Justice du XXIe siècle (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 8

M. Yves Détraigne, rapporteur .  - Cet article se situe dans le droit fil du rapport que j'ai cosigné en 2013 avec Virginie Klès, qui préconisait le regroupement du tribunal des affaires de sécurité sociale, du tribunal du contentieux de l'incapacité et de certaines compétences de la commission départementale de l'aide sociale, en juridiction unique échevinée. Le rapport Marshall allait dans le même sens.

Le texte de la commission des lois évite de renvoyer vers une ordonnance - dont le texte d'habilitation était particulièrement peu précis - et propose la création d'une juridiction rattachée au tribunal de première instance, présidée par un magistrat, et dont le greffe serait assuré par celui du tribunal de grande instance.

Un tel tribunal préserverait les qualités des juges des tribunaux sociaux et conforterait les mécanismes amiables existants en droit de la sécurité sociale. Les publics des commissions départementales de l'aide sociale et des tribunaux des affaires de sécurité sociale sont en grande partie les mêmes : orientons-les vers une structure unique. À l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé l'habilitation à réformer les commissions départementales de l'aide sociale qui figuraient dans le projet de loi portant adaptation de la société au vieillissement, renvoyant semble-t-il au présent projet de loi.

Mme Éliane Assassi .  - Cet article est important. La réforme soulève le problème des moyens de la justice sociale et celui de son accessibilité. Les juridictions sociales rendent un demi-million de décisions par an, soit autant que les juridictions pénales, sur des dossiers d'accident du travail ou de prestations sociales. Leur répartition doit être adaptée à la diversité des bassins d'emplois ; la réforme de la carte judiciaire due à Mme Dati reposait sur des critères simplistes. Il faut mettre fin à la pénurie actuelle, scandaleuse. Or le présent article a été insuffisamment préparé, faute de concertation préalable.

Mme Gisèle Jourda .  - Nous sommes nombreux à avoir été sollicités sur cet article par des associations d'accidentés de la vie. Quid de la formation des magistrats et des assesseurs appelés à connaître ces dossiers ? Quid de la procédure particulière devant le tribunal du contentieux de l'incapacité ? Du déroulement des expertises et de leur rémunération ? Des audiences foraines ? Pouvez-vous rassurer le personnel ? Comment s'organisera la période transitoire ? Comment seront gérés les stocks ?

M. Jean-Pierre Sueur .  - Pierre Joxe, dans Soif de justice, estime que les juridictions sociales sont maltraitées car elles sont « la justice des pauvres et le parent pauvre de notre justice ». Il se dit bouleversé par ces mères de famille perdues dans les lacs de la procédure ; Mon ami Pierre Joxe en arrive à la conclusion qu'il faut une réforme profonde. Madame la ministre, vous avez le courage de l'engager. Il y a une logique à rendre le tribunal de grande instance compétent. Le problème réside dans le « rattachement » décidé par la commission des lois, bien imprécis.

Mme la présidente.  - Amendement n°22 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin et Fortassin, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Vall, Bertrand, Collombat et Guérini.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  Les tribunaux de grande instance sont compétents pour connaître en premier ressort :

1° Des litiges relevant des matières mentionnées à l'article L. 142-2 du code de la sécurité sociale et de ceux relevant du contentieux technique de la sécurité sociale défini à l'article L. 143-1 du même code, à l'exception du 4°  ;

2° Des litiges relatifs à la protection complémentaire en matière de santé et à l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé prévues respectivement aux articles L. 861-1 et L. 861-3, d'une part, et à l'article L. 863-1, d'autre part, du code de la sécurité sociale.

II.  -  Les cours d'appel sont compétentes pour connaître des appels interjetés contre les décisions rendues dans les matières mentionnées au I du présent article.

