économique peut empêcher l'entreprise de mener le recrutement à son terme, l'image du métier peut rebuter, comme les conditions de travail, ou le salaire ; les compétences peuvent ne pas correspondre aux postes ... Vous parliez des maçons, constatant qu'il y avait beaucoup de demandeurs d'emploi dans ce secteur sur le site de Pôle emploi, je vous ai donné les chiffres dans votre département. Avez-vous avancé ?

Peut-être y consacrerez-vous quelques secondes, dans les vingt minutes dont vous disposerez.

Il est faux d'affirmer que des contrôles renforcés permettront de pourvoir ces postes. Cela stigmatise les chômeurs, alimente le mythe de l'assistanat. Une étude menée de juin 2013 à octobre 2014 à Pôle emploi montre que 63 % des personnes sanctionnées étaient au chômage depuis plus d'un an, 55 % des radiés étaient en fin de droit et ne touchaient plus d'allocation. D'où leur découragement. De l'autre côté, les 20 milliards d'euros du CICE sont offerts aux entreprises sans condition, sans contrepartie. Le groupe écologiste s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Francis Delattre.  - Ne vous retenez pas !

M. Roger Karoutchi.  - Allez jusqu'au bout !

Mme Annie David .  - Il y a quelque 3,43 millions de chômeurs en 2014, personne ne peut s'en satisfaire. Ce chiffre traduit l'échec de la politique de l'emploi menée par les gouvernements successifs.

Le budget qui est consacré à la mission diminue de 3 %, le Gouvernement escompte que le CICE et le pacte de responsabilité produiront leurs effets. Or, comme l'a montré Mme Demessine, les allègements de charges, trappe à bas salaire, ne soutiennent pas l'emploi. Combien le CICE a-t-il créé de postes ? Nous avons essayé de le savoir dans nos départements mais les préfets ont refusé de nous répondre, c'est anormal de refuser d'informer la représentation nationale.

Votre politique de l'emploi manque d'ambition : des dispositifs précaires transitoires - les emplois d'avenir débouchent seulement à 10 % sur des CDI -, le manque de crédits consacrés aux maisons de l'emploi, la consécration de la suppression des élections prud'homales pour des économies de bout de chandelle. Enfin, vous privez à l'article 62 l'Agefiph d'une partie de ses crédits pour financer les emplois aidés quand ils devraient aller aux personnes handicapées. Quant à l'article 63, il institue une prime pour l'apprentissage en repoussant la création d'un statut de l'apprenti. Vous voulez atteindre l'objectif de 500 000 apprentis en 2017 ? Chiche ! Dialoguez d'abord avec les partenaires sociaux.

Le groupe CRC votera contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Stéphane Ravier .  - Comme tous les gouvernements depuis vingt ans, vous avez annoncé urbi et orbi que la politique de l'emploi serait votre priorité et le président de la République nous promet chaque fin d'année l'inversion de la courbe du chômage. Bien évidemment, nous partageons ces objectifs. Certains dispositifs pourraient aller dans le bon sens : contrats de génération et développement de l'apprentissage, rapprochant l'école de l'entreprise.

Cependant vous avez abandonné, par idéologie, la souveraineté monétaire, budgétaire, migratoire, diplomatique, militaire, bref tous nos leviers d'actions aux bureaucrates de Bruxelles, non élus, dépourvus de légitimité démocratique, qui appliquent aveuglément l'euromondialisme. Vous en êtes à vous remettre à M. Juncker qui, par la magie de sa salive, transforme 21 milliards d'euros en un pactole illusoire de 315 milliards.

À ce protectionnisme intelligent, s'ajoute une mesure de bon sens, de bon père de famille, qu'est la priorité nationale pour donner à nos compatriotes les emplois qu'ils ne peuvent occuper à cause d'une concurrence déloyale intérieure. À la politique d'immigration massive voulue par le grand patronat et suivie par tous les gouvernements de droite et de gauche, Nicolas Sarkozy a ajouté l'immigration choisie qui fait concurrence à nos jeunes diplômés et qui les pousse à émigrer en Amérique du Nord, en Grande-Bretagne, en Australie.

Une fois de plus, vous n'agissez qu'à la marge, faute d'entreprendre des réformes en profondeur, comme celle de la représentativité des syndicats. Ce n'est pas ainsi que vous redresserez l'emploi en France et donnerez les moyens à chaque citoyen de participer à la vie de la cité.

Mme Catherine Procaccia .  - Comme l'ont rappelé mes collègues, ce budget accuse une baisse de 3 %. Il traduit la confiance du Gouvernement en son pacte de responsabilité, dont le financement n'est pas fléché, et qui ne produira des effets qu'en 2016. Faut-il y voir une nouvelle fois le déni du président de la République depuis sa célèbre formule sur l'inversion de la courbe du chômage ?

Le quart des crédits de la mission est consacré aux emplois aidés, qui plus est, dans le secteur non marchand. On sait leur inefficacité en temps de crise. D'après une étude de la Dares, 66 % des personnes sorties d'un contrat en insertion dans le secteur marchand trouvent un emploi, seulement 33 % pour des personnes ayant bénéficié d'un contrat dans le secteur non marchand. Les députés ont accentué le déséquilibre envers le secteur non marchand. Pure idéologie : c'est refuser de comprendre que seules les entreprises créent de l'emploi. De plus, et toujours selon la Dares, ces emplois aidés ne remplissent pas leur rôle. Seuls un quart des jeunes en insertion déclarent avoir bénéficié d'une formation. Mieux vaudrait utiliser l'argent public pour s'attaquer aux causes du chômage, dont le manque de formation. Or votre politique de stop and go a entraîné une baisse du nombre d'apprentis de 8 % entre 2012 et 2013 et de 14 % au début 2014.

La prime de 1 000 euros apparaît comme un repentir tardif du Gouvernement. Elle ne compensera pas la baisse des aides.

Décidément, le Gouvernement ne retient pas l'avis des économistes qu'il consulte, contraint qu'il est par son idéologie sur la flexibilité, le temps de travail, le système éducatif. Dans ces conditions, le groupe UMP ne votera pas les crédits de cette mission, à moins que ses amendements ne soient adoptés. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Patricia Schillinger .  - Cette mission traduit l'engagement du président de la République et du Gouvernement, de faire de la lutte contre le chômage une priorité, autour des emplois d'avenir, du pacte de responsabilité, de la création de la BPI, du pacte de compétitivité, des contrats de génération.

