Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Dans un souci d'équité entre les groupes politiques, je vous invite à respecter strictement votre temps de parole.

Lycées classés en zone d'éducation prioritaire

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - Je veux vous alerter sur les conséquences de la réforme de l'éducation prioritaire, sur laquelle j'ai interpellé le ministère de l'éducation nationale dès février 2014. Pourquoi traiter les lycées à part ? La réforme va faire sortir certains d'entre eux des zones d'éducation prioritaire (ZEP), leur dotation horaires va diminuer, et les équipes s'alarment. Douze lycées ZEP des Hauts-de-Seine sont touchés, un collectif « Touche pas à ma ZEP » regroupant 73 lycées dans onze académies a même appelé à une journée d'action nationale ce jeudi. Après avoir longtemps entretenu le flou, le ministère n'annonce que des mesures catégorielles. Les lycées concernés demandent à être réintégrés à la nouvelle carte, afin de préserver l'avenir. Agissez, sans attendre le prochain quinquennat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - L'égalité scolaire est une des plus belles ambitions de l'école républicaine. Pour y parvenir, l'éducation nationale doit tenir compte des réalités, en donnant plus à ceux qui ont moins, en fonction d'indicateurs objectifs des difficultés sociales et scolaires rencontrées : c'est le principe de l'éducation prioritaire. Nous avons entrepris d'en clarifier les règles en 2014, avec les écoles et collèges, nous entendons poursuivre, sous le prochain quinquennat, pour les lycées.

En attendant, les moyens des lycées actuellement classés en ZEP sont maintenus et les enseignants verront leurs indemnités garanties pendant deux ans. Les bonifications acquises en « affectation prioritaire à valoriser » (APV) seront prises en compte lors des mouvements jusqu'en 2019.

Une délégation d'enseignants sera reçue cet après-midi au ministère pour faire toute la clarté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Prorogation de la prime, clause de sauvegarde, c'est bien, mais cela ne répond pas aux besoins du dédoublement de classes, d'horaires réduits et de travail en équipe. Vous entérinez en fait la sortie de ces lycées de la carte des ZEP : quid de l'égalité devant l'école ? Même s'il ne vous reste que quelques mois (Rires à droite), regardez ce qu'il en est !

Situation en Turquie

M. Bernard Cazeau .  - Ma question s'adresse au ministre des affaires étrangères. S'il fallait un symbole des errements d'Ankara, le chantage au référendum sur l'adhésion à l'Union européenne en est un. Depuis la tentative de coup d'État du mois de juillet, au nom de la lutte contre les putschistes, 100 000 fonctionnaires ont été limogés, 109 organes de presse ou été fermés, 4 200 associations et quelque 500 entreprises ont mises sous tutelle. Le président Erdogan poursuit sa campagne d'arrestations massives des sympathisants de la confrérie Gülen Au total, plus de 45 000 personnes ont été interpellées, 148 députés ont vu leur immunité levée, dix d'entre eux ont été arrêtés et il est question de rétablir la peine de mort. « La Turquie a peur », titrait le quotidien Hürriyet.

Certes, il faut ménager un pays membre du Conseil de l'Europe et de l'Otan, avec lequel la France a d'importants échanges, et qui a conclu avec l'Union européenne l'accord du 18 mars sur les migrants. Mais peut-on négliger pour autant la démocratie et l'État de droit ? Quelle est la position de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international .  - La situation en Turquie suscite une vive inquiétude, de la France et de l'Union européenne. Les arrestations se multiplient, la liberté d'expression est entravée, le fonctionnement de la démocratie est mis à mal. Mais l'arrêt du dialogue n'est pas la solution. Il faut faire comprendre à la Turquie qu'elle n'a rien à gagner à couper les ponts. Poursuivre un dialogue franc, telle est la position de l'ensemble des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne.

