Financement de la sécurité sociale pour 2016 (Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Aline Archimbaud .  - La sécurité sociale est un pilier de notre République. Lutter contre son déficit chronique sans remettre en cause ses principes fondateurs est une gageure. Selon nous, la baisse de ce déficit - dont il faut se réjouir - ne saurait être durable si l'on ne combat plus efficacement les maladies chroniques, liées notamment à la dégradation de l'environnement, ou à une mauvaise alimentation, responsables de 86 % des décès selon l'OMS. En France, 80 % des dépenses de santé sont dues à des maladies non transmissibles. Le surcoût dû aux maladies chroniques sur à peine vingt ans équivaut à quatre fois la dette de l'assurance maladie !

Le groupe écologiste espère être écouté sur ce point. Le diesel, en particulier, émetteur de particules fines et de dioxyde d'azote (NO2), fait l'objet d'amendements de notre part depuis des années. Quelques semaines avant le scandale Volkswagen, nous demandions encore, en vain, des expertises indépendantes...

Les renoncements aux soins et difficultés d'accès aux soins, eux aussi, coûtent cher. Entre 21 % et 34 % des personnes éligibles à la CMU-C n'auraient pas fait valoir leurs droits, selon les chiffres officiels ! L'individualisation de la gestion des droits à l'assurance maladie est bienvenue, de même que la garantie d'une pension alimentaire minimale, la prévention plus efficace du cancer du sein et l'accès facilité à la contraception pour les mineures. Mais il reste beaucoup à faire.

Nous nous prononcerons en fonction de l'issue de nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

M. Gilbert Barbier .  - La politique du Gouvernement est marquée, dans le domaine des finances sociales, par une grande continuité : des mesurettes pour limiter plus ou moins facticement les déficits, sans réformes structurelles ! On parle de manière trompeuse de réduction des dépenses, quand on ne fait que stabiliser leur rythme de progression...

L'article 17, sur le transfert à la Cades des déficits de l'Acoss, est un exemple d'artifice. La Cour des comptes estime pourtant qu'une hausse de 0,23 point de la CRDS suffirait à combler le déficit. Comme le dit le président Migaud, « en matière de déficit, les miracles sont assez exceptionnels et la magie fonctionne rarement ». (Sourires)

Le déficit de la branche vieillesse, stabilisé, n'en demeure pas moins, sans parler de celui du FSV de 3 milliards. Quant à la branche famille, les mesures prises ont été brutales - et la baisse concomitante de la natalité n'est sans doute pas une simple coïncidence. La réorganisation du secteur hospitalier est indispensable. Les établissements sont beaucoup trop nombreux, l'offre inégalitaire. Avec les nouvelles techniques, le critère de proximité n'est plus déterminant pour les patients ; la sophistication des soins est telle qu'on ne peut pas tout faire partout... Enfin le Gouvernement a pris conscience du problème - même si les mesures annoncées me surprennent...

À périmètre constant, l'Ondam progressera de 1,75 %. Mme Orliac, députée de votre majorité, dénonce les conséquences désastreuses pour l'industrie pharmaceutique de vos mesures d'économie sur le médicament. Ce n'est pas ainsi que l'on encouragera l'industrie pharmaceutique à investir en France ! Votre politique du médicament n'a pas de ligne directrice. On entre dans une impasse à vouloir raboter sans discernement : parmi les 350 classes thérapeutiques, les 10 qui ont connu la plus forte augmentation de leur chiffre d'affaires l'an dernier concernent les médicaments les plus innovants.

Le Gouvernement veut étatiser notre système de santé. Résultat, les professionnels déplaquent pardon de ce néologisme. (Applaudissements à droite)

Mme Laurence Cohen .  - Ce projet de financement de la sécurité sociale, en cette année du soixante-dixième anniversaire, était attendu. Mais il ne s'agit pour le Gouvernement que d'économiser sur la santé en même temps qu'il allège les cotisations sociales des patrons. Pourquoi donc s'entêter alors que l'échec de cette politique est patent ? Les exonérations patronales représenteront 33 milliards en 2016, 41 milliards en 2017...

Vous voulez transférer notre système de sécurité sociale en un filet de sécurité minimale pour les plus pauvres, les plus précaires, les plus âgés. La baisse des déficits est présentée comme une victoire. À quel prix ? La baisse des allocations familiales, la dégradation des soins, et même de la prise en charge des retraites des agences de sécurité sociale - dans le Nord notamment.

