Malades en fin de vie

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.

Discussion générale

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes .  - Nous sommes réunis sur un sujet sensible.

M. Charles Revet.  - C'est le moins qu'on puisse dire !

Mme Marisol Touraine, ministre.  - « Quand la crainte de la vie l'emporte sur la crainte de la mort » : ces mots de Victor Hugo trouvent un écho chez tous ceux qui ont eu à affronter la fin de vie difficile d'un proche. Arriver au point de vouloir partir pour ne plus souffrir, c'est sans doute la plus terrible des appréhensions.

Le rapport à la vie et à la mort évolue constamment : aspiration à la liberté, à l'autonomie, à la responsabilité. Nous devons reconnaître cette demande tout en fixant des règles acceptées de tous. Les soins palliatifs ne sont pas accessibles à tous dans les mêmes conditions. Les Français ont des droits nouveaux, qu'ils ne connaissent pas toujours. Les nouveaux traitements permettent de prolonger la vie, mais parfois dans des conditions telles que la frontière avec la mort s'estompe.

Une forte demande est apparue pour mieux prendre en compte la fin de vie. Le président de la République a souhaité y répondre. Une mission a été confiée au professeur Sicard. Le Comité consultatif national d'éthique s'est prononcé. Les Français ont pu participer à ces débats. Le président de la République a souhaité le consensus.

Les députés MM. Claeys et Leonetti ont rédigé cette proposition de loi sur la base de leur rapport. Elle renforce l'accès aux soins palliatifs. Depuis dix ans, le nombre de lits dans ces services a été multiplié par vingt ; pourtant deux tiers des patients qui en auraient besoin n'y ont pas accès. La Cour des comptes a dénoncé cette injustice sociale et territoriale. C'est pourquoi il convient de développer les soins palliatifs dans les Ehpad et à domicile - car la majorité des Français aspirent à mourir chez eux. Il faut aussi mieux former les soignants grâce à un enseignement spécifique, les intégrer à toutes les formations sanitaires, et définir des procédures communes pour mieux accompagner les patients sortant de l'hôpital, en évitant les ruptures de soins. Un plan triennal sera soumis la semaine prochaine à un comité de pilotage, puis je présenterai un plan finalisé pour assurer la montée en charge des soins palliatifs.

Nous devons aussi aider les Français à faire valoir leurs droits. La moitié d'entre eux ignorent que la loi autorise déjà les patients à demander l'arrêt des traitements qui les maintiennent en vie, et ils sont seulement 2,5 % à avoir rédigé des directives anticipées. La situation de Vincent Lambert - qui n'est pas en fin de vie - montre la nécessité de tout faire pour que puisse s'exprimer la volonté de chacun. Pour cela, le cadre de notre expression personnelle doit être clarifié, renforcé.

Le texte rend les directives anticipées contraignantes et supprime leur durée de validité. Aujourd'hui, elles ne sont qu'un élément parmi d'autres à prendre en compte par l'équipe médicale ; demain, la volonté du patient sera déterminante. Permettre à chacun de rester maître de sa vie jusqu'au dernier moment, c'est préserver sa dignité.

L'information sur ce que sont ces directives doit être renforcée : celle du patient mais aussi de l'équipe médicale. Le texte y pourvoit : un formulaire type de directive anticipée sera élaboré sous l'égide de la Haute autorité de santé (HAS). Les médecins auront une visibilité immédiate des directives anticipées, inscrite dans un registre national ad hoc garantissant la confidentialité.

Ce texte accroît également l'autonomie des personnes. La loi d'avril 2005 a été un immense progrès, mais il faut à présent franchir une étape supplémentaire. Pour l'heure, interrompre ou non un traitement est une décision qui appartient au seul médecin. Il peut être désemparé tandis que trop de patients et de familles ont le sentiment de n'être pas entendus, que leurs droits ne sont pas reconnus. Il s'agit d'apporter une sécurité à tous et de réduire les divergences d'application de la loi sur le territoire national. Ce texte précise donc les modalités d'interruption des traitements, définit l'obstination déraisonnable et affirme le droit à une sédation profonde et continue lorsque le pronostic vital est engagé à court terme, droit concret reconnu à tous et partout.

Ce sujet nous concerne tous, par-delà nos croyances, nos engagements et nos points de vue. Nous avons une grande mission collective : répondre aux attentes de nos concitoyens.

L'opposabilité des directives anticipées, couplée à la reconnaissance d'un droit à une sédation profonde et continue, inverse la logique actuelle, en redonnant du pouvoir au patient. Celui-ci aura le premier et le dernier mot, il devient maître de son destin.

Nul ne détient, sur ces questions, la vérité absolue ; chacun doit pouvoir exprimer ses convictions. D'aucuns estiment qu'il faudrait aller plus loin - mais l'étape suivante ne fait l'objet d'aucun consensus. D'autres estiment inopportune toute évolution du cadre juridique de la fin de vie.

Le Gouvernement souhaite un débat serein sur un texte qui doit largement rassembler. C'est la volonté du président de la République. Nous devons être capables de franchir une étape de liberté pour les malades.

L'engagement historique du Sénat montre que des rassemblements transpartisans sont possibles. Nos débats seront utiles, je n'en doute pas, éclairants pour la société ; ils seront riches, les points de vue, variés. Nous devons répondre à l'exigence de liberté, d'autonomie et de dignité, sans heurter. (Applaudissements à gauche)

M. Gérard Dériot, co-rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Cette proposition de loi s'inscrit dans des débats anciens mais qui n'ont rien perdu de leur actualité. L'annonce par le président de la République d'un nouveau plan triennal de développement des soins palliatifs marque une ambition forte répondant aux attentes de la société.

Les avancées législatives ont été nombreuses, qui ont consacré, de 1999 à 2005, des principes clairs. Mais le mal-mourir persiste dans notre société et les inégalités territoriales d'accès aux soins palliatifs restent fortes, comme l'a rappelé la Cour des comptes.

Légiférer pour renforcer l'accès aux soins palliatifs n'aura aucun effet si l'on n'augmente pas les moyens qui leurs sont consacrés. Madame la ministre, vous avez hérité là d'une situation difficile, mais c'est votre responsabilité.

La loi Leonetti est une bonne loi, qui a fondé la lutte contre l'acharnement thérapeutique - consacrée depuis par la jurisprudence européenne et la pratique. Mais cette loi n'est pas assez connue, ni par le corps médical ni par nos concitoyens.

Le texte de MM. Claeys et Leonetti ne trouve pas grâce aux yeux de tout le monde. Certains craignent qu'on ne conduise les patients à penser que leur vie est une charge pour les autres ; d'autres s'y opposent parce qu'ils considèrent que la vie est sacrée. À l'inverse, d'autres appellent de leurs voeux la légalisation de l'assistance médicalisée pour mourir ou le suicide assisté. La commission des affaires sociales partage toutefois le point de vue des auteurs de la proposition de loi, compléter sans rupture la législation. Ce texte trouve un juste équilibre entre volonté du patient et savoir médical, entre obligation de préserver la vie et liberté de chacun.

Nous avons néanmoins adopté 12 amendements, aux articles premier à 14. Je m'en tiendrai aux articles 8 et 9. Le premier rend les directives anticipées opposables aux médecins, ce qui est nouveau et très attendu - même si 2,5 % seulement de la population en a rédigé. La commission a précisé les conditions dans lesquelles le médecin n'est pas tenu de les respecter : l'urgence vitale ne fait pas débat ; le caractère « manifestement inapproprié » des directives aurait en revanche privé d'effet l'article 8.

La commission a également renforcé la procédure collégiale et le rôle de la personne de confiance, prévus à l'article 9. La co-signature par celle-ci de sa désignation a été ajoutée au texte.

Ce texte répond aux préoccupations de nos concitoyens, offre des garanties suffisantes aux personnes les plus vulnérables sans remettre en cause les équilibres de la loi de 2005. (Applaudissements à droite)

M. Michel Amiel, co-rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Cette proposition de loi concerne non les personnes qui veulent mourir mais celles qui vont mourir. Les chiffres ne manquent pas pour illustrer l'écart entre la mort souhaitée, apaisée et à domicile, et les conditions de la mort à l'hôpital ou en Ehpad. Comme le dit le professeur Sicard, on meurt mal en France - par manque de moyens, par absence d'une véritable culture palliative. Tandis que peu de temps leur est consacré dans la formation des médecins, les soins palliatifs restent trop souvent associés à l'échec thérapeutique. Or les soins curatifs et palliatifs doivent s'inscrire dans une même logique de prise en charge, dès lors que l'on confie à la médecine le soin de s'occuper de la mort.

La commission a apporté plusieurs modifications au texte de l'Assemblée nationale. Il s'est agi de limiter le caractère automatique des décisions qui concernent la fin de vie et de renforcer la sécurité juridique des dispositifs. À l'article 2, nous avons supprimé le caractère automatique de l'arrêt des traitements pour redonner la primauté à la volonté du patient. Nous avons également défini les obligations minimales qui s'attachent à la mise en oeuvre de la procédure collégiale ; celle-ci est à l'initiative du médecin pour les décisions d'arrêt ou de limitation des traitements, de recours à la sédation profonde et continue et d'application des directives anticipées. Nous avons enfin supprimé la mention de l'hydratation et de l'alimentation artificielles afin de nous en tenir à la jurisprudence du Conseil d'État.

Une personne en fin de vie, dont le pronostic vital est engagé à court terme, qui est atteinte d'une souffrance réfractaire et qui demande à ne plus souffrir et, dans ce cadre, souhaite l'arrêt de l'ensemble des traitements aura le droit d'obtenir une sédation profonde et continue, associée à une analgésie, jusqu'à son décès. C'est sa volonté qui prime. Je rappelle que le droit de refuser des soins, quels qu'ils soient, fait partie de notre droit depuis 2002. Un malade n'est pas obligé « d'assister au drame tragique de la mort », selon la formule du professeur Aubry.

La commission a supprimé la mention ambigüe de « prolongation inutile de la vie » ; elle a précisé que dans le cas où une personne souhaite arrêter les traitements, ce qui engage son pronostic vital à court terme, la sédation profonde et continue n'est mise en oeuvre qu'en cas de souffrance réfractaire. Toute dérive vers le suicide assisté est ainsi écartée.

La loi n'a pas vocation à couvrir toutes les situations, par exemple lorsqu'il n'y a ni directives anticipées, ni personne de confiance. Le juge trancherait dans tout litige. Un travail de pédagogie à l'attention de nos concitoyens est nécessaire ; il a fait défaut en 2005.

Le texte de la commission est équilibré. Il permet à chacun de décider des conditions de sa fin de vie. La commission des affaires sociales vous invite à l'adopter telle qu'elle l'a modifié. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et au centre)

M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - Au bout de la souffrance, de la maladie, la vie est-elle un privilège ou une fatalité ? La fin de vie, la douleur, le rôle du médecin appellent une réflexion prudente et humble.

Deux principes cardinaux de notre droit ont guidé la commission des lois : la prohibition de la mort donnée activement et intentionnellement ; le respect de la volonté de la personne. Consacrer dans certains cas un droit à bénéficier d'une sédation profonde et continue ne crée pas une nouvelle pratique ; élever cette possibilité au rang d'un droit opposable à un médecin ou à un établissement est autre chose au regard du retard de la France dans le développement des soins palliatifs. La commission des lois a eu à l'esprit cette formule du Conseil d'État : « la sédation profonde ne peut en aucun cas être un substitut aux soins palliatifs, une solution de facilité qui viendrait en quelque sorte pallier leur absence ». (MM. Philippe Bas et Jean-Jacques Hyest marquent leur approbation)

Dans le texte de la commission saisie au fond, le recours à la sédation profonde est permis quand le patient en fin de vie, atteint d'une maladie grave et incurable, éprouve une souffrance réfractaire à tout traitement comprenant la gamme entière des soins palliatifs ; quand le patient, hors d'état d'exprimer sa volonté, subit un acharnement thérapeutique et qu'une décision d'arrêt du traitement est prise au titre du refus de l'obstination déraisonnable.

Nous exprimons notre plein accord avec l'approche de la commission des affaires sociales, mais faisons observer qu'un lien systématique entre sédation profonde et arrêt des traitements serait contraire à la liberté des patients tout en brouillant la frontière entre mort causée par maladie et mort causée par autre chose.

La volonté de la personne en fin de vie doit primer. Le texte hiérarchise les différents éléments de preuve. En dernier lieu, les éléments fournis par la famille et les proches prévaudront.

Il existe un risque grave à faire des directives anticipées la preuve irréfragable de la volonté du patient ; lors du colloque organisé par le Sénat en février dernier, ce risque a été souligné par le vice-président du Conseil d'État. Les directives anticipées devraient être révocables par tout moyen. Le décret en Conseil d'État devra l'assurer. Quant à la personne de confiance, il n'y a pas de raison que sa parole prévale systématiquement sur tout autre élément, hors les directives anticipées. Sans doute faudrait-il sur ce point revenir au texte de l'Assemblée nationale.

Les directives du patient, hors celles conduisant à une mort activement donnée, doivent être respectées.

Je veux enfin exprimer notre malaise : le droit aux soins palliatifs, proclamé par la loi Leonetti adoptée conforme en première lecture par le Sénat, après un vote unanime de l'Assemblée nationale, reste lettre morte. Cette loi a pourtant servi de modèle à la résolution du 29 janvier 2009 du Conseil de l'Europe. Le Comité consultatif national d'éthique dénonçait en 2015 ce scandale. Nous pouvons nous accorder pour légiférer, à la condition de ne pas transiger sur le droit pour tous d'accéder aux soins palliatifs, dans une unique et indivisible culture de soins. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales .  - Ce texte, conforme à l'engagement du président de la République, complète la loi Leonetti ; elle est considérée par les professionnels de santé qui la connaissent comme une bonne loi. Elle s'inscrit dans la lignée d'autres lois sociétales comme la loi bioéthique, qui ont déjà donné lieu à d'importants débats.

Ce texte concerne les droits fondamentaux de personnes vulnérabilisées, risquant d'être exposées aux renoncements de notre société ; de personnes dont la mort semblerait préférable à ce qu'aurait pu être notre sollicitude... Il nous touche tous, car il renvoie à l'intime et à l'idée que nous nous faisons de la nature humaine. Dans ce débat s'exprimeront certainement des regrets, des craintes et des doutes.

Des regrets, de ceux qui veulent que soit instauré un véritable droit à l'assistance pour mourir. Or nous n'avons pas le droit de compromettre les raisons qui permettent d'espérer encore de la vie. Des craintes, de ceux qui y voient un basculement vers une euthanasie qui ne dirait pas son nom. Des doutes, car il est légitime de s'interroger sur des protocoles exécutés à la demande et livrés à toutes sortes de dérives -l'homme reste l'homme. La loi répond-elle à toutes les situations, aux attentes de nos concitoyens ? Jusqu'où le législateur peut-il encadrer le colloque singulier entre le médecin et son patient, qui fonde notre conception du soin ?

Cette proposition de loi n'ambitionne pas plus que les précédentes de répondre à tous les problèmes. Elle n'instaure en aucune façon une forme d'euthanasie ou de suicide assisté. N'instrumentalisons pas le concept de dignité : le suicide reste une liberté ; il ne saurait devenir un droit. Cela étant, nous ne pouvons nous satisfaire de la situation des soins palliatifs dans notre pays. Les auteurs de la proposition de loi et les professionnels de santé en ont dénoncé les carences devant notre commission.