Rappelons que la Turquie est la cible du terrorisme, de Daech comme du PKK, qu'elle a été victime d'une tentative de coup d'État. Elle a le droit de se défendre, par des mesures proportionnées et dans le respect de l'État de droit. Les libertés publiques ne sont pas négociables : c'est là la réponse des démocraties au terrorisme. L'appartenance au Conseil de l'Europe implique le respect des droits de l'homme et non-rétablissement de la peine de mort, le secrétaire général du Conseil le dit. Voilà la position de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Canal Seine-Nord Europe

Mme Valérie Létard .  - Ma question s'adressait à M. le Premier ministre ; en son absence, elle s'adresse à M. Vidalies.

Le Canal Seine-Nord Europe, structurant et créateur d'emplois, coûtera 4,5 milliards d'euros ; l'Europe est prête à en financer 40 %. Le Premier ministre, en septembre 2014, a annoncé à Arras un engagement de l'État à hauteur de 1 milliard d'euros, et répété ce discours volontariste lundi dernier. Mais si l'ordonnance créant la société de projet a été publiée le 20 avril, le décret régissant la gouvernance n'a, à ce jour, pas encore été pris ; il serait lié au bouclage du tour de table financier. Ce projet a besoin urgemment d'un pilote ! Quand le décret sera-t-il pris ? (Applaudissements au centre et sur plusieurs bancs à droite)

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - L'ordonnance du 21 avril a jeté les bases de la création de la société de projet. Nous avons sorti le dossier de l'ornière dans laquelle il était tombé en 2012, sur la base du rapport demandé au député Rémi Pauvros. Je l'ai défendu à Bruxelles, et l'Union européenne a accepté de le financer à 40 %.

À présent, nous avons besoin d'un protocole financier : tel est l'avis du secrétariat général du Gouvernement et des services juridiques des collectivités concernées. L'État assurera ses engagements. La région Île-de-France, elle, n'a toujours pas délibéré...

La réunion de la semaine dernière a été productive. Nous comptons beaucoup sur celle qui se tiendra le 28 novembre : l'État s'est engagé à hauteur de 50 %, et le décret sera pris en conséquence. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Valérie Létard.  - Il faut un pilote dans l'avion ! Des départements sont prêts à signer, mais n'ont pas encore été sollicitées ! C'est le travail du président de la société de projet.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Valérie Létard.  - Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre 1,8 milliard de fonds européens ! (Applaudissements au centre et à droite)

Fichier des titres électroniques sécurisés (TES)

M. Philippe Bas .  - Une demande s'est exprimée hier sur la plupart des bancs du Sénat, monsieur le ministre de l'intérieur : suspendez le mégafichier TES, le temps de mener une expertise indépendante, contradictoire et publique. Bien sûr, il faut sécuriser la délivrance des titres d'identité, l'usurpation d'identité est un drame pour les victimes. Il faut aussi faciliter les contrôles. Mais les précautions que vous avez prises ne suffisent pas, l'enjeu est technologique. De grandes institutions sont attaquées par des hackers, les fichiers ne sont pas hermétiques, ils peuvent évoluer. Vous étiez resté inerte depuis 2012, voilà que vous vous précipitez sans consulter... Reprenons les choses en main pour concilier libertés et sécurité. (Applaudissements au centre et à droite ; Mme Leila Aïchi applaudit aussi)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Je ne vous reconnais pas, monsieur le président Bas. Sur un sujet aussi grave, vos propos me semblent bien peu prudents et plutôt opportunistes. (Exclamations au centre et à droite) Le débat a eu lieu au Parlement, en commission et en séance publique. Le Conseil d'État et la Cnil ont été consultés. (Même mouvement) Ils n'ont remis en cause ni le principe du fichier, ni sa sécurité.

