Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous appelle à observer l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres.

Politique énergétique

M. Jean-Pierre Bosino .  - Après l'incapacité des pouvoirs publics à faire face à l'épidémie de grippe, le risque de coupure énergétique illustre les dégâts de la politique de casse du service public. RTE nous alerte pourtant sur le risque depuis deux ans ! Il est facile d'accuser le nucléaire et la maintenance des centrales.

Quand allez-vous enfin renforcer les moyens de production pour assurer une puissance garantie, que les énergies renouvelables, hors hydraulique, ne peuvent fournir ? Quand imposerez-vous à EDF de ne plus fermer les tranches thermiques non rentables ? Quand reviendrons-nous à une politique nationale de long terme pour répondre aux besoins de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité .  - La vague de froid entraîne une consommation accrue d'électricité, nous devons donc tous faire attention. Soyez assuré que le travail est fait pour éviter le risque de coupures.

Justement, la loi Transition énergétique apporte des réponses ; l'électricité éolienne et photovoltaïque, c'est 6 gigawatts, 10 % de plus que l'hiver dernier, c'est l'équivalent de six réacteurs ! Nous développons l'effacement de la consommation, à hauteur de 3 gigawatts.

Ségolène Royal... (Brouhaha à droite, où l'on souligne l'absence de la ministre)... a engagé une mobilisation citoyenne. Pour réduire la consommation d'électricité, il faut revenir à des gestes de bon sens : éteindre les appareils en veille économiserait l'énergie produite par un réacteur ; baisser la température de chauffage d'un degré, ne pas utiliser la machine à laver entre 17  et 20 heures, permettrait d'économiser la production de deux réacteurs ! (Exclamations ironiques à droite)

RTE est mobilisé pour anticiper tous les scénarios. À ce jour, il y a un risque de tension entre mardi et vendredi. Les premières mesures seront prises mercredi pour soulager, mais RTE ne prévoit pas de coupure de courant, mesure de dernier recours. Vous serez tenus informés.

M. Jean-Pierre Bosino.  - Vous demandez à nos concitoyens de faire des efforts alors que 12 millions d'entre eux sont en situation de précarité énergétique, que nombre d'entre eux vivent dans des passoires thermiques, et leur facture d'électricité augmente ! Les entreprises, elles, sont rémunérées pour l'effacement ! Votre politique vise à masquer la responsabilité du Gouvernement et de l'État actionnaire. Le problème n'est pas le froid, mais la spéculation, la dérégulation et la vente à la découpe de pans entiers de notre filière énergétique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Déficit public

M. François Marc .  - Hier, j'ai eu connaissance du déficit public constaté en 2016, qui s'établit à 68,9 milliards d'euros, contre 72,8 milliards inscrits dans la loi de finances pour 2016.

M. Francis Delattre.  - C'est encore trop !

M. François Marc.  - L'objectif d'un déficit à 3,3 % du PIB en 2016 sera donc atteint. Cette nouvelle encourageante fait pièce au scepticisme de l'opposition qui dénonçait des cadeaux prétendument non financés, et à celui de la Cour des comptes qui craignait un risque de dérapage des finances publiques. (M. Francis Delattre s'exclame)

C'est une très bonne nouvelle pour la France. Comparons ce chiffre au déficit de 2010, de 148 milliards d'euros ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain). Comment, monsieur le Premier ministre, analysez-vous ces résultats, et qu'anticipez-vous pour l'exécution de la loi de finances pour 2017, jugée insincère par la majorité sénatoriale qui a refusé de l'examiner ? Bref, êtes-vous optimiste pour 2017 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE, sourires à droite)

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre .  - Le scepticisme est consubstantiel à l'opposition, quelle qu'elle soit ; à la majorité de le lever, en faisant preuve de pédagogie (Sourires). L'année dernière, le déficit de l'État était supérieur de 1,5 milliard d'euros à celui qui a été constaté ce matin.

Compte-tenu de la maîtrise des dépenses de l'État, nous serons donc en mesure de respecter l'objectif de 3,3 % de déficit public convenu avec Bruxelles.