Les crédits destinés au travail et à l'emploi sont plus élevés qu'auparavant. Le programme 102 concerne les deux tiers des crédits de la mission. 50 000 contrats aidés sont créés en 2015 et 15 000 sont prévus en renfort pour les missions locales.

Le nombre de contrats d'insertion dans l'emploi double par rapport à 2014. Je souligne l'importance des contrats aidés dans le secteur marchand et approuve le choix du Gouvernement de donner plus de poids aux contrats aidés dans ce secteur. Selon la Dares, « six mois après la fin de leur contrat, 66 % des personnes sorties d'un contrat unique dans le secteur marchand sont en emploi, contre seulement 36 % des personnes sorties d'un contrat aidé du secteur non marchand ». Je rejoins l'avis de M. Forissier qui déplore que dans les 45 000 contrats aidés supplémentaires décidés à l'Assemblée nationale, aucune part n'ait été prévue pour le secteur marchand.

Je me réjouis des mesures en faveurs des personnes handicapées. Il était impératif, face aux charges persistantes, que le soutien de l'État à Pôle emploi soit renforcé. C'est chose faite.

Dans mon rapport sur les collectivités territoriales et l'emploi, j'ai montré les difficultés entraînées par la multiplicité des intervenants dans un paysage devenu un véritable maquis où les demandeurs d'emploi perdent leurs repères. Il faut les simplifier. Nous devons renforcer la place des collectivités territoriales ou de leur groupement dans la gouvernance de Pôle emploi, en particulier pour la collecte des offres car 400 000 emplois demeurent non pourvus en France. Dans certaines régions, Pôle emploi a délégué sa mission d'accompagnement aux chambres des métiers et de l'artisanat. Il s'agit surtout de mieux faire passer l'information aux demandeurs d'emploi. Les passerelles sont trop faibles entre l'entreprise et l'école. Une carte unique délivrerait toutes les informations nécessaires sur le demandeur, sans qu'il ait à répéter l'ensemble de son parcours devant des interlocuteurs toujours différents.

Le PIB de la France a progressé de 0,3 % au troisième trimestre 2014 selon l'Insee. Ce chiffre est incontestablement un encouragement à poursuive la politique économique du Gouvernement. (M. Roger Karoutchi en doute) le groupe socialiste votera ce budget en accord avec les priorités fixées par le Gouvernement, l'emploi et la lutte contre la précarité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Françoise Laborde .  - La très légère diminution de ce budget doit être replacée dans un contexte de fortes contraintes budgétaires. Nous voterons ces crédits, avec une réserve pour la réduction à 26 millions d'euros de l'enveloppe consacrée aux maisons de l'emploi, dont le nouveau cahier des charges ne prévoit plus que deux missions contre quatre initialement. Ces structures jouent un rôle essentiel de coordination entre les services de l'État, le service public de l'emploi, les régions et les collectivités territoriales.

Plus de 3,4 millions de Français sont à la recherche d'un travail et le nombre de chômeurs de longue durée a explosé. Ce budget traduit votre volonté, monsieur le ministre, et celle du président de la République de lutter contre le chômage, avec une priorité en faveur des jeunes, qui sont les plus touchés. Un effort important est réalisé pour les accompagner vers l'emploi, avec les emplois d'avenir : 94 633 ont été conclus en 2013, 94 800 devraient l'être en 2014 et 50 000 sont prévus pour 2015. Je salue également la création de la Garantie jeune, mesure du plan de lutte contre la pauvreté de janvier 2013.

Ce nouveau dispositif bénéficiera en 2015 de 143 millions d'euros en crédits de paiement. Je me réjouis qu'il soit élargi, alors qu'il ne bénéficie qu'à quelques milliers de jeunes et que le bilan de son expérimentation est encourageant.

Vous avez justement appelé à une réhabilitation du travail manuel et de l'apprentissage, trop souvent assimilé à une voie de garage. J'y insiste : il faut dès l'école élémentaire présenter cette filière de façon positive et non brandie comme une menace pour les mauvais élèves. L'apprentissage a fait ses preuves en Allemagne, en Autriche, en Suisse. Il faut aller plus loin pour revaloriser son image et faire évoluer les mentalités.

L'emploi est plus que jamais au coeur des préoccupations de nos concitoyens. Le Gouvernement doit leur redonner confiance en l'avenir. C'est dans cet esprit que le RDSE votera ces crédits tels que présentés par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et socialistes)

Mme Anne Emery-Dumas .  - La stabilité de ce budget exprime la volonté du Gouvernement d'en faire une priorité de son action. Plusieurs avancées législatives récentes, dont la loi du 5 mars 2014, en attestent, de même que la réforme des modes de financement des structures d'insertion par l'activité économique.

Les chiffres du chômage rendus publics hier montrent que notre pays, comme l'ensemble de la zone euro, est confronté à un chômage de masse qui exige l'intervention forte de l'État. Ces chiffres bruts traduisent mal la difficulté de ces réalités sociales et humaines. Le Gouvernement en est conscient, aussi concentre-t-il ses efforts sur l'amélioration de la qualité et de l'efficacité de ses interventions. Chaque euro dépensé doit être utile à l'emploi.

Le chômage des moins de 25 ans recule, grâce à la montée en puissance des dispositifs comme la garantie jeunes. Nous devons nous en féliciter collectivement, mais j'attire votre attention sur le problème du chômage des seniors qu'il faut mettre en perspective avec le recul de l'âge de départ en retraite. Après 55 ans il est très difficile de retrouver un emploi. Le président de la République a clairement exprimé sa volonté d'agir à ce propos, dans son émission télévisée du 8 novembre. Ce budget ne prend pas en compte ces annonces. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ? Quand ces mesures entreront-elles en vigueur ?

Nous voterons avec conviction ces crédits. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - Je vous ai écoutés avec intérêt. Certaines interventions toutefois décrivent un budget assez éloigné de ce qu'il est en réalité. L'absence de cohérence transparaîtra lors de l'examen des amendements.

Ce budget est en légère baisse, de 2 %, après son examen à l'Assemblée nationale. Cette quasi-stabilité fait figure d'exception quand le Gouvernement cherche à réduire la dépense publique - d'ailleurs, certains réclament tout à la fois davantage d'économies et de crédits à cor et à cri. Cette quasi-stabilité intervient après une hausse historique : les autorisations d'engagement ont augmenté de plus de 20 % entre 2012 et 2014, je le rappelle. Le niveau d'intervention de la politique publique de l'emploi est élevé. Le Gouvernement consolide ses moyens à ce niveau, dans un contexte de sérieux budgétaire.

Ce budget d'exigence vise trois objectifs. D'abord, la lutte contre le chômage très élevé, à 9,7 % pour la France métropolitaine et de 10,3 % en y incluant les outre-mer. Je rappelle qu'il a atteint des niveaux plus élevés, 10,7 %, par exemple, en 1995. C'est dire la longue histoire de notre pays avec le chômage de masse.

Le Gouvernement a décidé d'aider à rétablir la compétitivité et l'investissement des entreprises. 41 milliards d'euros y sont consacrés. Nous en attendons les résultats, l'OCDE le dit : cette politique permettra un surcoût de croissance dès l'an prochain.

L'exigence s'exerce à l'égard des demandeurs d'emplois, de Pôle emploi, des entreprises. Sur Pôle emploi, je tiens à marquer que nous lui avons accordé des moyens exceptionnels depuis 2012 : 4 000 ETP supplémentaires. Son budget est sanctuarisé en 2015. Nous demandons à Pôle emploi de faire mieux avec ce budget. On peut, par exemple, développer une offre spécifique pour les petites entreprises.

Sur le contrôle des chômeurs, je ne cherche évidemment pas à stigmatiser les demandeurs d'emploi. On sait qu'un éloignement prolongé de l'activité disqualifie à grande vitesse. Il faut agir tôt et ne laisser personne décrocher. C'est ce que j'ai demandé à Pôle emploi. Il faut vérifier pourquoi les demandeurs d'emploi n'en recherchent plus. Pôle emploi doit contacter les chômeurs. C'est sa mission. Il y a des droits et des devoirs, qui fondent la politique de l'emploi. L'accompagnement doit être personnalisé, dans une logique d'engagements réciproques, afin de mobiliser les demandeurs d'emploi.

Sur le financement de l'insertion par l'activité économique, je tiens à dissiper les inquiétudes : au total, c'est un effort de 820 millions d'euros en y incluant les contrats aidés. La réforme change la donne.

Oui, chaque euro doit être utile. Sur les maisons de l'emploi, soyons clairs : leur mission première a disparu avec Pôle emploi, il fallait les recentrer, dès 2013, ce que nous avons fait. J'ai reconduit leurs crédits de fonctionnement, mais je rejetterai toute demande supplémentaire. L'urgence implique de concentrer les efforts.

Cette recherche d'efficacité nous a conduits à prendre des mesures de saine gestion, avec la mobilisation des réserves dormantes, de l'Agefiph et de la FIPHRP, qui n'altèrent en rien les moyens dévolus à l'accompagnement des personnes handicapées. Ces derniers se sont accrus de 20 % depuis 2012.

L'effort massif pour les jeunes a été évoqué. Pour la garantie jeunes, l'objectif est de 50 000 jeunes en 2015, pour ceux qui ont déjà décroché. L'expérimentation en cours a été élargie à dix territoires et cinquante ont posé leur candidature.

Avec 269 millions d'euros au total, en incluant les crédits d'accompagnement de la garantie jeunes et les emplois d'avenir, le chômage des jeunes recule enfin. Les députés ont globalement porté les emplois d'avenir de 50 000 à 65 000. Il y en aura dans le secteur marchand.

Les emplois aidés. C'est un engagement fort du Gouvernement, un outil de la politique de l'emploi, c'est vrai. Leur durée moyenne est passée de six mois à 11,5 mois depuis 2012. Madame Procaccia, je vous rappelle l'explosion du nombre de contrats aidés, de courte durée, dès le premier semestre 2012. En 2012, sur 340 000 emplois aidés, 225 000 pour le premier semestre, juste avant les élections ! Et vous me faîtes le procès d'y recourir ! Vous l'avez fait, comme tout gouvernement. Notre action va bien au-delà, avec le renforcement des contrats de professionnalisation et l'accompagnement des mutations professionnelles.

Oui, il est nécessaire de s'engager fortement pour l'apprentissage et c'est ce que fait le Gouvernement avec une nouvelle aide destinée aux entreprises recrutant un ou des apprentis supplémentaires. Elle sera d'un montant de 2 000 euros pour les entreprises de moins de onze salariés qui pourront cumuler avec l'aide réformée en 2013, et de 1 000 euros pour l'ensemble des entreprises de moins de 250 salariés pour les contrats signés à partir du 1er juillet 2014. Il y a actuellement 426 600 jeunes en apprentissage ; l'objectif de 500 000 est donc en passe d'être atteint.

La réforme du financement consolidera les ressources des régions, garantira le dynamisme des recettes, indexées sur la masse salariale.

Il fallait aussi lever les freins non financiers, qui sont beaucoup en termes d'image. Nous avons sorti les apprentis des plafonds de la fonction publique d'État. Je souhaite assouplir les normes pour les travaux difficiles et en hauteur, sans bien sûr mettre en danger la sécurité des jeunes.

Oui, il faut avancer vers une meilleure prise en compte des réalités territoriales, mais l'État restera tenu responsable de la lutte contre le chômage et doit conserver ses leviers d'actions. Une coordination renforcée, une nouvelle gouvernance régionale seront mises en place avec les Crefop, coprésidés par le président de région et le préfet.

Messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les sénateurs, mesurez ce que nos moyens représentent dans un contexte contraint : ils expriment une mobilisation, un progrès, pour l'emploi, pour la fonction publique, pour l'apprentissage. (Applaudissements sur les bancs socialistes, du RDSE ; M. Claude Kern applaudit aussi)

ARTICLE 32 (ÉTAT B)

Mme la présidente.  - Amendement n°II-175, présenté par M. Karoutchi et les membres du groupe UMP.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l'emploi

1 581 923 333

501 730 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail Dont Titre 2

TOTAL

1 581 923 333

501 730 000

SOLDE

- 1 581 923 333

- 501 730 000

M. Roger Karoutchi.  - Aidons le ministre ! (Rires sur les bancs socialistes) Oui, il a reconnu son échec contre le chômage, alors aidons-le ! Les contrats aidés dans le secteur marchand contribuent à réduire le chômage des jeunes. Oui, monsieur le ministre, tout le monde en a fait, à droite et à gauche, et tous les rapports depuis trois ou quatre ans montrent que ce système, dans le secteur non marchand, aboutit aux deux tiers au chômage et, dans le secteur marchand, pour les deux tiers, à l'emploi. Alors, dirigeons vers les contrats aidés dans le secteur marchand les crédits que vous continuez à mettre massivement sur le secteur non marchand, les associations, les collectivités locales, l'État, parce que c'est plus facile, C'est ce que nous proposons par cet amendement. Allez à la réalité, monsieur le ministre ! Nous vous rendons 500 millions d'euros, à mettre sur ce qui marche : cela fera plaisir aux entreprises, que le Gouvernement aime, n'est-ce pas, et évitera les stages parking sans issue. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. François Patriat, rapporteur spécial.  - La commission des finances n'a pas examiné cet amendement. Je salue votre humour mais nous accompagnons les contrats aidés, dans les régions aussi, de façon intelligente, car ils rendent un grand service aux jeunes et débouchent sur des capacités d'insertion. À titre personnel, je suis défavorable à votre amendement.

M. François Rebsamen, ministre.  - Présentation, très habile, comme d'habitude.

M. Jean Desessard.  - Trop !

M. François Rebsamen, ministre.  - Peut-être, pernicieuse, sans doute. Votre amendement entraînerait un effet d'aubaine incontestable. Avant 2012, les contrats étaient de très courte durée, multipliés en période électorale. Nous les avons développés, afin qu'ils s'adressent aux jeunes les plus fragiles, ceux qui à 80 % n'ont pas le bac et sont les plus éloignés de l'emploi.

J'insiste auprès des préfets pour que la durée de ces contrats atteigne un an. Nous n'en sommes pas loin. Souvenez-vous du Grenelle de l'insertion, à Lyon, où il avait été demandé au président de la République de l'époque d'allonger la durée des contrats. C'est ce Gouvernement qui l'a fait.

Je vous en supplie, retirez votre amendement ! (M. Roger Karoutchi rit)

M. Francis Delattre.  - Nous avons tous des responsabilités. Je préside une mission locale. Ne pourrait-on cesser de solliciter le secteur public ou parapublic ? Nous en discutions avec nos collègues socialistes. Paradoxalement, en dépit du nombre de chômeurs, les salaires dans ce pays sont trop élevés. (M. Jean Desessard s'exclame) Le secteur privé est très protégé et les jeunes ont beaucoup de mal à entrer dans un vrai emploi. Un CDI dans une entreprise est perçu comme l'eldorado. Les premiers salaires sont trop élevés.

Pourquoi pas un dispositif où les entreprises paieraient 70 % à 75 %, complétés par l'État jusqu'au smic pour obtenir un salaire décent. C'est le système allemand. Demandez à M. Germain. (On s'interroge, sur les bancs socialistes) Si l'on veut vraiment que les jeunes accèdent à l'emploi, il faut mettre à contribution les entreprises. Le mauvais ciblage du CICE ne nous rend pas service non plus, monsieur le ministre. J'ose le dire, cela traverse tous les partis politiques.

M. Jean Desessard.  - Les écologistes voteront contre cet amendement. Ces contrats remettent les gens dans l'emploi, ce ne sont pas des places de parking, monsieur Karoutchi, mais des avancées, pour les réinsérer dans l'emploi. Les associations rendent des services importants, aussi intéressants, parfois, que ceux des entreprises.

Je suis plus certain de l'utilité des crédits aux emplois aidés que de celle des crédits considérables destinés au CICE. Quels en sont les effets réels ? Rien n'indique que les entreprises utilisent ces sommes pour embaucher.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances.  - Simplification !

Mme Patricia Schillinger.  - Le groupe socialiste votera contre cet amendement et contre celui de la commission des finances. Ces contrats s'adressent à des personnes très éloignées de l'emploi, ainsi qu'à des jeunes souvent sans diplôme, bref à des personnes en difficulté, avec un risque réel de désinsertion sociale. Pour la première fois, elles reçoivent un salaire : elles sont utiles et le ressentent. C'est un pas vers la confiance en soi.

Les bénéficiaires des contrats dans le secteur marchand sont souvent mieux armés pour reprendre un emploi dans l'entreprise, d'où leur taux d'insertion plus élevé - nous en sommes très heureux.

Il y a chez les jeunes une véritable motivation pour la chance que leur offrent ces contrats. Faut-il les priver de la possibilité d'accès à l'emploi ? C'est évidemment sur la qualification et la formation qu'il faut faire porter l'effort. Pour les CAE, l'employeur doit assurer des actions d'orientation, de formation et de validation des acquis. Ces contrats dans le secteur non marchand ne sont pas des outils de traitement du chômage. Ils ont un objectif sociétal et économique.

Dans un environnement global difficile, le Gouvernement a raison de faire le choix des emplois aidés. Un souhait : que le Gouvernement mette l'accent sur la qualification.

M. Jean Germain.  - Je voterai contre cet amendement. Monsieur Karoutchi, je me souviens que M. Bertrand, alors ministre du travail, avait diminué le nombre d'emplois aidés de 25 % dans le projet de loi de finances 2011. Et le 11 février 2011, Nicolas Sarkozy ajoutait 500 millions pour l'augmenter. Pour traiter le chômage de masse qui touche des millions de Français et d'Européens, on sait bien que nous avons besoin des emplois aidés. Au lieu de se jeter à la face des fausses réalités, ayons le courage de mener à la fois une politique économique active et de traitement social. Sans cela, nous offrons une tribune au Front national.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances.  - On l'a vu tout à l'heure.

M. Jean Germain.  - Tous les gouvernements ont utilisé les contrats aidés, nous y sommes contraints. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Michel Canevet.  - Le groupe UDI-UC votera cet amendement, non parce qu'il est contre les emplois aidés, mais parce que la priorité est de restaurer la confiance des entreprises. C'est affaire de priorités. Et il faudra quelque chose de beaucoup simple et de moins contraignant que le CICE.

Mme Annie David.  - Le groupe CRC votera contre l'ensemble de ces amendements, sauf celui de M. Godefroy sur les maisons de l'emploi que nous soutiendrons, et celui de M. Desessard sur lequel nous nous abstiendrons.

Les emplois aidés ne sont pas la solution, ils sont utilisés depuis vingt ans alors que le chômage progresse. C'est bien que la politique qui est menée n'est pas la bonne.