Ce fichier reprend pour l'essentiel un fichier existant, et toutes les garanties juridiques et techniques ont été apportées pour qu'il ne soit pas utilisé à d'autres fins. Afin de répondre aux préoccupations qui se sont exprimées, le ministre de l'intérieur a précisé qu'il serait d'abord homologué par l'Anssi, comme toutes ses évolutions ultérieures. C'est la meilleure arme contre la falsification, enjeu majeur pour la sécurité nationale. Vous comprendrez donc que nous ne puissions accepter d'aller plus loin dans la polémique. À chacun de prendre ses responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

M. Philippe Bas.  - Si vous ne m'avez pas reconnu dans ma question, je vous ai très bien reconnu dans votre réponse ! (Rires et applaudissements au centre et à droite) Nous vous demandons une expertise indépendante avant la mise en place du dispositif, vous n'avez pas répondu à ma demande de suspension ! (Applaudissements au centre et à droite)

Aides à la viticulture

Mme Hermeline Malherbe .  - Ma question s'adressait à M. Le Foll. Je me réjouis de la reconduction à l'identique de l'arrêté de 2006 relatif aux zones non traitées. Dans les Pyrénées-Orientales, une modification des règles aurait un impact considérable sur le secteur agricole. Une majorité d'agriculteurs se sont engagés dans une démarche raisonnée pour l'environnement et la santé, notamment sur la qualité des traitements. Le pacte de consolidation et de refinancement associant l'État, les agriculteurs et les collectivités territoriales apporte des réponses aux causes structurelles et conjoncturelles de la crise agricole, en proposant des garanties d'avenir.

Une zone d'ombre, cependant : dans le Roussillon, après deux épisodes successifs de sécheresse, les volumes de production viticole chutent de 35 à 45 % en 2016, les revenus des viticulteurs de 85 millions d'euros. Beaucoup se retrouvent dans la précarité. Peut-on ouvrir le pacte de consolidation aux viticulteurs du pourtour méditerranéen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur plusieurs bancs des groupes socialiste et républicain et UDI-UC)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Nous avons conscience des difficultés des viticulteurs, notamment dans votre département. Des dispositifs existent déjà pour faciliter le rééchelonnement des dettes et le refinancement des exploitations, via la Banque publique d'investissement et la société interprofessionnelle artisanale de garantie d'investissements. Les viticulteurs peuvent, comme les autres agriculteurs, calculer l'assiette de leurs cotisations sociales sur l'année n-1.

Enfin, l'État et Pôle Emploi octroient une aide à la formation exceptionnelle pour ceux qui voudraient se former à un autre métier.

Le dégrèvement d'office de taxe sur le foncier non bâti est lié aux inondations du printemps, pas à la sécheresse. Les viticulteurs pourront toutefois demander des dégrèvements individuels, leur dossier sera traité avec sérieux et célérité par les services fiscaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Hermeline Malherbe.  - Au-delà de ce qui existe, il faut envoyer un signal aux viticulteurs en leur ouvrant le pacte. Leur profession est aussi honorable que celle des céréaliers ou des éleveurs.

Scandale fiscal de BASF

Mme Leila Aïchi .  - Ma question s'adresse au ministre des finances. Un milliard pour l'Europe, 40 millions d'euros pour la France : voilà le montant de l'impôt payé par BASF, entreprise allemande, qui exporte des pesticides cancérigènes, interdits en Europe et en France. Comme l'a révélé un rapport récent du Parlement européen, aucune technique d'optimisation fiscale n'est inconnue de ce groupe ; aucune n'a été négligée ! Comment expliquer la différence abyssale entre les 2 milliards d'euros de ventes de sa filiale française et ses 9 millions de profits déclarés ? Les 70 milliards de chiffre d'affaires sont imposés à hauteur de 0,31 % ! Vingt-deux filiales aux Pays-Bas, aucun employé ! N'est-ce pas là de l'évasion fiscale ? En pleine crise, alors que l'on demande de plus en plus d'efforts aux Français et que les PME sont étouffées par les prélèvements obligatoires, comment tolérer de telles pratiques ? De tels scandales nourrissent le populisme. La France compte-t-elle se doter de règles et donner l'élan en Europe pour faire cesser ces pratiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

M. Michel Sapin, ministre de l'économie et des finances .  - Vous posez la question de l'optimisation et de la fraude à partir d'un cas particulier. Nous n'avons pas attendu votre question pour agir. Je vous répondrai en général, je suis tenu par le secret fiscal sur ce cas particulier. (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste) Si la moindre fraude a été avérée, elle a été ou est en train d'être redressée par les services du ministère.

Deux chiffres, sur l'évasion fiscale : avant 2012, le redressement s'élevait à 16 milliards par an ; en 2015, nous avons recouvré 22 milliards d'euros.

M. Bruno Sido.  - Bravo !

M. Michel Sapin, ministre.  - Cette bonne dynamique est liée à la modification des règles - sur l'établissement stable par exemple - et à la coopération internationale - je pense au projet BEPS de l'OCDE. Les pratiques d'évasion fiscale sont désormais traquées sans relâche. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Leila Aïchi.  - Il faut agir : vous le devez en particulier aux PME et artisans qui croulent sous les impôts et les charges et à vous-même, qui peinez à boucler votre budget !

Situation en Nouvelle-Calédonie

Mme Catherine Tasca .  - Le 29 octobre, lors d'un contrôle routier en périphérie de Nouméa, un automobiliste a mis la vie d'un gendarme en danger, celui-ci a répliqué par un tir, qui l'a tué. Il s'agissait d'un jeune homme de 22 ans, connu des services, évadé de prison depuis juin 2015. Des policiers et gendarmes ont été la cible de tirs d'arme à feu ; des incidents ont alors éclaté ; les autorités locales et la famille se sont aussitôt mobilisées pour tenter d'éteindre l'incendie. Les événements nous alertent sur le désenchantement, la désespérance, le désoeuvrement là-bas comme ici, d'une partie de la jeunesse, qui cherche dans l'agression des forces de l'ordre un exutoire.

Ils nous alertent aussi sur la fragilité du processus lancé en 1988 par Michel Rocard, prolongé par Lionel Jospin. Quelle réponse leur apportez-vous, madame la ministre ?

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer .  - Les événements sont graves, je les suis de près. Il faut sanctionner les entorses au vivre ensemble calédonien. Nous avons annoncé des mesures renforçant les effectifs des forces de l'ordre de 53 fonctionnaires et d'une brigade de prévention de la délinquance. Ensuite, la prévention : le SMA doit se poursuivre.

De même, avec l'innovation face aux addictions à l'alcool et aux drogues. Nous allons expérimenter la mise en place d'un service civique calédonien.

La prévention est nécessaire, nous poursuivons sur la voie du dialogue : rien ne doit remettre en cause les résultats obtenus depuis trente ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Situation au Gabon

M. Jean-Marie Bockel .  - Le Gabon connait depuis le 27 août des troubles graves, l'élection présidentielle n'a pu consacrer la victoire d'Ali Bongo qu'au prix de 95 % de voix favorables dans sa province natale du Haut-Ogooué : personne n'est dupe d'un tel résultat. Le siège de campagne de Jean Ping - le réel vainqueur  de ces élections a été attaqué à l'arme lourde, les troubles ont fait des dizaines de morts.

Nous partageons avec le Gabon une histoire commune. Autant nous n'avons pas à nous ingérer dans le processus démocratique, autant la France ne peut rester passive face à un tel déni de démocratie ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international .  - Lié au Gabon par une longue amitié, notre pays ne peut rester indifférent. Il ne peut pas prendre parti entre les deux candidats. Un rapport des observateurs de l'Union européenne fera la lumière sur les conditions du scrutin. Nous avons soutenu les efforts de l'Union africaine pour éviter de nouvelles violences et garantir la liberté de la presse. La date des élections législatives reste à fixer. La France espère que ce sera l'occasion de sortir de la crise.

Pendant des années, la Françafrique a symbolisé une ambiance de transparence - et elle compte encore des nostalgiques. En ce qui nous concerne, cette période est terminée. Nos relations se font dans la clarté, la solidarité, le respect et l'amitié. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste républicain)

M. Jean-Marie Bockel.  - Merci pour cette réponse diplomatique... La France a mis beaucoup d'énergie à maintenir un régime à bout de souffle ; qu'elle en mette un peu à aider le Gabon à sortir de cette crise ! (Applaudissements au centre et à droite)

Cannabis

Mme Sophie Primas .  - Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé. Elle vise à dénoncer la schizophrénie du Gouvernement, qui prêche la dépénalisation du cannabis en même temps qu'il dit lutter contre les addictions, à travers la mission interministérielle de lutte contre les drogues. Cela a pour effet de dédramatiser la consommation de cannabis aux yeux des jeunes. Or cette drogue constitue un véritable fléau, qui diminue les capacités de mémoire et de vigilance, provoque altération du cerveau ou cancers. Sans compter le trafic qui nourrit la délinquance, voire le terrorisme. Une dépénalisation entraînerait un report sur des drogues plus dures.

Les signaux contradictoires envoyés du plus haut niveau de l'État, au sein même de votre Gouvernement, conduisent à banaliser ces pratiques. Résultat : l'expérimentation du cannabis chez les jeunes a progressé de 17 % entre 2002 et 2011.

Quand le Gouvernement fera-t-il enfin preuve de cohérence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et au centre)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Ce sujet est extrêmement grave. La France interdit la consommation de cannabis, car ses risques sont très graves pour la santé : entre ceux que vous avez cités, on peut aussi mentionner les troubles cardiovasculaires, dont l'on parle peu, de décompensation psychologique, les troubles psychiatriques associés... L'objectif de santé publique du ministère et de Mme Touraine n'a jamais varié : c'est la prévention pour faire baisser la consommation. Nous consacrons 320 millions d'euros par an aux consultations spécifiques dans toute la France, que je vous engage à faire connaître plus largement dans nos territoires.

Des signes encourageants montrent que la consommation baisserait : entre 2011 et 2015, l'expérimentation serait en effet passée de 49 % à 44 % chez les lycéens français. Nous poursuivons les efforts pour mettre fin à ce fléau. (Applaudissements sur la plupart des bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Sophie Primas.  - Nous contestons vos chiffres, et ne pouvons que constater l'échec d'un Gouvernement qui prétend faire de la jeunesse sa priorité. (Applaudissements au centre et à droite)

Situation migratoire en Guyane

M. Antoine Karam .  - La société guyanaise traverse une période de tension extrême. II y a une semaine, c'est un ancien conseiller général apprécié de tous qui a été tué par balle lors du cambriolage de son domicile. Ce nouveau drame nous rappelle douloureusement la spirale de violence dans laquelle la Guyane est plongée depuis plusieurs mois.

Les chiffres de la délinquance sont en effet alarmants : 38 homicides en 2015, 39 cette année et 13 fois plus de vols avec armes que dans l'hexagone.

Parallèlement, la Guyane doit faire face à une crise migratoire sans précédent. Alors que 2 700 demandeurs d'asile avaient été enregistrés en 2015, nous devrions en compter entre 9 000 et 10 000 fin 2016.

Cette augmentation exceptionnelle fait de Cayenne le deuxième guichet de France après Paris et met à mal un dispositif d'accueil déjà au bord de l'asphyxie.

Le ministre de l'intérieur a annoncé un plan déjà insuffisant ; la population, exaspérée, descend dans la rue. Sans amalgame, je relaie leur colère : l'immigration et l'insécurité sont devenues des problèmes croissants. Quelles mesures comptez-vous prendre pour rassurer nos concitoyens ?

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer .  - Je renouvelle les condoléances du Gouvernement à la famille de Patrice Clet, conseiller général de Sinnamary, assassiné.

Avec Bernard Cazeneuve, nous avons confirmé le renforcement des forces de l'ordre, avec 55 policiers et gendarmes supplémentaires et la création d'une Zone de sécurité prioritaire (ZSP) ; un escadron de gendarmerie est d'ailleurs arrivé récemment en Guyane. Nous allons lancer - je l'ai annoncé hier à l'Assemblée nationale - une concertation locale sur les armes. Nul amalgame en insécurité et immigration, effectivement, la solution passe par l'économie : c'est tout l'enjeu du pacte que je vous présenterai lors de mon prochain déplacement en Guyane. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Zones agricoles défavorisées

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse au ministre de l'agriculture. Les agriculteurs ont manifesté aujourd'hui à Montauban contre le redécoupage annoncé des zones agricoles dites défavorisées simples. Les conséquences en sont très lourdes : 1 058 communes seraient déclassées dans mon département, ce sont 94 % d'entre elles ! Votre carte serait amodiée par des critères complémentaires pour 10 % de la surface, avez-vous dit. Cette correction sera toute aussi funeste !

Vous laissez traîner les choses, pour laisser vos successeurs face au problème - quand il sera trop tard. Retirez cette carte inacceptable, fût-elle corrigée à la marge. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Je comprends votre inquiétude concernant les mois qui viennent, c'est pourquoi nous nous mobilisons.

M. Roger Karoutchi.  - Nous aussi !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - La carte des zones défavorisées simples a été établie dans les années 70. La Cour des comptes en a demandé la révision en 2003. Une réservation de 10 % des montants a été prévue par M. Le Foll. Nous demandons aux préfets de travailler à de nouveaux critères. Le travail de terrain est en cours, il doit se dérouler sereinement. Cette aide a été revalorisée de 3 millions d'euros en crédit d'impôt entre 2014 et 2017, pour atteindre 3 milliards. Les choses avancent.

M. François Bonhomme.  - Réponse diplomatique : une perte de 7 000 euros par an peut signer la mort de certaines exploitations qui ne peuvent se diversifier. Soyez vraiment le ministre de l'agriculture (Sourires) et défendez les agriculteurs français ! (Applaudissements à droite et au centre)

Désindustrialisation du Jura

M. Gérard Bailly .  - L'Observatoire français des conjonctures économiques a publié en novembre une étude inquiétante, qui nous alerte sur le décrochage de l'appareil - des appareils plutôt - productifs français. Nous ne produisons en effet pas plus qu'en 1996, alors que la consommation n'a pas baissé. D'où un chômage croissant. Le Jura est durement frappé : les 178 emplois du fabricant de lunettes Logo, sis à Morez, sont menacés. Naguère, cette filière employait sur place plus de 4 500 salariés, contre 1 200 aujourd'hui ; le Jura avait un taux de chômage de 4 %. La désindustrialisation y atteint à présent des proportions dramatiques. Il faut une vision plus ambitieuse, les mesures d'aide fiscale ne suffiront pas. Que compte faire le Gouvernement ? (Applaudissements à droite, au centre et sur quelques bancs du groupe RDSE)

M. Christophe Sirugue, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'industrie .  - L'entreprise que vous citez a été placée en liquidation judiciaire, forte d'avoir diversifié sa clientèle. Mon ministère travaille d'arrache-pied, avec le commissaire au redressement productif, pour trouver un repreneur, et je reste à votre disposition pour évoquer ce dossier.

La situation que vous évoquez n'est pas récente. Mais les taux de marge, l'investissement privé, se sont rétablis sous l'actuel quinquennat - + 7 % pour ce dernier !

C'est en unissant nos forces que nous trouverons des repreneurs et des industriels pour redynamiser notre tissu productif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

La séance est suspendue à 16 heures.

présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 15.