M. Francis Delattre.  - Après deux reports ! (M. Jean-Louis Carrère proteste)

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre.  - J'entends des cris de satisfaction spontanés : merci ! (Sourires)

Ce chiffre tient à la réduction du rythme de hausse de la dépense publique, divisé par trois par rapport à la période 2007-2012. La dette publique n'aura augmenté que de sept points sous notre quinquennat, contre vingt-cinq sous la précédente présidence. Enfin, les comptes sociaux sont quasiment à l'équilibre.

Ces efforts ont été réalisés sans renoncer à aucune de nos priorités. Nous avons renforcé les effectifs des forces de sécurité, avec 9 000 créations de postes, de l'Éducation nationale, avec 60 000 postes, dans les hôpitaux, avec 31 000 postes.

M. Francis Delattre.  - Bref, tout va bien !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre.  - Preuve que l'on peut maîtriser la dépense publique et réduire les déficits sans pour autant casser le service public et la protection sociale qui assurent la force et la cohésion de la société française. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Redresser les comptes, c'est nous redonner des marges de manoeuvre afin de garantir la solidarité nationale, la protection sociale, le développement et la modernisation des services publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE)

Processus de paix au pays Basque

M. Jean-Jacques Lasserre .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) Un processus de paix et de désarmement de l'ETA au pays Basque est en cours depuis octobre 2011. Il exige du temps, de la volonté, du courage.

Les récentes arrestations de militants nationalistes non-violents qui se sont impliqués pour la restitution d'armes sont la conséquence du refus de l'État français de négocier. Le dépôt définitif des armes se règlera dans le même temps que le problème des prisonniers.

Les acteurs locaux, notamment les parlementaires, sont engagés dans le processus de paix ; l'absence d'implication de l'État français serait un gâchis historique. Cela fait cinq ans que les attentats ont cessé, c'est la preuve qu'il y a une réelle volonté.

Vous n'avez pas répondu, monsieur le ministre, à ma demande d'entretien. Je vous demande solennellement que l'État français prenne à bras le corps ce problème et crée les conditions d'un dialogue sur les sujets liés du désarmement et des prisonniers. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC et du groupe communiste républicain et citoyen).

M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur .  - Le processus de paix est unilatéral. Armes, explosifs, munitions sont encore en circulation, qui pourraient nous être rendus plus simplement. J'ai reçu la semaine dernière mon homologue espagnol, Juan Ignacio Zoido, pour évoquer la question des caches d'armes sur notre territoire.

L'ETA, ce sont des prisonniers mais aussi des centaines de morts, militaires, policiers et civils. Il n'appartient pas à des personnalités civiles, même de bonne foi, de s'impliquer dans la récupération d'armes qui ont servi à perpétrer des attentats. Seule la justice doit se prononcer - je me félicite de la coopération entre le pôle anti-terroriste de Paris et la justice espagnole.

Ceux qui ont commis des attentats doivent dire, de façon unilatérale, où sont les armes et les explosifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Jacques Lasserre.  - Je suis très déçu par cette fin de non-recevoir face à la bonne volonté des militants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC et du groupe communiste républicain et citoyen)

Conséquences du froid sur la production d'électricité

M. Jean-Claude Lenoir .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je vous propose un intermède sous forme de bulletin météo : une vague de grand froid va s'installer sur notre pays demain et après-demain. C'est l'affolement sur tous les médias. Pourtant, nous en avons connu une il y a cinq ans, qui a duré une dizaine de jours. La consommation journalière d'électricité a été 10 % supérieure à celle annoncée cette semaine, et tout a bien fonctionné.

Pourquoi, alors, cet affolement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité .  - De l'affolement ? Pas du côté du Gouvernement. Nous travaillons à sécuriser notre approvisionnement en électricité, avec des mesures de bon sens. Grâce à la loi Transition énergétique, nous diversifions notre bouquet énergétique en développant les énergies renouvelables -  dont la production est aujourd'hui l'équivalent de six réacteurs nucléaires  - et luttons contre le gaspillage : plan de rénovation thermique des bâtiments, création de nouvelles filières de production électrique, autant d'initiatives qui créent des emplois non délocalisables.

Il convient aussi d'associer les citoyens à l'effort, notamment en recommandant d'éteindre les appareils en veille. Il n'est pas aberrant de recommander les bonnes pratiques.

