Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Accessibilité du palais du Luxembourg aux personnes handicapées

Ouverture de la session extraordinaire 2016-2017

Décès de sénateurs

Accueil de nouveaux sénateurs

Constitution du groupe La République En Marche

Changement de dénomination d'un groupe

Décès d'anciens sénateurs

Mandats sénatoriaux

Fin de mandats sénatoriaux

Remplacement de sénateurs

Démission d'un sénateur

Élection d'un président de groupe

Fin de missions temporaires

Commissions et délégations (Nominations)

Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)

Décisions du Conseil constitutionnel

Engagement de la procédure accélérée

Questions prioritaires de constitutionnalité

Dépôt de documents

Renvois pour avis

Déclaration de politique générale du Gouvernement

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Conférence des présidents

Sixième prorogation de l'état d'urgence (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois

Mme Éliane Assassi

M. Jean-Claude Requier

M. Jacques Bigot

M. Philippe Bas

M. David Rachline

M. Alain Richard

Mme Sophie Joissains

M. Gérard Collomb, ministre d'État

Discussion des articles

Article premier

Article 2

Explications de vote sur l'ensemble

M. Pierre-Yves Collombat

M. Jean-Yves Leconte

M. Roger Karoutchi

Mme Esther Benbassa

Ordre du jour du mercredi 5 juillet 2017

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mardi 4 juillet 2017

1ère séance de la session extraordinaire 2016-2017

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Serge Larcher, M. Philippe Nachbar.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la séance du jeudi 23 février 2017 est adopté.

Accessibilité du palais du Luxembourg aux personnes handicapées

M. le président.  - Des travaux ont été effectués au cours de la période de suspension de nos travaux en séance plénière, afin d'améliorer l'accessibilité aux personnes handicapées du Palais du Luxembourg, à notre hémicycle et à ses tribunes.

Ces travaux s'inscrivent dans le cadre d'une campagne importante d'amélioration de l'accessibilité de nos locaux aux personnes à mobilité réduite, entamée depuis plusieurs années à l'initiative des conseils de questure successifs.

Je remercie les questeurs qui ont permis la réalisation effective de ce chantier.

Cette démarche exemplaire confirme l'engagement de notre assemblée en faveur de l'accessibilité des locaux aux personnes handicapées.

Ouverture de la session extraordinaire 2016-2017

M. le président.  - J'ai reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le président de la République en date du 28 juin 2017 portant convocation du Parlement en session extraordinaire.

Ce décret a été publié sur le site internet du Sénat.

Je donne lecture de ce décret :

« Le Président de la République,

« Sur le rapport du Premier ministre,

« Vu les articles 29, 30, 49 et 50-1 de la Constitution,

« Décrète :

« Article 1er. Le Parlement est convoqué en session extraordinaire le mardi 4 juillet 2017.

« Article 2. - L'ordre du jour de cette session extraordinaire comprendra :

« 1. Une déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale, en application de l'article 49, alinéa 1er, de la Constitution ;

« 2. Une déclaration du Gouvernement devant le Sénat, en application de l'article 50-1 de la Constitution ;

« 3. Le débat d'orientation des finances publiques ;

« 4. L'examen ou la poursuite de l'examen des projets de loi suivants :

« - projet de loi organique rétablissant la confiance dans l'action publique ;

« - projet de loi rétablissant la confiance dans l'action publique ;

« - projet de loi prorogeant l'application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence ;

« - projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ;

« - projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2016 ;

« - projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social ;

« - projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-31 du 12 janvier 2017 de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ;

« - projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l'ordonnance n°2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé ;

« - projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2017-644 du 27 avril 2017 relative à l'adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé ;

« - projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2017-717 du 3 mai 2017 portant création de l'établissement public Paris La Défense ;

« - projet de loi ratifiant les ordonnances n°2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes et n°2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l'information et la participation du public à l'élaboration de certaines décisions susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement ;

« - projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2016-1360 du 13 octobre 2016 modifiant la partie législative du code des juridictions financières.

« 5. L'examen ou la poursuite de l'examen des projets de loi autorisant l'approbation des accords internationaux suivants :

« - projet de loi autorisant la ratification de l'avenant modifiant la convention du 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu ;

« - projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif aux échanges de jeunes actifs ;

« - projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire ;

« - projet de loi autorisant l'approbation du protocole annexe à la convention générale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur la sécurité sociale du 1er octobre 1980 relatif aux soins de santé programmés dispensés en France aux ressortissants algériens assurés sociaux et démunis non assurés sociaux résidant en Algérie ;

« - projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Secrétariat de l'accord relatif aux pêches dans le sud de l'océan Indien portant sur le siège du Secrétariat et ses privilèges et immunités sur le territoire français ;

« - projet de loi autorisant l'approbation de l'accord relatif aux services de transport aérien entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Union des Comores ;

« - projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République des Philippines relatif aux services aériens ;

« - projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et la République tchèque relatif à la coopération dans le domaine de l'exploration et de l'utilisation de l'espace extra atmosphérique à des fins pacifiques ;

« - projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel à la convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme ;

« - projet de loi autorisant la ratification du protocole relatif à la convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et du protocole relatif au protocole pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental ;

« - projet de loi autorisant la ratification de l'accord entre la République française et la République portugaise relatif à l'assistance et à la coopération dans le domaine de la sécurité civile et l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg relatif à l'assistance et à la coopération dans le domaine de la protection et de la sécurité civiles ;

« - projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie relatif au statut de leurs forces.

« 6. Une séance de questions par semaine.

« Article 3. Le Premier ministre est responsable de l'application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

« Fait le 28 juin 2017.

« Emmanuel Macron

« Par le Président de la République :

« Le Premier ministre,

« Édouard Philippe ».

Décès de sénateurs

M. le président.  - J'ai le très profond regret de vous rappeler le décès de nos collègues, François Fortassin, survenu le 15 mai et Patrick Masclet, survenu le 4 juin dernier.

Je prononcerai leur éloge funèbre respectivement les mardis 11 et 18 juillet prochains mais leur mémoire est d'ores et déjà présente dans notre hémicycle.

Accueil de nouveaux sénateurs

M. le président.  - Je souhaite la bienvenue à M. Michel Pélieu qui a remplacé François Fortassin à compter du 16 mai 2017 et à M. Alain Poyart qui a remplacé Patrick Masclet à compter du 15 juin 2017.

Je salue le retour de nos quatre anciens collègues, M. Jean-Vincent Placé, Mme Laurence Rossignol, MM. Jean-Marc Todeschini et André Vallini (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), dont le mandat de sénateur a repris le 18 juin 2017.

Au nom du Sénat, je souhaite la bienvenue à M. Gilbert-Luc Devinaz qui a remplacé, en qualité de sénateur du Rhône, M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur, et à Mme Josiane Costes qui a remplacé, en qualité de sénatrice du Cantal, M. Jacques Mézard, à compter du 18 juin 2017.

Constitution du groupe La République En Marche

M. le président.  - J'ai reçu de M. François Patriat, en application de l'article 5, alinéa 2, du Règlement, la liste des sénateurs déclarant adhérer au groupe La République En Marche, ainsi que la déclaration politique de ce nouveau groupe, qui compte vingt-huit membres.

M. Patriat, en application de l'article 5 bis du Règlement, a fait savoir que le groupe LREM se déclarait comme groupe minoritaire.

Changement de dénomination d'un groupe

M. le président.  - Par courrier en date de ce jour, M. le président François Zocchetto m'a informé du changement de dénomination du groupe qu'il préside et qui s'appelle désormais  « Union Centriste ». (Applaudissement sur les bancs du groupe Union centriste). Il a en outre confirmé que son groupe se déclare comme groupe minoritaire au sens de l'article 51-1 de la Constitution.

Permettez-moi de saluer en outre Jean Desessard qui a présidé un groupe lors de la dernière session (Mmes Corinne Bouchoux, Esther Benbassa et MJoël Labbé applaudissent)

Décès d'anciens sénateurs

M. le président.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues :

Jean-Claude Etienne, qui fut sénateur de la Marne de 2001 à 2010 ;

Fernand Tardy, qui fut sénateur des Alpes de Haute-Provence de 1980 à 1998 ;

Édouard Le Jeune, qui fut sénateur du Finistère de 1971 à 1998 ;

Arthur Moulin, qui fut sénateur du Nord de 1983 à 1992 ;

Louis Boyer, qui fut sénateur du Loiret de 1974 à 2001.

Mandats sénatoriaux

M. le président.  - En application de l'article L.O. 320 du code électoral, le mandat sénatorial de M. Jean-Vincent Placé, Mme Laurence Rossignol, M. Jean-Marc Todeschini et M. André Vallini, dont les fonctions gouvernementales ont pris fin le mercredi 17 mai 2017, a repris le dimanche 18 juin, à 0 heure.

En conséquence, le mandat sénatorial de MM. Bernard Vera, Jean-Pierre Bosino, Patrick Abate et Mme Éliane Giraud a cessé le samedi 17 juin, à minuit.

Fin de mandats sénatoriaux

M. le président.  - Conformément à l'article premier de l'ordonnance du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l'application de l'article 23 de la Constitution, j'ai pris acte de la cessation, le samedi 17 juin, à minuit, du mandat sénatorial de M. Gérard Collomb, nommé ministre d'État et de M. Jacques Mézard, nommé ministre par décret du 17 mai 2017 relatif à la composition du Gouvernement.

Remplacement de sénateurs

M. le président.  - Conformément à l'article 32 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, a fait connaître qu'en application respectivement des articles L.O. 320 et L.O. 319 du code électoral :

M. Gilbert-Luc Devinaz, l'a remplacé, en qualité de sénateur du Rhône ;

Mme Josiane Costes, a remplacé, en qualité de sénatrice du Cantal, M. Jacques Mézard.

Le mandat de nos collègues a débuté le 18 juin 2017 à 0 heure.

Démission d'un sénateur

M. le président.  - J'ai reçu une lettre de M. Michel Bouvard par laquelle il se démettait de son mandat de sénateur de la Savoie, à compter du jeudi 1er juin 2017, à 0 heure.

Le siège détenu par ce dernier est devenu vacant et sera pourvu selon les termes de l'article L.O. 322 du code électoral, par une élection partielle qui aura lieu en même temps que le prochain renouvellement partiel du Sénat.

Élection d'un président de groupe

M. le président.  - J'ai été informé que M. Gilbert Barbier a été élu président du groupe du RDSE le mardi 23 mai 2017.

Fin de missions temporaires

M. le président.  - Par lettre en date du 24 avril 2017, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter de cette même date, de la mission temporaire confiée à M. Georges Labazée, sénateur des Pyrénées-Atlantiques, auprès de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé et de Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État chargée des personnes âgées et de l'autonomie, dans le cadre de l'article L.O. 297 du code électoral.

Par lettre en date du 9 juin 2017, M. le Premier ministre a annoncé la fin de la mission temporaire portant sur l'amélioration de l'accessibilité de Limoges, du Limousin et des territoires limitrophes confiée à M. Michel Delebarre, sénateur du Nord, auprès du secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche, dans le cadre de l'article L.O. 297 du code électoral.

Commissions et délégations (Nominations)

M. le président.  - Je rappelle au Sénat que :

Le groupe Les Républicains a désigné :

M. Claude Nougein, pour siéger à la commission des finances,  en remplacement de M. Michel Bouvard, démissionnaire ;

M. Alain Poyart, pour siéger à la commission des lois constitutionnelles, en remplacement de Patrick Masclet, décédé ;

Le groupe du RDSE a désigné :

Mme Josiane Costes, pour siéger à la commission des lois constitutionnelles, en remplacement de M. Jacques Mézard, dont le mandat de sénateur a cessé.

Le groupe socialiste et républicain a désigné :

Mme Laurence Rossignol pour siéger à la commission des affaires économiques, en remplacement de M. Jean-Pierre Bosino, dont le mandat de sénateur a cessé ;

M. Jean-Vincent Placé pour siéger à la commission des affaires étrangères, en remplacement de M. Bernard Vera, dont le mandat de sénateur a cessé ;

M. André Vallini pour siéger à la commission des affaires étrangères, en remplacement de Mme Éliane Giraud, dont le mandat de sénateur a cessé ;

M. Jean-Marc Todeschini pour siéger à la commission de la culture, en remplacement de M. Patrick Abate, dont le mandat de sénateur a cessé ;

M. Gilbert-Luc Devinaz pour siéger à la commission des lois constitutionnelles, en remplacement de M. Gérard Collomb, dont le mandat de sénateur a cessé ;

Mme Laurence Rossignol pour siéger à la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Éliane Giraud, dont le mandat de sénatrice a cessé.

Le délai prévu par l'article 8 du Règlement a expiré sans que la présidence n'ait reçu d'opposition. En conséquence, ces désignations ont été ratifiées.

Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)

M. le président.  - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration du Fonds pour le développement de l'intermodalité dans les transports. Conformément à l'article 9 du Règlement, la commission des finances a été invitée à présenter une candidature. La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du Règlement.

Décisions du Conseil constitutionnel

M. le président.  - Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat :

par courriers en date du 16 mars, le texte d'une décision statuant sur la conformité à la Constitution de la loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse et d'une décision statuant sur la conformité à la Constitution de la loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle ;

par courrier en date du 23 mars, le texte d'une décision statuant sur la conformité à la Constitution de la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre.

Engagement de la procédure accélérée

M. le président.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen :

du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 3 mai 2017 portant création de l'établissement public Paris La Défense, déposé sur le Bureau du Sénat le 10 mai 2017 ;

du projet de loi organique et du projet de loi rétablissant la confiance dans l'action publique déposés sur le Bureau du Sénat le 14 juin 2017 ;

du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ;

et du projet de loi prorogeant l'application de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence,

déposés sur le Bureau du Sénat le 22 juin 2017 ;

du projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire ;

du projet de loi autorisant l'approbation du protocole annexe à la convention générale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur la sécurité sociale du 1er octobre 1980 relatif aux soins de santé programmés dispensés en France aux ressortissants algériens assurés sociaux et démunis non assurés sociaux résidant en Algérie ;

du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l'ordonnance du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé ;

du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 12 janvier 2017 de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ;

du projet de loi ratifiant les ordonnances du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes et du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l'information et la participation du public à l'élaboration de certaines décisions susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement ;

du projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social ;

du projet de loi autorisant la ratification du protocole relatif à la convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et du protocole relatif au protocole pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental ;

du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 27 avril 2017 relative à l'adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé ;

et du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2016.

Ces neuf projets de loi ont été déposés sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 28 juin 2017.

Questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président.  - Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date des 1er mars 9 mars, 16 mars, 30 mars, 7 avril, 28 avril, 19 mai, 31 mai, 2 juin, 9 juin, 16 juin, 23 juin, vingt-neuf décisions relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :

l'imposition des revenus réalisés par l'intermédiaire de structures établies hors de France et soumises à un régime fiscal privilégié ;

le rattachement à un autre régime de sécurité sociale et l'assujettissement du patrimoine à la CSG ;

la procédure de sanction devant la Commission nationale des sanctions ;

la durée maximale de l'assignation à résidence dans le cadre de l'état d'urgence ;

l'amende en cas de non-respect des obligations de déclaration des constitutions, modifications ou extinctions de trusts ;

la procédure applicable aux employeurs ne pouvant justifier de la réalité d'actions de formation ;

la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision ;

le cumul des sanctions contribution spéciale et sanction pénale en cas d'emploi illégal d'un travailleur étranger ;

le remboursement du versement destiné aux transports ;

le secret professionnel et l'obligation de discrétion du défenseur syndical ;

l'entreprise individuelle terroriste ;

l'application des procédures collectives aux agriculteurs ;

la contribution patronale sur les attributions d'actions gratuites ;

le taux effectif de la CVAE pour les sociétés membres de groupes fiscalement intégrés ;

le renvoi au décret pour fixer les règles de déontologie et les sanctions disciplinaires des avocats ;

le droit départemental de passage sur les ponts reliant une île maritime au continent ;

la durée des émissions de la campagne électorale en vue des élections législatives ;

la procédure collégiale préalable à la décision de limitation ou d'arrêt des traitements d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté ;

la rémunération des ministres du culte en Guyane ;

la sanction par l'AMF de tout manquement aux obligations visant à protéger les investisseurs ou le bon fonctionnement du marché ;

l'interdiction de séjour dans le cadre de l'état d'urgence ;

l'amende sanctionnant le défaut de production ou le caractère inexact ou incomplet de l'état de suivi des plus-values en sursis ou report d'imposition ;

le refus d'accès à une enceinte sportive et fichier d'exclusion ;

le sursis d'imposition en cas d'échanges de titres avec soulte ;

l'amende sanctionnant le fait d'omettre sciemment de déclarer une part substantielle de son patrimoine ;

la condition d'éligibilité du conseiller communautaire représentant une commune ne disposant que d'un seul siège au sein d'un EPCI ;

le délai d'appel des jugements rendus par le tribunal du travail de Mamoudzou.

Dépôt de documents

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :

les tableaux de programmation des mesures d'application de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 et de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 ;

le tableau de programmation de la loi du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017 ;

le rapport relatif aux agréments des conventions et accords applicables aux salariés des établissements sociaux et médico-sociaux privés à but non lucratif pour l'année 2016 et aux orientations en matière d'agrément des accords et d'évolution de la masse salariale pour 2017 ;

le rapport relatif à l'expérimentation de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation ;

le rapport relatif à la généralisation de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels ;

le projet de convention entre l'État et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) relative à l'action « concours d'innovation » du programme d'investissements d'avenir ;

le rapport sur la mise en oeuvre de l'ordonnance du 12 novembre 2014 modifiant les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d'édition ;

le rapport sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé ;

le tableau de programmation des mesures d'application de la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique ;

le projet d'avenant à la convention entre l'État et Bpifrance relative à l'action « partenariats régionaux d'innovation - fonds national d'innovation » du programme d'investissements d'avenir ;

le rapport sur l'évaluation de l'impact environnemental du développement du transport par autocar ;

le rapport d'évaluation sur les conditions de mise en oeuvre de la loi de programmation militaire 2014-2019 actualisée ;

le rapport sur la surveillance biologique du territoire de l'année 2015 ;

le projet de convention entre l'État et la Caisse des dépôts et consignations relative à l'action « territoires d'innovation de grande ambition » du programme d'investissements d'avenir (PIA 3) et plusieurs avenants à des conventions entre l'État et l'Agence nationale de la recherche ;

le tableau de programmation des mesures d'application de la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne ;

le tableau de programmation des mesures d'application de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique ;

le projet de programme de stabilité pour 2017 et le programme national de réforme ;

le rapport relatif aux remises et transactions à titre gracieux en matière fiscale ;

le rapport sur l'obsolescence programmée, sa définition juridique et ses enjeux économiques ;

le rapport sur les colonnes montantes d'électricité dans les immeubles d'habitation ;

le rapport sur l'opportunité de l'extension de la durée de garantie légale de conformité de deux à cinq ans, voire à dix ans, pour certaines catégories ciblées de produits ;

le rapport d'analyse de l'impact économique lié à l'exonération fiscale des grands événements sportifs internationaux ;

le rapport sur l'exécution et le contrôle des contrats de concession d'autoroutes et d'ouvrages d'art pour l'année 2015 ;

le contrat de performance pour la période 2017-2026 entre l'État et SNCF Réseau accompagné de l'avis de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) et de ses annexes ;

le rapport sur l'impact d'une extension éventuelle à la maroquinerie de la filière à responsabilité élargie des producteurs des textiles, linge de maison et chaussures ;

le contrat-cadre stratégique pour la période 2016-2025 entre l'État et la SNCF accompagné de l'avis de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) ;

le tableau de programmation des mesures d'application de la loi du 6 mars 2017 visant à favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété ;

le tableau de programmation des mesures d'application de la loi du 20 mars 2017 relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle ;

le tableau de programmation des mesures d'application de la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre ;

le rapport de contre-expertise du dossier d'évaluation socio-économique du projet de restructuration du centre hospitalier régional universitaire de Tours par regroupement des activités cliniques en bi-site, accompagné de l'avis du Commissariat général à l'investissement ;

le rapport sur les gares ferroviaires de voyageurs ;

le projet d'avenant à la convention entre l'État et l'Agence nationale de la recherche relative à l'action « instituts d'excellence - programme : instituts thématiques d'excellence en matière d'énergies décarbonées » du programme d'investissements d'avenir ;

le rapport sur le développement du stockage des énergies renouvelables par hydrogène décarboné ;

le tableau de programmation des mesures d'application de la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain ;

le rapport relatif au traitement des dossiers transmis à la direction générale des finances publiques par l'autorité judiciaire ;

le rapport sur la diversification de l'activité des pêcheurs et des aquaculteurs par le tourisme ;

le tableau de programmation des mesures d'application de la loi du 29 décembre 2016 relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes ;

le tableau de programmation des mesures d'application de la loi du 24 octobre 2016 relative au renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils ;

le rapport relatif à la mise en application de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique ;

le rapport bisannuel au Parlement 2014-2015 sur la mise en oeuvre de la stratégie française d'aide au développement ;

le rapport de contre-expertise du dossier d'évaluation socio-économique du projet de reconstruction du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan accompagné de l'avis du Commissariat général à l'investissement ;

le rapport de contre-expertise du dossier d'évaluation socio-économique du projet de réaménagement du pôle d'échanges multimodal (P.E.M.) de Lyon Part-Dieu accompagné de l'avis du Commissariat général à l'investissement ;

l'avenant n°1 à la convention du 13 janvier 2011 entre l'État, la Caisse des dépôts et consignations, et l'Agence nationale de la recherche relative au programme d'investissements d'avenir (action « Valorisation - Fonds national de valorisation relative au Fonds d'investissement dans les SATT ») ;

l'avenant n°5 à la convention du 29 juillet 2010 entre l'État et l'Agence nationale de la recherche relative au programme d'investissements d'avenir (action « Valorisation - Fonds national de valorisation »).

Ils ont été transmis aux commissions permanentes compétentes.

Renvois pour avis

M. le président.  - J'informe le Sénat que le projet de loi organique rétablissant la confiance dans l'action publique (engagement de la procédure accélérée), et le projet de loi rétablissant la confiance dans l'action publique (engagement de la procédure accélérée), dont la commission des lois constitutionnelles est saisie au fond, sont renvoyés pour avis, à sa demande, à la commission des finances.

En outre, j'informe le Sénat que le projet de loi renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure (engagement de la procédure accélérée), dont la commission des lois est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires étrangères.

Déclaration de politique générale du Gouvernement

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la lecture d'une déclaration de politique générale du Gouvernement.

Au nom du Sénat, je voudrais saluer chaleureusement la présence au banc du Gouvernement des nombreux ministres qui nous font l'honneur et le plaisir de leur présence. Je leur souhaite une très cordiale bienvenue.

Permettez-moi d'avoir une pensée particulière pour nos collègues sénatrices et sénateurs qui ont fait leur entrée au gouvernement.

Je vais donner la parole à M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur qui lira cette déclaration devant le Sénat.

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe La République En Marche) C'est un plaisir et un honneur de lire au Sénat la déclaration de politique générale que M. le Premier ministre, en ce moment même, est en train de prononcer :

« Monsieur le président,

« Mesdames et messieurs les députés » (Vives exclamations)

« " Malgré un destin difficile, je suis, je reste toujours optimiste. La vie m'a appris qu'avec le temps, le progrès l'emportait toujours. C'est long, c'est lent, mais en définitive, je fais confiance " ».

« Ces mots sont de Simone Veil. Ils ont été prononcés en 1995. Mais ils sont éternels et ils sont ceux de la France. Ils disent ce qu'il faut d'effort et de courage pour que le progrès advienne. Ils disent aussi combien confiance et progrès ont partie liée.

« Je veux, alors que je m'exprime depuis cette tribune devant la représentation nationale, après avoir cité Simone Veil, vous parler d'une autre femme.

« D'une femme qui, à la fin de l'été 2003, poussait les lourdes portes d'une grande école parisienne. Une jeune femme que rien ne prédestinait à entrer dans ce lieu. Une jeune femme, qui a grandi en Seine-Saint-Denis, suivi une scolarité dans des établissements situés en quartiers d'éducation prioritaire, à Villetaneuse et à Saint-Ouen. Une jeune femme dont les parents, chauffeur-bagagiste et aide-soignante, ne s'attendaient pas à ce qu'elle accède à cette grande école parisienne, puis devienne avocate, puis travaille dans les cabinets les plus prestigieux, puis fonde son propre cabinet. Cette jeune femme siège aujourd'hui sur vos bancs.

« Sa réussite est le produit de son travail, de son engagement et de sa ténacité. Elle la doit aussi à la décision d'un responsable public, en l'occurrence le directeur de Sciences Po, qui avait, quelques années auparavant, bousculé son institution pour l'ouvrir à des formes d'excellence un peu moins classiques. Une politique publique, critiquée lorsqu'elle a été adoptée, copiée depuis et qui apparaît, quelques années après, grâce au travail et à l'effort de ceux qui en bénéficient, comme un modèle. Comme un progrès.

« C'est long. C'est difficile. Mais ça a marché.

« Et pas seulement pour cette jeune fille. (Murmures sur divers bancs) Au moins deux d'entre vous ont bénéficié de cette politique publique audacieuse dont un jeune homme de Saint-Laurent-du-Maroni, un des benjamins de cette Assemblée, qui sera peut-être une de ces grandes figures que la Guyane offre parfois à notre pays.

« Des parcours individuels, certes, mais rendus possibles par une politique publique.

« Ainsi va la République. Ou plutôt ainsi devrait-elle aller. Je regarde cette Assemblée, je regarde ces bancs où je siégeais il y a quelques semaines encore. (Exclamations à droite)

« Je vois un éleveur de la Creuse, agriculteur comme l'étaient son père, son grand-père et tellement d'autres avant lui ; enraciné dans sa terre au point que le lieu-dit où il vit porte le nom de sa famille. Il s'est battu pour continuer à y vivre, pour défendre l'excellence de l'agriculture française. » (M. Alain Marc s'exclame ; marques d'ironie et d'agacement à droite)

« Je vois une jeune femme officier, qui a participé à deux opérations extérieures et a commandé une des compagnies de la Brigade franco-allemande.

« Je vois un autre de vos benjamins, né au Rwanda quatre ans avant le génocide et recueilli par la République, qui lui a offert son meilleur visage (Brouhaha croissant) et qui peut être fière de le voir aujourd'hui représenter la Nation. »

Mme Éliane Assassi.  - Ce n'est pas le bon discours ! (On proteste sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « Je vois des sportifs de haut niveau, des entrepreneurs, des scientifiques, des militants du monde associatif. Je vois même des matheux ! (Mouvements divers) Des matheux qui par leur talent et leur travail constituent à la fois une fierté pour votre assemblée et une fierté pour la France.

« Je vois une Assemblée rajeunie, féminisée, (exclamations à droite) et largement renouvelée, puisque 430 d'entre vous font leurs premiers pas dans cette enceinte. (Bruit croissant sur divers bancs) Une Assemblée qui porte l'héritage républicain, et qui ressemble à la France.

« Et c'est devant cette Assemblée renouvelée, mesdames et messieurs les députés, (nouvelles exclamations) que se présente un Gouvernement paritaire, lui aussi profondément renouvelé par la diversité de ses origines, professionnelles et politiques, et que le président de la République m'a demandé de diriger.

« Je mesure cet honneur.

« Je mesure la responsabilité, aussi, de la tâche qui est la mienne.

« Et je l'aborde avec beaucoup d'humilité.

« Avec une humilité d'autant plus grande que, pour préparer cette déclaration de politique générale, j'ai relu toutes celles de mes prédécesseurs.

« Je dis bien toutes. Depuis celle de Michel Debré, le 15 janvier 1959 ; jusqu'à celle de Bernard Cazeneuve, le 14 décembre dernier. Tous ces discours étaient inspirés par les convictions les plus sincères, par un patriotisme digne d'éloges et par le sens de l'État le plus élevé. Il faut avoir le courage de le dire, même si c'est à contre-courant des idées reçues: la France n'a jamais manqué de responsables politiques compétents... »

M. Roger Karoutchi.  - On en vient enfin au sujet !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  -  « ...et souvent d'une exceptionnelle qualité. Je sais d'ailleurs ce que je dois à l'un d'entre eux, Alain Juppé, et je voudrais ici lui rendre hommage. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union centriste et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

« De tous ces discours, deux m'ont particulièrement marqué.

« Je cite un extrait du premier :

« " De cette société bloquée, je retiens trois éléments essentiels : la fragilité de notre économie, le fonctionnement souvent défectueux de l'État, enfin l'archaïsme et le conservatisme de nos structures sociales. "

« Ces mots sont d'une actualité criante ; ils ont été prononcés le 16 septembre 1969 par Jacques Chaban-Delmas. Il y a quarante-huit ans. Beaucoup d'entre nous n'étions pas nés.

« Le second est un peu plus récent.

« Je cite encore :

« " Nos priorités ne sont pas celles d'une moitié de la France contre l'autre moitié, mais celles de tous les Français. Défaire ce que les autres ont fait, faire ce que d'autres déferont, voilà bien le type de politique dont les électeurs ne veulent plus. Nous ne demanderons à personne de nous rejoindre par intérêt ni de trahir ses convictions. " » (Exclamations sur divers bancs à droite)

M. Roger Karoutchi .  - Il l'a fait !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « Il s'agit des mots de Michel Rocard, le 29 juin 1988. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain) Il y a quand même presque trente ans.

« Rocard, Chaban. Deux personnalités éminentes, deux hommes d'État qui ont incarné deux courants essentiels de notre vie politique, le gaullisme et la social-démocratie. Deux hommes qui s'accordaient donc sur un constat et sur une méthode. Et pourtant.

« Le diagnostic posé il y a quarante-huit ans reste hélas valable ; la méthode proposée il y a trente ans demeure toujours une exigence, mais trop rarement une réalité. Et la France, à la différence de beaucoup de nations du monde, ne résout pas ses problèmes. En découle un sentiment mortifère, où se mêlent désarroi, découragement, désenchantement et colère. Nous connaissons ce sentiment. Nous connaissons sa puissance. Nous le ressentons parfois nous-mêmes. Nos compatriotes l'ont exprimé, et fortement, lors de l'élection présidentielle, par un réflexe d'abstention ou un vote d'exaspération. Il faut comprendre ces angoisses, il faut entendre cette colère.

« Mais nos compatriotes ont aussi exprimé un espoir formidable en portant Emmanuel Macron à la présidence de la République. (On applaudit sur les bancs du groupe La République En Marche). Tandis que de grandes démocraties choisissaient le repli sur elles-mêmes, le dos tourné au monde, les Français, avec le président de la République, ont préféré l'esprit d'ouverture et de conquête.

« On leur proposait la nostalgie impuissante ; ils ont préféré le courage d'affronter l'avenir.

« Ils avaient à choisir entre la colère et la confiance, ils ont exprimé leur colère, mais ils ont choisi l'optimisme et le rassemblement.

« Durant la campagne, depuis son élection et hier encore devant le Parlement réuni en Congrès, le président de la République nous a montré le cap. J'en suis heureux : c'est bien souvent d'un cap que nous avons manqué.

« Il nous a également indiqué la méthode pour y parvenir, elle tient en trois points : dire la vérité ; travailler avec toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté ; obtenir des résultats concrets le plus rapidement possible. Ce cap est clair. Il doit être tenu.

« Les Français ont d'ailleurs, dans un souci de cohérence évident, donné au président et au gouvernement les moyens de suivre ce cap en désignant une majorité claire et incontestable. » (Exclamations à droite et au centre)

« Cette majorité claire, nul ne la prend pour un blanc-seing. Elle implique au moins autant de devoirs que de droits. Que le Gouvernement puisse fonder son action sur une majorité forte est une bonne chose. Qu'il ait toujours à l'esprit que l'intérêt général ne se réduit jamais à aucune fraction du peuple Français, fût-elle majoritaire, en est une bien meilleure encore... »

M. Roland Courteau.  - Amen !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « Mais la France doit avancer. Il y a dans « notre cher et vieux pays », une envie, une énergie, un espoir qui transcendent les courants politiques. Voilà qui ne devrait surprendre personne : les Français nous ont habitués, à travers les âges, à ces sursauts collectifs et à ces retours de confiance, alors même que tout semblait bloqué, voire perdu.

« En 2017, les Français nous ont dit qu'ils voulaient que la France redevienne enfin elle-même : confiante, courageuse et conquérante.

« Pour redevenir elle-même la France doit rétablir la confiance.

« Et d'abord la confiance des Français en l'action publique Je parle bien de confiance et pas de morale. Je ne suis pas l'arbitre des élégances et je n'aime pas le mélange des genres. Je ne suis pas non plus un inconditionnel de l'absolue transparence, qui tourne vite au voyeurisme et à l'hypocrisie. (M. Jean-Claude Requier applaudit) Je crois au vieux mot romain de « vertu », qui recouvre à la fois l'honnêteté, la rectitude et le courage.

« Nous avons fait des progrès en la matière depuis près de trente ans. Sous la pression souvent, mais de façon très nette. Les règles de financement des partis politiques et des campagnes électorales sont aujourd'hui bien plus strictes et bien plus saines qu'il y a trente ans. Assumons ces progrès. Ils ne comptent pas pour rien.

« Je veux le dire clairement : nous ne devons jamais laisser discréditer ceux qui ont fait le choix honorable de consacrer une partie de leur vie au service de leurs concitoyens et à la chose publique.

« Mais dans leur intérêt même, il faut encore agir. Car il y a à l'évidence, mesdames et messieurs les députés, des pratiques qui ont été longtemps tolérées mais que le peuple français n'accepte plus.

« Il s'agit de fixer le cadre qui permettra d'assainir notre vie publique et de rétablir la confiance des Français tout en posant des règles claires pour les élus.

« C'est l'objet du premier projet de loi qui vous a été soumis.

« Comme le président de la République l'a indiqué hier, nous lancerons également dans l'année les réformes institutionnelles indispensables à la modernisation de notre démocratie.

« J'insisterai en particulier sur la réforme de la justice.

« Dans un État de droit, rien n'est possible sans une justice forte. Si elle est lente, ou lointaine, ou inégalitaire, ou même seulement trop complexe, la confiance se trouve fragilisée.

« La réforme constitutionnelle renforcera l'indépendance des magistrats.

« Dès 2018, une loi quinquennale de programmation des moyens de la justice sera présentée au Parlement. Cette loi permettra à la garde des sceaux d'engager un vaste mouvement de dématérialisation, de simplification et de réorganisation.

« Avoir confiance dans la justice, c'est pouvoir y recourir simplement et savoir qu'elle tranchera rapidement, en particulier sur les infractions les plus graves : lutter contre le terrorisme, la grande criminalité, la fraude organisée, les violences et notamment celles faites aux plus fragiles. Des peines seront renforcées tandis que d'autres incivilités pourront faire l'objet de contraventions plutôt que de procédures plus lourdes mais trop souvent dépourvues d'effet.

« La construction de 15 000 places supplémentaires de prison est un engagement fort du président de la République. (On s'en réjouit sur les bancs du groupe Les Républicains)

« Il sera tenu.

« Parce que ne pas pouvoir incarcérer ceux qui doivent l'être est inadmissible. Mais aussi parce qu'il nous faut traiter dignement les détenus. C'est essentiel pour ne pas transformer les prisons en incubateurs des violences de demain, et c'est essentiel pour nous, car c'est aussi notre dignité qui est en jeu.

« Nous ferons donc ce qui doit être fait, sans oublier jamais que la prison n'est pas une fin en soi et qu'il est nécessaire d'utiliser l'ensemble des sanctions prévues par le code pénal. Le recours à l'enfermement ne doit pas traduire une paresse de l'esprit qui s'interdirait de réfléchir au sens de la peine, à la nécessité d'empêcher la récidive, à l'obligation de préparer la réinsertion.

« Rétablir la confiance, c'est aussi rassurer les Français sur le futur de la sécurité sociale.

« La sécurité sociale est une partie de nous-même. Elle est, comme le veut une belle formule, le patrimoine de ceux qui n'en n'ont pas. Mais si tel est le cas, alors traitons-la comme un véritable patrimoine, en l'entretenant, en la préservant, en la rénovant.

« C'est vrai pour notre système de santé.

« Les Français y sont attachés parce qu'à juste titre ils font confiance à leur médecin et aux professionnels de santé. Et à l'hôpital, qui reste un pôle d'excellence française.

« Mais ils constatent que le système est mal coordonné, que la répartition entre urgences et consultations, entre soins de ville et soins hospitaliers n'est pas optimale, que l'on n'évite au fond ni l'exclusion des soins, ni l'accroissement des inégalités.

« La prévention sera le pivot de la stratégie nationale de santé discutée à l'automne.

« Des maladies que l'on croyait éradiquées se développent à nouveau sur notre territoire ; des enfants meurent de la rougeole aujourd'hui en France... Dans la patrie de Pasteur, ce n'est pas admissible. L'an prochain, les vaccins pour la petite enfance qui sont unanimement recommandés par les autorités de santé deviendront obligatoires.

« En matière de lutte contre le tabac, là encore, il nous faut assumer des choix courageux. Chaque année le tabac en France entraîne plus de 80 000 décès. C'est la première cause de mortalité évitable, et la consommation quotidienne de tabac augmente chez les adolescents. Ne rien faire est exclu. Nous porterons progressivement le prix du paquet de cigarettes à 10 euros, en luttant sans merci contre les trafics qui minent cette politique de santé autant qu'ils fragilisent ceux qui respectent la loi. (Mouvements divers ; Mme Catherine Deroche applaudit)

« Nous créerons un service sanitaire pour les étudiants des filières de santé pour leur permettre d'intervenir dans les écoles et les entreprises pour des actions de prévention.

« Mais prévenir ne suffit pas. Il nous faudra aussi revoir la manière dont est organisé notre système de soins. Nos professionnels de santé sont compétents et dévoués. Mais leur action est trop souvent entravée par les rigidités de nos structures, les carcans administratifs, le fonctionnement en silo. Il nous faut donc bâtir des parcours de soins, en favorisant l'interconnexion des professionnels de santé et la circulation de l'information, au bénéfice du patient, en mettant en place de nouvelles incitations et de nouveaux modes de rémunération, en mesurant la qualité des soins et en la faisant connaître. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale traduira cette ambition dès cette année.

« Notre stratégie de santé devra aussi permettre de garantir un égal accès aux soins. Pas seulement en droit mais surtout dans les faits. La ministre de la santé prépare, pour le mois de septembre prochain, un plan de lutte contre les déserts médicaux, en bonne intelligence avec les collectivités territoriales et les acteurs du monde de la santé. En la matière, la télémédecine offre des opportunités formidables. Nous les favoriserons. »

Mme Nicole Bricq.  - Bravo ! 

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « Enfin, notre stratégie de santé devra rompre le cercle vicieux du « renoncement aux soins ». D'ici la fin du quinquennat, tous les Français auront accès à des offres sans aucun reste à charge pour les lunettes, les soins dentaires et les aides auditives.

« Rétablir la confiance, c'est savoir que nous serons, tous ici, jugés sur la façon dont nous nous comportons avec les plus faibles : pas seulement pour changer le regard que la société porte sur eux, sur le handicap, sur les personnes âgées, sur les plus pauvres. Mais aussi pour reconnaître tout ce que nous pouvons recevoir d'eux.

« Nous revaloriserons dès 2018 l'allocation adulte handicapé et le minimum vieillesse, nous simplifierons les procédures pour les titulaires de droits sociaux qui souvent, par désespoir ou ignorance, ne les réclament plus. Nous renforcerons notre action en matière de lutte contre la pauvreté en insistant particulièrement sur les familles comprenant de jeunes enfants.

« Ces efforts financiers sont nécessaires. Ils ne sont pas suffisants.

« Il nous faut aussi reconnaître et soutenir les solidarités familiales, affectives et financières. Les familles sont de plus en plus diverses, mais leur rôle reste central. La génération de mes grands-parents a été la première à bénéficier de la retraite. La génération de mes parents est la première à bénéficier de la retraite, tout en ayant à assumer une partie de l'aide à ses propres parents. Le changement de civilisation est majeur. Il ne me paraît pas suffisamment pris en compte. La baisse de la natalité, de son côté, réelle depuis deux ans, doit nous alerter.

« Nous cesserons donc de considérer les familles comme de simples variables d'ajustement fiscal. La ministre de la santé et des solidarités et la secrétaire d'État à l'égalité femmes-hommes présenteront des mesures améliorant le congé maternité et les solutions de garde d'enfant.

« L'inclusion des personnes en situation de handicap constituera une des priorités du quinquennat. C'est à une mobilisation nationale que j'appelle, sous l'impulsion du président de la République, et sous la conduite de la secrétaire d'État. Les personnes en situation de handicap, et celles qui les accompagnent, ont droit à la solidarité nationale. Elles ont besoin de bien plus encore. Et elles peuvent nous apporter davantage. Un enfant handicapé scolarisé, ce n'est pas seulement une histoire d'argent, ni même de justice : c'est une chance pour l'ensemble de ses camarades. Une entreprise qui embauche plutôt que de payer une taxe, c'est une communauté de travail plus forte et plus motivée.

« Les moyens ne pourront pas être illimités. Mais l'énergie que nous y mettrons ne sera pas comptée.

« Rétablir la confiance, c'est aussi affermir le lien entre l'État et les territoires.

« Nous ne sommes plus à l'époque où la République, encore mal affirmée, n'imaginait son unité qu'au prix de l'uniformité. Les jardins à la Française ont leur charme, mais ils se prêtent assez peu au foisonnement d'initiatives dont le pays a besoin et auquel les collectivités sont prêtes.

« Comme l'a réaffirmé le président de la République hier, nous voulons donner aux libertés locales toutes leurs forces. »

M. Roger Karoutchi.  - Qu'est-ce que cela veut dire ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « La liberté de s'organiser d'abord, en développant les communes nouvelles ou les regroupements de départements, dès lors que ces fusions ne sont pas contraires à l'intérêt général. La liberté d'exercer ses compétences ensuite. Osons les expérimentations. Ne décrétons pas depuis Paris la fin du millefeuille territorial, mais incitons les territoires à adapter, localement, leur organisation, pour tendre partout où c'est possible vers deux niveaux seulement d'administration locale en dessous du niveau régional. Pourquoi ne pas permettre, sur la base du volontariat, à certaines collectivités d'exercer des compétences pour le compte d'un autre niveau, comme par délégation ?

« En matière de finances locales, nous engagerons avec les collectivités territoriales des discussions indispensables, car si chacun doit bien sûr contribuer à l'effort de redressement de nos comptes publics, cela doit se faire dans le dialogue et le respect, et avec la prévisibilité nécessaire à toute bonne gestion. C'est dans ce cadre que nous engagerons la concertation sur la réforme de la taxe d'habitation, (« Ah ! » à droite) qui doit contribuer, d'ici la fin du quinquennat, à rendre du pouvoir d'achat à nos concitoyens. (Même mouvement) Je sais cette réforme attendue par les contribuables, mais redoutée par les élus. (On s'exclame derechef sur les mêmes bancs) La taxe d'habitation est aussi nécessaire aux budgets locaux qu'elle est injuste dans son calcul et son évolution pour les contribuables. »

M. Jacques Grosperrin.  - En même temps !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « Améliorer le dispositif pour les collectivités tout en redonnant du pouvoir d'achat pour les citoyens est un objectif qui devrait nous réunir.

