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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Accord en CMP

Échec en CMP

Questions prioritaires de constitutionnalité

Dépôt d'un document

Rapports et avis de l'Assemblée de la Polynésie française

Délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse (Nouvelle lecture)

Discussion générale

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes

Mme Stéphanie Riocreux, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Jacques Mézard

Mme Françoise Gatel

Mme Corinne Bouchoux

M. Alain Milon

Mme Laurence Cohen

Mme Patricia Schillinger

Mme Maryvonne Blondin

Mme Laurence Rossignol, ministre

Discussion de l'article unique

ARTICLE UNIQUE

Questions d'actualité

Suppression de postes de fonctionnaires

M. Alain Bertrand

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre

Nucléaire en France

M. Ronan Dantec

Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat

Suppression de postes à EDF

Mme Annie David

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire

Violences urbaines (1)

M. Dominique Bailly

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre

Violences urbaines (2)

Mme Valérie Létard

M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur

Violences urbaines (3)

Mme Caroline Cayeux

M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur

Relation franco-allemande

M. Michel Boutant

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre

Finances

M. Michel Raison

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire

Déradicalisation

Mme Catherine Troendlé

M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur

Canne à sucre guadeloupéenne

M. Jacques Cornano

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer

Fermeture de la centrale de Clairvaux

M. Philippe Adnot

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Avis sur une nomination

Création de l'Agence nationale de santé publique et diverses dispositions relatives aux produits de santé (Conclusions des CMP)

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Mme Élisabeth Doineau

M. Hervé Poher

Mme Catherine Génisson

Mme Corinne Imbert

Mme Laurence Cohen

Mme Mireille Jouve

Hommage à une délégation de l'Assemblée de la Polynésie française

Égalité réelle outre-mer (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

M. Mathieu Darnaud, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer

M. Jean Desessard

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Gélita Hoarau

M. Guillaume Arnell

Mme Lana Tetuanui

M. Michel Magras

M. Maurice Antiste

M. Antoine Karam

Discussion du texte élaboré par la CMP

ARTICLE 34 NONIES

Avis sur une nomination

Ordre du jour du mercredi 15 février 2017

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mardi 14 février 2017

55e séance de la session ordinaire 2016-2017

présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président

Secrétaires : Mme Corinne Bouchoux, M. Christian Cambon.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.

Accord en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la sécurité publique est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Échec en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale et du projet de loi ratifiant les ordonnances du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et portant diverses mesures électorales applicables en Corse ne sont pas parvenues à l'adoption de textes communs.

Questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président.  - Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 10 février 2017, deux décisions relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur la majoration de 25 % de l'assiette des contributions sociales sur les rémunérations et avantages occultes et sur le délit de consultation habituelle de sites internet terroristes.

Dépôt d'un document

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le projet de convention entre l'État et l'Agence nationale de la recherche relative à l'action « Instituts hospitalo-universitaires 2 » du Programme d'investissements d'avenir.

Rapports et avis de l'Assemblée de la Polynésie française

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le président de l'Assemblée de la Polynésie française, par lettre en date du 26 janvier 2017, les rapports et les avis sur le projet d'ordonnance modifiant la partie législative du code des juridictions financières ; le projet d'ordonnance prise en application de l'article 216 de la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 et relatif à la lutte contre la propagation internationale des maladies ; et le projet d'ordonnance relatif à l'aptitude médicale à la navigation des gens de mer et à la réglementation de l'alcoolémie en mer.

Délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse (Nouvelle lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse.

Discussion générale

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes .  - Nous nous retrouvons pour une nouvelle lecture de ce texte après des échanges riches, souvent fructueux et, ce qui m'a étonnée, parfois vifs : j'étais en effet certaine que quarante ans après son adoption, la loi Veil faisait consensus.

Ce texte ne vise pas à rouvrir le débat sur l'avortement, mais à permettre à toutes les femmes d'exercer librement ce droit.

En proposant d'étendre le délit d'entrave à l'IVG à la communication en ligne, les députés n'avaient pas d'autre objectif que de rendre effectif le droit fondamental de choisir le moment d'une maternité. Car, vous en conviendrez, il n'est pas concevable de défendre un droit sans lever tout ce qui fait obstacle à son exercice.

Mais j'avais sous-estimé l'effet du calendrier électoral : la campagne présidentielle offre une formidable caisse de résonance aux pourfendeurs de l'IVG, qui n'ont jamais désarmé et dont l'hostilité s'exprime de plus en plus ouvertement.

Je récuse toute tentative d'instrumentalisation de cette proposition de loi. Assurer la protection des usagers d'internet et l'accès au droit, tel en est l'unique objet.

Il s'agit d'abord de garantir la fiabilité des informations, sachant que 40 % des hommes et 57 % des femmes de 15 à 30 ans utilisent internet pour s'informer sur leur santé ; 80 % des plus jeunes estiment crédibles les informations qu'ils y recueillent. Internet est la première source d'information pour les femmes confrontées à une grossesse non désirée. Il n'est pas tolérable qu'y sévissent des militants anti-IVG qui avancent masqués, sur des plateformes d'apparence neutre et objective, calquées sur les sites institutionnels. Faux-nez d'une idéologie rétrograde, ces plateformes anti-choix diffusent des informations fausses afin de tromper les femmes, et les décourager d'avoir recours à l'avortement.

Cette mécanique perverse fonctionne à partir de cellules d'écoute animées par des activistes anti-IVG qui prétendent aider et accompagner les femmes mais cherchent en réalité à les culpabiliser, à les induire en erreur et à les faire revenir sur leur décision. Des opérations de testing l'ont démontré.

Chacun est libre d'exprimer son hostilité à l'avortement, mais la liberté d'expression ne saurait se confondre avec la manipulation des esprits. C'est cette duplicité, cette supercherie qui constitue le délit d'entrave.

Depuis 2012, le Gouvernement lutte avec constance pour garantir le droit à l'IVG. Le parcours est pris en charge à 100 % ; nous avons renforcé l'offre de proximité, donné aux sages-femmes la possibilité de pratiquer des IVG médicamenteuses ; les centres de santé sont désormais habilités à réaliser des IVG instrumentales.

La création d'un site officiel, ivg.gouv.fr, l'ouverture d'un numéro d'information anonyme et gratuit, le lancement d'une grande campagne d'information l'an dernier ont sécurisé le droit des femmes à disposer de leurs corps.

Cependant, à la faveur des usages numériques, l'action des militants anti-choix touche de plus en plus de femmes. Les outils juridiques pour combattre cette brèche dans l'information doivent être renforcés pour qu'elle ne devienne pas une faille. C'est l'unique objet de ce texte.

Que les anti-choix se rassurent : cette proposition de loi ne les empêchera pas de continuer à combattre l'IVG, en toute légalité. Il n'est pas question de restreindre la liberté d'expression mais de sanctionner le mensonge et la désinformation.

Le progrès technologique ne doit pas servir à faire reculer les droits des femmes. À l'heure où un vent mauvais se lève, aux États-Unis, en Russie et en Europe, nous devons être à la hauteur de nos valeurs, de notre histoire et de notre engagement.

Le 26 novembre dernier, les députés votaient une résolution qui réaffirmait le droit universel des femmes à disposer librement de leur corps et l'importance de protéger le droit fondamental à l'IVG pour toutes les femmes, en France et dans le monde.

Certains évoquent une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel. Je veux vous alerter : si le Conseil était saisi et venait à censurer cette proposition de loi, ce ne serait pas une victoire de la liberté d'expression, mais bien un point marqué par les anti-IVG. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains).

M. Hubert Falco.  - Vous jugez !

Mme Laurence Rossignol, ministre.  - Pensez-y ! (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et communiste républicain et citoyen)

Mme Stéphanie Riocreux, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - Le Sénat avait adopté le 7 décembre une rédaction remaniée de cette proposition de loi. La CMP réunie le 24 janvier n'a pas abouti. Je le regrette.

Nous aurions pu trouver un compromis pour apporter une réponse à un problème grave et précis qui touche nos concitoyens : l'entrave à l'IVG sur internet.

Depuis, l'Assemblée nationale a pris en compte certains apports du Sénat. Il vise désormais l'ensemble des personnes cherchant à s'informer sur l'accès à l'IVG et non pas seulement les femmes qui vont s'informer dans les centres pratiquant l'IVG. Il procède en outre aux coordinations que nous proposions pour l'application du texte outre-mer.

Cependant, le texte de l'Assemblée nationale vise explicitement l'entrave par voie électronique ou en ligne et rétablit des éléments de caractérisation du délit que nous avions jugé juridiquement inopportuns.

Celui que nous avions adopté en première lecture atteignait l'objectif souhaité en ne changeant qu'a minima le droit en vigueur. Il avait été adopté à une large majorité, à l'issue de débats de qualité. Cette proposition de loi avait ainsi été adoptée au Sénat par 173 voix sur 299. C'est pourquoi j'ai proposé à la commission, le 8 février dernier, de rétablir notre version du texte. Curieusement, je n'ai pas été suivie.

Certains ont considéré que l'échec de la CMP devait marquer la fin de nos débats ; d'autres, que le sujet est trop important pour que nous refusions d'en débattre. La commission n'a adopté ni l'amendement de retour au texte du Sénat, ni le texte de l'Assemblée nationale. En application de l'article 42 de notre Règlement, le débat en séance portera donc sur ce texte dernier.

Un calendrier contraint explique que l'examen du texte en première phase ait été rapide. Depuis, nous avons eu le temps de la réflexion. Le dispositif n'a de sens que s'il s'inscrit dans une politique de santé globale permettant l'égal accès de toutes les femmes à l'IVG.

Malgré les nombreux progrès engagés ces dernières années, le combat pour le droit à l'IVG est toujours d'actualité. Les évènements nous le montrent. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et communiste républicain et citoyen)

M. Jacques Mézard .  - Lors de l'examen en première lecture, le RDSE avait unanimement apporté son soutien au texte du Sénat, texte de modération et de rassemblement.

La question n'est pas de savoir si l'on peut ou non exprimer une opposition à l'avortement sur internet. La liberté d'expression existe dans notre pays. La question posée est celle de l'utilisation des sites d'information qui, sous couvert d'apporter une information à des jeunes femmes en difficulté, ne leur apportent en réalité aucun soutien, voire les trompent sur des décisions graves et douloureuses.

Recourir à l'IVG n'est jamais une solution de facilité. J'étais dans les tribunes lors des débats sur la loi Veil, et je suis de ceux qui considèrent que la liberté individuelle de chaque femme n'est pas négociable. Ceux qui se sont opposés à la contraception se sont opposés ensuite à l'IVG sous le prétexte que la contraception suffisait ; aujourd'hui, ils soutiennent ceux qui diffusent de fausses informations aux jeunes femmes tout en prétendant ne pas remettre en cause le droit à l'IVG, avec les conséquences qu'on connaît. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)

La loi de la République doit être respectée. Notre groupe a toujours défendu la liberté d'expression, de conscience - ou de vote ! Mais face à des manoeuvres délictuelles, il est nécessaire d'intervenir, dans le respect de la liberté d'expression. Je regrette que nos deux assemblées n'aient pas trouvé de consensus, ce texte le méritait.

Nous nous en tiendrons au texte du Sénat et voterons l'amendement qui y revient, en espérant que les députés tiendront compte de notre position. Je souhaite que ma petite fille ait le libre choix de prendre la pilule et de recourir à l'IVG si elle le doit, bref qu'on respecte sa liberté. (Applaudissements à gauche et sur certains bancs du groupe UDI-UC)

Mme Françoise Gatel .  - L'échec de la CMP a mis en évidence l'ambiguïté de ce texte. Notre collègue rapporteure a proposé un amendement pour en corriger la légèreté juridique, jugeant les éléments de caractérisation du délit juridiquement inopportuns, voire contreproductifs.

Madame la ministre, vous aviez accusé la majorité sénatoriale d'user d'un artifice de procédure en refusant d'examiner l'amendement présenté par le Gouvernement au projet de loi Égalité et citoyenneté, totalement hors sujet. Preuve que votre indignation s'égarait, je propose un amendement sanctionnant civilement les excès d'expression incompatibles avec la loi Veil, chère à tous les centristes.

Mme Catherine Génisson.  - Mais votée grâce à la gauche...

Mme Françoise Gatel.  - Notre indignation à nous, sénateurs centristes, porte sur votre silence abyssal sur l'insuffisance de la prévention - insouciance coupable, car elle touche les plus fragiles.

M. Charles Revet.  - Tout à fait.

Mme Françoise Gatel.  - Si l'IVG est un droit, il n'est pas anodin et ne saurait être considéré comme un moyen de contraception.

En 2013, le Haut Conseil à l'égalité a émis un certain nombre de recommandations.

Pourquoi avoir attendu 2015 pour mettre en place un numéro vert ? Pourquoi le site du ministère de la santé n'est-il pas mieux référencé ? Pourquoi allouer si peu de moyens au Planning familial ?

Mme Laurence Rossignol, ministre.  - Quel culot !