Le CICE, le pacte de responsabilité ne suffisent pas à restaurer la confiance des entreprises ? Peut-être faut-il rétablir l'esclavage ? (Mme Catherine Procaccia s'exclame) Quant aux salaires trop élevés... Vous voyez-vous, chers collègues, travailler durant 30 ans pour 1 500 euros ? Il y a peut-être des salaires trop élevés, il y a aussi des dividendes trop élevés qui pèsent davantage que le niveau des salaires.

Mme Nathalie Goulet.  - Je ne voterai pas cet amendement. On déshabille Pierre pour habiller Paul. Je sors d'une réunion avec les associations de l'Orne, plus précisément d'Argentan, ville sinistrée. Oui, il faudrait restaurer la confiance, mettre l'accent sur la formation. En attendant, on ne peut pas se passer des associations, de l'économie solidaire, qui ramènent à l'emploi des gens marginalisés qui sont passés à travers les mailles du filet. Je m'abstiendrai.

M. Roger Karoutchi.  - Comme d'autres, j'ai eu une vie avant le Sénat. En 1987, j'étais au cabinet de Philippe Séguin, nous créions des emplois aidés dans le cadre du plan d'urgence pour les jeunes. Je ne suis pas contre, en principe. En revanche, nous savons que ces emplois aidés sont de moins en moins efficaces. Avec la baisse des dotations aux collectivités et celle des subventions publiques, le secteur non marchand ne peut plus intégrer, offrir des emplois pérennes. Aujourd'hui, 66 % au terme de leur emploi aidé, sortent sans embauche. Quand ils seront 70 %, que ferons-nous ? Ces gens sortiront très amers parce qu'on leur aura fait croire qu'ils pouvaient trouver un emploi durable.

Orientons les aides publiques vers le secteur où l'on peut créer des emplois pérennes.

À la demande du groupe UMP, l'amendement n°II-175 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n° 43 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 189
Contre 151

Le Sénat a adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-71, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l'emploi

0

480 000 000

0

175 000 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

0

0

0

0

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

0

0

0

0

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travailDont Titre 2

0

0

0

0

TOTAL

0

480 000 000

0

175 000 000

SOLDE

- 480 000 000

- 175 000 000

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances.  - Cet amendement revient sur les 45 000 emplois aidés supplémentaires créés à l'Assemblée nationale, dont 30 000 contrats d'accompagnement dans l'emploi et 15 000 emplois d'avenir. La commission des finances préfère une politique d'allègement des charges pour faciliter la création de vrais emplois dans le secteur concurrentiel. Au lendemain du Congrès des maires de France et au surlendemain du vote sur l'article 9, nous savons que les collectivités territoriales, avec une baisse de leurs dotations de 12,5 milliards sur quatre ans, devront réduire leurs dépenses et, donc, les embauches et les subventions aux associations.

J'ajoute que le taux d'accès à l'emploi durable des contrats d'accompagnement dans l'emploi est seulement de 21,9 %.

Cet amendement ne reflète pas un refus de principe des emplois aidés, tous les gouvernements y ont recours, mais une volonté de les orienter vers le secteur marchand.

M. François Rebsamen, ministre.  - Le Gouvernement est évidemment défavorable : 2 milliards d'euros en moins,...

M. Jean Desessard.  - Carrément !

M. François Rebsamen, ministre.  - ... excusez du peu, qui devaient soutenir les plus fragiles. C'est une coupe claire ! Et Mme Procaccia déplorait tout à l'heure la diminution de mon budget ... Il est vrai que vous avez annoncé 150 milliards d'euros d'économies, il ne nous en reste plus que 148 à trouver ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Catherine Procaccia.  - Il est vrai que j'ai parlé de la diminution du budget mais, comme le rapporteur général, j'ai souhaité une réorientation des emplois aidés vers le secteur marchand.

M. Jean Desessard.  - Après avoir enlevé 1,5 milliard d'euros, je pensais que vous alliez en rester là ! Eh bien, non ; vous en rajoutez ! C'est la préfiguration de la politique que vous allez mener... (Rires à droite)

M. Roger Karoutchi.  - Alors, vous n'y croyez plus, à la gauche ?

M. Jean Desessard.  - Un sursaut est toujours possible ! (Exclamations à gauche) Il peut y avoir des surprises !

M. François Rebsamen, ministre.  - Rien n'est jamais sûr en politique...

M. Jean Desessard.  - Un milliard et demi, 500 millions, et on y va !

M. Francis Delattre.  - On réoriente !

M. Claude Kern.  - Le groupe UDI-UC votera cet amendement.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Malheureusement le solde n'est pas amélioré dans les proportions que décrit M. Desessard... Ne confondons pas les crédits de paiement et les autorisations de programme. Celles-ci correspondent à des engagements pluriannuels. Mon amendement diminue les crédits de paiement de 175 millions d'euros et celui de M. Karoutchi de 500 millions.

À la demande du groupe UMP, l'amendement n°II-71 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n° 44 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 190
Contre 151

Le Sénat a adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-12 rectifié quater, présenté par M. Mouiller, Mmes Cayeux et Canayer, MM. Husson, Cambon, D. Laurent, Mandelli et D. Robert, Mme Mélot, M. Cardoux, Mme Imbert, MM. Charon et Houpert, Mmes Gruny et Troendlé, M. Savin, Mme Garriaud-Maylam, MM. Houel et Lemoyne, Mmes Keller et Primas, MM. B. Fournier, Danesi et de Nicolaÿ, Mme Deroche, MM. Laménie et Morisset, Mme Micouleau, MM. Revet et Falco, Mmes Deromedi et Létard et M. Vanlerenberghe.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Accès et retour à l'emploi

15 000 000

0

15 000 000

0

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

0

15 000 000

0

15 000 000

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

0

0

0

0

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travailDont Titre 2

0

0

0

0

TOTAL

15 000 000

15 000 000

15 000 000

15 000 000

SOLDE

0

0

Mme Jacky Deromedi.  - Le budget des maisons de l'emploi subit une forte baisse et s'établit à 26 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, contre 46 millions l'an dernier ; et les régions avaient eu la possibilité d'abonder à hauteur de 4 millions supplémentaires - ces 4 millions inclus dans les contrats de projets État-Région prennent fin.

