Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle onze questions d'actualité au Gouvernement. Elles sont retransmises en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat. Chaque orateur dispose de deux minutes, y compris les membres du Gouvernement, sauf le Premier ministre qui dispose d'une horloge spéciale. (Sourires)

Aide juridictionnelle (I)

M. Jacques Mézard .  - Ma question s'adresse au garde des sceaux. (Vives exclamations à droite)

L'immense majorité des barreaux de ce pays est en grève. (On renchérit à droite) Les avocats plaident pour eux mais aussi pour les justiciables et, surtout, pour les plus en difficulté.

Ma question est simple : quelle réponse allez-vous enfin apporter aux propositions du Conseil national des barreaux et allez-vous modifier les dispositions que vous avez cru bon de prendre sur l'aide juridictionnelle dans le projet de loi de finances ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, au centre et à droite)

À droite.  - Bonne question !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Vous avez gardé votre temps de parole pour la réplique, je présume, car votre question était courte.

À droite.  - La réponse !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Depuis quinze ans, l'aide juridictionnelle est à bout de souffle. Les rapports s'accumulent, comme celui du Sénat de 2006, qui aboutissent tous à cette même conclusion. Fallait-il ne rien faire - comme ce fut le cas ces dernières années - ou entreprendre enfin une réforme de courage et de justice ? (Protestations à droite) Afin de bâtir un système d'aide juridictionnelle qui facilite l'accès au droit et à la justice aux justiciables les plus modestes, nous avons relevé le plafond de ressources, inférieur au seuil de pauvreté, de telle sorte que 100 000 personnes supplémentaires puissent en bénéficier, et relevé également les unités de valeurs, servant de bases au tarif des prestations, qui étaient restées inchangées depuis 2007, en concertation avec l'ensemble de la profession, dont nous avons reçu les représentants (Conseil national des barreaux, Barreau de Paris et Conférence des bâtonniers) dont nous avons repris les préconisations, celles-là mêmes qui sont insérées dans le projet de loi de finances dont nous débattrons ici prochainement. (On le conteste à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jacques Mézard.  - Vous dites avoir entériné les propositions des professionnels. Je remarque que la quasi-totalité de la profession est unanime contre votre réforme, fait rare...

Voix sur les bancs du groupe socialiste et républicain.  - Ils ont changé d'avis.

M. Jacques Mézard.  - Nous avons rédigé un rapport sur l'aide juridictionnelle avec Mme Joissains il y a quelques mois, vous n'en avez tenu aucun compte, c'est votre choix. Chacun ses responsabilités ! Relever le plafond de l'aide juridictionnelle et les unités de valeur est juste, il l'est moins de faire payer ces mesures de justice sociale par les avocats, via leurs caisses de règlements pécuniaires. Maintenir votre position ira à l'encontre des intérêts des justiciables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, au centre et à droite)

Cruauté envers les animaux dans les abattoirs

Mme Marie-Christine Blandin .  - La semaine dernière, les images abominables diffusées sur les techniques d'abattage employées à l'abattoir d'Alès ont provoqué de fortes réactions. La cruauté qu'elles révèlent pose la question du suivi des recommandations adressées à la France.

En 2013, l'Office alimentaire et vétérinaire (OAV) dénonçait de nombreuses lacunes dans cet abattoir : non-conformités, insuffisances de personnel et de formation, manque d'efficacité des contrôles, protection animale défaillante et risques sanitaires. Un nouveau rapport critiquait en 2015 l'ensemble de la filière d'abattage et notamment l'absence de contrôles.

Les réponses apportées par les autorités sont faibles. Dès le 4 septembre, un contrôle sanitaire mettait en évidence de graves manquements à Alès. Ces actes intolérables ne doivent pas se reproduire.

Il faut plus de vétérinaires présents, des infrastructures mieux adaptées. Je suis de celles qui pensent que le respect de la vie animale éduque aussi au respect de la vie humaine.

La législation va-t-elle enfin être appliquée, monsieur le ministre, pour les abattoirs mais aussi en matière d'élevage et de transport ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RDSE, au centre et à droite)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Oui, les images publiées sur internet ont choqué, y compris le ministre. Je suis là pour faire respecter des règles claires et établies au niveau national et européen, sur le bien-être animal. Il faut donc des contrôles. L'abattoir d'Alès a été contrôlé en septembre, une mise en demeure prononcée en novembre. Le maire a ensuite fermé cet abattoir municipal.