L'examen de ce texte est l'occasion de donner son plein effet au cadre législatif mis en place en 1999, 2002 et 2005. Ce débat sera l'occasion aussi pour le Gouvernement de préciser le contenu du plan, annoncé par le président de la République, de développement des soins palliatifs. Il est nécessaire de promouvoir une culture palliative.

Ce texte prend mieux en compte que la loi de 2005 la souffrance des malades et les réponses qui peuvent être apportées, tout en encadrant la sédation profonde. L'exemple de la Belgique montre que l'interprétation des critères fixés par la loi finit par se relâcher, les actes par se banaliser. Il faudra veiller à témoigner respect et écoute aux malades, à chaque instant.

La commission des affaires sociales a approuvé la démarche des auteurs de la proposition de loi. Les treize amendements qu'elle a adoptés n'en modifient pas l'équilibre général. Elle a insisté sur l'apaisement des souffrances, ainsi que sur le respect de la volonté du patient. La rédaction de Gérard Dériot et Michel Amiel garantit que la loi ne sera pas détournée de son objet. Ces améliorations apportées à la procédure collégiale étaient également nécessaires.

Je souhaite que l'équilibre obtenu recueille votre approbation. (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme Françoise Gatel .  - Je salue l'excellent travail des rapporteurs, qui ont clarifié certains points ambigus. Ce sujet nous touche tous ; la mort, arrachement à la vie, est un déchirement. Issue fatale, elle est appréhendée par notre société qui sanctifie la performance et le progrès. Peur, gêne, voilà ce que suscite la mort. On mourait autrefois à domicile, aujourd'hui la mort se cache ; 8 000 résidents d'Ehpad décèdent chaque année dans les heures suivant leur transfert vers l'hôpital... La solitude du mourant, disait Elias.

La médecine est essentiellement vue comme curative. Les soins palliatifs sont générateurs d'angoisse, malgré la loi de 1999 et celle de 2005 qui ont assuré la prise en charge de tous les malades en fin de vie et fait obstacle à l'acharnement thérapeutique.

Les inégalités d'accès aux soins palliatifs sont un véritable scandale. 70 % des malades meurent en milieu hospitalier, alors que la même proportion des Français déclare vouloir mourir à la maison. 70 % des lits sont concentrés dans cinq régions, les soins palliatifs sont très peu développés en structure médico-sociale et inexistants à domicile.

La formation insuffisante des professionnels de santé en soins palliatifs est un autre scandale. La science sans conscience est vaine. Or trop de médecins refusent de reconnaître que la médecine est parfois impuissante. Le rapport Sicard montre l'ampleur des efforts à réaliser pour revaloriser les soins palliatifs, dans un milieu médical qui valorise la performance. 80 % des médecins n'ont reçu aucune formation.

Troisième scandale : le manque de moyens. Nous serons attentifs à ce que le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale contienne ceux nécessaires à la réalisation des ambitions du Gouvernement.

Quatrième insuffisance : le déficit d'information. Seuls 2,5 % des Français ont rédigé des directives anticipées. Rendues contraignantes, elles faciliteront la prise de décision et le respect de la volonté des patients -nous pensons tous à cette affaire récemment médiatisée. Mais à partir de quand peut-on considérer que les traitements n'éviteront pas l'issue fatale ? Peut-on aller plus loin dans certains cas exceptionnels où l'abstention thérapeutique ne suffit pas à soulager les douleurs insupportables ?

Ce texte est critiqué par ceux qui demandent, au nom de la liberté individuelle, un droit à mourir, comme par ceux qui estiment que la vie et la mort n'appartiennent pas à l'homme. Mais ce texte est fait non pour ceux qui veulent mourir, mais pour ceux qui vont mourir.

Les membres de notre groupe se prononceront en conscience sur ce texte équilibré. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et au centre)

M. Georges Labazée .  - La fin de vie est devenue un grand problème sociétal ; pas moins de 24 initiatives parlementaires ont été prises ces dernières années. Sans compter les avis du Conseil d'État, du Comité consultatif national d'éthique et des associations...

Le président de la République a engagé une longue consultation, conformément à son engagement, puis a confié une mission au professeur Sicard, dont le rapport a éclairé les travaux parlementaires. Il ne s'agit pas de définir les critères d'une mort digne, mais d'en rendre chacun seul juge. Dans quelle société voulons-nous vivre ? Il faut penser la mort pour aimer mieux la vie, disait André Gide. Voilà une phrase riche de sens...

Cette proposition de loi reconnaît un droit à la sédation profonde pour accompagner l'arrêt des traitements ; le patient pourra le spécifier dans des directives anticipées. Elle se veut aussi un effort pour la diffusion de la culture palliative dans notre pays. Les objectifs affichés sont louables. La loi de 2005 mérite d'être améliorée et clarifiée. Mais j'ai l'impression au final que peu de choses ont avancé. Tant de consultations et d'annonces pour autoriser l'accès à la sédation profonde et renforcer le caractère contraignant des directives anticipées...

Plusieurs d'entre nous pensent pourtant que ce texte, qui vient après bien des décisions et des annonces, n'est qu'un faible progrès.

Je salue le travail des rapporteurs, qui ont tenu à préciser de nombreux points du texte, notamment à l'article 3, en supprimant la mention de prolongation « inutile » de la vie, à propos des conditions de mise en oeuvre de la sédation profonde et continue, qui constituait une réelle source d'ambiguïtés. De même, elle a supprimé la notion de directives « manifestement inappropriées » à l'article 8.

Le groupe socialiste et républicain proposera d'aller plus loin, en rétablissant à l'article 2 la référence à l'article 37 du code de déontologie médicale sur la procédure collégiale. Nous voulons aussi rétablir, au même article, la précision selon laquelle l'alimentation et l'hydratation artificielles constituent un traitement. Je salue la qualité du débat en commission, mais il faut bien tenir compte de la décision du Conseil d'État du 24 juin 2014. Nous souhaitons que l'existence de directives anticipées et les informations sur la personne de confiance figurent sur la carte Vitale.

Nous aimerions aussi que l'allocation aux personnes en fin de vie soit étendue à celles qui vivent en établissement de santé. Notre amendement ayant été déclaré irrecevable, nous demanderons un rapport à ce sujet.

La journée de défense et de citoyenneté doit servir à informer la population de ses droits.

Nous déplorons l'absence de disposition sur l'insertion dans le cursus des étudiants en médecine d'une formation obligatoire aux soins palliatifs, afin de diffuser largement une culture des soins palliatifs. Le rapport souligne justement que faute d'une telle culture, les inégalités territoriales face à la fin de vie risquent encore de s'aggraver.

Nombre d'entre nous ont signé un amendement qui ouvre la voie à une assistance médicalisée pour mourir, conformément à une proposition de loi déposée il y a quelques années par le groupe socialiste. M'exprimant ici au nom du groupe tout entier, je n'en dis pas plus en cet instant.

Je veux rendre hommage à Jean-Pierre Godefroy, dont le long combat dans ce domaine aura marqué l'histoire de notre assemblée. Je lui dédie cette citation de Léon Blum : « L'homme libre est celui qui n'a pas peur d'aller au bout de sa pensée ». (Applaudissements à gauche ; M. Gérard Roche applaudit aussi)

Je finirai en citant une nouvelle fois André Gide : « Toutes choses sont dites déjà, mais comme personne n'écoute, il faut toujours recommencer ». (Applaudissements à gauche et sur plusieurs bancs au centre)

Mme Corinne Bouchoux .  - Le Sénat, assez régulièrement critiqué, parfois à raison, parfois avec excès, passe pour ses défenseurs, dont nous sommes, pour l'instance qui défend les libertés collectives et individuelles.

Parmi les droits humains, quel droit plus précieux, plus intime et plus symbolique, que celui de pouvoir finir sa vie comme on l'a rêvé et, à défaut, de ne pas l'achever comme on n'aurait jamais voulu qu'elle se termine ? Les patients sont devenus les acteurs de leur maladie. Dès leur plus jeune âge, citoyennes et citoyens élaborent un projet de vie.

Je rappelle l'engagement n° 21 de François Hollande : « Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d'une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ».

Plusieurs propositions de loi ont été déposées à cet effet au Sénat. Le groupe écologiste se sent proche du texte de Véronique Massonneau, qui instaurait une assistance médicalisée pour mourir active, avec des directives anticipées contraignantes.

Je salue le travail des rapporteurs, mais le présent texte ne nous satisfait pas complètement. L'immense majorité des Français demandent davantage. Pourquoi une telle timidité ? Nous respectons bien sûr l'avis de chacun, mais signalons une forme d'hypocrisie : alors que près de 4 000 quasi-euthanasies seraient déjà pratiquées chaque année en France, ce droit serait-il réservé aux seuls initiés ?

La loi Leonetti de 2005 étant peu ou mal appliquée, on demande aux mêmes de refaire leur copie... Je remarque d'ailleurs que nos rapporteurs, forts compétents, sont l'un médecin, l'autre pharmacien. Ne faudrait-il pas démédicaliser ce débat qui concerne chacune et chacun ? Peut-être aussi un tandem mixte favoriserait-il une approche plus équilibrée, car ce sont majoritairement les femmes qui accompagnent la fin de la vie.

En France on meurt souvent seul, dans la souffrance, à l'hôpital. Les baby-boomers, demain, n'accepteront pas que leur soit refusé le droit de choisir la manière dont ils achèveront leur vie, alors que tant de nouveaux droits ont été reconnus : droit de vote des femmes, droit à l'IVG, droit des personnes trans (encore insuffisamment pris en compte), droit pour tous de se marier, ou de ne pas le faire, de se pacser ou de vivre célibataire, de divorcer et de recommencer (ou non) une vie en couple...

Je comprends votre prudence politique, madame la ministre, je ne la partage pas. Nous souhaitons un débat serein, sincère, arguments contre arguments, et aimerions que se dessine, sur un tel sujet, au-delà des clivages, une majorité humaniste, fraternelle, qui entende les demandes qui nous sont formulées.

Hélas, les inégalités face à la mort sont criantes. 96 % des Français souhaitent qu'un patient atteint d'une maladie incurable puisse obtenir que l'on mette fin à ses souffrances, en mettant fin à sa vie ; 93 % souhaitent que le président de la République tienne ses engagements de campagne.

Le groupe écologiste proposera un amendement tendant à reconnaître la volonté du patient de bénéficier d'une assistance médicalisée active à mourir, un amendement qui élargit le contenu des directives anticipées. Un autre de nos amendements porte sur le développement des soins palliatifs pour tout le monde, car là est l'échec de la Loi Leonetti.

Je rends hommage à Jean-Luc Romero, à l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, ainsi, au sein du groupe écologiste, qu'à Marie-Christine Blandin et Jean Desessard qui défendent nos positions depuis des années.

Le regretté Guy Fischer, lui aussi, aurait souhaité, un texte moins timide. (Applaudissements à gauche)

Mme Annie David .  - Culturellement, nous avons du mal à parler de la mort, sujet douloureux et sensible qui touche chacun d'entre nous, et même à la considérer en face : on la technicise, on la cache. Un débat sur la mort dans notre sérénité est nécessaire.

Chaque jour, le groupe communiste, républicain et citoyen se bat pour le bien-vivre, pour une société plus juste, garantissant les droits à la santé, au logement, au travail, à l'éducation, à la culture, à la sécurité. Ce combat est aussi celui pour le bien-mourir, alors que les derniers jours d'une vie seront trop souvent ceux où les patients sentent leur dignité atteinte. Nous souhaitons que nos concitoyens aient une fin de vie qui corresponde à leur volonté.

Cette proposition de loi, qui comprend des avancées, laisse cependant trop de situations dans l'ombre. Nous souhaitons l'améliorer. Nous déplorons d'abord l'insuffisance des soins palliatifs : 20 % seulement des patients y ont accès, et si l'offre est de 2,2 lits pour 100 000 habitants, en moyenne, elle est très inégale sur le territoire : de 0,36 en Pays de Loire, contre 5,45 en Nord-Pas-de-Calais, avec des inégalités au sein de chaque région. Elle est aussi très peu développée hors de l'hôpital : près des trois quarts des lits de soins palliatifs sont dans les services de médecine ou chirurgie des hôpitaux, tandis que l'offre est quasi inexistante en Ehpad, ou dans les autres établissements médico-sociaux, qui accueillent par exemple les personnes handicapées.

Enfin, le modèle d'une médecine uniquement curative reste prégnant.

L'article premier, qui institue une formation obligatoire des soignants, marque donc un progrès. Reste à s'accorder les moyens pour développer les soins palliatifs et assurer l'égalité territoriale.

Le texte ne concerne que les patients dont le pronostic vital est engagé. Il laisse de côté les autres. Le docteur Danièle Lecomte le souligne : « Il y a peut-être une confusion entre douleur et souffrance. La douleur est effectivement le plus souvent maîtrisable. Mais on ne peut pas réduire le vécu douloureux de la personne en fin de vie à une composante physique accessible aux médicaments. La question est plus complexe. C'est celle de la souffrance, qui inclut des dimensions psychiques, émotionnelles, existentielles. La souffrance, on peut l'écouter, l'accompagner, mais on ne peut pas véritablement la traiter ».

La proposition de loi clarifie en revanche et renforce le caractère contraignant des directives anticipées. Enregistrées dans un registre national, elles seront facilement accessibles et s'imposeront aux médecins.

Mais un amendement adopté en commission, qui permet à l'équipe médicale de passer outre si les circonstances ont changé, pourrait ouvrir une brèche. Nous proposerons que, dans ce cas, l'information apportée par la personne de confiance prévale.

Nous saluons, à l'article 5, l'affirmation du droit du patient à refuser tout traitement. Nous saluons aussi l'apport de l'article 9 sur les personnes de confiance.

Nous déplorons que la commission des affaires sociales ait ôté à la personne de confiance le droit d'accéder au dossier médical et supprimé l'article 14 qui demandait un rapport annuel sur le développement des soins palliatifs : ce serait pourtant un moyen d'obtenir des avancées.

Nous proposerons donc d'élargir la portée du texte et resterons vigilants sur la politique du Gouvernement en matière de soins palliatifs. (Applaudissements à gauche ; Mme Françoise Gatel applaudit aussi)

Mme Hermeline Malherbe .  - La fin de vie n'est pas au coeur des conversations quotidiennes de nos concitoyens. Et pourtant, elle nous concerne tous. On se prend à rêver de disposer de sa vie jusqu'au dernier moment : tel souhaite mourir brutalement, tel autre dans son lit, mais personne n'imagine mourir dans d'atroces souffrances.

La loi de 2005 a renforcé les soins palliatifs et la prise en charge de la souffrance - même si des progrès restent à faire. Elle a ouvert la voie à l'autonomisation des patients, avec l'interdiction de l'obstination thérapeutique et les directives anticipées. Déjà, cependant, elle me semblait insuffisante.

La présente proposition de loi constitue une réelle avancée. Je salue la position d'équilibre des rapporteurs, difficile à trouver. Ce texte s'adresse à ceux qui vont mourir, non à ceux qui le souhaitent. Cette dernière question continuera à agiter la société.

Nous avons tous des exemples en tête : telle personne malade considérée comme condamnée ayant progressivement retrouvé goût à la vie, telle autre paralysée exprimant muettement sa souffrance et sa lassitude. Il faut s'efforcer de dépasser le champ des expériences personnelles pour objectiver les choses et fixer des droits.