M. Jean-Claude Requier.  - Transférer les compétences sociales au tribunal de grande instance constitue le premier pas vers la simplification attendue de notre système judiciaire, à condition de maintenir la présence des assesseurs des tribunaux sociaux.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°197, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le texte prévoit de transférer les compétences sociales au tribunal de grande instance ; je regrette que la commission des lois s'y soit opposée : le justiciable n'aurait plus à saisir de nombreuses juridictions différentes, cela simplifierait les procédures, harmoniserait la jurisprudence et serait source d'économies de fonctionnement. Toutefois, les spécificités des juridictions sociales doivent être préservées et le tribunal de grande instance devra être déchargé d'un certain nombre d'autres tâches.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Le texte de la commission des lois n'est pas contraire à celui du Gouvernement : il est plus précis puisqu'il précise les contours de la réforme au lieu de les renvoyer à une ordonnance.

M. Charles Revet.  - Les ordonnances, ça suffit !

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Avis défavorable à ces amendements.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°228, présenté par le Gouvernement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - L'article 8 fixe le cadre de la réforme des juridictions sociales en redessinant les missions du TGI ; l'article 52 du titre VII sollicite une habilitation à prendre des ordonnances. À ce stade, nous attendons les résultats d'une mission confiée aux inspections générales des services judiciaires et des affaires sociales. La complexité de la répartition du contentieux social - le « maquis » dénoncé par certains - rend le sujet particulièrement délicat. Ces contentieux concernent surtout des personnes vulnérables ; or le délai moyen est de dix-neuf mois devant les tribunaux des affaires de sécurité sociale et de douze mois devant les tribunaux du contentieux de l'incapacité. C'est une violence considérable, à laquelle nous souhaitons remédier.

La question de l'échevinage ne se pose plus guère, non plus que celle de la formation des assesseurs, qui pourront être formés à l'École nationale de la magistrature. Les particularités de la procédure pourraient être maintenues - la question se pose cependant du caractère facultatif du ministère d'un avocat.

Ancienne députée moi-même, je connais la réticence extrême des parlementaires à habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances, surtout lorsqu'elles emportent de telles conséquences ; mais en l'absence des conclusions de la mission d'inspection, il était plus prudent de se contenter de fixer des principes dans la loi et de laisser à des ordonnances ultérieures le soin de préciser les choses. Je m'engage à vous transmettre le détail de mes réflexions sur le contenu des ordonnances, avec la force du précédent, car je l'ai toujours fait.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Nous poursuivons le même objectif, c'est incontestable. Le législateur, vous le savez, préfère toujours aller au bout de sa compétence plutôt que de sauter dans l'inconnu. Cette réforme n'est pas une demi-mesure. Menons-la au bout de sa logique.

Vous demandez un délai pour prendre des ordonnances ; nous vous en donnons un pour prendre des décrets... Nulle précipitation de part et d'autre. Quoi qu'il en soit, d'ici à 2017, les moyens devront être réunis pour une mise en oeuvre effective de la réforme.

M. Charles Revet.  - Madame la ministre, vous avez été parlementaire. Les demandes d'habilitation à légiférer par ordonnances se multiplient et concernent de plus en plus de textes, bientôt tous ! Si vous aviez été en possession des résultats de la mission d'inspection, vous nous les auriez opposés pour justifier votre demande d'habilitation ! J'ajoute que si la procédure accélérée n'avait pas été engagée, nous aurions pu y travailler au cours de la navette et trouver un terrain d'entente.

Les amendements identiques nos22 rectifié, 197 et 228 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°242, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission.

I.  - Alinéa 2

Après la référence :

IV

insérer les références :

du titre IV du livre Ier

II.  - Alinéa 76

Remplacer la référence :

L. 142-18

par la référence :

L. 142-19

III.  - Alinéa 99

Remplacer le mot :

première

par le mot :

deuxième

IV.  - Alinéa 100

Après le mot :

phrase

insérer les mots :

du premier alinéa

L'amendement de coordination n°242, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°124 rectifié, présenté par MM. Bignon, Masclet et Grosdidier, Mmes Gruny et Cayeux et MM. Vasselle et Lefèvre.