Bref, vous poursuivez la politique de la droite. La réforme des retraites de 2014 n'a fait que poursuivre celle de 2003, en reportant l'âge de départ à la retraite. Et la commission des affaires sociales va encore plus loin. Quelle indécence, quand la pauvreté progresse chez les retraités !

L'excédent de la branche AT-MP masque une sous-déclaration des entreprises. Et l'on fait servir les victimes de variables d'ajustement au patronat. Comme dans le projet de loi Santé, on ne part pas des besoins de la population, mais d'une enveloppe budgétaire.

La mise en place des groupements hospitaliers de territoire masque mal les fermetures de lits et d'établissements. Les gens tout juste opérés sont renvoyés chez eux, pour ne se voir offrir que des soins ambulatoires...

Le personnel des hôpitaux, déjà surchargé, se voit imposer des contraintes nouvelles ; d'ici 2017, 22 000 emplois auront été supprimés à l'AP-HP - une nouvelle manifestation aura d'ailleurs lieu le 19 novembre prochain. Peut-on même parler d'Ondam à propos de la psychiatrie et les soins de suite et de rééducation, qui aura une progression de 0 %, soit une économie imposée de près de 715 millions d'euros ? Comment ne pas voir là l'effet des exigences de Bruxelles ?

L'Ondam des soins de ville, fixé à 2 %, réduit encore davantage la marge des médecins pour faire face à leurs missions. On parle de prévention, mais les moyens manquent.

Ce texte contient heureusement quelques dispositions positives, mais c'est une maigre consolation. Année après année, vous renoncez au caractère universel de la sécurité sociale. Ce que vous présentez comme une avancée avec les complémentaires n'est que la poursuite du processus de privatisation de celle-ci... La Puma est un faux-semblant à cause de son financement.

Nous proposerons une prise en charge à 100 % des frais de santé ; cela suppose de dégager de nouvelles recettes en faisant contribuer les revenus financiers, en taxant le patrimoine des plus riches, en pénalisant plus sévèrement les manquements à l'obligation d'égalité salariale entre hommes et femmes. La fraude aux cotisations patronales a été estimée par la Cour des comptes à 20 milliards en 2012 : voilà un autre chantier auquel s'atteler. Il faudrait en outre augmenter le taux des retraites chapeaux, revenir sur les exonérations liées au CICE qui n'ont pas eu d'effet sur l'emploi, la formation ou l'investissement productif. Nous souhaitons aussi supprimer la modulation des allocations familiales et rétablir la prime à la naissance dès le septième mois de grossesse. Je regrette enfin que nous ayons appris par voie de presse certaines mesures que le Gouvernement entend prendre pour inciter à l'installation des médecins.

Il est temps de mettre un terme à la fuite en avant, de trouver de nouveaux financements, justes et efficaces, conformément aux principes fondateurs qui ont guidé Ambroise Croizat. Espérons que notre débat se termine différemment qu'en commission des affaires sociales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Yves Daudigny .  - J'aborderai aussi l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale avec solennité, en ce 70e anniversaire de la création de la sécurité sociale.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est un texte de responsabilité et de justice. Les chiffres le prouvent : le reste à charge des assurés a baissé de 9,1 % à 8,5 % depuis 2012, tandis que le déficit du régime général a été réduit de 8 milliards, soit de 40 %, en seulement trois ans. En 2016, la branche AT-MP sera excédentaire pour la quatrième année consécutive, la branche vieillesse sera à l'équilibre pour la première fois depuis 2004 et le déficit de la branche famille aura été divisé des deux tiers. Le déficit des régimes obligatoires de base se réduit de 3 milliards.

Les hypothèses de croissance qui fondent ce projet de loi de financement de la sécurité sociale sont jugées réalistes par le HCFP et l'OCDE. La maîtrise de l'Ondam à 1,75 % n'a pas suscité de réserve de la part du comité d'alerte.

Ce texte prévoit 9 milliards d'allègements supplémentaires en faveur des entreprises, entièrement compensés. Les réformes structurelles sont poursuivies, dont celle du RSI après la « catastrophe industrielle » de 2008, un nouveau mode de financement des SSR établi.

Ce texte est de justice avec la garantie des impayés de pension alimentaire, la création de la Puma, la prise en charge des victimes du terrorisme, l'accès à une complémentaire santé pour les plus de 65 ans et les travailleurs précaires - qui ne doit pas fragiliser le modèle mutualiste. Une politique réformatrice est à l'oeuvre conformément à la stratégie nationale de santé, avec le développement de la prévention de l'obésité, le dépistage du cancer du sein, l'accès à la contraception des mineures.

Le déficit de l'assurance maladie restera de 6 milliards d'euros et la situation du secteur hospitalier reste tendue. Les officines de pharmacie sont fragilisées. Le déficit du FSV est fortement tributaire du taux de chômage. La dette sociale, elle, a diminué en 2015 pour la première fois en douze ans, de 3 milliards d'euros.

Le Gouvernement a anticipé la reprise de dette de la Cades par l'Acoss de 23,6 milliards. C'est une bonne chose ; mais la reprise des déficits des années à venir reste posée.

L'histoire nous enseigne la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements, disait Jaurès. Madame la ministre, vous pouvez compter sur notre entier soutien à la politique du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Corinne Imbert .  - En cette année du soixante-dizième anniversaire de la sécurité sociale, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s'inscrit dans la continuité des précédents : il manque de réformes structurelles et le déficit du régime général atteint 12,8 milliards, FSV inclus. Le président de la République ne tiendra pas sa promesse de ramener nos comptes sociaux à l'équilibre...

Les dépenses sociales représentent 32 % du PIB en France contre 22 % en moyenne dans l'OCDE ; elles sont financées à crédit depuis vingt ans. Notre système ne deviendra pas centenaire... Il nous faut construire une protection sociale adaptée aux besoins de l'heure, engager pour les retraites une réforme systémique.

L'ordonnance du 24 janvier 1996 prévoit que les déficits doivent être repris à l'Acoss au titre des années 2011 à 2017 avant le 30 juin de chaque année. Cette reprise de dette est encadrée par un double plafond, 62 milliards sur la période et 10 milliards par an. L'article 17 du présent texte ouvre la possibilité de saturer dès 2016 le premier plafond en franchissant le second, soit une reprise en 2016 de 23,6 milliards. Ce dispositif est bienvenu ; mais la Cour des comptes recommandait aussi une augmentation de la CRDS. Le Gouvernement a manqué de courage. En 2018, l'Acoss aura encore près de 30 milliards de dette à gérer. Espérons que les taux d'intérêt ne remonteront pas...

De nombreuses mesures sont empreintes de précipitation. Heureusement que l'Assemblée nationale a conservé les dispositifs zonés d'exonération de charges. L'article 12 n'a pas été bien évalué : l'Urssaf ne pourra pas à structure inchangée assurer ses nouvelles missions. Nous proposons de le supprimer.

De même, pourquoi adopter un nouveau mécanisme sur les complémentaires sans attendre les conclusions du rapport commandé il y a un mois à l'Igas ? Le nouveau mécanisme de tarification des services de soins de suite et de réadaptation de l'article 49 fait consensus sur le principe, mais il n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact ; je proposerai un amendement instaurant une expérimentation préalable. De même, attention à l'article 48, sur le calcul du ticket modérateur - je proposerai sa suppression.

Les économies projetées pour l'assurance maladie risquent de mettre à mal l'industrie pharmaceutique et de freiner ses efforts de recherche. La médecine de ville devrait être mieux traitée et les 500 millions dévolus à l'ambulatoire partent d'un principe louable, mais nous n'approuvons pas la méthode, trop insoucieuse de l'intérêt du patient.

Ce texte sera insuffisant pour donner un nouveau souffle à notre sécurité sociale. Nous attendons des réformes structurelles. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Olivier Cigolotti .  - Je salue l'approche objective des rapporteurs des différentes branches et de notre rapporteur général.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale porte à nouveau un budget plus élevé que celui de l'État : 472 milliards de recettes, 478 milliards de dépenses.

Si la tendance est à l'amélioration des comptes, le déficit perdure : 9,3 milliards en incluant le FSV. Peut-être serait-il temps de changer de méthode avec un Ondam pluriannuel ? Les Français sont inquiets pour l'avenir de notre sécurité sociale, d'autant plus que le retour à l'équilibre est repoussé à 2020. De même le déficit de l'assurance chômage s'élève à 3,5 milliards.

Le report de la prime de naissance au deuxième mois après la naissance et non au septième mois de grossesse n'est pas conforme aux objectifs de notre politique familiale - soutenir la natalité. L'Ined a pourtant démontré l'utilité de ce type d'aides, comme l'allocation de rentrée scolaire ou les aides à la garde d'enfant pour aider les femmes à concilier travail et vie familiale. D'ailleurs les places en crèche manquent également puisque seul un enfant sur deux en bénéficie.

Le projet de loi prévoit aussi le transfert au budget de l'État de l'allocation logement famille. Finalement, la réduction du déficit de la branche famille n'est que d'affichage ou dû à la baisse des prestations bénéficiant aux familles, qui atteint 2,63 milliards.

En revanche je salue la garantie des impayés de pensions alimentaires : 40 % d'entre elles sont en effet payées partiellement, voire pas payées.

L'excédent de la branche AT-MP se confirme grâce à la baisse des accidents du travail. Je regrette toutefois que l'État se désengage du Fiva puisque 4,3 des 4,6 milliards de son budget sont financés par la branche AT-MP et que celle-ci financera encore une fois la branche maladie.

Le groupe UDI-UC regrette que ce projet de loi soit incomplet et flou sur de nombreux points. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean Desessard .  - Je ne rappellerai pas le contexte de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, couronnement des luttes des travailleurs. Sous l'impulsion d'Ambroise Croizat, la protection sociale est passée des mains du privé à celles d'associations paritaires oeuvrant pour l'intérêt général. C'est l'un de nos acquis sociaux les plus importants.

Pourtant aujourd'hui les libéraux ont le vent en poupe et les dépenses sociales sont perçues comme un coût, les cotisations comme des charges... Il est regrettable que le Gouvernement s'inscrive dans cette logique.

Les écologistes sont attachés à l'idéal de justice. Ce sont les entreprises qui bénéficient le plus de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale : exonération de C3S jusqu'à 19 millions de chiffre d'affaires, baisse des cotisations familiales, tout cela sans condition ni contrepartie... Nous n'avons pas la même analyse de la situation économique : les entreprises ont refait leurs marges ! Et les inégalités augmentent... Le Gouvernement croit toujours au pacte de responsabilité mais ses effets se font attendre. Une politique de relance pure est aussi vouée à l'échec qu'une politique d'offre sûre.

C'est pourquoi les écologistes proposeront de supprimer les articles 7 et 8 ; de poursuivre la démarche initiée par Jean-Marc Ayrault pour fusionner la CSG et l'impôt sur le revenu. La redistribution doit succéder aux efforts et ceux-ci doivent être partagés. N'oublions pas que le capital résulte du travail des salariés...

En l'état, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne correspond pas aux idées des écologistes ni, hélas, aux principes de solidarité qui prévalaient il y a soixante-dix ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et communiste républicain et citoyen)

M. François Fortassin .  - Je ne dois pas rencontrer les mêmes chefs d'entreprises que M. Desessard. Beaucoup souffrent...

Mme Annie David.  - Les salariés aussi !

M. François Fortassin.  - C'est évident... La création, il y a 70 ans, de la sécurité sociale a été une avancée, un acquis qu'il nous appartient de préserver.

Depuis 2012, les comptes sociaux se redressent. Nous regrettons toutefois le report à 2021 du retour à l'équilibre. La persistance du déficit de l'assurance maladie menace notre système ; la Cour des comptes a prôné des réformes ambitieuses... Pour autant, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte de nombreuses avancées, comme la Puma, qui permettra d'éviter les situations de rupture des droits - un million de Français doivent entamer chaque année de complexes procédures pour bénéficier de la CMU ou changer de caisse -, la garantie des impayés de pensions alimentaires, la gratuité du dépistage du cancer du sein pour les femmes présentant des risques particuliers, le développement des soins ambulatoires, la lutte contre l'obésité - ce dernier dispositif devrait être ouvert aux professionnels libéraux qui veulent s'y investir.

Deux questions pour finir, madame la ministre... Près de 35 000 patients atteints de cataracte bénéficient d'implants de technologie avancée qui font l'objet d'un co-paiement de la part des patients, avec l'accord de l'assurance maladie. Quid de l'avenir, sachant que la HAS n'a pas encore évalué ces implants ?

En outre, le Parlement a autorisé il y a deux ans les pharmaciens à substituer un médicament biologique de référence par un médicament bio-similaire. Où en est le décret d'application ?

Le vote du RDSE dépendra des débats mais il aborde ce texte avec une neutralité positive.

M. Philippe Mouiller .  - Les transferts de charge ont souvent pour effet de diminuer artificiellement les déficits. Je note que ce texte tire les fruits de mesures votées en 2010 par la majorité précédente.