Les maisons de l'emploi, créées en 2005 par la loi de cohésion sociale, ont été imaginées comme des outils de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences à l'échelle des territoires. Leur cahier des charges a évolué pour ne retenir que deux missions : l'anticipation des mutations économiques et le développement de l'emploi local. Les maisons de l'emploi sont effectivement les plus à même de définir les besoins d'un bassin d'emploi et d'aider ainsi les demandeurs d'emploi dans leurs recherches.

À plusieurs reprises, le ministère du travail a confirmé que celles qui respecteraient ces axes verraient leurs moyens maintenus. Afin de conforter leurs actions, cet amendement maintient les moyens dont disposent les maisons de l'emploi actuellement.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-87 rectifié, présenté par M. Godefroy et Mmes Génisson, Bataille et Claireaux.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Accès et retour à l'emploi

10 000 000

10 000 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

10 000 000

10 000 000

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travailDont Titre 2

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

 

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Les élus locaux ont développé des outils territoriaux pour organiser les stratégies de l'emploi en lien avec le développement économique. L'État a reconnu le rôle important de ces outils territoriaux avec la création du label en 2005.

La maison de l'emploi du Cotentin est un outil à même d'animer un projet de territoire sur un bassin de vie cohérent. Elle a vu le jour en 1991 : travail sur le volet ressources humaines de l'EPR de Flamanville, 541 000 heures de formation pour 776 demandeurs d'emplois, 681 embauches après formation entre 2008 et 2013 ; préparation de la main-d'oeuvre locale au développement des énergies marines renouvelable ; 208 000 heures de travail pour 393 personnes en insertion entre 2007 et 2013...

Aucun autre acteur n'est capable de bâtir des projets tels que ceux-là à l'échelle territoriale. Maintenons leurs crédits, d'autant que les moyens des collectivités territoriales diminuent et que celles-ci assurent une part conséquente de leur budget. La qualité de leurs interventions suppose qu'elles inscrivent leur action dans la durée et dans un cadre stabilisé.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-111 rectifié, présenté par MM. Husson, Mouiller, Houpert, Morisset, D. Laurent, Revet, Cambon, P. Leroy, G. Bailly, Raison et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Savin, Delattre et de Nicolaÿ, Mme Létard, MM. Karoutchi, Vanlerenberghe et Bonhomme, Mme Troendlé et M. Pierre.

M. Francis Delattre.  - Quel plaisir de défendre un amendement identique à celui du groupe socialiste ! Partout où elles existent, les maisons de l'emploi ont montré leur efficacité. Stoppons la réduction de leurs crédits.

M. François Patriat, rapporteur spécial.  - La commission des finances n'a pas pu examiner ces amendements. Les maisons de l'emploi ont un bilan mitigé : certaines rendent beaucoup de services, d'autres moins. À titre personnel, retrait, sinon défavorable.

M. François Rebsamen, ministre.  - En 2005, à l'initiative de M. Borloo, étaient créées les maisons de l'emploi. M. Nicolas Sarkozy a voulu les détruire en réduisant leur budget de 40 %, considérant que le nouveau Pôle emploi reprenait une partie de leurs missions. Nous, nous maintenons leur budget de fonctionnement à 26 millions d'euros. Les maisons de l'emploi pourront faire appel aux crédits de mutation économiques dans le cadre d'appel à projets.

Je demanderai une mission d'inspection pour y voir plus clair : certaines missions fonctionnent incontestablement bien, d'autres moins - vous devez le savoir...

Vous voulez retirer 2 milliards d'euros aux emplois aidés et ajouter 10 millions d'euros pour les maisons de l'emploi... Franchement, comment va-t-on boucler le budget ?

Mme Catherine Procaccia.  - Il ne s'agissait pas de destruction, mais de rationalisation. (Exclamations amusées sur les bancs socialistes) Une mission d'inspection sera bienvenue. Je suivrai pour une fois le Gouvernement.

M. François Rebsamen, ministre.  - On voit que vous connaissez le dossier !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Donc, monsieur le ministre, il n'y aura pas de réduction des crédits des maisons de l'emploi, n'est-ce pas ? Quel est votre engagement ? Si c'est le cas, je retirerai mon amendement.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances.  - Je sais combien présider ces séances est complexe. Je devine l'envie de chacun de prendre la parole. Malheureusement, notre temps de parole est limité par mission.

Mme la présidente.  - Mon rôle est de faire respecter les temps de parole, à chacun d'être concis.

M. François Rebsamen, ministre.  - Je serai bref : je demanderai une mission d'inspection qui portera également sur la mobilisation des crédits européens et je prends l'engagement de soutenir les maisons de l'emploi qui présentent de bons projets territoriaux.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Très bien !

Mme Françoise Laborde.  - Je me range à l'avis du Gouvernement.

M. Francis Delattre.  - Je m'incline, non parce que je fais confiance au ministre mais parce que le ministre a promis un rapport (Sourires). Nous aurons enfin accès aux vraies informations...

Les amendements nosII-12 rectifié quater, II-87 rectifié et II-111 rectifié sont retirés.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-119, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l'emploi

1 000 000

0

1 000 000

0

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

0

1 000 000

0

1 000 000

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

0

0

0

0

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travailDont Titre 2 

0

0

0

0

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

M. Jean Desessard.  - La réforme de l'insertion par l'activité économique (IAE) suscite des incertitudes pour le financement des structures, dont certaines pourraient être amenées à fermer. Le basculement vers un CDDI amélioré remet en effet en cause les exonérations dont certaines SIAE bénéficiaient au travers des CUI-CAE, ce qui entraîne un surcoût difficile à supporter et que l'aide au poste ne couvre pas totalement. Le forfait de 19 500 euros n'est pas suffisant. Les structures doivent pouvoir prétendre à la part modulable. Le secteur de l'insertion doit être davantage soutenu.

M. François Patriat, rapporteur spécial.  - Retrait car l'effort est déjà important pour l'insertion par l'activité économique, qu'il s'agisse de l'État ou des collectivités territoriales.

M. François Rebsamen, ministre.  - Le Gouvernement a consenti un effort de 40 millions pour l'IAE depuis 2012. Tous les acteurs saluent ce budget, y compris le réseau Alerte. Retrait également.

M. Jean Desessard.  - D'accord.

L'amendement n°II-119 est retiré.

À la demande du groupe UMP, les crédits de la mission « Travail et emploi », modifiés, sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n° 45 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 190
Contre 152

Le Sénat a adopté.