Alinéa 36

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« Une cour nationale spécialement désignée connaît en appel des jugements rendus ...

M. François Grosdidier.  - Nous défendons le maintien d'une cour d'appel spécifique pour le contentieux de la sécurité sociale. Celui-ci, très spécialisé, ne mobilise que quatre magistrats. Supprimer cette spécificité ne renforcerait aucunement la proximité puisque la procédure est écrite, et ferait perdre la compétence technique. Au lieu de cela, nous proposons de transformer la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail en Cour nationale de la sécurité sociale.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Cet amendement va à l'encontre aussi bien de la commission que du Gouvernement. Nous considérons qu'il est préférable de confier au tribunal de grande instance le contentieux social en premier ressort et de maintenir des juridictions spécialisées en appel. Retrait ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Il ne s'agit pas de supprimer la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail mais de rassembler les compétences sociales au sein du pôle social du tribunal de grande instance et de maintenir des juridictions spécialisées en appel. L'argument de la proximité n'est pas complètement indifférent. Convenez-en, car le justiciable peut vouloir assister à l'audience. Retrait ?

L'amendement n°124 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°144, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 62

Supprimer le mot :

religieusement

Mme Éliane Assassi.  - Le serment a été modifié en 2007 : l'adverbe « religieusement » en a été retiré. Il convient de le faire ici aussi. Notre groupe est soucieux de limiter l'intrusion de religieux, aussi minime soit-elle, dans les services publics.

Mme la présidente.  - Amendement n°143 rectifié, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'alinéa 64

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'exercice des fonctions d'assesseur ne peut être une cause de sanction ou de rupture du contrat de travail. Le licenciement d'un assesseur est soumis à la procédure d'autorisation administrative prévue par le livre IV de la deuxième partie du code du travail pour les conseillers prud'hommes.

Mme Éliane Assassi.  - La rédaction de la commission des lois omet d'accorder un statut de travailleur protégé aux salariés assesseurs, comme cela existe pour les conseillers prud'hommes.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Avis favorable à l'amendement n°144 puisque nous avons adopté un amendement similaire hier dans le cadre de la loi organique. Même avis sur l'amendement n°143 rectifié.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - L'amendement n°144 est cohérent avec les dispositions adoptées dans la loi organique. Je ne peux évidemment pas être hostile à l'amendement n°143 rectifié, mais il porte sur la rédaction de la commission, que le Gouvernement ne souhaitait pas voir retenue...

L'amendement n°144 rectifié est adopté, de même que l'amendement n°143 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous voterons contre cet article, car la rédaction de la commission des lois a été conservée...

L'article 8, modifié, est adopté.

ARTICLE 9

Mme la présidente.  - Amendement n°198, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article L. 211-4 du code de l'organisation judiciaire, il est inséré un article L. 211-4-... ainsi rédigé :

« Art. L. 211-4-...  -  Le tribunal de grande instance connaît des actions en réparation d'un dommage corporel. »

M. Jacques Bigot.  - Le projet initial d'article 9 conférait la compétence exclusive pour la réparation du préjudice corporel au tribunal de grande instance en modifiant l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire. La commission des lois a validé l'exclusivité de cette compétence mais en l'excluant de celle du tribunal d'instance. Cet amendement l'inscrit dans un nouvel article L. 211-4-1 du COJ.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - C'est contraire à la position de la commission des lois, qui a privilégié la lisibilité du dispositif. Il s'agit d'une dérogation aux compétences du tribunal d'instance. En outre, cet amendement ne précise pas que le tribunal de grande instance aurait une compétence exclusive en matière de réparation de dommages corporels. Les justiciables risquent dans ce cas de ne pas savoir qui saisir lorsque les dommages sont inférieurs à 10 000 euros.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Avis favorable pour une raison légistique : cet amendement améliore opportunément la rédaction de l'article.

M. Jacques Mézard.  - Le TGI est la juridiction de droit commun, il a donc compétence générale, sauf pour les contentieux expressément confiés au tribunal d'instance. Ne renversons pas les principes !