« Ce qui nous rassemble, c'est aussi la culture. C'est notre langue, c'est notre patrimoine, c'est ce que nous partageons, c'est ce qui fait que la France est admirée et aimée dans le monde. C'est ce que détestent les porteurs de haine qui, à plusieurs reprises, ont attaqué notre pays. Et s'ils détestent autant cette culture et ce mode de vie, s'ils haïssent les dessins, les livres, la musique et les spectacles, c'est qu'ils les savent une source inépuisable de réflexion, d'émancipation et de bonheur. Ils savent qu'ils sont libérateurs.

« Ne nous y trompons pas : la formation, dès le plus jeune âge, à la culture et à la création, rend libre. En les familiarisant avec la longue histoire des arts, en leur faisant découvrir les lieux de culture, en leur apprenant à décrypter l'époque et à découvrir notre héritage, nous élevons l'âme de nos enfants, et nous renforçons la cohésion de notre pays. De concert, les ministres de l'éducation nationale et de la culture feront de ce chantier une priorité commune.

« De même, lire rend libre. Plus encore que sous les ors de ses palais, la République vit dans ses bibliothèques. Nous voulons rester, redevenir peut-être, une nation de lecteurs en nous inspirant des initiatives remarquables menées par de nombreuses collectivités territoriales.

« Accéder aux oeuvres et à la création rend libre. Notre époque bouleverse les modes de diffusion des oeuvres : c'est à la fois une chance et un défi. Profitons-en pour faciliter le plus large accès possible aux biens culturels, avec notamment la création d'un Pass-culture pour les jeunes comme l'a proposé le Président. Mais ouvrons aussi le débat avec les acteurs géants du numérique, dans le cadre européen, pour assurer aux artistes les moyens de vivre de leur création et pour participer au financement de cet accès aux oeuvres.

« La France peut renouer avec la confiance. Elle en a, j'en suis certain, les moyens. Elle en a, j'en suis convaincu, l'envie. Elle doit aussi en avoir le courage.

« Le courage, voilà le deuxième grand axe qui organise le travail du Gouvernement. Entendons-nous bien. Il ne s'agit pas du courage du Gouvernement, ou de celui de la majorité, ou de celui du Parlement. Il s'agit du courage dont nous devons collectivement, nous Français, faire preuve pour être à la hauteur des enjeux.

« Les Français sont courageux. Ils l'ont été face au terrorisme. Pas seulement les policiers, les gendarmes, les militaires ou les douaniers qui luttent contre cette menace et qui en sont trop souvent les cibles. Tous les Français. Face au danger, ils n'ont pas voulu changer leurs habitudes ; encore moins renoncer à leurs valeurs. Il y a dans notre pays une forme de courage tranquille mais réel dont nous pouvons être fiers.

« La menace est partout, diffuse. Pas un mois ne passe sans que des projets ne soient éventés ou des actes empêchés. Ayons, en cet instant, une pensée pour les victimes - plus de 200 tués sur notre sol, des centaines de blessés - pour leurs proches, qui doivent apprendre à vivre avec la douleur, avec la peine et avec l'absence.

« Je veux rendre hommage à tous ceux que nous voyons, policiers, gendarmes, militaires de l'opération Sentinelle, veiller chaque jour sur notre sécurité. À ceux qui combattent sur les théâtres d'opérations extérieures, au Sahel ou au Levant. Et à tous ceux que nous ne voyons pas et ne connaîtrons jamais, nos soldats de l'ombre, dont nous pouvons être fiers. Beaucoup sont tombés au service de notre liberté.

« Je veux leur dire à tous que nous leur donnerons les moyens de nous défendre. Comme s'y est engagé le président de la République, une loi de programmation militaire sera adoptée dès 2018. Elle portera l'effort de défense à 2 % du PIB d'ici 2025 et permettra à la France de se battre sur tous les fronts.

« Mais je tiens à vous le dire sans détours : il y aura d'autres attaques, d'autres drames, d'autres vies innocentes fauchées. Nous ne nous habituerons jamais. Nous ne baisserons pas la garde. À l'image des Français, nous affronterons cette menace avec une calme et froide détermination. Nous lutterons contre les terroristes avec la plus extrême dureté, sans renier ce que nous sommes : un État de droit et, qui plus est, la République française. Une République qui ne peut pas vivre dans un état d'urgence permanent.

« C'est pourquoi le président de la République nous a demandé de préparer la sortie de l'état d'urgence au plus tard le 1er novembre prochain, avec un projet de loi renforçant l'efficacité de notre arsenal législatif contre le terrorisme, sous le contrôle rigoureux du juge.

« En parallèle, le ministre de l'intérieur et la garde des sceaux travailleront ensemble pour faire reculer l'insécurité. Au printemps 2018, après des expérimentations, ils porteront ensemble un projet de réforme reposant sur des procédures simplifiées, afin que les forces de sécurité soient libérées de la complexité administrative. Établir une véritable police de sécurité du quotidien, c'est aussi une condition pour rétablir la confiance.

« Le courage, c'est aussi de regarder en face le défi migratoire. La pression qui s'exerce aux frontières, dans les Alpes-Maritimes, dans le Calaisis, à Mayotte, en Guyane, qui s'exerce aussi au coeur même du territoire national, comme à Paris, porte de la Chapelle, crée des tensions considérables et lourdes de dangers pour l'ordre public. Cette pression ne faiblira pas : les conflits et l'insécurité économique au Moyen-Orient et en Afrique, les risques liés au climat, les réseaux qui prospèrent en exploitant le malheur et la misère : tout contribue à l'alimenter.

« Face à cette situation, la France s'est révélée incapable de remplir ses obligations, juridiques et morales. Les demandeurs d'asile relevant effectivement de la Convention de Genève attendent l'octroi d'un statut durant de longs mois et dans des conditions parfois honteuses. Les autres, qui sont en réalité des migrants économiques, sont rarement éloignés quand ils sont déboutés.

« La semaine prochaine, le Gouvernement présentera des mesures qui répondront à trois exigences. Une exigence de dignité pour que la France honore sa tradition d'accueil des réfugiés. Une exigence d'efficacité pour réduire les délais moyens d'instruction des demandes d'asile, de quatorze à six mois, et obtenir l'éloignement effectif des déboutés du droit d'asile. Une exigence de solidarité et de responsabilité. Avec nos partenaires européens, nous ferons aboutir la réforme du régime européen d'asile commun et mènerons une action en direction des pays d'origine et de transit.

« Il s'agit, comme je l'ai dit il y a quelques jours aux préfets que j'ai réunis avec le ministre de l'intérieur, de voir le monde tel qu'il est, sans renoncer à ce que nous sommes. Accueillir oui, bien sûr. Aider, oui, évidemment. Subir, non, jamais.

« Le courage, c'est aussi de regarder les choses en face et de préparer l'avenir. Parlons donc de l'école.

« Je suis par mon histoire personnelle un pur "produit" de l'école publique. Deux fois fils de prof, je dois une bonne partie de ce que je suis à mes maîtres, à leur attention, leur persévérance et leur capacité à m'inspirer. Nous connaissons tous le dévouement des enseignants, la passion qui les anime et le rôle qu'ils jouent pour nos enfants. Et pourtant ! Toutes les études le démontrent : nous formons très bien les très bons, mais nous creusons les inégalités et le niveau moyen de nos élèves n'est pas à la mesure de notre grand pays. Notre système laisse sortir chaque année encore près de 100 000 jeunes sans qualification...

« Nous dépensons bien moins que nos voisins dans le primaire, où pourtant tout se joue. Nous dépensons bien plus que les autres pays pour le lycée, notamment parce que notre système est rigide et conçu autour du baccalauréat ; mais nous conduisons 60 % - 60 % ! - de bacheliers à l'échec en licence ! »

M. Jean-Claude Carle.  - C'est vrai !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « Enfin, scandale absolu : des bacheliers, y compris parmi les plus méritants, se retrouvent exclus par tirage au sort des filières universitaires qu'ils ont choisies ! » (Exclamations à droite)

M. Jacques Grosperrin.  - Merci Belkacem !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « Où est l'égalité ? Où est le mérite ? Où est la République ? Nous ne pouvons plus l'accepter. (Applaudissements sur les bancs des groupes La République En Marche, RDSE et Union centriste) Je ne reviendrai pas sur les mesures déjà annoncées par le ministre de l'éducation pour l'école et le collège. Elles se concentrent sur l'acquisition des savoirs fondamentaux, le soutien aux élèves et l'autonomie des établissements et seront en vigueur dès la rentrée prochaine. » (Applaudissements sur les bancs des groupes La République En Marche et Union centriste, ainsi que sur plusieurs autres bancs)

M. Bernard Saugey.  - Très bien.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « Quant au baccalauréat, nous le ferons profondément évoluer. Une concertation sera lancée dès la rentrée prochaine, pour resserrer les épreuves finales autour d'un plus petit nombre de matières et définir ce qui relève du contrôle continu. Nous aboutirons avant septembre 2018, pour une mise en oeuvre complète de cette réforme pour le bac 2021.

« Notre ambition est forte aussi pour la filière professionnelle. Le lien entre le lycée professionnel et le monde de l'entreprise, par l'alternance ou par l'apprentissage, doit être resserré. Le lycée professionnel doit aussi être mieux intégré avec les filières post bac courtes que sont les BTS et les licences professionnelles. Des diplômes de qualification à bac+1 pourront également être proposés après le baccalauréat professionnel.

« Nos grandes universités doivent également continuer à se transformer. Avec l'appui des organismes de recherche, elles doivent continuer à gagner en autonomie, travailler en réseau et se rapprocher du monde économique. C'est dans leurs laboratoires que se construisent l'intelligence collective et la croissance économique de demain.

« Les efforts d'investissement ne seront pas relâchés. Nous avons besoin d'universités fortes où formation, recherche et innovation irriguent notre culture et notre économie.

« Nos universités vont connaître un choc démographique, dont nous devons nous réjouir. Chaque année, ce sont 40 000 étudiants supplémentaires qu'il nous faudra accueillir. Mais nous n'avons pas le droit d'orienter des générations entières dans des formations inadaptées et sans débouchés. Il est temps d'offrir à nos lycéens des contrats de réussite étudiante, qui leur indiquent les pré-requis pour réussir dans la filière visée. (Applaudissements au centre et à droite) Nous le ferons dès la rentrée 2018. Il faut aussi garantir un réel droit au retour à l'université tout au long de la carrière, pour compléter et valider en milieu académique les acquis de l'expérience. (M. Jacques Legendre applaudit)

« Notre jeunesse a soif de causes. On n'y répondra pas par des taux de croissance ou par des procédures. La jeunesse veut s'élever. Au siècle dernier elle a eu trop d'occasions de verser son sang. Le front aujourd'hui est social, environnemental et mondial. Il appelle la mobilisation de la jeunesse, non pour combattre mais pour construire, partager, déverser le fruit de ses connaissances et de son enthousiasme. C'est aussi pour préparer nos enfants à ce monde qui vient, à cette France que nous voulons grande et belle, juste et forte, que le gouvernement mettra en place un nouveau service national, conformément aux engagements du président de la République. (Murmures) La réflexion sur les formes que prendra ce service sera conduite avant la fin de l'année 2017.

« Le courage, c'est aussi de rénover enfin notre modèle social. Nous sommes, dans notre pays, fortement attachés à l'égalité : égalité devant la loi, égalité des droits. Pourtant, nous sentons bien aujourd'hui que cette égalité est malmenée. Le code du travail est le même pour tous, mais le niveau de protection n'est pas le même dans les grands groupes, les PME ou pour celui qui accumule les CDD.

« Et nous savons aussi que chacun aspire à notre époque à plus de liberté : liberté de choisir sa carrière professionnelle, de changer de métier, liberté de créer, liberté d'entreprendre, liberté de concilier sa vie professionnelle et sa vie personnelle. Les catégories traditionnelles qui ont structuré notre vie sociale s'effritent : la frontière entre salariat et le travail indépendant, le rôle de la loi et du contrat, la répartition de la valeur. Tout cela est profondément bouleversé par l'impact conjugué de la mondialisation et de la révolution numérique.

« Voilà pourquoi nous voulons rénover notre modèle social : pour qu'il crée des protections vraiment efficaces au lieu de les garantir seulement sur le papier. Pour qu'il accompagne celui qui veut prendre un risque, au lieu d'être seulement tourné vers celui qui est déjà installé.

« Dès le 6 juin dernier, j'ai défini avec la ministre du travail, et nous avons partagé avec les partenaires sociaux, la feuille de route de cette rénovation sociale. Elle tient en quatre points : renforcer le dialogue social dans l'entreprise et dans les branches ; redonner du pouvoir d'achat aux actifs ; sécuriser les parcours professionnels ; rendre notre système de retraite plus juste et plus lisible.

« Nous voulons aller vite, car l'urgence sociale est forte. Mais nous avançons sans précipitation. Nous sommes encore dans le temps de la concertation avec les partenaires sociaux ; cette semaine commence le temps du débat parlementaire, avec l'examen du projet de loi d'habilitation pour le renforcement du dialogue social. À la fin de l'été viendra le temps de la décision, lorsque les ordonnances seront publiées.

« Dès octobre, nous engagerons les chantiers du renforcement de la formation professionnelle, de l'ouverture de l'assurance chômage aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants, de la refonte de l'apprentissage. Nous aurons là aussi de vraies discussions avec les partenaires sociaux et nous présenterons un projet de loi et un plan d'actions au printemps 2018.

« Nous appliquerons la même méthode à la rénovation de notre système de retraites pour le rendre plus juste et plus transparent, pour qu'un euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous. Nous prendrons le temps du diagnostic, de la concertation et de la négociation et nous fixerons le cadre de la réforme fin 2018.

« Entre-temps, nous aurons rendu du pouvoir d'achat aux salariés : la suppression des cotisations salariales sur l'assurance maladie et l'assurance chômage, financée par un transfert sur la CSG (exclamations sur divers bancs à gauche et à droite), redonnera dès 2018 du pouvoir d'achat à plus de 20 millions d'actifs. Cela représente 250 euros par an au niveau du smic. Nous augmenterons aussi la prime d'activité, car le message aux Français est clair : le travail doit payer. (Mme Bariza Khiari applaudit)

« Le courage, c'est enfin de faire face à la vérité sur notre situation financière. (Exclamations à droite) Dès ma prise de fonction, j'ai voulu disposer d'une vision nette de la situation de nos comptes publics. Le constat est grave : huit milliards d'euros de dépenses non financées. (Mouvements divers) Notre dette atteint un niveau insupportable. 2147 milliards d'euros. »

M. Thierry Foucaud.  - Que faisait donc M. Macron ces dernières années ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « Chaque année, la France dépense 42 milliards d'euros pour rembourser ses intérêts : 42 milliards, c'est plus que l'intégralité du budget que nous consacrons à notre défense nationale. C'est cinq fois le budget de la justice. Cette dette nous met à la merci des marchés financiers dont les fluctuations décident de plus en plus de notre avenir. Si une nouvelle crise survenait, nous n'aurions plus de marge de manoeuvre. Si les taux d'intérêt augmentaient d'un point, et ils augmenteront un jour, c'est l'équivalent du budget de l'enseignement supérieur qui partirait en fumée.