ARTICLE 62

Mme la présidente.  - Amendement n°II-118, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

I. - Alinéa 1, seconde phrase

Après les mots :

et des emplois d'avenir

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

prioritairement en faveur des travailleurs handicapés mentionnés aux articles L. 5134-19-3 et 5134-110 du même code.

II. - Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La contribution mentionnée au I est réalisée dans le périmètre de concours stabilisé en valeur.

M. Jean Desessard.  - L'article 62 prévoit la ponction de 29 millions d'euros sur le fonds de l'Agefiph pour les consacrer à des contrats aidés.

Les travailleurs handicapés ne représentent que 9,2 % des bénéficiaires de l'ensemble des contrats aidés. L'amendement flèche le montant au bénéfice des personnes handicapées.

M. François Patriat, rapporteur spécial.  - La commission des finances n'a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j'en propose le retrait, en raison des incertitudes juridiques quant à son application.

M. François Rebsamen, ministre.  - Moi aussi, mais je tiens à vous rassurer : près de 11 % des CAE concernent les travailleurs handicapés, 8 % des CIE et 3 % des emplois d'avenir. La ponction, je l'ai expliqué à la présidente de l'Agefiph, est exercée sur une trésorerie dormante, d'autant que nous créons 500 postes dans des entreprises adaptées. L'Agefiph l'a compris. (Mme Patricia Schillinger applaudit)

Mme Catherine Procaccia.  - Je persiste à partager la préoccupation de M. Desessard. Un amendement introduit par le Gouvernement à l'Assemblée nationale a ponctionné la FIPHFP de la même manière. Ces 29 millions d'euros représentent un quart de ses réserves dont l'assèchement est à craindre dès 2017. Le Gouvernement a validé l'action du FIPHFP il y a moins d'un an en signant la convention d'objectif et de gestion. Je voterai l'amendement de M. Desessard.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Une fois n'est pas coutume, monsieur Desessard, votre amendement me convient. En commission des affaires sociales, Mme Debré a posé une question précise, à laquelle, contrairement à d'autres questions, vous n'avez pas répondu, monsieur le ministre. Je comprends donc le dépôt de cet amendement. Si M. Desessard le maintient, je le voterai.

M. François Rebsamen, ministre.  - Il s'agit bien de réserve dormante, à hauteur de 394 millions d'euros, dont une part sera ainsi activée en faveur des personnes handicapées. Je demande à M. Desessard de retirer son amendement. Son adoption créerait des difficultés juridiques et alourdirait les circuits de gestion.

M. Jean Desessard.  - Merci à Mme Procaccia et à M. Cardoux. Je me réjouis que mon amendement puisse obtenir une majorité, (sourires), mais après réflexion, et au vu de l'argumentaire du ministre et du rapporteur, je le retire... Encore une demande, toutefois : je souhaiterais que vous me répondiez, monsieur le ministre, sur le GPS que j'ai demandé sur les offres d'emploi. Pourquoi ne trouve-t-on pas de maçons, alors que les demandes s'accumulent ? Le site de l'Unedic est-il actualisé ? (M. André Gattolin applaudit)

L'amendement n°II-118 est retiré.

L'article 62 est adopté.

L'article 63 est adopté.

L'article 34 est adopté.

Conseil et contrôle de l'État

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Cette mission se compose de quatre programmes : le Conseil d'État et les autres juridictions administratives, la Cour des comptes et les autres juridictions financières, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) et, depuis la loi de finances pour 2014, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).

Cette mission, qui connaît une progression de moins de 1 % de ses crédits par rapport à 2014, représente 636 millions d'euros de crédits de paiement, dont plus de 60 % reviennent aux juridictions administratives. Les juridictions financières représentent 34 % de la mission. Le Cese et le HCFP ne pèsent, respectivement, que 6 % et 0,1 % du total. En raison de leurs spécificités, ces programmes sont préservés des contraintes habituelles de régulation budgétaire. Pour autant, ils participent à l'effort budgétaire. L'Assemblée nationale, en seconde délibération, a minoré les crédits de la mission de 800 mille euros.

Les crédits du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » augmentent de 2,2 %, avec 383,3 millions d'euros en crédits de paiement. En 2015, 35 équivalents temps plein supplémentaires sont prévus, dont 14 postes de magistrats administratifs, dans le cadre de la création des 635 emplois en faveur de la justice. Cet effort portera principalement sur les tribunaux administratifs et le traitement du contentieux de l'asile - M. Karoutchi attire notre attention sur ce point chaque année - afin de poursuivre la réduction des délais de jugements.

Des délais moyens de dix mois sont envisagés pour 2015 dans les tribunaux administratifs comme dans les cours administratives d'appel. Cette ambition est d'autant plus remarquable qu'on observe une progression du nombre des affaires dans toutes les juridictions administratives : hausse de 15,6 % au premier semestre 2014 pour les tribunaux administratifs et de 6,5 % pour les cours administratives d'appel.

Les renforts en effectifs accordés depuis 2010 à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) semblent porter leurs fruits. Le délai moyen de jugement y a été réduit de moitié par rapport à 2009, pour atteindre six mois et dix jours en 2014. L'objectif pour 2015 est de descendre à six mois, délai quasi incompressible.

Le budget du Cese pour 2015 s'établit à 38,4 millions d'euros en crédits de paiement, soit une diminution de 0,4 %. Les dépenses de personnel, qui constituent plus de 85 % des crédits du Conseil, diminuent de 0,1 % et ses autres crédits de 1,7 % (dont 1 % pour les crédits de fonctionnement, qui s'établissent à 4,8 millions d'euros).

Les dépenses d'investissement restent stables. Le financement du programme pluriannuel d'investissement immobilier du palais d'Iéna est assuré en partie par les recettes de valorisation du patrimoine immobilier, issues de la location du palais d'Iéna pour diverses manifestations, qui devraient atteindre 1,7 million d'euros en 2015. Un schéma vertueux s'instaure ainsi entre la valorisation du patrimoine du Cese et son programme d'investissement immobilier.

L'année 2015 verra le renouvellement des membres du Conseil, ce qui devrait affecter l'équilibre déjà précaire de sa caisse de retraites. Il a donc décidé de recourir à l'expertise de la Caisse des dépôts afin d'élaborer des propositions de réforme pour assurer le financement pérenne de son régime.

Le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » est doté de 214,5 millions d'euros en crédits de paiement, soit un budget en légère diminution. Cette baisse de 1 % s'observe principalement sur ses dépenses de personnel - 86,7 % des crédits du programme - et les dépenses de fonctionnement.

Le coût de la réforme des juridictions financières, et plus particulièrement du regroupement de sept chambres régionales des comptes (CRC), a été encore revu à la baisse : la Cour des comptes l'estime finalement à 6,8 millions d'euros au total (contre 12 millions d'euros en estimation initiale). Le coût supporté en 2015 est évalué à 270 000 euros, qui correspondent au reliquat des primes versées au personnel concerné par le regroupement. On attend près d'un million d'euros d'économies de fonctionnement, à redéployer au profit des dépenses d'investissement. La Cour estime que les coûts de la réforme, hors dépense de personnel (soit 3,5 millions d'euros), auront été compensés par les économies réalisées d'ici environ quatre ans.

Le dernier programme, consacré au Haut Conseil des finances publiques, est doté de 0,82 million d'euros, dont 370 000 euros concernent les dépenses de personnel et sont destinés à financer trois ETPT.

Je propose donc à la commission d'adopter, sans modification, les crédits proposés pour la mission et chacun de ses programmes.

M. Michel Delebarre, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - La commission des lois examine pour la première fois l'ensemble les crédits des deux programmes de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

Ces deux programmes, relativement stables, bénéficient de conditions d'exécution relativement favorables, puisqu'ils ne sont pas soumis à l'obligation de mise en réserve de crédits en début d'exercice.

D'un point de vue strictement budgétaire donc, ces programmes ne rencontrent pas de difficultés particulières.

Cependant, l'ensemble des personnes que j'ai pu rencontrer pour préparer ce rapport m'ont signalé que cette situation satisfaisante était fragilisée par la forte pression contentieuse subie par les juridictions administratives et par la multiplication des missions confiées aux juridictions financières.

Depuis 2011, l'objectif de ramener à un an en moyenne les délais de jugement devant l'ensemble des juridictions est atteint, tous types d'affaires confondues.

Cependant, l'indicateur qui permettait de mesurer ce délai de règlement pour les affaires ordinaires a été supprimé de la maquette de performance, c'est dommage.

Pour faire face à ce niveau d'activité élevé, de plus en plus de contentieux sont réglés par un magistrat statuant seul. Environ 60 % des affaires jugées devant les tribunaux administratifs l'ont été par un juge unique ou par ordonnance en 2013.Il faut veiller à préserver la qualité de la justice rendue, compte tenu des publics concernés.

Comme lors des deux derniers exercices précédents, j'ai pu constater un véritable sentiment d'impuissance des magistrats face à certains contentieux pour lesquels l'utilité de l'intervention du juge pose question. Je pense en particulier au droit au logement opposable (Dalo). Le juge ne tranche aucune question de droit, il ne règle pas non plus la situation du justiciable, puisqu'il ne peut qu'enjoindre l'administration, sous astreinte, de délivrer un logement qu'elle n'a pas.

Les juridictions financières ont fait l'objet de réformes organisationnelles et de procédures. Ainsi, en 2012, la carte des juridictions a été réformée pour permettre le regroupement des chambres régionales des comptes en structure de taille critiques. Sept CRC ont été fermées.

La réforme aurait donné une nouvelle dynamique aux juridictions financières.

La loi du 13 décembre 2011 a renforcé les formations inter-juridictions (FIJ), constituées entre la Cour et des CRC ou entre des CRC. Selon la Cour des comptes, grâce à cette réforme, les juridictions financières sont en mesure de répondre dans un délai beaucoup plus court aux demandes d'enquête, émanant du Parlement et du Gouvernement, qui concernent à la fois le champ de compétence de la Cour et celui des CRC.

Si ces structures présentent l'avantage de porter un regard transversal, là où les chambres régionales et territoriales des comptes ne peuvent avoir qu'une vision géographiquement limitée, il faut être prudent dans l'utilisation de cet outil. Il ne faudrait pas que les travaux inter-juridictions se développent au détriment des missions de contrôle des CRC.

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 164 et 165.

Mme Éliane Assassi .  - Cette mission n'est pas la mieux dotée. Les crédits suffiront-ils pour des juridictions administratives dont les interventions ont été élargies à l'asile et au logement ?

Plutôt que d'économies, cette mission a besoin de dépenses justes. C'est une nécessité pour faire respecter le droit d'asile et le droit au logement. Nous aurons l'occasion d'en reparler, c'est pourquoi je n'entre pas dans les détails.

Le groupe CRC s'abstiendra.

M. Philippe Kaltenbach .  - À mon tour je serai bref. Cette mission traduit l'une des priorités du Gouvernement : les moyens de la justice augmentent de 1 %, 35 ETP sont créés dans les juridictions administratives dans l'objectif de réduire les délais. L'objectif fixé en 2011, un délai d'un an, a été atteint.

Toutefois, nous savons que les contentieux de l'asile et du logement augmentent de manière constante. Cela nous impose une vigilance accrue.

Pour le juge financier, la situation est identique : attention de ne pas la fragiliser par des crédits insuffisants. La réforme des cours régionales de comptes anticipe la réforme territoriale.

Le groupe socialiste votera ce budget.

M. Michel Delebarre.  - Très bien !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Merci aux orateurs pour leurs interventions constructives : chacun a perçu l'effort que l'État fournit pour ces quatre juridictions. Néanmoins, des interrogations subsistent. Malgré les efforts des juridictions administratives, le contentieux de masse repart à la hausse. Pour y faire face, le Gouvernement crée 35 ETP et des procédures simplifiées pour les affaires ordinaires. La loi de 2011 a compliqué le contentieux de l'asile, le projet de loi à venir soulagera le juge administratif. Monsieur Delebarre, l'indicateur de performance dont vous déploriez la suppression, continue d'être calculé par le Conseil d'État. Vous pouvez obtenir cette information.

Concernant le Cese, je salue les efforts de bonne gestion de M. Delevoye. La Caisse des depôts aidera l'assemblée à assurer la pérennité de son régime de retraite.

Pour le budget de la Cour des comptes et des autres juridictions financières, certains ont fait valoir que le projet de loi NOTRe pourrait entraîner du travail supplémentaire lié à la certification des comptes des collectivités territoriales. Le Gouvernement tient à faire valoir qu'il est ouvert et qu'il n'y a pas lieu de craindre cette innovation, qui sera facteur de sécurité juridique pour les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances.  - Bravo pour votre concision !

Les crédits de la mission sont adoptés.