M. Jacques Bigot.  - Le code de l'organisation judiciaire définit malgré tout des domaines de compétences du TGI. Si l'on préfère modifier les compétences du tribunal d'instance, je suis prêt à retirer l'amendement, l'essentiel est de simplifier les choses.

L'amendement n°198 est retiré.

L'article 9 est adopté.

ARTICLE 10

Mme la présidente.  - Amendement n°145, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Les transferts de contentieux entre tribunaux d'instance et tribunaux de grande instance obéissent à une logique purement gestionnaire. Rien ne justifie le transfert des compétences du tribunal de police, juridiction de proximité. Craignant un démantèlement progressif de la justice de proximité, nous proposons de supprimer cet article.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Ce transfert rationalisera notre organisation judiciaire et évitera aux Parquets de faire la tournée des tribunaux d'instance sur un contentieux devenu résiduel. La commission des lois aimerait cependant en savoir plus sur l'incidence de la réforme en termes financiers et de ressources humaines : l'étude d'impact est bien maigre à ce propos...

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - L'argument de la proximité peut s'entendre, mais ces affaires peuvent avoir des conséquences plus graves que certaines affaires correctionnelles : pensez aux violences aux personnes. Leur transfert au TGI se justifie, avis défavorable.

Le dialogue de gestion, Monsieur le rapporteur, permet de définir les besoins pour aboutir à la « CLE », circulaire de localisation des emplois. Les contraintes sont réelles, mais le recrutement des magistrats et de greffiers en nombre important permettra bientôt de combler les manques.

Enfin, le budget pour l'immobilier des tribunaux de police s'élèvera en 2016 à quelque huit millions d'euros.

L'amendement n°145 n'est pas adopté.

L'amendement n°23 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°199, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

M. Jacques Bigot.  - Le tribunal d'instance est le tribunal de la proximité. Or une contravention, certes non négligeable, est moins sévèrement réprimée qu'un délit. Le justiciable doit ressentir que, s'il est convoqué au TGI, c'est pour une affaire grave, délictuelle.

Enfin, transférer le tribunal de police au TGI, au sein d'un pôle pénal c'est le placer sous la supervision du procureur, ce qui représente un changement non négligeable et nous semble malvenu.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Vos inquiétudes sont légitimes, il n'est pas indifférent en effet que des affaires de gravité inégale soient jugées par des juridictions différentes. Mais chacun pourra se référer à l'intention du législateur : il ne s'agit pas, ici, de se montrer plus sévère qu'il ne convient à l'égard des contrevenants. Retrait ?

M. Jacques Bigot.  - Il existe déjà des audiences à juge unique au sein des TGI. La confusion me paraît dangereuse : au cours de la même audience, le même juge statuera successivement comme juge correctionnel et comme juge du tribunal de police.

L'amendement n°199 n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

Mme la présidente.  - Amendement n°25 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell, Amiel, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier et Vall.

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L'article L. 3421-1 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois, sous réserve du troisième alinéa, la première infraction constatée est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la troisième classe. » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « de ce délit » sont remplacés par les mots : « du délit prévu au premier alinéa » ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le conseil communal ou intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance est informé du nombre d'infractions constatées pour le premier usage de stupéfiants. » ;

2° Après l'article L. 3421-1, il est inséré un article L. 3421-1-... ainsi rédigé :

« Art. L. 3421-1-...  -  Dans le cas prévu à la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 3421-1, la contravention est accompagnée des coordonnées des centres spécialisés de soins aux toxicomanes les plus proches. » ;

3° Au second alinéa de l'article L. 3421-2, les mots : « lorsque le délit a été constaté » sont remplacés par les mots : « lorsque l'infraction a été constatée » ;

4° Au début du premier alinéa de l'article L. 3421-4, les mots : « La provocation au délit prévu » sont remplacés par les mots : « La provocation à l'infraction prévue ».

M. Jean-Claude Requier.  - Cet amendement, présenté à plusieurs reprises, ici même, et encore il y a peu dans le cadre du projet de loi de santé publique, vise à réprimer la première consommation de drogue illicite par une sanction proportionnée, effective, donc facile à appliquer, soit une amende de la troisième classe.

Selon l'Observatoire de la toxicomanie, la consommation de cannabis est en hausse constante. Il faut réagir. Que nul n'y voie un premier pas vers la dépénalisation ; mais la réponse pénale actuelle est une impasse, M. Milon le disait déjà en 2011. L'hétérogénéité de la réponse pénale qui prévaut actuellement est malvenue.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Cet amendement reprend en effet, une proposition de loi adoptée par le Sénat en décembre 2011, jamais inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. M. Mercier, alors garde des Sceaux, s'y était déclaré défavorable : le déclassement en contravention serait contraire à la fermeté qu'il convient d'afficher contre la toxicomanie. En outre, vous ne distinguez pas entre les drogues. L'ordonnance pénale permet déjà un traitement rapide, simple et souple dans la plupart des cas. La mesure proposée interdirait de surcroît le placement en garde à vue des personnes concernées, au risque de laisser les forces de l'ordre désarmées face aux trafiquants. Ces arguments restent toujours aussi valables, avis défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Même avis. En effet, vous ne distinguez pas entre les drogues, et n'autorisez pas à prononcer des peines telles que la confiscation ou l'obligation de suivre un stage.

La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) rendra d'ici à la fin de ce mois un rapport à ce sujet, après un travail de près d'un an. Attendons-le.

L'amendement n°25 rectifié est retiré.

Les articles 11, 12 et 13 sont successivement adoptés.

ARTICLES ADDITIONNELS

Mme la présidente.  - Amendement n°34 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Guérini et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Après l'article 13

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le quatrième alinéa de l'article 17 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : 

« ...° De communiquer au Conseil national des barreaux la liste des avocats inscrits au tableau, ainsi que les mises à jour périodiques, selon les modalités fixées par ce dernier ; ».

M. Jean-Claude Requier.  - Cet amendement précise que les conseils de l'ordre au Conseil national des barreaux se voient communiquer la liste des avocats inscrits au tableau, ainsi que les mises à jour périodiques de ces listes.

Mme la présidente.  - Amendement n°33 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Guérini, Castelli, Collin et Fortassin, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall.

Après l'article 13

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 21-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il détermine, en outre, les modalités et conditions de mise en oeuvre de la communication électronique des avocats, notamment avec les juridictions. »

M. Jean-Claude Requier.  - Celui-ci donne une base légale aux décisions prises par le Conseil national des barreaux pour déterminer les modalités et conditions de consultation et d'échanges électroniques sur la plateforme « e-barreau ».

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Avis défavorable à ces amendements qui ne relèvent pas de la loi mais plutôt de la pratique.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Il conviendrait d'encadrer les pouvoirs ainsi conférés au Conseil national des barreaux (CNB)...

Je comptais vous proposer des sous-amendements, mais ils n'ont apparemment pas emprunté les bons circuits... Il ne serait pas pertinent de les présenter en séance, alors qu'ils comportent de nombreuses références que vous ne pourriez vérifier incontinent. Retrait ?

Les amendements nos34 rectifié et 33 rectifié sont retirés.

ARTICLE 13 BIS

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Cet article, introduit en commission, a suscité des réactions. On m'a accusé de prendre les greffiers pour des pions, susceptibles d'être déplacés au gré des humeurs des chefs de cour. Il n'en est rien, évidemment. Je les estime au contraire si indispensables que je propose une mutualisation. La souplesse laissée aux chefs de juridiction n'est nullement synonyme d'arbitraire.

Cette mutualisation des effectifs était le principal intérêt de la création d'une juridiction de première instance, que je proposai naguère avec Mme Virginie Klès. Mais il était déjà possible de mutualiser les effectifs des juridictions existantes.

J'ai proposé des garanties pour le personnel, pour les soustraire au risque d'arbitraire. En aucun cas, il ne s'agit de déshabiller Paul pour habiller Jacques...Je tenais à faire ici cette mise au point tant cet article a fait couler d'encre ces dernières 48 heures...

Mme la présidente.  - Amendement n°223, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Merci de vos éclaircissements, monsieur le rapporteur. Cet article est pour vous une étape vers la création d'un tribunal de première instance (TPI), que nous avons nous-mêmes envisagée, mais qui fit l'unanimité contre elle. Je vous en ai dit hier les raisons : la réforme de la carte judiciaire de 2008 fut un traumatisme, on craint qu'il ne se répète, alors même que la pratique du Gouvernement va en sens inverse. Le principe même d'une réforme était admis, mais la méthode a choqué, et les décisions prises ont créé de véritables déserts judiciaires.

En arrivant place Vendôme, j'ai annoncé vouloir revoir la carte pour panser les plaies. Tollé général, on m'a dit : « N'y touchez plus ! ». Cette dimension psychologique doit être prise en compte : quand on a vu sa vie bouleversée par un déménagement, on ne veut pas que cela recommence. Il fallait écouter et tenir compte de ces inquiétudes, de ces traumatismes toujours vivaces.

Dans ces conditions, il n'est pas raisonnable d'imposer à présent la création d'un tribunal de première instance. Dès lors, la mutualisation des greffes va présenter bien des inconvénients. À tout moment, un greffier pourra être déplacé d'une juridiction à l'autre. Cela mérite tout de même, pour le moins, une concertation, et quelques amortisseurs !

Vous évacuez d'ailleurs les prérogatives actuelles des chefs de cour, et ce faisant mettez à mal la dyarchie actuelle et le rôle du procureur, mais aussi celui de la direction des services judiciaires, du directeur des greffes, le rôle de la chancellerie et de la commission administrative paritaire.

Si ce n'est plus une étape vers le tribunal de première instance, c'est pour le moins malvenu.

Plutôt que de déplacer le personnel, pourquoi ne pas rééquilibrer l'activité, là où il y des manques ? C'est dans cet esprit que j'ai confié à Serge Daël une mission d'évaluation de la carte judiciaire.

Lors de la remise de votre rapport, je vous ai reçu à la Chancellerie, nous avons tenu une séance de travail à cette occasion et je sais votre souci d'adaptation aux réalités du terrain. Je vous demande donc, avec une certaine insistance, de bien vouloir accepter cet amendement et de revenir sur votre projet.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Voici une raison de plus de regretter la procédure accélérée... Notre proposition suscite des inquiétudes, il aurait été utile de la préciser au cours de la navette. Je suis partagé car j'aimerais être sûr que l'idée n'est pas définitivement enterrée. Je préfèrerais que l'article fût maintenu, pour en discuter avec les députés. Votre proposition s'apparente tout de même à un enterrement de première classe !

M. Michel Mercier.  - J'ai créé autant de juridictions que vous, Madame la Ministre, mais jamais chez mes amis politiques, c'est là la seule différence. Assez d'histoires ! Le Gouvernement n'apporte pas la lumière là où le précédent aurait agi dans les ténèbres...

Le transfert des compétences entre tribunal d'instance et TGI aura nécessairement des conséquences sur les greffes. Mutualisation ou non, il faudra bien en tenir compte.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Merci au rapporteur pour son honnêteté intellectuelle. Mais je souhaite répondre à M. le ministre Mercier. Je n'ai pas tenu les propos binaires que vous me prêtez, je suis incapable de penser ainsi, j'ai seulement rappelé les faits. Je n'ai jamais contesté que vous ayez ouvert des juridictions : j'étais à l'inauguration de la Cour d'appel de Cayenne, que j'avais réclamée depuis quinze ans. Quant à votre allusion sur mes amis politiques, vous évoquiez, je suppose, le rétablissement du TGI de Tulle.

M. Michel Mercier.  - J'avais commencé à réfléchir à son rétablissement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  -  C'est donc qu'il était nécessaire ! Il ne s'agit d'ailleurs pas d'un « ami politique », mais du président de la République : on fait preuve ici, je le sais, d'un grand respect envers les institutions. Tulle était le seul chef-lieu qui eût perdu son TGI en vertu de la refonte de la carte judiciaire de 2008...

M. Roland Courteau.  - Bizarre !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - ...malgré la présence du siège du conseil général, d'une maison d'arrêt, d'un service pénitentiaire d'insertion et de probation et d'un volume de contentieux, en matière civile et pénale, supérieur à celui du TGI de Brive ! Et vous venez dire que je favorise mes amis ?

Pour en venir au sujet qui nous occupe, les transferts auront évidemment des conséquences en termes de personnel : j'ai évoqué la CLE et rappelle que le garde des sceaux procède aux affectations, après avis de la commission administrative paritaire.

Nous regrettons tous le recours à la procédure accélérée, et, tout à la fois la longueur des navettes parlementaires lorsqu'elles ont lieu. La durée moyenne d'examen d'un texte de loi, hors procédure accélérée, n'est-elle pas d'une trentaine de mois ? Est-ce vraiment souhaitable ? Cela n'appelle-t-il pas une réflexion sur la procédure parlementaire ?

En cas de procédure accélérée, nous faisons en sorte qu'elle ne nuise pas à la qualité du travail mené : des rencontres sont organisées avec les rapporteurs, le ministère met tous les documents utiles à leur disposition.

Pardon, mais confier le pouvoir d'affectation au seul chef de juridiction, sans y associer les directeurs des greffes ni les chefs de cour, ce n'est pas sans incidence !

Pour un traitement respectueux et le moins douloureux possible du personnel concerné, je réitère ma demande de suppression de l'article et l'assurance que la Chancellerie se tient à votre entière disposition pour travailler sur ce dossier, avec vous et les députés.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Madame la ministre, je ne vous comprends pas. Vous voulez que nous légiférions vite et, en même temps, vous nous demandez d'aller plus lentement, comme sur le regroupement des juridictions sociales. Je salue la passion que vous mettez à la défense des positions du Gouvernement, mais l'article 13 bis n'a d'autre but que d'autoriser le président du TGI à affecter des greffiers entre juridictions d'une même ville ! Ce n'est quand même pas la révolution...

Le Gouvernement se plaint de la lenteur du travail parlementaire. L'existence du Sénat vous gêne-t-elle ? La censure par le Conseil constitutionnel d'une dizaine d'articles du projet de loi portant transposition de directives européennes, examinés en juillet à la va-vite, aurait dû vous servir de leçon...

La question n'est pas de légiférer vite mais de légiférer bien. Le tamis de la navette parlementaire est utile. En tout état de cause, restons conscients des enjeux de cet article, somme toute assez modeste.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le sujet important, il s'agit du traitement qu'on réserve à des personnels de justice, notamment des fonctionnaires de catégorie C ; changer de lieu de travail n'est pas anodin, même au sein d'une même ville : temps de trajet, possibilité de rentrer déjeuner chez soi... Je ne m'autorise pas à considérer que c'est une petite affaire. Cet article donne tout pouvoir au président du TGI sans considération pour les responsabilités du procureur, des chefs de cour ou du directeur des greffes ni pour le dialogue social.

Vous me reprochez d'aller vite mais, dans le même temps, vous accélérez le rythme en réécrivant dans le détail l'article 8 sur les juridictions sociales. J'ai trop de respect pour la loi pour céder à la polémique. Pensons aux conséquences de la loi sur la vie des gens, conséquences auxquelles nous échappons d'ailleurs souvent...

À la demande de la commission des lois, l'amendement n°223 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°37 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 155
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

À la demande de la commission des lois, l'article 13 bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°38 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 187
Contre 155

Le Sénat a adopté.

L'article 14 est adopté.