« Et pourtant nous continuons à dépenser plus que nos recettes. Je n'aime pas raisonner en pourcentage du PIB, 2,8 %, 3,2 %... Nous avons anesthésié nos compatriotes à force de parler comme des comptables. La vérité, c'est que quand nos voisins allemands prélèvent 100 euros en impôts et en dépensent 98, nous en prélevons 117 et en dépensons 125. Qui peut penser que la situation est durable ?

« Mesdames et messieurs, sous le regard inquiet des Français, nous dansons sur un volcan qui gronde de plus en plus fort. (Exclamations à droite) Certains continuent pourtant à nier l'évidence. "Combien de fois un homme peut-il tourner la tête en prétendant qu'il ne voit pas ?" s'interrogerait sans doute le prix Nobel de littérature de l'année 2017...

« Il y a une addiction française à la dépense publique. Comme toute addiction, elle ne règle rien du problème qu'elle est censée soulager. Et comme toute addiction, elle nécessitera de la volonté et du courage pour s'en désintoxiquer.

« Les Français ne croient pas aux solutions simplistes, qu'il s'agisse de la sortie de l'euro ou de l'annulation de la dette. Ils voient bien que tous nos partenaires européens ont fait l'effort de réduire leurs dépenses après la crise financière. Tous, sauf nous. »

M. Roland Courteau.  - M. Macron n'était-il pas ministre de l'économie ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « Ils savent qu'il est indigne de demander à leurs enfants de rembourser demain ce qu'eux-mêmes ne peuvent pas se payer aujourd'hui. Mon objectif est de ramener le déficit sous la barre des 3 % dès 2017 et de conduire notre stratégie de finances publiques autour de trois règles simples : faire baisser la pression fiscale, d'un point de PIB sur cinq ans ; faire baisser la dépense publique, de trois points de PIB sur la même période ; agir en donnant de la visibilité aux acteurs.

« Je veux d'abord rassurer nos concitoyens : les contribuables ne seront pas la variable d'ajustement du budget ! (On feint le soulagement à droite) Au contraire, les prélèvements obligatoires baisseront de 20 milliards d'euros d'ici 2022. (M. Henri de Raincourt se montre dubitatif) La France ne peut demeurer à la fois la championne de la dépense publique et des impôts !

« S'agissant de la dépense publique, l'objectif du gouvernement est ambitieux. C'est de faire en sorte qu'elle soit stable hors inflation en 2018 par rapport à 2017. Stable. On ne dépensera pas plus en 2018 qu'en 2017. Tous les autres États l'ont fait, voire ont baissé leurs dépenses. Mais cela n'a été fait qu'une seule fois en France - et encore, il s'agissait de supprimer les mécanismes conjoncturels de soutien qui avaient été institués pendant la crise.

« Disons la vérité aux Français ("Enfin !" sur quelques bancs à droite), pour atteindre ces objectifs sur la dépense publique, il faut agir sur trois leviers : d'abord stopper l'inflation de la masse salariale du secteur public, qui représente le quart de nos dépenses publiques. (Mme Pascale Gruny approuve) Ensuite, si nous voulons financer nos priorités, et ne pas continuer à paupériser l'État, nous devrons choisir et remettre en cause certaines missions : faire bien ce que nous devons faire ; arrêter de faire ce que d'autres font mieux que nous. Aucun ministère, aucun opérateur, aucune niche fiscale ne sera sanctuarisé. Partout nous chasserons la dépense inefficace et le saupoudrage de crédits.

« Enfin, repenser les politiques publiques qui pèsent sur nos actifs sans suffisamment de résultats. Nous dépensons deux fois plus que nos voisins européens dans l'aide au logement et les Français éprouvent toujours autant de difficultés à se loger. »

M. Francis Delattre.  - M. Eckert le disait déjà...

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « Cet écart entre le niveau de dépenses et la faiblesse des résultats, les Français le constatent également dans la politique de l'emploi et de la formation professionnelle...

« La France est dans les cordes et aucune esquive ne nous sauvera. J'ai conscience d'appeler à l'effort et au courage. Pour être entendu, il faudra agir de manière juste, transparente et dans la durée, en donnant de la visibilité aux gestionnaires publics et aux Français. Dès cette semaine, le ministre de l'action et des comptes publics réunira l'ensemble des administrations publiques, pour dessiner une trajectoire et une méthode globale de redressement financier. La conférence des territoires permettra, pour sa part, d'approfondir la concertation avec les collectivités territoriales.

« Dès la rentrée, le Gouvernement présentera à la fois le budget 2018 et une loi de programmation des finances publiques qui portera sur toute la durée du quinquennat. Cette trajectoire devra remettre la sécurité sociale à l'équilibre à l'horizon 2020. Nous devrons d'ici là définir de nouvelles règles permettant de proscrire dans la durée le déficit de nos comptes sociaux.

« Enfin nous devrons préserver les équilibres de notre système de retraites tout en le rendant plus juste et plus lisible. Les nouvelles prévisions du Conseil d'orientation des retraites nous y invitent avec insistance puisqu'elles indiquent que le retour à l'équilibre, un temps prévu pour 2025, ne pourrait finalement intervenir qu'en 2040.

« Pour atteindre ces objectifs, nous devons engager une véritable transformation de l'État et de nos services publics. Elle sera progressivement déclinée par ministère d'ici le printemps 2018, en associant les usagers, les agents et, évidemment, les parlementaires. »

Voix à droite. - Le Gouvernement est trop bon...

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « Nous mettrons évidemment le paquet sur la transformation numérique. Fixons-nous un objectif simple : avoir des services publics numériques de même qualité que ceux du secteur marchand. (Mme Pascale Gruny approuve l'objectif) Pour ce faire, nous mettrons en place une plateforme numérique et demanderons à chaque administration d'y loger ses applications. Un compte citoyen en ligne sera le nouveau lien entre les Français et leurs administrations. Certains diront que c'est trop compliqué, trop ambitieux. J'étais en Estonie la semaine dernière. Eux l'ont fait... Pourquoi pas nous ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes La République en marche et Union centriste)

« Cette transformation de l'action passera aussi par une confiance accrue accordée aux fonctionnaires et une modernisation de leur cadre d'action. Je veux leur dire ma fierté de les diriger, mon respect et ma reconnaissance.

« Restaurer la confiance, prendre courageusement les décisions que la situation impose, tout cela est nécessaire pour retrouver l'esprit de conquête auquel nous appelle le président de la République. La France doit être à nouveau conquérante. Dans le domaine économique d'abord. Depuis trop d'années, nous nous résignons à ce que la France tourne au ralenti. Nous nous résignons au chômage de masse. Notre économie ne produit pas assez de revenus, elle ne crée pas assez d'emplois, elle ne donne pas assez de chances à nos enfants.

« Au cours des années 2000, nous étions le premier pays d'accueil des investissements étrangers en Europe continentale ; depuis 2010, nous sommes derrière l'Allemagne. En termes d'exportations, nous sommes le seul des grands pays de la zone euro à avoir une balance du commerce extérieur déficitaire en 2016 alors qu'elle était bénéficiaire jusqu'au début des années 2000. »

M. Bruno Retailleau.  - Les 35 heures !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « Surtout, l'économie française croît désormais structurellement moins vite que la moyenne de la zone euro. »

M. Roland Courteau.  - Et alors ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « Cela n'est pas acceptable. Avec les réformes que nous vous proposons, nous voulons redevenir les premiers, en termes d'attractivité, de croissance et de création d'emplois.

« Une économie attractive, c'est une économie où les charges ne viennent pas freiner le dynamisme de ceux qui créent de la richesse. Les entreprises doivent retrouver l'envie de s'installer et de se développer sur notre sol plutôt qu'ailleurs. » (Mme Pascale Gruny applaudit)

M. Bruno Sido.  - Et l'ISF ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « J'annoncerai dans les tout prochains jours avec la maire de Paris et la présidente de la région Île-de-France des mesures fortes pour améliorer l'attractivité de la place de Paris.

« Pour favoriser l'embauche, nous baisserons le coût des charges qui pèsent sur le travail, en particulier pour les salaires proches du smic. Le CICE sera transformé en allègement de charges, qui seront nulles au niveau du smic. La réforme entrera en vigueur au 1er janvier 2019.

« Le taux de l'impôt sur les sociétés sera réduit par étapes de 33,3 % aujourd'hui à 25 % en 2022. Il convergera ainsi vers la moyenne européenne. La loi de finances pour 2018 précisera sa trajectoire de baisse pour donner de la visibilité aux entreprises.

« Nous voulons aussi alléger les contraintes qui pèsent sur nos entrepreneurs, en particulier sur les indépendants et les TPE-PME. Des mesures de simplification réglementaire seront prises et nous engagerons en 2018 la suppression du régime social des indépendants que nous adosserons au régime général.

« Une économie conquérante, c'est également une économie qui investit dans l'avenir. Il faut donc réorienter l'épargne des Français vers l'investissement productif. L'impôt de solidarité sur la fortune sera resserré autour du seul patrimoine immobilier, afin d'encourager l'investissement dans la croissance des entreprises. La réforme sera votée dès cette année, dans la loi de finances pour 2018, et entrera en vigueur en 2019. La réforme de la fiscalité du patrimoine sera complétée par la mise en place d'un taux de prélèvement unique d'environ 30 % sur les revenus de l'épargne. C'est simple, efficace et compétitif. La France se rapprochera ainsi de la moyenne européenne.

« Au final, vous le voyez, l'ensemble de ces mesures fiscales seront votées dès cette année et engagées dans les deux années qui viennent.

« Une fiscalité au service de l'activité, c'est important ; mais investir dans les secteurs d'avenir est tout aussi décisif. C'est pourquoi nous lancerons un grand plan d'investissement de 50 milliards d'euros dans les domaines de la transition écologique, du développement des compétences, de la santé, des transports, de l'agriculture, et de la modernisation de l'État. J'ai missionné Jean Pisani-Ferry pour le concevoir et préparer son déploiement.

« Une part de cet investissement viendra financer des réformes structurelles de notre économie et de la sphère publique. On économise durablement d'un côté, on investit dans l'avenir de l'autre.

« Investir dans l'avenir, c'est aussi soutenir notre industrie. Je n'ai jamais été impressionné par ceux qui rêvaient d'une industrie sans usine, et jamais convaincu par ceux qui envisageaient une France sans industrie. La réalité est sombre. Derrière les succès réels de certains, la désindustrialisation de notre tissu productif s'accélère. Pour redresser la tête et redevenir conquérants, nous devons nous renforcer. Certaines de nos filières comme l'aéronautique sont déjà remarquablement intégrées et à la pointe de la technologie, mais nous avons beaucoup d'entreprises industrielles, souvent de trop petite taille, souvent trop isolées des groupes qui leur permettraient de s'épanouir. Nous devons tisser un réseau industriel puissant de PME et d'ETI et accompagner son développement à l'export.

« Il nous reviendra aussi de tirer le plus grand parti possible des opportunités ouvertes par la révolution numérique, qui doit être une chance pour tous : pour les entrepreneurs qui créent des start-up, comme pour les TPE-PME ; pour ceux qui sont nés avec la révolution digitale, comme pour ceux qui en sont éloignés.

« La révolution de l'intelligence artificielle est devant nous. Elle est en vérité déjà là. Elle nous touchera tous, dans tous les domaines de la production. Ceux qui font mine de l'ignorer seront les premiers saisis par sa puissance. Nous devons nous y préparer, pour en faire une chance disruptive et non la subir comme une fatalité destructive. Le secrétaire d'État au numérique me proposera dans les trois mois une méthode permettant d'associer les meilleurs spécialistes de ce domaine à la définition d'une stratégie nationale pour l'intelligence artificielle.

« Renouer avec l'esprit de conquête, c'est aussi embrasser avec enthousiasme l'incroyable défi que posent les grandes transitions du monde, au premier rang desquelles la transition écologique. Ceux qui, par égoïsme ou inconscience, tournent le dos à l'accord de Paris sur le climat, manifestent plus qu'une simple incompréhension du monde qui vient. Ils montrent qu'au fond ils ont peur du futur. »

M. Roland Courteau.  - Pourquoi les inviter au 14 Juillet ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « L'autruche est sans doute un animal sympathique, mais mettre sa tête dans le sable n'a jamais préparé personne à affronter l'avenir. Il nous revient donc de préparer notre pays et notre planète à cette nouvelle ère. De ne pas la subir mais de la façonner.

« Tout a été écrit sur le sujet. Depuis les remarquables livres de Jared Diamond jusqu'aux témoignages saisissants de ceux qui parcourent inlassablement la planète pour éveiller les consciences. Notre rapport aux ressources doit être profondément modifié. Notre cap sera simple à formuler, mais ambitieux et exigeant : nous voulons arriver à la neutralité carbone d'ici 2050. C'est pourquoi nous n'attribuerons plus de nouveaux permis d'exploration d'hydrocarbures ; la convergence diesel- essence sera atteinte avant la fin de la mandature ; la montée en puissance de la fiscalité carbone sera accélérée ; nous diviserons par deux les déchets mis en décharge et recyclerons 100 % des plastiques sur tout le territoire d'ici 2025. Nous partirons du principe simple qu'il est toujours préférable de taxer la pollution plutôt que le travail (M. Loïc Hervé applaudit), et qu'avant de sanctionner et d'interdire, il vaut mieux encourager et adapter.

« Le temps des très grandes infrastructures de transport doit céder la place à des politiques tournées vers des nouveaux modes de mobilité qui associent les nouvelles technologies, le secteur public comme le secteur privé, les micro-entreprises comme les champions nationaux. Les assises de la mobilité associeront, dès la rentrée, les usagers, les opérateurs, les collectivités, les ONG, pour orienter les investissements en faveur des déplacements quotidiens, plus sûrs, qui désenclavent les territoires. La loi d'orientation sur la mobilité préparera également l'ouverture à la concurrence que nous ne devons pas redouter, ni en France, ni à l'étranger. Nos opérateurs nationaux de transport sont déjà des champions à l'international.

« Autre domaine où une transition profonde s'impose : le logement. Pour construire de nouveaux logements, une loi à l'automne simplifiera les procédures, en particulier dans les bassins d'emplois les plus dynamiques. Les procédures de permis de construire seront accélérées (applaudissements), les recours abusifs sanctionnés. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes La République En Marche, RDSE et Union centriste) Au besoin, et notamment dans les zones tendues, les autorisations d'urbanisme seront transférées des communes aux intercommunalités pour que les décisions de construire soient prises à l'échelle des bassins de vie. (On se récrie sur divers bancs) Dans les dix ans, nous nous fixons aussi pour objectif de supprimer les passoires thermiques, principales sources de gaspillage énergétique, qui grèvent les budgets des ménages les plus modestes. »

M. Roland Courteau.  - Tout cela était déjà prévu !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « Être conquérant face aux transformations du monde, voilà bien un principe qui s'applique à l'agriculture. La France a longtemps été son agriculture. Par la puissance de sa production, par sa marque sur notre géographie, par l'importance qu'elle occupe dans notre imaginaire et dans notre vie, l'agriculture française a fait bien plus que nourrir - et très bien nourrir - les Français.

« Elle est aujourd'hui confrontée à de multiples transformations : la pression sur le foncier agricole, la répartition insatisfaisante de la valeur entre producteurs et distributeurs, la concurrence étrangère, la multiplication des normes, la nécessité de préserver l'environnement, la demande croissante de consommateurs pour des productions nouvelles et de qualité...

« Les agriculteurs français n'ont pas peur de s'adapter. Ils veulent vivre de leur travail, de leur terre et de leurs compétences. Les états généraux de l'alimentation... »

Voix à droite.  - Encore des états généraux !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « ...reverront le partage de la valeur dans le modèle agricole : il n'est pas admissible que des agriculteurs ne puissent pas se verser un revenu décent et vivent sous le seuil de pauvreté. Ce doit être aussi notre combat pour la politique agricole commune de demain.

« Ces états généraux devront conforter notre confiance en une alimentation plus saine. Je veux aussi réconcilier l'agriculture et l'environnement, en particulier en examinant sans faux-semblants la question des pesticides ou des perturbateurs endocriniens.

« Enfin, vous permettrez à l'ancien maire du Havre que je suis de rappeler que la France conquérante, celle que voulait François Ier au début de la Renaissance, était tournée vers la mer. La France conquérante, ce doit être une France qui prend appui sur sa puissance maritime pour créer de nouveaux emplois, notamment dans les filières des énergies marines, pour capter toujours plus de marchandises grâce à ses grands ports.

« Une France conquérante, c'est enfin une France écoutée, respectée et désirée. Je l'ai dit il y a quelques semaines, la France est de retour et, singulièrement, en Europe. » (On se gausse à droite)

M. Roger Karoutchi.  - Où était-elle passée ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « Nous le devons au président de la République, et nous le devons aux Français, qui ont adressé deux messages lors des élections : ils sont attachés à la construction européenne et à l'euro et ils veulent une Europe plus concrète, moins tatillonne, plus protectrice.

« L'agenda européen de ce Gouvernement tient en trois idées. D'abord, tout faire pour réconcilier les Français avec l'Union européenne. »

Mme Nicole Bricq.  - Bravo !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « ?uvrer pour une Europe qui protège, une Europe qui pourra s'appuyer sur une zone euro mieux gouvernée, qui saura faire progresser sa politique de défense ; la convergence sociale et, notamment, la réglementation des travailleurs détachés ; une politique commerciale de réciprocité, sans naïveté.

« Préparer les trois négociations cruciales pour l'avenir de l'Union : la redéfinition de notre projet à 27, avec l'Allemagne et avec ceux de nos partenaires qui voudront aller de l'avant ; la conduite d'une négociation ordonnée de sortie du Royaume-Uni comme préalable au cadre de la relation future ; les perspectives financières pour l'avenir des politiques de l'Union après 2020.

« Enfin le président de la République a rappelé hier que nous ne concevons pas le redressement de notre pays sans une politique internationale qui rende à la France son statut de puissance d'influence mondiale.

« L'esprit de conquête c'est aussi être capable d'attirer à nous l'intelligence de demain, en accueillant toujours plus d'étudiants du monde entier pour enrichir et diffuser nos techniques, notre langue, notre identité ; c'est attirer toujours plus de richesses grâce à notre offre touristique, qui constitue un atout économique majeur ; c'est montrer au monde qui nous sommes en organisant les grands événements pendant lesquels la planète nous regardera : la candidature de Paris aux jeux Olympiques de 2024 a mobilisé la France entière autour du sport et de ses valeurs, l'accueil des JO offrira, je l'espère, une chance unique de renforcer la place de Paris au premier rang des grandes métropoles mondiales. (Quelques applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, La République En Marche et Union centriste)

« Soyons conquérants ! L'évolution du monde donne toutes ses chances à la France parce que ce nouveau monde a besoin de science et de raison, d'ordre et de loi, de technologies et de culture, de dialogue et de solidarité. Et la France, c'est tout cela !

« Je ne crois pas à l'omnipotence du politique mais je ne crois certainement pas à son impuissance car, je vous l'ai dit au début de mon propos, et votre assemblée en est la preuve par sa composition, les bonnes politiques publiques permettent de changer la vie des Français. C'est long... »

M. Philippe Mouiller.  - ...comme un discours ? (Sourires à droite)

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « C'est lent. C'est difficile. Mais, pour reprendre les mots de Simone Veil, j'ai confiance dans notre capacité collective à progresser. Je sais ce que peut la volonté politique quand elle a le soutien de la représentation nationale et de la majorité du peuple français.

« J'ai cette volonté. L'ensemble de l'équipe gouvernementale la partage. Elle travaille avec une méthode, celle de l'efficacité, du dialogue et de la collégialité. Cette méthode de travail, le Gouvernement la propose aux législateurs que vous êtes... »

M. Francis Delattre.  - On verra...

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - « ...en y ajoutant le respect et l'exigence de vérité. J'ai siégé sur ces bancs et je suis trop attaché au rôle et aux prérogatives du Parlement pour qu'il en soit autrement.

« ?uvrons ensemble pour qu'à la fin de ce quinquennat, la France ait atteint le cap fixé par le président de la République - que la France ne regrette pas d'avoir choisi l'optimisme et la confiance.

« Travaillons pour que le chômage reflue, que les territoires ruraux continuent à vivre (on souligne à droite), que les quartiers libèrent leurs énergies, que les expatriés reviennent, que les entrepreneurs innovent, investissent et créent des emplois. Travaillons pour que le mérite soit récompensé. Travaillons pour que nos compatriotes vivent mieux. Aucun des défis de la modernité ne doit nous effrayer. L'espoir qui s'est levé fonde notre responsabilité. »

C'est pourquoi, conformément aux dispositions de l'article 49-1 de notre Constitution, M. le Premier ministre a l'honneur de demander à l'Assemblée nationale de lui accorder sa confiance. (Applaudissements sur les bancs des groupes La République En Marche, socialiste et républicain, RDSE, Union centriste ; M. Robert del Picchia applaudit également)

Conférence des présidents

M. le président.  - Voici les conclusions de la Conférence des présidents sur l'ordre du jour :

MARDI 4 JUILLET 2017

- Projet de loi prorogeant l'application de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence

MERCREDI 5 JUILLET 2017

À 16 h 30

- Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution

JEUDI 6 JUILLET 2017

À 9 h 30

- Désignation d'un secrétaire du Sénat, en remplacement de François Fortassin

- Projet de loi ratifiant l'ordonnance modifiant la partie législative du code des juridictions financières

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

LUNDI 10 JUILLET 2017

À 16 heures

- Projet de loi et projet de loi organique rétablissant la confiance dans l'action publique

MARDI 11 JUILLET 2017

À 14 h 15

- Éloge funèbre de François Fortassin

À 15 heures

- Suite du projet de loi et du projet de loi organique rétablissant la confiance dans l'action publique

À 16 h 45

- Questions d'actualité au Gouvernement

À 17 h 45 et le soir

- Suite du projet de loi et du projet de loi organique rétablissant la confiance dans l'action publique

MERCREDI 12 JUILLET 2017

À 14 h 30 et le soir

ET JEUDI 13 JUILLET 2017

À 9 h 30 et de 14 h 30 à 16 heures

- Suite du projet de loi et du projet de loi organique rétablissant la confiance dans l'action publique

MARDI 18 JUILLET 2017

À 14 h 15

- Éloge funèbre de Patrick Masclet

À 15 heures et le soir

- Projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme

MERCREDI 19 JUILLET 2017

À 14 h 30 et le soir

- Suite du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme

JEUDI 20 JUILLET 2017

À 9 h 30

- 6 conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié

- Projet de loi ratifiant l'ordonnance portant création de l'établissement public Paris La Défense

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

À 16 h 15

- Débat sur l'orientation des finances publiques et, sous réserve de sa transmission, projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2016

- Projet de loi autorisant la ratification de l'avenant modifiant la convention entre la France et le Portugal tendant à éviter les doubles impositions

LUNDI 24 JUILLET 2017

À 16 heures

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social

MARDI 25 JUILLET 2017

À 9 h 30

- Questions orales

À 14 h 30 et le soir

- Suite du projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social

MERCREDI 26 JUILLET 2017

À 14 h 30 et le soir

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2016 ou nouvelle lecture

- Suite du projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social

JEUDI 27 JUILLET 2017

À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir

- Suite du projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social

MARDI 1er AOÛT 2017

À 16 h 45

- Questions d'actualité au Gouvernement

MERCREDI 2 AOÛT 2017

À 14 h 30

- Conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi et le projet de loi organique rétablissant la confiance dans l'action publique ou nouvelle lecture

JEUDI 3 AOÛT 2017

À 9 h 30

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social ou nouvelle lecture.

L'ordre du jour est ainsi réglé.

Selon l'article 48 de la Constitution et de l'article 29 bis de notre règlement intérieur, la Conférence des présidents a défini les semaines dont l'ordre du jour est affecté en priorité au Gouvernement, au contrôle et à l'initiative parlementaire. Ce calendrier vous a été communiqué.

La séance, suspendue à 16 h 45, reprend à 17 heures.

présidence de M. Hervé Marseille, vice-président

Sixième prorogation de l'état d'urgence (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.

Discussion générale

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Ce projet de loi est d'une importance cruciale : il concerne la sécurité des Français. Et, pour le Gouvernement auquel j'appartiens, c'est un sujet sur lequel on ne peut pas transiger.

Merci au président Bas et au rapporteur Mercier pour leur travail, excellent comme toujours, et aux sénateurs de participer à la discussion de ce premier texte du quinquennat.

Depuis deux ans et demi, notre pays subit une vague d'attentats sans précédent : 239 personnes ont perdu la vie, plus de 900 ont été blessées, dont certaines conserveront toute leur vie durant des séquelles très lourdes.

La menace terroriste demeure à un niveau extrêmement élevé. Plusieurs tentatives ont eu lieu sur notre sol : deux sur les Champs-Élysées, le 20 avril et le 19 juin ; celle sur le parvis de Notre-Dame de Paris. Nous sommes visés ; nos voisins le sont aussi. L'Allemagne et l'Angleterre ont été durement touchées.

Les reculs de Daech sur le front irako-syrien et libyen n'obèrent pas sa capacité à frapper l'Europe et la France. Si l'on n'observe pas de mouvement massif de retour des combattants, grâce à un contrôle renforcé à la frontière turque, le risque demeure réel. Les derniers attentats ont montré que des individus isolés, disposant de moyens rudimentaires, pouvaient fomenter des attaques susceptibles d'être très meurtrières.

C'est pourquoi, le Gouvernement n'avait d'autre choix que de proroger l'état d'urgence. Cet état d'exception, institué par la loi du 3 avril 1955 modifiée par celle du 21 juillet 2016, comprend douze types de mesures dont certaines, peu connues, sont très utiles - je pense à la possibilité d'établir des zones de protection et de sécurité. Nous le reconduisons pour la sixième fois depuis la funeste nuit du 13 novembre 2015, non parce que nous nous serions laissés emporter par une dérive sécuritaire, mais parce que, à chaque fois que nous avons voulu y mettre fin, de nouvelles menaces ont exigé son maintien.

Durant la campagne, le président de la République s'est engagé à en évaluer l'efficacité. Quel est le bilan ? Depuis 2015, l'établissement de 80 zones de protection et de sécurité a permis la tenue de l'Euro 2016, du Tour de France, des festivals estivaux dans toutes nos régions de France... Maire de Lyon, je n'aurais pas pris la responsabilité d'organiser la Fête des lumières si ces mesures exceptionnelles n'avaient pas existé. Cela montre, à ceux qui pensent que l'état d'urgence a porté atteinte à nos libertés, qu'il a eu précisément l'effet contraire. Les zones de protection et de sécurité se sont révélées précieuses pour défendre notre mode de vie, ce mode de vie auquel les terroristes voulaient s'en prendre.

Seize lieux de cultes ont été fermés. Le chiffre, modeste en apparence, est important si l'on considère le nombre de personnes supplémentaires qui auraient pu basculer dans la radicalisation à cause de prêches fanatiques pour grossir les rangs des candidats au djihad.

Les assignations à résidence, imparfaitement préparées après les attentats de Paris et de Saint-Denis, sont désormais ciblées et pertinentes : 62 personnes sont aujourd'hui visées. Les conditions d'assignation ont été strictement encadrées par la loi du 19 décembre 2016, du 21 juillet 2016 et du 28 février 2017. Ces personnes peuvent, car nous sommes dans un État de droit, saisir le juge administratif.

M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois.  - Absolument !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Seulement 62 personnes assignées à résidence ! J'y vois le signe d'une démocratie mature.

Enfin, les perquisitions administratives, la mesure qui a été la plus utile durant ces derniers mois. Durant 460 perquisitions, nous avons saisi 600 armes, dont 17 armes de guerres, déjoué 17 attentats en 2016 et au moins 5 depuis le début de l'année.

Sans parler du coup d'arrêt porté à la croissance de réseaux et de cellules, ces perquisitions se sont révélées très efficaces. Elles sont aujourd'hui très ciblées : 170 seulement depuis le 21 décembre 2016, contre 4 376 depuis le début de l'état d'urgence.

Périmètres de protection, fermeture des lieux de culte, assignations à résidence, perquisitions : même si la menace terroriste n'est pas éradiquée, l'état d'urgence s'est révélé d'une profonde utilité.

Je tiens à rendre hommage aux services de l'État - policiers, gendarmes, militaires, magistrats - qui ont veillé à sa bonne mise en oeuvre. L'engagement, les sacrifices de leurs membres ont empêché de nombreux attentats et sauvé des centaines de vie. Les Français leur en sont reconnaissants.