Mme Françoise Gatel.  - Pourquoi certaines contraceptions ont-elles été déremboursées ? Pourquoi l'information sur la sexualité n'est-elle dispensée qu'à 25 % des élèves ?

Si ambigüité il y a, elle est plutôt de votre côté, madame la ministre ! (On proteste sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous êtes égale à vous-même : provocatrice !

Mme Françoise Gatel.  - Votre improvisation juridique et votre indignation fait douter de votre véritable intention...

La commission des lois, par la voix de Michel Mercier, a exprimé des doutes sérieux sur la compatibilité du texte avec le droit européen, notamment la directive du 8 juin 2000 et l'article 11 de la Charte de l'Union européenne sur la liberté d'expression.

Je m'interroge. S'agit-il par ce texte de donner un gage politique ? La sanction prévue est un leurre qui se heurte au droit et principes constitutionnels. Vous franchissez sans prudence le Rubicon de la liberté d'expression. Vous ne pouvez pas envoyer quelqu'un en prison pour des propos tenus sur internet, aussi faux soient-ils !

Un sujet aussi grave ne saurait être l'otage d'un texte électoraliste. (Marques d'indignation à gauche). Nommer les choses, ce n'est pas apporter une solution. Le législateur n'est pas un porte-étendard au service d'une communication idéologique. Si dire est utile, faire est essentiel à la crédibilité politique. Pensez-y aussi, madame la ministre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC ; protestations à gauche)

M. Jean-Louis Carrère. - La réaction est en marche !

Mme Corinne Bouchoux .  - L'entrave à l'IVG que nous voulons combattre prend la forme d'une information mensongère diffusée sur des sites internet par des anti-IVG qui avancent masqués pour instiller le doute dans l'esprit des femmes à un moment où elles sont particulièrement fragiles.

Le Haut Conseil à l'égalité dénonçait dès 2013 l'action de ces sites internet frauduleux, parfois mieux référencés que les sites officiels, qui reprennent les codes couleurs et éléments de langage de ces derniers pour donner l'illusion de la fiabilité et n'hésitent pas à diffuser des adresses erronées de sites de centres de planning familial.

La réponse du législateur doit être à la hauteur des enjeux et de nature pénale. Il convient de compléter l'arsenal législatif et transposer au monde numérique l'arsenal législatif existant. La commission des affaires sociales n'a pas adopté l'amendement rétablissant le texte du Sénat : comment l'expliquer, sinon par le contexte électoral ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Retour à l'envoyeur !

Mme Corinne Bouchoux.  - Le texte issu de l'Assemblée nationale rend applicable le délit d'entrave à l'IVG de nature numérique. L'avortement est un droit fondamental, il est de notre devoir d'en garantir l'exercice par tous les moyens. Cinquante ans après la loi Neuwirth, l'amendement voté par la commission des affaires sociales amoindrit ce texte. Il ne s'agit pas d'un combat du passé. Au pays de M. Trump, l'avortement risque d'être remis en cause. Ce serait une régression pour notre pays que de ne pas le défendre. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen, socialiste et républicain et écologiste ; M. Alain Bertrand et Mme Françoise Laborde applaudissent également)

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi soulève de nombreuses interrogations. Nous devons nous prononcer sur le texte de l'Assemblée nationale. Nous regrettons de voir ce texte examiné selon la procédure accélérée. N'est-ce pas là une manoeuvre politicienne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Le Gouvernement aurait pu employer d'autres voies non législatives, agir pour améliorer le référencement des sites officiels sur internet. Sans compter que la procédure n'a pas permis au Conseil d'État de donner son avis.

Mes convictions et ma pratique médicale me conduisent à défendre tout ce que les progrès de la science apportent à la liberté individuelle. Cependant, il faut trouver un point d'équilibre entre le respect des convictions et l'exercice d'un droit : il en va de notre cohésion sociale.

Or il me semble que vous faites l'amalgame entre le fait d'empêcher la pratique de l'IVG et celui de diffuser des informations défavorables à l'IVG. Or il ne s'agit pas d'actes de même nature.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - C'est faux !

M. Alain Milon.  - La jurisprudence de la Cour de cassation admet le délit d'entrave dans un cadre bien défini. Or ce texte ne réprime pas une action physique dans les centres pratiquant l'IVG, mais la diffusion d'informations sur internet. Comment adapter la législation à ces nouvelles pratiques ?

La difficulté est d'autant plus grande que le texte de l'Assemblée nationale contrevient, comme l'a démontré M. Mercier dans son rapport pour avis, aux principes généraux du droit pénal, comme l'objectif d'intelligibilité et le principe de légalité des incriminations, mais aussi à la liberté d'expression, principe constitutionnel.

La liberté d'opinion est clairement définie par le Conseil constitutionnel. Dans sa décision du 11 octobre 1984, celui-ci estime que le législateur ne peut porter atteinte à la liberté d'opinion et d'expression que pour la rendre plus effective ou la rendre compatible avec une autre liberté de valeur constitutionnelle. Ce n'est pas le cas en l'espèce car si l'IVG est un droit, ce n'est pas une liberté constitutionnelle.

Comment prouver que c'est la consultation des sites en question qui a fait renoncer à l'IVG ?

Pourquoi fragmenter le problème plutôt que d'aborder la question dans sa globalité en prenant en compte la numérisation de notre société et la multiplication des canaux d'information ? Lors des débats sur la loi Veil, Eugène Claudius-Petit, qui ne faisait pas mystère de ses convictions, avait dit : « Je lutterai contre tout ce qui conduit à l'avortement, mais je voterai la loi ! » Cette position serait-elle aujourd'hui constitutive d'un délit d'entrave ? À vouloir répondre aux questions de société, par nature transversales et complexes, par des mesures parcellaires, on ne résout rien. L'une des missions du droit est de réguler et pacifier les relations sociales. Ce n'est malheureusement pas le but de ce texte.

L'atteinte insidieuse que vous portez à une liberté fondamentale n'est-elle pas le prélude à d'autres coups de boutoir ? Les bons sentiments ne font pas une politique.

Le législateur doit faire preuve de prudence, préserver un équilibre entre la liberté d'expression et la répression des abus.

Pour ces raisons qui tiennent tant à la forme qu'au fond, le groupe Les Républicains votera majoritairement contre ce texte de circonstance non abouti. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Louis Carrère.  - Et voilà...

Mme Laurence Cohen .  - Si l'on parle d'entrave d'un droit, il faut revenir sur le contexte dans lequel il s'exerce. Depuis la loi Veil, le droit à l'avortement, chèrement acquis, n'a jamais cessé d'être attaqué par les conservateurs et les intégristes religieux qui prétendent exercer leur pouvoir sur le corps des femmes.

À quelques mois de l'élection présidentielle, plusieurs conceptions s'affrontent, dont l'une prône une vision nataliste de la société au nom d'un modèle unique de la famille. Il n'est qu'à voir les affirmations du candidat de la droite qui se dit opposé à l'IVG à titre personnel, en raison de sa foi. N'a-t-il pas voté contre le remboursement de l'IVG en 1982, contre l'allongement à douze semaines en 2001, contre la suppression du délai de réflexion en 2016 ?

En Pologne, en Espagne, la mobilisation nationale et internationale a fait échouer des projets de remise en cause du droit à l'IVG. En Italie, le pape François poursuit son combat contre l'avortement, avec des mots d'une rare violence. Sans parler de Donald Trump qui a affirmé vouloir « punir les femmes » qui pratiquent un avortement illégal et qui a nommé à la Cour suprême William Pryor, qui considère l'avortement comme la « pire abomination de l'histoire des droits ».

C'est pourquoi il faut faire du droit à l'avortement un droit inaliénable. Le bras de fer oppose les partisans de l'émancipation humaine et ceux qui considèrent les femmes comme des mineures.

Nous sommes témoins sur internet d'une entreprise de désinformation. Une femme sur trois a recours à l'IVG au cours de sa vie et aucune, quoi qu'on en dise, ne prend cette décision le coeur léger. La liberté d'information ne peut servir de prétexte pour saboter ce texte. Madame la ministre, chaque femme doit pouvoir exercer son droit à l'avortement sur ce territoire.

Pas moins de 130 centres d'IVG ont fermé au cours des dix dernières années. Entre 3 500 et 5 000 femmes doivent aller à l'étranger pour faire pratiquer une IVG. Il faut améliorer l'information, donner plus de moyens aux associations - en Auvergne-Rhône-Alpes, les subventions au Planning familial ont baissé de 30 %...

Face à l'offensive contre le droit à l'avortement, il est urgent d'inscrire ce droit dans la Constitution. C'est ainsi que l'on mettra fin aux manoeuvres des sites peu scrupuleux.

Je déplore l'échec en CMP car ce sujet méritait un vote consensuel. J'espère que nous serons nombreux à voter le nouvel amendement qui permettra de mieux sanctionner le délit d'entrave, dans l'intérêt des femmes, en évitant toute fragilité juridique. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen, socialiste et républicain et écologiste ; Mme Françoise Laborde applaudit également)

Mme Patricia Schillinger .  - L'échec de la CMP est regrettable. Le texte adopté par le Sénat avait ouvert la voie à un compromis. Nous partageons toutes et tous la conviction que les femmes ont droit à leur libre arbitre pour interrompre une grossesse avant douze semaines. Pourtant, nous ne sommes pas parvenus à un accord, ni à l'Assemblée nationale, ni au sein de notre commission.

L'obstacle porte sur la liberté d'expression, fondamentale car elle est la condition d'exercice des autres libertés, le socle d'une société pluraliste et tolérante, de la démocratie. « Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous puissiez le dire », disait Voltaire.

Les cortèges des pro-life, les prises de position de l'Église peuvent choquer, mais sont la manifestation de la liberté d'expression et de conscience. Protégés par le droit constitutionnel et européen, la proposition de loi ne les remet pas en cause.

En revanche, il faut agir contre l'intimidation, la duperie, la violence psychologique, voire le harcèlement de certaines femmes via l'utilisation de sites internet mensongers. Pour les militants qui se cachent derrière eux, il n'y a pas de Voltaire qui tienne : leurs convictions doivent triompher !

Les tribunaux l'ont rappelé : lorsque des militants anti-IVG empêchent l'accès aux centres IVG, ou intimident le personnel, il ne s'agit ni de liberté d'expression, ni de liberté de conscience, mais de pressions psychologiques ou de violences morales - on a vu des militants distribuer des chaussons de bébés dans les centres pratiquant l'IVG...

Ces techniques ont migré vers internet et les plateformes téléphoniques. Notre droit doit s'adapter à ces nouvelles pratiques.

Les éléments constitutifs du délit d'entrave ne sont pas remis en cause. Le texte de l'Assemblée nationale indique que la diffusion d'informations pour induire en erreur sur les conséquences d'une IVG sera considérée comme un délit d'entrave si, et seulement si, elle conduit à empêcher l'accès au centre d'IVG ou constitue une menace, une violence morale ou psychologique. Certains d'entre vous craignent que le chapeau du nouvel article L. 2232-2 soit appliqué indépendamment de cette condition stricte. C'est pourquoi le groupe socialiste et républicain propose un aménagement au texte de l'Assemblée nationale.

Dans un souci de compromis, l'amendement socialiste vise à lever toute source d'incompréhension, afin que nous puissions adopter un texte issu de nos réflexions croisées, auquel Mme la rapporteure aura également beaucoup contribué, autour de fortes convictions sur le droit des femmes.

Le groupe socialiste et républicain votera cette modification de notre droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et communiste républicain et citoyen)

Mme Maryvonne Blondin .  - Un vent mauvais souffle sur le droit des femmes dans le monde. L'obscurantisme et l'extrémisme menacent en particulier leur droit à disposer de leur corps et à maîtriser leur fécondité. Les attaques répétées contre ce droit, dans de nombreux pays, me révoltent. Elles m'évoquent le supplice du garrot espagnol : serrer et contraindre jusqu'à étouffer. À l'automne dernier, le gouvernement polonais a tenté de revenir sur le droit à l'avortement. Le premier décret de Donald Trump a interdit les financements publics d'ONG soutenant le droit à l'avortement. Un arrêt récemment rendu dans l'Arkansas, où ce droit existe pourtant depuis 1973, autorise les hommes à poursuivre des femmes pour avoir avorté. En Russie, ce droit est remis en question au nom de la tradition - mais quelle tradition ? (M. Roland Courteau approuve) En Espagne, un projet de loi anti-IVG en 2013 a été battu en brèche par une mobilisation massive. En Pologne, le gouvernement conservateur a dû renoncer à ses velléités, grâce en particulier à l'action de l'association Sauvons les femmes, qui a reçu pour cela le prix Simone de Beauvoir.

Ce texte s'inscrit dans la continuité des combats qui ont abouti à la reconnaissance du droit à l'IVG. Controns les sites qui le remettent insidieusement en cause, avec des arguments nauséabonds : on y prétend que l'avortement est utilisé comme un moyen de contraception.

Ce texte ne fait qu'étendre le cadre légal de l'entrave aux nouvelles technologies de l'information. Chaque atteinte aux droits des femmes est un recul pour la société tout entière. Je vous invite à voter la rédaction proposée par Stéphanie Riocreux. Comme nous y invite Simone de Beauvoir, soyons vigilantes durant toute notre vie car les femmes sont la cible privilégiée dans les moments de crise, quelle que soit la nature de celle-ci. (Applaudissements à gauche)

Mme Laurence Rossignol, ministre .  - Pour répondre à Mme Gatel, la prévention doit porter, avant tout, sur les grossesses non désirées. (Applaudissements à gauche) Nous y travaillons.

Mais les mêmes réactionnaires hostiles à l'IVG s'opposent à ce que l'on évoque la sexualité à l'école. (Applaudissements sur quelques bancs à gauche) En Rhône-Alpes ou à Amiens, on a récemment supprimé les subventions au Planning familial. (M. Roland Courteau renchérit) Nous les avons augmentées au niveau national de 28 % dans la dernière convention pluriannuelle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

Quant aux visées électorales, ce n'est pas nous qui avons mis l'IVG dans le débat... Ce n'est pas le candidat que je soutiens.

Plusieurs voix à droite.  - Qui est-ce ?

Mme Laurence Rossignol, ministre.  - C'est le candidat Fillon qui a menti sur ses positions à propos de l'IVG, prétendant qu'il avait voté « toutes les lois sur l'IVG depuis 1981 »...

M. Ladislas Poniatowski.  - Cessez ces propos de campagne électorale ! (M. Rémy Pointereau renchérit)

M. Jean-François Rapin.  - Vous n'êtes pas en meeting !

Mme Françoise Gatel.  - Et ce n'est pas le sujet.

Mme Laurence Rossignol, ministre.  - Il faut que les femmes sachent qui défend le droit à l'IVG et qui le combat. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

ARTICLE UNIQUE

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme Gatel et MM. Canevet, Bonnecarrère, Longeot, Kern, Cigolotti, Médevielle, D. Dubois, Guerriau, Gabouty, Capo-Canellas, L. Hervé, Raison, Kennel, Luche et Genest.

I.  -  Rédiger ainsi cet article :

Après l'article L. 2223-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 2223-2-..., ainsi rédigé :

« Art. L. 2223-2-... Engage sa responsabilité civile toute personne physique ou morale qui crée un dommage à autrui, en diffusant ou transmettant publiquement par voie électronique, des allégations de nature à induire manifestement autrui en erreur, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d'une interruption volontaire de grossesse.

« Le juge peut, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures propres à faire cesser le comportement illicite. Ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé.

« L'action en justice appartient à toute victime de ces allégations, ainsi qu'à toute association régulièrement déclarée depuis cinq ans à la date des faits, ayant, en vertu de ses statuts, vocation à défendre ou assister les femmes, qui en sont les destinataires. »

II.  -  En conséquence, rédiger ainsi l'intitulé de la proposition de loi :

Proposition de loi relative à la lutte contre les propos intentionnellement trompeurs tenus par voie électronique touchant à l'interruption volontaire de grossesse

Mme Françoise Gatel.  - Je ne crois pas être réactionnaire en défendant mon amendement. (Rires sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) Madame la ministre, vous glissez sur un terrain pervers. Ce n'est pas bien. (Protestations à gauche, applaudissements sur quelques bancs à droite) On ne peut soumettre aux mêmes peines une entrave physique et une expression libre sur un support numérique. Vous êtes en train de créer un délit de presse et d'opinion, contraire aux textes français et européen. On ne saurait mettre en prison des gens pour une expression sur des sites librement consultables. Respectons le principe de proportionnalité et plaçons le délit, de façon raisonnable et pertinente, sur un registre civil. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe socialiste et républicain.

Rédiger ainsi cet article :

La deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifiée :

1° Le dernier alinéa de l'article L. 2223-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

«  -  soit en exerçant, par tout moyen, des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d'intimidation à l'encontre des personnes cherchant à s'informer sur une interruption volontaire de grossesse, des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans les établissements mentionnés au même article L. 2212-2, des femmes venues y subir une interruption volontaire de grossesse ou de l'entourage de ces dernières. »

2° Le 3° de l'article L. 2431-1 est complété par les mots : « et les mots : "au même article L. 2212-2" sont remplacés par les mots : "au deuxième alinéa du présent article" » ;

3° Le 3° de l'article L. 2446-3 est ainsi rédigé :

« 3° L'article L. 2223-2 est ainsi modifié :

« a) Au deuxième alinéa, les mots : "mentionnés à l'article L. 2212-2" sont remplacés par les mots : "de santé autorisés par la réglementation à pratiquer des interruptions volontaires de grossesse" ;

« b) Au dernier alinéa, les mots : "au même article L. 2212-2" sont remplacés par les mots : "au deuxième alinéa du présent article". » ;

4° Les articles L. 2446-2 et L. 2423-2 sont ainsi modifiés :

a) Au début, est ajoutée la mention : « I.  -  » ;

b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II.  -  L'article L. 2223-2 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n°         du         relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse. »

Mme Patricia Schillinger.  - Le texte actuel ne vise que les violences sur les personnes présentes dans les établissements de santé qui pratiquent l'IVG, non les pressions et menaces constitutives d'un délit d'entrave sur les réseaux électroniques. Nous corrigeons cela et procédons à des coordinations pour l'application outre-mer.

Mme Stéphanie Riocreux, rapporteure.  - En première lecture le Sénat a rejeté l'amendement n°2 rectifié, en commission et en séance publique. Les termes du débat n'ont pas changé ; pourtant ce matin la commission a émis un avis favorable... Je ne suis pas sûre que nos débats aient été clairs. Si l'amendement a été rejeté en décembre dernier, c'est que la proposition de loi ne crée pas un délit nouveau, ni ne change la peine pénale. La rédaction du Sénat était parfaitement conforme à la Constitution et au droit européen. Je suis donc pour ma part défavorable à l'amendement de Mme Gatel.

L'amendement n°1 rectifié bis reprend le texte du Sénat en première lecture tout en procédant aux coordinations nécessaires pour l'outre-mer. J'y suis favorable personnellement, mais la commission des affaires sociales y a donné aujourd'hui un avis défavorable.

Mme Laurence Rossignol, ministre.  - Avis défavorable à l'amendement n°2 rectifié. Il n'est pas opportun d'abandonner le terrain pénal et de complexifier le droit. Avis favorable à l'amendement n°1 rectifié bis, en cohérence avec nos discussions.

Mme Évelyne Yonnet.  - L'amendement n°2 rectifié crée une nouvelle procédure alors que le texte étend simplement le délit d'entrave existant. Il ne convient pas de juxtaposer procédure civile et pénale. Notre groupe votera contre.

Mme Corinne Bouchoux.  - Nous ne pouvons voter l'amendement n°2 rectifié. Pourquoi la vérité d'il y a quatre mois serait-elle caduque aujourd'hui ? Comment expliquer au public le détricotage du consensus élaboré pas à pas ? Le bicamérisme est important, le Sénat est important, ne marquons pas de buts contre notre camp... (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Génisson.  - Je m'associe aux propos de Mme Bouchoux et je rappelle qu'en première lecture, la Haute Assemblée avait opposé à l'amendement de Mme Gatel 271 votes contre - seulement 36 votes pour. N'agissons pas contre notre camp.

M. Roland Courteau.  - Tromper, désinformer, mentir pour imposer une grossesse à une femme qui n'en veut pas, c'est une violence. Le texte remettrait en cause la liberté d'expression ? Mais on n'a pas le droit de désinformer ni d'exercer des pressions au prétexte que l'on est contre l'IVG ! Cela restreint un droit des femmes. On pénalise le racisme, la discrimination, et l'on ne pourrait faire de même à l'égard de telles actions trompeuses et manipulatrices ? Il faut lutter contre l'activisme régressif du camp du recul. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Bertrand.  - Très bien !

Mme Françoise Gatel.  - J'ai déjà proposé cet amendement. Il n'est pas question de régression. Nul ne saurait être juge de la moralité ni de la bien-pensance. Vous êtes en train de toucher à la liberté de la presse (Protestations) C'est précisément ce que vous nous avez reproché il y a quelques mois ! (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Je m'élève contre les amalgames entre la liberté d'expression et l'entrave à l'accès à une information honnête. L'avortement, je le rappelle, n'est jamais une décision prise à la légère.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - On le sait !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Notre groupe votera comme les collègues de la gauche de l'hémicycle qui se sont exprimés : il partage leurs analyses. (Applaudissements à gauche)

À la demande des groupes Les Républicains et UDI-UC, l'amendement n°2 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°98 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 319
Pour l'adoption 40
Contre 279

Le Sénat n'a pas adopté.

(Applaudissements à gauche)

M. Alain Milon, président de la commission.  - Le groupe Les Républicains, dans sa majorité, votera contre l'amendement n°1 rectifié bis. Il reprend l'amendement de la rapporteure en première lecture, que notre commission, certes, avait voté. En dépit des apparences, notre position est pourtant cohérente. Car la rédaction du Sénat a subi un rejet cinglant en CMP. Nous pourrions la voter à nouveau : à l'évidence elle ne serait pas reprise par l'Assemblée nationale.

Mme Laurence Rossignol, ministre.  - En êtes-vous certain ?

M. Alain Milon, président de la commission.  - Je vous en prie, madame la ministre...

Allons jusqu'au bout en rejetant l'amendement de Mme Schillinger, pour voter ensuite contre le texte de l'Assemblée nationale et manifester ainsi notre désaccord. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains)

M. Jacques Mézard.  - Je regrette, avec M. Milon, que l'Assemblée nationale ait refusé le compromis. Mais le Sénat doit continuer à exprimer son sentiment, comme en première lecture. (M. Roland Courteau renchérit) Je le dis au nom de mon groupe : je ne me vois pas changer d'opinion. Réaffirmons notre position, avec ou non l'espoir que l'Assemblée nationale soit sensible à nos arguments. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, sur quelques bancs des groupes écologiste, socialiste et républicain)

Mme Catherine Génisson.  - Nous avons le droit d'être nous-mêmes et de persévérer dans notre vote. (Applaudissements à gauche)

M. Gérard Roche.  - L'amendement de Mme Gatel était un amendement de compromis. Mais il nous appartient d'envoyer un message clair à la population : il n'est pas normal d'imposer, sous le prétexte de donner des conseils médicaux, ses convictions profondes - qu'au reste on a le droit d'avoir. C'est une escroquerie intellectuelle et il convient de lutter contre elle. Votons l'amendement de Mme Schillinger. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

Mme Laurence Cohen.  - Je me félicite que le Sénat soit fidèle à ses convictions. Mme Gatel l'a été et je respecte sa position. Son amendement a été rejeté en commission. Que le Sénat assume jusqu'au bout sa position vis-à-vis de l'Assemblée nationale. Cette proposition de loi doit passer dans l'intérêt des femmes. Sanctionner les sites mensongers qui sèment le désarroi est indispensable. Votons l'amendement n°1 rectifié bis et mettons l'Assemblée nationale face à ses responsabilités. (Applaudissements à gauche)

Mme Corinne Bouchoux.  - Malgré nos désaccords, je salue les interventions de Mme Gatel, courageuses dans une époque de pensée unique. Merci aussi à notre rapporteure pour son travail d'équilibrisme. Je suis souvent d'accord avec le président Milon, mais voter pour l'amendement de Mme Schillinger, c'est voter pour le Sénat, quand le bicamérisme subit des ignominies jusque dans la presse de qualité...

Le Sénat doit se montrer plus constructif que l'Assemblée nationale. Nous voterons l'amendement n°1 rectifié bis et invitons nos collègues à faire de même. (Applaudissements à gauche)

M. Olivier Cadic.  - Chaque liberté gagnée doit être défendue. Souvenons-nous de ceux qui se sont battus pour la liberté. Ceux qui veulent l'entraver méritent d'être combattus. (M. Jean-Louis Carrère applaudit)

L'Assemblée nationale doit se prononcer sur le texte du Sénat. (Applaudissements à gauche)

Mme Patricia Schillinger.  - Les femmes attendent du législateur une réponse ferme, cinquante ans après la loi Neuwirth qui ouvrait une nouvelle ère dans la condition des femmes, où les grossesses non désirées ne les menaceraient plus.

Françoise Héritier rappelait dans Masculin-Féminin que pour 90 % des femmes, le plus grand évènement du XXe siècle est l'arrivée de la contraception, alors que pour les hommes, c'est la conquête spatiale. Peut-être venons-nous vraiment de planètes différentes, après tout... Quoi qu'il en soit, essayons ensemble de conforter les droits des femmes.

Merci à M. Roche de son soutien. Soyons constants et votons cet amendement. (Applaudissements à gauche)

Mme Laurence Rossignol, ministre.  - Je n'imagine pas que le Sénat ait changé d'avis, ni qu'il ait eu à un moment ou un autre un vote tactique. En première lecture, il a rendu un vote de conviction. Je m'engage, si le Sénat maintient sa position... (Rires à droite) à tout faire pour que l'Assemblée nationale adopte la rédaction votée par votre Assemblée.