Selon RTE, il n'y a aucun risque de coupure - en cas de problème, vous en seriez informés. Bref, le Gouvernement fait face et travaille pour l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Je veux remercier et féliciter le Gouvernement : si le cap difficile est passé, c'est grâce à nos outils de production, dites-vous en substance - donc au nucléaire, qui est la base de notre approvisionnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Économiser en baissant d'un degré, c'est intéressant. Dommage que nous n'ayons aucune influence sur la température...

M. Jean-Louis Carrère.  - Et la question ? Où est la question ?

M. Jean-Claude Lenoir.  - Je constate que vous ne respectez pas l'engagement du président de la République de fermer la centrale de Fessenheim... (M. Jean-Louis Carrère s'emploie à couvrir la voix de l'orateur en réclamant la question) Il faut la mettre en regard du besoin d'alimenter les usagers ! (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe Les Républicains)

Situation des gites ruraux

Mme Hermeline Malherbe .  - Les acteurs de l'économie touristique et certaines communes rurales s'inquiètent pour les gites de France et bistrots de pays. La loi NOTRe du 7 août 2015 a conforté la mission des départements en matière touristique - ils sont légitimes pour accompagner les projets dans les territoires ruraux - mais, en supprimant la clause de compétence générale, elle a mis fin aux aides directes aux entreprises. Or la pérennité des gites de France est conditionnée par les aides des départements. Sont-ils considérés comme des entreprises ? Pouvons-nous toujours accompagner les acteurs touristiques, particulièrement en zone rurale ? (Applaudissements sur les bancs RDSE et sur certains bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales .  - Les compétences de chaque échelon territorial ont été clarifiées par l'importante réforme territoriale qu'a été la loi NOTRe. Celle-ci, votée par la Haute Assemblée, a décidé que le tourisme serait une compétence partagée. Les départements peuvent s'engager, mais l'aide directe est du ressort des régions, auxquelles le Gouvernement a octroyé 450 millions d'euros dans ce but.

Toutefois, le département demeure compétent pour mener des actions de promotion dans le domaine touristique via les contrats de développement territorial, et créer des équipements sportifs et touristiques dont ils sont propriétaires ; un département peut ainsi exploiter un gite rural, une base de loisirs ou une station de ski et le gérer directement ou via un syndicat mixte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Hermeline Malherbe.  - Les régions ne se sont pas positionnées sur le tourisme rural, et le problème reste entier dans les territoires. Il faudrait un partage plus équitable et plus efficient. (Applaudissements sur les bancs RDSE)

Défense européenne

M. André Gattolin .  - Jamais depuis sa création, l'Union européenne n'a fait l'objet d'une telle entreprise de déstabilisation ni encouru un tel risque de désintégration. Outre les divisions internes, les réactions nationalistes et les populismes, elle fait l'objet d'attaques croisées de la Russie et des États-Unis. M. Trump, après s'être félicité du Brexit et avoir appelé d'autres pays à suivre cette voie, s'est aussi livré à une charge inédite contre l'OTAN. Sans en abandonner le commandement, les États-Unis entendent exiger des États membres qu'ils augmentent leurs dépenses militaires.

Ce contexte, qui s'accompagne d'un changement de la stratégie géopolitique de notre allié historique, permet-il de faire plus longtemps l'économie d'une armée commune européenne ? Le 11 septembre dernier, la France et l'Allemagne ont proposé une coopération structurée permanente, qui ne figure toutefois pas dans les conclusions du dernier Conseil européen.

Le président de la République a proposé de porter notre effort de défense à 2% du PIB, mais sans évoquer de contribution à la défense européenne.

France et Allemagne comptent-elles développer leurs propositions lors du sommet de Malte, le 3 février ? Il y a urgence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe écologiste et du groupe UDI-UC)

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international .  - Votre question est pertinente. Le monde change, de nouvelles menaces apparaissent, comme les cybermenaces, qui imposent des actions sur tous les plans. L'Europe doit non se substituer à l'OTAN, mais prendre sa part complémentaire. Oui, nous devons porter notre effort à 2% du PIB.

L'Europe de la défense a longtemps été un sujet tabou. Mais face à la nouvelle donne internationale et au désengagement américain, le Conseil européen du 15 décembre a adopté une orientation en matière de défense.

La France et l'Allemagne ont pris leur part. J'ai rencontré mon homologue allemand, tout comme M. Le Drian a rencontré le sien ; nous avons fait des propositions et été moteurs. Nous avons esquissé une ligne stratégique, insisté sur l'autonomie de décision. Un fonds de financement pour la recherche et l'armement a été décidé. Nous avons réalisé un bond en avant considérable.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre.  - Le moment est venu, en effet, de réaffirmer la nécessité de la cohésion et de la solidarité européenne. Oui, l'Europe a des adversaires, mais la meilleure réponse n'est pas la polémique : c'est l'unité et la cohésion de l'Europe, par des engagements concrets en matière de défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Conférence de Paris

M. Gilbert Roger .  - La France a accueilli à Paris, le 15 janvier, 70 pays et organisations internationales lors de la conférence pour la paix au Proche-Orient. Ce fut l'occasion de réaffirmer solennellement l'attachement de la communauté internationale à la solution à deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte en paix, indispensable pour la reprise des négociations bilatérales entre les parties, gelées depuis avril 2014.

Mais les incertitudes sont grandes. Le président élu américain a rompu avec le statu quo observé par les pays occidentaux en annonçant le transfert de son ambassade de Tel Aviv à Jérusalem. La droite israélienne, encouragée, plaide désormais pour l'intégration des colonies illégales quand l'extrême-droite réclame l'annexion militaire de la zone C, en opposition avec la résolution 2334 de l'ONU.

En 2014, l'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté deux résolutions invitant le Gouvernement français à reconnaître l'État palestinien. Votre prédécesseur, Laurent Fabius, s'y était engagé en cas d'échec des négociations. Or la Conférence de Paris n'a pas permis d'avancée concrète. Le président de la République est-il désormais prêt à transformer cet engagement solennel en acte politique et à reconnaître officiellement l'État palestinien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Bariza Khiari et M. Martial Bourquin applaudissent également)

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international .  - La France est déterminée. La Conférence de dimanche dernier a réuni deux fois plus de participants que celle du 3 juin : le conseil de sécurité, le G20, la Ligue arabe, l'Union européenne, unanimes. Après des échanges fructueux, nous avons réaffirmé solennellement la nécessité que les négociations reprennent au plus vite.

Il y a eu des polémiques, caricaturales et déplacées, de la part du Gouvernement israélien comme du Hamas.

La voie est étroite, et la situation se dégrade sur le terrain, faisant courir le risque d'une dangereuse escalade des violences - que nous condamnons, quels qu'en soient les responsables.

Nous nous mobilisons pour la paix au Proche orient. Le conflit israélo-palestinien n'est pas un dossier parmi d'autres, c'est l'une des pièces maîtresses de l'échiquier moyen-oriental. Plus la frustration s'installe, plus la menace s'accroit et moins l'État palestinien parait viable.

Le Conseil de sécurité des Nations unies a voté le 23 décembre 2016 la résolution n° 2334, qui ne fait que rappeler le droit international. La question de la capitale doit faire partie de la négociation ; toute initiative préalable, comme le transfert d'ambassade, serait perçu comme une provocation.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre.  - La France continue à déployer ses efforts pour un État palestinien viable et reconnu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

Apprentissage de la grammaire

M. Alain Marc .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'Éducation nationale, dont l'absence illustre bien le peu de considération pour la représentation nationale...

La performance scolaire de nos élèves baisse : le classement international PISA nous place au vingt-sixième rang, ce n'est guère glorieux pour la sixième économie mondiale. Les causes sont multifactorielles, mais on sait qu'une exigence de maîtrise de la langue est indispensable à la réussite de tous les apprentissages, y compris les mathématiques.

Or les directives édictées par votre ministère en matière de grammaire sont incompréhensibles : seuls les enseignants et, je l'espère, les élèves, savent ce qu'est le « prédicat »... Cela rappelle le ridicule « référentiel bondissant » qui désignait en fait... un ballon ! Allez-vous enfin abandonner ce langage abscons, dont savait si bien se moquer Molière ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Le constat est sans appel : le niveau des élèves en français baisse depuis trente ans. Le Gouvernement a décidé d'agir, en demandant au Conseil supérieur des programmes de repenser l'apprentissage de la langue française. Le « prédicat » est enseigné depuis longtemps en sciences du langage. Toutefois, les élèves continuent à apprendre le complément d'objet direct, le complément d'objet indirect, le complément d'objet second. (Moues dubitatives à droite)

La grammaire ne se négocie pas entre enseignants et élèves. Elle s'apprend car elle s'impose. Les programmes ont été repensés car ils manquaient de cohérence. Le seul objectif est de relever le niveau en français de tous les élèves. (Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste et républicain).

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

M. Alain Marc.  - Baisser le niveau d'exigence, c'est maintenir les inégalités - comme l'a fait votre réforme des rythmes scolaires, qui n'a nullement répondu à l'échec scolaire mais a creusé les inégalités spatiales et sociales.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est vous qui l'avez lancée !

M. Alain Marc.  - Je regrette que vous n'accordiez pas davantage vos actes et vos paroles. Vous parlez de « réussite scolaire », mais ce n'est qu'en relevant le niveau d'exigence que l'on rendra à l'école son rôle d'ascenseur social, hélas en panne depuis trente ans. (Applaudissements à droite et au centre)

Délinquance des mineurs

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Samedi soir, une bande de voyous venue d'Athis-Mons a semé la terreur à Juvisy-sur-Orge. On se souvient de l'attaque de voitures de policiers à Grigny. Ces attaques en bande se multiplient aussi dans les transports, en Ile-de-France, dans le Rhône ou en PACA, où des TER sont assiégés par des casseurs.

Ces bandes, constituées notamment de mineurs, conséquence de la communautarisation de notre société, sont portées par la haine de notre pays, de ce que nous sommes. (Huées sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

À Juvisy, onze voyous, la plupart mineurs, ont été arrêtés puis tous relâchés. La réponse pénale n'est manifestement plus adaptée à la gravité des faits. Pourquoi niez-vous cette réalité ? Pourquoi n'avez-vous jamais durci votre politique pénale à l'égard des mineurs ? (Applaudissements à droite et au centre, huées sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Cécile Cukierman.  - On croirait entendre le FN !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice .  - D'où tenez-vous que nous nierions cette réalité ? N'avez-vous pas participé aux débats depuis cinq ans ? Nous avons durci la législation. Mais le temps de la justice n'est pas celui de l'émotion, de la réaction. (Protestations à droite, applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. François Grosdidier.  - Et le temps de la vérité ?

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Je fais confiance au travail d'investigation du procureur de l'Essonne. Vous rapportez des informations lues dans la presse. Ces personnes auraient-été relâchées faute de faits matériels ? Qu'en savez-vous ? Les personnes que vous évoquez ne sont pas liées aux évènements de Juvisy. Laissez donc le procureur faire son travail, comme il l'a fait après les évènements de Viry-Châtillon. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain). À l'époque, vous aviez déjà protesté. Et voilà qu'après trois moins d'un travail d'investigation méticuleux et patient, onze personnes ont été placées en garde-à-vue. Voilà comment fonctionne une justice sereine. (Applaudissements à gauche)

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Ce n'est pas l'avis des habitants de Juvisy-sur-Orne, qui redoutent maintenant des représailles. Assez d'angélisme ! Faut-il rappeler que votre loi Justice du XXIème siècle a supprimé le tribunal correctionnel pour enfants ? Il faut mettre fin à l'effet Taubira ! (Applaudissements nourris à droite, huées sur plusieurs bancs à gauche)

Fonds d'innovation sociale

Mme Corinne Féret .  - Adopté en 2013 après une large concertation, le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale a conduit à intégrer dans toutes les politiques publiques la nécessité de s'adresser aux plus fragiles. Loin d'un prétendu assistanat, le Gouvernement agit sur les racines de la pauvreté.

Le président de la République a annoncé ce matin le lancement de la Fondation pour l'investissement social et le développement humain, qui a pour ambition de développer les approches pour faire reculer la précarité et l'exclusion et de construire un modèle plus inclusif, associant développement économique et social. Pluridisciplinaires, ses travaux scientifiques s'attacheront à mesurer l'impact des politiques de solidarité. Les projets innovants seront repérés et généralisés.

L'innovation sociale est au coeur de l'action de ce Gouvernement, qui a compris que la solidarité n'est pas une dépense, mais un investissement. L'action menée dans ce domaine est une fierté : j'y vois l'ambition de garantir un modèle social auquel la droite n'a de cesse de s'attaquer.

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce dispositif, madame la ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Stéphane Ravier.  - Question téléguidée !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - J'étais aux côtés du président de la République ce matin pour l'inauguration de cette fondation, placée sous l'égide de la Fondation agir contre l'exclusion (Face) et présidée par Isabelle Kocher, directrice générale d'Engie.

Il y a encore beaucoup de préjugés : les chômeurs sont tous des paresseux, les SDF sont tous irrécupérables, les plus démunis profitent des aides sociales... (Exclamations à droite) Notre système de protection sociale est mis en cause, les dépenses jugées excessives...

Cette fondation a vocation à associer recherche scientifique et action sociale pour lutter contre les idées reçues. Car l'action sociale n'est pas une dépense mais bel et bien un investissement dans l'humain et l'avenir ! Un exemple des initiatives soutenues par cette fondation : le projet Housing first, visant à donner un logement aux personnes atteintes de troubles psychiatriques. L'expérience montre en effet que ceux-ci s'estompent dès l'instant où ils sont logés, et que le recours à l'hospitalisation diminue.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Oui, l'action sociale est consubstantielle à notre pays et à notre identité, voilà la raison d'être de cette fondation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RDSE)

Surveillance des frontières

M. Stéphane Ravier .  - Le 23 décembre 2016, au nom de l'État Islamique, le Tunisien Anis Amri tuait douze personnes et faisait 56 blessés sur un marché de Noël à Berlin. Débouté du droit d'asile, sans doute avait-il été qualifié par les associations de défense de réfugiés de « chance pour l'Allemagne ».

Traversant l'Allemagne, les Pays-Bas, la France et l'Italie, il a poursuivi sa cavale, ou plutôt sa balade à travers l'Europe avant d'être tué par les carabiniers italiens.

Ce laxisme a permis à des terroristes infiltrés dans les cohortes de réfugiés de faire un massacre au Bataclan ; cette idéologie d'une Europe sans frontières a déjà fait couler le sang d'innocents.

Laxisme érigé en dogme : voilà qu'en plein état d'urgence, le préfet des Bouches-du-Rhône supprime les conditions nécessaires à l'octroi par les maires d'attestation d'accueil pour les étrangers... On reste abasourdi devant tant d'aveuglement.

Même si votre CDD touche à sa fin, qu'attendez-vous pour sortir notre pays de l'espace Schengen, rétablir les frontières nationales, réformer en profondeur le droit d'asile, sachant que 96 % des déboutés restent sur notre sol, et prendre les mesures qui s'imposent pour que nos compatriotes aient droit à la première liberté, celle de la sécurité ?

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre .  - Je profite de cette question pour dire à la représentation nationale, et aux Français, la vérité sur vos votes et vos positionnements sur ces sujets.

Si l'on veut un espace européen qui protège du risque terroriste, il faut un PNR européen. Or la présidente de votre parti s'est fait nommer rapporteur pour avis afin de s'y opposer au Parlement européen ! Et vous donnez des leçons ? (Applaudissements)

À l'Assemblée nationale, une seule formation politique s'est opposée au texte mettant en oeuvre l'incrimination d'entreprise individuelle terroriste et le blocage des sites internet : la vôtre ! (Applaudissements)

De même, vous vous êtes opposés à la loi Renseignement, qui permet de détecter, sous le contrôle du juge administratif et judiciaire, les personnes présentant une menace, avec des arguments d'une totale irresponsabilité.

Vous le faites car la lutte antiterroriste se réduit pour vous à un seul objectif : stigmatiser nos compatriotes de confession musulmane et attiser les confrontations dans la société française, rejoignant en cela l'objectif de ceux qui nous frappent ! (Applaudissements)

Soyez certains qu'à chaque fois que vous tiendrez ces discours mensongers, vous aurez contre vous la vérité et la fermeté républicaines ! (Applaudissements nourris à gauche ; on applaudit aussi sur de nombreux bancs à droite et au centre)

La séance est suspendue à 17 h 40.

présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente

La séance reprend à 17 h 50.