Le droit à la sédation profonde et continue permettra à chacun de quitter la vie sereinement. Ce texte comprend bien d'autres avancées, qu'il s'agisse de la formation aux soins palliatifs, du statut de la personne de confiance, du rôle des directives anticipées ou du droit au refus du traitement... Il était également primordial de mettre les soignants à l'abri de poursuites, tout en définissant précisément le cadre de leur intervention.

Je me félicite du consensus trouvé sur ce texte, dans le respect de la dignité humaine. La manière dont une société considère la mort en dit beaucoup sur elle ; par cette loi, nous contribuons à l'élévation de la nôtre. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et du RDSE)

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - Ce texte ne laisse personne indifférent. C'est davantage en femme que je m'exprime ici, qu'en tant que législateur. Nos positions divergent, en fonction de notre histoire. Qui peut prétendre en faire abstraction ?

La loi Leonetti, essentielle, doit évoluer. Même s'il est difficile en France d'évoquer un tel sujet sans passion, nous devons nous efforcer de trouver un équilibre. Sommes-nous certains que chaque Français reconnaîtrait que les trois principes républicains de liberté, d'égalité et de fraternité, inscrits aux frontons de nos édifices publics, ont toujours valu pour lui ? Il s'agit donc de l'ultime requête de nos concitoyens, afin de garantir à tous les Français des conditions de fin de vie égalitaires, sans souffrances qui ne puissent être apaisées. Comment concevoir en effet que certains seraient soulagés, parce qu'ils en auraient les moyens financiers et pas d'autres ? N'est-ce pas là le minimum que la République puisse accomplir ?

Comment accepter que, dans une société où la science a tellement progressé, on soit incapable de soulager les souffrances ? La médecine doit accompagner la vie jusqu'au dernier instant. Dans ces circonstances, le plus grand geste d'amour n'est-il pas de laisser la personne partir ?

Le plus important est de garantir à tous l'accès aux soins palliatifs, y compris à domicile, et sur tout le territoire - notamment en zone rurale. Les Français aspirent à mourir chez eux, sans souffrance. Vu le nombre de gens qui meurent encore aux urgences, j'espère que nous pourrons avancer dans cette direction. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Pierre Médevielle .  - Sujet extrêmement sensible et délicat que celui qui nous réunit, et qui nous concernera tous un jour. Notre discussion ne doit pas se réduire à une simple prise de position ou à un débat de société sur l'euthanasie. Il y a encore trop de tabous et un déni évident de la mort. Cette proposition de loi ne répond pas à cette question mais apporte des solutions pratiques à la fin de vie dans le cadre de maladies incurables.

Ayant longtemps été impliqué professionnellement en pharmacie cancérologique et en organisation de soins et de réseaux palliatifs, je pense qu'il est nécessaire de dresser avant tout un état des lieux de ces structures dans notre pays.

Je sais que le manque de lits n'est que partiellement compensé par l'hospitalisation à domicile et les équipes ambulatoires. Quelque 60 % des patients n'y auraient pas accès. Les médecins et les infirmiers libéraux manquent d'informations. La fin de vie doit figurer au programme de toutes les formations médicales ; il faut également favoriser en la matière l'interdisciplinarité.

« Guérir parfois, soulager le plus souvent possible, aider et rassurer toujours » : telle était la devise des anciens généralistes. Dans trop de spécialités, on applique mécaniquement des protocoles de soins, ainsi l'on est couvert juridiquement, même si l'intuition du praticien peut suggérer d'autres voies thérapeutiques. Il y a une inégalité flagrante dans l'accès aux soins palliatifs.

Cette proposition de loi est un progrès. Ne nous laissons pas influencer par l'actualité : le problème n'est pas de savoir s'il faut raccourcir ou non la fin de vie, mais d'offrir aux patients en fin de vie des soins adaptés.

Le texte clarifie aussi les conditions dans lesquelles le praticien pourra décider d'une sédation profonde. Il sera rassuré dans sa pratique, le patient aussi, souvent très angoissé.

Cette proposition de loi est nécessaire pour le patient, sa famille comme pour les soignants. Le Sénat, lieu de sagesse, doit aussi être un lieu de progrès. Je compte sur vous, chers collègues ! (Applaudissements au centre, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes socialiste et républicain et des Républicains)

M. Daniel Chasseing .  - Ce texte est d'une portée infiniment plus délicate que ceux qui nous occupent habituellement. Chaque situation est particulière et est appréhendée en fonction de l'expérience, mais aussi des convictions philosophiques, religieuses, parfois politiques de chacun. Chaque être humain est unique, surtout au moment de sa mort. Bref, ce texte appelle notre vigilance juridique de législateurs, mais aussi notre esprit critique de citoyens.

Son objet n'est pas d'instaurer l'euthanasie, de faire mourir les patients, mais d'accompagner ceux qui sont en fin de vie dans le respect de leur dignité.

Nous sommes tous d'accord pour dire que les souffrances doivent, autant que possible, être soulagées, donc que la fin de vie doit être accompagnée par la médecine. Ce texte est dans la droite ligne de la loi du 22 avril 2005, dite Leonetti, si souvent invoquée, mais dont les termes mêmes sont trop méconnus, qui interdit « l'obstination déraisonnable » et oblige le médecin, le cas échéant, à dispenser au patient des soins palliatifs précisément définis par la loi, à l'article L. 1110-10 du code de la santé publique, comme des soins visant à apaiser la douleur et à sauvegarder la dignité. Correctement appliquée, cette loi suffirait amplement.

M. Gilbert Barbier.  - Très bien !

M. Daniel Chasseing.  - Non, madame Bouchoux, cette loi n'est pas un échec, ce sont les moyens qui font défaut !

Reste quelques lacunes, que ce texte vise à combler. Je pourrais y être favorable à condition que la sédation ne soit pas trop profonde - car il pourrait s'ensuivre des difficultés respiratoires (M. Gilbert Barbier approuve) et que l'alimentation et l'hydratation ne soient pas considérées comme un traitement.

M. Charles Revet.  - C'est très important !

M. Daniel Chasseing.  - Si le malade ne peut exprimer sa volonté, l'accord de la famille est requis, dans le cadre d'une procédure collégiale. L'accès aux soins palliatifs devra être garanti sur tout le territoire, ce qui supposera un renforcement des moyens. Les équipes de soins palliatifs devront être mieux intégrées aux équipes médicales.

Mme Michelle Meunier .  - La fin de vie est trop souvent abordée sous le prisme judiciaire et médiatique et des familles se détruisent, des personnes souffrent... Le droit doit accompagner l'évolution de la société. Depuis 2012 une vaste consultation a été menée, avec la commission Sicard ou le rapport du CCNE, qui en prenant le temps de la réflexion a permis de dépassionner le débat. Des points de convergence sont apparus - rendre les directives anticipées contraignantes - ainsi que des points de divergence - sur l'assistance au suicide par exemple.

Ce texte de consensus corrige les insuffisances de la loi Leonetti, l'accès inégal des patients aux soins palliatifs, l'absence de clarté.

Cette loi pose le droit à l'arrêt des traitements et à une sédation profonde et continue. Pourtant, les personnes atteintes d'une maladie grave et incurable ne sont pas visées. La proposition de loi déposée en avril 2012 par M. Godefroy allait plus loin en permettant aux personnes dont l'état de santé ne laisse plus d'espoir de guérison de choisir les modalités de leur fin de vie, pour garantir le droit à mourir dans la dignité.

Ce texte d'équilibre et de consensus était attendu. Il faudra aller plus loin. Si le chemin est encore long, ce texte est une avancée. (Applaudissements à gauche)

M. François Bonhomme .  - La mort c'est toujours celle des autres. Vladimir Jankélévitch soulignait avec malice en 1966 que l'homme triche avec la mort, car aucun homme n'a, par définition, fait l'expérience de sa propre mort. Face à cette question existentielle, l'humilité est de mise, ainsi que l'humanité.

La demande sociale est de plus en plus forte : chacun veut maîtriser sa mort. La mort de l'autre, comme la sienne propre, reste insupportable.

J'entendais ce matin Jean d'Ormesson se réjouir d'être publié dans la Pléiade, gage de postérité. Âgé de 90 ans, il disait aussi que s'il y a quelque chose de plus insupportable que la mort, c'est l'absence de mort.

La loi Leonetti est imparfaite, certes. Mais aucune loi ne sera jamais satisfaisante. François Hollande avait promis en 2012 l'assistance médicalisée à mourir, et a confié une mission à M. Sicard.

Le rapport Ferrand a montré que 30 % des Français mouraient à l'hôpital...

Mme Catherine Génisson.  - Non, 70 % !

M. François Bonhomme.  - ...et que la parole des patients était insuffisamment prise en compte.

Ce texte définit le cadre des directives anticipées. Il ne s'agit pas d'euthanasie ni de suicide assisté, pour éviter les dérives que l'on constate en Suisse ou ailleurs. Il n'instaure pas non plus un droit à la mort.

Restons sages et humbles. Méfions-nous de celui qui assène : il a probablement tort. Méfions-nous de l'ambition prométhéenne de maîtrise de la mort. Optons pour un humanisme législatif ; ne cherchons pas à tout réglementer, car il y aura toujours, si vous me pardonnez l'expression, un angle mort à notre action dans ce domaine. (Applaudissements à droite)

M. Dominique de Legge .  - La Loi Leonetti, protectrice des malades et des soignants, reconnaissait les directives anticipées et les soins palliatifs. Malheureusement, elle reste mal appliquée. Plutôt que légiférer à nouveau, ne faudrait-il pas d'abord l'appliquer et développer les structures de soins palliatifs ? Cette proposition de loi répond à une promesse du président de la République. S'agit-il de combler les lacunes de la loi ou de répondre à une promesse éternelle ?

M. Charles Revet.  - Et oui, comme d'habitude...

M. Dominique de Legge.  - Au risque d'instaurer un droit à mourir. Je salue le travail de la commission des affaires sociales.

La mention d'un « prolongement inutile de la vie » a été heureusement supprimée. Toutefois des ambiguïtés demeurent. La sédation continue jusqu'au décès est délicate. De même, quid pour l'alimentation et l'hydratation ? Nos amendements visent à encadrer la sédation pour qu'elle ne vise pas à donner la mort, et à préciser la partie des directives anticipées.

François Mitterrand soulignait que « jamais le rapport à la mort n'a été si pauvre qu'en ces temps où les hommes, pressés d'exister, paraissent éluder le mystère »...

Légiférer sur la mort revient à prendre le risque de la judiciariser, au détriment de l'objectif de sérénité. Le contentieux s'accorde mal avec la dignité. La mort n'est pas un objet de droit ; elle n'appartient qu'au patient.

Nul angélisme dans mes propos. Je refuse l'acharnement thérapeutique, mais aucune disposition du code de la santé publique ne règlera la question. C'est avec humilité que nous devons traiter cette question aux implications éthiques et philosophiques considérables. La société a un devoir de solidarité, une obligation de moyens à l'égard des plus vulnérables. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Pierre Godefroy .  - Depuis la loi Leonetti, la fin de vie est au coeur du débat. Dès le 8 avril 2008, une question orale avec débat pointait ses insuffisances.

En janvier 2011, la commission des affaires sociales a adopté une proposition de loi instaurant une aide active à mourir, finalement rejetée en séance publique. En 2012, cinq propositions de loi analogues ont été déposées. Le Conseil d'État saisi pour avis par le président Bel a estimé qu'elles ne se heurtaient à aucun obstacle constitutionnel ou conventionnel.

Balzac pose cette question : « Les souffrances les plus vives, ne viennent-elles pas du libre arbitre contrarié ? » Nous devons respecter les droits des patients en fin de vie. Bénéficier d'une assistance médicalisée à mourir n'est qu'une liberté qui soulagerait les angoisses des malades sans rien imposer à personne.

N'opposons pas les soins palliatifs - qui doivent être développés - et la décision de mourir. Lorsque les soins palliatifs sont insuffisants, chacun devrait être libre de décider, pour lui-même, de la façon d'abréger ses souffrances. Ainsi le philosophe Paul Ricoeur avait-il souhaité mourir en tenant la main d'un ami.

Ce texte reste ambigu : la différence entre l'assistance médicalisée active pour mourir et la sédation profonde est ténue. Mieux vaudrait aller jusqu'au bout.

L'assistance médicalisée à mourir serait un geste de compassion. Elle protégerait même les médecins en leur fixant un cadre juridique pour invoquer une clause de conscience, ou les proches confrontés à la demande des malades en souffrance.

J'avais proposé d'étendre l'allocation d'aide en fin de vie à l'hôpital. Le choix n'est pas entre la vie et la mort, mais sur les modalités de sa mort. La reconnaissance de la sédation profonde n'est d'ailleurs que la reconnaissance de pratiques qui ont déjà cours.

L'autorité des directives anticipées est soumise à plusieurs exceptions qui risquent de limiter leur portée. Ce texte ne va pas assez loin. Je salue le travail des rapporteurs. (Applaudissements à gauche)

Enfin un mot à l'attention de M. Labazée : qu'il me prévienne avant de prononcer mon oraison funèbre. (Sourires)

La séance est suspendue à 20 heures.

présidence de M. Hervé Marseille, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

M. Gilbert Barbier .  - Fallait-il légiférer à nouveau sur un sujet aussi sensible, exacerber à nouveau des antagonismes évidents ? Je n'en suis pas sûr, car les lois en vigueur avaient abouti à un équilibre plutôt consensuel, et pâtissaient seulement d'un défaut d'application et d'un manque de moyens. Les services de soins palliatifs ont fait leurs preuves, et il faut rendre hommage aux personnels qui les animent admirablement. Malheureusement, les inégalités territoriales sont grandes. Il n'est pas tolérable qu'un malade en fin de vie ne puisse trouver la sérénité pour ses derniers instants. Plutôt que légiférer, ne vaudrait-il pas mieux rechercher les moyens financiers et humains de couvrir le territoire d'unités spécialisées ? La loi ne saurait être le verbe incantatoire de l'impuissance publique.

Il en a été décidé autrement. À l'aune des rapports de l'Opecst, du rapport Sicard, de celui du CCNE et des consultations menées auprès des citoyens, un consensus existe sur la condamnation de l'acharnement thérapeutique, la nécessite de former les personnels et l'obligation de prendre en compte la volonté des malades. Mais appartient-il à la société de faire mourir ? Axel Kahn souligne qu'il est paradoxal que notre société qui se fonde sur le principe « tu ne tueras point », prévoie les conditions dans lesquelles ce principe peut être légalement battu en brèche. Comme il l'explique, les lois doivent être écrites en amont des histoires individuelles. Pourtant, nous légiférons au vu de notre expérience personnelle ou de cas abominablement médiatisés. L'auteur du livre La mort peut attendre a changé d'avis en l'écrivant à cause de la mort d'un de ses proches, et a conclu qu'il ne fallait pas légaliser la mort.

Outre l'absence de reconnaissance de la place de l'accompagnement affectif et le flou de la notion de « court terme », ce qui fait pencher le texte vers l'euthanasie, c'est l'expression « sédation profonde et continue ». L'adjectif « profond », ajouté par amendement à l'Assemblée nationale, nous place aux niveaux 5 à 6 de l'échelle de Ramsay, qui conduit à l'encombrement bronchique et à l'apnée fatale, sauf assistance respiratoire. Est-ce là l'intention poursuivie ? Sans ce malheureux amendement n°76, le consensus eût pu être large sur ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Dominique Gillot .  - Formuler des directives anticipées, dire comment on souhaite finir sa vie, rêver de mourir en dormant, qui n'a pas évoqué de telles questions alors que le cas de Vincent Lambert est sous les feux de l'actualité ? Pourquoi ne peut-il quitter la vie sereinement ? Parce qu'il n'a pas formulé clairement ses intentions. Que n'a-t-il rédigé les directives anticipées prévues par la loi de 2006... Mais qui l'a fait ?

En 2009-2010, une équipe de l'hôpital Cochin, interrogeant 186 personnes de plus de 75 ans, a relevé qu'une sur dix n'avait jamais eu connaissance de cette possibilité. En renforçant le rôle des directives anticipées, en les rendant contraignantes, cette proposition de loi permettra à chacun d'être maître de sa propre vie jusqu'au bout. Pour cela, il faudra une révolution culturelle, chez les familles comme chez les soignants.

Selon l'article 8, les directives anticipées, révisables et révocables à tout moment, s'imposeront aux médecins. Faisons de ce droit un droit vivant, connu, expliquons-le, popularisons-le. Raison de plus pour inscrire cette information, ainsi que le nom de la personne de confiance, sur la carte Vitale, et pour prévoir que les jeunes y soient sensibilisés lors de la journée de défense et de citoyenneté.

Le sujet est universel. Nous serons tous confrontés un jour à la fin de la vie, la nôtre ou celle d'un proche. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)

M. Bruno Retailleau .  - La Cour européenne des droits de l'homme vient de rendre sa décision sur le cas de Vincent Lambert, qui a ému tout le monde ; malheureusement des images ont été données en spectacle... Mais pour faire la loi, l'émotion est mauvaise conseillère. Si notre main doit trembler quand nous la changeons, notre raison ne le doit pas.

Autre raison d'être circonspect : alors que nous ne cessons de dénoncer la bougeotte législative, nous nous apprêtons à modifier une loi adoptée il y a quelques années à l'unanimité. Veut-on cocher une case du programme présidentiel ? Franchir un pas vers ce que certains appellent le droit à mourir dans la dignité ? Comme si la dignité n'était pas ontologique... Pour Paul Ricoeur, la dignité est due à l'être humain parce qu'il est humain.

Le droit à la sédation profonde et continue jusqu'au décès est l'élément central du texte. Pourquoi ce droit ? Quelle sera sa portée, son application, sa signification ?

Mme la ministre a annoncé un plan pour les soins palliatifs, mais nous avons déjà entendu tant d'incantations... Mieux vaudrait garantir le droit aux soins palliatifs : aujourd'hui, seuls 20 % des patients y ont accès, et cinq régions concentrent 70 % de l'offre. L'ouest est particulièrement mal doté. Nous avons échoué à inscrire dans la réalité un droit énoncé dès 1999, réaffirmé en 2002 puis en 2005.

Parce que nous sommes dans l'incapacité de garantir le droit aux soins palliatifs, nous allons instaurer un nouveau droit dans une sorte de fuite en avant législative... Sera-ce le droit de dormir avant de mourir ? D'endormir pour faire mourir ? Un moyen de soulager ou d'euthanasier sans le dire ? Cette sédation terminale sera beaucoup plus qu'un geste palliatif. Ce sera un geste définitif, un endormissement sans retour suivi d'une mort certaine.

Lisez le texte de Jean Clair, dont le père a entendu cette phrase sur un champ de bataille, face à un ennemi espagnol : « Donne à boire à ce pauvre blessé ». Geste universel d'humanité...

La loi de 2005 comprenait la notion importante de double effet. Or Alain Claeys parle aujourd'hui « d'une sédation forte dans le but d'aider à mourir ». Tout est dit.

Quant aux directives anticipées... Pouvons-nous penser, anticiper ces instants ultimes, extrêmes, au-delà desquels aucun instant ne compte plus ?

Le texte ouvre la voie à une dérive vers l'euthanasie. Face à la mort, cette « monstruosité solitaire », cet « événement inclassable » selon Jankélévitch, la loi ne peut pas tout. Elle ne doit surtout pas conduire à donner la mort. (Applaudissements au centre et à droite)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°54 rectifié, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre et Leleux, Mme Imbert, M. Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard, Raison, Portelli et Savary, Mme di Folco, MM. Huré et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mmes Deromedi et Troendlé, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest, Saugey et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet et Charon, Mmes Deroche et Duranton, MM. Husson, Houel, Fouché et Gournac, Mme Debré, M. Lemoyne, Mme Lamure et MM. Kern, Cardoux, Gremillet et Guerriau.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) À la première phrase, après les mots : « de recevoir », sont insérés les mots : « , sur l'ensemble du territoire, » ;

M. Dominique de Legge.  - Nous l'avons tous dit : la loi Leonetti a été mal appliquée, en raison de l'insuffisance des moyens qui empêche l'accès effectif aux soins palliatifs.

Cet amendement devrait donc nous réunir : les soins palliatifs ne sauraient être réservés à quelques territoires.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - Sur le fond, on ne peut qu'être d'accord. Mais la loi a une portée générale. Cet amendement n'y a pas sa place. Avis défavorable.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Même avis.

M. Bruno Retailleau.  - Nous avons tous reconnu la flagrante injustice territoriale. La Cour des comptes vient de souligner qu'un tiers seulement des patients décédés en court séjour hospitalier et qui auraient pu bénéficier de soins palliatifs en ont eu le bénéfice ; 11 % seulement des personnes décédées aux urgences. La France se situe au 23e rang sur 40. Ne pouvons-nous donner corps à ce droit ? Ne sommes-nous pas les représentants de la France territoriale ? Au Sénat, les territoires, surtout lorsqu'ils prennent le visage des souffrants, peuvent encore compter ! (Applaudissements à droite)

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - Une loi votée s'applique sur tout le territoire. Il ne suffit pas de dire qu'il faut des unités spécialisées sur tout le territoire, la question est celle des moyens et relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Jean-Pierre Leleux.  - Nous allons inscrire dans la loi la notion de sédation profonde et continue.

M. Gérard Dériot, co-rapporteur.  - Nous n'y sommes pas !

M. Jean-Pierre Leleux.  - Elle sera plus facile à mettre en oeuvre que les soins palliatifs. Je crains que la sédation devienne une alternative aux soins palliatifs, plutôt que de venir à leur suite. D'où l'importance de faire en sorte que des soins palliatifs soient offerts sur tout le territoire (Applaudissements à droite)

M. Dominique de Legge.  - Cet amendement ne serait pas du domaine de la loi ? Voilà dix ans que la loi de 2005 n'est pas appliquée !

J'ai déposé un amendement pour que le Gouvernement dépose un rapport lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale. La commission des affaires sociales, me dit-on, n'en veut pas !

Rejeter le présent amendement, c'est adresser un message calamiteux. Cet amendement gêne car il rappelle que le préalable de cette loi, c'est la généralisation des soins palliatifs. De plus, combien de fois n'avons-nous pas voté des mesures qui ne relèvent pas de la loi ?

Enfin, le Sénat représente les territoires. Refuser notre amendement avec de telles arguties, ce n'est pas digne. (Applaudissements à droite)

M. Gilbert Barbier.  - L'égalité territoriale n'existe pas en matière sanitaire. Les agences régionales de santé définissent des orientations différentes d'une région à l'autre.

Mme Corinne Bouchoux.  - Au risque de surprendre, je soutiens cet amendement, qui pour une élue de l'ouest relève de l'évidence, même s'il n'est que symbolique. Ce ne serait pas la première fois que nous inscririons dans la loi une mesure réglementaire ! Et ça ne coûte rien, contrairement au projet de loi de financement de la sécurité sociale... (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Annie David.  - Je soutiens moi aussi cet amendement. (Applaudissements sur les mêmes bancs) D'autres sujets nous opposerons, nous aurions pu trouver ici un consensus. Certes, cela relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais les déclarations d'intention ont leur importance. (Applaudissements sur les bancs CRC, écologistes, au centre et à droite)

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - Relisez l'intitulé de la proposition de loi, ce n'est pas son objet ! Contrairement à ce que j'ai entendu, la généralisation des soins palliatifs coûte cher (Exclamations) et relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Enfin, la sédation profonde et continue n'a pas vocation à devenir un substitut expéditif aux soins palliatifs.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - En autorisant la sédation profonde et continue, les auteurs de la proposition de loi n'ont pas l'intention de se dispenser d'installer partout des unités de soins palliatifs. Ce serait intolérable. Je vous renvoie à l'alinéa 3 de l'article 3 : la sédation profonde et continue n'est autorisée que pour des patients atteints « d'une affection grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui présente(nt) une souffrance réfractaire à tout autre traitement » - donc aux soins palliatifs. Elle n'est pas une alternative à ceux-ci.

Enfin, la commission des affaires sociales avait donné un avis favorable à votre amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale, monsieur de Legge.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Des médecins se retrancheraient derrière l'absence de soins palliatifs pour décider d'une sédation profonde et continue ? L'argument est léger, et c'est une bien mauvaise façon d'entamer le débat.

La loi a une portée générale. L'amendement est redondant, mais si son adoption peut apaiser les esprits, soit.

M. Pierre Médevielle.  - Il existe des solutions moins coûteuses que la mise en place d'unités de soins palliatifs, comme les soins palliatifs à domicile et la formation de médecins libéraux. Si l'ajout des mots « sur l'ensemble des territoires » rassure, pourquoi pas.

Mme Françoise Gatel.  - Ce débat difficile doit nous rassembler autour des principes républicains. Il est essentiel de garantir l'égalité des territoires, faute de quoi les ruraux seront une nouvelle fois pénalisés. (Applaudissements au centre)

Mme Caroline Cayeux.  - À mon tour de m'étonner de l'opposition à cet amendement, et des arguments financiers des rapporteurs. L'insuffisance de l'offre de soins est patente dans l'Oise. Prenons date pour que demain, nous ayons l'obligation de consacrer aux soins palliatifs les moyens financiers nécessaires. Si ce n'est pas au Sénat qu'on prône l'égalité territoriale... (Applaudissements au centre et à droite)

M. Benoît Huré.  - Un peu d'humilité et d'humanité... Les arguments de posture, de procédure législative sont hors de propos.

M. André Trillard.  - Lisez le livre du professeur Vigneron sur les inégalités territoriales en matière de santé ! Rien n'a changé depuis dix ans ! Nous ne pouvons ignorer ce problème.

M. Gérard Dériot, co-rapporteur.  - Nous nous devons de respecter une certaine rigueur dans l'écriture de la loi, sous peine de censure. Les lois financières sont là pour financer les politiques définies par d'autres lois. Cette proposition de loi souligne l'importance des soins palliatifs, et tout le monde doit évidemment être traité à la même enseigne. Mais avez-vous tous, dans vos départements, le nombre d'IRM que vous souhaitez ?

M. Jean-Jacques Hyest.  - Ce n'est pas la même chose.

M. Gérard Dériot, co-rapporteur.  - Si ! Quand nous voulons des IRM partout, nous attendons le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Faisons de même ici.

Faut-il ajouter que les soins palliatifs doivent être développés sur l'ensemble du territoire ? Cela ne sert à rien - ai-je tort, monsieur le président Hyest ?

Votons l'amendement si vous voulez, et avançons.

M. Gérard Roche.  - Nous sautons les étapes et trébuchons sur la dernière... D'abord la philosophie du texte puis la formation du personnel soignant, enfin les moyens qui relèvent du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Si l'on m'avait dit que le débat sur cet amendement serait aussi long... Tout le monde est d'accord sur le fond mais la loi s'applique à tous, sans qu'il faille le préciser. Qualifier d'arguties les objections du président de la commission était inutilement blessant.

S'il suffisait d'inscrire quelque chose dans la loi pour que cela devienne réalité... Un des axes du plan triennal que j'ai annoncé est précisément la réduction des inégalités entre territoires et au sein des territoires. Le problème est celui des moyens, du renforcement des soins palliatifs là où les gens sont malades, dans les maisons de retraite ou à domicile.

Au-delà du débat juridique, je trouve plus inquiétant d'entendre opposer soins palliatifs et accompagnement de la fin de vie. Cette proposition de loi ne vise pas à empêcher le développement des soins palliatifs. Au contraire !

Je maintiens mon avis défavorable pour des raisons juridiques.

L'amendement n°54 rectifié est adopté.

L'amendement n°103 n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°113.

M. le président.  - Amendement n°55 rectifié, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre et Leleux, Mme Imbert, M. Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard, Raison, Portelli et Savary, Mme di Folco, MM. Huré et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mmes Deromedi et Troendlé, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest, Saugey et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet, Charon, Husson, Houel et Gournac, Mmes Debré et Lamure et MM. Kern, Cardoux, Gremillet et Guerriau.

Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les professionnels de santé mettent en oeuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à toute personne une fin de vie entourée et apaisée. »

M. Dominique de Legge.  - Il faut aborder ce sujet, ô combien sensible, avec humilité. Nous avons une obligation de moyens pour offrir une fin de vie apaisée. Il faut s'en contenter. J'aurais aimé une obligation de résultat, mais qui appréciera si le droit à une fin de vie apaisée n'est pas respecté ? Et quelles seront les sanctions ? Le présent amendement a pour objet de réaffirmer un droit d'accès à des soins et le principe d'une obligation de moyens.

La loi doit être respectée. C'est aussi le sens de l'amendement n°56 rectifié.

L'amendement n°104 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°56 rectifié, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre et Leleux, Mme Imbert, M. Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard, Raison, Portelli et Savary, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet, Charon, Husson, Houel et Gournac, Mmes Debré et Lamure et MM. Kern, Cardoux, Gremillet et Guerriau.

Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les professionnels de santé mettent en oeuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à toute personne une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance.

M. Dominique de Legge.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Gilles et Vasselle, Mme Imbert, MM. D. Laurent, Grand, Dufaut, de Legge, Lefèvre et Saugey, Mmes Cayeux et Deroche, M. Husson, Mme Mélot et MM. Houel et Lemoyne.

Alinéa 8, première phrase

Remplacer le mot :

digne

par le mot :

sereine

M. Bruno Gilles.  - Le qualificatif « digne » paraît inapproprié concernant la mort. Serait-elle « digne » pour les uns et « indigne » pour les autres ? La mort d'un être souffrant serait-elle moins « digne » que celle d'un autre, dont les souffrances, les tourments, sont apaisés dans sa phase ultime ? Je préfère « une fin de vie sereine ».

L'amendement n°99 rectifié n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°105.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - Avis défavorable. Contrairement à la dignité, notion ontologique, la sérénité est une appréciation très personnelle, difficile à établir objectivement.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Faire mention de la sérénité ne réduit pas le risque de judiciarisation. La dignité est un terme plus adapté.

M. René-Paul Savary.  - Les médecins prêtent le serment d'Hippocrate : « Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément ». 

Les inégalités sont fortes sur les territoires. Les personnes âgées en Ehpad finissent souvent leur vie dans les hôpitaux, faute de soins palliatifs, faute de formation du personnel. Il importe de préciser les droits et les devoirs des médecins.