À ceux qui s'opposent à la prorogation de l'état d'urgence, je voudrais dire ceci : imaginez que les forces de sécurité n'aient pas perquisitionné, à la mi-décembre à Pau ; nous n'aurions pas pu arrêter des individus qui s'échangeaient des vidéos morbides en s'incitant à « les tuer tous ». Même chose dans les Alpes-Maritimes en avril 2017, où une jeune fille de 15 ans projetait un attentat à la bonbonne de gaz dans un bureau de vote. Imaginez qu'à Marseille, fin décembre 2016, nous n'ayons pas saisi des armes et explosifs destinés à cibler un meeting politique - attaque qui aurait dressé les Français les uns contre les autres. L'état d'urgence n'est pas que théorique : ce sont des attentats évités, des vies sauvées.

La prorogation que nous proposons s'achèvera dans trois mois et demi : elle est donc modeste et c'est la dernière que ce Gouvernement vous demandera de voter.

Nous avons conscience que l'état d'urgence n'a pas vocation à être permanent. Malgré le contrôle plus strict dont il fait l'objet, il provoque des inquiétudes en matière de respect des libertés. D'où le scénario de sortie maîtrisée que nous avons élaboré. Nous discuterons dès demain en commission du projet de loi renforçant la sécurité intérieure qui limitera strictement les mesures nouvelles à la seule lutte contre le terrorisme, en apportant le maximum de garanties quant à la préservation de nos libertés individuelles.

Protéger les Français : telle est notre obsession. Face à un ennemi qui n'admet d'autre règle que la barbarie, personne ne comprendrait que notre pays se désarme.

C'est l'éternel débat, que vous connaissez bien, entre sécurité et liberté. Cette opposition relève de l'aporie : sécurité et liberté ne vont pas l'une sans l'autre. Il faut assurer un climat de sécurité pour que les Français soient libres de vivre, de sortir, d'envisager l'avenir avec confiance. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen inscrit d'ailleurs dans son article 2 la sûreté à côté de la liberté. C'est également l'ambition du projet de loi dont nous discuterons en commission demain. Pour le présenter dans de bonnes conditions, je vous demande de voter la prorogation de l'état d'urgence. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République En Marche, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Socialiste et républicain, Union Centriste et RDSE)

M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois .  - Pour la sixième fois, nous devons nous prononcer sur la prorogation de l'état d'urgence. C'est aussi la dernière : le président de la République, le Premier ministre et le ministre d'État nous l'ont assuré.

Rappelons que le Gouvernement pourra, à tout instant, réintroduire l'état d'urgence, comme il l'a fait dans la nuit du 13 novembre 2015, après les attentats du Bataclan. Il ne faut pas se priver de cet outil, dont le ministre dresse un bilan flatteur.

Près de deux ans, c'est la plus longue application de l'état d'urgence depuis 1955. Que faut-il en retenir ? D'abord, une mobilisation des Français, de tous les services, police, gendarmes, sapeurs-pompiers, services de secours, des parlementaires aussi. Le pays est mieux armé pour lutter contre le terrorisme, car il y a eu une mobilisation des esprits.

Le Parlement a adopté de nombreux textes pour augmenter les pouvoirs de l'autorité administrative. La loi de 2014 de lutte contre le terrorisme et celle du 24 juillet 2015 sur le renseignement ont eu une portée essentielle. La loi du 22 mars 2016, celles du 3 juin 2016 et du 28 février 2017 ont renforcé l'arsenal dont l'autorité administrative dispose pour lutter efficacement contre le terrorisme.

Le contrôle de l'état d'urgence par le juge s'est profondément transformé. Vous avez cité l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : la « sûreté » dont il est question se comprend au sens de l'habeas corpus.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Très bien !

Mme Nicole Bricq.  - Bon rappel.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Plus de pouvoir à l'autorité administrative implique plus de contrôle : nous y avons participé, car la démocratie ne peut se défendre que par ses propres armes.

L'état d'urgence a permis de déjouer plusieurs attentats. N'y en aurait-il eu qu'un seul, cela suffirait.

Les perquisitions administratives ont été très rares à Paris : trois seulement sont en cours. Pourquoi ? Parce que la préfecture de police est d'une efficacité rare, grâce à un bon dialogue avec le procureur de la République permettant de judiciariser l'ensemble des procédures. Vous connaissez, monsieur le ministre d'État, les travaux de Jean-Jacques Gleizal sur la police administrative. (M. le ministre d'État opine du chef) L'on peut regretter que l'État n'ait pas fait l'effort de s'organiser mieux, partout sur le territoire, pour lutter contre le terrorisme - par exemple au niveau du préfet de région. Le garde des sceaux devra prendre sa part dans cette réforme, par exemple via les juridictions inter-régionales spécialisées (JIRS).

Nous avions prévu un contrôle par le juge des référés au Conseil d'État en cas de renouvellement de l'assignation à résidence - solution bancale, à laquelle le Conseil d'État s'était opposé et que le Conseil constitutionnel a annulée. Résultat : au bout d'un an, on ne peut prolonger l'assignation à résidence sans moyen nouveau... qui n'est bien entendu pas rendu public ! Nous devrons trouver un système pour y remédier dans votre future loi.

Nous avons accepté un amendement du Gouvernement qui traduit une décision du Conseil constitutionnel relative aux interdictions de séjour.

Au bénéfice de ces observations, la commission des lois vous propose d'adopter cette dernière prorogation de l'état d'urgence - même si ce n'est pas la dernière fois que nous aurons à parler de lutte contre le terrorisme. (Applaudissements sur les bancs des groupes La République En Marche, socialiste et républicain et Union centriste, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RDSE et Les Républicains)

Mme Éliane Assassi .  - C'est la sixième fois que j'interviens sur la prorogation de l'état d'urgence. Prévu initialement pour durer douze jours, cet état d'exception aura duré près de deux ans. Triste record, tant il est dangereux pour l'état de droit. Il permet de déroger à certaines libertés et garanties fondamentales, de sorte que le droit international l'encadre précisément : la Nation doit être en danger ou faire face à un péril imminent permanent.

Il semblerait que pour le Gouvernement Philippe, la France est sous la menace d'un péril imminent. Selon de nombreux spécialistes de l'antiterrorisme, l'état d'urgence n'a été vraiment nécessaire que durant les quelques semaines suivant les attentats. Or le Gouvernement propose de le proroger et même de le rendre permanent en intégrant dans le droit commun des mesures qui éclaboussent les libertés publiques et la séparation des pouvoirs, sans efficacité avérée.

C'est un glissement dangereux. Cette stratégie de maintien de l'ordre vient rogner les droits fondamentaux. La justice objective, bafouée, cède le pas à une justice du soupçon. Des associations, des avocats, des organisations de défense des droits de l'homme ou des universitaires, comme Mireille Delmas-Marty, du Collège de France, s'en alarment.

Outre-Manche, Theresa May s'enferre elle aussi dans une logique sécuritaire préoccupante, considérant les droits de l'homme comme un obstacle à la lutte contre le terrorisme. Les sénateurs CRC appellent le Gouvernement à se ressaisir.

L'asservissement par la peur sert ceux qui nous combattent !

Les dérives de l'état d'urgence ont été constatées à maintes reprises. On l'a utilisé pour restreindre le droit de manifester, en interdisant au moins 155 manifestations lors de la COP 21 ou de la loi Travail, avec des motifs flous, et sans aucun lien avec la menace terroriste. Le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 juin 2017 a déclaré ce type de restriction injustifiée. Nous défendrons un amendement visant à prendre en compte cette décision du Conseil constitutionnel. Si depuis le début de l'année, l'emploi de l'interdiction de manifester a diminué, il est à craindre qu'on y revienne de plus belle avec la réforme du code du travail par ordonnances.

Néfastes pour la démocratie, ces pratiques alimentent la fracture sociale. Les personnes ainsi assignées à résidence ont vu leurs relations avec leur voisinage se dégrader : ils se sentent citoyens de seconde zone, ces personnes « qui ne sont rien »...

Ce qu'il aurait fallu décréter, c'est l'état d'urgence sociale et solidaire. Il faut renforcer notre modèle de protection sociale...

M. François Bonhomme.  - Hors sujet ! (On renchérit sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Éliane Assassi.  - Loin de lutter contre le chômage et la précarité, vous aggravez cet état d'urgence sociale pour répondre à l'urgence patronale.

Les projets de loi que le président de la République déploie pour faire écran sur la réforme du code du travail n'y feront rien : nous resterons mobilisés. Le groupe communiste républicain et citoyen votera unanimement contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; M. Pierre-Yves Collombat applaudit également)

M. Jean-Claude Requier .  - En déposant en même temps ce projet de loi de prorogation de l'état d'urgence et le projet de loi de sécurité intérieure, le Gouvernement entend donner des gages pour sortir rapidement du régime d'exception.

La défense des libertés est une valeur cardinale de notre groupe, nous avons donc été attentifs aux réserves exprimées par le Conseil d'État et les associations de défense des droits de l'homme. La répétition de ces prorogations ne doit pas émousser notre vigilance.

L'installation d'une menace terroriste permanente bouleverse le rapport entre sécurité et liberté. Nous devons prendre acte de l'évolution de la perception sécuritaire de nos concitoyens. La précédente législature n'a pas été inactive, au contraire. Outre les avancées au plan européen sur le PNR, des mesures ont été introduites dans le droit commun : un nouveau régime d'utilisation des armes à feu a été institué, le recours aux technologies du renseignement a été facilité. Alors que les terroristes ne désarment pas, il nous faut permettre au Gouvernement d'agir sereinement. Dans le souci constant d'apporter notre soutien aux forces de l'ordre, nous sommes majoritairement favorables à cette nouvelle prorogation. L'encadrement par le juge administratif et le Conseil constitutionnel suffisent pour protéger nos libertés : les décisions d'annulation prouvent la vitalité du contrôle.

Nous espérons que l'adoption de la prochaine loi de sécurité intérieure nous fera sortir du paradoxe de l'état d'urgence permanent. Nous n'avons pas toujours besoin de lois nouvelles, bien plus de faire exécuter celles qui existent, comme le préconisait John Locke.

Nous ne parviendrons pas à écrire une loi qui garantira le risque zéro en matière de terrorisme. Ne tombons pas pour autant dans le piège de l'immobilisme.

La majorité du groupe RDSE, à deux exceptions près, votera pour. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, La République En Marche et sur certains bancs du groupe Union centriste)

M. Jacques Bigot .  - Nous sommes à nouveau saisis de la prorogation de l'état d'urgence. Pour ma part, je ne m'en lasse pas : il est utile d'avoir ce débat régulièrement devant le Parlement. Vous avez indiqué combien les mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence ont été utiles, au point que vous proposez de les intégrer dans le droit commun. Or cela peut poser problème...

La 14 juillet 2016, le président de la République annonçait la fin de l'état d'urgence. L'attentat de Nice, que l'état d'urgence n'avait pas empêché, en a décidé autrement : symboliquement, on a estimé qu'il fallait proroger.

En novembre 2016, l'actuel président de la République écrivait dans son ouvrage Révolution qu'il fallait préparer collectivement les conditions de sortie de l'état d'urgence. La prolongation sans fin pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponses, disait-il, ajoutant que nous disposions de l'appareil législatif pour faire face au problème dans la durée. Et voilà qu'une fois élu, il propose de renforcer encore cet appareil législatif en transférant dans le droit commun les mesures de l'état d'urgence, habillées d'un nouveau langage : les perquisitions administratives deviennent « visites et saisies administratives »...

Nous aurons le débat sur l'équilibre à trouver entre la garantie des libertés et la sécurité. Il n'est pas simple à construire : il procède des relations entre les différents pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire.

Le précédent Gouvernement avait respecté les textes en tenant les parlementaires scrupuleusement informés. Si vous comptez donner encore plus de moyens aux policiers et aux gendarmes pour porter des atteintes graves aux libertés individuelles, il faut renforcer le contrôle du pouvoir législatif ou renforcer le pouvoir judiciaire. Nous souhaitons entendre la garde des sceaux sur ce point.

L'État de droit est la garantie des libertés, héritage de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Si la France est « de retour », elle doit d'autant plus défendre ses valeurs.

Proroger l'état d'urgence dans l'attente d'un texte qui intègrerait ces mesures dans le droit commun n'est pas satisfaisant. Qu'apporte l'état d'urgence aujourd'hui ? Quelles sont les mesures réellement indispensables ? Les pouvoirs donnés aux préfets pour protéger les manifestations sont nécessaires. Il faudra discuter de tout cela la semaine prochaine. Être fiché S suffira-t-il pour être assigné à résidence ? Cela serait très attentatoire aux libertés...

Notre groupe ne se déjugera pas, nous voterons la prorogation, mais j'espère que d'ici la semaine prochaine, vous m'aurez entendu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Philippe Bas .  - Nous examinons toujours la prorogation de l'état d'urgence avec scrupules. La loi de 1955 exige des nécessités impérieuses, tel un péril imminent. Les terribles attentats que nous avons subis depuis 2015 sont d'une gravité qui établit assurément la réalité de ce péril. Le contrôle du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État assure de toute façon que les conditions de déclaration de l'état d'urgence sont réunies.

Au début de l'état d'urgence, de nombreuses perquisitions ont été fécondes ; les assignations à résidence ont été utiles. Mais cette efficacité diminue avec le temps, car les individus concernés ont su se mettre à l'abri. Et les assignations à résidence - dont certaines durent depuis deux ans  - bien qu'elles permettent des économies de ressources pour le renseignement, sont de moins en moins utiles à mesure que les outils de surveillance - renforcés par le législateur - s'étoffent.

Il serait donc bon, dit-on, de disposer dans le droit commun d'outils nouveaux sous le contrôle du juge judiciaire. Que vaut cette idée répandue ?

Nous n'avons pas, pour notre part, monsieur le ministre d'État, attendu l'élection de M. Macron pour lutter contre le terrorisme. Au cours de ces deux dernières années, nous avons pris l'initiative, puisqu'elle est souvent venue du Sénat, d'inclure dans le droit commun de très nombreuses mesures : dès février 2015, nous avons réuni un groupe de travail de la commission et fait des propositions qui sont longtemps restées lettres mortes ; il fallut attendre décembre 2015 pour que le Gouvernement décide de déposer un projet de loi pour renforcer la lutte contre le terrorisme.

Nous avions présenté un texte dès septembre, adopté au Sénat le 2 février 2016. La loi du 3 juin 2016 a ensuite renforcé les pouvoirs de droit commun à la disposition de la police, du parquet et du juge judiciaire pour combattre le terrorisme. On a encore renforcé ces pouvoirs dès juillet dernier, après l'attentat de Nice, avec la perpétuité réelle, la création de nouvelles incriminations, la consultation régulière de sites incitant à la commission d'attentats, ou le retour de théâtres d'opérations terroristes.

Le véritable saut, vous le voyez, a déjà été fait, et soumettre des pouvoirs plus grands au contrôle du juge judiciaire serait inutile. À Paris, M. Mercier l'a dit, la bonne entente entre le préfet de police et le procureur de la République suffit à judiciariser rapidement les affaires.

Cessons par conséquent de lier la sortie de l'état d'urgence au renforcement de l'arsenal de droit commun. L'état d'urgence reste le plus efficace des outils en cas de péril imminent, d'autant plus qu'il donne lieu à un contrôle parlementaire, grâce au comité de suivi que nous avons institué, au sein de la commission des lois, dotée à cette fin des pouvoirs d'une commission d'enquête : le Gouvernement est tenu de lui rendre des comptes régulièrement.

Le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État n'ont jamais rendu autant de décisions relatives aux libertés que depuis que l'état d'urgence est en vigueur, constituant une jurisprudence protectrice. Enfin, l'état d'urgence peut être réactivé à tout instant et l'on ne perd donc rien à ne pas l'inscrire dans la loi commune. Veillons à ne pas dénaturer notre droit lorsqu'un tel outil existe pour traiter les situations d'urgence.

Nous aurons l'occasion d'approfondir ces questions à partir des travaux de commission qui débutent demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, sur quelques bancs du groupe Union centriste ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit aussi)

M. David Rachline .  - S'il ne s'agissait d'un sujet aussi grave, la sécurité de la France, je serais tenté de m'en remettre à la sagesse de cet adage populaire : « faute de grives, on mange des merles » ! Faute de pouvoir mettre en place un contrôle strict à toutes nos frontières, vous nous faites prolonger l'état d'urgence ; faute d'appliquer l'article 411 du Code pénal, vous nous faites prolonger l'état d'urgence ; faute de restaurer l'État de droit dans tous les quartiers de notre territoire et de désarmer les banlieues, vous nous faites prolonger l'état d'urgence ; faute de fermer les mosquées où l'on prêche la haine de la France, faute d'expulser les imams étrangers, de mener une politique étrangère claire, qui réduit au strict minimum les échanges avec les pays soupçonnés de soutien au terrorisme, faute de renforcer les moyens des services de renseignement mis à mal par les deux quinquennats précédents par soumission à l'austérité européenne, faute d'une véritable politique ambitieuse de sécurité, vous nous faites proroger une énième fois l'état d'urgence.

Nous allons voter ce texte, car il vaut mieux que rien, tout en sachant que l'état d'urgence, n'a nullement empêché la tuerie de Nice, ni l'assassinat du père Hamel, ni les attaques de policiers, ni l'agression d'un agriculteur dans le Tarn ni l'assassinant de Sarah Halimi. Votre idéologie vous aveugle. Certes, le risque zéro n'existe pas...Je veux enfin rendre un hommage appuyé aux forces de l'ordre et saluer leur dévouement. Nous ne voulons plus, comme le disait votre prédécesseur, « vivre avec » le terrorisme islamiste, mais vivre en luttant, c'est-à-dire vouloir la victoire et résister.

M. Alain Richard .  - Le rapport très complet de Michel Mercier et le propos du ministre m'invitent à n'évoquer que le fond du sujet. Nous touchons à la fin d'une série de prorogations. Souvenez-vous : l'avant-veille du 14 juillet 2016, nous étions tous convaincus que l'intérêt de l'état d'urgence s'était réduit à presque rien. Ayons en mémoire nos réflexions passées avant de nous prononcer une nouvelle fois.

L'état d'urgence est un outil sérieux de prévention. Il est utile aux services de renseignement, dont les résultats sont par nature moins visibles. Certes toutes les perquisitions n'ont pas été suivies de mises en examen immédiates, mais elles ont permis de prévenir bien des attentats.

L'état d'urgence est aussi un moyen d'économiser les ressources humaines des forces de l'ordre : il est plus facile de tenir à l'oeil des individus maintenus dans une zone géographique donnée, que d'employer une dizaine de policiers à les suivre sur tout le territoire !

Je rejoins Michel Mercier à propos du contrôle des juges. Les décisions des tribunaux administratifs et du Conseil d'État se sont multipliées, écartant tout risque d'arbitraire, sans brider l'efficacité du dispositif.

Il faudra revenir sur les mesures de déradicalisation et le renforcement des moyens de renseignement des services de police et de gendarmerie menacés de saturation, comme vous le savez, monsieur le ministre, mais notre groupe apporte au Gouvernement un soutien déterminé sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République En Marche)

Mme Sophie Joissains .  - La dernière fois que nous avons évoqué la prorogation de l'état d'urgence, c'était en décembre 2016. Depuis, deux attentats ont été commis à Paris, et de nombreux autres à Berlin, Londres, Stockholm ou Saint-Pétersbourg.

La sortie de l'état d'urgence est envisagée par le Conseil d'État depuis le premier avis rendu sur sa prorogation. Cette question est pendante dès le début. Ces prorogations successives sont-elles toujours indispensables ? La sécurité des Français doit être le seul critère pour y répondre et nous pensons que la réponse doit être positive. Le président de la République s'est engagé à Versailles à ce que cette prorogation soit la dernière. Le texte à venir sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme devraient permettre une sortie maitrisée de l'état d'urgence.

En attendant, ce projet de loi est utile aussi en tant qu'il permet de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 9 juin 2017 qui a censuré les dispositions relatives à l'interdiction de séjour figurant dans la loi de 1955.

Je veux saluer le travail sur ce dossier de Michel Mercier : voilà deux ans que son analyse et sa parfaite connaissance du sujet nous éclairent.

Non, l'état d'urgence ne suffit pas à faire face à la menace, mais il reste nécessaire. C'est dans un système hors urgence que notre pays s'adaptera à la menace, sans brider les libertés individuelles.

Une coordination européenne étroite, comme le fait déjà Eurojust, sera en outre indispensable. (Applaudissements sur les bancs des groupes Union centriste, Les Républicains, La République En Marche)

M. Gérard Collomb, ministre d'État .  - J'écoute toujours Michel Mercier avec beaucoup d'attention, et je sais par expérience que nous savons faire converger nos points de vue. (Sourires entendus)

Quand on devient ministre de l'intérieur, il y a un avant et après. Très vite, on prend la mesure de l'importance de la menace. Nous ne pouvons certes pas vivre sous un état d'urgence permanent, mais il faut doter nos services des moyens dont ils ont besoin, faute de quoi nous exposerions la vie de nos concitoyens. Depuis le 1er janvier, plusieurs attentats ont été déjoués. La tentative d'attentat sur les Champs-Élysées aurait pu faire de nombreuses victimes. Si par malheur ç'avait été le cas, nous n'aurions pas aujourd'hui le même débat...

Des dispositions ont déjà été prises, c'est vrai, et le Sénat en particulier a alimenté la réflexion du Gouvernement. Il continuera sans aucun doute à le faire. Mais nous devons anticiper. Nous avons trop souvent agi après-coup. Quand je me couche le soir, je crains toujours d'être réveillé par un drame...

Oui, madame Assassi, il y a une urgence sociale, qui constitue sans doute le soubassement de certaines dérives. En tant que maire de Lyon, j'ai pu constater que les mesures de sécurité ne suffisaient pas, c'est tout un environnement qu'il faut changer. Mais quand on a échoué sur ce plan, alors il faut bien garantir la sécurité des Français. Immédiatement après ma prise de fonctions, je me suis rendu dans une commune de la petite couronne parisienne où un homme avait été abattu à coups de kalachnikov... Misère sociale, trafic de stupéfiants et embrigadement criminel forment un cercle infernal, jusqu'au grand banditisme et au terrorisme.

Nous débattrons demain en commission du projet de loi qui donne à nos forces de sécurité les moyens de poursuivre leur oeuvre, avec les précautions qui s'imposent. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République En Marche ; Mme Sophie Joissains applaudit aussi)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Leconte

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Yves Leconte.  - Pourquoi prolonger le recours aux perquisitions administratives, alors que les perquisitions judiciaires sont possibles en matière terroriste, et plus protectrices des libertés ? La troisième prorogation de l'état d'urgence ne le prévoyait pas. Les perquisitions administratives ne sont pas utiles lorsque les services de l'État coopèrent efficacement.

Oui, la sécurité et la liberté sont intimement liées. Oui, des mesures restrictives de liberté peuvent s'imposer dans l'urgence. Mais à long terme, elles font courir d'autres risques : exclusion, injustices... On voit jusqu'où cela a conduit d'autres pays.

Aujourd'hui, 35 personnes sont assignées à résidence depuis plus de six mois, sans qu'aucune procédure judiciaire soit engagée à leur encontre. Est-ce vraiment la mesure la plus adaptée ? Le président de la République a dit hier que la France était une société de la liberté forte. Et il est vrai que l'état d'urgence français n'a rien à voir avec l'état d'urgence turc, par exemple : il est soumis au contrôle étroit du juge administratif, du Parlement et du juge constitutionnel.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean-Yves Leconte.  - Mais attention à ne pas encourager les dérives.

M. Michel Mercier.  - Avis défavorable.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Avis défavorable.

M. André Reichardt.  - Précisément, monsieur Leconte : l'omission des perquisitions administratives dans la troisième prorogation a été considérée comme une erreur et réparée ultérieurement. Vous écrivez aussi dans l'objet de votre amendement qu'il y a très peu de perquisitions administratives à Paris, en raison de l'excellente collaboration du préfet de police et du procureur de la République, qui permet de judiciariser les procédures. Mais ce n'est pas le cas ailleurs ! Nous devons faire preuve de pragmatisme.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Rédiger ainsi cet article :

Le 3° de l'article 5 de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence est abrogé.

Mme Éliane Assassi.  - Je l'ai défendu dans mon intervention lors de la discussion générale.

M. Michel Mercier.  - Avis défavorable.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté, de même que l'article 3.

Explications de vote sur l'ensemble

M. Pierre-Yves Collombat .  - Je comprends que M. le ministre ait des nuits agitées, qu'il se fasse du souci et cherche à mieux lutter contre le terrorisme, mais ce n'est pas la question ! Celle qui se pose à nous est de savoir si la prorogation de l'état d'urgence nous fournit des outils dont nous ne disposons pas en temps ordinaire. Trois mois après le Bataclan, un rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale le disait déjà : l'état d'urgence, qui avait d'abord permis de mener des opérations auxquelles les terroristes ne s'attendaient pas, verrait son efficacité décroître progressivement. Le président Bas et le rapporteur Mercier l'ont dit à leur tour, de manière subliminale : à condition que les services soient bien organisés, nous n'avons plus besoin de l'état d'urgence. Le seul argument que l'on avance est que les Français ne comprendraient pas que nous y mettions fin...

La réponse policière ne suffit pas. Je ne voterai pas ce projet de loi.

M. Jean-Yves Leconte .  - Sur le long terme, j'ai la conviction que l'état d'urgence n'est pas l'outil adapté, malgré le contrôle exercé par le juge administratif, le Parlement et le Conseil constitutionnel - j'insiste sur ce point, car je constate à l'étranger que nos voisins croient que nous sommes sortis de l'état de droit, puisque nous avons demandé une dérogation à la CEDH. Nous ne pouvons pas continuer à donner ce mauvais exemple, qui fournit un prétexte à certaines dérives dans d'autres pays. Je m'abstiendrai.

M. Roger Karoutchi .  - Je ne comprends même pas que nous ayons ce débat. Le Gouvernement nous demande de proroger l'état d'urgence pour trois mois en attendant un texte global et pérenne, et pour ne pas ouvrir d'interstice où s'engouffreraient les terroristes. Quel message voulons-nous adresser à nos gendarmes et policiers, à nos concitoyens ? Le rôle du Parlement est aussi de rassurer les gens. (M. Jean-Yves Leconte s'exclame) A l'heure où l'on parle de resserrer les liens entre les parlementaires et les Français, ceux-ci ne comprendraient pas que nous ne votions pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, Union centriste et La République En Marche)

Mme Esther Benbassa .  - La « prolongation sans fin » de l'état d'urgence « pose plus de questions qu'elle ne résout de problèmes ». « Nous ne pouvons vivre en permanence dans un régime d'exception. Il faut donc revenir au droit commun, tel qu'il a été renforcé par le législateur. » Voilà ce qu'on lisait dans Révolution d'Emmanuel Macron. A-t-il oublié ces sages propos ?

La Belgique, l'Allemagne, la Grande-Bretagne n'ont pas eu recours à l'état d'urgence. D'ailleurs celui-ci n'a pas empêché les attentats de Magnanville, de Nice, de Saint-Étienne-du-Rouvray ou des Champs-Élysées... En décembre 2016, selon le ministère de l'intérieur, l'état d'urgence avait permis 4 292 perquisitions administratives et 612 assignations à résidence, souvent sans aucun lien avec le terrorisme, et selon Amnesty International, une manifestation est interdite tous les trois jours sous ce prétexte.

Une fois de plus, je voterai sans trembler contre cette prorogation.

À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°104 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 334
Pour l'adoption 312
Contre    22

Le Sénat a adopté.

Prochaine séance demain, mercredi 5 juillet 2017, à 16 h 30.

La séance est levée à 18 h 55.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Ordre du jour du mercredi 5 juillet 2017

Séance publique

À 16 h 30

Présidence : M. Gérard Larcher, président

Secrétaires : Mmes Valérie Létard et Catherine Tasca

Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution.

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°104 sur l'ensemble du projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence (procédure accélérée).

Résultat du scrutin

Nombre de votants :338

Suffrages exprimés :334

Pour :312

Contre :22

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (142)

Pour : 140

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Alain Poyart

Groupe socialiste et républicain (87)

Pour : 84

Abstentions : 2 - M. Jean-Yves Leconte, Mme Marie-Noëlle Lienemann

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Luc Carvounas

Groupe Union centriste (43)

Pour : 42

N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Jacqueline Gourault

Groupe La République En Marche (28)

Pour : 27

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Jean-Baptiste Lemoyne

Groupe communiste républicain et citoyen (18)

Contre : 18

Groupe du RDSE (16)

Pour : 14

Contre : 2 - MM. Gilbert Barbier, Pierre-Yves Collombat

Sénateurs non inscrits (13)

Pour : 5

Contre : 2 - Mme Esther Benbassa, M. Jean Desessard

Abstentions : 2 - Mme Aline Archimbaud, M. Joël Labbé

N'ont pas pris part au vote : 4 - Mme Corinne Bouchoux, M. Ronan Dantec, Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, M. Robert Navarro