M. Charles Revet.  - Vous nous demandez de croire au père Noël !

Mme Laurence Rossignol, ministre.  - J'y mettrai toute ma parole et toute mon obstination. (Applaudissements à gauche)

M. Charles Revet.  - Pourquoi ne pas l'avoir fait en première lecture ?

M. Alain Milon, président de la commission.  - Je connais la force de conviction de la ministre, mais je connais aussi la majorité de l'Assemblée nationale...

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°1 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°99 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 317
Pour l'adoption 171
Contre 146

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à gauche ; Mmes Valérie Létard et Chantal Jouanno, MM. Daniel Dubois et Jean-Marc Gabouty applaudissent également)

La proposition de loi est adoptée.

La séance est suspendue à 16 h 15.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 16 h 45.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement, retransmises sur Public Sénat, sur France 3 et sur Facebook. Chacun s'efforcera de respecter son temps de parole.

Suppression de postes de fonctionnaires

M. Alain Bertrand .  - J'ai deux explications à demander au Gouvernement. J'aurais aimé que le Premier ministre me réponde en personne car l'affaire est d'importance. (M. Henri de Raincourt ironise)

On a créé des postes à l'Éducation nationale, dans la police, très bien. En Lozère, à la Direction des finances publiques, on va nous supprimer onze postes pour 75 000 habitants. Onze postes aussi dans l'Hérault, qui compte 1,2 million d'habitants... Le rabot doit-il passer au décuple ? Les maisons de service public - où il y a très peu de services publics - ne servent-elles pas à masquer la disparition de ces services dans les départements. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

Mme Laurence Cohen.  - Et voilà !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre .  - Une telle manifestation d'amitié et d'empressement justifie que je vous réponde moi-même. (Sourires)

Quelle que soit notre appartenance politique, nous sommes tous dans l'obligation de redresser nos comptes, ce qui nécessite un effort de maîtrise des effectifs dans la fonction publique. Nous avons cependant réussi à réduire le déficit de l'État tout en créant des postes là où il y avait des priorités : 9 000 dans la police et la gendarmerie, pour faire face à des formes de violences nouvelles.

Dans les préfectures et sous-préfectures, 2 700 postes ont été supprimés entre 2007 et 2012, ce qui équivaut à la fermeture de douze préfectures. Le programme Préfectures nouvelle génération y réinjecte des effectifs nouveaux, y compris en Lozère, où je me suis récemment rendu. Nous créons aussi un millier de maisons de service public, dans les territoires menacés de désertification, notamment pour apporter un service de poste et de gendarmerie.

Vous rentrerez, j'en suis convaincu, rasséréné dans votre département. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Bertrand.  - Vous pouvez aussi délocaliser de grandes écoles. La fonction publique dans la ruralité en est un squelette ! Quelle que soit la nouvelle majorité - et j'espère que ce sera la même - elle devra aborder cette question.

Nucléaire en France

M. Ronan Dantec .  - Ma question s'adresse à Mme Royal, présente aujourd'hui au banc du Gouvernement. (Exclamations à droite). L'incendie de Flamanville, le troisième incident sur un site nucléaire français en dix jours, rappelle que le risque zéro n'existe pas dans nos installations vieillissantes. On ne sait pas ce que sont devenus les noyaux fondus qui ont percé la dalle de béton à Fukushima dégageant, d'après l'opérateur Tepco lui-même, assez de radiations dans le réacteur pour tuer immédiatement qui s'y aventurerait.

En France, comme à l'étranger, l'échec économique du nucléaire est patent, avec un résultat net courant en baisse de 15 % et un cash-flow négatif de 1,6 milliards d'euros pour EDF. Pour Jean-Bernard Levy, ce serait en raison de la surproduction et de la baisse du marché, et il a demandé une nouvelle hausse de tarif. Avec votre liberté de ton coutumière, pouvez-vous nous dire si vous êtes d'accord avec M. Lévy ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat .  - Le Gouvernement a mis en place une réforme que l'on disait impossible. Les prix ne sont plus seulement issus des calculs des coûts d'EDF, mais prennent en compte les prix du marché : ils ont donc baissé de 0,5 % pour les particuliers et de 1,5 % pour les artisans. Nous serons très attentifs aux hausses des prix.

Nos efforts pour la transition énergétique portent leurs fruits. Les raccordements à l'éolien ont augmenté de 45 % en 2016. C'est grâce aux énergies renouvelables, dont la production équivalait à celle de six centrales nucléaires, que nous n'aurons pas eu de coupures d'électricité pendant le pic de froid, alors que neuf centrales nucléaires étaient à l'arrêt. Le mouvement est en marche. (Rire et brouhaha, à droite) Il est irréversible. (Applaudissements à gauche)

Suppression de postes à EDF

Mme Annie David .  - À l'heure où la question de la sécurité nucléaire se pose avec acuité, où nombre de nos concitoyens sont privés d'électricité et où les agents d'EDF sont sur le pied de guerre, la direction d'EDF se prépare après 2 000 suppressions de postes cette année, à un plan de 5 000 suppressions d'emploi qui n'épargneraient aucun secteur.

EDF doit avoir les moyens d'assurer le service de fourniture en électricité dans la durée. Elle doit être le pivot de la transition énergétique.

Quand l'État jouera-t-il son rôle de stratège de notre approvisionnement et la conservation de notre savoir-faire ?

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire .  - Je salue le travail remarquable des agents d'EDF notamment lorsque la situation est difficile. Il ne s'agit pas de licencier quiconque, mais d'inciter au départ à la retraite et de ne pas remplacer certains départs à la retraite. EDF continuera à recruter : 1 500 salariés en 2017, 1 000 en 2018.

Le Gouvernement soutient l'effort fourni par l'entreprise, notamment le plan sur les énergies renouvelables. Un programme d'investissement de 4 milliards d'euros est rendu possible par une augmentation de capital, dont 3 milliards sont financés par l'État. EDF s'est engagée à maîtriser ses investissements et à céder des actifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Annie David.  - Je ne vous ai pas parlé de licenciements mais bien de 5 000 suppressions de postes. Comment EDF pourra, dans ces conditions, jouer son rôle important dans la transition énergétique, que Ségolène Royal rappelle elle-même ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Violences urbaines (1)

M. Dominique Bailly .  - Des violences urbaines ont à nouveau éclaté en région parisienne. Elles sont inacceptables. L'ordre républicain doit être rétabli, et je salue l'action du Gouvernement. Rétablir le lien de confiance entre police et citoyens, sans céder aux casseurs ni à l'extrême droite, est indispensable.

Le jeune Théo a montré un sens des responsabilités dont certains devraient s'inspirer. La reconstruction de la confiance entre la police et les citoyens sera longue. Il est urgent de rétablir la sécurité dans les banlieues. Comment y parviendrez-vous ? (Applaudissements à gauche)

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre .  - Quand les événements sont graves, il faut énoncer des principes clairs et fermes.

Aucune violence ne saurait être tolérée. Nous avons été interpellés sur les événements de l'autoroute A1 ou de Moirans ; à chaque fois, nous avons répondu que la justice passerait.

M. Pierre Charon.  - Quelle indécence !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre.  - À chaque fois, les responsables ont été interpellés et poursuivis. Je rends hommage au travail des forces de police. Quand on est républicain, au lieu de créer une polémique par jour, on réaffirme son attachement au droit et on rend hommage à la police. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Tout geste déplacé qui remet en cause les principes déontologiques de la police entraîne une saisine de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN). Là aussi, la justice passera.

Troisième principe : si on est attaché à l'autorité de l'État et à la sécurité des Français, on ne peut pas passer un quinquennat à désarmer les forces de police. (Applaudissements à gauche ; vives protestations à droite)

M. Alain Fouché.  - Un peu de décence !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre.  - Nous avons renforcé les effectifs, pour la sécurité et l'État de droit.

Enfin, quand l'extrême droite est à ce niveau, (les protestations redoublent) on réaffirme les principes républicains ! (Applaudissements à gauche)

Violences urbaines (2)

Mme Valérie Létard .  - Monsieur le Premier ministre, il y a dix jours, commençait l'affaire Théo ; la justice doit faire très rapidement la lumière sur ce qui s'est passé. Les scènes de violence urbaine inquiètent nos concitoyens. La manifestation de dimanche à Bobigny était légitime, les débordements inacceptables. Dès lors que des casseurs risquaient de s'infiltrer dans la manifestation, quel dispositif avez-vous mis en place ? Quels moyens ont été mis en oeuvre pour parer aux débordements, pour protéger le Palais de justice de Bobigny et les abords de la manifestation ? Quelle anticipation ? Comment, à l'avenir, ferez-vous pour éviter de telles violences ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur .  - Je comprends les manifestations de solidarité. Il y a un droit à manifester si la manifestation est pacifique. En Seine-Saint-Denis, depuis le 4 février, 2 700 personnels ont été mobilisés. Sur internet, il y a des appels au rassemblement pour aller casser du policier, piller et mettre le feu. Nous ne le tolérerons pas. Quarante-huit personnes ont été déférées, deux ont été condamnées à de la prison ferme, cinq au sursis, trois à des travaux d'intérêt général.

À ce jour, sur le territoire national, 71 interpellations ont débouché sur 68 gardes à vue, un écrou avec un an ferme, 7 mises en examen, 17 gardes à vue. Je veux redire ma confiance aux forces de sécurité. Nos concitoyens ont le droit de manifester, mais nous ne tolérons pas les débordements. (On en doute, à droite ; on applaudit sur les bancs du groupe socialiste et républicain ainsi que du RDSE)

Mme Valérie Létard.  - Faites tout pour que nos concitoyens soient rassurés et aient confiance en l'État. Anticipez ! (Applaudissements au centre et à droite)

Violences urbaines (3)

Mme Caroline Cayeux .  - Dans la nuit de dimanche à lundi, plus de cinquante incidents recensés : forces de l'ordre prises à partie, bâtiments dégradés. Les forces de l'ordre sont dans le collimateur des émeutiers.

Voilà cinq ans que vous êtes au pouvoir. La situation ne cesse de se dégrader. (On proteste à gauche) On dépense des milliards d'euros et toujours plus d'effectifs : voilà ce que vous demandez. Or 10 000 policiers cantonnés aux tâches administratives rêvent d'aller sur le terrain. (On ironise à gauche)

Quand cesserez-vous de pleurer sur les moyens perdus ?

M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur .  - Je ne pleure pas sur les moyens perdus car le Gouvernement les a rendus à la police. (On ironise à droite)

En 2005, vous aviez dû subir des émeutes urbaines pendant plusieurs dizaines de jours sans pouvoir y mettre fin... Je ne veux pas être le ministre de l'intérieur qui attise le feu.

MM. Philippe Kaltenbach et Alain Bertrand.  - Très bien !

M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur.  - Vous ne pouvez pas saluer les services de renseignement le vendredi pour la lutte contre le terrorisme et les critiquer le lundi pour avoir insuffisamment prévu les débordements. De la cohérence, de l'anticipation, voilà ce qu'il nous faut. Vous aviez désorganisé le renseignement (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains) ; nous l'avons réimplanté.

La délinquance est inférieure en 2017 sur chacune des rubriques qui la concernent à ce qu'elle était en 2012. (Protestations à droite)

M. Roger Karoutchi.  - C'est faux!

M. Bruno Le Roux, ministre.  - La sécurité a changé de camp. Vous en étiez les chantres en 2012 ; vous en avez été les fossoyeurs.

Mme Caroline Cayeux.  - Votre réponse marque l'échec de ce quinquennat. Il faut une action beaucoup plus soutenue. (Applaudissements à droite)

Relation franco-allemande

M. Michel Boutant .  - En ce jour de la Saint Valentin, je vous parlerai du couple franco-allemand. Le monde est dans l'incertitude : États-Unis, Russie, Turquie, bande sahélo-saharienne... L'Europe, qui pourrait être un pôle de stabilité, est paralysée par la peur.

Vous étiez à Berlin il y a quelques heures, monsieur le Premier ministre. Nos relations, depuis le traité de l'Élysée, sont étroites. Qu'en est-il de nos échanges, en particulier économiques ? De la politique migratoire ? La coopération entre les services de renseignement a-t-elle évolué depuis les attentats ? Qu'en est-il du pacte de sécurité commune, qui a vocation à jeter les bases d'une Europe de la défense ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre .  - Les entretiens que j'ai eus tout à l'heure à Berlin ont mis en évidence la gravité du moment : la menace terroriste sème l'effroi, la division et la peur. Le président des États-Unis se fixe comme objectif de démanteler le projet européen. Nous avons aussi évoqué la bande sahélienne, la Turquie, la Russie.

Pour que le projet européen soit la réponse pertinente, nous avons, avec la Chancelière, évoqué quatre protections.

Contre le terrorisme d'abord, avec Frontex et le développement du système d'information Schengen et son interconnexion avec d'autres fichiers. Ensuite, protéger le modèle social et économique des citoyens européens en luttant contre le détachement non régulé des travailleurs. Troisièmement, la défense européenne. Enfin, le rehaussement du financement du plan Juncker, pour développer des projets qui donnent aux peuples d'Europe une envie d'Europe.

C'est ma dernière intervention devant vous - pour cette législature... - et je tiens à dire combien j'ai apprécié votre pondération et la qualité de votre travail législatif. (Applaudissements unanimes)

M. le président.  - Le sentiment est partagé.

Finances

M. Michel Raison .  - J'ai lu dans Les Échos que, selon le commissaire Pierre Moscovici, il faudrait se libérer de la menace de l'endettement et de la menace d'une remontée des taux.

Or le déficit avoisine encore les 3 %. La faible croissance en est la cause : 1,1 % en 2016, contre 3,2 % en Espagne, 1,9 % en Allemagne et 1,7 % dans la zone euro. La dette est à 96 % du PIB contre 68,2 % en Allemagne.

Quand rééquilibrerez-vous les comptes publics ?

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire .  - La Cour des comptes, comme c'est son rôle, a apporté ses observations au Gouvernement. Vous évoquez le déficit public. Il sera à la fin de ce quinquennat de 69 milliards d'euros ; il était à la fin du précédent, de 150 milliards d'euros... (Protestations à droite)

Sous ce quinquennat, la dette a augmenté de 8 %, mais de 25 % sous le précédent... Vous avez augmenté les dépenses publiques de 170 milliards, alors que nous avons divisé par trois sa croissance...

M. Alain Fouché.  - C'est faux !

M. Philippe Dallier.  - Allons bon !

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État.  - Et je ne parle pas de l'équilibre retrouvé des comptes de la sécurité sociale... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Philippe Dallier.  - Du grand art !

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est l'arroseur arrosé !

M. Michel Raison.  - Le Premier président de la Cour des comptes est plus pédagogue que M. Moscovici. Un pays qui veut se redresser doit avoir le courage de faire les réformes de structure. J'espère que le président élu en 2017 sera celui qui aura ce courage. (Applaudissements à droite et sur une partie des bancs au centre)

Déradicalisation

Mme Catherine Troendlé .  - Le mois de juillet 2016 restera tristement célèbre pour les deux attentats qui ont été perpétrés sur notre territoire.

Le centre de déradicalisation à Pontourny cumule de grands défauts. Les objectifs d'accueil n'ont jamais été atteints. Je m'y suis rendue récemment, il n'y avait plus qu'un seul pensionnaire pour 25 salariés employés - il est désormais parti lui aussi.

Et vous prévoyez d'avoir douze autres centres pour 2,5 millions d'euros de fonctionnement. Tirerez-vous les conséquences de cet échec ? (Applaudissements à droite)

M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur .  - Dans l'attentat déjoué vendredi dernier, à Montpellier, une jeune fille de seize ans qui figurait dans nos fichiers était impliquée... On recense 1 200 jeunes qui doivent être déradicalisés. Nous y travaillons en collaboration avec les élus départementaux que je salue. Le centre de Pontourny fonctionnait sur une approche pluridisciplinaire sans obligation pour les jeunes d'y rester. Peut-être faudra-t-il revoir la méthode.

Les élus ont demandé un moratoire. Il n'y a eu aucun problème posé par les jeunes pris en charge dans ce centre. Aucun des jeunes qui y sont passés n'a d'ailleurs causé le moindre problème à l'entourage du centre. Plutôt que de polémiquer, échangeons sur la déradicalisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Catherine Troendlé.  - Qu'allons-nous faire de ce centre qui nous coûte tant pour rien ? Quant à la déradicalisation, notre commission des lois se saisira du sujet la semaine prochaine.

Canne à sucre guadeloupéenne

M. Jacques Cornano .  - À quelques jours du démarrage de la récolte, les planteurs de canne à sucre de Marie-Galante sont dans l'incertitude. L'État subordonne le versement d'une subvention d'1,6 million d'euros au respect de certaines normes environnementales. L'avenir de Marie-Galante, qui a vu sa population passer de 30 000 habitants en 1960 à moins de 12 000 aujourd'hui, est suspendu à cette subvention. Madame la ministre, autorisez son déblocage pour éviter une crise économique et une explosion sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer .  - La canne à sucre est en effet une activité vitale pour Marie-Galante et l'État la soutient. Compte tenu des contraintes, les défis économiques et environnementaux auxquels la sucrerie doit faire face sont importants. La constitution de la centrale bagasse-biomasse devrait l'alimenter. La chaudière de la sucrerie doit être remplacée. Je suis convaincue que le projet de centrale thermique d'Albioma peut trouver sa place. L'État versera le 1,6 million dès qu'un accord sera trouvé sur le terrain. Nous l'attendons dans les prochains jours. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jacques Cornano.  - Je souhaite que tous les partenaires se rencontrent, et pas seulement les collectivités. C'est ainsi que nous parviendrons à un consensus.

Fermeture de la centrale de Clairvaux

M. Philippe Adnot .  - Dans l'Aube, nous constatons une contradiction formelle entre la volonté de construire de nouvelles places de prison - à un horizon de huit à dix ans - et la fermeture immédiate de Clairvaux, alors que nous connaissons tous le scandale de la surpopulation carcérale. Au nom de Bar-sur-Aubois, nous avons demandé des explications. La seule réponse que nous ayons obtenue est l'accélération d'un permis de démolir qui porte sur une ancienne bâtisse et une autre en très bon état ! Les candidats à l'élection présidentielle nous ont confirmé vouloir suspendre votre décision. Allez-vous nous placer devant le fait accompli ?

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Le 27 avril dernier, le garde des sceaux a annoncé la fermeture de Clairvaux : failles de sécurité, coût exorbitant de fonctionnement, isolement, bâtiments vétustes. Tout a conduit à cette décision logique. Remarquons tout de même que la surpopulation carcérale ne touche pas les maisons centrales : celles-ci n'ont que 76 % d'occupation, à la différence des maisons d'arrêt.

J'entends votre inquiétude et celle des habitants d'une région souffrant déjà de désindustrialisation. Tous les agents qui le souhaiteront seront reclassés dans l'établissement de leur choix en France métropolitaine et bénéficieront d'une prime de 12 000 euros à 15 000 euros.

Un sous-préfet a été nommé pour accompagner cette transition, avec trois missions : atténuer les incidences de la fermeture, dynamiser la vie économique du bassin d'emploi, accompagner les membres du personnel dans leurs démarches.

M. Philippe Adnot.  - Votre sous-préfet est venu, il n'a aucun moyen et ne propose rien. Vous dites que c'est en mauvais état. J'ai montré au président de la République cette photo d'un bâtiment sur un site classé. (M. Philippe Adnot brandit une photo). Elle atteste que c'est faux ! Avant de créer des places, on en détruit qui sont pourtant de très bonne qualité. Laissez cette décision à vos successeurs !

La séance est suspendue à 17 h 45.

présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président

La séance reprend à 18 heures.

Avis sur une nomination

M. le président.  - Par lettre en date du 14 février 2017, M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître, conformément à la loi organique du 23 juillet 2010 et en application de l'article L.O. 567-9 du code électoral, l'avis de la commission des lois sur le projet de nomination, par M. le président de la République, du président de la commission prévue au dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution.

Cette demande d'avis a été transmise à la commission des lois.

Création de l'Agence nationale de santé publique et diverses dispositions relatives aux produits de santé (Conclusions des CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions des commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions sur les produits de santé et sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 14 avril 2016 portant création de l'Agence nationale de santé publique et modifiant l'article 166 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires .  - Les deux CMP réunies le 17 janvier dernier au Sénat ont abouti à un accord.

S'agissant de l'ordonnance simplifiant les procédures mises en oeuvre par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et comportant diverses dispositions sur les produits de santé, restait en discussion l'article 2 relatif à l'obligation de déclarer les quantités de médicaments exportés, obligation que l'Assemblée nationale avait étendue à tous les acteurs du système et non aux seuls grossistes répartiteurs. Nous avons suivi cette position.

L'article 3 qui transpose une directive relative à l'importation des tissus et cellules a fait l'objet d'un travail de coordination entre nos deux assemblées.

L'article 4, qui transfère le Comité technique de vaccination (CTV) à la Haute autorité de santé (HAS), répond au rapport de notre commission sur la politique vaccinale. La CMP a entériné les précisions rédactionnelles apportées par l'Assemblée nationale.

Je vous propose d'adopter ces conclusions qui ne font guère débat.

S'agissant du projet de loi portant création de l'Agence nationale de santé publique (ANSP), un seul article restait en discussion.

Le Sénat, favorable à la rationalisation, a d'emblée soutenu la création de l'ANSP, issue de la fusion de trois agences préexistantes.

La commission des affaires sociales avait néanmoins émis une réserve sur la méthode : avant même sa ratification, l'ordonnance a été modifiée par la loi de finances pour 2017 qui supprime son financement par l'assurance maladie. Cette instabilité est regrettable.

L'article 2 restant en discussion concernait l'inclusion de l'ANSP dans le champ de l'habilitation donnée au Gouvernement sur la mutualisation des fonctions support de divers organismes. Nous avons étudié la proposition du Gouvernement sans a priori, en demandant simplement en quoi il était nécessaire de revenir sur la loi Santé et quels étaient les projets de mutualisation envisagés. Nous n'avons obtenu que des réponses évasives, changeantes voire contradictoires.

Nous ne sommes pas opposés par principe aux ordonnances, mais il faut justifier d'une nécessité juridique et d'un minimum de transparence vis-à-vis du Parlement. C'est pourquoi le Sénat a supprimé cette habilitation ; la CMP s'est rangée à son avis.

Le lendemain, le Conseil des ministres adoptait l'ordonnance dont nous supprimions le fondement législatif... Il est étrange que le Gouvernement ne tienne pas compte des débats parlementaires en cours. Le texte publié est certes différent du projet initial, mais n'a pas non plus pour objet de faciliter les mutualisations. Plutôt, il opère un transfert définitif de compétence du pouvoir législatif au réglementaire. Dans ces conditions, le projet de loi de ratification ne pourra être adopté en l'état - il ne serait pas infondé qu'une initiative parlementaire vienne supprimer les dispositions en cause.

Je vous propose d'adopter les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UDI-UC)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Lors de la réunion du 17 janvier dernier, les deux CMP sont arrivées à des accords ; leurs conclusions ont été adoptées par l'Assemblée nationale.

L'ANSP réunit l'Institut de veille sanitaire (InVS), l'Institut nationale de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) et l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus). Quelques mois après sa création, elle est pleinement intégrée dans le paysage sanitaire français. Elle est pleinement compétente, du stade de la production de connaissances jusqu'à la réponse aux menaces, sans oublier la prévention. L'épidémie de grippe de cet hiver a montré l'intérêt d'avoir un opérateur de l'État.

Le Gouvernement a soutenu la volonté des rapporteurs d'associer la représentation nationale au conseil d'administration de l'Agence. Sur l'article 2, il ne peut que regretter que la CMP ait retenu la version du Sénat. En adoptant définitivement ce texte, vous supprimerez a posteriori l'habilitation accordée au Gouvernement dans la loi Santé. Il vous appartiendra de ratifier ou non l'ordonnance prise sur son fondement...

Sur le deuxième texte, la CMP a conservé la totalité des amendements adoptés au Sénat comme à l'Assemblée nationale. C'est donc un texte amélioré, de consensus. Il modernise les procédures de sécurité sanitaire et renforce notre arsenal de lutte contre les ruptures d'approvisionnement de médicaments, notamment de vaccins.

L'article 2 avait suscité des débats et je me souviens que des sénateurs avaient relayé les inquiétudes des professionnels. Je me réjouis que la navette ait pu rassurer les grossistes-répartiteurs, rendu l'expérimentation plus cohérente et garanti la confidentialité des données. Je lis d'ailleurs la satisfaction sur les visages !

Comme le Gouvernement s'y est engagé, le tiers de confiance sera désigné en concertation avec tous les acteurs. Cette mesure complètera l'action de Marisol Touraine contre les ruptures d'approvisionnement et pour une plus grande transparence sur les stocks.

Le Gouvernement se félicite du large consensus qui a accompagné la ratification de ces ordonnances. La représentation nationale aura démontré une fois de plus son attachement aux agences sanitaires, maillons essentiels de la politique de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Élisabeth Doineau .  - Rapporteur de la loi Santé, j'avais accueilli avec réserve le grand nombre d'habilitations prévues et proposé d'en supprimer plusieurs, vu la sensibilité des sujets. Le Parlement ne saurait être une chambre d'enregistrement. Le Sénat est dans son rôle en refusant des habilitations indues.

En première lecture, j'avais affiché ma prudence sur le projet de loi de ratification relatif à la création de l'ANSP, au motif que le Gouvernement utilisait cette habilitation pour opérer un transfert définitif de compétence du pouvoir législatif au pouvoir réglementaire concernant les mutualisations.

Je me réjouis que Gilbert Barbier ait été entendu. Le Parlement ne doit pas céder au Gouvernement, quel qu'il soit, quand il tente de circonscrire ses compétences.

La France a connu dix fois plus de ruptures d'approvisionnement de médicaments d'intérêt thérapeutique majeurs en 2014 qu'en 2008. Chaque jour, 5 % des médicaments et 10 % des vaccins manquent. Nous nous réjouissons que l'Assemblée nationale ait élargi l'obligation de déclaration des volumes exportés, en espérant que cela permettra de mieux comprendre l'origine des ruptures d'approvisionnement.

Le groupe UDI-UC votera ce projet de loi. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Hervé Poher .  - Le groupe écologiste est très favorable au regroupement, au sein de l'ANSP, de trois institutions - à condition que les moyens financiers et humains ne soient pas diminués.

Sur l'autre projet de loi, nous sommes plus partagés, voire réservés. L'article premier simplifie certes les procédures, mais le transfert de responsabilité du ministère de la santé vers le directeur de l'ANSM, notamment en matière de bonnes pratiques de pharmacovigilance, est un sujet sensible, tant les enjeux sont importants et les lobbies puissants. Dépakine, Mediator, les scandales ont été nombreux. Le mot magique de « simplification » réunit tous les suffrages, mais la simplification ne va pas sans interrogations.

Comment notre société libérale marchande peut-elle être confrontée à des ruptures d'approvisionnement de médicaments ? Dans une société où on peut se procurer quoi que ce soit en 24 heures, c'est incroyable ! Comment ne pas penser à un complot du grand capital, surtout quand on sait les profits des groupes pharmaceutiques...

Certains d'entre nous sont opposés par principe à toute marchandisation du corps humain, et en particulier à l'importation de tissus et cellules de pays extérieurs à l'Union européenne. Certes, l'article 3 transpose une directive en renforçant la sécurité mais la philosophie reste la même. Personnellement, j'estime cela normal - mais il faut une vraie réflexion. Jusqu'où ira-t-on ?

Récemment, des expériences aux États-Unis ont permis de développer des cellules humaines dans des embryons de porc. Heureusement, l'éthique est là, mais elle est parfois élastique : mettons des garde-fous, quitte à renoncer à la simplification.

L'article 4 transfère le CTV à la HAS : c'est bien, mais il faut surtout redonner à nos concitoyens confiance dans la démarche de vaccination et répondre aux questions sur les adjuvants.

Malgré quelques doutes, le groupe écologiste votera ce deuxième texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RDSE)

Mme Catherine Génisson .  - En réunissant trois agences, la création de l'ANSP répond au manque de lisibilité dû à un trop grand nombre d'agences créées en réaction à des crises, sans cohérence d'ensemble.

La nouvelle agence fera de la veille sanitaire et pourra s'emparer de nombreux sujets : tabac, nutrition, inégalités de santé, prévention, à l'image de la récente campagne « un mois sans tabac ».

Je me réjouis que la CMP ait adopté sans modification l'article 1er bis qui associe les parlementaires au conseil d'administration de l'Agence.

Sur l'article 2, le rapporteur redoutait un dessaisissement du pouvoir législatif au profit du réglementaire sur les mutualisations. Le groupe socialiste, soucieux du consensus, votera les conclusions de la CMP.

Le deuxième texte vise à alléger la charge administrative de l'ANSM. L'Assemblée nationale ayant étendu l'obligation instaurée à l'article 2, tous les acteurs de la chaîne du médicament - laboratoires, titulaires d'une autorisation de mise sur le marché, distributeurs en gros à l'exportation  - devront déclarer à un tiers de confiance les volumes de médicaments qu'ils exportent, afin de mieux mesurer en temps réel la quantité de médicaments à disposition et d'identifier les flux.

L'article 3 transpose la directive européenne du 8 avril 2015 sur les normes de qualité et de sécurité des tissus et cellules importés ; avec l'accord du Gouvernement, notre rapporteur a souhaité interdire toute importation en provenance de pays extérieur à l'Union européenne.

Le groupe socialiste approuve le transfert du CTV vers la HAS. C'est un sujet d'actualité, après l'avis du Conseil d'État sur les vaccins. Nous voterons les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

M. Yves Daudigny.  - Très bien.

Mme Corinne Imbert .  - La création de l'ANSP répond à un souci de simplification et de rationalisation avec la fusion de trois instituts : InVS, Inpes et Eprus.

Le Sénat avait supprimé l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance sur la mutualisation des fonctions support ; la CMP a suivi notre rapporteur. Nous ne sommes pas contre les mutualisations des fonctions support, mais elles doivent être lancées une fois le rapprochement bien engagé. La position de la CMP est sage, d'autant qu'elle conserve au législateur toute sa compétence.

Le deuxième texte propose, dans son article 2, une expérimentation pour mettre fin aux ruptures d'approvisionnement de médicaments. Élargi à tous les acteurs de la chaîne du médicament, alors que le texte initial ne concernait que les grossistes-répartiteurs, il permettra de mieux connaître la situation des stocks.

Selon l'ANSM, les déclarations de ruptures se sont multipliées par dix en cinq ans, y compris pour des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur.

La transposition de la directive sur l'importation de tissus et de cellules et le transfert des compétences vaccinales à la HAS n'appellent aucune remarque particulière. Le groupe Les Républicains votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Laurence Cohen .  - Nous ne sommes pas favorables à la procédure d'examen en commission qui amoindrit les droits des parlementaires en limitant nos discussions - même s'il s'agit d'ordonnances, procédure que nous désapprouvons également.

Notre groupe a dit ses réserves sur l'ordonnance relative à l'ANSM.

La marchandisation de tissus et des cellules provenant de pays tiers devrait être interdite, au nom de l'éthique et pour préserver notre modèle transfusionnel gratuit et bénévole. Les amendements de l'Assemblée nationale ne sécurisent pas tout à fait les choses.

Nous nous réjouissons que l'obligation de déclaration des exportations concerne désormais également les laboratoires ; espérons qu'il en résultera un meilleur approvisionnement des pharmacies. En 2015, 391 médicaments d'intérêt thérapeutique majeur étaient signalés en rupture d'approvisionnement ! On ne peut continuer ainsi.

Je me félicite de la décision du Conseil d'État du 8 février qui demande au ministère de la santé de rendre disponibles les trois vaccins obligatoires contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP). J'espère que le Gouvernement mettra rapidement en oeuvre cette décision alors que les industriels avaient organisé l'arrêt de la production des vaccins DTP non associés à d'autres. À Mme Touraine de prendre les mesures nécessaires permettant de garantir la disponibilité de ces vaccins, si possible sans adjuvant aluminique. Elle peut sanctionner les laboratoires qui n'auraient pas de plan de gestion de la pénurie, décider de licences d'office ou saisir l'ANSP. Pôle public du médicament et licences d'office, c'est ce que nous préconisons.

L'ANSP a dû gérer l'hiver dernier sa première épidémie de grippe, qui a fait 14 300 morts. Il est indispensable de disposer d'une expertise globale pour la protection sanitaire de la population.

Après la diminution de 3,1 % de la subvention aux agences sanitaires, l'État a réduit sa contribution de 7 % en 2017 avec 7 millions d'euros et 40 emplois en moins. Il va falloir sortir l'ANSP du carcan des restrictions budgétaires.

Les politiques de santé vont à l'encontre des missions de service public. La multiplication des déserts médicaux, le manque de spécialistes, l'engorgement des urgences, la souffrance des personnels plaident pour plus de moyens !

Notre groupe s'abstiendra sur ces deux ordonnances qui ne règlent ni la question des moyens ni ne lèvent le flou qui demeure - abstention pour tenir compte des avancées apportées par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Mireille Jouve .  - Un an après la loi Santé, nous sommes appelés à ratifier deux ordonnances, sur lesquelles la commission mixte paritaire est arrivée à un accord.

Trop d'acteurs interviennent en matière de prévention et de veille sanitaire, la fusion de trois instituts en une agence nationale de santé publique est donc une très bonne chose. La France se dotera ainsi d'un établissement d'excellence, à l'image des agences américaine, britannique et canadienne.

Je me réjouis que la CMP ait suivi le Sénat en supprimant l'habilitation à procéder par ordonnance pour mutualiser les fonctions support : il s'agissait en réalité pour le Gouvernement de transférer définitivement une compétence du pouvoir législatif vers le pouvoir réglementaires. L'étude d'impact est claire, éloquente : la conséquence était bien d'élargir le champ de l'ordonnance.

S'agissant du second texte, je ne reviendrai pas sur l'article premier, auquel nous souscrivons pleinement. L'ANSM est un acteur indispensable de la sécurité sanitaire.

L'article 2 imposait aux grossistes-répartiteurs l'obligation de communiquer les stocks exportés ; les députés ont à bon droit étendu cette obligation à tous les acteurs de la chaîne du médicament, laboratoires, titulaires d'autorisation de mise sur le marché et distributeurs en gros à l'exportation. Cela permettra de lutter contre les ruptures d'approvisionnement, enjeu majeur de santé publique. L'ordre des pharmaciens a recensé 200 000 déclarations de rupture de stock entre mars 2015 et février 2016 !

Suivant le rapporteur, le groupe RDSE approuvera ces deux textes.

M. Guillaume Arnell.  - Très bien !

La discussion générale est close.

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12 du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale les textes élaborés par les commissions mixtes paritaires, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble de chaque texte.

Le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 14 avril 2016 portant création de l'Agence nationale de santé publique et modifiant l'article 166 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé est définitivement adopté.

Le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions sur les produits de santé est définitivement adopté.

La séance est suspendue à 18 h 50.

présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente

La séance reprend à 19 h 5.

Hommage à une délégation de l'Assemblée de la Polynésie française

Mme la présidente.  - (Mmes et MMles sénateurs se lèvent) J'ai le plaisir de saluer la présence, dans la tribune officielle, du président de l'Assemblée de la Polynésie française, M. Marcel Tuihani, accompagné d'une délégation de fonctionnaires.

Il y a plus d'un an, nous avons conclu avec l'Assemblée de la Polynésie française un partenariat destiné, notamment, à développer une meilleure connaissance mutuelle et à partager nos expériences en matière de fonctionnement institutionnel comme d'organisation administrative.

Dans le cadre de son déplacement à Paris, la délégation s'intéresse au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques, deux sujets qui, au Sénat, nous sont particulièrement chers.

Plusieurs réunions de travail sont organisées, dont certaines sur des sujets assez techniques, comme par exemple, les méthodes et outils que nous utilisons pour la retranscription de nos débats.

Au nom du Sénat de la République, je leur souhaite la bienvenue et forme des voeux pour que leur séjour parmi nous soit l'occasion d'échanges fructueux et renforce la coopération entre nos assemblées. (Applaudissements)

Égalité réelle outre-mer (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

Discussion générale

M. Mathieu Darnaud, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Il y a une semaine, jour pour jour, nous examinions le texte sur le statut de Paris. J'évoquais alors le fait que le Sénat n'avait pas été entendu par l'Assemblée nationale, ce qui justifiait la question préalable que nous déposions.

Aujourd'hui, c'est tout l'intérêt du bicamérisme qui s'illustre, ainsi que l'apport de notre assemblée, qui représente tous les territoires, à commencer par les outre-mer.

Je salue le travail de concertation mené par notre délégation aux outre-mer, présidée par Michel Magras, dont ce texte reprend certaines recommandations, notamment en matière foncière. Nous avons voulu tout mettre en oeuvre pour résoudre une situation problématique dans nos territoires ultramarins, qui cause en particulier des tensions sociales.

Malgré l'inflation législative subie à l'Assemblée nationale, nous avons abordé ce texte dans une visée pragmatique. L'ambition est avant tout de réduire les inégalités qui subsistent entre l'outre-mer et l'Hexagone, mais aussi de prendre en compte les atouts, les ressources et les potentialités des territoires ultramarins. La différenciation territoriale ne crée pas de différences, elle s'appuie sur les richesses de chaque territoire.

Les rapporteurs des différentes commissions n'avaient pas tous le même avis et nous étions parfois loin des positions des députés. Nous avons retenu chaque fois que possible les solutions du texte de l'Assemblée nationale, en les rendant si nécessaires plus conformes au droit : article sur le Small Business Act, problèmes quotidiens - d'urbanisme par exemple -, questions foncières... Les rapprochements ont été nombreux.

Sur les commémorations, les positions étaient diverses au Sénat ; nous avons réussi à trouver un équilibre avec le texte de l'Assemblée nationale en prenant en considération tous les arguments.

Bien sûr, nous nous sommes heurtés à des sujets compliqués qui ont aiguisé le débat. Forts de situations vécues, les sénateurs des différents groupes ont su proposer des solutions concrètes, notamment sur le problème de l'eau en Guyane, ou sur l'orpaillage.

Nous avons dû faire preuve d'une certaine réactivité sur des sujets qui nous ont été soumis en dernière minute, comme l'indemnisation des victimes des essais nucléaires en Polynésie. En CMP, nous avons porté un regard aussi juste et pragmatique que possible sur le texte pour corriger les erreurs du passé.

Enfin, je salue nos collègues de l'Assemblée nationale. Si parfois nous avons l'impression de nous heurter à un mur, cela n'a pas du tout été le cas sur ce texte, grâce au travail que nous avons accompli avec Victorin Lurel, le rapporteur de l'Assemblée nationale, pour lever les obstacles.

Ce texte a montré que le Sénat pouvait porter la voix de tous les territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; MmeCatherine Génisson et Françoise Férat applaudissent aussi)

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer .  - « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit », dit la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le combat pour l'égalité est constitutif de l'histoire de France. Et pourtant, certains citoyens souffrent encore de criantes inégalités selon le lieu où ils habitent.

Rien ne peut excuser ces différences et ces retards. Il est plus que jamais temps de garantir l'égalité réelle aux citoyens ultra-marins. Il y va de notre dignité et de notre fierté.

Porter une politique de fierté, c'est défendre la justice sociale. Gaston Monnerville, Léopold Bissol, Raymond Vergès et Aimé Césaire se sont battus pour que la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane sortent du statut colonial et deviennent des départements, par la loi du 19 mars 1946.

En dépit du contexte économique difficile de l'après-guerre, les parlementaires n'ont pas transigé avec les principes de la République, ils ont voté cette loi à l'unanimité. Car oui, les outre-mer sont la France, les outre-mer font la France.

Grâce au soutien du président de la République, à l'action des Premiers ministres Valls et Cazeneuve, les montants des indemnités socialistes seront harmonisés avec ceux de l'Hexagone. C'est une belle et grande avancée.

Il faut aussi construire un nouveau modèle de développement pour l'outre-mer. Les plans de convergence seront déterminants, élaborés en dialogue avec l'État mais au plus près du terrain.

Porter une politique de fierté, c'est aussi lutter contre toutes les discriminations, que ce soit pour l'obtention d'un crédit bancaire en métropole en dépit d'une domiciliation outre-mer, ou en matière de visibilité dans les médias.

Nous demandons au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) de donner plus de place aux outre-mer dans les programmes, notamment d'actualité.

Porter une politique de fierté, c'est poursuivre le combat contre la vie chère. Ainsi en Guyane et à Mayotte, les grandes et moyennes surfaces devront négocier un tarif de gros maximal pour les petits commerces de détail - je songe notamment aux doukas à Mayotte.

Porter une politique de fierté, c'est aussi renforcer la continuité territoriale au bénéfice des territoires ultramarins : aligner les tarifs postaux sur ceux de l'Hexagone, accorder une aide au transfert du corps du défunt pour les familles résidant en métropole...

C'est encore lutter contre le mal logement, en simplifiant les procédures pour construire davantage, afin que chacun vive dans un logement décent, favoriser l'accession au logement social, financer la réhabilitation d'un parc privé et social vieillissant. Toutes les familles ultramarines doivent pouvoir s'inscrire dans un parcours de logement.

La mobilité est trop souvent conçue comme un départ vers l'Hexagone : elle peut également être une mobilité retour ! Nous encourageons les jeunes à revenir cinq ans après leur formation, après une première expérience professionnelle acquise dans l'Hexagone. La Martinique sera en 2020 le deuxième département le plus vieux de France. Voilà pourquoi il faut innerver le tissu économique, grâce à l'expérimentation du dispositif formation en mobilité. Les jeunes ultramarins ne trouvent pas toujours sur place les stages qu'ils recherchent.

La Polynésie française fut le théâtre de 193 essais nucléaires entre 1966 et 1996 : notre Nation y a gagné son indépendance stratégique et militaire, vitale aujourd'hui, au prix cependant de conséquences tragiques au plan sanitaire.

En février 2016, le président Hollande a reconnu le fait nucléaire et annoncé une meilleure indemnisation des victimes des essais, comme cela avait été fait pour les combattants de la Seconde Guerre mondiale issus des colonies.

Conformément aux engagements du président de la République, le Gouvernement a assoupli considérablement les critères en vigueur pour percevoir cette indemnisation, qui étaient trop restrictifs.

M. Roland Courteau.  - C'est vrai !

Mme Ericka Bareigts, ministre.  - Une commission sera mise en place pour que cette mesure soit mise en oeuvre rapidement, et pour évaluer les dispositifs.

M. Guillaume Arnell.  - Très bien !

Mme Ericka Bareigts, ministre.  - C'est l'honneur du président de la République, de ce Gouvernement d'avoir porté cette réforme majeure. Comme c'est l'honneur de notre pays de regarder son histoire en face, avec ses ombres et ses lumières.

M. Roland Courteau.  - Exactement.

Mme Ericka Bareigts, ministre.  - C'est avec émotion que je m'exprime, alors que le projet de loi arrive au terme de son parcours législatif. Comme élue locale de La Réunion puis comme ministre des outre-mer, j'ai défendu à chaque instant cette belle valeur de l'égalité.

Nous pouvons être fiers du chemin parcouru. Le Gouvernement a pris toute sa part dans la démarche collaborative qui a fait naître ce texte. Plusieurs membres de votre assemblée méritent des remerciements appuyés pour une implication constructive et résolue à commencer par les rapporteurs du texte : Mathieu Darnaud, Michel Magras, Chantal Deseyne, Vivette Lopez, Thani Mohamed Soilihi.

Je remercie aussi George Pau-Langevin, à l'initiative de ce projet de loi, mais aussi les citoyens qui ont participé à la consultation numérique.

Nous pouvons être heureux de porter au plus haut, avec ce texte, la fierté des ultramarins. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE ; Mme Françoise Férat applaudit également)

M. Jean Desessard .  - Les territoires d'outre-mer connaissent depuis des décennies des différences économiques et sociales héritées de l'époque coloniale : inégalités dans l'éducation, services publics inefficaces, lacunes sanitaires, difficultés d'accès à l'emploi ou au droit, sont régulièrement dénoncés par les habitants.

Nous avons récemment échangé avec les communautés amérindiennes, Palikurs, Wayanas, Kalina, Teko, Wayampi, Lokono et bushinengués, que ma collègue Aline Archimbaud a rencontrées en Guyane en 2015 et qui à Paris, en novembre 2016, exprimaient leur colère face à la lenteur des changements.

La République est à la fois une et diverse. C'est une richesse, mais aussi une source de difficultés. À rebours du jacobinisme, il faut mettre en place les conditions d'une amélioration en prenant en compte chaque territoire.

Lutte contre l'orpaillage en Guyane, indemnisation des victimes des essais nucléaires dont les radiations correspondent à 9 900 fois la bombe de Hiroshima, tels sont certains des acquis de ce texte. Nous espérons que la commission créée par le Gouvernement à l'Assemblée nationale la semaine dernière ne remettra pas en question ce progrès, car la loi Morin est une loi de présomption, qui ouvre l'indemnisation aux demandeurs et à leurs ayant-droits. La rédaction introduite ainsi dans le projet de loi n'est pas très claire sur ce dernier point...

J'ai quelques regrets. Nous souhaitions créer un observatoire du suicide en Guyane, face à ce phénomène qui touche surtout les populations amérindiennes.

Les populations autochtones sont favorables à un tel observatoire, contrairement à ce qui a pu être dit. La mesure a été supprimée en CMP. C'est refuser de voir le mal-être des jeunes Amérindiens - un suicide a encore eu lieu la semaine dernière. Avec Annie David alors présidente de la commission des affaires sociales, nous étions allés au Québec pour étudier les solutions adoptées là-bas contre le suicide. Elles fonctionnent ! Il faudrait s'inspirer de ce modèle.

Les langues autochtones devraient aussi être reconnues si l'on veut lutter contre l'échec scolaire et l'échec de l'intégration sociale.

Compte tenu des avancées, le groupe écologiste votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RDSE)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Nous arrivons au terme du parcours de ce projet de loi. Initialement composé de 15 articles, il nous est revenu de l'Assemblée nationale enrichi de 100 articles. Le Sénat en a supprimé 33, adopté 36 conformes et l'a encore enrichi de 61 articles nouveaux. Une CMP s'est réunie le 6 février. Les 14 sénateurs et députés ont su dépasser leurs points de divergence. Le texte contribuera à résorber les écarts sociaux et économiques qui subsistent entre l'outre-mer et l'Hexagone.

L'harmonisation des prestations sociales est une mesure attendue pour lutter contre la pauvreté. Le Small Business Act, la continuité territoriale et numérique au profit des étudiants, les aides aux familles endeuillées, les mesures en faveur du logement, la réhabilitation des baux emphytéotiques, les améliorations dans le fonctionnement et les moyens de la justice... Toutes ces mesures sont des avancées considérables.

Mayotte, que je représente, a fait l'objet d'un traitement particulier. Je vous en remercie. La minoration de 60 % de la valeur locative fera baisser la pression fiscale... en attendant que la réforme des valeurs locatives s'applique à tout le territoire. La question foncière à Mayotte est un verrou majeur au développement de l'île. Des dispositions à l'initiative de la délégation aux outre-mer ont heureusement été adoptées sur ce point.

Je remercie le président de la République qui, dès novembre 2014, a voulu accélérer la marche vers l'égalité en faveur des outre-mer, mais aussi Victorin Lurel dont le rapport a préfiguré le projet de loi ; et je vous remercie également, madame la ministre. Je salue le travail des rapporteurs.

Mme Gélita Hoarau .  - Après l'accord en CMP et le vote favorable à l'Assemblée nationale, il nous appartient de nous prononcer sur ce texte. Le texte issu de la CMP est un bon compromis. Je regrette cependant le manque d'engagement financier de l'État sur les plans de convergence. Comment les outre-mer pourront-ils parvenir à cette convergence si ces moyens ne sont pas définis ?

Parmi les satisfactions, la représentativité syndicale en outre-mer, nécessaire pour renouer le dialogue social. Certains syndicats d'outre-mer pourront négocier avec leurs homologues hexagonaux pour mettre en oeuvre des accords collectifs signés en métropole. Je me félicite du compromis trouvé. L'acceptation d'une clause de revoyure au 1er janvier 2019 est satisfaisante.

Le rétablissement de l'article étendant les prestations scolaires, notamment pour la cantine en maternelle, est un autre point de satisfaction. Dommage que la CMP n'ait pas rétabli l'article sur la valorisation énergétique des déchets...

Mais comment un texte arrivé en fin de mandature pourrait-il effacer les inégalités que nous connaissons depuis 1946 ? Comment ce texte peut-il ne pas prendre en compte certains aspects comme la transition énergétique ou la démographie ? Il n'a hélas pas non plus élargi les responsabilités des élus d'outre-mer. Le financement des mesures sociales n'est pas précisé.

Nous voterons ce texte, même si nous restons dubitatifs sur sa capacité à soutenir une réelle politique de développement durable outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; M. Jean Desessard applaudit aussi)

M. Guillaume Arnell .  - En première lecture au Sénat, chacun s'est exprimé sur sa conception de l'égalité réelle. Cette notion doit selon moi se concevoir dans l'acceptation des spécificités et de la diversité des territoires.

M. Jean Desessard.  - Absolument.

M. Gilbert Barbier.  - Très bien !

M. Guillaume Arnell.  - Concilier la reconnaissance des handicaps des territoires ultramarins tout en valorisant leurs atouts : tel est l'équilibre à trouver.

Après l'inflation du nombre d'articles à l'Assemblée nationale, la suppression de 33 articles au Sénat, l'adoption conforme de 36 autres et l'ajout de 61, le texte est considérablement modifié. Il constitue une avancée pour les outre-mer et toute avancée est bonne à prendre. Quelques regrets cependant. Les plans de convergence auraient pu être rendus impératifs pour les collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution, comme ils le sont pour celles relevant de l'article 73. L'extension aux collectivités d'outre-mer du dispositif d'aide à l'installation des jeunes agriculteurs aurait pu être adoptée.

Parmi les dispositions sociales, la suppression de la surtaxe sur le rhum, inacceptable de mon point de vue, est une bonne mesure. La mise en place d'un conseil territorial de l'éducation nationale est une avancée essentielle pour Saint-Martin. Je suis heureux que le bénéfice du Livret d'épargne populaire et du Livret de développement durable ait été étendu aux habitants des territoires relevant de l'article 74 de la Constitution.

L'adoption du Small Business Act répond à une réelle attente de nos entreprises.

Enfin, mon amendement sur la commémoration des victimes de l'esclavage visait à provoquer le débat en séance publique. Je suis satisfait qu'il ait eu lieu.

Je veux vous remercier, madame la ministre, au nom de nos concitoyens qui bénéficieront de ces avancées. Je remercie aussi vos deux prédécesseurs, Victorin Lurel et George Pau-Langevin. Le groupe RDSE approuvera ce texte. (Applaudissements)

Mme Lana Tetuanui .  - Je salue à mon tour le président de l'Assemblée de la Polynésie française, présent dans la tribune d'honneur, ainsi que l'ensemble de la Polynésie qui nous regarde et nous écoute, chez nous, ce matin.

Je tiens à vous rappeler mon pessimisme lors de la rédaction initiale de ce texte qui comportait peu d'avancées pour la collectivité que je représente. L'apport considérable de nos collègues rapporteurs nous a permis de trouver des mesures conformes, applicables à l'ensemble de nos territoires. Soyez-en tous remerciés.

Au-delà des mesures sociales et fiscales, vous avez fait preuve d'une grande sagesse et ce texte est équilibré.

Mon amendement sur le fait nucléaire a soulevé l'émotion de tout mon territoire. Sans faire le procès de l'État, j'ai vécu ce moment comme une offense pour les habitants des îles qui ont subi les essais nucléaires - Mururoa et Fangataufa notamment. Cet amendement, déposé le 19 janvier 2017, restera gravé dans mon esprit jusqu'à la fin de mon parcours politique.

Le Gouvernement souhaitait préserver la loi Morin, mais a accepté de supprimer la notion de risque négligeable dans l'article 34 nonies. Et le miracle s'est produit. L'amendement Tetuanui a été adopté à l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) Un compromis a été trouvé à l'Assemblée nationale mais un nouvel alinéa a été proposé par le Gouvernement, mettant en place une commission composée de parlementaires et de personnalités qualifiées.

Je n'ai pas du tout apprécié le traitement de ce dossier si sensible. J'ai vu les pressions exercées lors de la suspension de séance à l'Assemblée nationale. Que ce serait-il passé sans notre obstination ? Le Gouvernement a dû ajouter cet alinéa pour éviter le rejet de mon amendement.

Celui-ci est une grande avancée. Je rends hommage à celles et ceux qui ont mené ce combat, et porté le combat à quel prix ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC ; Mme Brigitte Micouleau applaudit aussi)

Je tiens enfin à vous remercier, madame la ministre, ainsi que tout le Gouvernement, les rapporteurs et surtout M. Darnaud, ardent défenseur de la cause ultramarine. (Applaudissements au centre) Le groupe UDI-UC votera ce texte. (Mêmes mouvements. Revenue sur son banc, l'oratrice est congratulée par les membres de son groupe)

M. Michel Magras .  - Ce texte nous a rassemblés autour d'un objectif partagé : un égal développement, mais aussi un progrès en valeur absolue.

Le Gouvernement a placé ce texte sous le signe de l'égalité ; mais la notion de différenciation territoriale est aussi un chemin pour l'atteindre. C'est un des enjeux majeurs de ce projet de loi, mais l'adaptation est plus efficace à travers le transfert de pouvoir au niveau local.

J'espère, madame la ministre, que vous garderez un bon souvenir de votre dialogue avec le Sénat. Je salue à mon tour l'implication et le travail de coordination de Mathieu Darnaud.

Je me réjouis de retrouver dans le texte certaines recommandations de notre délégation, notamment sur le foncier à Mayotte et en Guyane. Il reste beaucoup à faire : on n'a encore utilisé qu'une partie du gisement que constituent les travaux de notre délégation.

La commission des affaires économiques a fait preuve d'audace en mettant en place un dispositif expérimental pour les aides aux PME, qui fera progresser la concurrence. L'expérimentation est limitée à cinq ans. Même si le Conseil constitutionnel est très sourcilleux sur la question, il ne faudrait pas que le législateur s'autocensure par une interprétation trop restrictive du principe de libre accès à la commande publique. Je ne serais pas surpris qu'une fois de plus, le dispositif soit étendu à l'Hexagone. Nos outre-mer sont un vrai laboratoire dont la République pourrait parfois s'inspirer.

Ce texte n'est qu'une première étape. Il est équilibré et respecte le principe de lisibilité de la loi. Des rendez-vous annuels devraient être organisés pour réduire le délai de transposition et le nombre d'ordonnances. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Maurice Antiste .  - Je me félicite de l'accord en CMP, prélude à une adoption avant la fin de la législature.

Ce texte donnera des chances égales aux citoyens des outre-mer, en modifiant leur vie en profondeur. La CMP a adopté des dispositions étendant le bénéfice du livret d'épargne aux collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution, interdit la discrimination, que j'ai plusieurs fois dénoncée, sur la base de la domiciliation bancaire.

Je ne m'étendrai pas sur l'indemnisation des victimes des essais nucléaires ni sur les dispositions propres à Mayotte, pour insister sur l'extension des obligations de scolarisation et sur l'ajout du BTP à la liste des secteurs prioritaires. La continuité postale et la prise en charge du transport pour les familles ayant perdu un proche, l'aide à la mobilité des stagiaires auraient mérité un meilleur sort.

Ce texte est une étape capitale ; nous sommes sur la bonne voie. Pour emprunter les mots de Martin Luther King : « Je fais toujours ce rêve. Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra la véritable réalité » de son exigeante devise : liberté, égalité, fraternité. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et socialiste et républicain, ainsi que du RDSE)

M. Antoine Karam .  - Ce texte a suscité de grands espoirs mais aussi des déceptions. Les inégalités, insupportables, sont trop souvent acceptées. Vous l'avez dit, madame la ministre, les outre-mer ne demandent rien mais réclament l'égalité qui leur est due par la Constitution.

Ce texte a emporté l'adhésion des parlementaires, grâce à mon collègue Thani Mohamed Soilihi et au rapporteur Darnaud, qui est mon invité en Guyane. (Sourires)

Les plans de convergence méritent d'être salués. Ce texte répond avec pragmatisme à certaines préoccupations de nos compatriotes guyanais : lutte contre l'orpaillage, réglementation du port d'armes.

Je salue à mon tour le président de l'assemblée de Polynésie, présent dans notre tribune d'honneur. L'indemnisation des victimes d'essais nucléaires est une décision juste. Avec ce texte, nous proposerons un changement de paradigme.

Nous montrons que nous pouvons reconnaître la diversité des territoires tout en respectant l'unité républicaine. Les échanges ont été passionnés, mais cette passion est essentielle : il y a tellement à faire ! Le désir de changer est « Fort comme l'accent aigu d'un appel dans la nuit longue » pour citer les vers du poète guyanais Léon-Gontran Damas. Je voterai ce texte. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion du texte élaboré par la CMP

Mme la présidente.  - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Nous passons à la présentation de l'amendement n°1 du Gouvernement.

ARTICLE 34 NONIES

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

III.  -  Une commission composée pour moitié de parlementaires et pour moitié de personnalités qualifiées propose, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures destinées à réserver l'indemnisation aux personnes dont la maladie est causée par les essais nucléaires. Elle formule des recommandations à l'attention du Gouvernement.

Mme Ericka Bareigts, ministre.  - C'est clair.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Jean Desessard.  - Pourquoi « réserver » plutôt que « permettre » ou un autre verbe positif ? On a l'air de vouloir restreindre cette indemnisation ! Ce recul suscite de ma part de vives... réserves.

Mme Michelle Demessine.  - Je me félicite des nouvelles dispositions en faveur des victimes d'essais nucléaires, Polynésiens mais aussi militaires exposés aux radiations.

Je voudrais cependant des assurances. Qu'apporte cette nouvelle commission par rapport à la commission de suivi qui réunit tous les acteurs et fonctionne bien ? Les associations sont inquiètes.

Mme Ericka Bareigts, ministre.  - Il n'y a pas lieu de vous inquiéter : nous élargissons les droits à indemnisation. C'est ainsi que nous avons supprimé la notion de risque négligeable ; il suffit d'être malade et d'avoir été présent sur le théâtre des essais à la période considérée.

M. Jean Desessard.  - Et les ayants droit ?

Mme Ericka Bareigts, ministre.  - Eux aussi peuvent être indemnisés. Comme l'indemnisation est très élargie, la commission que nous souhaitons installer éclairera le Gouvernement sur le déroulement de la procédure, qui est nouvelle. Il faut s'assurer que les objectifs fixés seront atteints. (Mme Lana Tetuanui approuve) C'est pour cela que nous avons proposé une telle composition, entre parlementaires et techniciens.

Le projet de loi, ainsi amendé, est définitivement adopté.

Mme la présidente. - À l'unanimité ! (Applaudissements)

Avis sur une nomination

Mme la présidente.  - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires étrangères a émis un avis favorable (17 voix pour, 10 voix contre et 9 bulletins blancs) à la nomination de M. Jean-Pierre Bayle aux fonctions de président de la Commission du secret de la défense nationale.

Prochaine séance demain, mercredi 15 février 2017, à 14 h 30.

La séance est levée à 20 h 40.

Marc Lebiez

Direction des comptes rendus

Ordre du jour du mercredi 15 février 2017

Séance publique

À 14 h 30 et, éventuellement, le soir

Présidence : Mme Françoise Cartron, vice-présidente, M. Claude Bérit-Débat, vice-président

Secrétaires : MM. François Fortassin et Jean-Pierre Leleux

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle (n°386, 2016-2017).

Rapport de MM. Daniel Gremillet, sénateur et Dominique Potier, député, fait au nom de la commission mixte paritaire (n°385, 2016-2017).

2. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant les ordonnances n°2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité et n°2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d'électricité et de gaz et aux énergies renouvelables (n°361, 2016-2017).

Rapport de M. Ladislas Poniatowski, sénateur et Mme Béatrice Santais, députée, fait au nom de la commission mixte paritaire (n°360, 2016-2017).

3. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs (n°297, 2016-2017).

Rapport de M. Dominique Bailly, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°380, 2016-2017).

Texte de la commission (n°381, 2016-2017).

4. Nouvelle lecture de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale (n°405, 2016-2017).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°98 sur l'amendement n°2 rectifié, présenté par Mme Françoise Gatel et plusieurs de ses collègues, à l'article unique de la proposition de loi, en nouvelle lecture, relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse

Résultat du scrutin

Nombre de votants :338

Suffrages exprimés :319

Pour :40

Contre :279

Le Sénat n'a pas adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 13 - MM. François Bonhomme, Michel Bouvard, Mme Agnès Canayer, MM. Mathieu Darnaud, Jacques Genest, Guy-Dominique Kennel, Mme Colette Mélot, MM. Cyril Pellevat, Cédric Perrin, Mme Catherine Procaccia, MM. Michel Raison, Jean-François Rapin, Mme Marie-France de Rose

Contre : 119

Abstentions : 9 - MM. Pascal Allizard, François Commeinhes, Alain Fouché, Jacques Grosperrin, Mmes Fabienne Keller, Élisabeth Lamure, MM. Antoine Lefèvre, Bernard Saugey, Michel Savin

N'ont pas pris part au vote : 3 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Sophie Primas

Groupe socialiste et républicain (108)

Contre : 108

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 27

Contre : 2 - Mme Chantal Jouanno, M. Yves Pozzo di Borgo

Abstentions : 9 - MM. Jean-Marie Bockel, Bernard Delcros, Yves Détraigne, Mme Françoise Férat, MM. Claude Kern, Jean-Jacques Lasserre, Mme Valérie Létard, MM. Hervé Marseille, Henri Tandonnet

N'ont pas pris part au vote : 4 - Mmes Sylvie Goy-Chavent, Sophie Joissains, M. Nuihau Laurey, Mme Lana Tetuanui

Groupe communiste républicain et citoyen (21)

Contre : 21

Groupe du RDSE (17)

Contre : 17

Groupe écologiste (10)

Contre : 9

Abstention : 1 - Mme Leila Aïchi

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Philippe Adnot, Jean Louis Masson, Robert Navarro

Scrutin n°99 sur l'amendement n°1 rectifié bis, présenté par Mme Patricia Schillinger et les membres du groupe socialiste et républicain, à l'article unique de la proposition de loi, en nouvelle lecture, relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse

Résultat du scrutin

Nombre de votants :338

Suffrages exprimés :317

Pour :171

Contre :146

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 2 - Mme Fabienne Keller, M. Didier Robert

Contre : 131

Abstentions : 8 - MM. Alain Fouché, Jacques Grosperrin, Antoine Lefèvre, Cyril Pellevat, Cédric Perrin, Mme Catherine Procaccia, MM. Michel Raison, Bernard Saugey

N'ont pas pris part au vote : 3 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Sophie Primas

Groupe socialiste et républicain (108)

Pour : 108

Groupe UDI- UC (42)

Pour : 14

Contre : 12 - Mme Annick Billon, MM. Michel Canevet, Olivier Cigolotti, Jean-Léonce Dupont, Jean-François Longeot, Hervé Marseille, Hervé Maurey, Pierre Médevielle, Michel Mercier, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Yves Pozzo di Borgo, François Zocchetto

Abstentions : 12 - MM. Jean-Marie Bockel, Philippe Bonnecarrère, Vincent Capo-Canellas, Vincent Delahaye, Mmes Élisabeth Doineau, Françoise Gatel, Jacqueline Gourault, MM. Loïc Hervé, Claude Kern, Jean-Jacques Lasserre, Jean-Claude Luche, Henri Tandonnet

N'ont pas pris part au vote : 4 - Mmes Sylvie Goy-Chavent, Sophie Joissains, M. Nuihau Laurey, Mme Lana Tetuanui

Groupe communiste républicain et citoyen (21)

Pour : 21

Groupe du RDSE (17)

Pour : 17

Groupe écologiste (10)

Pour : 9

Abstention : 1 - Mme Leila Aïchi

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Philippe Adnot, Jean Louis Masson, Robert Navarro