M. Daniel Chasseing.  - Je voterai l'amendement n°55 rectifié. Un médecin aura plus de difficultés à appliquer la loi dans sa rédaction actuelle. Il lui faudra consulter un professionnel pour mettre en oeuvre la sédation profonde, technique complexe. Les médecins auront du mal à appliquer ce droit.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - Le texte prévoit une obligation de moyens, non de résultats. La sédation profonde et continue est l'ultime solution.

La commission demande le vote par priorité de l'amendement n°56 rectifié.

La priorité, acceptée par le Gouvernement, est de droit.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - Nous avons insisté sur l'installation d'unités de soins palliatifs partout et pas seulement à l'hôpital. Nous mettons ainsi l'accent sur la formation. Il est aussi indispensable de renforcer les unités mobiles.

L'amendement n°56 rectifié est adopté.

L'amendement n°55 rectifié devient sans objet, ainsi que l'amendement n°1 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par MM. Gilles, Vasselle, Cardoux, Karoutchi, D. Laurent, Grand, Dufaut, de Legge, Lefèvre et Saugey, Mmes Cayeux et Debré, MM. Leleux, Chasseing et Mayet, Mmes Gruny, Deroche et Mélot et MM. Houel, Lemoyne et Revet.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ces moyens consistent en particulier en des unités de soins palliatifs équitablement réparties sur le territoire national. Ces soins nécessitent le développement du nombre de lits dans les services hospitaliers et des unités mobiles destinées à oeuvrer dans le cas d'hospitalisation à domicile ou dans les établissements visés aux 6° et 7° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles. »

M. Bruno Gilles.  - Comme l'ont souligné les rapporteurs en commission, la grande misère des soins palliatifs est l'une des failles majeures de notre système de santé. Il faut créer 20 000 lits nouveaux et doubler les équipes mobiles.

En effet, c'est au domicile que les soins palliatifs se sont le moins développés. En 2008, 58 % des décès se sont produits à l'hôpital, 27 % à domicile et 11 % en maison de retraite. Pourtant, les sondages montrent que les Français souhaiteraient très majoritairement finir leur vie à leur domicile.

Cet amendement vise à favoriser les équipes de soins palliatifs à domicile.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - Avis défavorable, pour les raisons dites tout à l'heure.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°2 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par MM. Gorce, Godefroy et Labazée, Mme Emery-Dumas, MM. Madec et Poher, Mme Riocreux, M. Berson, Mmes Bonnefoy et Campion, MM. Cabanel, Vergoz, Delebarre et Desplan, Mmes Monier et D. Gillot, M. Frécon, Mme Durrieu et MM. Filleul et Courteau.

Après l'alinéa 8

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

...° Sont ajoutés cinq alinéas ainsi rédigés :

« Si le médecin constate qu'il ne peut soulager la souffrance d'une personne en phase avancée et non terminale d'une affection grave et incurable, qui exprime le souhait d'une mort médicalement assistée, il peut saisir une commission ad hoc afin d'obtenir un avis éthique médical et juridique sur la situation à laquelle il est confronté.

« Cette commission ad hoc est constituée à l'échelon régional. Elle est composée de médecins, de psychologues, de juristes praticiens et de représentants de la société civile. Les modalités de désignation des membres de la commission ad hoc sont définies par décret en Conseil d'État.

« L'avis rendu par la commission ad hoc doit permettre de caractériser la maladie dont souffre le patient, le caractère libre et réitéré de sa demande, l'absence de l'issue juridique à cette demande. Le rapport de la commission est inscrit dans le dossier médical à toutes fins utiles. 

« Si la commission ad hoc considère qu'il n'existe en l'état du droit aucune solution satisfaisante pour répondre à la demande du malade fondée sur le caractère incurable de la maladie et la perspective prochaine de souffrances psychologiques ou physiques insupportables reconnus par la commission, le médecin qui l'a saisie peut apporter son assistance à mourir au malade.

« Dans ce cas, il en informe sans délai la commission dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. »

M. Gaëtan Gorce.  - La loi de 1999, puis celle de 2002, ont posé le principe du droit des malades. La loi de 2005 a autorisé le médecin à tout faire pour soulager le malade qui agonise. La question n'est pas celle, idéologique ou philosophique, du droit de chacun à disposer de sa vie. Elle est de savoir si l'on peut accepter qu'une personne en fin de vie, qui souffre, puisse être laissée sans solution.

La loi Leonetti a réglé un grand nombre de cas, mais pas celui des personnes qui souffrent atrocement sans qu'aucun traitement ne soit disponible. Le professeur Sicard avait proposé, lorsqu'il présidait le CCNE, une exception d'euthanasie. Cet amendement s'en inspire : une commission régionale devrait être consultée pour s'assurer de la volonté du malade, de l'absence d'issue médicale et de solution juridique.

Il aurait répondu au cas de Chantal Sébire qui était atteinte d'une maladie incurable, qui connaissait les souffrances qui l'attendaient, et qui n'a trouvé d'autre issue que le suicide. Imaginez-vous sa souffrance, sa solitude, cette nuit-là ? Cet amendement crée une procédure exceptionnelle pour des cas exceptionnels, mais concrets.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - Avis défavorable. La sédation profonde et continue est la solution que nous privilégions, et se distingue de l'euthanasie par l'intention, puisqu'elle ne vise pas à provoquer la mort mais à alléger les souffrances en fin de vie, et par la temporalité puisqu'elle est très différente d'un geste immédiatement létal.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Monsieur Gorce, vous défendez cette position avec constance. Mais cet amendement ne s'inscrit pas dans le cadre des choix retenus par le Gouvernement à propos de cette proposition de loi. Vous allez plus loin, vers l'exception d'euthanasie. La voie médiane que vous proposez semble satisfaite, en pratique, par la sédation continue et terminale.

M. Gilbert Barbier.  - Le cas de Chantal Sébire n'était pas celui de la fin de vie qui constitue l'objet de ce texte.

M. Gaëtan Gorce.  - L'essentiel est-il de rentrer dans le cadre de la loi, ou de répondre aux attentes des patients ? Chantal Sébire était victime d'un cancer des sinus. À court terme, son pronostic vital n'était pas engagé, mais elle savait que l'évolution de sa maladie était irréversible. Elle s'est tournée, en vain, vers son médecin, puis vers le président de la République de l'époque qui n'avaient pas de solution légale. Seul restait le suicide, dans l'isolement. Est-ce une fin de vie digne ? Le cas est loin d'être isolé. Raisonnons à partir de cas concrets et non de positions idéologiques ou philosophiques respectables, mais qui demeurent dans le domaine de l'abstraction.

Le rapport Sicard a montré que, dans les faits, bien des équipes hospitalières pratiquent déjà des injections létales pour soulager les patients.

Mon amendement apporte une solution pour offrir une fin de vie digne à tous dans ce cas. Il faut respecter les choix de chacun. La loi Leonetti a constitué une étape, la sédation profonde et continue en est une autre. Allons plus loin.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Nous voterons cet amendement. L'affaire Chantal Sébire a fait la une, mais elle n'est pas isolée.

Ne laissons pas les personnes qui savent qu'elles vont endurer des souffrances terribles sans solution.

L'amendement n°29 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°96 rectifié, présenté par Mme Garriaud-Maylam et MM. Grand et Guerriau.

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par les mots :

et en médecine de la douleur

M. Jean-Pierre Grand.  - Si tout médecin doit pouvoir prendre en charge la douleur aiguë, la prise en charge des douleurs chroniques nécessite des compétences spécifiques.

Dans cette perspective, il serait utile de créer un DESC (diplôme d'études spécialisées complémentaires) « médecine de la douleur » qui offrirait une formation spécifique de qualité.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - La formation s'effectue à l'université, dans le cadre de diplômes d'université spécialisés. L'article premier réaffirme la nécessité d'une formation des médecins et des professionnels de santé.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Retrait ? L'article premier nous donne satisfaction et le plan triennal comportera un volet sur les formations de l'ensemble des professionnels de santé concernés.

L'amendement n°96 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°57 rectifié, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre et Leleux, Mme Imbert, M. Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet, Gilles et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard, Raison et Portelli, Mme di Folco, MM. Huré, Kennel et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mmes Deromedi et Troendlé, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest, Saugey et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet, Charon, Husson, Houel et Gournac, Mme Debré, M. Lemoyne, Mme Lamure et MM. Kern, Cardoux, Gremillet et Guerriau.

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Dans le cadre de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement présente au Parlement un bilan de cette formation et un état des unités de soins palliatifs.

M. Dominique de Legge.  - Cet amendement prévoit qu'à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale le Gouvernement présente un bilan du développement des unités de soins palliatifs.

M. le président.  - Amendement n°58 rectifié, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre, Leleux et Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard, Raison et Portelli, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet et Charon, Mme Deroche, MM. Husson, Houel et Gournac, Mme Debré, M. Lemoyne, Mme Lamure et MM. Kern, Cardoux, Gremillet et Guerriau.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Tout établissement d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes est tenu de mettre en place un plan de formation spécifique de son personnel à l'accompagnement de la fin de vie.

M. Dominique de Legge.  - Cet amendement se justifie par son objet. La formation prévue s'inscrit dans le plan de formation commun.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - Favorable à l'amendement n°57 rectifié. Heureux de voir que vous considérez le projet de loi de financement de la sécurité sociale comme le bon véhicule. Défavorable à l'amendement n°58 rectifié : l'enjeu de la formation a été rappelé dans le titre.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Leleux.  - Je tiens à dissiper un malentendu : je ne voulais pas dire que l'intention des auteurs de ce texte était de faire de la sédation une alternative aux soins palliatifs. Mais c'en sera la conséquence, si nous ne menons pas une politique volontariste de développement des soins palliatifs. Il faut développer une culture des soins palliatifs auprès des professionnels de santé.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - Merci de cette précision. Vous avez voté un amendement prévoyant l'ouverture de 20 000 lits de soins palliatifs supplémentaires. Je vous mets au défi d'atteindre cet objectif dans les trois, quatre ou cinq ans qui viennent !

L'amendement n°57 rectifié est adopté.

M. Dominique de Legge.  - Le texte de la commission ne prévoit pas la formation de toutes les catégories de personnel des établissements de santé, mais seulement des soignants ; ne créons pas de dichotomie qui n'a pas lieu d'être, en l'occurrence.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - La formation en soins palliatifs est sanctionnée par un diplôme universitaire et un diplôme interuniversitaire. Que le personnel administratif et technique soit sensibilisé à ces questions, soit, mais ces professionnels n'ont pas vocation, contrairement aux équipes médicales, à se prononcer sur les soins donnés aux malades, à prendre des décisions à cet égard, qui relèvent du seul personnel soignant.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Je voterai cet amendement. Trop souvent le personnel des Ehpad est démuni face à la fin de vie. Plus on formera toutes les catégories de personnel, mieux ce sera.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - Faudra-t-il former les cuisiniers ou les femmes de ménage aux soins palliatifs ? Seul le personnel médical est fondé à soigner les patients.

M. Bruno Retailleau.  - La ministre a raison. L'offre de soins palliatifs est très différente au sein d'un même territoire entre les hôpitaux et les maisons de retraite. Mais la proposition des patients des Ehpad qui décèdent en Ehpad ou à l'hôpital varie elle aussi très fortement, de 6 % à 66 %, en fonction des cultures d'établissement et justement, de la formation du personnel, en priorité bien sûr les médecins coordinateurs et les infirmiers. J'en ai fait l'expérience dans mon département, où j'ai fait étudier les facteurs qui expliquent ces écarts. Tout n'est pas simplement une question de moyens. Plus on diffuse la culture des soins palliatifs, mieux c'est.

Mme Corinne Bouchoux.  - Nous voterons cet amendement, au nom de l'expertise d'usage. Chacun doit être formé, y compris les cuisiniers. Cette culture des soins palliatifs doit être partagée.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - On peut toujours former les médecins et infirmiers coordonnateurs des Ehpad, encore faut-il qu'ils soient présents au moment opportun. Dans les faits, le patient qui a un problème, dans la nuit ou en fin de semaine, est conduit aux urgences, et cela s'explique aussi par des raisons juridiques. Ce n'est pas dû à un déficit de formation. C'est une question de présence.

M. Gilbert Barbier.  - La proposition de loi vise les soins palliatifs. L'amendement, l'accompagnement à la fin de vie. Ce n'est pourtant pas la même chose. Je ne voterai pas cet amendement qui ouvrirait la voie à ce que des non-soignants pratiquent des soins palliatifs.

Mme Annie David.  - Ces deux formations sont complémentaires. Plus le personnel, de toutes catégories, sera formé, plus la culture des soins palliatifs se diffusera.

M. Gérard Roche.  - Les Ehpad ont vocation à accueillir des personnes en fin de vie. Ils deviendront, de plus en plus, des hôpitaux de fin de vie.

Il serait utile de former tout le personnel aux soins palliatifs. Mais comment financer cette formation ? Le reste à charge est déjà très élevé, trop élevé, pour des retraités aux revenus modestes, comme dans mon département de la Haute-Loire, où des personnes qui touchent une pension de 880 euros par mois, doivent acquitter des frais mensuels de 1800 euros. Comment faire ? Nous verrons bien lors du PLFSS, mais, en l'état, les Ehpad n'en ont pas les moyens. Ne votons pas une loi inapplicable.

M. Alain Houpert.  - L'essentiel est de pallier le manque de parole. Les personnes en fin de vie doivent parler à leurs proches ; elles ont besoin que l'on entende leur douleur, leur souffrance. Je suis heureux d'entendre parler de culture palliative.

M. Daniel Chasseing.  - Les résidents en Ehpad souffrent de pathologies très diverses. Parfois le transfert à l'hôpital s'impose. Ce texte doit viser les patients incurables qui souhaitent rester à domicile. Pour appliquer la loi, il faudra développer les unités mobiles de soins palliatifs qui viendront pratiquer la sédation profonde et continue.

M. Alain Néri.  - Je rends hommage à la loi de Paulette Guinchard-Kunstler, qui a favorisé le maintien à domicile. Grâce à l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA), on a gagné dix ans : les gens entrent à l'Ehpad à 85 ans en moyenne, contre 75 ans il y dix ans.

De plus en plus, on entre dans les Ehpad en fin de vie. Le personnel doit y être préparé. Ne confondons pas les soins palliatifs et l'accompagnement en fin de vie, pour lequel toutes les catégories de personnel jouent un rôle. Tous contribuent à l'accompagnement humain des patients.

Les conseils généraux ont une enveloppe pour la formation. Utilisons-la pour former tout le personnel.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - La formation aux soins palliatifs ne saurait être dispensée qu'à des personnes ayant déjà une certaine expertise en la matière. Les autres peuvent seulement y être sensibilisées.

J'ajoute que ces amendements sont passés à travers les griffes de la commission des finances... Si nous les votons, j'ignore comment nous bouclerons le budget lors du PLFSS.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - La formation doit être distinguée de la sensibilisation. Et je ne suis pas sûr que le contact humain s'apprenne dans quelque formation que ce soit.

L'amendement n°58 rectifié est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié bis, présenté par Mme Duranton, M. Laufoaulu, Mme Deromedi, M. Kennel, Mmes Mélot et Deroche et MM. Chasseing, Husson, G. Bailly, Houel et Lemoyne.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tout établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes conclut une convention avec une unité mobile de soins palliatifs afin d'organiser les modalités de son intervention dans l'établissement. 

Mme Nicole Duranton.  - Cet amendement vise à renforcer l'intervention des équipes mobiles de soins palliatifs dans les Ehpad.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - L'amendement est satisfait. Avis défavorable.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - En effet, une convention doit être conclue qui précise les besoins en référents et le nombre de lits à identifier. Retrait ?

L'amendement n°26 rectifié bis est retiré.

L'amendement n°107 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°28 rectifié, présenté par Mme Duranton, M. Laufoaulu, Mmes Deromedi et Morhet-Richaud et MM. Husson, G. Bailly, Houel et Lemoyne.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport détaillant les modalités de la mise en place d'une filière universitaire de médecine palliative.

Mme Nicole Duranton.  - La Cour des comptes a souligné l'insuffisance de l'offre de soins palliatifs, et l'opportunité de créer une filière universitaire dédiée.

L'amendement n°110 n'est pas défendu.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - L'amendement est satisfait par le droit en vigueur. Retrait ?

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°28 rectifié est retiré.

Les amendements nos108, 109, 93 et 106 ne sont pas défendus.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°90 rectifié, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste et républicain.

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article L. 1110-5, il est inséré un article L. 1110-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-5-1. - Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent être ni mis en oeuvre, ni poursuivis au titre du refus d'une obstination déraisonnable lorsqu'ils apparaissent inutiles ou disproportionnés. Dans ce cadre, lorsque les traitements n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, alors et sous réserve de la prise en compte de la volonté du patient, conformément à l'article L. 1111-12 et selon la procédure collégiale définie par l'article 37 du code de déontologie médicale, ils sont suspendus ou ne sont pas entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l'article L. 1110-10.

« La nutrition et l'hydratation artificielles constituent un traitement. »

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Cet amendement rétablit la rédaction de l'Assemblée nationale en ajoutant la référence à l'article 37 du code de déontologie médicale concernant la procédure collégiale. En étendant le nombre de personnes à consulter, le texte de la commission poserait plus de problèmes qu'il n'en résoudrait.

L'amendement n°111 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par MM. Gilles, Vasselle, Grand et Lefèvre, Mme Cayeux, M. Chasseing, Mmes Gruny, Deroche et Mélot et MM. Houel, Lemoyne et Revet.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer le mot :

actes

par les mots :

soins curatifs 

M. Bruno Gilles.  - « Soins curatifs » serait trop restrictif, dit-on. Mais le mot « actes » pourrait inclure la nutrition et l'hydratation. Cette rédaction pourrait avoir des conséquences graves. Des patients qui ne sont pas en fin de vie pourraient cesser d'être nourris ou hydratés, et donc décéder. Or il y a des personnes très lourdement handicapées, dont la vie est jugée comme une obstination à vouloir vivre.

L'amendement n°112 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°72 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collombat et Esnol, Mme Malherbe et M. Requier.

Alinéa 2, deuxième phrase

Remplacer le mot :

inutiles

par le mot :

inefficaces

M. Gilbert Barbier   - L'inutilité d'un traitement pourrait être considérée comme une erreur de prescription. Mieux vaut parler d'un traitement inefficace : il peut être efficace dans certains cas et pas dans tel autre.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.

Alinéa 2, deuxième phrase

Après le mot :

et

insérer les mots : 

 , si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté,

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Il convient de respecter la volonté d'un patient de suspendre ou de ne pas entreprendre un traitement. Cet amendement limite donc le recours à la procédure collégiale aux seuls cas où le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté.

M. le président.  - Amendement n°48 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Barbier et Commeinhes, Mme Lamure, MM. Vogel, César, de Legge et Chaize et Mme Imbert.

Alinéa 2, troisième phrase

Supprimer les mots :

ou, à défaut

M. Daniel Chasseing.  - La procédure collégiale doit réunir l'équipe de soins, la personne de confiance mais également les membres de la famille et les proches qui le souhaitent.

M. le président.  - Amendement n°69 rectifié, présenté par MM. de Legge, Morisset, Mandelli, de Nicolaÿ, D. Laurent, B. Fournier, Pierre, Leleux, Chaize et de Raincourt, Mme Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, M. Trillard, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré, Kennel et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest et Mouiller, Mmes Mélot et Gruny, M. Mayet, Mme Canayer, M. Charon, Mme Deroche et MM. Cardoux et Guerriau.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« La nutrition, l'hydratation artificielles et l'assistance respiratoire ne constituent pas un traitement. »

M. Dominique de Legge.  - Selon l'Assemblée nationale, faisant écho au Conseil d'État, la nutrition et l'hydratation artificielles, ainsi que l'assistance respiratoire, peuvent être assimilées à de l'acharnement thérapeutique. La commission des affaires sociales lui a emboîté le pas. Doit-on pour autant prendre le risque de voir un patient mourir déshydraté ou étouffé ?

M. le président.  - Amendement n°101 rectifié, présenté par MM. de Legge, Retailleau, Morisset, Reichardt, Mandelli, de Nicolaÿ, D. Laurent, B. Fournier, Pierre, Leleux et Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, M. Trillard, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré, Kennel et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart et Mouiller, Mme Mélot, MM. Mayet et Charon, Mme Deroche, MM. Houel et Gournac, Mme Debré, M. Lemoyne, Mme Lamure et MM. Cardoux, Gremillet et Guerriau.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« La nutrition et l'hydratation artificielles ne constituent pas un traitement. »

M. Dominique de Legge.  - Amendement de repli.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - La commission a préféré relever au niveau de la loi les dispositions du code de déontologie médicale. C'est l'hydratation qui pose un problème en fin de vie, en raison du maintien d'une voie veineuse. Avis défavorable à l'amendement n°90 rectifié.

Il n'y a pas que les soins curatifs, monsieur Gilles, mais aussi des actes de prévention ou d'investigation qui peuvent constituer une obstination déraisonnable. Avis défavorable à l'amendement n°3 rectifié bis. La commission a émis un avis favorable à l'amendement n°72 rectifié. Personnellement, j'aurais préféré insister sur l'inutilité de certains actes.

La famille ne doit certes pas être écartée, mais la personne de confiance a la primauté. Avis défavorable à l'amendement n°48 rectifié. Une nutrition et une hydratation artificielles se font par voie veineuse ou grâce à une sonde. Il s'agit bien de traitements. Avis défavorable.

Avis favorable à l'amendement n°12 qui clarifie les choses.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Avis favorable à l'amendement n°90 rectifié, qui correspond mieux à l'objectif poursuivi. La procédure collégiale n'est pas toujours utile. Avis défavorable à l'amendement n°3 rectifié bis, qui restreint le nombre d'actes pouvant constituer une obstination déraisonnable.

Avis défavorable à l'amendement n°72 rectifié. L'obstination déraisonnable correspond à des traitements disproportionnés, inutiles ou ayant pour seule fin le maintien artificiel de la vie. Ne revenons pas sur cette définition fixée par l'État.

Sagesse sur l'amendement n°12, qui est dans le même esprit que l'amendement n°90 rectifié et réaffirme la primauté de la volonté du patient.

Avis défavorable à l'amendement n°48 rectifié : dès lors qu'une personne de confiance a été désignée par le patient, il n'y a pas lieu de contester cette décision.

L'arrêt du Conseil d'État, validé par la Cour européenne des droits de l'homme, affirme bien que la nutrition et l'hydratation artificielles constituent des traitements. Avis défavorable aux amendements nos69 rectifié et 101 rectifié.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - La rédaction de la commission n'a pas du tout le même sens que le code de déontologie, selon lequel la procédure collégiale peut être engagée à l'initiative du médecin ou à la demande de la personne de confiance, et associe à la fois la personne de confiance et la famille. Il serait plus sage d'en rester là.

M. Leonetti, qui est une référence, a dit à l'Assemblée nationale qu'un consensus a été trouvé en 2005 pour reconnaître que la nutrition et l'hydratation artificielles constituent des traitements. La loi de 2005 exige d'ailleurs l'accord du patient.

M. Charles Revet.  - Certains craignent une porte ouverte vers l'euthanasie. Priver une personne d'alimentation, d'hydratation, de la possibilité de respirer, et l'amener en état de sédation profonde, qu'est-ce d'autre que l'amener à mourir ?

M. le président.  - Il est minuit ; il nous reste à examiner 109 amendements sur ce texte. Je vous propose de prolonger la séance jusqu'à 1 heure. (Assentiment)

M. Gilbert Barbier.  - Ni Chantal Sébire, ni Vincent Lambert n'étaient en fin de vie. Restons-en à l'objet de ce texte.

L'alimentation par perfusion peut être considérée comme un soin, qui peut être distingué de l'hydratation ou de la respiration artificielle.

Mme Annie David.  - J'approuve l'amendement de M. Godefroy, mais non la disposition selon laquelle l'hydratation artificielle constitue un traitement. Ne soyons pas hypocrites. Va-t-on laisser des gens mourir de soif ? Ce serait barbare. Acceptons une sédation de nature à ce que le patient décède rapidement dans des conditions acceptables. L'hydratation qui ne se fait pas par la même voie que la nutrition, doit pouvoir continuer jusqu'à la fin.

Mme Catherine Génisson.  - Je suis entièrement d'accord avec Mme David. L'hydratation ne requiert aucun geste médical sophistiqué. On ne sait pas quel est l'état de conscience d'un patient même en sédation profonde. Il est certain, en revanche, que la déshydratation est insupportable. Laisser des gens sans hydratation serait barbare.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - La rédaction de l'Assemblée nationale semblait imposer l'arrêt des traitements inefficaces, même contre l'avis du patient. D'où le changement opéré en commission. Selon nous, un patient doit pouvoir demander la cessation de la nutrition, de l'hydratation ou de la respiration artificielle, et par voie de conséquence la mise en sédation profonde.

Dans certains cas, il est vrai, l'hydratation peut être considérée comme une mesure de confort.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - La loi Leonetti parle de l'arrêt de tout traitement. C'est le Conseil d'État qui considère l'alimentation et l'hydratation artificielles comme des traitements. Les amendements nos69 rectifié et 101 rectifié mettraient à bas la loi Leonetti.

M. Bruno Retailleau.  - J'entends : certains de ces actes constituent de véritables traitements. Je souhaite donc que l'amendement n°69 rectifié soit retiré et que l'amendement n°101 soit rectifié à nouveau pour ne maintenir que l'hydratation.

En 2005, nous avions évoqué ces questions. Ce n'était pas la volonté du législateur que d'inclure la nutrition et l'hydratation parmi les traitements. Le droit prétorien est une belle chose mais il nous revient à nous de voter la loi : il n'appartient pas au Conseil d'État de nous donner des injonctions !

Si l'on ne précise pas que l'hydratation est un soin, qui satisfait des besoins fondamentaux, et non un traitement, à visée thérapeutique, ce texte prendra une bien mauvaise tournure, clairement favorable à l'euthanasie.

M. Jean-Pierre Leleux.  - Selon moi, la nutrition et l'hydratation répondent à des besoins naturels, qu'il serait coupable de ne pas satisfaire. Vincent Lambert mourra avant cinq ou six jours si on arrête de le nourrir et de l'hydrater. Si ce n'est pas l'achever, qu'est-ce ?

M. Georges Labazée.  - Nous rectifions à nouveau l'amendement n°90 rectifié pour distinguer la nutrition de l'hydratation.

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°90 rectifié bis.

Amendement n°90 rectifié bis, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste et républicain.

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article L. 1110-5, il est inséré un article L. 1110-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-5-1. - Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent être ni mis en oeuvre, ni poursuivis au titre du refus d'une obstination déraisonnable lorsqu'ils apparaissent inutiles ou disproportionnés. Dans ce cadre, lorsque les traitements n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, alors et sous réserve de la prise en compte de la volonté du patient, conformément à l'article L. 1111-12 et selon la procédure collégiale définie par l'article 37 du code de déontologie médicale, ils sont suspendus ou ne sont pas entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l'article L. 1110-10.

« La nutrition  artificielle constitue un traitement. »

M. Daniel Chasseing.  - Je retire l'amendement n°48 rectifié même s'il serait normal d'associer les familles.

Relisez la définition légale des soins palliatifs, qui visent à sauvegarder la dignité du patient. Arrêter de l'hydrater, est-ce conforme à sa dignité ? L'hydratation ne prolonge pas la vie ; en revanche, son défaut provoque des souffrances insupportables.

L'amendement n°48 rectifié est retiré.

M. Gérard Roche.  - Il faut en effet dissocier l'hydratation de la nutrition et de la respiration artificielle. Ce n'est pas le Conseil d'État qui m'intéresse, c'est la personne qui va mourir. Le maintien de l'hydratation n'allonge guère la vie que d'une ou deux heures. On ne sait pas si une personne dans le coma éprouve la soif ! Des recherches semblent même indiquer que oui.

N'ouvrons pas la porte à l'euthanasie.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - Je propose la rédaction suivante : « l'hydratation constitue un soin qui peut être maintenu jusqu'en fin de vie ». Pourquoi « peut » ? Pour autoriser l'équipe médicale à la cesser au moment du râle organique.

Enfin je répète que Vincent Lambert n'étant pas en fin de vie ce texte ne le concerne pas.

M. le président.  - Je suspends la séance quelques instants pour mettre au point la rédaction de l'amendement.

La séance, suspendue à minuit vingt, reprend à minuit vingt-cinq.

Mme Françoise Gatel.  - Je ne suis pas médecin, mais j'observe qu'il y a un débat entre médecins pour savoir si l'absence d'hydratation provoque ou non des souffrances. Il est important de la considérer comme un soin, à distinguer de la nutrition.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Je donne un avis défavorable à l'amendement n°90 rectifié bis car, de l'avis de tous les médecins consultés, il n'y a aucune raison de distinguer entre l'hydratation artificielle et d'autres supports. Il serait inhumain d'arrêter l'hydratation sans mesures de soutien ? Ni plus ni moins que d'arrêter la nutrition, la respiration artificielle ou la dialyse. L'hydratation suscite peut-être une réaction émotionnelle plus forte mais constitue un traitement au même titre. Avis défavorable à tous les amendements qui introduisent cette nuance.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Avec notre amendement n°90 rectifié ter nous recherchions le consensus. Ce ne sera manifestement pas le cas... Essayons de trouver des voies d'accord. Pourquoi la commission des affaires sociales souhaite-t-elle réécrire le code de déontologie ? Ce n'est pas le moment.

L'amendement n°90 rectifié ter n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°3 rectifié bis.

L'amendement n°72 rectifié est adopté,

L'amendement n°12 est adopté.

L'amendement n°69 rectifié est retiré.

M. Dominique de Legge.  - Nous rectifions notre amendement pour écrire « l'hydratation artificielle constitue un soin qui peut être maintenu jusqu'en fin de vie ».

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°101 rectifié bis.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - Favorable.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Avis défavorable.

M. Daniel Raoul.  - Votre amendement n'est pas si neutre... Il réécrit le code de déontologie médicale. J'aimerais avoir l'avis des médecins : quelles sont les conséquences de l'arrêt de l'hydratation ?

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - Nous ne modifions pas le code de déontologie, nous précisons seulement la notion de collégialité. Ensuite, l'amendement ne prévoit aucune automaticité de l'arrêt des traitements.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Ce n'est pas aussi simple. Vous aviez d'ailleurs, dans un premier temps, intégré hydratation et nutrition. La commission a changé d'avis. Je m'abstiendrai sur l'amendement n°101 rectifié bis.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - Nous n'avons fait que préciser la notion de collégialité. Le code ne fait pas mention de l'hydratation ou de la nutrition.