La branche AT-MP est en excédent mais celui-ci renfloue d'autres caisses - un milliard au titre des sous-déclarations et un transfert de 500 millions de cotisations les deux années qui viennent - tandis que l'État réduit sa participation au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante... Il faut travailler sur les causes de la sous-déclaration pour la réduire.

L'Ondam médico-social s'établit à 18,2 milliards d'euros ; 405 millions supplémentaires iront aux établissements et services. Toutefois le Gouvernement a fait des annonces : plan autisme, modernisation des Esat, plan « zéro sans solution »... C'est bien, mais il importe de donner des moyens aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et de créer des places d'accueil - alors que le besoin est de 50 000 places, seules 18 500 places sont prévues ; 6 500 personnes, dont 1 500 enfants, quittent le territoire pour être prises en charge à l'étranger, notamment en Belgique ; 4 000 ne sont pas même frontaliers. L'enveloppe de 15 millions d'euros que vous annoncez n'est pas suffisante. Pourquoi ne pas utiliser les 250 millions d'euros que nous affectons au financement des dépenses de ces patients à l'étranger pour créer de nouvelles places en France ?

Si le transfert de l'article 46 est bien perçu, ses modalités ne sont pas connues et les inquiétudes demeurent.

Le cafouillage récent sur l'AAH, à laquelle le Gouvernement voulait retrancher les économies des personnes handicapées, a été un mauvais signal envoyé au monde du handicap... (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Françoise Gatel .  - Pour subsister, notre système doit se réformer. Ce qui nécessite de faire des choix courageux. Or ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, dans la continuité du précédent, manque de mesures structurelles propres à infléchir la dynamique des dépenses.

Le déficit de la branche maladie s'établit à 6 milliards, celui du fonds de solidarité vieillesse à 3,7 milliards.

Nous soutenons la création de places en Ehpad, la lutte contre la fraude, la garantie des impayés de pension ou la mutualisation entre organismes. Mais la mise en oeuvre de la Puma - dont le principe est louable - est bien floue. La réforme des soins de suite en 2017 n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact, ses équilibres techniques semblent bien fragiles... Les 40 millions d'euros supplémentaires pour les soins palliatifs annoncés par le Gouvernement ont-ils été fléchés ?

La baisse des dépenses est la seule voie pour rééquilibrer nos comptes sociaux, mais je regrette qu'elle pèse toujours sur les mêmes, dont le secteur du médicament, alors qu'il ne représente que 15 % des dépenses d'assurance maladie. L'hôpital est soumis à de fortes tensions ; mutualisation et économies d'échelle sont à saluer, de même que le développement de la chirurgie ambulatoire. Je me félicite du rétablissement par notre commission des trois jours de carence dans la fonction publique hospitalière.

Le développement de l'ambulatoire et la réduction des durées d'hospitalisation ouvrent aussi des pistes à explorer. L'hôpital ne pourra de toute façon pas tout supporter. Il faut mieux l'articuler avec la médecine de ville.

Les réformes structurelles font cruellement défaut en matière d'accès aux soins. Le creux de la démographie médicale, on le sait, interviendra en 2020.

Le groupe UDI-UC se réjouit que la commission des affaires sociales ait supprimé le nouveau contrat labellisé pour les 65 ans et plus.

Cette segmentation des offres constitue un frein à la solidarité et à la mutualisation des risques entre les actifs et les inactifs, mettant en difficulté l'équilibre d'ensemble du système.

L'article 22 prévoyant un chèque santé pour les salariés en contrat court n'était assorti d'aucune étude d'impact. On prétend simplifier, mais les effets pervers, en première analyse, seront importants, pour les salariés comme pour les entreprises. Une avalanche de complexité s'est déjà abattue sur les entreprises, n'en rajoutons pas.

Les partenaires sociaux ont fait preuve d'une grande responsabilité sur les retraites complémentaires. La réforme en cours d'application contribue largement au recul du déficit de la branche vieillesse, mais ses effets seront limités dans le temps, puisqu'ils ne concernent que la génération née en 1955...

M. Jean-Claude Lenoir.  - La nôtre !

Mme Françoise Gatel.  - Il faudra se résoudre au recul de l'âge légal de départ proposé par le rapport Roche.

Je remercie les rapporteurs et le rapporteur général pour leur travail et leur pédagogie.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pèche par l'absence de réformes structurelles courageuses, c'est dommage. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UDI-UC et de la commission)

Mme Nicole Bricq .  - L'équation est ardue : redresser la situation financière, faire des économies et financer les priorités... Les économies sont réelles, d'ailleurs personne ne les conteste. Ralentir le rythme spontané des dépenses sans renoncer à parler des recettes, c'est un changement de paradigme à saluer.

Je salue votre opiniâtreté, madame la ministre. Votre ligne de conduite est claire depuis trois ans : réduire les charges pesant sur les moins pauvres, et nous nous y employons dans un cadre contraint. La situation économique est un peu meilleure en cette fin d'année que pendant les deux années précédentes... (M. Francis Delattre, rapporteur pour avis, le conteste)

M. Jean Desessard.  - Cela se verra aux régionales !

Mme Nicole Bricq.  - Le chômage a reculé en septembre - même s'il est trop tôt pour crier victoire - Les défaillances d'entreprises sont moins nombreuses. Le climat des affaires s'améliore... !

Le CICE commence à produire des fruits : l'OFCE estime à 140 000 le nombre d'emplois créés...

M. Didier Guillaume.  - Eh oui !

Mme Nicole Bricq.  - Nous disposerons en 2016 d'une étude complète qui, j'en suis sûre, éteindra la querelle des contreparties. 90 % des salariés sont désormais concernés par des mesures de réduction des cotisations.

J'avais déposé un amendement, corrigeant une erreur matérielle sur l'article aidant les jeunes demandeurs d'emploi de moins de 26 ans à créer une entreprise, tombé sous le coup de l'article 41 ; je demanderai au Gouvernement de le reprendre.

La baisse de la C3S bénéficie à 200 000 entreprises en 2015, 80 000 de plus en 2016, toutes des PME d'un chiffre d'affaires inférieur à 19 millions d'euros, dont un quart d'entreprises industrielles. La refonte de l'architecture du financement du FSV qui en résulte, tient compte de la jurisprudence de Ruyter ; nous en débattrons bien sûr, mais il faut savoir gré au Gouvernement de préserver l'unité de la CSG et de mettre un terme à ce contentieux. Le rapporteur, pour des raisons plus politiques que juridiques, a fait voter une autre voie de sortie de ce contentieux, que nous ne pourrons voter...

Madame la ministre, vous avez dit que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale était de progrès. Au groupe socialiste, nous sommes précisément des acteurs de progrès et soutiendrons par conséquent ce texte, qui confirme votre engagement en faveur des plus modestes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Alain Vasselle .  - Je m'associe aux compliments adressés à cette tribune aux rapporteurs, mérités, compte tenu de la complexité et la technicité de ces sujets, qu'il m'a été donné de traiter, avant MM. Daudigny et Vanlerenberghe.

Les annexes affichent un impressionnant volontarisme... Il est vrai que nous sommes à la veille d'une échéance électorale importante. La situation - croissance, emploi, finances publiques... - échappe pourtant bel et bien au Gouvernement.

Le déficit dérape effectivement en valeur absolue ; la branche famille voit ses comptes s'améliorer mais le déficit de l'assurance maladie, qui s'élevait à 5,9 milliards d'euros en 2012, atteindra 7,5 milliards en 2015, si les prévisions du Gouvernement sont confirmées.

Ancien président de la Mecss et rapporteur général de la commission des affaires sociales, je sais que des marges de manoeuvre existent à l'hôpital. Nous nous battrons pour imposer cette question à l'agenda : à quand la convergence des tarifs entre le public et le privé ?

M. Gilbert Barbier.  - Bonne question !

M. Alain Vasselle.  - Quant au FSV, la réforme Fillon, renforcée par la réforme à moitié engagée en 2013 par le Gouvernement, devrait assurer l'équilibre de la branche vieillesse à l'horizon 2018. Augmenter les cotisations retraites ne suffira plus au-delà de cette date. Il faut avoir le courage d'aller plus loin qu'une simple réforme paramétrique ! Les réformes Balladur, Fillon et Woerth nous ont évité la catastrophe. À plus long terme, il faudra réformer notre système en profondeur en nous inspirant du système suédois par comptes optionnels.

Le transfert de 23,6 milliards d'euros de dettes ne règle pas le problème du déficit structurel de la branche vieillesse et cette dette se reconstituera vite pour atteindre 38,4 milliards en 2019 - date à laquelle la loi organique interdira de prolonger la durée de vie de la Cades. Courageusement, vous reportez la hausse indispensable de la CRDS jusqu'après 2017...

Alors que le médicament ne représente que 15 % des dépenses de l'assurance maladie, il supporte pour moitié leur réduction. N'avons-nous pas atteint les limites de cette stratégie ? Le modèle économique des laboratoires pharmaceutiques comme des grossistes est menacé...

Enfin, regrettons que les handicapés soient les grands oubliés de ce texte, alors que des milliers de familles sont contraintes de s'exiler en Belgique pour être prises en charge. Que leur dites-vous, madame la ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Pierre Godefroy .  - La situation de la branche AT-MP doit mobiliser tout notre discernement. Elle s'améliore grâce à un reflux des accidents et à la priorité donnée à la prévention. La gestion de la branche est en outre exemplaire mais son excédent, de 603 millions d'euros en 2015, commence à attirer l'attention... Il conviendrait de ne baisser les cotisations employeurs qu'une fois la dette apurée.

Son annexe B pose un autre problème : le transfert de cotisations de 0,05 %, soit 500 millions d'euros à la branche maladie en 2016 puis en 2017, n'est, en l'état, nullement justifié.

Ponctionner une trésorerie saine depuis peu porterait gravement atteinte à l'équilibre de cette branche qui ne devrait financer que les dépenses qui lui incombent...

Nous approuvons le retour d'une dotation sur le Fiva, même très inférieure au niveau préconisé par le Sénat. Les nouvelles charges que la branche devra supporter à moyen et long terme pénalisent sa capacité à indemniser correctement les victimes.

Dans le rapport que nous avions rédigé avec Mme Deroche, nous préconisions de demeurer fidèles à l'esprit de la loi fondatrice de 1898.

Je sais que c'est votre but, madame la ministre ; comptez sur notre aide pour y parvenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

M. Jean-Louis Tourenne .  - Le projet de financement des établissements médico-sociaux manifeste une triple volonté salutaire dans une conjoncture difficile : d'abord, contribuer à rééquilibrer les comptes ; ensuite, relever le défi du vieillissement ; enfin, avancer vers une société plus civilisée, au sens d'Edgar Morin, c'est-à-dire qui offre à tous les moyens d'être autonomes et de participer à la vie sociale.

Le budget des établissements médico-sociaux progresse de 1,2 % de plus que l'Ondam général de 1,75 %, soit 405 millions sur une enveloppe de 19,5 milliards d'euros.

À cela s'ajoutent une hausse de 0,75 % du budget dédié à la qualité de vie des résidents ; 100 millions d'euros de plus pour la médicalisation des établissements ; 300 millions d'investissements pour créer 25 000 places de plus à destination des personnes âgées et 14 000 à destination des personnes handicapées.

Les moyens dévolus aux Esat concrétisent encore l'attention portée au secteur médico-social.

L'approche des besoins sera moins qualitative. Un crédit d'amorçage de 15 millions d'euros rendra possible l'adéquation entre offre et besoins. Gageons que cela tarira le flux des émigrations vers la Belgique.

Vous avancez, madame la ministre, sur le chemin tracé vers plus de justice sociale, symbolisé par l'objectif de zéro personne laissée sans solution de prise en charge.

George Bernard Shaw écrivait : « Certains regardent le monde tel qu'il est et se disent : pourquoi ? D'autres regardent le monde tel qu'ils voudraient qu'il soit et se disent : pourquoi pas ? » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du RDSE)

Mme Marisol Touraine, ministre .  - Brillante citation ! Je veux remercier M. Daudigny, Mmes Archimbaud, Bricq, MM. Fortassin et Tourenne ; il y a effectivement une « ligne claire », selon Mme Bricq, un « cap » selon M. Tourenne, à mon action : l'accès aux droits, la réduction du reste à charge, la modernisation de notre protection sociale. Cela n'exclut nullement la volonté de réduire les déficits. Que préférez-vous ? 21 milliards de déficit et un reste à charge élevé en 2011, comme sous le Gouvernement précédent, ou 12 milliards cette année, 10 milliards l'an prochain, et un reste à charge réduit ?

La branche AT-MP connaîtra des excédents très importants, qui justifient un transfert de ressources vers l'assurance maladie.

Monsieur Desessard, dire que la politique du Gouvernement est une politique d'offre pure, alors que nous soutenons le pouvoir d'achat, est fort contestable. L'engagement du Gouvernement pour l'accueil des personnes handicapées est total. Nous défendons une politique de citoyenneté pleine et entière pour tous nos concitoyens.

Madame Giudicelli, les aides au financement et les aides au poste destiné aux Esat n'ont rien à voir, et l'assurance maladie n'a rien à faire dans le financement de cette seconde composante.

Madame Cayeux a réitéré l'opposition de son groupe à la modulation des allocations familiales. L'universalité n'est nullement remise en cause : toutes les familles antérieurement éligibles le demeurent, le versement est simplement modulé... Dire que cela ouvre la voie à des remboursements de soins modulés est cocasse de sa part : c'est de son parti, par la voix de M. Fillon notamment, que l'on propose une franchise universelle sur les dépenses de santé, modulable en fonction des revenus !

M. Didier Guillaume.  - Très bien !

La France reste en haut du podium européen en termes de fécondité, puisque nous sommes passés devant l'Irlande. La baisse de la natalité, elle, s'explique par la baisse du nombre de femmes entre 20 et 40 ans inférieur de 300 000 à ce qu'il était il y a dix ans.

M. Delattre s'est interrogé sur la crédibilité des propos de M. Eckert sur l'accord Agirc-Arrco. Celui-ci a vocation à infléchir les comportements des salariés, mais aussi ceux des employeurs, qui seront incités à conserver leurs salariés plus longtemps.

Monsieur Roche, vos inquiétudes pour l'avenir de notre système d'assurance vieillesse devraient être apaisées par les observations du COR. Les efforts qui leur ont été demandés et qu'ils ont fournis sont payés de retour, disons-le aux Français !

Monsieur Vasselle, vous ne pouvez prétendre que la réforme des retraites de 2013 n'était que paramétrique. Et la durée de cotisation ? La prise en compte de la pénibilité ? Les ténors de l'opposition se déchirant sur l'âge de départ à la retraite, qu'ils veulent fixer qui à 63, qui à 64, qui à 65 ans, je ne vois là rien de plus systémique...

L'avenir de notre système de santé ne passe pas par la réduction du nombre d'hôpitaux mais par les coopérations que nous promouvons sur tout le territoire.

Madame Imbert, la médecine de ville recevra 1,4 milliard d'euros supplémentaires, sans compter les baisses de cotisations des médecins. Dire que nous ne prenons pas le virage de l'ambulatoire n'est pas très sérieux, à tout le moins...

Madame Cohen, prétendre que le Gouvernement veut vider les hôpitaux pour réduire les coûts est inacceptable. Nous sommes gravement en retard sur l'ambulatoire par rapport à nos voisins.

Nos propres hôpitaux sont fiers d'avoir mis au point la pose de prothèses de hanche à domicile, formidable progrès ! Bien sûr, les patients doivent être accompagnés, mais pas nécessairement.

Merci à tous ; j'espère que nos échanges seront aussi riches sur les articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Didier Guillaume.  - Nous aussi !

La discussion générale est close.

Discussion des articles de la première partie

ARTICLE PREMIER

Mme la présidente.  - Amendement n°71, présenté par M. Delattre, au nom de la commission des finances.

Supprimer cet article.

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis.  - Cet amendement supprime l'article premier présentant l'exécution des recettes et des dépenses des organismes entrant dans le périmètre des lois de financement de la sécurité sociale pour l'exercice 2014.

Cette position est cohérente avec celle proposée par la commission des finances, et adoptée par le Sénat, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014.

Nous nous sommes engagés auprès de nos partenaires européens à revenir à 3 % de déficit public en 2016. Or les dépenses sociales forment 42 % des dépenses publiques, il faut donc les y faire contribuer. De plus, notre endettement s'accroît et le phénomène s'accélère... Bref, refusons ces chiffres trompeurs !

M. Jean-Pierre Caffet.  - Quelle confusion !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Cette première partie la loi de financement n'est pas un budget de la sécurité sociale, elle n'engage aucune dépense. Elle se borne ici à constater la cohérence des tableaux d'équilibre pour l'exercice 2014. Adopter cet article n'implique donc nullement d'adopter la politique menée... Avis défavorable.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Même avis.

M. Yves Daudigny.  - Cet article qui constate les soldes de l'exercice 2014 est l'occasion de clarifier les chiffres ; le déficit n'a cessé de se creuser sous la majorité précédente : en 2010, il était de 23,9 milliards d'euros, en 2009, de 20,3 milliards, en 2008, de 10,7 milliards, et en 2007 de 9,5 milliards...

L'amendement n°71 est retiré.

(Exclamations sur les bancs socialistes)

L'article premier est adopté.

L'article 2 et l'annexe A sont adoptés.

La première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale est adoptée.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - La commission se réunit à la suspension pour examiner les amendements.

La séance est suspendue à 19 h 30.

présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 30.