Vous avez mon engagement. L'État doit améliorer l'ensemble des dispositifs de contrôle. Aussi ai-je stoppé en 2013 la suppression de postes dans les services vétérinaires. En 2014, 60 nouveaux postes ont été créés, et il en ira de même cette année, en 2016 et en 2017. Ces 240 emplois supplémentaires contribueront à appliquer et à faire respecter les règles. Nous travaillerons à améliorer encore les choses avec la Direction générale de l'alimentation et les professionnels en 2016. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

Mme Marie-Christine Blandin.  - Les écologistes avaient déposé un amendement à votre projet de loi afin de « garantir » le bien-être animal. Vous avez jugé préférable de le remplacer par « veiller ». Nous avons aujourd'hui la démonstration que c'est insuffisant. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs bancs au centre)

Route du littoral à La Réunion

Mme Évelyne Didier .  - Cette question de M. Vergès concerne la route controversée du littoral à La Réunion, de 12 kilomètres, dont le coût est exorbitant : 1,6 milliard d'euros, soit 133 millions d'euros par kilomètre.

Ce projet cumule les anomalies. Alors qu'il n'a pas fait l'objet des expertises économiques requises, les financements sont-ils garantis par l'État ?

En outre, ce projet porte atteinte à l'environnement. Malgré l'avis défavorable du Conseil national de la protection de la nature, un arrêté ministériel du 19 décembre 2013 autorise le conseil régional de La Réunion à déroger aux interdictions protégeant la faune et la flore.

D'où proviendront les 18 millions de tonnes de roches nécessaires ? Des problèmes dans l'attribution des marchés publics ont été soulevés et font l'objet d'une enquête préliminaire du Parquet national financier. Les expertises financières nécessaires seront-elles diligentées ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Il s'agit d'un dossier important, représentant 1,6 milliard de dépenses, mais indispensable. La route de la falaise est empruntée par 50 000 véhicules par jour et est sujette à de nombreux effondrements, représentant 10 000 tonnes par an.

La nouvelle route du littoral est utile, mais sa construction rencontre des difficultés. Ce n'est pas l'État mais la région qui assume la maîtrise d'ouvrage. S'agissant du financement, l'État respecte le protocole signé en 2010. Le problème est d'importer depuis Madagascar les 200 000 tonnes de roches nécessaires par mois. Le Gouvernement a été informé fin août par le préfet. Il est nécessaire de faire les travaux avant la période des cyclones, faute de quoi des effondrements massifs préjudiciables à l'économie et à l'environnement, car sources d'une pollution massive de l'océan, sont à craindre.

Quant à l'enquête que vous avez mentionnée, elle n'en est qu'au stade préliminaire.

Nous sommes très attentifs à l'évolution de ce projet, au plan de l'environnement comme au plan financier.

Mme Évelyne Didier.  - C'est un projet pharaonique. M. Vergès avait proposé d'autres solutions, plus performantes du point de vue de l'environnement, et sans doute plus économiques, comme un projet de tram-train, qui n'ont pas été étudiées comme il eût fallu. La solution retenue n'est pas la bonne.

Demi-part des personnes veuves et fiscalité locale

M. Yannick Vaugrenard .  - Ma question s'adressera au Premier ministre. Le Gouvernement vient d'alléger la charge fiscale pour neuf millions de ménages et s'apprête à le faire de nouveau pour trois millions de foyers. (Protestations à droite)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ce n'est pas crédible.

M. Yannick Vaugrenard.  - Or le Gouvernement précédent avait fait l'inverse (Nouvelles protestations à droite) en supprimant la demi-part fiscale pour les personnes veuves ayant élevé au moins un enfant. Or, la mesure prise par Nicolas Sarkozy, pèse très lourd dans la vie quotidienne des personnes concernées. (Même mouvement) La simple augmentation de leur revenu fiscal de référence risque de leur faire payer beaucoup plus d'impôts, telles les taxes d'habitation et foncière.

Ainsi, une veuve de 82 ans que j'ai rencontrée paie 1 200 euros de taxe d'habitation et de taxe foncière, ce qui représente pour elle un mois de pension, alors qu'elle ne payait rien auparavant. (Exclamations à droite)

M. Martial Bourquin.  - Beau travail !

M. Yannick Vaugrenard.  - Je sais que le Gouvernement ne peut pas tout faire quand nous avons hérité d'un État en faillite. (Vives protestations à droite) C'est François Fillon lui-même qui l'a déclaré ! (Même mouvement) Dans un souci de justice fiscale et sociale, ne faut-il pas corriger cette erreur de l'ère Sarkozy, en faisant en sorte que la suppression de la demi-part n'entraîne aucune incidence sur la contribution des personnes concernées à la fiscalité locale ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Vous avez raison, cette situation est le résultat de la politique du Gouvernement précédent. (Protestations à droite ; applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE) une enveloppe de 240 millions d'euros a été libérée pour être mise à la disposition des retraités les plus modestes, un allègement fiscal de 100 millions d'euros sur la taxe d'habitation bénéficiera aux quelque 100 000 personnes veuves concernées, aux revenus bas. J'espère qu'il sera voté ici sur tous les bancs. (Exclamations à droite) Nous entendons faire davantage en loi de finances en revalorisant les seuils des revenus de 2 % pour alléger l'impôt sur le revenu.

Vous l'avez rappelé, le Gouvernement réduit l'impôt sur le revenu de deux tiers des foyers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; on le nie vigoureusement à droite)

M. Didier Guillaume.  - Très bien !

Vallourec

Mme Valérie Létard .  - Ma question s'adresse à M. Macron.

Voix à droite.  - Il est absent !

Mme Valérie Létard.  - Après l'annonce de la suppression de 550 emplois en France sur 5 000 salariés dans notre pays, le groupe Vallourec annonce trois plans de sauvegarde de l'emploi dans le Nord, la Côte d'Or et la Seine-Maritime, plus de 300 suppressions de postes sont prévues dans ses deux sites du nord de la France. Face à la dégradation des marchés pétroliers et à la concurrence asiatique, l'inquiétude des salariés grandit, d'autant que Vallourec cherche toujours un actionnaire majoritaire pour son aciérie de Saint-Saulve.

Certes, la concertation animée par le préfet de région témoigne de l'esprit de responsabilité des dirigeants de Vallourec, des services de l'État actionnaire, des élus locaux et surtout des partenaires sociaux.

M. Macron (Exclamations à droite) a pris l'engagement qu'il n'y aurait aucune fermeture de site en France.

Quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour tenir cet engagement ? Quel rôle jouera l'État en tant qu'actionnaire ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Roger Karoutchi.  - Aucun !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - M. Macron est auprès du président de la République cet après-midi. (Exclamations à droite)

Nous partageons votre analyse. Dès l'annonce par Vallourec de son projet de restructuration, M. Macron a souhaité que celle-ci se fasse sans fermeture de site et sans départs contraints.

Le 6 mai dernier, le ministre a reçu les élus du Nord. Fin juin dernier, il s'est rendu sur le site de Saint-Saulve.

L'agence Business France s'efforce de fournir à Vallourec, qui a bénéficié d'investissements massifs et dispose donc d'une capacité industrielle à haut potentiel, notamment à Saint-Saulve, des perspectives.

Des contacts internationaux sont pris afin de trouver un gestionnaire qui ne soit pas seulement un financier mais qui ait également de véritables compétences et des ambitions industrielles.

Une discussion franche et constructive, d'après les organisations syndicales, (Exclamations à droite) a eu lieu hier, sous l'égide du préfet de région.

Le Gouvernement est complètement engagé pour redresser cette entreprise. Il l'accompagnera en termes d'emplois. Nous envisageons une structure de services partagés dans le Valentinois avec Vallourec. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Politique migratoire européenne et Turquie

M. Bruno Retailleau .  - Dimanche dernier, le 18 octobre, Mme Merkel a rencontré à Istanbul M. Erdogan, qui a fait monter les enchères proposant que la Turquie accepte de coopérer sur la question des réfugiés, en échange d'une accélération du processus de négociation en vue de son adhésion à l'Union européenne.

La chancelière aurait accepté de faciliter les discussions sur la politique économique et monétaire, la sécurité et les libertés, comme si de nombreuses questions ne se posaient pas sur ce dernier point.

Dès le 15 octobre, les conclusions du Conseil européen statuaient que « le processus d'adhésion de la Turquie devait être relancé ».

Monsieur le Premier ministre, ce marchandage est inadmissible (Applaudissements à droite). Nous savons que M. Erdogan est davantage préoccupé par la question kurde que par la lutte contre Daech.

Monsieur le Premier ministre, la France dira-t-elle oui ou non à ce processus ? (Applaudissements nourris au centre et à droite)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Je vous réponds ici comme je viens de le faire à l'Assemblée nationale sur le même sujet. La Turquie est un partenaire stratégique de la France et de l'Union européenne de longue date. Elle est membre de l'Otan depuis 1952. Engagée dans un processus de rapprochement avec l'Union européenne depuis plusieurs années, elle est aujourd'hui plus que jamais, située au carrefour d'enjeux majeurs.

Certes, la situation mérite d'être clarifiée. Mais comment chercher une solution sans l'associer, au même titre que d'autres pays importants de la région, si nous voulons que les grandes puissances ne décident pas seules ?

La Turquie est soumise à de fortes pressions : deux millions de réfugiés se trouvent sur son territoire. Notre intérêt est de l'aider et de bâtir avec elle des solutions, de même qu'avec le Liban et la Jordanie. La Turquie est aussi la cible d'attentats, comme celui d'Ankara.

Le contexte politique dans ce pays est complexe à l'approche des élections législatives du 1er novembre.

Le Conseil européen du 15 octobre a décidé d'un plan d'action envers la Turquie, pour garantir l'accueil des réfugiés, lutter contre les passeurs ; l'Union européenne apportera une aide humanitaire et financière à la Turquie sur ce dossier, de même que sur la libéralisation des visas, parallèlement aux négociations sur le processus d'adhésion. À ce propos, 14 chapitres sur 35 ont été ouverts, dont 11 sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Un a été fermé et un ouvert depuis 2013. Le moment venu, la question de l'adhésion de la Turquie, qui demeure une perspective de long terme, sera tranchée par le peuple français.

En attendant, nous restons lucides et attentifs à ce qui se passe au Moyen-Orient. Nous parlons avec tous. C'est notre force. À tous, nous tenons le même langage.

Attention aussi à préserver notre relation avec l'Allemagne qui fait face à un afflux considérable de réfugiés. La solidarité franco-allemande s'impose plus que jamais, au sein d'une Union européenne qui doit relever de lourds défis. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE, écologiste)

M. Bruno Retailleau.  - Solidarité ne signifie pas aveuglement, y compris par rapport à notre principal allié. (Exclamations à gauche) Nous commettons une double faute en laissant miroiter à la Turquie une adhésion. Oui à une coopération renforcée, non à une adhésion future. (Applaudissements à droite)

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Merveilleuse Constitution de la Ve République ...

M. le président.  - Vous avez raison !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  -  ... qui me permet de répondre.

Alignement sur l'Allemagne, jamais. Solidarité, oui, totale et sur tous les sujets. Nous ne sommes alignés sur personne !

Attention aux mots, ce n'est pas un choc de civilisations. Avec la Turquie, comme avec les autres, nous devons être capables de nouer des partenariats sur la base de valeurs communes : Il y a un combat commun des civilisations contre la barbarie. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologistes, RDSE et du groupe socialiste et républicain)

Aide juridictionnelle (II)

M. Jacques Bigot .  - Je destinais ma question à Mme la garde des sceaux pour lui parler de solidarité, de solidarité envers les justiciables les plus modestes. Elle a eu le courage de s'attaquer à une réforme de l'aide juridictionnelle, indispensable pour accéder à la justice judiciaire mais aussi à la justice administrative. Nous en reparlerons lors de l'examen du projet de loi sur la justice du XXIe siècle.

Les avocats sont en grève, ils s'inquiètent des fonds Carpa mais aussi pour les 400 avocats qui assurent l'aide juridictionnelle sur 45 000 et sur les moyens assignés à leur mission. Pouvez-vous les rassurer sur l'engagement financier de l'État ? (Applaudissements sur les bancs écologistes et du groupe socialiste et républicain)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Évidemment, le plus simple était de ne rien faire, voire d'imposer une taxe de 35 euros qui aurait fait barrage à la justice. Et, après moi le déluge ! (Exclamations à droite)

Nous avons fait le choix de la réforme et relevé le plafond d'accès. Le budget de l'aide juridictionnelle était de 275 millions en 2010, il était de 345 millions en 2014, il sera de 375 millions en 2015 et de 405 millions en 2016. (Applaudissements à gauche) Nous relevons le plafond de l'aide juridictionnelle à 1 000 euros et les unités de valeurs jusqu'à 26 ou 30 % après avoir discuté trois ans avec les avocats. Des discussions sont nécessaires car seulement 16 % de la profession assurent 84 % de l'aide juridictionnelle.

Je recevrai de nouveau les avocats demain. Je suis persuadée que nous trouverons un chemin pour réformer l'aide juridictionnelle. (Applaudissements sur les bancs écologistes, du groupe socialiste et républicain ainsi que sur certains bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; protestations à droite)

Communes nouvelles

M. Philippe Bas .  - Nos communes rurales sont désemparées par le mouvement pressant de regroupement, qui s'ajoute à leurs difficultés financières. Certaines cartes présentées par les préfets dépassent allègrement le seuil de 15 000 habitants fixé par la loi et vont jusqu'à 75 000, 100 000, voire 200 000 habitants.

Il faut desserrer le calendrier des nouvelles intercommunalités et des communes nouvelles, afin de les coordonner. Laissez-nous créer des communes nouvelles l'année prochaine avec les mêmes avantages que cette année. Je vous le demande instamment. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique .  - Nous avons demandé aux préfets de présenter des cartes les plus ambitieuses possible...

M. Alain Fouché.  - Autoritaires ! (On renchérit à droite)

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Après quoi on verra en fonction des bornes fixées par la loi.

Les communes nouvelles se créent dans deux types de condition : soit pour s?opposer à une intercommunalité, soit parce que les communes en cause sont trop petites pour assurer les services utiles. Voilà ce que permet la loi Pélissard.

La question du délai imparti va de pair avec celle de la DGF : si on le prolonge, cela créera une dépense supplémentaire, à l'intérieur d'une enveloppe normée. Les autres communes verront donc leurs ressources amoindries d'autant. Si le Parlement le décide dans le cadre de la loi de finances, pourquoi pas ?

M. Philippe Bas.  - Je crains que vous n'ayez pas compris la question. Je vous demande de laisser aux maires du temps pour créer des communes nouvelles. (Applaudissements à droite)

Plan très haut débit

M. Patrick Chaize .  - Le plan très haut débit a été transmis tardivement à la Commission européenne. Les collectivités territoriales sont inquiètes au vu de ses réserves. La Commission risque de juger illégales les aides apportées. Le point bloquant : le soutien à la filière cuivre, les subventions aboutissant à aider l'opérateur historique, propriétaire du réseau. Des collectivités territoriales pourraient être obligées de rembourser des aides déclarées illégales.

Que propose le Gouvernement ? Quid du FCTVA et de l'accord avec la Commission européenne sur le très haut débit ? C'est un vrai enjeu d'aménagement du territoire. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Notre politique d'aménagement du territoire donne la priorité au haut débit, avec pour objectif d'équiper tous les ménages d'ici à 2022. D'ores et déjà, 89 départements se sont dotés d'un plan de déploiement de la fibre. Voilà un résultat ! Le Gouvernement veille à obtenir l'aval de la Commission européenne pour poursuivre ce plan. Sa pertinence n'est pas en jeu mais ses critères.

Quant à vous, monsieur le sénateur, vous serez libre de faire des propositions lors du débat budgétaire. Sans doute vos préconisations seront-elles gagées sur les 150 milliards de baisses d'impôt que vous promettez ! (Applaudissements à gauche ; vives protestations à droite)

Indemnité des élus des syndicats de communes

M. Yannick Botrel .  - La Cour des comptes, il y a quelques jours, a rappelé que les regroupements représentent un enjeu fondamental pour l'organisation de notre territoire.

L'article 42 de la loi NOTRe dispose que « les fonctions de délégués sont exercées à titre bénévole » dans les syndicats de communes et dans les syndicats mixtes. Quand ce changement des règles du jeu s'appliquera-t-il ? Immédiatement ? En 2020, après les prochaines municipales ? En 2017, avec l'application des nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale ?

Autre éclaircissement nécessaire : quelles indemnités exactement sont visées ? Ceux qui se mettent au service de la République, au plus près des territoires, ont besoin d'information. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique .  - Je comprends ces questions, y compris quand elles portent sur les communes nouvelles, monsieur Bas : je vous ai répondu en évoquant le prochain débat budgétaire.

Nous tenons à l'indemnité des élus des syndicats de communes. Le bénévolat ne peut pas être de mise, sauf pour les délégués. Cela a été réaffirmé dans la proposition de loi Sueur-Gourault. Une erreur s'est glissée lors de la CMP sur le projet de loi NOTRe. Le Gouvernement s'en était rendu compte mais il s'était engagé auprès du président Larcher à ne pas déposer d'amendement après la CMP. Nous corrigerons cette erreur à l'occasion du projet de loi de finances rectificative, avec effet rétroactif. Une circulaire a déjà été adressée aux préfets. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ainsi que du RDSE)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Bravo ! (M. Michel Mercier approuve)

Système judiciaire

M. David Rachline .  - La révolte gronde contre votre politique pénale. La grève des avocats et les manifestations de policiers sont partie visible du divorce entre police et justice, qui annonce un divorce entre peuple et justice. Avec vous, les malfaiteurs retrouvent la liberté de violer les femmes et d'agresser les policiers. Votre responsabilité est d'avoir donné aux voyous de toutes les sortes un très fort sentiment d'impunité. Vous avez fait en sorte que le juge d'application des peines devienne un subterfuge (Exclamations à gauche) pour défaire des condamnations prises au nom du peuple français. Remises de peines, autorisations de sortie. Quand allez-vous cesser ?

D'après les chiffres, 240 détenus ont profité d'une sortie pour s'évader. Avez-vous demandé une enquête sur le travail des magistrats qui les ont autorisés ? Quand notre politique pénale défendra-t-elle enfin les victimes plutôt que les bourreaux ? Quand romprez-vous avec une justice inspirée d'une idéologie libertaire et qui ne s'en prend qu'à vos ennemis politiques ? Quand serez-vous le ministre de la justice, et non de l'injustice ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Où avez-vous vu que j'aurais renforcé les pouvoirs du juge d'application des peines ? Vous ne reculez devant aucune inexactitude, aucun raccourci tendancieux. Vous vous en prenez à ceux qui violent la loi mais votre page Facebook héberge des propos qui relèvent d'une condamnation pénale. (Applaudissements à gauche) Votre question procède de la paranoïa ; normal, puisque vous voyez des envahisseurs partout. Lorsque votre parti est attaqué, vous m'accusez de manipuler les juges d'instruction : je tiens un rôle privilégié dans votre entreprise de diffamation. Vous semblez oublier la loi du 25 juillet 2013. Vu votre culture et vos pratiques, on imagine ce que serait la justice si vous étiez au pouvoir. (Applaudissements à gauche)

Nous respectons les victimes, nous les accompagnons. Nous avons doublé le budget de l'aide aux victimes. Nous avons créé pour elles le suivi personnalisé et individualisé, mis en place une prise en charge interdisciplinaire, un réseau national et un pôle d'aide dans chaque tribunal de grande instance.

Ne parlez donc pas de laxisme. Le laxisme, c'est de s'accommoder d'un leader qui cumule condamnations judiciaires et responsabilités politiques. Le laxisme, c'est aussi de ne pas condamner les violences à caractère racial. (Applaudissements vifs et prolongés à gauche ainsi que sur certains bancs du centre ; les sénateurs issus de ces bancs se lèvent pour soutenir la ministre qui les remercie du geste)

M. David Rachline.  - Belle manifestation de la solidarité des médiocres ! (Les sénateurs du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain et citoyen quittent l'hémicycle) Il ne reste aux Français qu'à espérer votre départ, madame la ministre.

Prochaine séance demain, mercredi 21 octobre 2015, à 14 h 30.

La séance est levée à 17 h 45.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques