Nouvelles libertés et protections pour les entreprises et les actif-ve-s (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article premier

M. le président.  - Amendement n°465, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre IV du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail est ainsi modifié :

1° Au début, est ajoutée une section 1 intitulée : « Dispositions communes » et comprenant les articles L. 1134-1 à L. 1134-5 ;

2° Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Dispositions spécifiques à l'action de groupe

« Art. L. 1134-6.  -  Sous réserve des articles L. 1134-7 à L. 1134-10, le chapitre Ier du titre V de la loi n° du de modernisation de la justice du XXIème siècle s'applique à l'action de groupe prévue à la présente section.

« Art. L. 1134-7.  -  Une organisation syndicale de salariés représentative au niveau national interprofessionnel, au niveau de la branche ou au niveau de l'entreprise peut agir devant une juridiction civile afin d'établir que plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou plusieurs salariés font l'objet d'une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur un même motif parmi ceux mentionnés à l'article L. 1132-1 et imputable à un même employeur privé.

« Une association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans pour la lutte contre les discriminations ou oeuvrant dans le domaine du handicap peut agir aux mêmes fins, en faveur de plusieurs candidats à un emploi ou à un stage en entreprise.

« Art. L. 1134-8.  -  Cette action peut être exercée en vue soit de la cessation du manquement, soit de l'engagement de la responsabilité de la personne ayant causé le dommage afin d'obtenir la réparation des préjudices subis, soit de ces deux fins.

« Art. L. 1134-9.  -  Par dérogation à l'article 22 de la loi n°   du de modernisation de la justice du XXIème siècle, préalablement à l'engagement de l'action de groupe mentionnée à l'article L. 1134-7, les personnes mentionnées à ce même article L. 1134-7 demandent à l'employeur de faire cesser la situation de discrimination collective.

« Dans un délai d'un mois à compter de cette demande, l'employeur en informe le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, ainsi que les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise. À la demande du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, ou à la demande d'une organisation syndicale représentative, l'employeur engage une discussion sur les mesures permettant de faire cesser la situation de discrimination collective alléguée.

« L'auteur de la demande mentionnée au premier alinéa du présent article peut exercer l'action de groupe mentionnée à l'article L. 1134-7 lorsque, dans un délai de trois mois à compter de cette demande, l'employeur n'a pas pris les mesures permettant de faire cesser la situation de discrimination collective en cause. 

« Art. L. 1134-10.  -  L'action de groupe suspend, dès la mise en demeure mentionnée à l'article L. 1134-9, la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant du manquement dont la cessation est demandée.

« Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, soit à compter du jour où le demandeur s'est désisté de son action, soit à compter du jour où le jugement tendant à la cessation du manquement n'est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation. »

M. Dominique Watrin.  - Face à des discriminations individuelles qui n'ont pas faibli dans le monde du travail, notre arsenal juridique est malheureusement peu efficace. Pour nous, l'action de groupe constitue une arme de reconquête des valeurs qui fondent notre pacte républicain. Il s'agit aussi, par l'intégration du principe de réparation intégrale, de renforcer la prévention.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Cela relève du projet de loi Justice du XXIe siècle, en cours de navette parlementaire. Pour cette raison, avis défavorable.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Les discriminations sont un cancer pour notre cohésion sociale. Il y en a de nombreuses et plusieurs façons de lutter contre elles ; le Défenseur des droits nous a d'ailleurs remis un rapport récemment.

Le Gouvernement a déployé plusieurs armes : la sensibilisation avec la campagne en cours « mes compétences d'abord », le parrainage, le testing que je fais effectuer sur les groupes de plus de 1 000 salariés qui ne sont pas volontaires, la saisine du Défenseur des droits, ainsi que le préconisait le Conseil économique, social et environnemental, mais aussi l'action de groupe à l'initiative d'une association ou d'un syndicat. Un rapport de l'Institut Montaigne a révélé qu'une personne prénommée Mohamed avait quatre fois moins de chances d'obtenir un entretien d'embauche.

Le sujet est essentiel mais il est traité dans un autre texte. Retrait ?

L'amendement n°465 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mme Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 1321-2 du code du travail, il est inséré un article L. 1321-2-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1321-2-...  -  Le règlement intérieur peut, par accord d'entreprise, contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché. »

Mme Françoise Laborde.  - La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme repose sur l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme. Cet article nous contraint.

Qu'est l'entreprise ? Un lieu où se rencontrent des individus ? Un espace de rapport de forces ? Une communauté de destins ? Elle est un espace neutre et sa neutralité passe par l'indifférence de l'employeur à l'égard des convictions religieuses de ses salariés.

Cet amendement consoliderait le choix d'entreprises qui ont choisi d'adopter des chartes de la laïcité, utiles mais fragiles juridiquement.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Nous devons progresser vers ce principe de neutralité, on ne peut pas nier que des problèmes existent. La question est comment, avec nos engagements européens et internationaux ? Qu'en pense le Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Nous avons établi un guide de la gestion du fait religieux en entreprise. Quand j'aurai un emploi du temps un peu plus souple, je le présenterai aux partenaires sociaux. Poser le principe de neutralité peut être justifié dans certaines situations ; son affirmation ne peut pas être automatique - ce serait sans doute contraire à la Constitution et aux textes européens. Avis favorable à cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Nicole Bricq.  - Autant c'était clair dans les services publics, autant nous étions désarmés par rapport à ce qu'il se passe dans l'entreprise. La Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt de 2000, avait clairement distingué les deux secteurs. Après, entre autres, l'affaire Baby Loup, elle est désormais ouverte à une évolution, dès lors que le principe de neutralité a fait l'objet d'une négociation interne. Le groupe socialiste votera cet amendement.

Mme Laurence Cohen.  - Tout à fait d'accord mais pourquoi inscrire dans la loi quelque chose qui est de l'ordre du règlement intérieur des entreprises ? Le groupe CRC s'abstiendra.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - La démarche de la ministre consistant à clarifier les droits et devoirs de chacun est excellente. À mon sens, c'est du domaine de la loi. Dans une période où les équilibres sont difficiles à trouver, votons cet amendement.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Je rends hommage au travail de Mme Laborde et du groupe RDSE, nous franchissons une étape importante en acceptant cet amendement. C'est une innovation puisque le règlement intérieur de l'entreprise est, en principe, un acte unilatéral.

M. Jacques Mézard.  - On sait l'attachement de notre groupe RDSE à la laïcité. Qu'est-ce sinon un principe de liberté ? Ne nous voilons pas la face... Ce n'est évidemment pas un lapsus ! (Sourires)

Il est des entreprises où il y a des problèmes.

M. Bruno Retailleau.  - C'est vrai !

M. Jacques Mézard.  - La laïcité autorise chacun à pratiquer sa religion dans la liberté, l'inscrire dans la loi est une nécessité face au communautarisme.

Mme Françoise Laborde.  - Dans l'affaire Baby Loup, que j'ai suivie de près et après laquelle j'ai déposé une proposition de loi, il existait un règlement intérieur... D'où cet amendement : l'expérience de l'entreprise Paprec montre son utilité.

M. Bruno Retailleau.  - Ensemble, nous pouvons être unis pour adopter le principe de neutralité. Nous sommes en guerre. (Mouvements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) On l'a déclarée contre nos valeurs ; ne laissons aucun interstice dans nos entreprises dans lesquels s'engouffreraient immanquablement des individus. Gravons dans le marbre de la loi un principe d'endiguement.

Mme Chantal Jouanno.  - Cet amendement, excellent, garantira également l'égalité entre les femmes et les hommes, qui fait partie de nos droits et libertés fondamentales.

M. Didier Guillaume.  - Merci à Mme Laborde pour son travail. Évitons les amalgames : certes, la République est secouée aujourd'hui mais la neutralité concerne tout le monde. Cet amendement est peut-être discutable juridiquement, mais il est essentiel à la République. Faisons claquer au vent le drapeau de la laïcité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Evelyne Yonnet.  - Absolument.

L'amendement n°2 rectifié est adopté et devient article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°466, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé 

Le code du travail est ainsi modifié :

1° À la première phrase de l'article L. 2251-1, les mots : « peut comporter » sont remplacés par les mots : « ne peut comporter que » ;

2° L'article L. 2252-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « interprofessionnel », est inséré le mot : « ne » ;

b) Le second alinéa est supprimé ;

3° Le second alinéa de l'article L. 2253-1 est ainsi rédigé :

« Cet accord ne peut comporter des stipulations moins favorables aux salariés. » ;

4° Les articles L. 2253-4 et L. 3122-6 sont abrogés.

Mme Annie David.  - Par cet amendement, nous réaffirmons notre attachement à la hiérarchie des normes.

M. le président.  - Amendement n°463, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° La seconde phrase de l'article L. 2251-1 est ainsi rédigée :

« Ils ne peuvent en aucune façon avoir pour objet ou pour effet de restreindre ou de limiter l'exercice des droits reconnus aux salariés par la loi. » ;

2° L'article L. 2252-1 est abrogé.

Mme Laurence Cohen.  - Même logique : si l'on veut renforcer la démocratie au coeur de l'entreprise, n'exposons pas les représentants des salariés au chantage à l'emploi.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Avis défavorable pour des raisons précédemment évoquées.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Même avis.

À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, l'amendement n°466 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°248 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 29
Contre 312

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°463 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°988, présenté par MM. Joyandet, J.P. Fournier, D. Laurent, Dufaut, Huré, B. Fournier, Nougein, Masclet et Vasselle.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, les articles 244 quater C, 199 ter C, 220 C, 223 O du code général des impôts, et le dernier alinéa de l'article L. 172 G du livre des procédures fiscales sont abrogés à compter du 1er juillet 2016.

M. Alain Joyandet.  - La TVA compétitivité n'est peut-être pas le sujet de ce texte. Pour autant, si j'ai bien compris, madame la ministre, votre but est de créer des emplois, autant que possible... La commission instituée à l'article premier n'y fera rien... Mieux vaut revenir sur la suppression de la TVA compétitivité votée à la fin du quinquennat, certes un peu tard, que François Hollande s'est empressé de supprimer avant de dire qu'il le regrettait. Les prix n'augmenteraient que sur les produits étrangers... On créerait ainsi des milliers d'emplois à toute vitesse.

M. Alain Néri.  - Ben voyons !

M. Alain Joyandet.  - Suivant en cela l'Allemagne ou le Danemark.

Mme Nicole Bricq.  - C'est de la pensée magique...

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Cet amendement supprime le CICE pour rétablir la TVA compétitivité à l'amendement n°989.

Je crois à la TVA compétitivité. Néanmoins, faut-il faire ce Big Bang dans ce texte ? La loi de finances conviendrait mieux.

M. Alain Joyandet.  - Ce n'est jamais le bon moment ; jamais le bon texte !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Certes, mais le compte à rebours est lancé, vous finirez par avoir satisfaction sur ce sujet partagé. Je me souviens des plaidoyers de Jean Arthuis.

