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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Hommage de la Nation aux victimes des attentats

Projet de loi de finances pour 2016 (Seconde partie - Suite)

Recherche et enseignement supérieur

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Michel Berson, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Henri Tandonnet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Mme Odette Herviaux, rapporteure pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, pour la recherche dans le domaine du développement durable

Mme Françoise Laborde

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

Mme Corinne Bouchoux

M. Antoine Lefèvre

M. Joël Guerriau

Mme Dominique Gillot

Mme Sylvie Robert

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

ARTICLE 24 État B

Défense

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances. 

M. Jacques Gautier, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour l'équipement des forces

M. Jacques Gautier, en remplacement de M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour l'équipement des forces

M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour l'environnement et la prospective de la politique de défense

M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour l'environnement et la prospective de la politique de défense

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour la préparation et l'emploi des forces

Mme Michelle Demessine, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour la préparation et l'emploi des forces

M. Jacques Gautier, en remplacement de M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour le soutien de la politique de défense

M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour le soutien de la politique de défense

Mme Leila Aïchi

M. Yvon Collin

M. Daniel Reiner

Mme Joëlle Garriaud-Maylam

M. Joël Guerriau

Mme Michelle Demessine

M. Jeanny Lorgeoux

M. Cédric Perrin

M. Pascal Allizard

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

ARTICLE 24 État B

Questions prioritaires de constitutionnalité

Projet de loi de finances pour 2016 (Seconde partie - Suite)

Engagements financiers de l'État

M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Maurice Vincent, rapporteur spécial de la commission des finances pour les participations financières de l'État

M. Philippe Leroy, en remplacement de M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour les participations financières de l'État

Mme Nathalie Goulet

Mme Marie-France Beaufils

M. André Gattolin

M. Francis Delattre

M. Martial Bourquin

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

ARTICLE 26 État D

Régimes sociaux et de retraite

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur spécial de la commission des finances

Mme Agnès Canayer, rapporteur pour avis de la commission des finances

M. Olivier Cadic

Mme Laurence Cohen

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Remboursements et dégrèvements

Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale de la commission des finances

M. Maurice Vincent

M. André Gattolin

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

ARTICLE 24 État B

Aide publique au développement

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Henri de Raincourt, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Mme Hélène Conway-Mouret

Mme Leila Aïchi

M. Yves Pozzo di Borgo

M. Michel Billout

Mme Hélène Conway-Mouret

M. Robert Hue

Mme Joëlle Garriaud-Maylam

Mme Claudine Lepage

Mme Christiane Kammermann

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie

ARTICLE 24 État B

Ordre du jour du samedi 28 novembre 2015

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du vendredi 27 novembre 2015

34e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente

Secrétaires : M. Christian Cambon, M. Jean Desessard.

La séance est ouverte à 10 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Hommage de la Nation aux victimes des attentats

Mme la présidente.  - (Mmes et MM. les Sénateurs se lèvent) Au moment où commence aux Invalides l'hommage de la Nation aux victimes des attentats du 13 novembre dernier, je vous propose d'observer un moment de recueillement en leur mémoire. (Mmes et MM. les Sénateurs observent un moment de recueillement)

Projet de loi de finances pour 2016 (Seconde partie - Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale.

Recherche et enseignement supérieur

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Le budget de cette mission était initialement stable. L'Assemblée nationale l'a réduit de 19 millions d'euros, avec une hausse de 100 millions sur le programme 150 et une baisse de 119 millions d'euros sur les programmes recherche. Ce n'est guère cohérent avec l'engagement du président de la République de sanctuariser ces derniers ; le signal est négatif pour le monde de la recherche, ce que nous regrettons.

Les crédits consacrés à l'enseignement supérieur sont globalement préservés, ce dont je me félicite. Les besoins seront couverts, en tenant compte de la dynamique démographique, grâce à une enveloppe supplémentaire qui est un retour aux établissements après les ponctions sur leur fonds de roulement, même si ce ne sont pas forcément les mêmes qui ont été prélevés et bénéficient de cet abondement.

Le volet dédié des CPER reste modeste et les dotations de l'État aux collectivités territoriales régressent...

Je m'interroge sur la réalité des créations d'emplois et sur ses conséquences réelles en termes d'encadrement des étudiants. Ces derniers sont plus nombreux chaque année : 40 000 de plus à la rentrée 2015 ; les problèmes d'orientation devront bien un jour être posés et traités...

Certaines ressources diminuent de manière inquiétante, comme la taxe d'apprentissage - de 37 % pour la part barème par rapport à 2015. Monsieur le ministre, vous vous seriez dit surpris par la brutalité de cette baisse... Pouvez-vous nous en dire plus ?

Les droits d'inscription à l'université restent très faibles, ce qui dévalorise certaines formations aux yeux des étudiants étrangers ; ils devront augmenter, le gel cette année a été une erreur.

Les contrats de recherche doivent être développés. Je proposerai que 10 % des dépenses de recherche des grandes entreprises ouvrant droit au crédit d'impôt recherche (CIR) soient fléchés vers les laboratoires universitaires.

Les universités ont amélioré leur gestion depuis l'adoption de la loi LRU. Certaines ne maintiennent toutefois leur équilibre que grâce à des arbitrages lourds qui engagent l'avenir - je pense à des dépenses d'entretien ou au gel de l'encadrement.

Monsieur le ministre, vous avez dit faire une priorité de la question de la dévolution aux établissements du patrimoine immobilier ; vous nous en direz davantage en cours de débat.

Un mot sur l'enseignement supérieur privé, sacrifié alors qu'il rend un service énorme à notre Nation, formant 80 000 jeunes et coûtant peu à l'État. Je vous proposerai de le renforcer, comme je le fais depuis plusieurs années.

Les aides aux étudiants restent importantes. Le nombre d'étudiants boursiers a progressé de 12 % entre 2010 et 2015 ; je regrette que les bourses au mérite soient diminuées. Le plan relatif au logement étudiant avance correctement.

La commission des finances vous propose d'adopter les crédits de cette mission, tels que modifiés par ses amendements.

M. Michel Berson, rapporteur spécial de la commission des finances .  - En ces temps difficiles, il faut saluer l'effort du Gouvernement pour préserver la recherche et ses crédits.

Mais leur sanctuarisation doit être relativisée. En 2016, les crédits recherche devraient diminuer pour atteindre 10,6 milliards en autorisations d'engagement et 10,9 milliards en crédits de paiement, soit une baisse de respectivement 3,3 % et 1,1 % à périmètre constant. Les programmes d'investissements d'avenir (PIA) ont heureusement corrigé cette dynamique baissière. La dynamique des dépenses de fonctionnement contraint la capacité d'investissement de certains organismes, d'autant que des gels interviennent en cours de gestion.

Comme l'an passé, l'Assemblée nationale a voté en seconde délibération une baisse de 119 millions de programmes de recherche, dont 70 sur la recherche spatiale, ce qui augmentera notre dette à l'égard de l'Agence spatiale européenne. Il est regrettable que les crédits recherche servent trop souvent de variable d'ajustement. C'est pourquoi j'ai proposé de les rétablir.

La baisse des crédits et des taux de succès des appels à projets de l'Agence nationale de la recherche (ANR) est inquiétant. Le taux de préciput de l'ANR est de 11 %, loin des moyennes européennes. En outre, la règle de facturation à coût marginal et non à coût complet demeure, ce qui réduit les marges de manoeuvre budgétaires.

L'emploi scientifique est dans une situation préoccupante. Les départs en retraite ne sont pas tous remplacés, ce qui pèse sur l'activité des opérateurs. Le nombre de docteurs recrutés en entreprise reste faible, de l'ordre de 12 % ; je propose de conditionner le taux de CIR de 5 % à l'embauche de docteurs ou à un effectif significatif de docteurs.

De plus, une instruction fiscale d'avril 2014 interdit aux sous-traitants de déclarer leurs efforts de recherche pour bénéficier du CIR, même si leur donneur d'ordres n'y prétend pas : il faut modifier cette règle, nous y reviendrons dans les articles non rattachés.

Le taux de mise en réserve des crédits est un enjeu crucial pour les opérateurs, il a augmenté ces dernières années. Or il diffère selon le ministère de rattachement, critère formel qui dépend de l'histoire des opérateurs. Faisons-le dépendre de leurs contraintes effectives. C'est une limite de la mise en oeuvre de la Lolf, on voit trop souvent les arbitrages rendus par ministère. Sans aller jusqu'à demander leur rattachement au ministère de la recherche, il faut, à mon sens, un budget unifié de la recherche autorisant des arbitrages globaux.

M. Henri Tandonnet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - Je regrette les substantiels rabotages que l'Assemblée nationale a opérés sur ce budget, essentiellement sur les programmes de recherche, qui pénaliseront surtout le Centre national d'études spatiales (Cnes).

Le Gouvernement n'a pas de ligne claire en matière de recherche. Déjà, il y a deux ans, Valérie Létard alertait sur les dangers d'un empilement de mesures hétérogènes et d'un éclatement des structures. Les dotations en loi de finances initiale sont, de plus, souvent affectées par des mesures de régulation en cours d'année. Une vision stratégique manque.

Le CIR, doté de 5,5 milliards en 2016, est devenu incontournable, mais son impact réel sur les activités de recherche est difficile à évaluer. La non-adoption du rapport de notre commission d'enquête n'a pas contribué à nous éclairer... Nous vous proposons une position d'abstention, indulgence justifiée largement par les besoins de sécurité et de défense...

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - L'État est à bout de souffle pour accompagner le développement de l'enseignement supérieur, nous le savons bien. L'actualité n'a pas renforcé son caractère prioritaire. Si un bon budget n'est pas nécessairement un budget en hausse, l'enjeu est immense.

Quand le Gouvernement ponctionne les fonds de roulement, siphonne les crédits des collectivités territoriales et des établissements publics et laisse des ardoises partout, il faut repenser le modèle économique de notre enseignement supérieur. Montrons-nous réalistes et responsables : augmentons les frais d'inscription et le poids de l'enseignement supérieur privé non lucratif.

Sur le premier point, une hausse de 500 millions d'euros par an nous laisserait encore loin du modèle américain ; elle devrait être compensée par la hausse des bourses et ne doit pas entraîner un désengagement de l'État. Quant à l'enseignement privé, il accueille un étudiant sur cinq et sa pérennité n'est plus garantie ; je déposerai un amendement identique à celui de la commission des finances.

Sous cette réserve, la commission de la culture a émis un avis favorable sur les crédits de cette mission.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - Le montant alloué aux programmes de recherche est stable. La sanctuarisation devrait cependant toucher les programmes de tous les ministères contribuant au financement des organismes de recherche de la mission relevant de la double tutelle.

Je salue la stabilisation des subventions pour charges de service public, de même pour les 5,9 milliards d'euros du PIA II pour les années 2014-2025. Ses effets sont très positifs sur les organismes de recherche d'autant que la loi du 22 juillet 2013 a renforcé l'interdisciplinarité et, donc la visibilité de la recherche française.

En revanche, je suis moins optimiste pour les crédits de l'ANR. On ne peut les réduire encore, sauf à mettre en cause l'utilité de cette agence. Soyons vigilants pour obtenir que les chercheurs s'impliquent davantage dans les appels d'offres européens.

L'année 2015 a été marquée par la publication de la stratégie nationale de la recherche. L'État doit davantage s'appuyer sur le nouveau Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle. L'État comme les organismes de recherche et leurs chercheurs ont pris conscience de l'importance de la valorisation et de la nécessaire professionnalisation.

Le foisonnement des outils de soutien à la recherche ne facilite pas leur appréhension par les acteurs. Une rationalisation serait bienvenue. Le devenir des sociétés d'accélération du transfert de technologie (Satt) suscite des interrogations ; une évaluation des éventuels chevauchements et synergies serait bienvenue.

La commission de la culture a émis un avis favorable.

Mme Odette Herviaux, rapporteure pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, pour la recherche dans le domaine du développement durable .  - Le programme 190 représente 1,4 milliard d'euros, en légère hausse. Je m'en félicite. Cela s'explique par l'augmentation des crédits du CEA pour la couverture des charges nucléaires de long terme et le financement des opérations de démantèlement en cours.

L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) voit ses crédits préservés, après des années de baisse. Mais la dotation reste insuffisante ; ne peut-on faire évoluer le dispositif de contribution des exploitants des installations nucléaires de base ?

L'Institut français du pétrole énergies nouvelles (IFPEN) est l'opérateur enregistrant la plus forte baisse ; la réduction de ses moyens depuis 2002 l'a déjà contraint à baisser ses effectifs de 150 personnes et à arrêter des projets de recherche. C'est d'autant plus regrettable que ses ressources propres sont dynamiques. Il faut au moins lui épargner de nouveaux gels de crédits en cours d'année.

À l'heure de la transition énergétique et de la COP21, le programme 190 est plus important que jamais. C'est grâce à la recherche que la France pourra changer de modèle et aller vers le développement durable.

La commission de l'aménagement du territoire est favorable à l'adoption des crédits de la mission.

Mme Françoise Laborde .  - Les crédits de cette mission traduisent la volonté du Gouvernement de préserver les moyens d'une politique publique essentielle. Mais l'effort consenti n'est peut-être pas à la hauteur des enjeux - et des investissements d'autres pays de l'OCDE.

Les dépenses de personnel augmentent inéluctablement en raison du GVT, ce qui contraint les opérateurs à maîtriser leurs dépenses d'intervention.

Le budget de l'enseignement supérieur est stable à 1,5 % du PIB, loin cependant de l'effort du Canada, des États-Unis ou de la Corée. La stratégie nationale est ambitieuse, mais les moyens suivent-ils ? Les effectifs d'étudiants ont explosé, contraignant certains établissements à tirer au sort leurs inscrits - alors que le président de la République vient de fixer l'objectif de 60 % d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur. Il faudra soulever la question de l'orientation...

La création d'emplois supplémentaires sera grignotée pour un tiers par les nécessités administratives des nouvelles communautés d'établissements - censées permettre des mutualisations...

Nous n'approuvons pas l'amendement de la commission des finances au profit de l'enseignement privé, d'autant qu'il est gagé par la suppression de crédits du programme vie étudiante.

Déplorant la baisse des crédits de la recherche spatiale, le groupe RDSE votera l'amendement de M. Berson.

La recherche d'aujourd'hui, ce sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain. Or la France ne représente que 3,5 % des publications scientifiques et la recherche privée ne rattrape pas son retard. Le CIR mérite d'être mieux suivi, mieux ciblé.

L'investissement de la nation dans la recherche est un message positif envoyé aux jeunes et à la société. C'est lui qui permettra de reconstituer notre tissu industriel, de relancer la croissance et de créer des emplois à forte valeur ajoutée.

Le groupe RDSE se prononcera en fonction du résultat des votes des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - Je m'associe à l'hommage rendu aux victimes du 13 novembre.

Les moyens donnés à l'enseignement supérieur participent à faire reculer l'ignorance et le rétrécissement de la pensée. Mais à la lecture de ce budget, la déconnexion entre l'ambition de la stratégie nationale et les moyens est flagrante ; 100 millions de plus au programme 150 pour 45 000 étudiants de plus... Le ratio de 2 000 euros par étudiant est loin des 8 300 euros de nos voisins les plus avancés ; c'est d'autant plus dommageable que l'écart entre grandes écoles et université sont énormes... Les objectifs de la stratégie nationale -  60 % d'une classe d'âge diplômés du supérieur en 2015 - paraissent bien difficiles à atteindre.

Le risque de paupérisation des universités est réel, d'autant que le coût des fusions n'est pas budgété et que les crédits de CPER baissent de 48 %...

Les propositions du ministère pour développer les ressources propres sont peu convaincantes, celles de la majorité non plus : la hausse des frais d'inscription serait le pire message à envoyer. Je soutiens une proposition de la stratégie nationale de l'enseignement supérieur : porter au niveau européen une autre vision de la recherche publique, et l'exclure du calcul du déficit maastrichtien.

On sanctuarise du virtuel, comme l'a dit un chercheur. Les départs en retraite ne sont pas remplacés ; or s'il faut deux ans pour fermer un laboratoire, il en faut dix pour en créer un... La précarité dans certains organismes est massive. Sur le terrain, le désarroi et l'apathie sont grands.

La France forme 12 000 docteurs par an, mais leur taux de chômage est élevé. Rien dans ce budget sur leur sort.

J'ai tenté de mettre fin par amendement à une anomalie : le cumul du CIR et du CICE ; nous y reviendrons.

Pour le groupe CRC, les crédits ne sont pas à la hauteur des besoins ; nous ne les voterons donc pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Corinne Bouchoux .  - Nous sommes au Sénat, mais notre coeur est aux Invalides.

Les crédits votés en 2015 sont reconduits, augmentés pour l'enseignement supérieur, diminués pour la recherche. Il y a là un réel effort, que nous saluons.

Le président de la République a annoncé un objectif ambitieux : atteindre 60 % de diplômés de l'enseignement supérieur par classe d'âge. Pour y parvenir, il faudrait stabiliser les moyens consentis par étudiant...

Le programme vie étudiante est un premier pilier de l'inclusion de tous : ses crédits devraient être sanctuarisés. Autre défi, continuer à proposer une formation de qualité. Or le nombre d'étudiants explose. Les économies d'échelle ne progressent pas éternellement, monsieur le ministre...

Il faut que classes préparatoires et université travaillent davantage ensemble. Les élèves des premières bénéficient de trois à quatre fois plus de moyens que ceux de la seconde. De plus, la double inscription n'est pas obligatoire pour les élèves de classes préparatoires privées : remédions rapidement à cette anomalie.

Nous pouvons faire mieux et plus pour l'insertion des étudiants dans la vie active, notamment des doctorants, grâce à l'apprentissage et à l'alternance.

L'internationalisation de nos cursus doit être développée. Erasmus n'est pas facilement accessible aux étudiants les plus défavorisés, et ne concerne pas toutes les filières.

Attention aux rapprochements d'universités, leur coût doit être minutieusement étudié, d'autant qu'elles pourraient conduire des universités régionales à ne faire que de l'enseignement quand elles voudraient conserver leur mission de recherche.