L'amendement n°101 rectifié bis est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par MM. Godefroy, Labazée et Courteau, Mme Riocreux, MM. Chiron et Frécon, Mme Lepage, MM. Raoul et Lorgeoux, Mmes Tasca et Campion, M. Filleul, Mme Bataille, MM. Vaugrenard, Yung, Leconte, Néri, Daudigny, Rome, Berson et Kaltenbach, Mme Tocqueville, M. Durain, Mme Durrieu, MM. S. Larcher et Poher, Mmes Meunier, Schillinger et D. Gillot, MM. Bigot, Madec, Reiner, Cazeau, M. Bourquin, Sutour et Duran et Mmes Bricq, Monier, Emery-Dumas, Blondin, Lienemann et Conway-Mouret.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après l'article L. 1110-5-1, il est inséré un article L. 1110-5-1-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-5-1-...  -  Toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable lui infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu'elle juge insupportable, qui s'est vue proposer l'ensemble des soins palliatifs auxquels elle a droit, peut demander à bénéficier, dans les conditions prévues au présent titre, d'une assistance médicalisée permettant, par un acte délibéré, une mort rapide et sans douleur. Cet acte peut être accompli par la personne elle-même ou par le médecin qu'elle a choisi. Le médecin doit avoir la conviction que la demande de la personne est totalement libre, éclairée, réfléchie et qu'il n'existe aucune solution acceptable par elle-même dans sa situation. » ;

2° Après l'article L. 1111-12 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1111-12-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-12-...  -  Toute personne, en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, qui se trouve de manière définitive dans l'incapacité d'exprimer une demande libre et éclairée, peut bénéficier d'une assistance médicalisée pour mourir à la condition que celle-ci figure expressément et de façon univoque dans ses directives anticipées. »

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Cet amendement ouvre l'assistance médicalisée à mourir pour les personnes -qu'elles soient en état ou hors d'état d'exprimer leurs volontés- pour lesquelles l'arrêt du traitement ne suffirait pas à soulager leur douleur et propose de leur donner la possibilité de bénéficier d'une assistance médicalisée pour mourir.

Il ne s'agit que d'une faculté, très encadrée. L'amendement reprend le dispositif que nous avions adopté en 2009 et que la commission des affaires sociales du Sénat avait voté en 2011 avant un rejet en séance publique. La commission des affaires sociales est-elle moins progressiste aujourd'hui qu'hier ?

Certains ont la possibilité de se rendre en Suisse pour mourir. C'est une inégalité insupportable. Des personnes qui savent que l'issue est inéluctable, que la souffrance est inévitable préfèrent dire au revoir, faire le passage les yeux ouverts. C'est le sens de cet amendement. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement n°33 rectifié ter, présenté par M. Cadic, Mme Jouanno et MM. Canevet, Cantegrit, Fouché, Guerriau, Longeot, Médevielle et Namy.

Après l'article 2

Après l'article L. 1110-5-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1110-5-1-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-5-1-...  -  Toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale, même en l'absence de diagnostic de décès à brève échéance, atteinte d'au moins une affection accidentelle ou pathologique avérée, grave, incurable et/ou à tendance invalidante et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique constante et inapaisable ou qu'elle juge insupportable, peut demander à bénéficier d'une aide active à mourir. »

M. Olivier Cadic.  - Mon corps m'appartient, tel était le slogan de la loi Veil. Mon droit à mourir m'appartient, proclame Jean-Luc Romero, soutenu par plus de 75 parlementaires.

On meurt toujours mal en France. Selon une étude de 2008, les soignants considèrent que 35 % des décès seulement surviennent dans des conditions acceptables. 96 % des Français souhaitent que l'on autorise les médecins à mettre fin sans souffrance à la vie de personnes atteintes de maladies insupportables et incurables, si elles le demandent.

Pour répondre à leurs attentes, il convient, dans un cadre rigoureux, d'autoriser le recours à une assistance active à mourir dans certains cas. Chacun doit être maître de sa fin de vie, l'aborder dans le respect des principes de liberté, d'égalité et de fraternité. Cet amendement ne retranche rien au texte de l'Assemblée nationale mais donne aux Français les mêmes droits qu'aux Néerlandais, aux Belges, aux Luxembourgeois ou aux Suisses. J'espère que le Sénat fera progresser la loi de notre pays. (Applaudissements à gauche)

L'amendement n°98 rectifié bis n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°34 rectifié bis, présenté par M. Cadic, Mmes Garriaud-Maylam et Jouanno et MM. Canevet, Cantegrit, Fouché, Guerriau, Longeot, Maurey et Médevielle.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 1111-10 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1111-10-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-10-...  -  Lorsqu'une personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale, même en l'absence de diagnostic de décès à brève échéance, atteinte d'au moins une affection accidentelle ou pathologique avérée, grave, incurable et/ou à tendance invalidante et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique constante et inapaisable ou qu'elle juge insupportable, demande à son médecin le bénéfice d'une aide active à mourir, celui-ci doit s'assurer de la réalité de la situation dans laquelle se trouve la personne concernée. Après examen du patient, étude de son dossier et, s'il y a lieu, consultation de l'équipe soignante, le médecin doit faire appel, pour l'éclairer, dans un délai maximum de quarante-huit heures, à un autre praticien de son choix. Les médecins vérifient le caractère libre, éclairé, réfléchi et constant de la demande présentée, lors d'un entretien au cours duquel ils informent l'intéressé des possibilités thérapeutiques, ainsi que des solutions alternatives en matière d'accompagnement de fin de vie. Les médecins peuvent, s'ils le jugent souhaitable, renouveler l'entretien dans les quarante-huit heures. Les médecins rendent leurs conclusions sur l'état de l'intéressé dans un délai de quatre jours au plus à compter de la demande initiale du patient. Lorsque les médecins constatent au moins une affection accidentelle ou pathologique avérée, grave, incurable et/ou à tendance invalidante et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique constante et inapaisable ou que la personne juge insupportable, et donc la situation d'impasse thérapeutique dans laquelle se trouve la personne ainsi que le caractère libre, éclairé, réfléchi et réitéré de sa demande, l'intéressé doit, s'il persiste, confirmer sa volonté, le cas échéant, en présence de la ou des personnes de confiance qu'il a désignées. Le médecin respecte cette volonté. L'acte d'aide active à mourir, pratiqué sous le contrôle du médecin, en milieu hospitalier ou au domicile du patient ou dans les locaux d'une association agréée à cet effet, ne peut avoir lieu avant l'expiration d'un délai de deux jours à compter de la date de confirmation de la demande. Toutefois, ce délai peut être abrégé à la demande de l'intéressé si le médecin estime que cela est de nature à préserver la dignité de celui-ci telle qu'il la conçoit pour lui-même. L'intéressé peut, à tout moment et par tout moyen, révoquer sa demande. Les conclusions médicales et la confirmation de la demande sont versées au dossier médical. Dans un délai de huit jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté son concours à l'aide active à mourir adresse à la commission régionale de contrôle prévue à la présente section un rapport exposant les conditions du décès. À ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article ; la commission contrôle la validité du protocole. Le cas échéant, elle transmet à l'autorité judiciaire compétente. »

M. Olivier Cadic.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°44, présenté par Mmes Bouchoux, Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le même article L. 1110-5-1, il est inséré un article L. 1110-5-1-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-5-1-...  -  Toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable, provoquant une douleur physique ou une souffrance psychique insupportable, peut demander, dans les conditions prévues au présent titre, à bénéficier d'une assistance médicalisée active à mourir.

« La demande du patient est immédiatement étudiée par un collège de trois médecins afin d'en vérifier le caractère libre, éclairé, réfléchi et explicite et de s'assurer de la réalité de la situation médicale dans laquelle se trouve l'intéressé.

« Si le patient confirme sa volonté de bénéficier d'une assistance médicalisée active à mourir au moins quarante-huit heures après sa demande initiale, alors sa volonté doit être respectée.

« Dans un délai maximal de quatre jours après la confirmation de la demande par le patient, l'assistance médicalisée active à mourir est pratiquée, selon la volonté du patient, soit par le patient lui-même en présence du médecin, soit par le médecin. L'intéressé peut à tout moment révoquer sa demande.

« L'ensemble de la procédure suivie est inscrite dans le dossier médical du patient. »

Mme Corinne Bouchoux.  - Cet amendement, semblable aux amendements de MM. Godefroy et Cadic, répond à une forte demande des Françaises et Français. Il vise à élargir le champ des possibilités offertes au patient en fin de vie. Il instaure l'assistance médicalisée active à mourir dans des conditions strictes, en plus de la sédation profonde et continue jusqu'à la mort prévue par le texte.

Les patients ne devraient pas être contraints de partir en Suisse - lorsqu'ils en ont les moyens. Il y a dix ans beaucoup se prononçaient en faveur d'un tel mécanisme. Pourquoi les mêmes sont-ils contre aujourd'hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. le président.  - Amendement n°71 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde, M. Requier et Mme Malherbe.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Après l'article L. 1110-5-1, il est inséré un article L. 1110-5-1-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-5-1-....  -  Toute personne majeure non protégée, en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une douleur physique ou une souffrance psychique qui ne peut être apaisée ou qu'elle juge insupportable, peut demander à bénéficier d'une assistance médicalisée à mourir.

« La demande du patient est étudiée sans délai par un collège de trois médecins afin d'en vérifier le caractère libre, éclairé, réfléchi et explicite et de s'assurer de la réalité de la situation médicale dans laquelle se trouve l'intéressé. Dans un délai maximal de huit jours, les médecins remettent leurs conclusions au patient.

« Si les conclusions des médecins attestent que l'état de santé de la personne malade est incurable, que sa douleur physique ou sa souffrance psychique ne peut être apaisée ou qu'elle la juge insupportable, que sa demande est libre, éclairée, réfléchie et explicite et s'ils constatent qu'elle confirme sa demande de bénéficier d'une assistance médicalisée active à mourir, sa volonté doit être respectée.

« La personne malade peut à tout moment révoquer sa demande.

« L'acte d'assistance médicalisée à mourir est pratiqué sous le contrôle et en présence du médecin traitant qui a reçu la demande et a accepté d'accompagner la personne malade dans sa démarche ou du médecin vers lequel elle a été orientée.

« L'ensemble de la procédure suivie est inscrite dans le dossier médical du patient. »

II.  -  Après l'article L. 1111-12 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1111-12-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-12-.... - Toute personne, en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, qui se trouve de manière définitive dans l'incapacité d'exprimer une demande libre et éclairée, peut bénéficier d'une assistance médicalisée à mourir, à la condition que celle-ci figure expressément dans ses directives anticipées établies dans les conditions mentionnées à l'article L. 1111-11. »

M. Jean-Claude Requier.  - Pendant la campagne présidentielle de 2012, le président de la République s'était engagé à ce que « toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d'une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ». La proposition de loi de MM. Claeys et Leonetti ne répond que très imparfaitement à cet objectif.

Cet amendement reprend une proposition de loi déposée par plusieurs membres du groupe RDSE le 31 juillet 2012.

Lorsqu'une personne se trouve dans un état de dépendance tel qu'il lui semble qu'elle ne vit que pour « en finir », il est important de lui permettre de ne pas se suicider dans la clandestinité, de lui reconnaître ce droit de pouvoir mourir dans la dignité. Il ne s'agit, en aucun cas, de banaliser cette pratique, mais de reconnaître, au nom de la solidarité, de la compassion et de l'humanisme, l'exception d'euthanasie, notion introduite par le Comité consultatif national d'éthique, dans un avis du 27 janvier 2000. (Applaudissements sur les bancs des groupes du RDSE, socialiste et républicain, CRC et écologiste)

M. le président.  - Amendement n°81 rectifié bis, présenté par Mmes David, Assassi et Beaufils, MM. Billout et Bosino et Mmes Prunaud, Cohen et Gonthier-Maurin.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après l'article L. 1110-5-1, il est inséré un article L. 1110-5-1-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-5-1-...  -  Toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique, ou la plaçant dans un état de dépendance qu'elle estime incompatible avec sa dignité, peut demander à bénéficier, dans les conditions prévues au présent titre, d'une assistance médicalisée permettant une mort rapide et sans douleur. Cet acte peut être accompli par la personne elle-même ou par le médecin qu'elle a choisi. » ;

2° Après l'article L. 1111-10, il est inséré un article L. 1111-10-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-10-...  -  Le médecin, saisi d'une demande d'assistance médicalisée pour mourir, saisit dans les meilleurs délais un confrère indépendant pour s'assurer de la réalité de la situation médicale dans laquelle se trouve la personne concernée. Ils vérifient, à l'occasion d'un entretien avec la personne malade, le caractère libre, éclairé et réfléchi de sa demande.

« Ils informent la personne malade des possibilités qui lui sont offertes de bénéficier des dispositifs de soins palliatifs compatibles avec sa situation.

« Dans un délai maximum de huit jours suivant la première rencontre commune de la personne malade, les médecins lui remettent, en présence de sa personne de confiance, un rapport faisant état de leurs conclusions sur l'état de santé de l'intéressé.

« Si les conclusions des médecins attestent, au regard des données acquises de la science, que l'état de santé de la personne malade est incurable, que sa demande est libre, éclairée et réfléchie et qu'ils constatent à l'occasion de la remise de leurs conclusions que l'intéressé persiste, en présence de sa personne de confiance, dans sa demande, alors, le médecin doit respecter la volonté de la personne malade.

« L'intéressé peut à tout moment révoquer sa demande.

« L'acte d'assistance médicalisée pour mourir est réalisé sous le contrôle du médecin choisi ou de premier recours qui a reçu la demande de l'intéressé et a accepté de l'accompagner dans sa démarche et ne peut avoir lieu avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date de confirmation de sa demande.

« Toutefois, si la personne malade en fait la demande, et que les médecins précités estiment que la dégradation de l'état de santé de la personne intéressée le justifie, ce délai peut être abrégé ; la personne peut à tout moment révoquer sa demande.

« Les conclusions médicales et la confirmation de la demande sont versées au dossier médical de la personne. Dans un délai de quatre jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté son concours à l'acte d'euthanasie, adresse à la commission régionale de contrôle prévue dans le présent titre, un rapport exposant les conditions du décès. À ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article. » ;

3° Après l'article L. 1111-4, il est inséré un article L. 1111-4-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-4-...  -  Les professionnels de santé ne sont pas tenus d'apporter leur concours à la mise en oeuvre d'une assistance médicalisée à mourir.

« Le refus du professionnel de santé est notifié sans délai à l'auteur de cette demande ou, le cas échéant, à sa personne de confiance. Afin d'éviter que son refus n'ait pour conséquence de priver d'effet cette demande, il est tenu de l'orienter immédiatement vers un autre praticien susceptible d'y déférer. » ;

4° La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie est complétée par un article L. 1111-13-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-13-...- Est réputée décédée de mort naturelle en ce qui concerne les contrats où elle était partie la personne dont la mort résulte d'une assistance médicalisée pour mourir, mise en oeuvre selon les conditions et procédures prescrites par le présent code. Toute clause contraire est réputée non écrite. »

Mme Annie David.  - Cet amendement s'inspire des travaux menés en 2011 par la commission des affaires sociales du Sénat, ainsi que de la proposition de loi de M. Guy Fischer que j'avais cosignée. Il s'agit de reconnaître le droit à une assistance médicalisée à mourir. Le sujet fait consensus chez les Français, 90 % sont favorables à l'euthanasie, 86 % souhaitent que le présent texte légalise l'euthanasie active. C'est une évolution naturelle, dans la continuité de celle des pratiques médicales, la conquête d'un nouveau droit. La volonté de mourir du patient devra être libre et consentie, et s'effectue en connaissance des alternatives en termes de soins palliatifs.

Une clause de conscience est prévue qui permet au professionnel de santé de refuser de pratiquer l'acte ; il doit alors orienter son patient vers un confrère.

Les exemples étrangers montrent que les craintes de voir l'offre de soins palliatifs se réduire ne sont pas fondées, et que le nombre d'euthanasies actives n'avait pas progressé. En encadrant les choses, on empêche les dérives.

M. le président.  - Amendement n°82 rectifié bis, présenté par Mmes David, Assassi et Beaufils, MM. Billout et Bosino et Mmes Prunaud, Cohen et Gonthier-Maurin.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complétée par un article L. 1111-13-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-13-...  -  Lorsqu'une personne en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable se trouve de manière définitive dans l'incapacité d'exprimer une demande libre et éclairée, elle peut bénéficier d'une assistance médicalisée pour mourir à la condition que celle-ci figure expressément dans ses directives anticipées établies dans les conditions mentionnées à l'article L. 1111-11.

« Sa personne de confiance en fait la demande à son médecin qui la transmet à un autre praticien. Après avoir consulté l'équipe médicale, les personnes qui assistent quotidiennement l'intéressé et tout autre membre du corps médical susceptible de les éclairer, les médecins établissent, dans un délai de quinze jours au plus et à l'unanimité, un rapport déterminant si elle remplit les conditions pour bénéficier d'une assistance médicalisée pour mourir.

« Lorsque le rapport conclut à la possibilité d'une assistance médicalisée pour mourir, la personne de confiance doit confirmer le caractère libre, éclairé et réfléchi de la demande anticipée de la personne malade en présence de deux témoins n'ayant aucun intérêt matériel ou moral à son décès. L'assistance médicalisée pour mourir est alors apportée après l'expiration d'un délai d'au moins deux jours à compter de la date de confirmation de la demande.

« Le rapport des médecins est versé au dossier médical de l'intéressé. Dans un délai de quatre jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté son concours à l'assistance médicalisée pour mourir adresse à la commission régionale de contrôle mentionnée au présent titre un rapport exposant les conditions dans lesquelles le décès s'est déroulé. À ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article, ainsi que les directives anticipées. »

Mme Annie David.  - Cet amendement concerne les personnes qui ne sont pas en mesure de s'exprimer. Il mettrait fin à des drames familiaux comme ceux de Vincent Humbert et Vincent Lambert, tristement médiatisés.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - Il est difficile de se prononcer sur ces amendements sans faire appel à ses convictions philosophiques, religieuses ou politiques. Toutefois, cette loi ne s'adresse pas à ceux qui veulent mourir mais à ceux qui vont mourir.

La commission est défavorable à ces amendements. Faut-il médicaliser la mort ? Donner un moyen expéditif d'occulter la question de la fin de vie ? Notre société relègue la maladie, la vieillesse et la mort. C'est pourquoi à l'euthanasie nous préférons la sédation profonde et continue, qui s'inscrit dans une durée plus longue, facilite le deuil, ne donne pas directement la mort et protège ainsi les médecins, les patients, leurs proches et la société.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Je comprends l'esprit de ces amendements. On ne peut évacuer d'un revers de mains ces aspirations. Certains membres du Gouvernement ont évolué en dix ans, tout en restant fidèles à leurs positions.

L'euthanasie et le suicide assisté sont deux notions différentes, on peut se retrouver dans l'une et pas dans l'autre ; dans les propositions de loi déposées il y a quelques années, la distinction n'était pas claire...

Le président de la République est allé aussi loin que le permet l'état de la société française. Les débats publics, les concertations, le rapport du CCNE ont abouti à un consensus sur ce que contient le texte. L'engagement présidentiel est respecté. Si à titre personnel je pourrais me retrouver dans ces amendements, au nom du Gouvernement, je demande le retrait de ces amendements, sinon je donnerai un avis défavorable.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - Un mot pour corriger des propos erronés. Monsieur Godefroy, si en 2011 la commission des affaires sociales a voté la proposition de loi, c'est en raison d'un accord politique pour permettre l'examen du texte, qui ensuite a été rejeté en séance...

Monsieur Cadic, la Belgique a fait un bilan de sa loi et constaté des dérives ; elle envisagerait de revenir sur l'autorisation de l'euthanasie. (Applaudissements à droite)

M. Alain Néri.  - Chacun votera en conscience. La société française ne serait pas prête, madame la ministre ? Les sondages montrent le contraire. Il appartient d'ailleurs aux parlementaires de jouer leur rôle, en avance quelquefois sur l'opinion publique. Sinon, jamais la peine de mort n'aurait été abolie grâce à François Mitterrand.

Ces amendements ne font que donner aux patients la possibilité de choisir une mort sans douleur. Et choisir, c'est être libre. La liberté est un des fondements de notre République. Notre amendement assure en outre l'égalité.

Chacun n'a que ce mot à la bouche mais tout le monde n'a pas les moyens d'aller en Suisse.

Enfin cet amendement est porteur de fraternité et d'humanité. Pensons aux souffrances des gens. J'appelle chacun à voter en conscience, en faveur de la modernité et de la liberté.

M. Roger Madec.  - Je voterai sans état d'âme cet amendement. Les Français sont égaux en droit, mais inégaux devant la mort. Ceux qui ont les moyens peuvent choisir leur mort. Le Sénat sortirait grandi s'il votait cet amendement. Le législateur ne légifère pas sous la pression de l'opinion publique. Sinon, Simone Veil aurait-elle porté la loi sur l'IVG, Robert Badinter l'abolition de la peine de mort, le Général de Gaulle, le droit de vote des femmes ? Le président de la République a pris un engagement. Tenons-le.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Je voterai cet amendement. Il me semble que l'opinion publique est favorable à la liberté de choix. Chacun connaît les possibilités offertes à l'étranger. Des dérapages ? Il y en a souvent, le rôle du législateur est de les prévenir. Comme l'espérance de vie a augmenté, les Français sont de plus en plus confrontés à des personnes en fin de vie qui souffrent, et les consciences ont évolué. Je comprends mal certains qui considèrent, au nom du caractère sacré de la vie, qu'il ne faut jamais donner la mort mais sont favorables à la peine de mort...

Donner à chacun le libre choix de décider de sa vie ne réduit en rien les droits des autres et ne porte pas atteinte à l'intérêt général, sauf à croire que la société est régie par une transcendance - et encore, dans ce cas, conviendrait-il de respecter la conscience de chacun.

Le vote de cet amendement serait un grand progrès pour la République.

Mme Corinne Bouchoux.  - Madame la ministre, je salue votre engagement personnel. J'entends les réticences de certains de nos amis. Je regrette que nous n'ayons pas ce soir l'éloquence de Simone Veil ou de Robert Badinter... La liberté que nous réclamons pour quelques-uns n'enlève rien aux droits des autres.

Élue d'un département catholique, issue d'un milieu catholique, je constate le soutien de l'opinion publique, à 96 % ! (MM. Roger Madec et Olivier Cadic approuvent)

M. Jean-Pierre Godefroy.  - La loi belge fonctionne bien, à telle enseigne que la Belgique vient de l'étendre aux mineurs. Des médecins belges de confession catholique, initialement réticents, pratiquent l'euthanasie et se disent en cela fidèles à leur croyance ; ils ne veulent pas revenir en arrière.

L'opinion publique est loin d'être défavorable. Cette proposition de loi n'oblige personne mais donne le droit de choisir sa mort. Des personnes âgées sont contraintes de supplier leurs proches de mettre un terme à leur souffrance, et le juge, nécessairement compréhensif, n'a d'autre choix que de ne pas appliquer la loi... Pourquoi refuser à ceux qui le souhaitent, lorsque l'issue fatale est certaine, d'anticiper, de partir les yeux ouverts dans la dignité ?

Ce serait un grand pas pour notre démocratie d'ouvrir ce droit, au même titre que l'abolition de la peine de mort.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - J'ai écouté tous les arguments. À titre personnel, je suis en désaccord profond avec Mme Lienemann ou M. Cadic. De même, je ne crois pas que l'histoire progresse nécessairement. Elle peut régresser...

J'étais giscardien mais j'ai salué le courage de François Mitterrand lors de l'abolition de la peine de mort. Mais ce débat comme celui sur l'IVG n'a pas eu lieu à 1 heure du matin, mais dans un hémicycle rempli. Ce débat est lourd de conséquences. Je regrette que nous ne soyons pas tous là pour en discuter.

M. Georges Labazée.  - Ce débat est traversé par les mots droit et obligation. Ces amendements sont placés sous le sceau du droit.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - 96 % des Français sondés seraient pour l'euthanasie ? Mais attention aux ambivalences. Les personnes sondées sont, en majorité, en bonne santé. Quand le terme approche, les positions évoluent, et rares alors sont ceux qui réclament un suicide assisté. Je ne suis pas sûr que Robert Badinter soutiendrait l'euthanasie, lui qui a opposé droit-liberté et droit-créance.

Le suicide médicalisé éviterait une certaine violence dans le geste ? À défaut d'être physique, elle resterait au moins symbolique.

Mme Annie David.  - Nous n'imposons rien, je ne suis même pas sûre de prendre une telle décision pour moi-même, mais ce droit doit exister. Si, en avançant en âge, on choisit de vivre, même dans la souffrance, cela ne change rien. Il s'agit d'instaurer un droit qui ne serait en rien une obligation.

Je regrette, comme M. Pozzo di Borgo, que nous ne soyons pas plus nombreux, à cette heure, pour en discuter, car ce débat nous concerne toutes et tous. Au sein du groupe CRC, le débat a eu lieu, et tous les membres ne sont pas signataires des amendements. Chacun votera en conscience.

Sur le terrain, dans les réunions auxquelles j'ai participé, dans les associations, beaucoup de Français ont franchi le pas, non pas, j'y insiste, pour créer une obligation mais pour établir un droit. À nous, législateurs, de le franchir à présent. Nous nous sommes tous engagés en politique pour les autres. Allons donc au bout de cet engagement. (Applaudissements sur la plupart des bancs à gauche)

Mme Françoise Gatel.  - Je partage bien des arguments avancés. Mais ce texte ne concerne que ceux qui vont mourir, pas ceux qui voudraient mourir. Faut-il décider, à une heure et demie du matin, s'il faut satisfaire le désir de mourir de certains ? Un sujet si grave ne doit pas être abordé ainsi, à l'occasion d'une loi qui a un autre objet. D'autant que les conditions de l'euthanasie ou du suicide assisté n'auraient même pas été définies ! Approfondissons et poursuivons le débat !

Mme Catherine Génisson.  - Non signataire de l'amendement n°9 rectifié, je suis bouleversée par ce débat. N'oublions pas qu'il faut un tiers pour disposer ainsi de sa vie et de sa mort. Nombre de médecins ont répondu à cette demande, dans le colloque singulier entre êtres humains. C'est un acte que j'ai effectué, pas souvent, mais je n'arrive pas à m'imaginer un droit à donner activement la mort dans la loi. C'est un constat d'échec, car, dans la situation actuelle, les gens sont inégaux en la matière. Il y a aussi, autant le reconnaître, des euthanasies non souhaitées. Et des médecins de bonne foi peuvent être condamnés aux assises. Une loi pourrait protéger, certes. Le débat doit donc avoir lieu, il peut encore évoluer, nous n'avons pas encore complètement traité le fond du sujet, mais chacun doit avoir à l'esprit que disposer de sa vie exige un tiers. (Mme Françoise Gatel applaudit)

M. Jean Desessard.  - On ne peut pas prendre prétexte de l'heure tardive. Voilà des années que nous débattons de ce sujet. Ces amendements ne sont pas à des années-lumière de la proposition de loi ! Ce texte n'assume pas totalement son objet. Nous proposons d'aller plus loin qu'il n'ose le faire. Que le Parlement donne ce soir aux citoyens une nouvelle liberté (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Daniel Chasseing.  - J'ai vu beaucoup de personnes vouloir mourir, puis changer d'avis à l'approche de la fin, et se battre pour vivre...

Mme Annie David.  - Notre amendement ne concerne pas ces cas-là !

M. Daniel Chasseing.  - À un certain stade, il peut être nécessaire d'augmenter les traitements qui peuvent avoir des effets secondaires : c'est l'objet de la loi Leonetti et de l'article L. 1110-10 du code de la santé publique. Dans la grande majorité des cas, on arrive à soulager les malades !

Le rôle des médecins n'est pas de donner la mort. Je pense de surcroît que notre société n'est pas prête à l'accepter.

M. Olivier Cadic.  - Dire que notre amendement menace la société, c'est un peu fort !

Oui, madame Génisson, ces personnes ont besoin de l'accompagnement d'un tiers. On ne donne pas la mort, on aide les gens à partir. (M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, proteste) En ce moment même, à deux heures moins le quart, des gens meurent à l'hôpital, seuls, parce qu'ils n'ont pas le choix. À un autre horaire, quelqu'un leur aurait tenu la main...

Mme Catherine Génisson.  - Et le personnel hospitalier ?

M. Olivier Cadic.  - Il est malvenu pour nous de nous plaindre de l'heure tardive.

J'ai rencontré une personne qui voulait partir en Suisse, pour partir tranquillement, sereinement, avec l'affection des siens, entourée d'amour. Au cours de ce débat, j'ai entendu les arguments des sachants, j'aurais aimé un peu plus de compassion et de tolérance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain ; Mme Corinne Bouchoux applaudit aussi)

M. Gilbert Barbier.  - Les sondages ? Tout dépend de la manière dont la question est posée.

J'étais jeune député en 1979 et j'ai voté la prolongation de la loi sur l'IVG proposée par Simone Veil, et ce n'était pas facile, lorsque l'on était, comme moi, dans la majorité de l'époque. On m'a menacé d'excommunication et d'autres choses encore. Mais j'avais vu des femmes mourir de tétanos, atrocement, des suites d'avortements clandestins.

Comme l'a dit Axel Kahn, il n'est pas opportun que la loi de la République prévoie les conditions dans lesquelles le principe de l'interdiction de donner la mort peut être battu en brèche en toute légalité. Ne rétablissons pas une forme de peine de mort. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Comme le rapporteur, je crains que le problème se pose très différemment selon qu'on l'envisage de loin, lorsque l'on est jeune et en bonne santé, ou au moment où la mort approche.

M. Jean-Pierre Godefroy et Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Et ceux qui partent en Suisse ?

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - Créer une exception d'euthanasie, destinée à n'être appliquée que dans quelques cas marginaux, risquerait de banaliser celle-ci. Des gens très modérés le soutiennent. Petit à petit, les limites se déplaceront et c'est pourquoi il faut protéger la société.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°9 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°204 :

Nombre de votants 234
Nombre de suffrages exprimés 232
Pour l'adoption   75
Contre 157

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°33 rectifié ter n'est pas adopté, non plus que les amendements nos34 rectifié bis, 44, 71 rectifié, 81 rectifié bis et 82 rectifié bis.

M. le président.  - Nous avons examiné aujourd'hui 39 amendements, il en reste 94.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 17 juin 2015, à 14 h 30.

La séance est levée à 2 heures.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques