Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook. J'appelle chacun de vous à respecter son temps de parole -  j'y insiste avant de passer, s'il le faut, à des mesures coercitives -  et à observer le respect de la parole de l'autre.

Expulsion des clandestins

Mme Brigitte Lherbier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Sur le site internet du ministère de l'intérieur, on peut lire : « Présent sur le territoire national sans titre de séjour valable, l'étranger est (...) en situation irrégulière. » Cette loi, comme c'est malheureusement souvent le cas, est peu ou pas appliquée. L'assassin des deux jeunes filles sauvagement tuées à Marseille était un clandestin qui avait commis des délits à répétition. On estime à plusieurs centaines de milliers les étrangers en situation irrégulière sur notre territoire.

Lors de son intervention télévisée de dimanche, le président de la République a promis l'expulsion de tous les étrangers en situation irrégulière ayant commis un délit quel qu'il soit. La langue du président de la République a-t-elle fourché ? A-t-il cultivé une savante ambiguïté ? Cela mérite quelques éclaircissements quand la loi française prévoit l'expulsion de tous les clandestins, qu'ils aient commis ou non un délit. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Les services de l'État sont pleinement mobilisés pour éloigner les étrangers en situation irrégulière qui présentent une menace pour l'ordre public. Le président de la République a confirmé cette orientation prioritaire, le ministre de l'intérieur a envoyé le 10 octobre aux préfets une circulaire en ce sens en insistant sur l'attention à porter aux sortants de prison. Notre droit prévoit à leur encontre une obligation de quitter le territoire français et le placement en rétention s'il existe un risque de fuite. Pour les sortants de prison, il faudra mieux anticiper les éloignements durant la phase d'emprisonnement.

Pour faciliter l'identification des interpellés, un système biométrique sera déployé dans les prochains mois. En 2018, les forces de l'ordre seront dotées d'équipements pour prendre les empreintes digitales sur place et effectuer des consultations mobiles des fichiers.

Notre politique est ferme. (On en doute sur les bancs du groupe Les Républicains.) Cela ne nous empêche pas d'accueillir, au titre de l'asile, les réfugiés menacés dans leur propre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; MM. Yves Daudigny et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)

Prise en charge des mineurs non accompagnés

Mme Élisabeth Doineau .  - Le 5 septembre, le président de la République a demandé à revoir la prise en charge des mineurs non accompagnés. Dans le rapport d'information que j'ai présenté avec notre ancien collègue Godefroy, nous annoncions une explosion des prises en charge : 13 000 mineurs à la fin 2016, 25 000 à la fin de cette année. Tous les départements sont touchés, ces records n'ont jamais été atteints. Les agents départementaux sont dépassés, ils sont proches du burn-out professionnel. Notre mission historique de protection de l'enfance est en danger.

Embolie des structures d'accueil, difficulté à évaluer la minorité, difficulté à identifier les documents administratifs quand il y en a, difficulté à bénéficier d'interprètes, difficulté à retracer des parcours migratoires souvent chaotiques... Que pouvons-nous proposer à ces jeunes, sinon l'apprentissage ? Là encore, c'est un parcours du combattant. Et je ne parle pas de la prise en charge des traumatismes, du lien avec les parquets...

M. Alain Fouché.  - Ce sont les départements qui paient !

Mme Élisabeth Doineau.  - L'État doit prendre ses responsabilités. Les conseils départementaux attendent des mesures concrètes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Vous avez raison, madame la sénatrice, de souligner l'urgence de la situation. Le 15 septembre dernier, un comité de pilotage s'est tenu avec Mme Buzyn. Le Fonds national de la protection de l'enfance a été abondé à hauteur de 6,5 millions d'euros. L'État tiendra son engagement de rembourser aux départements 30 % du coût de la prise en charge des enfants au titre de l'aide sociale à l'enfance pour l'an passé.

La phase d'évaluation et de mise à l'abri de ces jeunes pose une grande difficulté. Certains jeunes déclarés majeurs dans un département vont ailleurs retenter leur chance. Nous devons tout faire pour éviter cela et harmoniser nos procédures.

M. le Premier ministre sera vendredi à l'Assemblée des départements de France pour présenter un plan d'action très concret. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

États généraux de la politique de la ville

M. Frédéric Marchand .  - La politique de la ville est née il y a quarante ans. Malgré les progrès réalisés, le regard porté sur les quartiers populaires reste trop souvent négatif et stéréotypé.

Les habitants de ces quartiers ne veulent pas être assignés à résidence, ils revendiquent la dignité et, bien sûr, du travail. Maire d'Hellemmes pour quelques jours encore, je suis conscient de la difficulté à faire vivre la promesse républicaine de l'égalité. Au-delà du dédoublement des classes de CP en REP+, que fera le Gouvernement pour soutenir ces territoires en souffrance qui ont des besoins en matière de logement, d'emploi, d'éducation, de sécurité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - J'entends le message des élus locaux. Depuis quarante ans, la politique de la ville a connu des hauts et des bas. Si elle avait été une réussite totale, elle n'existerait plus. Nous faisons face à des situations très diverses. Les habitants de ces quartiers veulent les mêmes droits, les mêmes chances que les autres ; le droit commun, en somme.

Le Gouvernement a pris l'engagement de reconduire cette année et les suivantes les 430 millions d'euros de la politique de la ville et de mettre 80 millions supplémentaires pour la dotation de solidarité urbaine.

L'éducation est une priorité : 2 500 classes ont été dédoublées en REP+ ; c'est un geste fort. Des emplois francs seront créés dans les quartiers de la politique de la ville. La sécurité n'est pas oubliée : la police de proximité sera rétablie, ce qui permettra aussi de lutter contre le communautarisme. Si la République recule, d'autres prendront sa place et ils se tiennent prêts. Nous avons besoin d'une politique forte. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE ainsi que sur quelques bancs du groupe UC)

Assises des outre-mer

M. Stéphane Artano .  - Les Assises des outre-mer seront lancées jeudi prochain à Saint-Pierre-et-Miquelon. J'espère qu'elles ne connaîtront pas le triste sort des états généraux et seront un succès.

En posant comme postulat que les assises permettront de réinventer les outre-mer, certains laissent penser que les élus ultramarins n'ont rien fait. Pourtant, nos territoires sont en mouvement. À Saint-Pierre-et-Miquelon, en 2009, nous avons adopté un schéma de développement économique à 20 ans qui a reçu le soutien de l'Union européenne ; en 2015, nous avons adopté avec l'État notre feuille de route qui comprend 38 mesures concrètes.

Comment organiserez-vous l'articulation entre les assises, les projets États/collectivités territoriales et les programmes de convergence de la loi sur l'égalité réelle ? Comment financerez-vous les nouvelles mesures ? L'État fera-t-il in fine payer la facture aux collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer .  - Le président de la République a souhaité que ces assises soient organisées dès le début du quinquennat pour développer des politiques innovantes et inventer des outils. Les priorités varient selon les territoires : jeunesse en Nouvelle-Calédonie, priorités développées avec les élus locaux à Saint-Pierre et Miquelon. Elles seront décidées avec les élus, la société civile, mais aussi avec tous les citoyens qui seront consultés à travers une plate-forme numérique.

L'objectif n'est pas de tout oublier et de tout reconstruire, nous voulons remettre en perspective et apporter des réponses. Notre ambition est de bâtir un écosystème économique pour aider au développement outre-mer et, bien sûr, d'accompagner les projets sociaux. Prenons en main ces assises pour apporter une réponse efficace et co-constructive. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Stéphane Artano.  - Il existe des initiatives dans les territoires. Les programmes existent. Il suffit que le Gouvernement les respecte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Logement social

M. Pascal Savoldelli .  - Les déclarations du président de la République dimanche dernier ont suscité une profonde indignation. Il y aurait de l'argent dans certains organismes HLM... On aurait construit une forme de rente... Quel est le montant de cette rente ? Peut-on me citer un chiffre à l'appui de ces graves accusations ? Le mouvement HLM ne pratique pas la distribution des dividendes, les moyens des offices sont réinvestis dans l'économie réelle pour bâtir et réhabiliter des logements.

Après la manifestation de samedi pour le maintien des APL, plusieurs rassemblements se tiennent aujourd'hui pour la défense du logement social. Si la rue ne fait pas la loi, elle est aussi la République sociale inscrite dans notre Constitution.

À quoi serviront, les 3,2 milliards d'euros pris au logement social et aux bailleurs durant deux ans ? À financer les cadeaux faits aux riches qui coûteront la bagatelle de 4 milliards ? (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - L'État consacre plus de 40 milliards d'euros au logement, notre pays compte encore plus de 4 millions de mal-logés. Il y a là une responsabilité collective qui ne date pas d'aujourd'hui.

Je ne m'abriterai pas derrière les rapports de la Cour des comptes mais quand même... Dans cet hémicycle, j'ai parfois entendu parler de « dodus dormants ». Toutes les structures ne sont pas dans ce cas mais cela signifie qu'il y a une grande diversité et donc nécessité de restructuration et de mutualisation.

M. Pierre Ouzoulias.  - Pour les riches, 4 milliards !

M. Gilbert Roger.  - Où est la rente ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Ma porte est ouverte. M. le Premier ministre a fait des propositions de compensation qui ne sont pas neutres. Je poursuivrai le dialogue pour trouver des solutions constructives - c'est le cas de le dire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Pascal Savoldelli.  - L'État doit 2 milliards d'euros aux organismes HLM. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE) Voilà une politique de classe. Pour reprendre les mots de Jules Renard, « si on doit fêter votre politique du logement, la plus grande pièce sera la salle d'attente ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Lutte contre la pauvreté

M. Yannick Vaugrenard .  - Ce mardi a lieu la journée mondiale de la lutte contre la misère. Les neuf millions de nos concitoyens qui en souffrent subissent la double peine : ils sont pauvres et stigmatisés. Trop souvent, ils sont objet de méfiance, voire de défiance, quand on devrait leur accorder la confiance. Trop souvent, on parle d'assistés quand ce sont des ayants droit. Trop souvent, l'isolement est le compagnon de la misère. La complexité des procédures administratives aboutit à un non recours estimé à 10 milliards d'euros par an. Un enfant sur cinq en France est pauvre, un sur deux en zone urbaine sensible. Des avancées ont eu lieu, certes, mais insuffisantes. Nous avons besoin d'un plan de lutte contre la pauvreté, en lien avec les associations caritatives et humanitaires. Cette politique ne doit pas être l'oubliée de la politique budgétaire, ni servir de variable d'ajustement. Victor Hugo disait : « L'homme n'est pas fait pour traîner des chaînes mais pour ouvrir des ailes ». Lutter contre la pauvreté, c'est redonner des ailes à notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, CRCE et LaREM)

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement .  - La lutte contre la pauvreté, où que nous siégions dans l'hémicycle, nous rassemble : un enfant sur cinq vit dans la grande pauvreté, 36 % des familles monoparentales. Nous fêtons aujourd'hui tristement le trentième anniversaire de la journée mondiale pour l'élimination de la pauvreté.

Le Gouvernement agit et il agit à tous les niveaux : dans les réseaux d'éducation prioritaire avancée (REP+), nous dédoublons les classes. Nous développons le logement social.

M. Roland Courteau.  - Et vous supprimez l'ISF ! (On renchérit sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Victor Hugo le disait, il faut savoir limiter la pauvreté sans limiter la richesse. (Marques d'ironie sur les bancs des groupes SOCR et CRCE) Sans richesse, pas de distribution !

J'attends votre soutien à l'amélioration de l'allocation adulte handicapé et à la revalorisation des minima sociaux, qui ne l'avaient pas été depuis cinq ans, lors du projet de loi de finances. Ce matin, le président de la République a réuni l'ensemble des acteurs de la lutte contre la grande pauvreté pour définir avec eux un plan d'action qui doit tous nous mobiliser. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe RDSE)

Déserts médicaux

M. Daniel Chasseing .  - Ma question s'adresse à la ministre des solidarités et de la santé.

L'absence de médecins condamne les territoires à la désertification. Les progrès technologiques comme la télémédecine sont un plus pour le médecin mais ne sauraient le remplacer. Vous avez proposé un plan d'action qui va dans le bon sens, entre poursuite des incitations et actions nouvelles.

J'émettrai quelques propositions complémentaires : augmenter le numerus clausus, sachant que 20 % des diplômés ne s'installent pas ; instaurer un internat par faculté ; prévoir un stage de six mois chez un médecin généraliste en deuxième cycle ; faire intervenir dans les maisons de santé des médecins salariés par une association hôpital-mairie ou par un groupement hospitalier de territoire ; étudier des solutions plus contraignantes comme le non-conventionnement pour ceux qui s'installent en zone hyperdense ou l'engagement de l'État pour qu'aucune maison de santé ne reste sans médecins... La République doit garantir l'accès aux soins de premiers recours sur tout le territoire. Les zones rurales l'attendent. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RTLI et sur certains bancs du groupe SOCR)

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - (« Encore ! » sur les bancs du groupe Les Républicains) Vous représentez le département de la Corrèze, béni des présidents de la République, où il y a manifestement un manque de médecins (Exclamations sur divers bancs). Ce problème touche autant les territoires ruraux que les quartiers fragiles.

Le plan que Mme Buzyn a présenté correspond à vos demandes : trois cents postes d'assistants partagés, salariés par l'hôpital, qui pourront exercer en ambulatoire dans les zones sous-denses, doublement des maisons de santé sur le quinquennat, renforcement des aides à l'installation avec un budget de 200 millions d'euros, possibilité pour les médecins retraités d'avoir une activité à temps partiel, contrats d'adjoint pour les étudiants en zone sous-dense. D'autres mesures pourront s'y ajouter. Nous réfléchissons à l'augmentation du numerus clausus, mais cela ne produira pas d'effets à court terme. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Daniel Chasseing.  - Soyez pour la santé ce que Jules Ferry a été pour l'école, en permettant l'accès à un médecin dans toutes les maisons de santé du territoire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RTLI, RDSE et UC)

Notre-Dame-des-Landes

M. Christophe Priou .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains). Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et porte sur l'aéroport du Grand Ouest. (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains)

Les élus locaux sont confrontés à des citoyens qui, devant l'inertie de l'État, s'affranchissent de la réglementation, notamment en matière d'urbanisme. Comment comptez-vous rétablir l'État de droit face à ce phénomène contagieux de désobéissance civile ?

Les médiateurs dits indépendants n'ont pas auditionné les collectivités membres du syndicat mixte de l'aéroport. Seul le maire de Saint-Nazaire a été appelé, à 15 heures pour un rendez-vous à Nantes à 17 heures ! Comment ces médiateurs ont-ils été choisis ? Comment les cabinets d'études ont-ils été sélectionnés et mandatés ? Quand aurons-nous les résultats des études ? Nous avons un devoir de vérité envers une population et des élus qui se sentent abusés après un référendum au résultat pourtant incontestable. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Je salue le travail considérable réalisé par la mission de médiation sur le projet de transfert de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes. Plus de 150 personnes ont été auditionnées, de tous bords. Sa méthode est celle du dialogue. (M. Bruno Retailleau s'exclame.)

J'ai pris note des cas particuliers que vous signalez. La mission mène un travail d'analyse technique impartial. Elle recourt à des expertises sur la base d'un protocole strict, dans le respect des règles de la commande publique ; leurs conclusions seront rendues publiques.

Je sais que ces travaux sont suivis avec attention tant par les partisans que les opposants au projet. J'entends l'impatience mais nous en sommes encore à la phase de l'analyse et de l'écoute. (M. François Grosdidier s'exclame.) Le Gouvernement fait preuve de diligence et de transparence. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains). La mission rendra son rapport en décembre, le Gouvernement prendra alors ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Ronan Dantec applaudit également.)

M. Christophe Priou.  - Deux des trois experts étaient notoirement opposés au projet avant leur nomination ; ils sont aussi indépendants que Mme Duflot ou M. Mamère !

Les déclarations médiatiques du ministre de la transition écologique et solidaire, qui met sa démission dans la balance, ne nous rassurent guère. Il ferait mieux de méditer l'adage de Jean-Pierre Chevènement sur le temps du silence et la parole ministérielle ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

Finances locales ultramarines

M. Georges Patient .  - La Guyane n'est pas encore apaisée et deux sujets restent brûlants. L'immigration clandestine d'abord, qui se poursuit à un rythme effréné : 11 000 demandes d'asile pour 250 000 habitants, à tel point que certains parlent de génocide par substitution. Le respect des accords de Guyane ensuite, qui n'apparaissent pas dans le projet de loi de finances et le grand plan d'investissement. J'espère que le président de la République apportera des réponses lors de sa venue la semaine prochaine.

Le dernier rapport de la Cour des comptes est d'une violence inédite à l'égard des élus d'outre-mer. Dans la foulée, le président de la chambre régionale des Antilles-Guyane va jusqu'à appeler la population à sanctionner les élus ! Que d'erreurs grossières et de comparaisons infondées pour mieux démontrer que les difficultés des collectivités ultramarines ne seraient dues qu'à une mauvaise gestion !

Au contraire, elles sont dans une impasse budgétaire structurelle. La Cour reconnait tout de même les lacunes de la péréquation.

M. le président.  - Votre question ? (Sourires)

M. Georges Patient.  - J'en ai deux. (Sourires) Quel train de vie peuvent mener les communes des DOM dans un tel contexte ? Et quelles mesures comptez-vous prendre pour qu'elles bénéficient d'une péréquation juste et équitable dès 2018 ? (M. Alain Bertrand applaudit.)

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer .  - Je ne commenterai pas un rapport de la Cour des comptes, qui est dans son rôle. Les DOM font face à des défis propres que le débat sur leur situation financière ne peut occulter, comme l'explosion démographique en Guyane, face auxquels les collectivités locales ne sont pas armées.

Les accords de Guyane ont traduit l'engagement et la solidarité du Gouvernement en 2017, avec 89 millions d'euros de plus pour les collectivités territoriales et, à terme, un surcroît de recettes de 27 millions d'euros lié à l'octroi de mer.

L'outre-mer souffre de l'éloignement, de l'insularité, d'un taux de pauvreté et de chômage supérieur à la moyenne. Je veillerai à ce que la mission lancée par la conférence nationale des territoires chargée de proposer aux collectivités un contrat de mandature prenne en compte ses particularités. J'ai demandé un rapport sur la structure de charges et de recettes des collectivités ultramarines. Il sera remis au premier semestre 2018. Rien ne sera tabou. Posons le diagnostic en toute transparence, et débattons des solutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

États généraux de l'alimentation

M. Pierre Cuypers .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

En 2016, un tiers des agriculteurs français a gagné moins de 350 euros par mois, selon la MSA.

M. Bruno Sido.  - C'est un scandale !

M. Pierre Cuypers.  - Le président de la République a formulé un certain nombre de propositions : permettre aux agriculteurs de proposer eux-mêmes des contrats aux groupes agroalimentaires avec une prise en compte des prix de production, soutenir le relèvement du seuil de revente à perte, ce qui serait possible, à l'en croire, grâce à la structuration en filières et interprofessions fortes. Permettez-nous d'en douter.

Changer des modèles productifs, peut-être, mais arrêter certaines productions au motif qu'elles ne seraient pas concurrentielles serait catastrophique ! Il faut au contraire donner à l'agriculture les moyens de la compétitivité.

Comment le Gouvernement entend-il donner suite à ces propositions, et selon quel calendrier ? Renvoyer les modes d'application à plus tard serait un mauvais signal.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Le discours du président de la République redonne du souffle aux agriculteurs, qui doivent pouvoir vivre dignement de leur métier. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Il comprend plusieurs volets, à commencer par l'inversion du mode de fixation des prix, en partant des prix de revient des producteurs. Le regroupement en organisations professionnelles leur donnera plus de force. Nous voulons que le triptyque producteurs-transformateurs-distributeurs soit gagnant-gagnant-gagnant !

Nous présenterons d'ici la fin de l'année un plan de restructuration des filières pour les aider à construire une vision d'avenir, à investir et à innover. C'est le visage de la Ferme France que nous souhaitons pour demain.

Nous avons déjà bouclé le premier chantier de la répartition de la valeur ; nous ouvrons le deuxième, celui d'une alimentation saine, durable et accessible. Cela signifie miser sur la qualité, le premium, sans altérer le budget du consommateur.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Stéphane Travert, ministre.  - Un projet de loi verra le jour au premier semestre, pour que la Ferme France soit au rendez-vous des défis de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; MM. Alain Bertrand et Didier Guillaume applaudissent également.)

M. Pierre Cuypers.  - Nous n'avons pas entendu la même chose. L'enjeu primordial est que tous les agriculteurs vivent de leur travail, que la politique les soutienne plutôt que de les entraver ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Harcèlement sexuel

Mme Angèle Préville .  - Longtemps les femmes se sont tues : c'est un moyen de survie en milieu hostile... Aujourd'hui, leur parole se libère. À travers des milliers de tweets, leur cri est enfin audible. Il doit être entendu, pris en compte, accompagné de mesures rapides.

Il faut s'attaquer aux racines du mal. Peut-on envisager un débat de moralisation générale qui questionne la pornographie, la publicité, la pédagogie en direction des filles mais aussi des garçons ? Qu'envisager vis-à-vis des hommes de pouvoir qui abusent de leur position dominante ? Je fais ce rêve subversif que dans les entreprises ou les administrations, le fautif soit systématiquement remplacé par une femme.

Chaque année, 130 femmes sont victimes de violences conjugales : c'est un crime de masse passé sous silence. Peut-on envisager une médiatisation accrue ? En Espagne, les silhouettes et noms des victimes sont rappelées sur la place principale...

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Angèle Préville.  - Ce scandale nous interpelle et nous oblige. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes .  - Vous avez bien posé la question, merci de votre engagement. Que pouvons-nous faire ? Les femmes parlent. Encore faut-il que la société les entende, que les pouvoirs publics leur répondent. C'est pourquoi le président de la République a décidé de faire de l'égalité femmes-hommes une grande cause nationale du quinquennat, et le budget des droits des femmes a été augmenté et sanctuarisé.

Le 4 octobre, le Premier ministre a lancé un tour de France de l'égalité. En 2018, je présenterai avec la garde des sceaux une grande loi citoyenne, qui associera le Parlement, les territoires, les experts, les victimes, les associations pour assurer une juste condamnation sociétale et judiciaire des violences sexistes et sexuelles.

« Il n'y a pas de phénomènes moraux, rien qu'une interprétation morale des phénomènes » dit Nietzsche. Il ne s'agit pas ici de morale mais de droit et c'est cela que nous devons faire évoluer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, LaREM et RDSE)

La séance est suspendue à 17 h 40.

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

La séance reprend à 17 h 50.