Continuons à adapter les enseignements et à former les enseignants du supérieur pour relever le défi du numérique.

Nous voterons les crédits.

M. Antoine Lefèvre .  - L'état de l'enseignement supérieur et de la recherche n'étant guère réjouissant, mon intervention sera une sorte de billet d'humeur...

L'augmentation, présentée comme exceptionnelle, de 100 millions n'est jamais que la rétrocession des fonds de roulement ponctionnés l'an passé. Cette ponction a été très durement ressentie dans les universités de la région Nord-Pas-de-Calais, touchée plus que d'autres par le chômage et l'illettrisme.

Les crédits de recherche servent depuis des années de variable d'ajustement ; nous soutiendrons les amendements les rétablissant. Depuis 2011, les crédits alloués aux établissements privés ont été réduits de 26 %, au point de mettre en péril la pérennité de certains établissements ; un amendement tend à les augmenter. Nous ne voterons pas les crédits de la mission sans l'adoption de ces deux propositions.

Le montant des bourses sur critères sociaux a été drastiquement réduit, celles au mérite ont été supprimées. Quel message envoyé à la jeunesse d'un pays ? Sans parler de l'impact sur l'attractivité de notre système universitaire ; beaucoup de doctorants s'expatrient.

Le manque de sélectivité du bac est un autre problème auquel il faudra faire face, on connaît le taux d'échec en première année.

Enfin, la baisse des dotations de l'État aux collectivités territoriales est un réel motif d'inquiétude ; les régions pourront-elles continuer à investir ?

Notre groupe votera les crédits de la mission, sous réserve des amendements que j'ai évoqués.

M. Joël Guerriau .  - L'enseignement supérieur et la recherche, qui participent de la transmission des valeurs, doivent plus que jamais être défendus.

Le niveau des crédits nous préoccupe. Entre les crédits affichés et la réalité de l'exécution, on constate toujours un écart. Si la loi Fioraso n'a pas remis en cause l'autonomie des universités, les ponctions sur les fonds de roulement et le versement de subsides aux établissements en difficulté s'apparentent à une recentralisation insidieuse. La réduction du volet recherche des CPER pèsera. Les ensembles importants que sont les communautés d'établissements ne sont pas nécessairement une solution, la taille n'est pas une garantie d'efficacité. Un tiers des 1 000 emplois est destiné à des fonctions administratives. À quand un modèle d'affectation des ressources en fonction de l'activité et de la performance ? Cela faciliterait le suivi parlementaire.

Plus que jamais, il faut renforcer l'articulation entre lycée et université et adapter les formations au monde de l'entreprise. Un réel soutien social doit être apporté aux étudiants, vos revirements sur les bourses au mérite nous inquiètent. Préoccupons-nous des droits d'inscription et aussi des débouchés des docteurs.

L'ANR conserve ses crédits cette année, mais après deux baisses consécutives qui l'ont grandement fragilisée.

Enfin, aidez-vous les universités à sécuriser les bâtiments après les attentats - j'ai à cet instant une pensée pour les victimes et leurs familles ? Celles d'Ile-de-France ont déboursé beaucoup d'argent : 180 000 euros à ce jour à Cergy-Pontoise, 8 000 euros par jour à Créteil. A ce stade, le groupe UDI-UC est enclin à l'abstention.

Mme Dominique Gillot .  - Cette année, la rentrée a été marquée par une hausse du nombre d'étudiants - 38 700 de plus. À cette démocratisation de l'enseignement s'ajoutent l'hétérogénéité des publics accueillis, ce qui pose la question du modèle économique à moyen terme, et un bouleversement de l'enseignement par le numérique.

Notre enseignement supérieur est attractif, ouvert sur la cité, adossé à la recherche. Le diplôme est un atout dans la recherche d'emploi. Plus d'étudiants, oui, car c'est le fruit de la priorité donnée par un gouvernement de gauche à la jeunesse.

Les bourses ont été rendues plus progressives, dotées de 500 millions supplémentaires, à quoi s'ajoutent 40 000 logements étudiants, des plateformes et guichets uniques, la non-augmentation des frais d'inscription. Cette démocratisation de l'enseignement supérieur a ses détracteurs, qui veulent augmenter les frais d'inscription, pratiquer une sélection des étudiants.

Mille emplois nouveaux sont créés dans le premier cycle.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis.  - Et les bourses ?

Mme Dominique Gillot.  - Le redressement de la situation financière des établissements se confirme. Il n'y aura pas cette année de ponction sur leur fonds de roulement.

Les formations évoluent vers plus de pragmatisme et d'ouverture. La politique de site est ambitieuse.

L'enseignement supérieur est décisif pour le progrès économique comme pour le progrès social. La responsabilité sociale est indissociable de la mission de formation et de recherche de l'enseignement supérieur, qui assume son rôle de transformation sociale.

Dans cette période de bouleversement, l'enseignement supérieur et la recherche sont indispensables pour bâtir une « société apprenante », fortes de ses valeurs, alors que le pays fait face à une guerre d'un nouveau genre.

Mme Sylvie Robert .  - Nos pensées sont aux Invalides. Plus que jamais, nous avons besoin d'éducation et de culture pour lutter contre la barbarie ; plus que jamais, nous devons préserver et encourager la liberté de penser, de créer, d'agir, pour éclairer la compréhension d'un monde toujours plus compliqué. Que ce budget soit le premier de l'État témoigne de l'engagement du Gouvernement.

La massification scolaire est indéniable. Le taux d'accès au baccalauréat est passé de 26 % en 1980 à 77 % en 2014, tandis que le taux de réussite global dépasse 87 %. Notre capacité à offrir à ces étudiants de plus en plus nombreux une formation de qualité, diversifiée, est révélatrice de la maturité d'une démocratie : plus de 2,5 millions d'étudiants lors de la dernière rentrée, 3 millions à l'horizon 2020.

Réjouissons-nous en et poursuivons la démocratisation, mais une démocratisation qualitative, comme le dit Antoine Prost, c'est-à-dire l'égalité des chances. Adaptons notre système à un monde fait de ruptures brutales en renforçant le continuum entre enseignement scolaire et universitaire, en développant les passerelles et la transversalité, facteurs d'insertion professionnelle.

La sanctuarisation des crédits de l'enseignement supérieur depuis 2012 est à saluer. Le Gouvernement a fait de la jeunesse sa priorité ; c'est un marqueur politique.

Il faudra persévérer dans la démarche de démocratisation, si l'on veut atteindre l'objectif de 75 % d'une classe d'âge diplômée du supérieur. Le Gouvernement s'attache à enrayer la funeste spirale de l'inégalité : 500 millions d'euros supplémentaires ont été alloués aux bourses sur critères sociaux, dont le montant est revalorisé, pour atteindre 1,96 milliard d'euros ; 131 000 étudiants en bénéficieront pour la première fois. Nous prévoyons la construction de 40 000 logements sociaux pour étudiants d'ici 2017. Dans le parc privé, la caution locative étudiante (CLé) rencontre un succès croissant, avec 6 000 demandes déjà validées.

Les 35 mesures du plan national de vie étudiante apportent des réponses concrètes : mise à disposition d'espaces de travail, ouverture des campus le week-end, élargissement des horaires des bibliothèques universitaires, meilleure coordination avec les bibliothèques publiques...

J'attire votre attention sur la baisse des crédits d'investissement des Crous, qui risque d'avoir un impact sur la vie étudiante, si les deux postes que sont la restauration et le logement venaient à augmenter. C'est une affaire de justice sociale. L'égalité des chances est porteuse d'espoir et de perspectives pour notre jeunesse, travaillons-y sans relâche. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - L'enseignement supérieur a été durement touché par les attentats : parmi les victimes, onze étudiants et six enseignants-chercheurs. Finalement, examiner son budget ce matin, à l'heure où se tient l'hommage national aux Invalides, est une heureuse coïncidence. C'est manifester notre foi dans notre système universitaire et notre recherche nationale que de chercher à leur assurer une vitalité durable.

L'université est le plus beau des projets démocratiques : c'est le lieu où chacun, quelles que soient ses origines, peut s'élever, le lieu où l'on développe son esprit critique, où l'on apprend à travailler en équipe, le lieu de l'ouverture. Le collectif universitaire parle à la société, étanche sa soif de sens, seul moyen de vaincre les peurs. La recherche est nécessaire pour comprendre la radicalisation, identifier les poches de violence latente dans notre société, analyser ce qui pousse certains de nos jeunes à basculer dans un engagement extrême. Elle nous aide aussi à appréhender la part d'Internet dans la fascination morbide et la manipulation des esprits. Vous avez fait cet acte de foi ce matin, je vous en remercie.

Vous n'avez pas à avoir honte d'examiner ce budget, en progression, qui marque une inflexion dans l'histoire du quinquennat. Les crédits de la recherche sont protégés, ceux de l'enseignement supérieur progressent de 165 millions d'euros.

Le paysage de l'enseignement supérieur et de la recherche est en profonde évolution, démographique mais aussi organisationnelle avec la formation des 25 communautés d'universités et d'établissements (Comue), et la réforme territoriale en toile de fond.

Que de défis à relever ! Le défi de la qualité, de la démocratisation exigeante ; le défi de la réussite en premier cycle, qui suppose de travailler sur l'orientation et les parcours collectifs ; le défi social - logement, accès aux soins, lutte contre la solitude ; le défi du modèle économique des établissements, entre poussée démographique, besoins d'investissements et nécessaire adaptation numérique ; le défi de l'emploi scientifique, quand on sait que les entreprises assurent 60 % de la recherche mais n'emploient que 25 % des chercheurs formés à l'université.

Que sont devenus les 1 000 emplois ? demande M. Adnot. Il s'agit en réalité de 3 000 emplois, sur trois ans, qui se répartissent ainsi : 2 450 dans les universités et établissements, 127 dans les écoles d'ingénieurs, 37 dans les IUT et 230 dans les établissements spécifiques. Sur la période, le taux de création effective d'emplois atteint 89 % ; pour 2015, il est de 93 %.

Je regarde les effets des moindres recettes de la taxe d'apprentissage établissement par établissement. Les écoles d'ingénieurs ont perdu 17 millions d'euros, les autres, 35 millions. Il faut analyser la situation de près.

L'immobilier sera notre priorité pour les six prochains mois. Nos universités doivent franchir une marche nouvelle dans l'autonomie par la propriété des bâtiments, directe ou indirecte.

Retrouvons une dynamique budgétaire positive avant de nous attaquer au modèle Sympa, difficile à réformer tant les situations sont hétérogènes, avec des situations acquises.

M. Berson a mis le doigt où ça fait mal. Le gel des crédits, en droit commun, est passé de 5 % à 8 % ; notre ministère, lui, a conservé un taux dérogatoire de 0,35 % seulement pour la masse salariale et de 4,85 % sur la part fonctionnement. Cela sera maintenu pour 2016. Sur 12 milliards d'euros, seule une part forfaitaire de 70 millions sera gelée, reconnaissez que c'est peu. En outre, nous avons la garantie qu'il n'y aura aucun coup de rabot sur la recherche, ni sur l'enseignement supérieur en 2016.

Mme Najat Vallaud-Belkacem veut que le budget que vous votez soit le plus proche possible de celui qui s'appliquera. C'est la moindre des choses, certes, mais c'est une bataille néanmoins.

Monsieur Tandonnet, pour la première fois, la France n'est plus débitrice auprès de l'Agence spatiale européenne (ASE). Nous augmentons la contribution du CNES à l'ASE de 775 à 850 millions d'euros pour financer Ariane 6. Les crédits programmés suffiront.

Monsieur Grosperrin, les crédits de l'enseignement supérieur privé sont stables ; il faut rajouter à ces 73 millions d'euros les bourses versées aux étudiants, pour 150 millions : on ne peut pas parler de désengagement de l'État.

La question des frais d'inscription fait débat. Vous connaissez la position du gouvernement, qui est aussi celle de l'Allemagne ou des pays nordiques : des droits aussi faibles que possible ; outre-Rhin, ils sont gratuits. Tout signal prix donné à l'accès à l'université serait un coup d'arrêt à la démocratisation de l'enseignement supérieur, quand bien même vous compenseriez cette hausse par des bourses ou des prêts. Il n'est pas anodin que la question du coût des études soit au coeur des débats de la campagne présidentielle aux États-Unis.

Madame Gillot, le budget de 500 millions pour l'ANR est un plancher ; nous espérons aller au-delà dans les années à venir. Oui, le Gouvernement compte s'appuyer sur le Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle.

Il faut évaluer les dispositifs de soutien à l'innovation mis en place ces dix dernières années, pour s'assurer que les laboratoires publics perçoivent un juste retour des fruits de leur recherche.

Le modèle de l'enseignement supérieur doit évoluer. Avec plus d'étudiants, la Nation devra faire un effort supplémentaire, mais il faut aussi développer les ressources propres. La formation professionnelle peut être une voie ; un appel à candidatures a été lancé dans une dizaine d'universités. Il faudra aussi travailler à mieux connaître le vivier d'anciens étudiants - dont certains sont peut-être devenus milliardaires et seraient désireux d'aider leur ancienne faculté...

Enfin, il faut investir le numérique : il sera à la fois un accélérateur de savoir, de personnalisation des apprentissages, et un facteur d'économies.

Maintenons l'effort pour l'enseignement et la recherche, c'est le plus bel hommage que l'on puisse rendre aux victimes et la meilleure façon de préparer le pays et prévenir le terrorisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste)

ARTICLE 24 État B

Mme la présidente.  - Amendement n°II-139, présenté par M. Berson, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitairedont titre 2 

Vie étudiante

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

20 000 000

20 000 000

Recherche spatiale

70 000 000

70 000 000

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

10 741 788

10 741 788

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2 

15 500 000

15 500 000

Recherche duale (civile et militaire)

Recherche culturelle et culture scientifique

1 000 000

1 000 000

Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2 

2 291 324

2 378 603

TOTAL

119 533 112

119 620 391

SOLDE

119 533 112

119 620 391

M. Michel Berson, rapporteur spécial.  - En seconde délibération, l'Assemblée nationale, à la demande du Gouvernement, a réduit de 119 millions les crédits de la mission, et plus particulièrement de 70 millions d'euros, soit 5 %, ceux du programme 193 « Recherche spatiale ». Cet amendement rétablit ces crédits. Les crédits alloués à la recherche ne doivent pas servir de variable d'ajustement : ce coup de rabot n'est pas acceptable, pas plus sur le fond que sur la forme, la procédure de seconde délibération ôtant toute marge de manoeuvre aux parlementaires.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-202 rectifié, présenté par M. Grosperrin, au nom de la commission de la culture.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis.  - La commission de la culture soutient l'initiative de la commission des finances. Le Gouvernement parle de sanctuarisation, donnons un signal fort à la recherche.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État.  - Les crédits consacrés à l'ASE sont en forte progression ; la somme inscrite au budget sera suffisante. Le rabot épargne largement les universités et les organismes de recherche. Compte tenu de ces efforts, j'apprécierais un retrait. À défaut, avis défavorable.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Le groupe CRC votera ces amendements qui rétablissent des crédits amputés. Les crédits de la recherche ne doivent pas servir de variable d'ajustement d'autant qu'il y aurait beaucoup à dire sur l'utilisation du CIR, dont le pilotage et la gestion mériteraient d'être améliorés.

M. Roger Karoutchi.  - Si j'en crois le tableau, les 119 millions d'euros ne sont pas pris uniquement sur l'ASE, mais aussi sur la recherche économique ou pluridisciplinaire.

La recherche est fondamentale pour protéger, investir, préparer la France de demain, nous a dit le ministre. Le groupe Les Républicains le pense également, il votera ces amendements.

Mme Dominique Gillot.  - Sans douter de l'engagement du ministre, on peut toujours craindre des coups de rabot...

M. Roger Karoutchi.  - Il y en aura !

Mme Dominique Gillot.  - Cela s'est déjà vu. Pour préserver autant que possible les crédits de la recherche dans une telle hypothèse, le groupe socialiste votera ces amendements.

Mme la présidente.  - Belle unanimité.

Les amendements identiques nosII-139 et II-202 rectifié sont adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-211, présenté par M. Bouvard.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitairedont titre 2 

14 000 000

14 000 000

Vie étudiante

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

Recherche spatiale

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2 

Recherche duale (civile et militaire)

Recherche culturelle et culture scientifique

Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2 

TOTAL

14 000 000

14 000 000

SOLDE

- 14 000 000

- 14 000 000

 

Amendement n°II-210, présenté par M. Bouvard.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitairedont titre 2 

200 000

200 000

Vie étudiante

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

Recherche spatiale

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2 

Recherche duale (civile et militaire)

Recherche culturelle et culture scientifique

Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2 

TOTAL

200 000

200 000

SOLDE

- 200 000

- 200 000

 

M. Michel Bouvard.  - La Chancellerie des universités de Paris, qui gère un patrimoine de 15 500 mètres carré de locaux d'habitation, loués en dessous du prix du marché, et un patrimoine locatif évalué à 123 millions d'euros pour bien d'autres opérateurs que les seules universités. Beaucoup de ces biens n'ont rien à voir avec ses missions, comme le domaine Richelieu, sa chasse, ses terres agricoles, ou encore des villas à Casablanca... Cela fait des années que la Cour des comptes réclame la suppression de cet organisme, qui distribue des subventions à d'autres opérateurs dans la plus grande opacité. D'où ces amendements : le premier supprime les crédits de la Chancellerie des universités de Paris, le second réduit à zéro la subvention pour charge de service public. Incitons enfin l'État à réformer un opérateur qui ne correspond plus à l'organisation actuelle de l'université.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.  - Nous sommes un certain nombre à partager votre sentiment. Défavorable à l'amendement n° II-211, qui supprime 14 millions d'euros dans le programme 150, mais sagesse bienveillante sur l'amendement n°II-210, sachant que 200 000 euros sont conservés à la Chancellerie.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Après le rapport de la Cour des comptes, la Chancellerie a effectué un travail considérable pour rationaliser les procédures. Je vous invite à rencontrer le recteur. Votre amendement, radical, compliquerait le fonctionnement de l'immobilier universitaire en région parisienne.

M. Michel Bouvard.  - Je retire l'amendement d'appel n°II-211. Je me réjouis de la position de la commission sur l'amendement n° II-210 : on ne peut en rester au statu quo. Monsieur le ministre, nous ne pouvons plus accepter une gestion aussi opaque du patrimoine immobilier de l'État. À l'heure où l'on envisage la dévolution de l'immobilier aux universités, envoyons aux opérateurs un signal de rigueur et de transparence.

L'amendement n°II-211 est retiré.

M. Roger Karoutchi.  - Pour une fois, je suis en désaccord avec M. Bouvard. Si on en croit les rapports de la Cour des comptes, il faut tout fermer dans ce pays. (Rires)

Je veux bien croire que la Chancellerie des universités de Paris a des défauts, mais attention à ne pas tout casser. La plupart des rectorats de province reçoivent une aide financière de la région. En Ile-de-France, les universités, qui accueillent 25 % des étudiants, se débrouillent par leurs propres moyens. Si l'on met les choses à plat, la comparaison serait peu flatteuse pour les universités de province. Si l'on supprime ces 200 000 euros, rien ne garantit que l'État viendra compenser : les universités se tourneraient alors vers les collectivités territoriales, qui n'en peuvent mais.

M. Maurice Vincent.  - Il n'est guère bienvenu d'opposer comme le fait M. Karoutchi les moyens des universités franciliennes et ceux des universités de province ; il y aurait beaucoup à dire, notamment sur les dotations en enseignants... Les choses sont plus complexes qu'il n'a bien voulu le dire.

L'amendement n°II-210 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-157, présenté par M. Adnot, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

 (en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitairedont titre 2

5 590 000

5 590 000

Vie étudiante

5 590 000

5 590 000

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

Recherche spatiale

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2

Recherche duale (civile et militaire)

Recherche culturelle et culture scientifique

Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2

TOTAL

5 590 000

5 590 000

5 590 000

5 590 000

SOLDE

0

0

 

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.  - L'enseignement supérieur privé, qui forme 80 000 étudiants, allège la charge de l'État de plusieurs millions d'euros. Or le soutien de l'État baisse d'année en année : moins de 800 euros par étudiant, contre 1 000 euros en 2013. Cet amendement rétablit la contribution de l'État à son niveau de 2013 en prenant des crédits sur le logement étudiant... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et républicain), non sur le soutien aux étudiants, mais sur l'investissement : le métier des universités n'est pas de construire des logements. Dans mon département, ils sont construits par le conseil général, et gérés par le Crous.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-201, présenté par M. Grosperrin, au nom de la commission de la culture.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis.  - La baisse du soutien à l'enseignement supérieur privé a été forte ces dernières années. Cet amendement est très important.

Un mot sur les droits d'inscription : 500 euros, c'est très loin du niveau observé aux États-Unis !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Cette année, les crédits de l'enseignement supérieur privé sont maintenus, alors que le flux de nouveaux étudiants se dirige plutôt vers l'enseignement public. Vous souhaitiez tout à l'heure donner plus de moyens aux Crous ; je m'étonne que vous les ponctionniez à présent !

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.  - Vous-même venez de prendre 50 000 euros sur la vie étudiante, monsieur le ministre ! L'argument est malvenu.

M. Daniel Raoul.  - Lors de la présentation de cet amendement en commission, il n'avait pas été précisé que ces 5 millions d'euros seraient pris sur la vie étudiante. Il faudrait faire le ménage dans l'enseignement supérieur privé : certains exercent des missions de service public, d'autres non. Les frais d'inscription sont parfois si élevés qu'on peut s'interroger... Je voterai contre cet amendement.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Ponctionner la vie étudiante est inadmissible ! C'est la pire des choses à faire. Les établissements privés disposent de ressources propres, notamment grâce à des frais d'inscription souvent élevés qu'ils fixent à leur guise. Le groupe CRC votera contre ces amendements.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis.  - Le groupe socialiste ne votera pas non plus ces amendements. Le signal envoyé serait très négatif. Le Cnous a déjà accepté un prélèvement de 50 millions sur son fonds de roulement, n'en rajoutons pas.

En revanche, je serai un peu plus nuancé sur l'enseignement privé. Depuis la loi Économie sociale et solidaire, certaines écoles privées à but non lucratif bénéficient d'un label leur reconnaissant un caractère d'intérêt général ; elles participent aux Comue, les droits d'inscription y sont modérés, les ambitions de formation, la volonté de faire réussir les étudiants sont aussi élevées que dans le public. Nous gagnerions à considérer davantage les écoles comme des partenaires, sur le modèle du système de santé.

Mme Corinne Bouchoux.  - Cet amendement est une fausse bonne idée. Déshabiller Pierre pour habiller Paul est une ineptie, que personne ne comprendra sur le terrain, où se côtoient des boîtes de qualité et d'autres établissements beaucoup moins sérieux.

M. Roger Karoutchi.  - Mme Gillot a raison, cessons d'opposer public et privé, il y a des bons et des mauvais des deux côtés.

En 2010, le président Huchon a fait campagne sur la construction de 15 000 logements étudiants. Président de la commission des finances de la région, j'ai suivi cela de très près : la région s'est acquittée de sa tâche. À chacun son métier : à l'enseignement supérieur de faire fonctionner les universités, aux régions de construire des logements.

Mme Françoise Laborde.  - Le groupe RDSE votera contre. Il faut le préciser car le vote par scrutin public sur ces amendements reflètera la position de la majorité sénatoriale, pas celle de la majorité des présents.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.  - Je ne peux laisser dire que j'aurais dissimulé la réalité de cet amendement lors de son examen en commission : il n'a pas changé d'une ligne. Tous les commissaires qui étaient présents ont pris position en connaissance de cause.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nosII-157 et II-201 sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°75 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 189
Contre 155

Le Sénat a adopté.

Les crédits de la mission sont adoptés.

La séance est suspendue à midi cinquante.

présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 30.

Défense

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances - L'actualisation de la programmation militaire l'été dernier, consensuelle, a revu à la hausse les ressources de la défense : le Sénat avait alors veillé à ce que des garanties supplémentaires soient inscrites concernant les recettes. Ce budget est conforme avec la nouvelle programmation. Notre position sur les recettes exceptionnelles - ramenées de 1,6 milliard à 250 millions d'euros - a été entendue, de même que sur la décote Duflot, que l'Assemblée nationale voulait supprimer. Notre souci est la sincérité de ce budget. Les ressources de la mission « Défense » augmentent de 600 millions d'euros par rapport à la programmation initiale, l'amendement du Gouvernement ajoute 100 millions, ce qui portera les crédits à 32,1 milliards. Avis favorable de la commission des finances qui s'est prononcée avant les attentats du 13 novembre.

Pour autant, nous avons des points de vigilance. Le budget 2016 ne pourra respecter la programmation que si l'exécution 2015 est conforme : les 2 milliards d'euros remplaçant les Rex doivent être au rendez-vous ; les 56,7 millions correspondants au remboursement à la Russie du Mistral doivent être restitués à la défense. Le dépassement des prévisions des dépenses pour Opex devra être couvert par la solidarité interministérielle ; la contribution de la défense à cette dernière devra être aussi réduite que possible. Le décret d'avance est rassurant, le contenu du projet de loi de finances rectificative aussi ; mais le fonds de solidarité gouvernemental n'est pas consacré seulement aux Opex - le budget n'est donc pas totalement sanctuarisé. Sentinelle, la sécurisation des sites de munitions, l'intensification des frappes en Syrie nécessitent des investissements. Ne faudra-t-il pas accroître les crédits ?

Le président de la République comme le Premier ministre ont déclaré que nous étions en guerre. Peut-on encore parler de « surcoût » et de « provisions » pour les Opex ? La souveraineté d'un État ne se divise pas : elle est diplomatique, militaire et financière.

La France supporte seule la dépense pour la sécurité de l'Europe entière...

Mme Nathalie Goulet.  - C'est juste !

M. Dominique de Legge,rapporteur spécial.  - Les signes de solidarité devraient se traduire en actes, et en termes financiers. La programmation est-elle justifiée en temps de guerre où le maître-mot est la réactivité, l'adaptabilité ? Nous adhérons aux annonces du président de la République devant le Congrès. La loi sur l'état d'urgence prévoit un rendez-vous régulier avec le Parlement ; il pourrait être l'occasion de l'informer également de la situation extérieure et des besoins de nos armées.

Enfin je rends hommage à nos soldats qui assurent notre sécurité à l'intérieur et traquent l'État islamique sous toutes ses formes à l'extérieur.

M. Jacques Gautier, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Le sergent-chef des forces spéciales Alexis Garato est mort dans la nuit de mercredi à jeudi des suites de ses blessures, après avoir sauté sur une mine au Mali. J'ai une pensée pour sa famille et ses deux camarades toujours hospitalisés. Nos hommes défendent la France au péril de leur vie.

Le budget 2016 est conforme à la programmation actualisée. Priorité est donnée à l'équipement, et je me réjouis que l'amendement du Gouvernement abonde les crédits de munitions : je le réclamais. Les programmes 146 et 178 connaissent de fortes tensions de trésorerie mais le projet de loi de finances rectificative lève ces difficultés. Le report des charges diminue, ce dont je me réjouis dans le contexte actuel, qui implique de sanctuariser puis de renforcer les moyens de la défense. Je me félicite que le Sénat ait adopté en première partie les amendements des deux commissions tendant à maintenir la décote Duflot.

Les déclarations du président de la République ne se limitent pas à 2016 : les prochains candidats à l'élection présidentielle doivent savoir que le budget de la mission devra être abondé d'un milliard d'euros chaque année.

Une dizaine de programmes d'armement doivent être lancés avant fin 2015 : la DGA devra débloquer d'ici le 31décembre 2,2 milliards d'euros. Cela ne posera-t-il pas de problème ? Vous avez demandé à Airbus de livrer d'ici fin 2016 six A400M au nouveau standard militaire 1.5 : êtes-vous confiant dans cette échéance ? Nous devions acheter des avions de transport tactique, d'occasion (C130H) ou neufs (C130J) mais les offres américaines sont très chères : que comptez-vous faire ?

Je vous confirme l'avis favorable au programme 141. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour l'équipement des forces .  - Je m'associe à l'hommage rendu à notre militaire tombé au Mali.

Notre commission est particulièrement vigilante sur la programmation militaire ; cette vigilance a payé, le projet de loi de finances rectificative règle les questions en suspens et le budget 2016 repose ainsi sur de bonnes bases. Cela a influé sur notre avis favorable. Le budget couvre les divers besoins : conversion en crédits budgétaires des recettes de vente de fréquences, remboursement au programme 146 des coûts liés à l'annulation de la vente des Mistral, prise en compte de la poursuite de la manoeuvre RH, ou encore compensation de l'échec de Louvois.

Le budget de la défense est sanctuarisé. Nous serons vigilants sur la mise en oeuvre des annonces du président de la République au Congrès, au-delà de l'amendement présenté aujourd'hui.

Nous pouvons lever l'hypothèque budgétaire liée à l'exportation du Rafale, grâce aux demandes du Qatar et de l'Inde, je m'en réjouis.

Monsieur le ministre, concernant l'affectation des crédits de la loi de finances rectificative, comment procéderez-vous pour éviter que les PME subissent les conséquences dommageables de retards de paiement ?

Enfin, je souhaite que l'effort se porte sur l'amélioration du système de moteur des Caracal, pour mieux assurer les exportations et pour mieux équiper nos forces dans la bande sahélo-saharienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jacques Gautier, en remplacement de M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour l'équipement des forces .  - La dissuasion nucléaire fait la crédibilité de la France et justifie son siège au Conseil de sécurité des Nations unies. À ce propos, je salue les essais réalisés sur le missile stratégique balistique M51 le 30 septembre dernier. Le moment venu, nous devrons moderniser les deux composantes de la dissuasion, aéroportée et océanique : l'anticipez-vous ?

L'espace est un enjeu de souveraineté, un sujet majeur sur les plans scientifique, technologique et industriel. Les programmes Musis, Ceres et Comsat NG montent en puissance, tant mieux. Félicitons-nous de la coopération entre les Allemands et Français sur le troisième satellite de surveillance. A-t-elle vraiment démarré ?

Le programme de drones Male avec plusieurs partenaires européens prévoit un budget de 60 millions d'euros pour les études et le prototype - mais on évoque aussi un chiffre supérieur à 1 milliard pour le développement... Quand ce contrat sera-t-il notifié ? Un drone rentable est-il possible ? Pour l'instant, impossible de se passer des Reaper dans le Sahel.

Quant au programme SDT, l'appel d'offres sur les drones tactiques pérennes a été lancé en 2014. Deux propositions sont aujourd'hui sur la table. Il faudra vérifier soigneusement leur adéquation aux besoins de l'armée de terre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense.  - Xavier Pintat a été entendu.

M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour l'environnement et la prospective de la politique de défense .  - Le programme 144 ne représente que 3 % du budget de la défense ; il est pourtant essentiel pour la connaissance et l'anticipation, qui sont le nerf... de la guerre. Ce budget est conforme à la loi de programmation militaire actualisée ainsi qu'aux Livres blancs. Certes, les études amont voient leurs dotations reculer en deçà de la moyenne annuelle, 730 millions d'euros, inscrite en loi de programmation, mais j'imagine que cette moyenne n'est pas remise en cause ?

L'analyse stratégique bénéficie d'autorisations d'engagements en forte hausse, et désormais elle est organisée autour de contrats-cadres plus clairs, ce dont nous nous réjouissons, comme de l'effort de recherche et développement de la défense à hauteur de 3,8 milliards, soit 25 % de hausse en trois ans et un niveau jamais atteint depuis 2009.

La direction générale du renseignement international et stratégique, issue de la fusion de l'ancienne délégation aux affaires stratégiques et de certains éléments de la direction générale de l'armement, constitue une rationalisation bienvenue.

L'aide à la République de Djibouti, en compensation de nos installations sur place, augmente chaque année beaucoup : ne pourrait-on pas infléchir cette progression ?

M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour l'environnement et la prospective de la politique de défense   - La diminution de 12,7 % des crédits de paiement affectés aux services de renseignement résulte largement d'un changement de périmètre. L'entrée dans un creux du cycle d'investissement l'explique également, après le pic des années 2014 et 2015. Elle est en outre atténuée par l'amendement du Gouvernement et largement compensée par un renforcement en personnel.

La DGSE bénéficiera à terme de 605 créations d'emploi, 169 déjà acquises et 122 en 2016. La DPSD connaît un renforcement significatif, avec 1 200 agents fin 2016 contre 1 053 fin 2013. La difficulté des recrutements tient à la faiblesse des viviers : peut-être faudrait-il investir dans la formation ?

Le président de la République a gelé les suppressions de postes dans la défense. Y aura-t-il également des redéploiements, et des postes supplémentaires pour le renseignement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Oui !

M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur pour avis.  - C'est parfait. La DPSD a pour mission d'inspecter les sites sensibles et d'identifier les vulnérabilités, encore faut-il que ses préconisations soient prises en considération... Je souhaiterais qu'un indicateur de performance relatif au suivi de ces recommandations soit élaboré.

Saluons le renforcement du renseignement de défense, dont l'engagement, en particulier dans ce contexte difficile, est total. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour la préparation et l'emploi des forces .  - Votre amendement abondant le programme 178 semble indispensable. Mais les crédits sont-ils suffisants ? Pourquoi ne pas les avoir prévus dès l'actualisation de la loi de programmation militaire ? La suractivité et la surutilisation des matériels ont une limite. Nous sommes, comme le dit le général de Villiers, au taquet.

Le montant des commandes en armement est passé de 5,1 à 15 milliards d'euros en 2015 : peut-être y êtes-vous pour quelque chose...

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - J'essaie...

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur pour avis.  - Quel retour ont nos armées des exportations de matériel qu'elles soutiennent ? Le coût complet de possession de matériel doit être évalué et compensé. Vos services et l'IGF pourraient-ils se pencher sur ces questions ? Dans ces moments terribles, le budget de l'armée est un budget d'unité nationale et je vous en félicite. (Applaudissements)

Mme Michelle Demessine, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour la préparation et l'emploi des forces .  - Le renforcement de 11 000 hommes de la force terrestre dans la loi de programmation militaire est bienvenu mais le retard sera long à résorber. Il faudra au moins que les autorisations d'engagements soient au rendez-vous dès 2017 pour les équipements.

La disponibilité des appareils aéronautiques est de 80 %. La réorganisation a permis un délai de réparation des moteurs revenant des théâtres extérieurs de 18 jours contre 70 en 2013. Même amélioration pour les hélicoptères.

Monsieur le ministre, avez-vous obtenu les arbitrages pour préserver les personnels civils de la défense, qui méritent notre respect et notre attention ?

L'âge et l'usure de certains équipements, la multiplication des engagements ont des conséquences inquiétantes : les jeunes ne peuvent effectuer leurs heures de vol ; les plus expérimentés sont renvoyés très vite en opération.

Il faudra une fois de plus revoir la programmation. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen et applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jacques Gautier, en remplacement de M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour le soutien de la politique de défense .  - Désormais, la priorité est de donner à nos armées les moyens de défendre le territoire. Les dépenses de personnel sont de 19,9 milliards d'euros, en hausse de 2,17 %.

Il en fallait autant pour que l'armée de terre puisse remplir toutes ses missions, y compris Sentinelle, sans renoncer à l'entraînement. Le renoncement à la déflation d'effectifs n'a pas d'effets en 2016 ; de 2017 à 2019, la trajectoire sera en revanche revue, avec une hausse des effectifs à laquelle la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est attachée.

La manoeuvre RH continue. Le principal défi pur 2016 : 16 000 nouveaux recrutements, après 9 000 en 2015. Avis favorable aux crédits du programme 212.

M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour le soutien de la politique de défense .  - La politique immobilière de la défense, avec 1,2 milliards d'euros, concerne les grands programmes d'armement, comme l'opération Sentinelle, par l'hébergement des militaires.

Il nous faudra poursuivre la rénovation des bâtiments de ville les plus dégradés. La sécurité de nos dépôts de munitions sera renforcée. Le déménagement vers Balard est une opération de grande ampleur. Un bilan global devra être fait du PPP de 3,5 milliards d'euros hors taxe, avec une redevance annuelle à 130 millions. Un nouveau logiciel remplacera le défaillant Louvois en 2017, après test en 2016. La politique indemnitaire complexe des militaires gagnerait à être revue. Avis favorable à ces crédits conformes à la loi de programmation militaire.

Mme Leila Aïchi .  - Saluons le ralliement tardif du Gouvernement à nos positions sur la Syrie, et rendons hommage aux forces armées. Le lien armée-Nation, renforcé par des initiatives comme la réserve citoyenne, doit être renforcé. Les soldats doivent être la priorité. Nous nous réjouissons de la suppression de toute déflation d'effectifs, alors que se multiplient les Opex. Avons-nous encore les moyens d'être les gendarmes du monde, à agir en Afrique et au Moyen-Orient ? Les Opex limitent notre capacité à intervenir y compris sur les plans humanitaire et de prévention. Évitons le court-termisme, préparons aussi le temps long. N'oublions pas les enjeux stratégiques que sont l'accès aux matières premières, l'énergie, la démographie : les ruptures d'aujourd'hui sont les conflits de demain.

Vous connaissez nos propositions sur le renouvellement automatique des équipements de la dissuasion : il nous empêche de réfléchir. L'armée doit aussi se préparer aux défis du futur. L'absence d'une défense européenne fait peser sur nous un poids important. Le monde connaît une bascule environnementale, notamment pour le milieu maritime, avec l'augmentation de la population côtière, la hausse des trafics illégaux, etc. La marine voit ainsi ses missions se diversifier.

La faible provision pour les Opex nous interpelle : il ne faudrait pas que les crédits pour le renouvellement des matériels soient mobilisés. Toutefois, des économies sont possibles. Pourquoi avoir supprimé le comité de contrôle du prix de revient de l'armement ? C'est dommage ! Malgré tout notre soutien aux forces, nous nous abstiendrons sur les crédits en raison de nos désaccords de fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

M. Yvon Collin .  - Les événements du 13 novembre imposent que le pacte de sécurité l'emporte temporairement sur le pacte de stabilité. Nous ne sommes pas les seuls à avoir pris la mesure des menaces : le Royaume-Uni a dégagé 27 milliards d'euros supplémentaires pour sa défense.

La création de 2 300 postes en 2016 et la stabilité des effectifs ensuite vont dans le bon sens. Nous devons cela aux victimes ainsi qu'à nos policiers, militaires, secouristes. La trajectoire globale va au-delà de la loi de programmation militaire, grâce à l'énergie dont, monsieur le ministre, vous avez toujours fait preuve.

La commission des affaires étrangères et de la défense s'interroge sur le coût des Opex au regard d'opérations intérieures insuffisamment dotées. Un retour du service national obligatoire, face à la gravité des événements, aurait pu être envisagé. Mais nous avons besoin d'une armée professionnelle dans les conflits asymétriques. La Nation en armes n'est pas la solution.

M. Daniel Reiner .  - Avant tout, délivrons un satisfecit à M. le ministre et au Gouvernement.

M. Didier Guillaume.  - Il le mérite !

M. Daniel Reiner.  - La fin de gestion 2015 a été menée au mieux des intérêts de la défense, le ministère a moins que les autres été mis à contribution dans la solidarité ministérielle. Ce budget reflète les nouveaux défis auxquels nous devons faire face. La volonté du président de la République est de le sanctuariser. La montée en charge des services de renseignement doit être notée. Le format des forces opérationnelles a été revu.

Le drame du 13 novembre impose de confirmer ces nouvelles impulsions. Le gel des suppressions de postes dans les trois années suivantes va dans ce sens. Le surcroît de ressources pour la défense de 3,4 milliards d'euros sur 2015-2019 permettra à la France de se rapprocher des 2 % de PIB, objectif de l'Otan réaffirmé à Newport. Nous pouvons augmenter dès cette année les effectifs de 2 300 emplois. Les recettes exceptionnelles ne s'élèvent plus qu'à 250 millions d'euros. Le budget est donc plus que sanctuarisé. Notre commission, sous les présidences Carrère et Raffarin, y a largement contribué ; nous nous en félicitons.

La France continue ainsi d'exprimer une ambition stratégique. Les défis sont nombreux, qui nous imposent de moderniser nos équipements.

Les crédits activité et entraînement poursuivent leur progression, qu'accompagne l'entrée en service de nouveaux armements : A400M, Tigre, Rafale... Les crédits d'équipement passent ainsi à 17 milliards : c'est le premier poste d'investissements de l'État. Plus de 4 milliards sont en outre alloués à la recherche-développement, dont 710 millions en faveur des études amont.

Seront ainsi assurés la protection du territoire avec la mission Sentinelle, le renseignement et l'engagement extérieur. Les opérations Chammal, Barkhane et Sangaris montrent tous les jours le professionnalisme de nos armées et un niveau opérationnel exceptionnel.

Le budget fonde notre autonomie stratégique, assure la modernisation de nos armées, le financement des opérations et donne des perspectives d'avenir : il conjugue le temps court et le temps long. Le groupe socialiste et républicain le votera des deux mains. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; MM. Yvon Collin et Jacques Gautier applaudissent aussi)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Nos forces armées font notre fierté pour leur professionnalisme, leur courage et leur dévouement. Tous les participants à l'Assemblée parlementaire de l'Otan dont je reviens ont rendu un vibrant hommage à notre pays et à nos soldats.

La loi de programmation militaire actualisée est ici respectée : augmentation des crédits, limitation des recettes extrabudgétaires (REX) et de la déflation des effectifs. Les crédits progressent de 1,8 %, à 31,7 milliards. La part des REX ne dépassera pas 250 millions d'euros. Une interrogation toutefois sur leur financement... Les députés sont revenus sur le plafonnement de la décote résultant de la loi Duflot sur l'îlot Saint-Germain, ce qui fragiliserait les crédits. (M. Michel Bouvard confirme) L'îlot Saint-Germain n'est pas un emplacement banal, n'en déplaise à Mme Hidalgo. (M. Didier Guillaume déplore un argument ad hominem)

L'augmentation des crédits d'équipement était plus que nécessaire. Au-delà du financement des Opex, le maintien en condition opérationnelle (MCO) est un problème majeur, on le voit en particulier au Sahel. L'usure du matériel s'accélère, d'autant que nos équipements ne sont pas neufs. Leur renouvellement est indispensable pour que nous ne subissions pas les déboires des Britanniques.

La déflation des effectifs est stoppée, c'est bien. La révision de la loi de programmation militaire a fait bénéficier les forces opérationnelles terrestres, le renseignement et la cyberdéfense d'une augmentation des effectifs. Pouvez-vous nous éclairer sur les redéploiements prévus, monsieur le ministre ? La manoeuvre RH doit se poursuivre. C'est tout le chapitre 3 de la nouvelle LPM qui est remis en question.

Un mot sur les réserves opérationnelles, en quoi je vois un facteur de résilience et de cohésion sociale. J'avais proposé des amendements dans le cadre de la loi de programmation militaire ; où en sommes-nous des possibilités offertes par les textes, monsieur le ministre ? Quid d'un déploiement parmi nos communautés à l'étranger ?

Notre groupe votera ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et au centre ; M. Jeanny Lorgeoux applaudit aussi)

M. Joël Guerriau .  - L'opération Sentinelle a été déclenchée après les horreurs de janvier, qui elles-mêmes faisaient suite aux agressions de Toulouse et Montauban en 2012. Depuis, l'ennemi a franchi une nouvelle étape et la France est entrée en guerre. Le 13 novembre, la France, ses valeurs, son mode vie ont été attaqués. Je veux saluer l'engagement de nos forces en opérations extérieures comme sur notre territoire. En 1918, Clemenceau disait que politiques étrangère et intérieure étaient tout un : faire la guerre...

La mission défense n'a plus rien à voir avec la programmation 2009-2014. Les enjeux nationaux et internationaux ont changé. C'est d'abord sur nos effectifs que repose la politique de défense. Bercy doit comprendre que la masse salariale n'est pas compressible indéfiniment ni aliénable, et que nos équipements, engagés sur de nombreux fronts, sont surutilisés.

Les effectifs de policiers et de gendarmes doivent être en capacité d'assurer pleinement la sécurité intérieure. Ce ne peut être durablement le rôle des armées. Le programme 212 progresse de 3 % ; on peut regretter que la marine et l'armée de l'air soient moins bien servies que le renseignement.

La question du surcoût des Opex a fait l'objet de nombreux débats. L'enveloppe est restée fixée à 450 millions, alors que le surcoût est de 650 millions en 2015. Il se répètera donc... Et le surcoût des opérations intérieures est évidemment supérieur aux 26 millions budgétés au titre II. L'incertitude sur l'équilibre de la mission est par conséquent forte.

L'efficacité opérationnelle suppose de prendre en compte les difficultés opérationnelles et morales de nos forces. La France, à la vérité, est engagée au-delà de ses capacités. Nous n'en sommes que plus convaincus de la nécessité d'une Europe de la défense.

Face à la menace qui est aussi virtuelle, nous devons livrer bataille dans le cyberespace. L'augmentation des effectifs dans ce secteur est bienvenue.

Le contexte mondial, plus largement, a changé. Le monde s'arme. Les commandes faites à notre industrie de défense ont été multipliées par trois, de 5 à 15 milliards. Ces bons résultats à l'export sont encourageants mais placent haut la barre pour les années à venir... De nouvelles recettes ne seront-elles pas nécessaires ? Dans un contexte budgétaire tendu, ne faudrait-il pas réévaluer à la hauteur du service rendu les prestations facturées par nos armées en soutien des industriels à l'exportation ? Le programme 146 connaît de fortes tensions de trésorerie, les crédits étant mis tardivement à disposition de la DGA. Ceux du programme 144 baissent, il est normal que priorité soit donnée aux dépenses opérationnelles.

Il faudra réorienter notre diplomatie, revoir nos relations avec l'Arabie Saoudite, les Émirats et le Qatar. Un bouclier européen est également indispensable, la France seule ne peut pas tout.

Ressources sécurisées à 32 milliards, REX limitées, ce budget préserve notre effort de défense. Le groupe UDI-UC, unanime, le votera. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Michelle Demessine .  - Nous examinons les crédits dans un contexte dramatique, après le meurtre de 130 de nos compatriotes qui s'ajoutent à nos soldats tombés en Opex. Le budget joue un rôle de premier plan pour préserver les intérêts de notre Nation et protéger nos concitoyens.

Le premier traumatisme de janvier avait déjà donné lieu à des mesures fortes, traduites dans l'actualisation de la loi de programmation militaire - ce que ce projet de loi de finances met en oeuvre. Après le 13 novembre, l'arrêt de la déflation des effectifs jusqu'en 2019 est une décision courageuse, alors que nos armées interviennent sur plusieurs théâtres étrangers et désormais sur le territoire national.

Autre motif de satisfaction : le remplacement de la plupart des REX par des crédits budgétaires. Nous y veillerons en projet de loi de finances rectificative. La modernisation du matériel, la régénération des parcs sollicités en Opex, le maintien en condition opérationnelle, reçoivent les moyens nécessaires, c'est heureux.

Dans ces temps troublés, le lien armée-Nation est primordial ; de 300 réservistes engagés sur le territoire national, nous devrions passer à 1 000 l'an prochain, et l'objectif a été fixé de disposer non plus de 28 000 mais de 40 000 réservistes.

Si les Opex sont par nature imprévisibles, leur financement devrait être plus transparent, comme celui de l'engagement de nos armées sur le territoire national dans le cadre de l'opération Sentinelle - des surcoûts respectivement de 200 millions d'euros.

Je demeure sceptique sur les facultés d'adaptation de notre pays aux nouveaux enjeux : les Opex sont de plus en plus longues et nombreuses, les objectifs politiques de plus en plus difficiles à atteindre. Comme un ancien directeur de l'École de guerre, je crains que nos armées ne soient surdéployées par rapport à leurs capacités et ne s'usent, comme celles des Britanniques. Il est urgent que vous nous présentiez vos conclusions, monsieur le ministre, sur la doctrine d'emploi de nos forces terrestres.

Un mot enfin sur notre arsenal de dissuasion nucléaire, qui n'est plus une réponse pertinente à la menace, et dont le coût budgétaire, considérable, ne peut que nuire à nos capacités conventionnelles.

Compte tenu des efforts budgétaires et du fait qu'ils ne pèseront pas sur les autres missions tout aussi nécessaires du budget de l'État - c'est, croyons-nous, le sens du pacte de sécurité -, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jeanny Lorgeoux .  - Pour conduire l'évolution de nos armées face aux nouveaux défis stratégiques et à l'irruption du terrorisme, il fallait actualiser la loi de programmation militaire et renforcer les piliers de la guerre moderne - renseignement, cyberdéfense, drones... La guerre n'est pas un leurre, elle est réelle, même si la bataille psychologique et médiatique devient une composante de la belligérance.

Le Gouvernement consacre des moyens supplémentaires à la reconfiguration de nos capacités d'intervention sur mer, sur terre et dans l'air. J'entends les critiques de certains esprits chagrins sur les Opex, mais que serait une politique de défense sans capacité d'attaque ? Notre dissuasion nucléaire, colonne vertébrale de notre indépendance, bouclier de fait de l'Europe occidentale, doit être complétée par une armée de protection et de projection, entraînée et dotée de matériels appropriés. Alors que de nouveaux empires se dessinent, que les inégalités se creusent, à un moment où l'Europe, souvent frileuse, hoquète, Nous avons besoin d'une défense solide. Dans le bouillonnement sociétal qui chavire nos certitudes, éclate notre cadre de vie, égare les consciences, l'armée est le rempart de la République et de son intégrité. Et si l'Europe ne veut pas d'une défense européenne, qu'elle participe financièrement à l'effort de la France quand elle brandit l'étendard de la liberté et de nos valeurs de Tombouctou à Bamako, de Beyrouth à Raqqa...

Il faut aussi prendre la mesure de l'ennemi ; ce terrorisme qui se nourrit des errances de jeunes en quête d'absolu, de nihilistes coupés de leurs coreligionnaires et habités par un instinct de mort. Notre ennemi n'est pas l'islam. Comme le dit Olivier Roy, il s'agit moins d'une radicalisation de l'islam que d'une islamisation de la radicalité. La réponse à ce fléau doit être militaire, politique, sociétale. Cette guerre sauvage va hélas durer.

Notre appareil de défense s'y adapte. Les crédits s'inscrivent donc dans un effort long qui les portera, je l'espère, à 2 % du PIB.

Il y a urgence à redynamiser notre réserve citoyenne - vers une garde nationale ? - à renforcer l'instruction civique en primaire, l'enseignement de l'histoire... Ne pas baisser la garde ni la tête, voilà ce que nous devons faire. Nous sommes fiers de voter un budget debout, qui enclenche une dynamique patriotique vertueuse. (Applaudissements)

M. Cédric Perrin .  - En cette année terrible, le vote du budget de la défense est fondamental. La capacité de répondre à nos agresseurs impose de rééquilibrer les moyens alloués à nos forces, en diminution depuis plusieurs années. Le challenge est redoutable : préparer l'avenir, moderniser la dissuasion.

Les forces armées s'interrogent sur la cohérence d'une organisation repensée en fonction d'effectifs en déflation. Où seront affectés les nouveaux effectifs, monsieur le ministre ? Le risque est grand d'une contagion du conflit au Proche orient, vers le Liban, la Jordanie, peut-être même l'Égypte et la péninsule arabique. N'est-il pas nécessaire d'élaborer un nouveau Livre blanc ?

La cible Rafale a été diminuée ; nous n'avons qu'un seul porte-avions, qui sera immobilisé de janvier 2017 à la mi-2018... Nos hommes sont largement mobilisés par le plan Sentinelle, qui pèse sur les capacités d'entrainement. Ne serait-il pas plus sage de créer une force dédiée ? Ou, sans doute plus facilement, de mobiliser davantage les réservistes ? Nos concitoyens sont très nombreux à vouloir s'investir.

Je rends à mon tour hommage à l'abnégation de nos soldats, qui interviennent au péril de leur vie - la mort de notre soldat blessé au Mali mercredi soir nous le rappelle durement. Ils sont les premiers défenseurs de la liberté et méritent notre respect, notre admiration, et surtout que nous prenions de bonnes décidions. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Pascal Allizard .  - Je salue le travail des rapporteurs. Le débat s'ouvre dans un contexte inédit, alors que la défense a souvent servi de variable d'ajustement. La dégradation du climat international, la multiplication des attentats ont fait entrer la France et l'Europe dans la dure réalité. Dans les moments difficiles le pays se tourne vers la nation, le drapeau, l'armée -  celle-ci revient en grâce au point de séduire à nouveau les jeunes... Je salue l'engagement total de nos soldats sur tous les fronts où ils sont engagés et rends hommage à ceux qui sont tombés.

Les modalités de financement du surcoût des Opex restent à revoir. Les opérations intérieures aussi coûtent cher ; le dispositif Sentinelle érode les capacités opérationnelles de l'armée de terre, qui va vivre un ou deux ans difficiles.

Un mot sur la marine. En octobre dernier, nous sommes quelques-uns à avoir pu mesurer le professionnalisme de l'équipage du porte-avions Charles-de-Gaulle. Son engagement au Proche-Orient montre combien il importe de conserver des capacités de premier rang. Certains aéronefs de la marine rencontrent toutefois des problèmes de disponibilité ; nous resterons vigilants sur ce point. Dans un contexte de globalisation maritime, une marine moderne est un atout majeur dans notre pays.

L'Europe désarme mais le monde réarme, notait un rapport sénatorial ; il faudra faire face à la hausse du coût de l'équipement militaire, en le mutualisant à l'échelle européenne par exemple. Nos partenaires ont répondu à l'appel que vous avez lancé, monsieur le ministre, à la suite des attentats du 13 novembre ; mais au-delà des mots, nous attendons des actes perceptibles sur le terrain. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense .  - (Applaudissements des bancs du groupe socialiste et républicain aux bancs du groupe Les Républicains)

Je veux à mon tour rendre hommage au sergent-chef Alexis Guarato, du CPA10, mort au nord-Mali. Je salue le dévouement et le courage de nos forces au Liban, en RCA, au Mali, comme ceux mobilisés dans le cadre de l'opération Sentinelle.

Ce budget est examiné dans un contexte particulièrement grave. Depuis son examen en Conseil des ministres, la France a basculé dans la guerre, victime d'une attaque armée sur son sol de la part d'un groupe militarisé à prétention étatique.

J'ai plaisir à saluer votre mobilisation permanente en faveur des moyens de notre défense. Vous avez toujours apporté votre soutien à celle-ci, récemment encore à l'occasion de l'actualisation de la loi de programmation militaire. Ce vote est une manière de lutter contre Daech et les terroristes.

À la suite des annonces faites par le président de la République devant le Congrès, j'ai déposé un amendement débloquant 100 millions d'euros supplémentaires en crédits de paiement et 173 millions en autorisations d'engagement pour financer les munitions nécessaires aux opérations en Syrie et en Irak, le renseignement, la cyberdéfense et la réserve opérationnelle.

La loi de programmation militaire 2014-2019 prévoyait 34 000 suppressions de postes, dont 10 000 en vertu de la loi de programmation antérieure qui fixait le nombre de postes supprimés à 54 000. Depuis, l'actualisation de la loi de programmation militaire a rétabli 18 500 postes en 2015 et 2016. S'y ajouteront, conformément aux annonces faites à Versailles par le président de la République, 10 000 postes supplémentaires entre 2017 et 2019, qui seront affectés à la cyberdéfense, au renseignement et aux forces opérationnelles. Dans le renseignement, les effectifs supplémentaires par rapport à l'actualisation atteindront le millier.

Nous renforçons également notre capacité de réserve : pour 2014-2019, le nombre de réservistes passera de 28 000 à 40 000, et nous prolongerons la réflexion sur le lien entre la réserve territoriale et ce qui pourrait prendre la forme d'une garde nationale.

L'opération Sentinelle, mise en oeuvre très rapidement, ne profitera des recrutements prévus qu'en 2016, car il faut former les nouveaux soldats. L'année 2015 est donc particulièrement difficile. J'ai pris, en matière d'hébergement, de primes, de décoration, les mesures d'accompagnement indispensables, mais la pression sur les effectifs ne sera, c'est vrai, relâchée qu'en 2016.

Une précision : il n'y a et il n'y aura qu'une seule armée, qui se bat contre le même ennemi à l'extérieur comme à l'intérieur. Ce qui n'empêche pas de réfléchir à un nouveau concept de sécurité intérieure. Le Premier ministre a lancé cette réflexion à la demande du président de la République.

Monsieur le rapporteur spécial, les arbitrages budgétaires rendus en fin d'année sont conformes à ceux traduits dans la loi de programmation militaire actualisée : le décret d'avance couvrira l'ensemble du dépassement du coût des Opex, pour 625 millions et celui de l'opération Sentinelle, pour 71 millions.

En 2015, les ressources exceptionnelles sont remplacées par 2,44 milliards d'euros de crédits budgétaires supplémentaires ouverts par la loi de finances rectificative. Avec les 57 millions d'euros de remboursement à la Russie à la suite de la non livraison des BPC Mistral, c'est une opération blanche. Quant à la contribution de la défense à la solidarité interministérielle de financement de gestion, son solde net ne sera que de 13 millions d'euros.

Le budget 2016 sera porté à 32,1 milliards d'euros si vous votez l'amendement du Gouvernement, en progression significative. Le coût des facteurs évolue favorablement, nous pourrons redéployer des moyens pour acquérir des équipements.

Nous discutons avec les Allemands mais aussi les Italiens, les Espagnols et les Polonais sur le drone de nouvelle génération, afin que l'Europe ne dépende pas de la technologie américaine. Le dossier avance, je devrais pouvoir signer au premier semestre 2016 une définition du concept avec les industriels.

Sur l'A400M, j'espère qu'Airbus, avec lequel nous avons des discussions toniques, sera en mesure de tenir ses engagements. Cela ne nous empêchera pas d'acquérir quatre C130 pour compléter nos capacités de transport tactique.

Je vois que mon temps de parole est presque écoulé...

Mme la présidente.  - Pour vous, je ferme les yeux. Poursuivez.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Merci.

Je ne peux laisser dire que nous serions présents sur trop de théâtres d'opérations. Comment nous retirer des opérations Barkhane, Chammal ou Songaris ? Nous commencerons à réduire notre engagement en Centrafrique une fois les conditions politiques réunies, après les élections. En revanche, nous nous sommes retirés du Kosovo, de l'opération Atalante, où nous n'étions plus indispensables. La France, en tout état de cause, a les moyens d'assumer ses responsabilités. Quant à l'ancien directeur de l'École de guerre mentionné par Mme Demessine, il n'exerce plus de responsabilité militaire immédiate...

Les pays membres de l'Union européenne ont répondu à notre appel à la solidarité. L'Allemagne enverra 650 hommes au Mali pour renforcer la Minusma et, au Levant, des Tornado pour des missions de reconnaissance, ainsi qu'un avion de ravitaillement A310 MRTT, une mission de conseil aux Peshmergas, et une frégate d'accompagnement du porte-avions Charles-de-Gaulle. Il faut mesurer ce que cela représente, politiquement, pour l'Allemagne ! Ce vaisseau viendra s'ajouter aux deux frégates belge et britannique qui accompagnent déjà le Charles-de-Gaulle. David Cameron a annoncé sa volonté de s'engager plus fortement sur le théâtre du Levant ; le vote attendu aux Communes témoigne de la prise de conscience européenne.

Le renseignement, la cybersécurité me préoccupent autant que vous. Nous avons, c'est vrai, un problème de recrutement - comme d'ailleurs les grands groupes industriels. Heureusement le nombre d'étudiants formés dans le cadre du pôle d'excellence que j'ai créé est passé de 2 000 à 2 800 en un an, signe de l'intérêt pour ce sujet.

Madame Demessine, le conseil de surveillance du Service industriel aéronautique a pris des décisions importantes, y compris sur un recrutement d'ouvriers d'État.

Comme vous, je suis touché par l'élan patriotique qui se manifeste dans notre pays et l'attachement témoigné à nos armées. Pour la seule armée de terre, nous sommes passés, depuis le 13 novembre, de 500 manifestations d'intérêt de jeunes par jour à 1 500 ! C'est toute une génération qui croit en notre pays et en notre manière d'être, qui croit qu'il faut se battre pour notre sécurité. (Applaudissements)

ARTICLE 24 État B

Mme la présidente.  - Amendement n°II-311, présenté par le Gouvernement.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

13 000 000

6 500 000

Préparation et emploi des forces

152 000 000

85 500 000

Soutien de la politique de la défensedont titre 2

8 000 000

8 000 000

8 000 000

8 000 000

Équipement des forces

TOTAL

173 000 000

 

100 000 000

 

SOLDE

+173 000 000

+100 000 000

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - À la suite des annonces du président de la République devant le Congrès, cet amendement augmente les moyens de 173 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 100 millions d'euros en crédits de paiement, pour le financement de munitions, indispensables à l'intensification de nos frappes en Syrie, de l'opération Sentinelle, du renseignement et du renforcement de la réserve opérationnelle.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial.  - Cet amendement correspond aux assurances du président de la République. Les Opex, ce sont certes des munitions, mais aussi du carburant, des dépenses supplémentaires de personnel... Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le surcoût de 650 millions d'euros des Opex en 2015, compte tenu de l'intensification des frappes, et sur les moyens dévolus au renseignement ? Sous ces réserves, avis favorable.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Les flux de munitions sont éligibles aux crédits dédiés aux Opex, mais non les stocks. Le surcoût des Opex en 2015 est couvert par le décret d'avance.

Les moyens du renseignement financés par l'amendement sont couverts par le secret-défense. Mais il s'agit bien de mettre en oeuvre la loi sur le renseignement. Je précise à M. Lorgeoux que les crédits affectés au renseignement n'ont jamais diminué : la baisse apparente tient au changement de périmètre. Nous n'avons jamais cessé d'augmenter les effectifs, car le renseignement est un outil de notre souveraineté.

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.  - Un regret : si je comprends les règles de la discussion budgétaire, je trouve que trois minutes par rapporteur sur une mission d'une telle importance, dans les circonstances actuelles, c'est très insuffisant. (Applaudissements)

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Merci !

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission.  - Je voterai avec cet amendement avec conviction.

Monsieur le ministre, merci de tenir les engagements pris dans le sens d'un redressement. Ce vote, que nous souhaitons le plus large possible, sera la vraie réponse aux terroristes, qui spéculent toujours sur la fragilité de la démocratie, sur nos divisions. Montrons que, rassemblés autour de l'État, forts de nos institutions, nous nous donnons les moyens d'assurer notre défense avec coeur et avec courage, dans le respect de nos institutions démocratiques rassemblées. (Applaudissements)

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances.  - Je m'associe à ces remerciements, monsieur le ministre. Quant aux règles de la discussion budgétaire, il est très difficile d'en adopter d'autres, compte tenu des délais qui nous sont impartis : vingt jours pour examiner trente missions budgétaires. N'oublions pas le travail fait en commission ; nous avons d'ailleurs entendu le ministre sur le projet de loi de finances rectificative. L'importance du sujet se verra non dans les temps de parole mais dans le résultat du vote.

Mme la présidente.  - Notez, monsieur le président Raffarin, que j'ai laissé à M. le ministre tout le temps nécessaire.

Mme Leila Aïchi.  - En toute responsabilité, nous voterons cet amendement, tout en regrettant que l'armée, plus à même de répondre aux défis d'une guerre asymétrique, ne participe pas davantage à l'opération Sentinelle.

Mme Nathalie Goulet.  - Le groupe UDI-UC, qui avait déjà voté la LPM, soutiendra unanimement cet amendement.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - En 2015, les armements ont rapporté 15 milliards d'euros. Il serait souhaitable que l'armée en bénéficiât davantage !

L'amendement n°II-311 est adopté.

Mme la présidente.  - C'est l'unanimité.

Amendement n°II-84, présenté par M. Trillard, au nom de la commission des affaires étrangères.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

15 000 000

15 000 000

 

Préparation et emploi des forces

Soutien de la politique de la défensedont titre 2 

Équipement des forces

15 000 000

15 000 000

TOTAL

15 000 000

  15 000 000

15 000 000

15 000 000

SOLDE

0

0

M. André Trillard, rapporteur pour avis.  - La Cour des comptes s'est fait l'écho des difficultés de l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (Onera), et appelle à la conclusion d'un contrat d'objectifs et de performance. La soufflerie de Modane est en danger, le site de Châtillon n'est pas aux normes de sécurité. Nous proposons donc de transférer 15 millions d'euros du programme 146 au programme 144.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-181, présenté par M. Bouvard.

M. Michel Bouvard.  - À l'évidence, il faut que l'Onera relève le challenge, que le contrat d'objectifs et de moyens soit négocié, que la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) apporte sa pierre au financement. Mais il y a urgence : la soufflerie de Modane s'affaisse, sa structure même est menacée. Si l'on n'intervient pas rapidement, il pourrait en coûter 300 millions d'euros. Or cette soufflerie, unique au monde, conserve toute son utilité à l'ère numérique pour les tests de missiles ou d'avion en conditions réelles. J'ai vu défiler à Modane tous les grands constructeurs mondiaux, toutes les équipes de recherche ! Des études ont déjà été financées pour trouver des solutions techniques, il faut maintenant engager les travaux.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial.  - La subvention du ministère à l'Onera augmente déjà de 7 %. Pour la commission des finances, les crédits de la défense doivent être sanctuarisés. Que la DGAC rétablisse sa subvention à l'Onera, et que celui-ci, qui a le statut d'Epic et a vocation à travailler aussi avec le secteur privé, se dote enfin d'un plan stratégique et d'un plan de développement. Enfin, l'Onera possède des biens immobiliers inutilisés à Meudon et Châtillon. Retrait ou rejet, je ne doute pas que votre appel ait été entendu.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - En effet, d'autant que le problème a déjà été porté à ma connaissance à l'Assemblée nationale. Le ministère de la défense ne laissera pas tomber l'Onera, auquel il a attribué 9 millions d'euros de plus en 2015. Mais l'Office doit refonder sa stratégie, pour permettre aux industriels de s'y investir davantage. Un projet de contrat d'objectifs et de performance doit m'être soumis avant fin décembre 2015, que j'espère pouvoir valider. Quant à la soufflerie, des mesures d'urgence ont été prises, avant un plan de rénovation en 2016-2017. Avis défavorable.

M. André Trillard, rapporteur pour avis.  - Je vous fais confiance, en espérant que des solutions seront trouvées rapidement. Quant aux industriels, ils préfèrent sans doute acheter les brevets que financer la recherche... (M. Jacques Gautier renchérit).

M. Michel Bouvard.  - Je m'incline devant les explications du ministre.

Les amendements identiques nosII-84 et II-181 sont retirés.

Les crédits de la mission, modifiés, sont adoptés.

(Applaudissements)

Questions prioritaires de constitutionnalité

Mme la présidente.  - Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du vendredi 27 novembre 2015, trois décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant respectivement sur la contestation et la prise en charge des frais d'une expertise décidée par le CHSCT ; sur la computation du délai pour former une demande de réhabilitation judiciaire pour une peine autre que l'emprisonnement ou l'amende ; et sur les modalités de répartition, entre les organisations syndicales et salariés, des crédits du fonds paritaire alloués à la mission liée au paritarisme.

La séance est suspendue quelques instants.

Projet de loi de finances pour 2016 (Seconde partie - Suite)

Engagements financiers de l'État

Mme la présidente.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes spéciaux « Accords monétaires internationaux », « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », « Participation de la France au désendettement de la Grèce », et « Participations financières de l'État ».

M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Je profiterai de l'examen de cette mission pour vous faire part de quelques observations et de quelques propositions pour améliorer notre situation économique qui, quoi qu'on en dise, n'est guère brillante. Les hypothèses de croissance du gouvernement sont tout sauf prudentes, dit le Haut conseil des finances publiques. Nous continuons à financer nos dépenses de fonctionnement par l'emprunt, et notre note est régulièrement dégradée. La prochaine dégradation risque de déclencher une augmentation des taux d'intérêt, qui pourrait nous mettre en cessation de paiement.

La principale raison de notre faible croissance réside dans notre système fiscal : ISF, prélèvements sociaux à 15,5 % sur les dividendes, taux d'impôt sur le revenu à 45 %, soit un total de 65 %, qui fait fuir les investisseurs et freine toute croissance.

Quand l'Allemagne, notée AAA, dégage un excédent budgétaire parce qu'elle a fait les économies nécessaires, la France, elle, crée de nouvelles dépenses. Il faut que les riches paient plus, sans doute, mais il y a une limite au-delà de laquelle ils partiront investir ailleurs. Les impôts sont payés à 80 % par 20 % des contribuables... Trop d'impôt tue l'impôt ! Les pays les plus riches sont ceux où la pression fiscale est la plus basse.

Tous les contribuables devraient payer l'impôt !

En 2016, nous rembourserons 127 milliards d'euros d'emprunts grâce à d'autres emprunts. Ni les entreprises, ni les collectivités territoriales n'ont le droit de le faire. Cela relève de la faillite.

L'encours de la dette de l'État atteindra 1 647,1 milliards fin 2016, soit une hausse de 4 %. Cela ne peut plus durer. La situation tient grâce à des taux exceptionnellement bas - mais selon l'Agence France Trésor, ils pourraient repartir à la hausse et atteindre 1,4 % fin 2015 et 2,4 % en 2016. Les banques sont confiantes, mais cela pourrait ne pas durer.

Quelques propositions donc, pour réduire le chômage et relancer la croissance. D'abord, mettre en place la flexibilité de l'emploi, supprimer les emplois d'avenir - qui n'en ont aucun -, et permettre aux entreprises de licencier, ce qui sera plus efficace. Instaurer une flat tax ensuite, ou un impôt à trois ou quatre tranches, de 5 %, 10 %, 20 % ou 30% au plus, payé par tous les contribuables. Vous ne relancerez pas la croissance tant que vous ne baisserez pas les impôts des plus riches, qui sont ceux qui investissent ! (Mouvements à gauche) Supprimer les 35 heures enfin, qui pénalisent les entreprises et nous privent de 21 milliards d'euros de recettes budgétaires.

Ces mesures ne sont ni de droite, ni de gauche...

M. André Gattolin.  - D'extrême gauche !

M. Serge Dassault.  - ... elles sont de bon sens.

Tant qu'on ne les appliquera pas, nous continuerons à courir à l'abîme, à nous enfoncer dans le déclin économique et social.

La commission des finances vous recommande cependant d'adopter ces crédits, car la France doit honorer ses engagements à l'égard de ses créanciers.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics.  - Merci pour la dernière phrase !

M. Maurice Vincent, rapporteur spécial de la commission des finances pour les participations financières de l'État .  - Le compte d'affectation spéciale Participations financières de l'État relate la gestion des participations de l'État dans l'économie, soit un total de 110 milliards d'euros, à travers 77 entreprises, majoritairement dans le secteur de l'énergie, mais aussi des transports, de la défense, de l'automobile, de la finance et des services.

Depuis quatre ans, le Gouvernement a affirmé le principe d'une gestion active du portefeuille de l'État, en combinant logique financière, logique industrielle et logique de souveraineté nationale.

En 2015, le produit des cessions - Safran, aéroport de Toulouse-Blagnac - a été inférieur aux prévisions : 2,8 milliards d'euros. L'acquisition de parts au capital de Renault, pour 1,258 milliard d'euros, et d'Air France, pour 42 millions, avait pour objet de garantir à l'État le bénéfice des droits de vote double, prévus par la loi Florange. L'État a ainsi garanti sa capacité d'action et d'influence.

Les difficultés financières et stratégiques d'Areva, dont la branche fabriquant des réacteurs a été acquise par EDF, sont connues. Comment assurer la recapitalisation de 2 à 3,5 milliards d'euros en 2016 ? La restructuration de la filière nucléaire est d'ampleur.

L'Agence des participations de l'État (APE) soutient également le développement des hautes technologies : plus de 500 emplois seront ainsi créés au Laboratoire de fractionnement des biotechnologies, dans le Nord, grâce à la participation de la BPI.

En 2016, sur 5 milliards d'euros de produits de cession attendus, 2 milliards ont vocation à servir au désendettement. Les participations de l'État dans les aéroports de Nice et Lyon seront cédées. Reste posée la question de l'acquisition de titres d'Alstom. Malgré les succès de la politique de gestion des participations, le compte d'affectation spéciale aura-t-il réellement les moyens de contribuer en 2016 au désendettement de l'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Philippe Leroy, en remplacement de M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour les participations financières de l'État .  - M. Chatillon, dont je partage le point de vue, se félicite que l'État ait tiré parti en 2015 du vote double instauré par la loi Florange afin d'augmenter son influence dans certains établissements sans accroître sa part en capital. Il appelle cependant à plus d'audace et de réalisme : pourquoi ne pas ouvrir les conseils d'administration à des personnalités expertes du monde économique et industriel, qui feraient sans doute preuve de plus de pragmatisme et d'imagination ? L'exemple d'Areva illustre les errements passés... (M. André Gattolin confirme)

Il conviendrait que l'État privilégie les entreprises à fort potentiel de croissance, des ETI, plutôt que d'acheter pour 2 milliards d'euros des parts d'Alstom... L'emploi y gagnerait également.

Réduire l'endettement public en utilisant le produit des cessions de titres est un choix économiquement absurde. Compte tenu du différentiel entre la charge de la dette et le taux de rémunération des participations de l'État, mieux vaudrait utiliser les dividendes au désendettement.

M. Daniel Raoul.  - C'est le bon sens.

M. Philippe Leroy, en remplacement de M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis.  - La commission des affaires économiques a émis un avis de sagesse sur le vote des crédits du compte d'affectation spéciale.

Mme Nathalie Goulet .  - Quatre minutes, c'est à peine un témoignage. Je m'étonne du sort réservé à ce budget qui, avec 110 milliards d'euros, est le deuxième de l'État. Les participations de l'État sont devenues des recettes de poche, disait M. Arthuis. En 2015, 2,8 milliards d'euros de cessions de titres, pour seulement 1,69 milliards d'acquisition : l'objectif semble bien de dégager des recettes ponctuelles.

L'État actionnaire est parfois schizophrène : au moins devrait-il s'assurer que les entreprises concernées ne pratiquent pas l'optimisation fiscale ! On parle de 4 milliards d'euros de pertes sur l'EPR, qui traverse de graves difficultés. Idem pour Air France et Areva...

Cela conduit à s'interroger sur les limites de l'APE. La lecture régulière des jaunes budgétaires est un émerveillement continu : dans ce jeu de Monopoly, comment l'État peut-il réaliser ses opérations avec prévisibilité et contrôle, compte tenu de la diversité des secteurs ? Comment nos voisins européens fonctionnent-ils ?

La participation de l'État était une bouée indispensable pour les Chantiers de l'Atlantique. Quid de l'armement, sachant que la France est le plus grand marchand d'armes du monde ? Des comparaisons internationales seraient utiles.

Le groupe UDI-UC votera le budget.

Mme Marie-France Beaufils .  - La dette publique nous est présentée comme un épouvantail qui doit guider la politique budgétaire. Il fut décidé de respecter des critères de stabilité n'ayant aucun sens : dette et déficit par rapport au PIB, taux d'intérêt. Si notre dette publique représente 100% du PIB, en hausse constante quoique moins rapide depuis 2012, les taux d'intérêt sont de moins en moins pesant. Ce taux est même négatif pour les bons du trésor à court terme. Ceux à court terme sont inférieurs à la croissance. A dix ans, le taux moyen est supportable, de l'ordre de 1 %.

La dette 2016 sera consacrée à 60 % pour le financement. La dette française est assez intéressante pour que les marchés y consacrent encore 120 milliards d'euros. Le service de la dette, avec 45 milliards d'euros, doit être considéré comme trop élevé. Mais ne soyons pas dupes : il résulte de choix politiques. Il nous faut emprunter 3 milliards d'euros de plus pour payer les 15 milliards de CICE, et 13 milliards pour les 5,5 milliards de CIR.

Notre groupe votera majoritairement contre.

M. André Gattolin .  - Certains choix de l'État actionnaire peuvent surprendre. Le secteur énergétique représente 60 % de son portefeuille, 43 % pour EDF, dont le cours de l'action a baissé. Les déboires d'Areva peuvent être imputés à sa gouvernance sans contrôle, ayant pour conséquence le désastre de l'EPR de Finlande ou les investissements frauduleux dans des mines.

Ce qui reste d'Areva sera repris par un groupe qui constitue le coeur de complexe militaire industriel chinois.

En cédant l'aéroport de Toulouse, l'État recapitalisera cette entreprise qui ne peut pas être considérée comme un investissement d'avenir.

Prenons acte de l'obsolescence de notre orientation pour le nucléaire. L'argument économique devrait suffire : certaines énergies raisonnables sont moins chères et en tout cas plus créatrices d'emplois.

Mme Nathalie Goulet.  - Bravo !

M. Francis Delattre .  - A la phrase désormais historique, « Le pacte de sécurité l'emporte sur le pacte de stabilité », nous opposons que les deux ne sont pas incompatibles. Or nous assistons encore à un accroissement de la dette en 2016 ; la dette, dans l'histoire, a souvent nourri les guerres. À 100 % , aujourd'hui, elle a un niveau trop élevé, même avec des taux d'intérêt bas. Les 52 000 nouveaux chômeurs sonnent comme une alerte. La commission européenne, avant le 13 novembre, était sceptique sur votre capacité à réduire la dette. Les critères ne sont pas un totem.

Autre chiffre inquiétant, le refinancement de la dette atteindra un niveau record en 2016, inédit dans la zone euro : il faudra emprunter 200 milliards d'euros. La France est exposée à une remontée des taux d'intérêt, comme l'envisage la Federal Reserve, ce qui creuserait la charge de la dette.

On finançait jadis la croissance avec de la dette : aujourd'hui, c'est avec la maîtrise des finances publiques que l'on peut espérer renouer avec la croissance. Vous aggravez la fiscalité cette année, après avoir augmenté les prélèvements obligatoires de 90 milliards d'euros entre 2012 et 2014, pour en porter le taux à 45 %, à contre-courant de tous nos voisins. Pourquoi, à l'image de ceux-ci, ne pas nous tourner vers de vraies réformes structurelles !

La situation est insupportable, lorsque nous pensons aux 5,5 millions de personnes au chômage. Cette dette nous sanctionnera tôt ou tard. Abandonnons les oripeaux keynésiens et le culte de la dépense publique. Néanmoins, ne voulant pas remettre en cause les engagements de la France, le groupe Les Républicains votera les crédits.

M. Martial Bourquin .  - Pour le compte d'affectation spéciale, 2015 est une année de concrétisation des nouvelles orientations de l'État actionnaire : nous avons en effet, avec l'ordonnance du 20 août 2014, l'outil qui manquait à notre stratégie.

Pour la première fois, des cessions d'actifs - Safran, Aéroport de Toulouse, GDF-Suez - ont servi non seulement au désendettement mais aussi au réinvestissement stratégique, pour 1,26 milliard d'euros dans 14 millions de titres Renault, mais aussi dans Air France KLM, dans l'AFD, etc... Atteindre 19,74 % dans Renault a donné accès à des droits de vote double, conformément à la loi du 19 mars 2014. Cette stratégie a permis de promouvoir une gouvernance plus diverse et féminisée. Nous obtiendrons des droits de vote double aussi dans Thales, PSA Citroën, ADP, Areva, Orange, EDF ou Engie...

L'investissement est central pour la reprise de la croissance, pour une stratégie de la productivité. À travers ce budget, le Gouvernement s'en donne les moyens. Cette reconquête industrielle me paraît bienvenue pour relever les défis du XXIe siècle.

Monsieur le rapporteur spécial, vous parliez de déficit ; avec 600 milliards en plus pendant le dernier quinquennat, vous êtes un spécialiste. Merci, monsieur le ministre, de donner par ces crédits une base puissante à notre industrie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. André Trillard.  - Puissant, c'est le mot qui convient.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics .  - Je ne pourrai pas répondre à toutes vos questions dans le détail.

Cette mission est très importante en montant. Depuis 2012, la charge de la dette a diminué, malgré la hausse de l'encours : 46,3 milliards en 2012, 44,9 milliards en 2013, 43,2 milliards en 2014, un rythme qui se ralentit. Elle devrait s'établir fin 2015 à 42,4 milliards, soit 2 milliards de moins que dans la loi de finances initiale.

Les taux, dans notre prévision, qui relève plus de la précaution que d'une démarche scientifique, passeraient de 1,4 % à 2,4 % au cours de l'année. Le risque est donc budgété.

S'agissant du fonds d'aide aux collectivités territoriales pour sortir des emprunts toxiques, l'appréciation du franc suisse cette année a exigé une forte réactivité du Gouvernement. Les dotations ont été doublées et la doctrine d'emploi revue. La taxe sur les banques, qui finance la moitié du fonds, sera doublée également : 278 millions d'euros en crédits de paiement seront donc disponibles pour 2015-2016. Déjà 700 dossiers ont été déposés auprès du service à compétence nationale qui en est chargé.

Depuis le mois dernier, il a notifié les premières aides.

L'État actionnaire a besoin d'une vision de long terme pour défendre à la fois l'emploi et nos intérêts stratégiques industriels, ce qui justifie les droits de vote double. J'ai demandé, madame Goulet, à ce que chaque entreprise où l'État est présent me donne une liste de ses filiales à l'étranger, qui seront fermées si leur seule utilité est l'optimisation fiscale. Les cessions permettent des réorientations mais aussi une réduction de l'endettement. Pour la première fois depuis 2007 - eh oui, monsieur Delattre ! - nous avons inscrit 4 milliards d'euros pour le désendettement. Cet objectif initial a été ramené à 2 milliards, à cause des conditions de marché : il ne s'agit pas de brader nos actifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » sont adoptés.

Les crédits du compte spécial « Accords monétaires internationaux » sont adoptés.

ARTICLE 26 État D

Mme la présidente.  - Amendement n°II-276, présenté par le Gouvernement.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

 - 

+

 - 

Avances à l'Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune

8 800 000 000

8 800 000 000

Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics

Avances à des services de l'État

Avances à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de l'indemnisation des victimes du Benfluorex

TOTAL

8 800 000 000

8 800 000 000

SOLDE

+ 8 800 000 000

+ 8 800 000 000

M. Michel Sapin, ministre.  - Les avances de l'Agence de services et de paiement assurent le préfinancement des aides de la PAC. Initialement estimés à 7,2 milliards d'euros, ses crédits sont relevés à 16 milliards.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial.  - Avis favorable.

L'amendement n°II-276 est adopté.

Les crédits du compte spécial « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » sont adoptés.

Les crédits du compte spécial « Participation de la France au désendettement de la Grèce » sont adoptés.

Les crédits du compte spécial « Participations financières de l'État » sont adoptés.

Régimes sociaux et de retraite

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur spécial de la commission des finances   - Les régimes spéciaux sont au nombre de dix - j'en parle avec plaisir sous la statue de Colbert, qui a créé le régime des marins. La baisse des crédits est provoquée par la faible inflation, la diminution du nombre des retraités ainsi que par des mesures de convergence prises ces dernières années. L'âge moyen de départ en retraite est de 63 ans dans le régime général, de 61 ans pour les fonctionnaires, il reste entre 54 et 58 ans pour les régimes spéciaux. Peut-être verrons-nous un jour une harmonisation, qui signalerait la fin du corporatisme dans notre pays...

Pour les pensions civiles et militaires, nous assistons à la même diminution avec l'allongement des durées de cotisation. Élément original cette année, les crédits sont un peu au-delà des prévisions : 2,9 milliards, au lieu d'un milliard. Cela aurait pu constituer un gage. Il est vrai que le chiffrage de l'accord sur les retraites des fonctionnaires n'est pas encore connu. L'absence d'amendement est une marque de la sincérité de ce budget sur lequel la commission des finances émet un avis favorable.

Mme Agnès Canayer, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - Il semble logique que l'État accompagne l'extinction des régimes fermés à hauteur de 1,5 milliard d'euros. Le métier de marin est dangereux et pénible, il justifie des règles inchangées et une subvention de 825 millions d'euros.

Saluons les efforts de gestion ; l'Enim, dont la performance était bien inférieure à celui du régime général, a diminué ses dépenses de fonctionnement de 13 %, grâce à la dernière convention d'objectifs et de gestion (COG) signée avec l'État. La prochaine COG devra aller encore plus loin.

En revanche les régimes de la SNCF et de la RATP perçoivent 3,9 milliards d'euros de subventions d'équilibre. Nos concitoyens n'admettent plus ces régimes particuliers pour des métiers qui ne le justifient pas. Leur alignement sur les retraites de la fonction publique entamé en 2008 devra être poursuivi.

M. Olivier Cadic .  - L'amélioration de la situation de cette mission depuis une dizaine d'années est notable. Mais pouvons-nous nous en réjouir ? Certes, c'est l'effet des réformes des retraites et du recul des régimes fermés. Mais c'est surtout la solidarité nationale qui a été mise à contribution, et pour 6,3 milliards d'euros, ce qui n'est pas négligeable.

Les spécificités des métiers pénibles doivent être prises en compte, mais cela doit-il passer par des régimes spéciaux ? Ces derniers devraient évoluer comme les autres régimes. Partir à la retraite à 56 ans et 4 mois à la SNCF - à 52 ans et 4 mois pour les roulants ! - et à 54 ans et 6 mois à la RATP, au lieu de 63 ans pour le régime général, est-ce compréhensible pour nos compatriotes ? Certes, la loi de finances prévoit un relèvement progressif de l'âge de départ, à la SNCF et la RATP, mais à compter de 2017, alors que les autres régimes ont consenti des efforts dès 2010...

Pour répondre au sentiment d'injustice, nous appelons à une grande réforme aboutissant à un régime universel par points ou comptes notionnels, prenant en compte par divers critères les situations particulières. Mais parce que les caisses ont fait des efforts, et parce que ces crédits sont en baisse, le groupe UDI-UC les votera. (M. Marc Laménie applaudit)

Mme Laurence Cohen .  - Cette mission ne « subventionne » pas les régimes spéciaux, mais compense leur déséquilibre démographique. La reconnaissance des mineurs licenciés en 1948, après la grande grève réprimée dans le sang, est à saluer. Grâce à leur courage, grâce Dominique Watrin qui a porté leur voix dans cet hémicycle, leur cas a été connu, ils ont été entendus. Nous avions déposé un amendement pour sécuriser leur reconnaissance, nous l'avons retiré, devant les engagements de Mme la garde des sceaux.

La future convention d'objectifs et de gestion ne doit pas être utilisée pour remplacer ceux qui partent à la retraite par des ordinateurs et des logiciels. C'est ce qui a été fait à la Cnam, provoquant des cafouillages administratifs sans fin. Selon la CGT, 8 000 pensions ont été versées en retard. Il faut stopper les fermetures des points accueil sur le territoire.

Le décret de la ministre de la santé relatif au droit opposable à la retraite ne vaut que pour le régime spécial, pas pour les régimes spéciaux, ni pour les pensions de réversion. C'est un problème, des femmes seules se retrouvent dans des situations inextricables.

Le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ces crédits.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics .  - Les mesures d'économie transverses limiteront la progression des dépenses en 2016 à 1 %. Il y a aussi le facteur démographique, et l'augmentation de l'âge de départ à la retraite, comme les mesures prises par le gouvernement précédent, et celles de notre majorité. Je songe au décalage de la date de revalorisation, à l'augmentation de la durée d'assurance, qui valent pour tous les régimes.

La réforme, dans ce projet de loi de finances, des modalités de revalorisation et les mesures de recettes touchent aussi les fonctionnaires. C'est un effort significatif de ces derniers au redressement des comptes publics. La modernisation de la gestion, avec la centralisation des services chargés de préparer les dossiers au sein du service des retraites de l'État (SRE), sera achevée lorsque le ministère de la défense rejoindra le système en janvier.

La mission « Régimes spéciaux et de retraite » compte 6,3 milliards d'euros, soit 100 millions d'euros de moins qu'en 2015. Les régimes fermés, celui des mines ou de la régie des tabacs, doivent faire appel à la solidarité nationale, de même que les régimes en déficit démographique, comme ceux des transports terrestres. La contribution de l'État baissera pourtant de 1,6 % en 2016.

Les crédits de la mission « Régimes spéciaux et de retraite » sont adoptés.

Les crédits du compte spécial « Pensions » sont adoptés.

Remboursements et dégrèvements

Mme la présidente.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale de la commission des finances .  - La mission « ?Remboursements et dégrèvements » est la plus lourde à 100,2 milliards d'euros, montant quasiment stable. S'agissant du programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État », la baisse de 3,2 % de ces crédits fait suite à deux années de hausse. L'augmentation anticipée du bénéfice fiscal des entreprises entre 2014 et 2015 s'élève à près de 10 % en raison de la reprise estimée de la croissance. De ce fait, les premiers acomptes versés par les entreprises en 2016 - au titre des revenus 2015 - devraient dans l'ensemble être inférieurs au total de l'impôt dû et donner lieu à moins de restitutions. La baisse drastique des remboursements liés à la prime pour l'emploi (PPE) est le résultat de la suppression du dispositif à compter de 2016, par la seconde loi de finances rectificative pour 2014.

S'agissant des impôts locaux, les crédits demandés en 2016 au titre des remboursements et dégrèvements s'élèvent à 11,97 milliards d'euros, en hausse de 2,8 %, soit 325 millions d'euros. Il est constaté une hausse du contentieux de 3,2 % sur les deux taxes, taxe d'habitation et taxe foncière, sans qu'elle soit compensée par une baisse des demandes gracieuses. Peut-être est-ce le signe d'une plus grande vigilance des collectivités territoriales sur l'évolution de leurs bases fiscales, dans le contexte de la forte diminution des concours de l'État.

Je souhaite également insister sur l'importance de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation. Au-delà des effets qu'elle aura en matière de justice fiscale et de justice entre collectivités, cette révision pourrait avoir des effets très importants sur les dégrèvements d'impôts locaux, si elle devait se traduire par une baisse relative de la valeur locative des logements des ménages de condition modeste.

Quelques mots enfin d'un contrôle budgétaire que j'ai mené sur le CICE. C'est une dépense fiscale extrêmement coûteuse, plus de 13 milliards d'euros. Sa charge de gestion est en outre très lourde sur l'administration fiscale - je l'ai constaté sur place. Le CICE n'est pas concentré sur les entreprises exportatrices, et son efficacité n'est pas prouvée, ni par le rapport de Jean Pisani-Ferry, ni par celui de l'Insee, abondamment cité. Celui du comité de suivi est plus circonspect encore : le CICE pèserait peu sur les processus de décision des grands groupes et n'entre pas dans les business plans des PME-TPE. Je poursuivrai ce contrôle en 2016...

La commission des finances a proposé d'adopter ces crédits, mais mon groupe votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; M. André Gattolin applaudit aussi)

M. Maurice Vincent .  - L'architecture de cette mission en fait l'une des plus lourdes : 26 % des recettes fiscales brutes. Il s'agit essentiellement de l'application de mesures assez techniques.

La justice sociale sera renforcée en 2016, avec la fusion du RSA activité et de la PPE, et la disparition quasi totale des effets du bouclier fiscal.

Du côté des impôts locaux, les dégrèvements s'élèvent à 12 milliards, via le plafonnement de la taxe d'habitation, qui a concerné 9 millions de foyers en 2015, ou son exonération pour les plus modestes, 3,7 millions de foyers. On voit aussi la différence entre des choix de gauche et des choix de droite...

Les effets sur la croissance et l'emploi du CICE seront visibles à moyen ou long terme. Les enquêtes citées par Mme Beaufils montrent que le bilan est globalement positif : 40 % de la créance totale du CICE profite aux PME de moins de 50 salariés, qui voient leur compétitivité renforcée.

La mission parlementaire préconisait de renforcer le dialogue social dans l'usage des aides du CICE. Il faudrait également renforcer la lutte contre la fraude fiscale, qui coûte par exemple 14 milliards par an en matière de TVA, et contre l'optimisation fiscale.

Nous voterons ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. André Gattolin .  - Cette mission est atypique : ses dépenses viennent en atténuation des recettes. J'insisterai sur les dégrèvements et exonérations de contribution à l'audiovisuel public (CAP), qui représentent 513,8 millions d'euros, soit 14 % de son produit.

Les dégrèvements, justifiés par la faiblesse des ressources du foyer ou la présence d'une personne handicapée, résultent d'un empilement de dispositions dérogatoires dont certaines sont peu compréhensibles, alors que l'audiovisuel public manque de moyens.

Une contribution à l'allemande augmenterait d'un million le nombre de redevables, mais la moitié d'entre eux rentreraient dans les critères d'exonération totale - qui, obsolètes pour certains d'entre eux, concernent aujourd'hui 4,1 millions de foyers. Or le quart des foyers exonérés souscrivent un abonnement à une offre payante plus onéreuse que ce que leur coûterait la contribution à l'audiovisuel public... M. le ministre, une étude à ce sujet serait utile ! (MM. Didier Guillaume et Bernard Lalande applaudissent)

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics .  - L'examen des crédits de cette mission m'incite à évoquer les principaux contentieux susceptibles de grever les finances publiques.

Le contentieux OPCVM devrait coûter moins des 1,4 milliards prévus.

Le contentieux dit « précompte mobilier » devrait être apuré en 2016, sauf nouvelle saisine, peu probable, de la CJUE ; rien n'a donc été budgété.

Nous anticipons un coût de 800 millions d'euros lié aux contentieux de Ruyter sur la CSG et Steria sur l'impôt sur les sociétés.

De manière générale, nous sommes prudents sur le coût des contentieux fiscaux dans la mesure où les aléas sont importants. Nous suivons ces affaires avec attention, et en rendrons compte au Parlement à la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

ARTICLE 24 État B

Mme la présidente.  - Amendement n°II-253, présenté par le Gouvernement.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (crédits évaluatifs)

 

120 000 000

120 000 000

Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux (crédits évaluatifs)

 

TOTAL

 

120 000 000

120 000 000

SOLDE

- 120 000 000

- 120 000 000

M. Michel Sapin, ministre.  - Amendement de coordination avec les articles 21, 22, 23 et 24 de la première partie.

Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale.  - Avis favorable de la commission des finances, cependant prudente sur les sommes en cause. Il s'agit des modifications consécutives aux modifications du barème de l'impôt sur le revenu.

L'amendement n°II-253 est adopté.

Les crédits de la mission, modifiés, sont adoptés.

La séance est suspendue à 18 h 50.

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

La séance reprend à 21 heures.

Aide publique au développement

M. le président.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Aide publique au développement » (et article 48), ainsi que du compte spécial « Prêts à des États étrangers ».

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial de la commission des finances .  - La discussion de ce budget est marquée cette année par quelques grands rendez-vous internationaux, dont la COP21, mais aussi par l'épidémie d'Ebola et la crise des réfugiés. Une nouvelle ambition est nécessaire, alors que notre politique d'aide publique au développement s'est effondrée, de 0,5 % du RNB en 2010 à 0,36 % cette année, quand le Royaume-Uni respecte l'objectif de 0,7 %.

Cette discussion se caractérise aussi, cette année, par sa complexité. À la suite de l'annonce du président de la République d'une hausse de 4 milliards d'euros du budget dès 2020, le Gouvernement a présenté, deux jours plus tard, un budget en forte baisse ; le décalage était tel que des amendements ont été promis, pour revenir au niveau de 2015 et tenter de sauver les apparences. Cela n'a pas suffi aux députés, qui ont voulu doter l'Agence française de développement (AFD) de 270 millions de plus grâce à l'affectation d'une partie supplémentaire du produit de la taxe sur les transactions financières (TTF). Votre majorité elle-même demandait que « les actes succèdent aux discours ». Et pourtant, le Gouvernement a donné un avis défavorable, et diminué les crédits de 262 millions en seconde délibération...

Finalement, entre crédits de la mission et taxes affectées, nous en sommes revenus au niveau de 2014, le plus bas depuis quinze ans. En outre, l'exécution du budget n'est pas satisfaisante : plus de 100 millions d'euros annulés par le dernier décret d'avance après 200 millions non consommés en 2014 ! La commission des finances vous propose donc de rejeter les crédits de la mission et du compte spécial.

M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Je partage en partie le constat de Fabienne Keller sur les évolutions récentes de notre politique d'aide publique au développement et les regrette, d'autant plus qu'à l'occasion de la COP21, nous aurions dû être exemplaires. Néanmoins, les annonces récentes, combinées aux mesures adoptées à l'Assemblée nationale, nous incitent à voir le verre à moitié plein.

Concernant le budget 2016, le montant affecté au développement devrait être égal à celui de l'an dernier, grâce à une augmentation fléchée sur cet objectif au sein de l'AFD.

Les prêts augmenteraient de 75 % d'ici 2020. En 2015, ils ont atteint un encours record de 8 milliards d'euros, les augmenter de 4 milliards d'euros en six ans paraît crédible, d'autant plus que le rapprochement entre l'AFD et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) renforcera les fonds propres.

Une communication en Conseil des ministres, le 14 octobre dernier, prévoit que le montant des dons serait en 2020 supérieur de 370 millions d'euros à ce qu'il est aujourd'hui.

Enfin, les éléments qui nous ont été récemment transmis par le Gouvernement prévoient une hausse de niveau de notre aide publique au développement en proportion du RNB. Nous atteindrions 0,37 % en 2015 et 0,38 % en 2016 et 2017. Ce n'est pas parfait mais la courbe est inversée. Aussi vous proposé-je, à titre personnel, d'adopter ces crédits.

La loi de finances rectificative pour 1991 prévoyait un plafond à 2,85 milliards d'euros pour les remises de dettes additionnelles accordées par la France aux pays pauvres très endettés (PPTE). Compte tenu des annulations décidées en 2014 et qui auront des effets sur les années à venir, le plafond serait dépassé en 2016. Il est donc proposé de le relever à 3,850 milliards d'euros, afin de tenir compte des différentes échéances déjà prévues. Grâce à quoi la France pourra honorer ses engagements. Nous vous proposons donc d'adopter l'article 48 sans modification.

M. Henri de Raincourt, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Le sommet des Nations unies, en septembre, a dressé le bilan de la mise en oeuvre des objectifs du millénaire. Entre 1990 et 2015, le nombre de personnes vivant dans l'extrême pauvreté a diminué de moitié, passant de 1,9 milliard de personnes à 836 millions ; le nombre d'enfants non scolarisés a été réduit quasiment de moitié dans le monde ; 13,6 millions de personnes atteintes du VIH reçoivent aujourd'hui un traitement antirétroviral qui a permis d'éviter 7,6 millions de décès depuis 1995.

Dans ce contexte, le président de la République a annoncé le 24 août un rapprochement de l'Agence française de développement et de la Caisse des dépôts et consignations. Devant l'Assemblée générale des Nations unies, il a ensuite déclaré que la France allait augmenter son aide publique au développement de 4 milliards d'euros à l'horizon 2020.

Le budget initial prévoyait pourtant une baisse de plus de 6 % des crédits, s'éloignant encore de l'objectif de 0,7 % du RNB atteint par l'Allemagne et dépassé par le Royaume-Uni.

L'Assemblée nationale a corrigé le tir, malgré un regrettable amendement de seconde délibération : finalement, 100 millions d'euros ont été récupérés. La commission des affaires étrangères a donc donné un avis favorable à l'adoption des crédits.

Deux questions cependant. Où en sont les négociations européennes sur la TTF ? Élargir les missions de l'aide publique au développement aux questions de lutte contre le changement climatique sans lui donner des ressources supplémentaires, n'est-ce pas prendre un risque ?

Mme Hélène Conway-Mouret , rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.  - L'aide au développement et la lutte contre le changement climatique vont de pair, car ce sont les pays les plus pauvres qui souffriront le plus de ce dernier. On parle de 200 millions de réfugiés climatiques en 2050... Les 4 milliards supplémentaires annoncés par le président de la République prendront la forme de prêts de l'AFD et de Proparco ; le Gouvernement s'est également engagé à augmenter les subventions de 370 millions d'euros. Dans la continuité des décisions d'Addis-Abeba, les crédits destinés aux ONG humanitaires et aux autres acteurs du développement progressent pour atteindre 79 millions d'euros. Dommage, en revanche que les crédits de la francophonie baissent de 2 millions d'euros.

J'en viens au rapprochement de l'AFD et de la Caisse des dépôts. L'objectif est double. D'abord, concrétiser l'annonce d'un accroissement des prêts en faveur du développement de 4 milliards d'euros à l'horizon 2020, l'adossement de l'AFD à la CDC augmentant les fonds propres de l'Agence, de manière à accroître dès l'année prochaine le montant de ses prêts. Sur un plan plus stratégique, le rapprochement des deux entités se justifie également par le nouvel accent mis sur le développement durable comme problématique transversale. Il est logique, pour les pays qui souhaitent accroître leur effort en matière de développement durable, de se doter d'un organisme capable de lancer et de soutenir des projets à la fois sur le territoire national et dans les autres pays. Cet axe est-il bien celui privilégié par la mission de préfiguration ? Madame la ministre, vous avez déclaré vouloir aller vite : quand connaîtrons-nous les modalités de ce rapprochement ?

Mme Leila Aïchi .  - À l'heure de la COP21, nous savons tous que développement et transition énergétique sont intimement liés. D'où mon incompréhension devant le projet de budget en berne tel que présenté en Conseil des ministres. Les députés ont procédé à d'importants ajustements et pour la première fois depuis 2010, le budget de l'aide publique au développement devait augmenter. Hélas, le Gouvernement a fait procéder à une coupe de 162 millions en seconde délibération. Quant au Sénat, il a supprimé en première partie l'élargissement de l'assiette de la TTF. Deux signaux malheureux... À 0,36 % du RNB, notre aide publique au développement reste bien loin des objectifs internationaux de 0,7 % du RNB. Les additions et soustractions témoignent de l'instabilité de ce budget, devenu une variable d'ajustement.

Nous proposerons de revenir au niveau proposé en loi de finances initiale. L'aide publique au développement est essentielle à la prévention des conflits et à la reconstruction des zones en crise. Quelle absence de vision globale des enjeux de la part du Gouvernement ! La guerre asymétrique à laquelle nous sommes confrontés ne trouvera aucune issue dans le tout sécuritaire. Couper l'aide, c'est au mieux de la légèreté, au pire, du cynisme.

L'AFD sera-t-elle enfin soumise à une transparence et à un contrôle plus strict de sa gestion ? Ou faut-il envisager sa dissolution ?

Notre contribution au fonds pour l'environnement mondial et au fonds vert pour le climat reste très insuffisante, à 774 millions d'euros, alors que le Giec souligne combien les défis environnementaux - stress hydrique, course aux matières premières, accaparement des terres rares - sont des facteurs de conflit. Nous réservons notre vote.

M. Yves Pozzo di Borgo .  - Jamais le monde n'a été si riche, jamais il n'a été si inégalitaire : 1 % de la population possède 48 % de la richesse mondiale, 1 milliard de personnes vivent avec moins de 1 dollar par jour ; les 80 plus fortunés de la planète ont vu leur richesse croître de 600 milliards de dollars entre 2010 et 2014... La globalisation financière et commerciale ne s'est pas accompagnée d'une mondialisation de la solidarité, déplore le Secrétaire général adjoint de l'ONU, M. Douste-Blazy. Les élites économiques ont pris le pas sur les élites politiques, le capitalisme libéralisé s'est substitué au capitalisme social.

Quand un enfant meurt toutes les trois secondes faute de quelques centimes pour acheter des médicaments, comment le monde pourrait-il vivre en paix ?

Hélas, l'aide publique au développement a été sacrifiée à l'assainissement des comptes publics : le budget de cette mission baisse encore de 6 % cette année. On peut d'ailleurs s'interroger sur le ciblage des ressources : le Maroc en serait le premier bénéficiaire avec 539 millions d'euros, alors qu'il fait partie de la tranche supérieure des pays en voie de développement selon une étude de Morgan Stanley. Il y aussi le Brésil, 223 millions d'euros, le Mexique, 220 millions, la Turquie... et même la Chine !

Le 8 septembre, le président de la République a annoncé 4 milliards de plus d'ici 2020 pour l'aide au développement, et un rapprochement entre AFD et CDC pour professionnaliser la gestion des fonds. La conférence d'Addis-Abeba, en juillet dernier, a mis en évidence l'importance des financements innovants, par des micro-crédits ou des canaux internationaux plus larges. La France s'est montrée innovante dans les années 2000, avec Unitaid, mais notre contribution, là encore, est en baisse.

La TTF a suscité de grandes espérances. Mais son produit reste faible, et elle n'a guère prospéré hors de France. Le projet présenté par la Commission européenne a rencontré l'hostilité de ce paradis fiscal qu'est le Royaume-Uni et des milieux financiers. L'application annoncée pour 2017 par M. Moscovici, dans le cadre d'une coopération renforcée entre onze pays, reste incertaine.

À l'Assemblée générale des Nations Unies en 2014, le président congolais a annoncé une taxe de 0,001 % sur chaque baril de pétrole vendu, pour financer la lutte contre la malnutrition infantile, ce fléau humain et économique : l'initiative mérite d'être saluée et encouragée.

L'aide au développement est incontournable, les finances publiques nationales n'y suffiront pas. Concentrons au moins nos forces sur des problèmes ciblés, dans les pays les moins avancés ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Michel Billout .  - Cette année encore, ce budget témoigne du décalage entre les paroles et les actes. Les choses s'annonçaient bien : en septembre à New York, le président de la République annonçait 4 milliards d'euros de plus pour l'aide publique au développement d'ici 2020. Quelle déception quand le projet de loi de finances a été présenté ! Dans un contexte d'instabilité planétaire, il nous faut faire preuve de cohérence. Luttons donc contre ce qui fait fuir les migrants, guerre, famine, changement climatique !

L'an dernier, nous proposions d'élargir la taxe sur les transactions financières et d'en affecter une part supplémentaire à l'AFD. Selon les rapporteurs spéciaux, le budget augmenterait finalement de quelque 100 millions d'euros, mais cette hausse provient surtout de la TTF, tandis que les crédits budgétaires diminuent. Espérons que les gouvernements successifs ne se dédouaneront pas de leurs obligations au profit de financements innovants et peu transparents. Il est également scandaleux que les financements dédiés à la justice et aux droits de l'homme diminuent.

En étant composée essentiellement de prêts destinés à financer des infrastructures pour lesquelles nos entreprises se portent candidates, notre aide au développement est trop soumise à des intérêts économiques privés. Mieux vaudrait subvenir aux besoins élémentaires des populations les plus pauvres. Selon Oxfam, 7 % de l'aide publique au développement française seulement est constituée de dons. L'Allemagne, elle, verse 2 milliards d'euros sous cette forme...

Le rapprochement de l'AFD et la CDC m'inquiète : l'AFD pourrait y perdre son identité pour devenir une banque finançant l'économie des pays émergents.

Le budget de la francophonie, lui non plus, n'est pas à la hauteur des enjeux : songez que le monde comptera 750 millions de locuteurs français en 2050 !

Le groupe CRC, déçu, soutiendra les amendements qui visent à rééquilibrer les prêts et dons et s'abstiendra s'ils ne sont pas adoptés. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Hélène Conway-Mouret .  - « Liberté, égalité, fraternité » : la devise de la République nous rappelle aussi une autre valeur qui nous est chère, la solidarité.

Depuis des années, notre aide publique au développement a beaucoup évolué. Cette notion est cependant bien ancrée dans les esprits, au niveau international. L'aide de nos jours ne consiste plus en un transfert de ressources au détriment de la mobilisation des ressources locales. La transparence s'est imposée et l'aide publique au développement s'est concentrée sur la lutte contre la pauvreté. La réduction du fossé entre pays riches et pauvres doit se faire d'une manière viable pour tous, disait M. Fabius.

Tous aspirent à un monde plus juste, sachant qu'il est possible. Nous vivons dans le monde fini annoncé par Paul Valéry. Les humains, mieux informés et connectés, sont de plus en plus nombreux à avoir conscience de l'injustice de leur condition. Il en résulte des conflits, mais aussi des déplacements de populations à l'échelle mondiale.

La France continue à agir, soutenant le développement local, les collectivités territoriales des pays pauvres, organisant la COP21. On peut se réjouir de l'annonce par le Président de la République d'une hausse de 4 milliards des fonds de l'aide publique au développement. L'AFD a également annoncé que les deux tiers de ses subventions seraient réservés aux pays les plus pauvres.

Avec l'Afrique, le Gouvernement a tourné la page du discours de Dakar du 27 juillet 2007 : « l'homme africain est entré dans l'histoire, la grande ». Le ministère de la coopération a changé de nom, il est devenu le ministère du développement et de la francophonie, signe de l'évolution de notre politique extérieure.

La baisse du budget de la francophonie, en revanche, est un signe inquiétant pour nos partenaires. Nous n'atteindrons jamais les 750 millions de locuteurs français en 2050 si nous ne nous donnons pas les moyens. L'abrogation de la circulaire Guéant était indispensable, car l'accueil d'étudiants étrangers conditionne l'influence de notre pays dans le monde. Il faut soutenir la culture et l'éducation partout où il y a un désir de langue française.

L'adossement de l'AFD à la CDC est une façon d'augmenter les capacités financières de la nouvelle entité. Cet outil formidable qu'est l'AFD, qui a construit une doctrine responsable au plan éthique et environnemental, doit cependant être préservé dans le nouvel ensemble.

La France ne serait plus elle-même si elle renonçait à oeuvrer en faveur de la paix et de la solidarité dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Robert Hue .  - La misère, chacun le sait, est un facteur de tensions dans de nombreuses régions du monde. Le changement climatique aussi. La France doit absolument tenir ses engagements en matière d'aide publique au développement. L'année des grands rendez-vous internationaux, ce budget aurait pu être plus ambitieux. Le Gouvernement a néanmoins fait un signe, avec son amendement majorant de 100 millions d'euros le produit de la TTF au profit du fonds de solidarité pour le développement. Le montant total de l'aide au changement, dans les pays du Comité de l'aide au développement, atteint 132,2 milliards de dollars, mais l'aide à l'Afrique a diminué de près de 5 % entre 2013 et 2014. Ne relâchons pas nos efforts dans le continent de tous les défis : défi démographique avec 2 milliards d'habitants attendus en 2050, climatique, sanitaire - avec l'épidémie d'Ebola - ou sécuritaire, dans la bande sahélo-saharienne. La croissance sur le continent atteint 4,5 % mais les inégalités restent criantes. Notre aide publique au développement doit être concentrée en faveur des pays les moins avancés. Le rapprochement de l'AFD et de la CDC accroîtra les fonds propres de la première et, partant, sa capacité de prêt ; veillons cependant à ne pas rogner la part des dons. L'aide au développement économique ne doit pas non plus prendre le pas sur l'aide éducative et sanitaire.

La mobilisation des ressources domestiques et la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales sont également essentielles, l'OCDE s'est emparée de cette problématique.

« Promouvoir l'avènement de sociétés pacifiques, l'accès de tous à la justice et à des institutions efficaces » : le seizième objectif du millénaire trouve aujourd'hui une singulière résonnance. La France doit être fidèle à ses valeurs humanistes.

Le RDSE votera ces crédits. (Applaudissements)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Ce budget reste très insuffisant et éloigné des annonces de l'exécutif. Son rejet par le Sénat serait cependant mal compris. J'attends donc des engagements et des éclaircissements de la part du Gouvernement.

On parle beaucoup de développement durable. N'oublions pas que la capacité des populations du Sud à vivre dignement est la condition de la durabilité de notre propre mode de vie. La misère fait le lit des extrémistes. Inversement, l'éducation des femmes et des jeunes a des incidences positives bien plus larges qu'on ne l'imagine.

L'aide publique au développement est essentielle à la prévention des crises économiques, sociales, politiques et humanitaires.

Et la situation s'aggrave, notre pourcentage d'APD par rapport au PIB est inférieur à la moyenne des pays du comité d'aide au développement de l'OCDE.

Ce budget va loin dans l'insincérité. En septembre, le président de la République annonçait 4 milliards supplémentaires pour l'aide publique au développement ; posture démagogique puisque les 4 milliards ne prendront la forme que de prêts et de bonifications, et ce après 2020 ! Après moi le déluge... Le Gouvernement a de plus raboté de 162 millions le programme 209 après que les députés ont tenté de limiter la casse... Ce jeu de bonneteau est indécent.

Pouvons-nous nous réjouir d'être revenus au niveau de 2014, année historiquement basse ? La chute des crédits n'est que partiellement compensée par le recours aux financements innovants ; taxe Chirac et TTF n'avaient pas vocation à remplacer les ressources traditionnelles mais à s'y ajouter... Attention aussi à ne pas donner l'impression d'une aide publique au développement punitive si elle repose trop sur des ressources fiscales ; l'exemple de l'écologie devrait nous servir de leçon.

La politique de développement avait vocation à voir son champ s'élargir. L'aide publique au développement doit continuer à jouer un rôle préventif pour faciliter l'accès à l'emploi, à la sécurité alimentaire, à l'amélioration des services de base dans les pays du sud. Je m'inquiète de la disparition des crédits consacrés au codéveloppement et à la francophonie, politique transversale qu'une part du programme 209 ne saurait résumer...

Des progrès restent à faire pour nous mettre au niveau de nos voisins européens, en matière d'évaluation notamment. La lutte contre la corruption et les paradis fiscaux, pour le contrôle de l'utilisation des fonds doit aussi être une priorité.

À Addis-Abeba, en juillet, a été évoquée la création d'un organisme fiscal international voué à la lutte contre l'évasion et l'optimisation fiscale ; l'OCDE a repris la main. Une occasion manquée.

Le rapprochement entre l'AFD et la CDC présente des risques pour l'autonomie de l'identité de l'Agence ; la mission de préfiguration aura un rôle essentiel.

Le décalage entre les discours et les actes est désastreux. L'aide publique au développement est un marqueur de notre crédibilité internationale.

Mme Claudine Lepage .  - Nous examinons les crédits de l'aide publique au développement à trois jours de l'ouverture de la COP21. Ce timing - si vous permettez cet anglicisme madame la ministre de la francophonie - est parfait.

Les tragiques événements qui ont frappé notre pays rendent l'aide publique au développement plus indispensable que jamais. La réponse ne pourra pas être que militaire. Nous devons faire preuve de plus de solidarité encore.

Au regard du contexte budgétaire, il faut se féliciter des efforts consentis. L'an passé, à la même époque, l'urgence était sanitaire, avec l'épidémie d'Ebola. Cette année, elle est migratoire. Nous devons accueillir les réfugiés et faciliter leur intégration sur notre territoire. Je me félicite du déblocage de 50 millions pour soutenir le HCR et le PAM ; l'aide aux réfugiés finance des actions concrètes et identifiables. Cet effort est amené à être pérennisé, donc à trouver sa place dans les budgets futurs.

Pendant des années, on a imaginé que le changement climatique ne concernait que les générations futures. Or l'année 2015 a été la plus chaude jamais enregistrée, et chaque année les catastrophes naturelles déplacent 26 millions de personnes... Le défi est là, devant nous.

Le 27 septembre, le président de la République, devant les Nations unies, a annoncé le déblocage de 4 milliards d'euros d'aide d'ici 2020, dont 2 consacrés à des actions de lutte contre le changement climatique. Le fonds vert pour le climat est une réponse adaptée ; la France y a contribué à hauteur d'un milliard de dollars. Je me réjouis que les pays plus fragiles soient aidés en priorité. Le Malawi bénéficiera ainsi d'un programme d?aide de 12,3 millions de dollars pour réduire la vulnérabilité de ses habitants aux phénomènes climatiques extrêmes.

Je me fais ici l'écho des inquiétudes de nos compatriotes en Asie du sud-est. L'Indonésie est en proie à des feux de forêts qui rejettent des nuages toxiques jusqu'au-dessus des pays voisins ; ils provoquent des affections respiratoires et perturbent gravement le trafic aérien. C'est aussi une catastrophe écologique puisque la forêt de Sumatra et de Bornéo partent en fumée. Il faut exprimer notre préoccupation aux autorités indonésiennes à l'occasion de la COP21.

L'adossement de l'AFD à la CDC est le moyen d'augmenter les capacités de l'Agence, suivant l'exemple du Kreditanstadt für Wiederaufbau allemand. Jusqu'où ira-t-il, madame la ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Robert Hue applaudit également)

Mme Christiane Kammermann .  - Merci aux rapporteurs, qui se sont beaucoup investis. En commission, Henri de Raincourt nous a rappelé qu'investir dans l'APD n'était pas un luxe.

Je veux vous parler du Liban. Ce pays traverse une crise politique, sociale, mais aussi de gouvernance, qui a conduit les Libanais, victimes de la mauvaise gestion des ordures ménagères, à manifester par milliers pour dire leur dégoût et dénoncer l'incurie de l'administration au cri de « vous puez ! ». Si on ajoute les graves conséquences du conflit en Syrie, on a un pays au bord de l'explosion sociale et politique alors qu'il se remettait à peine.

Le montant cumulé des encours de l'AFD au Liban depuis 1999 atteint 1,167 milliard d'euros, dont 875 millions au titre de l'aide budgétaire et 292 millions au titre de l'aide projets. Cette aide soutient les populations vulnérables, l'accès équitable à l'éducation et à la santé, le renforcement du secteur privé, le développement des villes durables. La France peut aider le Liban dans sa crise des déchets. Ce beau pays, qui a tant souffert, dans lequel j'ai vécu, a bénéficié du soutien récent du président Larcher. Dans quelle mesure peut-il compter sur un soutien concret de la France, madame la ministre ? (Applaudissements à droite)

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie .  - L'année est exceptionnelle, marquée par de grands rendez-vous internationaux, à Addis-Abeba, New York et Paris pour la COP21.

Les attentats de janvier et novembre ont changé la donne. Face au terrorisme, la France sera implacable. Mais elle restera généreuse. L'aide publique au développement, c'est la générosité de la France en action. Le président de la République l'a dit : elle sera maintenue et montera même en puissance avec 4 milliards d'euros supplémentaires, dont 2 milliards pour le climat. Le volet dons sera augmenté.

Notre politique d'aide au développement évolue. Elle s'adapte au monde qui bouge, à la crise des migrants, à la fin de l'épidémie d'Ebola, au retrait d'Afghanistan. Elle construit le monde de demain, à zéro carbone et zéro pauvreté. La contribution française de 1 milliard d'euros au fonds vert en témoigne.

La France tient ses engagements. Elle maintient ses aides projets, renforce son aide bilatérale ; l'aide aux réfugiés financera des actions concrètes en multilatéral via le HCR et le PAM. Les fonds climatiques devront cibler les pays les plus vulnérables - États africains, insulaires. Face à l'urgence, les aides alimentaires, humanitaires, subventions aux ONG et crédits dédiés à la sortie de crise restent stables.

Les engagements d'Addis-Abeba sont la marque d'une démarche collective. L'aide aux ONG augmente de 8 millions d'euros pour atteindre 79 millions. Les crédits dédiés à la coopération décentralisée, au volontariat restent stables.

Ce budget porte un message fort : il met un terme à la diminution des crédits - 500 millions d'euros en cinq ans. Il réoriente la trajectoire vers les 0,7 % du RNB.

Le budget a évolué depuis le mois de septembre. Pour l'équilibrer, le Gouvernement a proposé deux amendements, y apportant 50 millions d'euros pour les réfugiés puis 100 millions pour le climat. Les députés ont voulu aller plus loin en affectant 25 % du produit de la TTF à l'AFD. Le Gouvernement a entendu le message, mais a voulu ramené cet effort à des proportions compatibles avec la maîtrise des comptes publics. Le budget augmentera donc de 106 millions d'euros par rapport à 2015, de 256 millions par rapport au texte initial. Nous serons ainsi en mesure de respecter nos engagements internationaux notamment en matière de santé et d'éducation. L'avis du Gouvernement sur les amendements déposés ne pourra être positif.

Nous avons lancé à nos opérateurs un appel à plus d'efficacité, car nous le devons aux Français.

La réforme institutionnelle de cette politique comporte trois volets : rapprochement AFD-CDC, Expertise France, réforme de la gouvernance.

Messieurs de Raincourt et Hue, les objectifs de développement durable validés à New York sont transversaux ; n'opposons pas climat et développement, le monde que nous voulons construire est à la fois zéro carbone et zéro pauvreté. Les 4 milliards supplémentaires annoncés à New York se partagent d'ailleurs entre les deux volets, lutte contre la pauvreté, lutte contre le changement climatique. Notre cible, c'est l'adaptation, donc le développement.

Monsieur Pozzo di Borgo, la France est le premier pays à avoir mis en place la TTF. Les discussions politiques impliquent onze pays. La France met toute son énergie à trouver un accord prochainement au conseil Ecofin, de sorte qu'une partie substantielle du produit aille au développement et au climat.

Le rapprochement AFD-CDC entend faire changer notre politique d'échelle sur le plan financier. Le savoir-faire de la CDC, qui travaille depuis longtemps avec les entreprises et les collectivités territoriales, sera très utile à nos structures d'aide au développement. Plusieurs scénarios de gouvernance sont à l'étude ; le préfigurateur est à la disposition du Parlement.

Les parlementaires représentés au Centre national de coopération au développement (CNCD) et au Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI), doivent être associés à ces réflexions.

La francophonie me tient à coeur. Avec plus de 47 millions d'euros en 2016, la France est le premier contributeur à l'Organisation internationale de la francophonie (OIF). Certes, les crédits diminuent, mais j'ai demandé aux opérateurs de se réorganiser. Les Français doivent prendre conscience de cet atout, de cet outil de rayonnement, que nous devons pousser plus loin. On nous promet 750 millions de locuteurs en 2050, cela suppose en effet d'y mettre les moyens et de travailler avec nos 80 partenaires de l'OIF.

J'attends avec impatience la COP21. C'est un défi aussi pour les pays francophones. Le Canada a fait évoluer ses positions... Je m'en réjouis.

Dans le domaine de la santé, la France privilégie l'action multilatérale, qui a montré son efficacité face à Ebola. Nous sommes avec le Brésil à l'origine de la création d'Unitaid. Nous l'appelons à renforcer ses liens avec les contributeurs. La taxe sur les billets d'avion devra être la plus globale possible - le montant 2016 n'est pas encore arrêté.

Au-delà de 4 milliards d'euros d'ici 2020, plus de 370 millions supplémentaires seront dégagés pour les dons. Ne les opposons pas aux prêts : les deux sont utiles, et la France peut s'enorgueillir d'avoir autant d'outils à sa disposition : subventions, dons, prêts, garanties, prises de participation, coalition d'acteurs...

M. le président.  - Veuillez conclure...

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État.  - Oui, la France est un pays solidaire, sur tous les fronts, et nous pouvons en être fiers. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

ARTICLE 24 État B

M. le président.  - Amendement n°II-213 rectifié, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

 - 

+

 - 

Aide économique et financière au développement

Solidarité à l'égard des pays en développement

dont titre 2

112 000 000

112 000 000

TOTAL

112 000 000

112 000 000

SOLDE

+ 112 000 000

+ 112 000 000

Mme Leila Aïchi.  - Cet amendement porte les crédits de la mission aide publique au développement à leur niveau proposé par le projet de loi de finances initiale, dans la droite ligne des annonces du président de la République.

L'amendement n°II-188 n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°II-200 rectifié bis.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial.  - Cet amendement corrige en partie l'évolution négative des crédits de la mission. La commission des finances s'est interrogée sur le signal à envoyer : fallait-il l'approuver, même en en restant à un niveau inférieur à celui de 2013, sachant qu'il disparaîtra lors du débat à l'Assemblée nationale ?

La commission des finances a préféré rejeter en bloc les crédits et donner un avis défavorable à cet amendement. À titre personnel toutefois, je considère que toute tentative, même désespérée, doit être tentée.

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement partage votre objectif : nous avons ajouté 250 millions à la loi de finances initiale, soit une hausse de 106 millions d'euros par rapport au budget de 2015. Mais pour les raisons évoquées, avis défavorable.

Mme Leila Aïchi.  - Cela me rappelle le film Les dieux sont tombés sur la tête... À l'approche de la COP21, nous faisons preuve de dissonance cognitive, ou de double langage... Ce peut être dangereux.

Mme Fabienne Keller.  - Absolument !

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Les membres du groupe UDI-UC ont décidé de suivre la position de la commission des finances. Ils voteront contre l'amendement et contre les crédits.

L'amendement n°II-213 rectifié n'est pas adopté.

Les crédits de la mission sont adoptés.

L'article 48 est adopté.

Les crédits du compte spécial « Prêts à des États étrangers » sont adoptés.

Prochaine séance, demain, samedi 28 novembre 2015 à 10 heures.

La séance est levée à 22 h 50.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du samedi 28 novembre 2015

Séance publique

À 10 heures et 14 h 30

Présidence :

Mme Isabelle Debré, vice-présidente

M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

Secrétaires :

Mme Frédérique Espagnac

M. Bruno Gilles

Projet de loi de finances pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale (n°163, 2015-2016).

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n°164, 2015-2016).

Économie (+ articles 52 à 53 bis)

Compte spécial : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

- Culture

- Discussion des missions et des articles rattachés reportés.

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 75 sur l'amendement n°II-157, présenté par M. Philippe Adnot au nom de la commission des finances, et sur l'amendement n°II-201 présenté par M. Jacques Grosperrin au nom de la commission de la culture, à l'article 24 (crédits de la mission), du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :344

Suffrages exprimés :344

Pour :189

Contre :155

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, Mme Isabelle Debré, Présidente de séance

Groupe socialiste et républicain (110)

Contre : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 1 - M. Gilbert Barbier

Contre : 16

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Pour : 4

N'ont pas pris part au vote : 2 - MM. David Rachline, Stéphane Ravier