M. le président.  - Amendement n°988, présenté par MM. Joyandet, J.P. Fournier, D. Laurent, Dufaut, Huré, B. Fournier, Nougein, Masclet et Vasselle.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, les articles 244 quater C, 199 ter C, 220 C, 223 O du code général des impôts, et le dernier alinéa de l'article L. 172 G du livre des procédures fiscales sont abrogés à compter du 1er juillet 2016.

M. Alain Joyandet.  - La TVA compétitivité n'est peut-être pas le sujet de ce texte. Pour autant, si j'ai bien compris, madame la ministre, votre but est de créer des emplois, autant que possible... La commission instituée à l'article premier n'y fera rien... Mieux vaut revenir sur la suppression de la TVA compétitivité votée à la fin du quinquennat, certes un peu tard, que François Hollande a dit regretter. Les prix n'augmenteraient que sur les produits étrangers... On créerait ainsi des milliers d'emplois à toute vitesse.

M. Alain Néri.  - Ben voyons !

M. Alain Joyandet.  - Suivant en cela l'Allemagne ou le Danemark.

Mme Nicole Bricq.  - C'est de la pensée magique...

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Cet amendement supprime le CICE pour rétablir la TVA compétitivité à l'amendement n°989.

Je crois à la TVA compétitivité. Néanmoins, faut-il faire ce Big Bang dans ce texte ? La loi de finances conviendrait mieux.

M. Alain Joyandet.  - Ce n'est jamais le bon moment ; jamais le bon texte !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Certes, mais le compte à rebours est lancé, vous finirez par avoir satisfaction sur ce sujet partagé. Je me souviens des plaidoyers de Jean Arthuis.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Avec le CICE, nous avons, depuis 2013, rendu 30 milliards d'euros de marges aux entreprises, qui ont profité à 50 % aux TPE-PME ; 120 000 entreprises ont été créées ; le taux de marge des entreprises a progressé de plus de 2,2 % en 2015 - pour atteindre son plus haut niveau depuis 2011 - et leurs investissements de plus de 2,7 %, soit également la plus forte hausse depuis 2011. Il est donc efficace pour stimuler l'investissement, la croissance et la création d'emplois. Ne le supprimons pas. La TVA compétitivité, inéquitable puisqu'elle n'est pas progressive, sera un coup dur pour le pouvoir d'achat des ménages.

M. Alain Néri.  - Très bien !

M. Jean-Louis Tourenne.  - Vous demandez de la stabilité, ne supprimez pas le CICE ! Si c'était, comme on peut le penser à vous entendre, la solution miracle, nous le saurions et elle aurait sans doute déjà vu le jour ! L'établir, ce serait à coup sûr amoindrir le pouvoir d'achat des ménages, le principal ressort de la croissance.

M. Alain Néri.  - On ne peut qu'être d'accord avec les premières lignes de l'exposé des motifs de cet amendement : le chômage est de masse, la responsabilité est partagée.

Si les agents de Pôle emploi, qui sont de grande qualité, font un bon travail, ce que je ne conteste point, force est de constater que les résultats ne sont pas au rendez-vous, madame la ministre. C'est pourquoi nous devons chercher d'autres voies. Nous devons, en particulier, développer l'alternance. Dans une logique « gagnant-gagnant », pour employer votre langage, conditionnons le bénéfice du CICE à l'emploi d'un certain pourcentage de jeunes en alternance, en nous inspirant du dispositif en vigueur pour les personnes handicapées, qui a donné des résultats tangibles. Travaillons pour préciser le seuil.

Mme Annie David.  - Le groupe CRC s'étonne que le groupe Les Républicains veuille supprimer le CICE sans partager les arguments de la ministre. On s'inquiète du coût du travail mais jamais de celui du capital et de la politique des banques, qui privilégient la finance.

Le CICE est notoirement inefficace : le rapport de l'OFCE, plus nuancé, d'ailleurs cité dans l'exposé des motifs de l'amendement, le montre bien : on dépense 130 000 euros annuels par emploi et le nombre d'emplois créés n'est pas de 120 000 mais « devrait être de 150 000 sur cinq ans »... Je rappelle que les salaires mensuels bruts sont inférieurs à 2 200 euros dans notre pays.

La TVA compétitivité revient à transférer une nouvelle charge sur le dos des ménages modestes !

M. Olivier Cadic.  - Merci, monsieur Joyandet, d'avoir rappelé qu'il faut transférer la fiscalité de la production à la consommation. Le chômage en France s'explique essentiellement par le coût du travail.

Mme Éliane Assassi.  - C'est le travail qui crée la richesse.

M. Olivier Cadic.  - Dès 1993, un an après l'ouverture des frontières de l'Union européenne, Jean Arthuis dessinait cette piste que nous finirons, tôt ou tard, par emprunter. Je me souviens, il y a vingt ans, avoir dû aller à l'étranger pour sauver mon entreprise. Certes, la question est législativement complexe, puisqu'elle englobe des aspects relevant de la loi de finances, mais il est impératif de réduire les charges.

M. Michel Raison.  - Tout en sachant que personne ici ne détient « la » vérité ni ne prétend trouver « la » solution pour sortir du chômage qui se répand depuis tant d'années, je soutiendrai cet amendement logique : avec la TVA sociale, efficace dans d'autres pays. Ainsi les produits importés paieront une partie de notre protection sociale, les produits fabriqués en France bénéficiant de la baisse des charges due à cette mesure.

M. Jean-Pierre Bosino.  - Certes, M. Raison est logique dans sa logique : pour lui, le travail représente un coût ; pour nous, c'est une richesse, source de création d'autres richesses.

Les résultats du CICE sont à peu de chose près égaux à zéro ! Les mots veulent-ils dire quelque chose ? Les licenciements s'appellent « plan de sauvegarde de l'emploi », la TVA, l'impôt le plus injuste qui soit, puisqu'il frappe tout le monde, sans tenir compte des revenus, est qualifié de « sociale »... (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Bruno Retailleau.  - Ce n'est sans doute pas le lieu d'instaurer la TVA sociale. Jean-Baptiste Lemoyne a raison.

Sur le fond, je crois qu'Alain Joyandet a raison de lancer ce débat ici, car c'est le dispositif dont nous avons besoin. J'ai la conviction qu'il ne peut qu'entraîner des effets positifs pour la France.

Les produits fabriqués à l'étranger contribueront ainsi à l'équilibre de nos comptes sociaux : quels parlementaires peuvent s'y opposer ? Si nous ne changeons pas le financement de notre protection sociale, celle-ci sera menacée...

M. Jean-Pierre Bosino.  - Il faut faire contribuer davantage le capital !

M. Bruno Retailleau.  - La TVA sociale n'accroîtra pas les prix des produits : aucune inflation n'a été observée dans les pays qui l'ont instaurée...

M. Jean-Pierre Caffet.  - Tiens ! C'est magique...

M. Bruno Retailleau.  - Non, parce que les charges diminuent d'autant. En revanche, c'est assurément positif pour l'emploi !

M. René-Paul Savary.  - Tirons le bilan du CICE : il a constitué un colossal effet d'aubaine pour les entreprises, ainsi que des distorsions de concurrence, au détriment de l'économie sociale et solidaire par exemple.

Ces 27 milliards d'euros rendus aux entreprises, étaient une nécessité urgente au regard du matraquage fiscal qui a précédé. Voilà enfin le genre de mesure qu'il faut prendre au début, non en fin de mandat.

M. Daniel Chasseing.  - Les entreprises n'attendent pas d'anticiper tel remboursement pour créer des emplois : la logique du CICE est erronée ; la TVA sociale, elle, aura des effets immédiats, M. Joyandet a raison.

J'ignore si le CICE a créé des emplois, au mieux peut-on dire qu'il a maintenu des emplois menacés par les hausses d'impôts des deux premières années de matraquage fiscal du quinquennat. Je suivrai le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Notre pays souffre d'un manque d'attractivité. Les Échos, il y a trois semaines, ont révélé que nos voisins avaient vu leur taux d'investissement étranger progresser de 14 % au cours des cinq dernières années. Le nôtre est resté stable sur la même période, sauf en 2015, où il a fléchi de 2 %...

M. Jean-Pierre Caffet.  - Quel lien avec la TVA ?

M. Jean-Claude Lenoir.  - J'y viens. La lourdeur du code du travail, le coût du travail ont manifestement des effets très pénalisants.

M. Alain Néri.  - Et la TVA !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Le travail est une richesse, entend-on sur les bancs du groupe CRC. Soit, mais la richesse est partagée par de nombreux pays, d'autant que la plupart offrent des charges moins lourdes. Si nous voulons créer des emplois en France, allégeons-les.

M. Gérard Bailly.  - Un ménage gagnant 1 600 euros par mois paiera quatre fois moins de TVA qu'un ménage gagnant 5 400 euros par mois et à un taux généralement plus faible ! Les classes aisées seront en fait les plus touchées par une telle mesure. (Mme Éliane Assassi le nie)

J'ajoute qu'il est juste de faire payer les produits importés qui envahissent les grandes surfaces. Les prix des produits fabriqués chez nous n'augmenteront pas, car ils bénéficieront de la baisse de charges.

M. Martial Bourquin.  - J'avoue ma surprise : qu'a donc tout cela à voir avec le code du travail, objet de ce projet de loi ? (Exclamations à droite) L'ordre du jour est suffisamment lourd pour ne pas se perdre dans un débat qui reviendra en son temps.

J'observe simplement que les partisans d'une baisse des impôts proposent d'en créer un nouveau ! (Applaudissements sur la plupart des bancs du groupe socialiste et républicain et sur ceux du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Alain Néri.  - Très bien !

M. François Grosdidier.  - En baissant les charges ! Vous avez tant augmenté les impôts qu'il nous faut les diminuer pour compenser.

M. Martial Bourquin.  - Alain Madelin - qui n'est pourtant pas ma lecture de chevet - s'étonne de la « purge libérale » qui se prépare, et parle d'un « Robin des bois à l'envers », qui volera aux pauvres au profit des riches...

Passons donc à l'ordre du jour s'il vous plaît ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur ceux du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Dominique Watrin.  - À raisonnement idiot, raisonnement idiot et demi... Si le travail est un coût, pourquoi vouloir augmenter sa durée, comme vous ne cessez de le réclamer ? Le vrai problème est le coût du capital.

Sachez que nos entreprises, pour un euro gagné, versent deux euros aux actionnaires sous forme de dividendes... (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Notre système de protection sociale serait devenu financièrement insupportable ? Le déficit de la sécurité sociale, ce n'est que quelques dizaines d'euros de découvert chez un salarié gagnant 1 500 euros par mois : ce n'est pas catastrophique.

Vous êtes avez été, presque tous, élus locaux. Vous avez constaté les dégâts causés par la déconnexion entre les impôts et les lieux de création de richesses, avec la suppression de la taxe professionnelle, puis les exonérations massives que l'on a accordées aux entreprises comme celle de la C3S...

Oui, il faut revoir le code du travail, pour changer de perspective. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Alain Milon, président de la commission.  - Quelques précisions à ce stade : le CICE est un crédit d'impôt ; ce n'est donc pas un impôt supplémentaire...

M. François Marc.  - Cet amendement est un cavalier !

M. Alain Milon, président de la commission.  - La TVA sociale a été décidée sous le quinquennat précédent, avec une entrée en vigueur prévue en 2017 : elle n'a jamais fonctionné, puisqu'elle a été abrogée, on n'en connaît donc pas les effets.

La protection sociale peut être financée par la TVA, les cotisations sociales ou la CSG : aucune décision de modification n'a encore été prise.

L'idée est bonne, sans doute, mais il faut l'approfondir et l'on ne peut la mettre en place ainsi. Le retrait de l'amendement me semble s'imposer.

M. Alain Joyandet.  - Nous sommes au coeur de l'ordre du jour : « nouvelles libertés, nouvelles protections, pour les entreprises et les actifs » ! J'ai proposé de remplacer un complexe crédit d'impôt par une baisse de charges immédiate, visible et massive. En tant que chef d'entreprise, je suis bien placé pour savoir tous les effets positifs qui en sont attendus.

Cette proposition n'a rien de libéral. Cher collègue du pays de Montbéliard, la TVA sociale renchérirait le prix des Mercedes, et non des 506 Peugeot ! Comme dit M. Bailly, la TVA payée pour une 206 sera moins forte.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Alain Joyandet.  - Oui, cette TVA est bien sociale ! Pour l'heure, je retire mon amendement.

L'amendement n°988 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°989, présenté par MM. Joyandet, J.P. Fournier, D. Laurent, Dufaut, Huré, B. Fournier, Nougein, Masclet et Vasselle.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 1er de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 est abrogé.

M. Alain Joyandet.  - J'essaie de trouver des solutions pour les salariés, pour l'emploi, pour les entreprises. Dans ce but, je préfère de loin la TVA sociale à ce que propose l'article 2 ! Ce serait beaucoup plus efficace. Comment vais-je expliquer à mes salariés qui se lèvent à deux heures du matin que les heures supplémentaires auxquelles ils sont si justement attachées ne seront plus de 25 % mais ramenées à 10 % ? Qu'est-ce que cette mesure créera comme emplois ? Baisser les charges, grâce à la TVA sociale, en, créerait bien plus, sans aucun doute !

Nous avons passé la nuit dernière sur cinq amendements qui n'avaient aucune chance d'aboutir, alors ne dites pas que nous perdons du temps, monsieur Bourquin !

J'entends le rapporteur toutefois, et retire cet amendement également.

La TVA sociale, au moins, elle est sociale - en tout cas plus que ce projet de loi et ces mesures proposées par le parti socialiste qui ne verront de toute façon jamais le jour. (Plusieurs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et au centre)

L'amendement n°989 est retiré.

CHAPITRE PREMIER BIS (Renforcer la lutte contre les discriminations, le harcèlement sexuel et les agissements sexistes)

M. le président.  - Amendement n°242 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau et Pozzo di Borgo.

Supprimer cette division et son intitulé.

M. Olivier Cadic.  - Les articles premier bis à premier quinquies ajoutent des obligations en matière de lutte contre les discriminations, le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

Or le harcèlement figure déjà dans le code pénal, à l'article 222-3-2, qui le définit parfaitement et le punit de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

Si nous modifions ces dispositions, c'est dans le code pénal qu'il faut le faire, afin d'éviter que les définitions diffèrent. Attachons-nous encore plus à voter des lois simples et cohérentes ; et surtout : appliquons-les !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Supprimer le chapitre, ce serait préjuger du sort donné aux articles qui le composent : retrait ? Nous discuterons ensuite du fond à propos de chacun de ces articles.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - La situation actuelle est préoccupante, et nous devons tout mettre en oeuvre pour lutter contre le harcèlement et les agissements sexistes. Avis défavorable ou retrait pour les mêmes raisons.

M. Michel Canevet.  - Ce texte a pour objet de simplifier le code du travail, dont on connaît l'épaisseur. Se référer au code pénal semble plus logique, et contribuerait à amincir le code du travail tout en réprimandant ces types d'agissements. (Mmes Evelyne Yonnet et Christine Prunaud s'indignent du mot employé)

M. Olivier Cadic.  - Ce n'est pas en l'écrivant trois fois qu'on améliore l'efficacité d'une disposition.

L'infraction relative au mariage forcé, par exemple, n'a donné lieu qu'à trois condamnations, alors qu'il est très répandu au Maroc. Le harcèlement continue hélas à exister, de même que les discriminations, que nombre de jeunes Français fuient en allant chercher un emploi, à l'étranger, et rendre le droit bavard ne le fera pas disparaître. Je le répète, tenons-nous en au code pénal et appliquons-le !

Mais, doutant que nous puissions réellement faire oeuvre utile à cet égard, je retire cet amendement, ainsi que les suivants, jusqu'à l'amendement n°249 rectifié.

L'amendement n°242 rectifié est retiré.

M. Alain Milon, président de la commission.  - La commission des affaires sociales se réunit à 20 h 30.

La séance est suspendue à 19 h 30.

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°286 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Longeot, Capo-Canellas et Roche, Mme Hummel, M. Laménie, Mme Deromedi, M. Cigolotti et Mme Létard.

Avant l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 1142-2-1 du code du travail, il est inséré un article L. 1142-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 1142-2-2. -  Nul ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements sexistes ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés, y compris lorsque l'agissement sexiste n'est pas répété ». 

M. Gérard Roche.  - Cet amendement de Mme Jouanno interdit tout agissement sexiste dans le monde du travail.

M. le président.  - Amendement identique n°424, présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.

Mme Corinne Bouchoux.  - Le code du travail protège les salariés contre les mesures de rétorsion pour avoir subi ou refusé de subir, pour avoir témoigné ou relaté des faits de harcèlement sexuel. Cet amendement élargit cette protection à tout agissement sexiste afin que les femmes, qui en sont souvent victimes, puissent s'y opposer sans crainte des conséquences.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Un agissement sexiste est une discrimination fondée sur le sexe, dirait M. de la Palice, déjà visée par le code du travail à l'article L. 1132-1, l'article L. 1132-3 protégeant les témoins.

Retrait ou à défaut avis défavorable.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Je donnerai un avis global sur les amendements relatifs aux agissements sexistes, particulièrement insupportables et contre lesquels le Gouvernement s'est engagé comme jamais un gouvernement ne l'avait fait avant lui.

Nous avons introduit dans la loi Rebsamen d'août 2015 la notion d'agissement sexiste, c'était un pas extrêmement important car en nommant les choses, on a prise sur la réalité. Ce projet de loi oblige à rappeler dans le règlement intérieur de l'entreprise l'interdiction des agissements sexistes, qui feront explicitement partie des risques appelant des mesures de prévention de la part de l'employeur et du CHSCT. Ainsi toute la communauté de travail sera-t-elle mobilisée contre les agissements sexistes.

Cependant, si graves soient-ils, ils ne constituent pas du harcèlement sexuel, lequel entraîne une atteinte à l'intégrité physique et morale de la personne. D'où un régime particulier de la preuve et des sanctions pénales pouvant aller jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 70 000 euros d'amende. Confondre les deux, ce serait mettre à mal l'échelle des peines et banaliser le harcèlement sexuel.

Des sanctions civiles et pénales peuvent cependant être prononcées contre les auteurs d'agissements sexistes : le juge peut ainsi ordonner la réintégration d'un salarié licencié pour des motifs sexistes, annuler une autre sanction et imposer la réparation du préjudice.

Avis défavorable, donc.

Les amendements identiques nos286 rectifié bis et 424 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°287 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Longeot, Roche et Capo-Canellas, Mme Hummel, M. Laménie, Mme Deromedi, M. Cigolotti et Mme Létard.

Avant l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 1142-2-1 du code du travail, il est inséré un article L. 1142-2-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1142-2-... -  Toute disposition ou tout acte contraire aux articles L. 1142-2-1 et L. 1142-2-2 est nul. »

M. Gérard Roche.  - Même chose que le précédent concernant le régime de la nullité applicable aux actes et pratiques contraires au principe d'interdiction de tout agissement sexiste. Selon l'adage « pas de nullité sans texte », il doit être écrit que les actes pris à l'égard d'un-e salarié-e en méconnaissance des dispositions relatives à l'interdiction de tout agissement sexiste sont nuls.

M. le président.  - Amendement identique n°425, présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.

Mme Corinne Bouchoux.  - Merci à la ministre pour ses explications assez convaincantes. Néanmoins, les auditions à la délégation sénatoriale aux droits des femmes nous ont persuadés que la nullité éviterait de nombreux agissements sexistes.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Même avis : ces amendements sont satisfaits par l'article L. 1132-4 même si nous partageons les préoccupations de leurs auteurs.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Avis défavorable.

Les amendements identiques nos287 rectifié bis et 425 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°292, présenté par Mme Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.

Avant l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article L. 1144-1 du code du travail, les mots : « et L. 1142-2 » sont remplacés par les mots : « , L. 1142-2 et L. 1142-2-1 ».

Mme Michelle Meunier.  - Il s'agit de préciser que le régime d'administration de la preuve pour les discriminations à raison du sexe s'applique aux cas d'agissements sexistes. Ce projet de loi comporte des progrès, c'est vrai, mais je garde en mémoire le témoignage d'une femme qui racontait qu'on déposait tous les jours sur son bureau un calendrier avec des images pornographiques...

M. le président.  - Amendement identique n°428, présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.

Mme Corinne Bouchoux.  - Parce qu'il est complexe de prouver la discrimination, il revient à l'employeur mis en cause de prouver que sa décision était justifiée par d'autres motifs. Or la loi du 27 mai 2008 a défini les agissements sexistes comme une forme de discrimination, dispositions codifiées par la loi du 17 août 2015. Nous proposons d'en tirer les conséquences en adoptant le même régime de preuve. Des études montrent que, même si les faits sont disjoints, agissements sexistes, harcèlement, etc. participent d'un continuum. La réalité, implacable, nous obligera un jour à voter cet amendement.

M. le président.  - Amendement identique n°464, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Mme Annie David.  - Je joins ma voix à celle de mes collègues. Il est essentiel de faire appliquer le régime d'aménagement de la charge de la preuve dans tous les cas de litiges liés au sexisme. Selon le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, 89 % des femmes ont déjà été confrontées à un comportement sexiste au cours de leur carrière. De tels comportements peuvent prendre des formes diverses, des remarques déplacées au harcèlement et au viol. Peu de femmes portent plainte - pas plus de 10 % selon la psychologue Marie Pezé - par peur de perdre leur emploi ou plus simplement de ne pas être entendues. Inverser la charge de la preuve serait un signal fort pour toutes ces femmes.

M. le président.  - Amendement identique n°927 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Barbier, Bertrand et Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et M. Vall.

Mme Françoise Laborde.  - Appliquons le régime de l'aménagement de la preuve des discriminations sexuelles aux actions en justice engagées sur le fondement de l'article L. 1142-2-1 relatif à l'agissement sexiste.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Les agissements sexistes relèvent de la discrimination ; s'ils sont répétés, ils peuvent être assimilés au harcèlement. À mon sens, le droit existant suffit. Mais, au vu des arguments, le Gouvernement pourrait sans doute nous éclairer...

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - La notion d'agissement sexiste est trop neuve pour qu'on connaisse la pratique des juges. La frontière existe entre le viol, le harcèlement et l'agissement sexiste, évitons de banaliser les choses en effaçant toute gradation. Par prudence, je vous invite au retrait.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Je soutiens l'amendement de nos collègues féminines. Il y a malheureusement des traditions qui peuvent être hostiles aux femmes dans des milieux professionnels autrefois exclusivement masculins.

L'agression sexiste peut prendre des formes multiples. J'ai été amené à dénoncer une publicité d'un institut de beauté que les femmes qui y travaillaient devaient supporter tous les jours !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Ce projet de loi, je le rappelle, prévoit que le règlement intérieur interdira les agissements sexistes, considérés comme des risques intégrés au plan de prévention.

Mme Annie David.  - Certes, mais le manquement au règlement intérieur ne sera pas sanctionné.

Jean-Pierre Godefroy parle des publicités sexistes ; on pourrait aussi évoquer les plaisanteries répétées quotidiennement : le règlement intérieur n'y changera rien. Nous proposons une mesure complémentaire qui ne s'oppose en rien à ce que, madame la ministre, vous proposez.

Les amendements identiques nos292, 428, 464 et 927 rectifié ne sont pas adoptés.

ARTICLE PREMIER BIS

Mme Laurence Cohen .  - Une fois n'est pas coutume, dans ce texte, l'article premier bis représente un progrès. Aujourd'hui, le régime de la preuve est différent selon qu'il s'agit de harcèlement ou de discrimination. Dans le second cas, le salarié doit présenter les faits, dans le premier il doit les établir, ce qui amoindrit évidemment ses chances de se voir rendre justice. Pour encourager les victimes, pour libérer la parole, il faut aligner le régime probatoire du harcèlement sur celui de la discrimination. C'est d'ailleurs conforme à l'évolution de la jurisprudence : voyez l'arrêt du 30 avril 2009 de la chambre commerciale de la Cour de cassation, sur un cas de harcèlement moral.

M. le président.  - Amendement n°1003, présenté par M. Lemoyne, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 1154-1 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les références : « et L. 1153-1 à L. 1153-4 » sont supprimées ;

b) Est ajouté le mot : « moral » ;

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement sexuel. » ;

3° Au deuxième alinéa, le mot : « tel » est supprimé.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Cet amendement, sans revenir sur l'assouplissement du régime probatoire du harcèlement sexuel afin de mieux protéger les victimes, conserve les règles en vigueur relatives au régime probatoire du harcèlement moral.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Vous cherchez donc à distinguer régime de la preuve du harcèlement sexuel et du harcèlement moral. Je vous propose de prendre du temps pour y réfléchir. Sagesse.

L'amendement n°1003 est adopté et l'article premier bis est ainsi rédigé.

ARTICLE PREMIER TER

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - Nous sommes très favorables à cet article, introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative de Catherine Coutelle, qui oblige l'employeur à rappeler la définition des agissements sexistes dans le règlement intérieur de l'entreprise. Une enquête menée en 2013 dans neuf grandes entreprises françaises est révélatrice sur le sexisme enduré par les femmes dans le monde du travail, avec les conséquences que l'on sait sur la confiance en soi, la performance et le bien-être au travail : 80 % des salariées sont souvent confrontées à des attitudes sexistes, 40 % des manageuses estiment que l'on attend d'elles un comportement spécifique, 90 % des femmes considèrent qu'il est plus facile de faire carrière pour un homme.

Toutefois, cet article est insuffisant : le règlement intérieur n'est obligatoire que dans les entreprises qui emploient habituellement vingt salariés au moins ; et sans règlement intérieur, pas de sanction.

Rappelons que l'employeur, quelle que soit la taille de son entreprise, a l'obligation d'assurer la santé physique et mentale de ses salariés, et qu'il répond de ses agissements comme de ceux de ses employés.

L'article premier ter est adopté.

L'article premier quater est adopté.

ARTICLE PREMIER QUINQUIES

Mme Laurence Cohen .  - Cet article élargit les compétences du CHSCT pour s'attaquer au sexisme, ouvert ou « subtil », à propos duquel on n'a cessé d'osciller entre déni et réalité, pour reprendre le titre du rapport du Conseil supérieur pour l'égalité professionnelle de mars 2015. Les effets du sexisme sur la santé des femmes ont été prouvés par le Centre pour le leadership éthique de Melbourne. Faire participer le CHSCT est une bonne chose, même si celui-ci s'est vu rogner les ailes par la loi Rebsamen : réduction des moyens des représentants du personnel, du délai d'information-consultation, délégation unique du personnel... Malgré ces réserves, le groupe CRC votera cet article.

M. le président.  - Amendement n°467, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 4612-3 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 4612-3.  -  Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail contribue à la promotion de la prévention des risques professionnels dans l'établissement et suscite toute initiative qu'il estime utile dans cette perspective. Il peut proposer notamment des actions de prévention du harcèlement moral, du harcèlement sexuel et des agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1. À sa demande, l'employeur est tenu de mettre à disposition des salarié-e-s une instance d'écoute et de prévention du harcèlement moral et sexuel dans les entreprises et sur les sites regroupant plus de cinquante salarié-e-s. »

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Cet article, inséré à l'Assemblée nationale, est la trace des vifs débats suscités par la copie initiale du Gouvernement, qui n'était guère de nature à satisfaire les attentes des salariés... Les députés ont donc voulu confier au CHSCT le soin de prendre toutes initiatives pour repérer et prévenir les agissements sexistes et le harcèlement sexuel, c'est bien, mais cela ne change rien aux responsabilités de l'employeur... Le chantage sexuel a toujours été l'une des armes utilisées par les employeurs pour asseoir leur autorité. Il est indispensable d'ouvrir une structure d'accueil pour les victimes, non seulement là où il y a un CHSCT ou un comité d'entreprise, mais aussi dans les zones d'activités où travaillent plus de 50 salariés.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Les salariées peuvent s'adresser à leurs représentants, au CHSCT, à l'inspection du travail... Un numéro vert pourrait être utile, mais pas une nouvelle instance. Avis défavorable.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - La loi du 6 août 2012 a défini le harcèlement sexuel ainsi que les obligations de l'employeur et des services de santé au travail. Elle a donné au délégué du personnel un véritable droit d'alerte, le CHSCT peut proposer des actions de prévention auxquelles l'employeur ne peut s'opposer que par une décision motivée. Dont-on aller plus loin en généralisant les cellules d'écoute ? Je ne crois pas : à chaque situation ses réponses propres.

J'ai demandé à l'inspection du travail de dresser un bilan de la loi en 2013. Cette année-là, il y a eu 2 143 rappels à la loi, dont 57 % pour non-respect de l'obligation de lutter contre le sexisme, 26 % pour manquement à l'obligation de protection contre le harcèlement, 17 % pour non-sanction d'agissements coupables, ainsi que 105 décisions de suspension ou d'interdiction.

Prenons un exemple concret : à Alfortville, une entreprise de reprographie de moins de cinquante salariés est rachetée ; la nouvelle présidente est saisie d'un conflit sexiste alors que, dans la nouvelle entité, les hommes sont surreprésentés. La nouvelle présidente multiplie les mesures : rappels auprès des salariés, campagne d'affichage, fermeté avec deux licenciements, formation des encadrants, rééquilibrage des effectifs, révision des fiches de poste avec l'aide de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail...

Vous demandez la généralisation d'une cellule d'appui, je crois, moi, que chaque situation, particulière, appelle une réponse, particulière.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Pourvu que chacun trouve à qui parler !

M. Jean Desessard.  - Votre argument me laisse perplexe, madame la ministre. Vous donnez un exemple où tout est mis en oeuvre ; soit ! Mais cela ne s'oppose pas à la nécessité d'une instance dédiée.

Quant au rapporteur, qui est pour les accords d'entreprise, et contre les accords de branche, il veut un numéro vert... Encore plus haut que la branche ! (Rires sur les bancs du groupe CRC)

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - L'amendement impose à tout employeur de mettre en place une cellule d'écoute et de prévention, ce n'est pas nécessairement la meilleure réponse partout.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Mme la ministre parlait tout à l'heure de cellule d'appui, mais il s'agit bien d'une cellule d'écoute et de prévention. Cet amendement est modéré, il ne coûte pas cher, il est...

M. Jean Desessard.  - Pragmatique !

Mme Marie-Christine Blandin.  - En effet. Si celui-là est aussi rejeté, ce sera un bien mauvais signal...

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Quel monde merveilleux que celui dont parle la ministre ! Il ne s'agit pas de donner une réponse unique, mais de donner à ces femmes quelqu'un à qui parler.

M. Alain Joyandet.  - Et les hommes ?

Mme Nicole Bricq.  - Il n'y a pas de quoi s'enflammer... Nos collègues communistes n'ont pas confiance dans les outils dont disposent les salariés, à commencer par le CHSCT.

Mme Éliane Assassi.  - Il n'y en a pas partout !

Mme Nicole Bricq.  - Mais votre amendement ne vise que les cas où il existe ! À quoi servirait cette nouvelle cellule ?

Mme Sophie Primas.  - Avec de nouveaux permanents !

Mme Nicole Bricq.  - Il y a bien d'autres instances vers lesquelles se tourner, y compris la médecine du travail.

Enfin, la loi Rebsamen n'a pas amoindri le rôle des CHSCT, bien au contraire.

Mme Laurence Cohen.  - Si, je persiste et signe.

Quand on parle de harcèlement ou d'agissements sexistes en entreprise, et qu'on cherche à améliorer les outils qui existent, ce n'est jamais possible ! Il n'y a rien à améliorer : tout a été prévu, ou ce n'est pas le moment, pas le bon véhicule ! En attendant, les femmes souffrent.

Vous me parlez de la médecine du travail... Si ce n'était pas aussi triste, j'éclaterais de rire. Ses moyens sont réduits à peau de chagrin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC)

L'amendement n°467 n'est pas adopté.

L'article premier quinquies est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°470, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'article 1er quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 2146-2 du code du travail est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le montant : « 3 750 » est remplacé par le montant : « 45 000 » ;

2° Au second alinéa, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « trois ans » et le montant : « 7 500 » est remplacé par le montant : « 90 000 ».

M. Bernard Vera.  - Selon l'Observatoire de la discrimination et de la répression syndicale, les discriminations et répressions à l'égard des syndicalistes sont largement sous-estimées par les pouvoirs publics. Les militants savent qu'en faisant le choix du syndicalisme, ils ne facilitent pas leur carrière. Les sanctions actuelles sont peu dissuasives, nous les alourdissons.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Les sanctions existent : 3 750 euros d'amende, et même 7 500 euros et un an d'emprisonnement en cas de récidive. Votre proposition a de quoi étonner, puisque vous voulez au contraire, par l'amendement n°469, assurer une forme d'impunité aux personnes ayant pris part à un conflit social ! Quand on voit ce qui s'est passé aujourd'hui boulevard du Montparnasse...

Mme Éliane Assassi.  - Ce n'étaient pas des syndicalistes, mais des casseurs !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Votre amendement parle de personnes qui participent à une manifestation sur la voie publique. Avis défavorable. (Vifs applaudissements à droite ; M. Michel Canevet applaudit aussi)

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - La loi d'août 2015 a établi un mécanisme de non-discrimination. Nous attendons un rapport du Défenseur des droits sur la discrimination syndicale dont nous nous inspirerons. Avis défavorable pour le moment.

M. Jean Desessard.  - Décidément, monsieur le rapporteur, ce n'est pas que je vous aie dans le viseur ce soir, mais n'assimilez pas casseurs et syndicalistes...

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Je n'ai pas dit cela !

M. Jean Desessard.  - Presque !

Mme Éliane Assassi.  - Nous vivons cela depuis trois mois.

Mme Sophie Primas.  - Les syndicats ne sont pas respectueux. (On se récrie sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jean Desessard.  - Ceux qui créent la violence ne sont pas forcément ceux qui manifestent. Le patronat, dont cette loi ne parle pas... (Vives protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Primas.  - Vous n'avez jamais créé une entreprise de votre vie pour dire ça !

Mme Éliane Assassi.  - Cela s'appelle la lutte des classes !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Le grand soir arrive !

M. Jean Desessard.  - ...crée la désespérance sociale. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Je ne puis laisser dire que nous entraverions le droit de faire grève et de manifester, même en plein état d'urgence. Je respecte le combat syndical mais je condamne les violences. Ma porte a toujours été ouverte. J'ai vu les numéros 1 de tous les syndicats, hormis ceux qui ont pratiqué la politique de la chaise vide. (Protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) Je verrai celui de la CGT vendredi.

Mme Éliane Assassi.  - Retirez votre loi !

Mme Hermeline Malherbe.  - Ce n'est pas ça la démocratie !

Mme Éliane Assassi.  - C'est aussi cela, la démocratie. (Vive rumeur)

M. Alain Joyandet.  - La gauche parle à la gauche !

M. le président.  - Seule la ministre à la parole !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Nous respectons le droit de manifester, en plein état d'urgence. Mais manifester n'est pas casser, il faut bien séparer les deux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, à droite et au centre). J'ai consulté... (Exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Éliane Assassi.  - C'est faux !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Je voudrais pouvoir parler dans la sérénité !

C'est vrai et ma porte demeure ouverte. Je suis pour le dialogue social. Le Gouvernement a montré sa volonté d'encadrer les manifestations de façon apaisée.

M. le président.  - Mes chers collègues, notre débat doit se poursuivre dans le respect des uns et des autres. On ne gagne rien à s'emporter.

Mme Laurence Cohen.  - Je dirai les choses sereinement : le groupe CRC n'opère aucun amalgame entre manifestants et casseurs. Nous avons toujours et sans ambiguïté condamné les violences.

La démocratie, le dialogue, ce n'est pas seulement écouter mais aussi entendre et en tirer les conséquences. Or le Gouvernement ne bouge pas d'un iota. Nous continuerons de lutter pacifiquement, avec les millions de Français qui sont dans la rue, contre cette loi. Nous démontrerons sans relâche qu'il y a d'autres possibilités pour améliorer le code du travail que de le détricoter et d'affaiblir les protections des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - D'un côté, on me dit que mon projet de loi est vidé de son contenu, de l'autre on me reproche de ne pas bouger d'un pouce. Il faudrait savoir !

Le Gouvernement a utilisé l'article 49-3 à l'Assemblée nationale tout en acceptant huit cents amendements. La loi a changé !

Mme Éliane Assassi.  - Vous n'avez cessé de dire que vous êtes d'accord à 200 % avec votre loi, madame la ministre. Dont acte. Si ce n'est que tout le monde, à droite et à gauche, s'est élevé contre le recours au 49-3.

Mme Nicole Bricq.  - Pas moi.

Mme Éliane Assassi.  - C'est ça la démocratie ? Certes, vous avez accepté des amendements en commission ; mais cela n'a rien à voir avec le débat en séance publique. Vous restez droite dans vos bottes, soit ! Laissez-nous vous opposer nos propositions. Vous ne supportez pas de voir que la mobilisation ne fait que se renforcer.

L'amendement n°470 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°288 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Roche, Longeot, Capo-Canellas et L. Hervé, Mmes Hummel et Deromedi, MM. Laménie et Cigolotti et Mme Létard.

Après l'article 1er quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 6 bis de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Aucun fonctionnaire ne doit subir d'agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. » ;

2° Au deuxième alinéa, le mot : « toutefois » est supprimé ;

3° Le 1° est complété par les mots : « et au deuxième alinéa ».

M. Gérard Roche.  - Nous proposons d'insérer le principe de l'interdiction de « tout agissement sexiste » à l'article 6 bis de la loi de 1983 : la protection doit être la même dans la fonction publique que dans le secteur privé.

M. le président.  - Amendement identique n°426, présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.

Mme Corinne Bouchoux.  - Cet amendement, fruit du travail de la délégation sénatoriale aux droits des femmes, revoit le statut général des fonctionnaires afin d'étendre la lutte contre le sexisme à la fonction publique. Espérons qu'il ramènera dans cette assemblée le calme dont j'allais me féliciter.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Effectivement : sagesse très positive. J'espère qu'une belle unanimité va se retrouver sur ce bel amendement.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Favorable même si l'objet est un peu loin du texte.

Les amendements identiques nos288 rectifié bis et 426 sont adoptés et deviennent article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°468, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'article 1er quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 6° de l'article 225-2 du code pénal, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« 7° À refuser une formation d'une personne ;

« 8° À refuser une promotion d'une personne ;

« 9° À refuser une classification d'une personne. »

M. Michel Le Scouarnec.  - Les discriminations forment une longue liste. Dans la société apaisée que nous appelons de nos voeux, nous ne pouvons plus les tolérer.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - L'article 225-2 du code pénal vous donne satisfaction. Pour le reste, cela relève du droit commun de la discrimination.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage.  - Même avis défavorable, sachant que, sur préconisation du Conseil économique, social et environnemental, le Gouvernement a demandé un rapport sur les discriminations syndicales.

À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, l'amendement n°468 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°249 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l'adoption 20
Contre 311

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°469, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'article 1er quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après l'article 706-55, il est inséré un article 706-55-1 ainsi rédigé :

« Art. 706-55-1.  -  Les empreintes des personnes poursuivies, condamnées ou à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient commis un délit ne sont pas conservées lorsque le délit est prévu aux articles 222-11 à 222-13, 222-17 et 222-18, 224-1, 322-1 à 322-14 du code pénal, que la peine encourue n'excède pas cinq ans d'emprisonnement et qu'il a été commis par des personnes participant :

« 1° À un conflit collectif du travail ou à des actions syndicales et revendicatives engagées par des salariés ou agents publics, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans les lieux publics ;

« 2° À un mouvement collectif revendicatif, associatif ou syndical, relatif aux problèmes liés au logement, à l'environnement, aux droits humains, à la santé, à la culture, à la lutte contre les discriminations, au maintien des services publics et aux droits des migrants, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics. » ;

2° Après le deuxième alinéa de l'article 706-56, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque les faits ont été commis dans les circonstances prévues au 1° ou au 2° de l'article 706-55-1, le prélèvement biologique est soumis à l'accord préalable du procureur de la République compétent, donné par tout moyen. Mention en est faite au procès-verbal de la procédure.

« Lorsque les faits ont été commis dans les circonstances prévues au 1° ou au 2° de l'article 706-55-1, la personne, sur laquelle est effectué un prélèvement biologique à la demande ou avec l'accord préalable du procureur de la République est informée par l'officier de police judiciaire qui procède ou fait procéder à ce prélèvement qu'elle a le droit, à tout moment, de demander au procureur de la République compétent que ses empreintes génétiques soient effacées du fichier national automatisé des empreintes génétiques suivant la procédure prévue au deuxième alinéa de l'article 706-54 du présent code. Mention de l'information donnée est faite au procès-verbal de la procédure et émargée par la personne sur laquelle est effectué le prélèvement. En cas de refus d'émargement il en est fait mention. »

M. Pierre Laurent.  - Cet amendement risque de susciter de nouveaux débats... Le groupe CRC est extrêmement clair : nous condamnons les violences : pas d'amalgame entre manifestants et casseurs ! Cependant, il y a une extrême violence symbolique d'assimiler un million de manifestants dans la rue aujourd'hui... (Exclamations à droite)

Mme Sophie Primas.  - C'est la sardine qui bouche le port de Marseille !

Mme Éliane Assassi.  - Tous des casseurs, c'est ça ?

M. Pierre Laurent.  - ...aux centaines de casseurs !

M. Jean-Pierre Grand.  - Martinez en prison !

M. Pierre Laurent.  - Le fichier des empreintes génétiques a été créé pour les délinquants sexuels. Il est utilisé contre les militants syndicaux : l'inspectrice du travail de Tefal, les huit militants de Goodyear et les salariés d'Air France dans l'affaire dite de la chemise - dont on vient encore de remettre le procès à plus tard. C'est une dérive inacceptable. Il ne s'agit pas d'impunité, mais de faire respecter les libertés publiques.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Votre amendement ne vise pas les militants syndicaux mais des personnes participant à des actions revendicatrices...

Mme Nicole Bricq.  - Tout à fait !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Impossible à assumer : peut-on ne pas condamner ceux qui, à Nuit debout, ont boxé un représentant de la CFTC, et dont nous avons pu voir le visage tuméfié ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement garantit la liberté syndicale. Aucune criminalisation syndicale dans ce pays ! Nous voulons assurer l'ordre public et le respect de la loi. Le fichier des empreintes digitales repose sur un critère de fait - la commission d'une infraction -, non sur un critère de statut : l'appartenance à un syndicat.

M. Pierre Laurent.  - Pas d'impunité, tout à fait d'accord, mais pas de fichage génétique des syndicalistes comme s'ils étaient de vulgaires criminels sexuels. Cela est arrivé à des travailleurs de Continental ou des Autoroutes du sud de la France et à d'autres...

M. Jacques Bigot.  - Je pourrais comprendre si vous vous opposiez par principe au fichage des données génétiques. Mais comment accepter des violences sur des personnes parce qu'elles auraient été commises dans des mouvements de masse ? Ce sont précisément les mouvements de masse qui sont propices à de telles violences. Je suis très étonné que le groupe CRC en arrive à faire pareille proposition.

Mme Nicole Bricq.  - Nous parlons de faits graves : violence ayant occasionné une incapacité de travail supérieure à huit jours, séquestration, destruction de biens d'autrui y compris par l'emploi d'explosifs. C'est quand même très grave ! Quand sont commis de tels actes, je ne vois pas pourquoi on en exempterait les auteurs du fichage génétique.

Je sais, vous portez une proposition de loi d'amnistie pour les gens de Continental...

Mme Cécile Cukierman.  - Malgré les promesses du candidat Hollande devenu président, notre proposition de loi a été renvoyée en commission et n'est toujours pas examinée et adoptée ! Vous refusez brutalement cet amendement sans même chercher à l'améliorer. Il est loin le temps où la gauche rassemblée défendait le syndicalisme ! (Exclamations ironiques à droite)

M. Marc Laménie.  - Soyons raisonnables : tout en comprenant que les militants syndicalistes militent pour le bien commun, on ne peut que suivre le rapporteur.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Merci.

M. Pascal Allizard.  - Ne légiférons pas dans l'émotion et l'urgence. La journée a été difficile, émaillée de violences lors de manifestations dans la capitale et dans des grandes villes de province.

Militer et basculer dans la délinquance, ce n'est pas la même chose. Dans le premier cas, c'est le droit du travail qui s'applique ; dans le second, le code pénal. Que dirions-nous si les élus locaux commettaient des violences ? Nous ne l'accepterions pas.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Les syndicalistes n'ont pas envie d'être marqués au fer rouge, bien sûr. Cependant, la ministre a rappelé que les prélèvements génétiques sont réservés aux auteurs d'infractions. Une maladresse rédactionnelle nous empêche de soutenir cet amendement. Mais nous ne pouvions pas non plus voter contre. En effet, les prélèvements et leur traitement sont confiés à une boîte privée et ne sont pas sécurisés. On nous dit que c'est de l'ADN non codant. Si l'on en croit les récents prix Nobel, l'ADN non codant n'est que l'ADN dont nous ne savons pas ce qu'il code. Le jour où ces entreprises privées vendront ces données à des assurances, on aura les pires problèmes.

L'amendement n°469 n'est pas adopté.

L'article 2 A demeure supprimé.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par MM. Karoutchi, Joyandet, Dufaut, Emorine et Cambon, Mme Joissains, M. Magras, Mme Micouleau, MM. Laufoaulu et Cantegrit, Mme Di Folco, MM. Rapin, Houel et Dallier, Mme Duchêne, M. César, Mmes Estrosi Sassone et Des Esgaulx, MM. Pointereau, Husson, Huré, A. Marc, B. Fournier, Savary, Pellevat et Béchu, Mme Canayer, MM. Fouché, Perrin, Raison et Gilles, Mme Deromedi, MM. Grand et G. Bailly, Mme Mélot, M. Bizet, Mme Troendlé, MM. Savin et P. Dominati, Mme Hummel, MM. Vasselle et Masclet, Mme Primas, MM. Vaspart, Fontaine, Chaize, Longuet, Laménie et Houpert, Mme Gruny et MM. P. Leroy et L. Hervé.

Après l'article 2 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé : 

I.  -  Après l'article 81 ter du code général des impôts, il est inséré un article 81 quater ainsi rédigé :

« Art. 81 quater.  -  I. - Sont exonérés de l'impôt sur le revenu :

« 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies à l'article L. 3121-11 du code du travail et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures prévues à l'article L. 3121-42 du même code, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 3123-7 du même code. Sont exonérés les salaires versés au titre des heures supplémentaires mentionnées à l'article L. 3122-4 dudit code, à l'exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l'accord lorsqu'elle lui est inférieure.

« L'exonération mentionnée au premier alinéa du présent 1° est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l'article L. 3121-44 du même code, à des jours de repos dans les conditions prévues à l'article L. 3121-45 du même code ;

« 2° Les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail définies au 4° de l'article L. 3123-14, aux articles L. 3123-17 et L. 3123-18 du code du travail ;

« 3° Les salaires versés aux salariés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu'ils réalisent ;

« 4° Les salaires versés aux assistants maternels régis par les articles L. 421-1 et suivants et L. 423-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles au titre des heures supplémentaires qu'ils accomplissent au-delà d'une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures, ainsi que les salaires qui leur sont versés au titre des heures complémentaires accomplies au sens de la convention collective nationale qui leur est applicable ;

« 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu'ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;

« 6° Les salaires versés aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu'ils effectuent ou, dans le cadre de conventions de forfait en jours, les salaires versés en contrepartie des jours de repos auxquels les salariés ont renoncé au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours.

« II.  -  L'exonération prévue au I s'applique :

« 1° Aux rémunérations mentionnées aux 1° à 4° et au 6° du I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :

« a) Des taux prévus par la convention collective ou l'accord professionnel ou interprofessionnel applicable ;

« b) À défaut d'une telle convention ou d'un tel accord :

«  -  pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au premier alinéa de l'article L. 3121-22 du code du travail ;

«  -  pour les heures complémentaires, du taux de 25 % ;

«  -  pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures dans le cadre de la convention de forfait prévue à l'article L. 3121-46 du même code, du taux de 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre d'heures de travail prévu dans le forfait, les heures au-delà de la durée légale étant pondérées en fonction des taux de majoration applicables à leur rémunération ;

« 2° À la majoration de salaire versée dans le cadre des conventions de forfait mentionnées au second alinéa du 1° et au 6° du I, dans la limite de la rémunération journalière déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait, majorée de 25 % ;

« 3° Aux éléments de rémunération mentionnés au 5° du I dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.

« III.  -  Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l'employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.

« Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d'autres éléments de rémunération au sens de l'article 79 du présent code, à moins qu'un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l'élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.

« De même, ils ne sont pas applicables :

«  - à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens de l'article L. 3123-15 du code du travail, sauf si elles sont intégrées à l'horaire contractuel de travail pendant une durée minimale fixée par décret ;

«  -  à la rémunération d'heures qui n'auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 1er octobre 2012, de la limite haute hebdomadaire mentionnée à l'article L. 3122-4 du même code. »

II. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L'article L. 241-17 est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. L. 241-17. - I. - Toute heure supplémentaire ou complémentaire effectuée, lorsqu'elle entre dans le champ d'application du I de l'article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par le même article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d'origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction.

« Ces dispositions sont applicables aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l'article L. 711-1 du présent code dans des conditions fixées par décret, compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa du présent I.

« II. - La réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue au I est imputée sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues pour chaque salarié concerné au titre de l'ensemble de sa rémunération versée au moment du paiement de cette durée de travail supplémentaire et ne peut dépasser ce montant.

 « III. - Le cumul de cette réduction avec l'application de taux réduits en matière de cotisations salariales, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations ou avec l'application d'une autre exonération, totale ou partielle, de cotisations salariales de sécurité sociale ne peut être autorisé que dans des conditions fixées par décret. Ce décret tient compte du niveau des avantages sociaux octroyés aux salariés concernés.

« IV. - Le bénéfice de la réduction est subordonné à la mise à disposition du service des impôts compétent et des agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7 du présent code et à l'article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, par l'employeur, d'un document en vue du contrôle des dispositions du présent article dans des conditions fixées par décret. Pour les salaires pour lesquels il est fait usage des dispositifs mentionnés aux articles L. 133-8-3 et L. 531-8 du présent code, les obligations déclaratives complémentaires sont prévues par décret. » ;

2° L'article L. 241-18 est ainsi rédigé :

« Art. L. 241-18. - I. - Toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l'article L. 241-13, lorsqu'elle entre dans le champ d'application du I de l'article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d'un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.

« II. - Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I de l'article 81 quater du même code.

« III. - Le montant mentionné aux I et II est cumulable avec les autres dispositifs d'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l'employeur, et, pour le reliquat éventuel, dans la limite des cotisations salariales de sécurité sociale précomptées, au titre de l'ensemble de la rémunération du salarié concerné.

« Il est déduit des sommes devant être versées par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime.

« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné au respect des conditions prévues au III de l'article 81 quater du code général des impôts.

« Le bénéfice de la majoration mentionnée au I est subordonné au respect du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.

« IV. - Les employeurs bénéficiant de la déduction forfaitaire se conforment aux obligations déclaratives prévues par le IV de l'article L. 241-17 du présent code. »

III. - Les I et II ci-dessus sont applicables aux rémunérations perçues à raison des heures de travail effectuées à compter du 1er janvier 2017.

IV. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

V. - La perte de recettes résultant pour l'État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Alain Joyandet.  - Cet amendement d'appel concerne la défiscalisation des heures supplémentaires... Nicolas Sarkozy voulait que les Français travaillent plus pour gagner plus. Avec cet article 2, les Français gagneront moins tout en travaillant plus.

M. le président.  - Amendement identique n°143 rectifié, présenté par Mmes Deromedi et Cayeux, MM. Chasseing, de Legge, Dufaut, Frassa et Gremillet, Mme Hummel, MM. Husson, Joyandet et Laménie, Mme Lopez et MM. Magras, Masclet, Mayet, Pellevat, Pointereau, D. Robert, Doligé, Soilihi et Vasselle.

Mme Caroline Cayeux.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°901 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard et Vall.

Après l'article 2 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Après l'article 81 ter du code général des impôts, il est inséré un article 81 quater ainsi rédigé :

« Art. 81 quater.  -  I.  -  Sont exonérés de l'impôt sur le revenu :

« 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies à l'article L. 3121-11 du code du travail et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures prévues à l'article L. 3121-42 du même code, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 3123-7 du même code. Sont exonérés les salaires versés au titre des heures supplémentaires mentionnées à l'article L. 3122-4 dudit code, à l'exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l'accord lorsqu'elle lui est inférieure.

« L'exonération mentionnée au premier alinéa du présent 1° est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l'article L. 3121-44 du même code, à des jours de repos dans les conditions prévues à l'article L. 3121-45 du même code ;

« 2° Les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail définies au 4° de l'article L. 3123-14, aux articles L. 3123-17 et L. 3123-18 du code du travail ;

« 3° Les salaires versés aux salariés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu'ils réalisent ;

« 4° Les salaires versés aux assistants maternels régis par les articles L. 421-1 et suivants et L. 423-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles au titre des heures supplémentaires qu'ils accomplissent au-delà d'une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures, ainsi que les salaires qui leur sont versés au titre des heures complémentaires accomplies au sens de la convention collective nationale qui leur est applicable ;

« 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu'ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;

« 6° Les salaires versés aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu'ils effectuent ou, dans le cadre de conventions de forfait en jours, les salaires versés en contrepartie des jours de repos auxquels les salariés ont renoncé au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours.

« II.  -  L'exonération prévue au I s'applique :

« 1° Aux rémunérations mentionnées aux 1° à 4° et au 6° du I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :

« a) Des taux prévus par la convention collective ou l'accord professionnel ou interprofessionnel applicable ;

« b) À défaut d'une telle convention ou d'un tel accord :

«  -  pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au premier alinéa de l'article L. 3121-22 du code du travail ;

«  -  pour les heures complémentaires, du taux de 25 % ;

«  -  pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures dans le cadre de la convention de forfait prévue à l'article L. 3121-46 du même code, du taux de 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre d'heures de travail prévu dans le forfait, les heures au-delà de la durée légale étant pondérées en fonction des taux de majoration applicables à leur rémunération ;

« 2° À la majoration de salaire versée dans le cadre des conventions de forfait mentionnées au second alinéa du 1° et au 6° du I, dans la limite de la rémunération journalière déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait, majorée de 25 % ;

« 3° Aux éléments de rémunération mentionnés au 5° du I dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.

« III.  -  Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l'employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.

« Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d'autres éléments de rémunération au sens de l'article 79 du présent code, à moins qu'un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l'élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.

« De même, ils ne sont pas applicables :

«  -  à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens de l'article L. 3123-15 du code du travail, sauf si elles sont intégrées à l'horaire contractuel de travail pendant une durée minimale fixée par décret ;

«  -  à la rémunération d'heures qui n'auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 1er octobre 2012, de la limite haute hebdomadaire mentionnée à l'article L. 3122-4 du même code. »

II.  -  Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L'article L. 241-17 est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. L. 241-17.  -  I.  -  Toute heure supplémentaire ou complémentaire effectuée, lorsqu'elle entre dans le champ d'application du I de l'article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par le même article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d'origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction.

« Ces dispositions sont applicables aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l'article L. 711-1 du présent code dans des conditions fixées par décret, compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa du présent I.

« II.  -  La réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue au I est imputée sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues pour chaque salarié concerné au titre de l'ensemble de sa rémunération.

« III.  -  Le cumul de cette réduction avec l'application de taux réduits en matière de cotisations salariales, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations ou avec l'application d'une autre exonération, totale ou partielle, de cotisations salariales de sécurité sociale ne peut être autorisé que dans des conditions fixées par décret. Ce décret tient compte du niveau des avantages sociaux octroyés aux salariés concernés.

« IV.  -  Le bénéfice de la réduction est subordonné à la mise à disposition du service des impôts compétent et des agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7 du présent code et à l'article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, par l'employeur, d'un document en vue du contrôle des dispositions du présent article dans des conditions fixées par décret. Pour les salaires pour lesquels il est fait usage des dispositifs mentionnés aux articles L. 133-8-3 et L. 531-8 du présent code, les obligations déclaratives complémentaires sont prévues par décret. » ;

2° L'article L. 241-18 est ainsi rédigé :

« Art. L. 241-18.  -  I.  -  Toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l'article L. 241-13, lorsqu'elle entre dans le champ d'application du I de l'article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d'un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.

« II.  -  Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I de l'article 81 quater du même code.

« III.  -  Le montant mentionné aux I et II est cumulable avec les autres dispositifs d'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l'employeur, et, pour le reliquat éventuel, dans la limite des cotisations salariales de sécurité sociale précomptées, au titre de l'ensemble de la rémunération du salarié concerné.

« Il est déduit des sommes devant être versées par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime.

« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné au respect des conditions prévues au III de l'article 81 quater du code général des impôts.

« Le bénéfice de la majoration mentionnée au I est subordonné au respect des dispositions du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.

« IV.  -  Les employeurs bénéficiant de la déduction forfaitaire se conforment aux obligations déclaratives prévues par le IV de l'article L. 241-17 du présent code. »

III.  -  Les I et II ci-dessus sont applicables aux rémunérations perçues à raison des heures de travail effectuées à compter du 1er janvier 2013.

IV.  -  La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

V.  -  La perte de recettes résultant pour l'État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Jean-Claude Requier.  - C'est le même esprit : le régime des heures supplémentaires apportait du pouvoir d'achat aux Français.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Retrait ? La commission proposera d'assouplir la règle des 35 heures à l'article 2.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État.  - Avis très défavorable. La loi Tepa, qui a coûté 5 milliards d'euros aux finances publiques, sans aucune efficacité sur l'emploi. On a fait gagner plus à ceux qui gagnaient déjà plus et moins à ceux qui gagnaient moins.

Mme Sophie Primas.  - Et le pouvoir d'achat des Français ?

M. Jacques Grosperrin.  - Et le treizième mois pour les smicards ?

M. Daniel Chasseing.  - Nos rapporteurs ont véritablement écouté les partenaires sociaux. Les chefs d'entreprise et les salariés qui y gagnaient 100 à 200 euros par mois appréciaient extrêmement la défiscalisation des heures supplémentaires.

M. Alain Vasselle.  - La loi Tepa de 2007 a eu des effets sur l'emploi, bien plus que votre politique. Vous êtes très mal placés pour nous faire des leçons ! (M. Alain Néri proteste) Nous présenterons de nouveau cet amendement en loi de finances.

Mme Nicole Bricq.  - Au moins, ce sera sa place !

M. Bruno Retailleau.  - La situation est très différente de 2007. L'article 2 ouvre la voie à des accords d'entreprise revenant sur les 35 heures. Soyons clairs : soit on consacre les 35 heures, et l'amendement est justifié, soit on les assouplit et il ne l'est plus.

Ensuite, la situation des finances publiques. Nous n'avons plus les moyens de la dépense fiscale que représentait la défiscalisation des heures supplémentaires, alors que notre dette publique va tutoyer les 100 % du PIB. Suivons notre rapporteur.

Mme Catherine Deroche.  - Très bien !

M. Gérard Roche.  - Débat particulier : ce projet de loi, adopté avec le recours du 49-3 à l'Assemblée nationale, vient devant notre assemblée alors que les manifestations se durcissent. Certains témoignent de la philosophie de la lutte des classes, qui a également apporté beaucoup de choses. D'autres sont réformateurs. Être réformateur, ce n'est pas forcément défendre le patronat ; c'est défendre aussi ceux qui n'ont pas de travail, pas seulement ceux qui en ont, comme vous le faites.

Le groupe UDI-UC ne peut pas voter la défiscalisation des heures supplémentaires, l'état de nos finances nous l'interdit.

M. Alain Marc.  - Allez-vous dans les entreprises ? Des ouvriers ont perdu jusqu'à 150 euros par mois ! La plupart avaient voté pour François Hollande. Errare humanum est, perseverare diabolicum. (Applaudissements à droite)

M. Alain Néri.  - Traduisez ! (Sourires)

M. Alain Joyandet.  - Je n'ai pas élaboré cet amendement d'appel seul, nous étions une cinquantaine. La loi Tepa aurait coûté 5 milliards d'euros ? Et votre million de chômeurs, combien coûte-t-il à la collectivité ? On le saurait si le partage du travail créait de l'emploi. (M. Alain Néri proteste)

Les 35 heures, c'est une majorité socialiste, non ? Alors, merci de ne pas nous faire de leçons quand nous cherchons à rendre du pouvoir d'achat aux Français ! (Applaudissements à droite)

L'amendement n°1 rectifié bis est retiré.

Mme Caroline Cayeux.  - Après avoir entendu le rapporteur et M. Retailleau, je m'incline également.

M. Jean-Claude Requier.  - Moi aussi. Je ne voudrais pas demeurer seul.

L'amendement n°143 rectifié est retiré, de même que l'amendement n°901 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°471 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Après l'article 2 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 3121-22 du code du travail est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir un taux de majoration différent uniquement plus favorable. Ce taux ne peut être inférieur à 25 %. »

Mme Annie David.  - Oui, il faut moderniser mais le code du travail doit protéger les salariés. Il n'a pas pour fonction de créer de l'emploi ou accentuer la compétitivité des entreprises. Il n'a d'ailleurs aucun effet sur l'emploi d'après le FMI.

En somme, nous souhaitons élargir à l'ensemble des salariés la dérogation accordée aux routiers. Il y a un recul évident dans ce texte sur la majoration des heures supplémentaires.

Les heures supplémentaires ne coûteront qu'un euro par heure à l'entreprise, une broutille. N'est-ce pas le président de la République qui disait que lorsqu'une heure supplémentaire est moins chère qu'une heure de nouveau recruté, cela réduit les recrutements ? C'est une faute politique et morale pour un gouvernement de gauche.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Alain Joyandet l'a dit : dans son entreprise, il peut payer des heures supplémentaires à 25 % ; mais dans une autre entreprise, l'accord peut se faire à 20 %, avec des compensations. Avis défavorable.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - L'article 2 élargit le champ de la négociation, sachant que les accords de branche peuvent comporter une clause de verrouillage : pas de majoration en deçà de 25 %. Dans l'audiovisuel, la convention collective prévoit 10 % pour les quatre premières heures supplémentaires, puis 25 % pour les quatre suivantes avec des jours de RTT en compensation : six pour 36 heures, onze pour 37 heures.

L'organisation du travail et du temps de travail, parce que cela structure le quotidien, doit être négociée au niveau de l'entreprise. Avis défavorable.

Mme Annie David.  - Il a suffi que les camionneurs bloquent la France pour qu'Alain Vidalies leur assure qu'ils ne se verraient pas appliquer la loi. Le million de manifestants dans les rues aujourd'hui demandent la même chose, mais vous ne les écoutez pas.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Les routiers ont un régime différent qui relève d'un décret - ce qu'a rappelé Alain Vidalies.

M. Pierre Laurent.  - L'heure est-elle à l'augmentation des heures supplémentaires, surtout quand, comme le dit M. Roche, on se préoccupe de ceux qui n'ont pas d'emploi ? Est-ce là votre message ?

M. Jean Desessard.  - Eh oui.

M. Pierre Laurent.  - La souplesse, que vous proposez, ne servira qu'à sens unique, ce sera du moins-disant social.

Si un tiers des entreprises n'accorde que 10 %, celle qui accordait 25 % expliquera à ses salariés qu'elle ne peut pas se permettre cette générosité.

M. Alain Joyandet.  - Le sujet me tient à coeur. Dans la nouvelle économie, dans les entreprises où il n'y a jamais eu d'heures supplémentaires majorées, on peut comprendre des heures supplémentaires majorées à moins de 25 %.

En revanche, pas ailleurs, là où les heures supplémentaires étaient payées à 25 %. Il faut éviter le risque juridique à des personnes qui travaillent depuis vingt-cinq ans ! Je ne l'accepterai ni pour moi ni pour mes enfants. Si le Gouvernement nous donnait des garanties, cela calmerait les choses car il y a peut-être quelque chose de juste dans les manifestations...

Mme Éliane Assassi.  - Quand un million de personnes sont dans la rue, il y a une raison !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Le projet de loi ne prévoit pas de baisse mécanique du taux de majoration. Cela n'aura lieu qu'en cas d'accord majoritaire. Nous ne faisons que casser le verrou de la branche.

L'amendement n°471 rectifié n'est pas adopté.

ARTICLE 2

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - L'intérêt des parties peut diverger de l'intérêt général. Vous nous dites, madame la ministre, que vous avez confiance dans les syndicalistes dans les entreprises - moi aussi - mais pourquoi pas au niveau national ? Vous prétendez avoir avec vous la majorité des organisations syndicales ?

Mais la CGT, FO et la CGC - oui, j'ai bien dit la CGC et il ne s'agit pas de révolutionnaires - considèrent l'article 2 comme du dumping social. Je ne peux pas citer un texte du parti socialiste, même émanant de ses courants les moins « à gauche », qui déroge au principe de non régression sociale.

Pas de majorité parmi les organisations syndicales, à l'Assemblée nationale et dans le pays. Ce n'est pas un dialogue social. C'est un dialogue de sourds ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur les bancs du groupe CRC)

Plusieurs voix à droite.  - Bravo !

Mme Éliane Assassi .  - Il est déjà possible de réduire la majoration des heures supplémentaires à 20 %, mais c'est le cas dans la seule branche du tourisme. Cela prouve qu'il n'y a pas de demande en ce sens. L'actuel secrétaire d'État aux transports et d'autres ténors socialistes auraient poussé des cris d'orfraie lorsqu'ils étaient dans l'opposition face à une telle proposition. Relancez la négociation, madame la ministre, en acceptant la possibilité de retirer in fine cette loi.

Mme Annie David .  - Cet article, en inversant la hiérarchie des normes et en remettant en cause le principe de faveur, tirera vers le bas les conditions de travail des salariés. Comme si cela allait augmenter les créations d'emploi : c'est oublier que c'est le coût du capital qui les freine et non pas le coût du travail, invoqué à tout bout de champ. Les salariés d'un même secteur seront mis en concurrence.

Pourquoi commémorer le Front populaire quand vous remettez en cause la primauté de la branche et de la loi qu'il a instaurée pour que les salariés puissent résister aux pressions exercées par les employeurs pour aller vers le moins-disant social ?

Mme Laurence Cohen .  - Cet article 2, substantifique moelle de ce projet de loi, fragilisera particulièrement les femmes qui sont majoritairement précaires. Les progrès en matière d'égalité professionnelle ont été obtenus par des luttes et par des lois. Si la loi devient supplétive, les conditions de travail reculeront. Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre à l'égalité entre femmes et hommes, avait établi une durée minimale de 24 heures pour les temps partiels, sauf dérogation.

Pas moins de 60 branches y dérogent avec une durée fixée à 17 heures. Imaginez ce qu'il adviendra si cet article 2 était adopté : ce sont les 24 heures qui deviendront dérogation et les 17 heures, voire moins, la norme : toujours le moins-disant social !

Mme Cécile Cukierman .  - Cet article 2 est contraire au droit constitutionnel au sens large : la dérogation ne saurait devenir la norme. Il contrevient tant au préambule de la Constitution de 1946 qu'à l'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 qui affirme le « droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage ».

L'article 2 fait également courir le risque d'une censure pour incompétence négative puisque le Parlement renonce à légiférer en s'en remettant aux entreprises. La loi ne sera plus la même pour tous.

Enfin, cet article affaiblira le rôle de l'État, qui ne protègera plus les salariés. C'est une manifestation du retour de l'État gendarme contre l'État providence. C'est ce qui explique l'opposition de tant de nos concitoyens, qui ont compris les enjeux fondamentaux qui se cachent derrière cet article : inégalité, précarité, vulnérabilité !

M. François Marc .  - Article important, en effet. Les accords d'entreprise sont au nombre de 36 000 : c'est beaucoup et peu à la fois. C'est beaucoup, car dans les signataires, on trouve tous les syndicats. Cela apporte des garanties : ces accords génèrent des conditions favorables. C'est aussi peu, au regard des possibilités ouvertes depuis les lois Aubry.

Comme en 1982, ce texte cherche l'émancipation. Saluons les outils rénovés que propose le Gouvernement au bénéfice des travailleurs.

Mme Dominique Gillot .  - Ce projet de loi ouvre de nouveaux droits aux plus fragiles. Beaucoup de personnes handicapées attendent du travail et une intégration sociale que de nombreuses lois consacrent. Mais pour le maintien dans l'emploi, la déception est grande. Malgré un seuil obligatoire de 6 % d'emploi de personnes handicapées et les 450 000 recrutements auxquels l'État a contribué, le taux de chômage des personnes handicapées reste de 18 %, le double du taux général.

Le projet de loi pourra apporter de nouveaux progrès par la voie des accords d'entreprise. Je proposerai des amendements en ce sens.

M. Martial Bourquin .  - Je vous proposerai une sortie de crise. (Mme Nicole Bricq sourit) J'ai entendu vos raisons, madame la ministre, comme les craintes légitimes.

Les accords de branche et les accords d'entreprise sont indispensables, ne les opposons pas. Il y a eu 40 000 accords de branche. On regarde souvent du côté de l'Italie, de l'Espagne, qui a réformé son droit du travail dans un sens très libéral, moins du côté de l'Allemagne où tout se fait au niveau de la branche.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - De moins en moins !

M. Martial Bourquin.  - C'est le pays où il y a le plus de dialogue social. Je proposerai un équilibre inédit par un amendement. Modernisons le dialogue social tout en sécurisant. (M. Alain Néri, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Jean-Pierre Godefroy et Jean Desessard applaudissent)

M. Pierre Laurent .  - Cet article 2 conduira à la généralisation du moins-disant social, sans aucunes garanties protectrices.

Le dogme selon lequel faire pression sur les salariés renforcera la compétitivité n'est pas de gauche.

Vous avez accordé 17 milliards d'euros aux entreprises, sans la moindre dynamique de création d'emploi. En revanche, les conditions de financement de la protection sociale se sont dégradées.

Veut-on, comme au Royaume-Uni, faire sortir des centaines de milliers de travailleurs du droit général ? Outre-Manche, 750 000 travailleurs sont en contrats zéro heure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également)

M. Yves Daudigny .  - J'ai mené de multiples auditions qui me conduisent, après avoir beaucoup écouté, échangé, réfléchi, à vous soutenir, madame la ministre, dans le total respect des opinions contraires. L'accord d'entreprise n'apparait pas brutalement : il date de l'ordonnance de 1982, des lois Auroux de la même année ; les lois de 1986 et de 1987 ont consacré parmi ses domaines le temps de travail.

En 2001, une position commune signée par quatre organisations syndicales - FO, CFDT, CGC et CGT - ainsi que trois organisations patronales a affirmé la nécessité de la primauté de l'accord d'entreprise sur l'accord de branche. L'entreprise est le lieu pertinent pour aboutir aux compromis les mieux adaptés. (Mme Nicole Bricq et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent)

M. Jean Desessard .  - Certains employeurs sont très réservés à l'égard de cet article 2. L'union des employeurs de l'économie sociale et solidaire, par exemple, souhaite que la branche garde un rôle de régulation. Cela représente deux millions de salariés !

Madame la ministre, pourquoi donc faites-vous cela ? Vous dites que vous êtes à 200 %. Cela signifie que vous croyez que cela vous apportera quelque chose. Je veux bien croire que vous croyez que la souplesse créera de l'emploi - même si je crois, pour ma part, comme Pierre Laurent, que cela permettra aux patrons de gagner plus d'argent, aux actionnaires de toucher davantage de dividendes. Mais quand cela prendra-t-il effet ? Après les élections ! Vous n'aurez pas à appliquer ces dispositions. Alors, madame la ministre, pourquoi vous fâcher avec les écologistes et les communistes ? Et pourquoi maintenant ? Quel intérêt avez-vous à gagner contre la CGT ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit aussi) Vous ne créerez pas plus d'emplois, vous jetterez la pagaille dans la gauche. Pourquoi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC ; Mmes Marie-Christine Blandin et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent aussi)

M. Alain Néri .  - Madame la ministre, je vous crois de bonne foi. Pour qu'une entreprise se développe, elle a besoin d'un climat apaisé, donc d'une discussion dans un cadre moins proche de la personnalité des employés et du patron.

Dans une petite entreprise, ce n'est pas possible d'affronter le patron. Nous pouvons tous citer des entreprises où les syndicalistes sont pénalisés dans leur vie de tous les jours.

Nous souhaitons donc que l'accord de branche demeure l'accord cadre. Acceptez de céder sur ce point ! Nous trouverons ainsi une porte de sortie. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Yannick Vaugrenard .  - La flexisécurité, objet du présent article, là où elle est appliquée, est bénéfique aux employeurs et aux salariés, mais comporte un risque de dumping social. Il faut donc trouver une forme d'équilibre gagnant-gagnant. Ce pourrait être d'autoriser les salariés à demander l'avis de la branche - un droit provisoire, un devoir d'alerte.

Je récuse qu'il faille casser le verrou de la branche. Au bout du compte, ce sont les salariés qui décideront. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Jean Desessard applaudit également)

Mme Myriam El Khomri, ministre .  - Ce débat est important. Deux conceptions opposées s'y expriment. Les divergences sont respectables. Elles existent aussi dans le champ syndical.

Pourquoi je suis à 200 % pour ce projet de loi ? Dans une économie mondialisée, il faut une adaptabilité accrue. Ministre du travail, je constate quotidiennement les contournements de la loi sur l'intérim, le travail dominical et le travail détaché. (Mme Nicole Bricq approuve)

Nous le savons, il existe des dérogations dans les accords de branche. J'ai parlé de « casser un verrou », parce qu'on parle, sur les heures supplémentaires, en termes techniques, de clauses de verrouillage. Mais je n'ai jamais voulu opposer les deux niveaux. Je peux comprendre l'inquiétude sur le dumping social.

Le projet de loi ne touche pas aux quatre domaines qui demeurent hors champ : la formation professionnelle, la prévoyance, les qualifications et le smic.

Il renforce la branche avec l'instauration d'une commission permanente : elle se voit confier un rôle de régulation du temps partiel. Mais n'ayons pas une vision idyllique de la branche : la moitié d'entre elles, et non des moindres, n'ont pas négocié depuis vingt ans.

On dénombre 42 branches couvrant 4,2 millions de salariés où la rémunération est inférieure au smic. Et elles sont importantes : la boulangerie-pâtisserie, le bricolage ou encore les cafétérias en font partie.

Nous avons cherché une voie du compromis pour éviter un 49-3 ; elle n'a pas été trouvée. Le développement des accords d'entreprise répond à un besoin. C'est inéluctable. Cela a été porté par de nombreuses positions communes en 1995, en 2001. Nous sommes passés à une économie de services.

Pourquoi je suis à 200 % pour cette loi ? (Exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) Parce que c'est un mouvement de confiance ! (Même mouvement) Les partis politiques, les syndicats et les médias ne donnent plus confiance aux citoyens ; dans ces conditions où va la démocratie ?

Mme Laurence Cohen.  - Ce n'est pas avec ce projet que vous allez rétablir la confiance !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Aujourd'hui, 85 % des 35 600 accords d'entreprises sont signés par tous les syndicats, permettant de créer des milliers d'emplois.

Avec le verrou de l'accord majoritaire, avec le mandatement syndical dans les petites entreprises, les accords d'entreprise permettront des progrès, comme ceux qu'ont permis les accords de STX à Saint-Nazaire, de Michelin, à la Roche-sur-Yon, de Peugeot-Citroën et tant d'autres.

Les accords d'entreprise responsabilisent les organisations syndicales et les directions d'entreprise. Cela peut donc être un formidable outil de revitalisation du syndicalisme. (On en doute sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

L'article 2 autorisera une négociation dans l'entreprise sur le quotidien des salariés ; en cela, il est structurant. C'est ma conviction. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

M. le président.  - Nous avons examiné 40 amendements au cours de cette séance, il en reste 841 à examiner.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 15 juin 2016, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit trente-cinq.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus