Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. La séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook.

J'appelle chacun de vous à donner un caractère paisible à nos échanges : le respect des uns et des autres ainsi que le temps pour permettre à chaque collègue de bénéficier de la diffusion complète de sa question et de la réponse.

Ehpad (I)

Mme Laurence Cohen .  - Après les 117 jours de grève à l'Ehpad des Opalines, les Ehpad de la France entière étaient dans la rue le 30 janvier à l'appel de toutes les organisations syndicales et des directeurs d'établissement pour protester contre un budget indigne qui affecte le personnel des Ehpad comme les personnes âgées.

À l'Assemblée nationale, Madame la Ministre de la santé, vous avez promis 50 millions d'euros supplémentaires pour 2018, soit une aide-soignante pour sept établissements. On est loin du compte ! Il faut un soignant pour un résident. En Suisse, ce taux est de 1,2 ... (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; M. Martial Bourquin applaudit également.)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Je salue le travail quotidien des personnels des Ehpad. En 2050, il y aura dans notre pays 5 millions de personnes de plus de 85 ans contre 1,5 million actuellement. L'État assume cette évolution sociale. Nous augmentons de plus de 400 millions les crédits aux soins pour y faire face. Quelque 160 millions d'euros supplémentaires iront aux Ehpad dont 72 millions pour le recrutement de personnel et 10 millions pour les infirmières de nuit, 28 millions pour les Ehpad en difficulté - et 50 millions que j'ai annoncés pour des actions spécifiques dans les établissements qui en ont le plus besoin.

Le financement des Ehpad est complexe. L'État prend à sa charge la partie soins des services des Ehpad ; le département assure la partie dépendance via l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Il faut aller main dans la main, avec les professionnels, pour faire face. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Laurence Cohen.  - La réforme de la tarification pénalise les établissements publics. Deux départements, les Côtes d'Armor et le Val-de-Marne, ont refusé de l'appliquer. Un vrai service public pour l'autonomie : voilà la vraie réponse.

La perte d'autonomie, parce qu'elle fait partie intégrante de la vie, sera une réalité dont il faudra de plus en plus tenir compte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

CSG et pouvoir d'achat

Mme Corinne Féret .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Ma question s'adresse au ministre de l'action et des comptes publics. L'arrivée des fiches de paie incite le Gouvernement à un exercice d'autosatisfaction sur une prétendue augmentation du pouvoir d'achat, alors que l'Insee indique, dans une étude récente, que le pouvoir d'achat des Français diminuerait de 0,7 point au 1etrimestre 2018 par rapport à fin 2017, et 0,3 % sur 2018 par rapport à l'an dernier. Les quelque 5,4 millions d'agents publics l'ont bien compris. Hausse de CSG non compensée, jour de carence pour les fonctionnaires, gel du point, report du protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR), hausse du gaz et de l'essence, des péages... Le malaise dans les prisons, les hôpitaux, les Ehpad, et ailleurs, est palpable. Et les retraités sont toujours plus nombreux à peiner à régler leurs factures, à faire réaliser des actes médicaux.

Que comptez-vous faire, Monsieur le Ministre, pour que le pouvoir d'achat de tous les Français augmente, et pas seulement celui des Français qui sont déjà aisés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - La hausse de CSG est compensée pour les fonctionnaires, et intégralement. Ainsi la Contribution exceptionnelle de solidarité (CES) est supprimée pour ceux qui la paient, c'est-à-dire les agents dont le traitement brut global est supérieur à l'indice 313. L'État a provisionné 300 millions d'euros à titre d'indemnisation compensatoire pour une compensation à l'euro près. Un décret du 31 décembre dernier a abaissé le taux des cotisations maladie pour les employeurs publics de 11,5 à 9,8 % afin de dégager des marges de manoeuvre pour les collectivités territoriales et hôpitaux.

Je salue les efforts de l'administration pour mettre à jour les logiciels de feuilles de paie.

La compensation, cependant, ne concerne pas la cotisation vieillesse qui a augmenté en 2010 et en 2013 pour converger avec la cotisation versée dans le secteur privé.

Augmentation du minimum vieillesse, de l'AAH, baisse de cotisations, dégrèvement de taxe d'habitation... De telles mesures compensent les hausses dont vous parlez, qui finiront par se traduire dans les statistiques- et le retour de la croissance viendra très probablement contrecarrer les résultats de l'étude que vous citez. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants)

Mme Corinne Féret.  - Les fonctionnaires constateront que vous parlez de compensation, non pas de gain de pouvoir d'achat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Aides de l'État aux communes touchées par les inondations

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Après le printemps 2016 qui a traumatisé plusieurs départements, 133 communes en Seine-et-Marne sont touchées actuellement par les inondations. Nicolas Hulot est venu constater les dégâts qui s'étendent aussi à l'Yonne et au Petit comme au Grand Morin... Des maisons, des écoles et des commerces sont sinistrés. Partout, c'est la désolation.

Il y a urgence à déclarer l'état de catastrophe naturelle. Les EPCI constatent la difficulté de mettre en oeuvre la compétence Gemapi. Sur place, la solidarité dans les communes est exemplaire. Mais chacun compte sur le soutien financier de l'État pour la réparation des infrastructures sinistrées. Quel sera-t-il ? L'État s'engage-t-il face à ces défis de la nature ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et UC)

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Le secteur de Nemours et les bords du Loing n'ont heureusement pas revécu la situation d'il y a deux ans. Je vous garantis l'instruction des plus rapides des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour les sinistrés.

Le Gouvernement s'engage à réunir la commission de reconnaissance d'état de catastrophe naturelle en procédure accélérée, avant même le constat de l'intégralité des dégâts. Au titre de la dotation de solidarité aux communes, 39 millions d'euros sont budgétés cette année, contre 26 millions l'an dernier, pour remettre infrastructures et voirie en état.

Ehpad (II)

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La moyenne d'âge des résidents en Ehpad augmente, et avec elle les besoins de soins ; or les établissements manquent de crédits.

Le budget dépendance comporte une baisse du tarif dépendance pour les établissements publics. Dès juin 2017, je vous avais alerté sur la réforme tarifaire, introduite par le Gouvernement à l'article 58 de la loi Vieillissement et que le Parlement n'a pas pu examiner : elle fait perdre 200 millions d'euros aux établissements publics.

Que ferez-vous face à cette situation catastrophique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Les problèmes s'aggravent mais ont été anticipés par une augmentation de 400 millions des crédits pour les soins. Nous avons nommé un médiateur, Pierre Ricordeau, pour garantir un débat public serein.

Cette année, 160 millions d'euros supplémentaires seront débloqués dont 100 millions pour recruter du personnel. Un bonus sera aussi prévu l'an prochain pour encourager la prévention de la perte d'autonomie. Nous devons mieux accompagner la transformation des Ehpad. Une commission travaille au ministère sur la qualité de vie au travail.

M. Alain Milon.  - Nicolas Sarkozy avait proposé une réflexion sur la création du 5e risque. Mme Delaunay m'avait dit alors qu'on allait voir ce qu'on allait voir avec François Hollande. Nous avons vu : rien n'a été fait. À vous de jouer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

CPAM et arrêts maladie

Mme Sonia de la Provôté .  - La semaine dernière, la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) a annoncé expérimenter la transmission aux employeurs du nombre et des motifs des arrêts de travail, ceci dans le but de prévenir l'absentéisme et de prendre les mesures propres à améliorer les conditions de travail. Cette expérimentation a lieu dans les entreprises de plus de 200 salariés, ce qui est présenté comme une condition suffisante pour rassurer les salariés sur l'anonymat des données.

Vous comprendrez, Madame la ministre, qu'on puisse s'inquiéter pour le secret médical et la protection des données de santé. Des garde-fous existent mais ils n'ont pas été mis en oeuvre - la CNIL, notamment, n'a pas été saisie ; le consentement du salarié n'est pas recueilli sur l'utilisation de ces données ; les données sont transmises à l'employeur sans passer par le médecin du travail ; enfin, les motifs ne sont pas clairement définis.

Il ne s'agit pas de faire le procès des employeurs ou de la CPAM, mais ne faut-il pas, Madame la Ministre, renforcer les garanties ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Dans le cadre de sa mission de prévention des risques professionnels, la CPAM peut mener de telles expérimentations. Les lombalgies, les troubles musculosquelettiques (TMS), les troubles psychosociologiques se multiplient, ce qui justifie la sensibilisation des entreprises à laquelle procède la CPAM à travers cette expérimentation auprès des grandes entreprises, pour les aider à prévenir les arrêts de travail. En l'espèce, le secret médical et l'anonymat des données de santé sont respectés. Seules les entreprises de plus de 200 salariés sont concernées - et cette expérimentation porte, en l'espèce, sur cinq entreprises.

Prévenir pour mieux guérir tout en préservant l'anonymat : nous approuvons cette mesure. Il s'agit de protéger et pas de dénoncer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM)

Mme Sonia de la Provôté.  - Il y a un problème de transparence : les salariés auraient dû au moins être informés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Conseil des prud'hommes à Mayotte

M. Thani Mohamed Soilihi .  - (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Jusqu'ici Mayotte bénéficiait d'un code du travail spécifique, avec une semaine de travail de 39 heures et un « tribunal du travail » en matière prud'homale. Mayotte passera au droit commun, mais la création d'un conseil des prud'hommes a été repoussée à 2017, puis à 2022. Ce report suscite une grogne des syndicats et organisations patronales ; en signe de protestation, ils ont décidé de ne pas désigner d'assesseur au tribunal du travail en remplacement de ceux dont les mandats ont expiré fin décembre.

Le président du tribunal des prud'hommes siège ainsi seul depuis le 1er janvier 2018 pour ne pas bloquer totalement la juridiction. Cette solution n'est pas satisfaisante et les Mahorais se sentent, une fois encore, laissés pour compte.

Madame la Ministre, que comptez-vous faire pour assurer la continuité du service public prud'homal à Mayotte dans les mêmes conditions que sur le reste du territoire ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Merci de me donner l'occasion de dire l'attention permanente que le Gouvernement porte aux outre-mer. Le report de la création d'un conseil des prud'hommes au 1er janvier 2022 est dû au fait que les conditions de sa création ne sont pour l'instant pas réunies. Il n'y aurait pas eu de conseil au 1er janvier 2018 et la présidente de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion aurait dû nommer un juge du tribunal de grande instance pour traiter le contentieux du travail.

Une commission interministérielle étudiera les solutions à trouver dans l'intervalle. D'ici là, j'engage les partenaires sociaux à renouer le dialogue, sans quoi je prendrais des mesures. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Thani Mohamed Soilihi.  - On voit avec cette réponse qu'il n'y a pas de déni de justice à Mayotte. Je vous sais gré de votre vigilance. (Mêmes mouvements)

Surveillants pénitentiaires

M. Jean-Pierre Corbisez .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Lundi 22 janvier, je me suis rendu au centre pénitentiaire de Lille-Annoeullin pour discuter avec les fonctionnaires grévistes - avant d'être délogé comme eux. Je vous rassure, je vais bien : vos gendarmes ont été gentils. (Sourires)

Créées en 2015, les équipes locales d'appui et de contrôle (ELAC), qui vont devenir équipes locales de sécurité pénitentiaires (ELSP), assurent des missions à l'intérieur mais aussi à l'extérieur des établissements ; or les moyens dont elles disposent sont inadaptés. Le plan d'action de votre prédécesseur prévoyait de les doter d'armes lors de leurs missions à l'extérieur ; qu'en est-il aujourd'hui ?

Les articles 12-1 et 29 précisent les dispositifs des actions à l'extérieur de façon coluchéenne. On voit des discoboles lancer des smartphones ou de la drogue par-dessus les murs, or les ELAC n'ont aucun pouvoir à l'extérieur. C'est plutôt : « Excusez-moi de vous importuner, accepteriez-vous d'être fouillé ? ».

Allez-vous modifier la loi et surtout publier enfin les décrets d'application ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Cette question a été soulevée par les surveillants pénitentiaires. En effet, les équipes locales de sécurité assurent une présence extérieure renforcée ; la création des ELSP assure en outre aux surveillants pénitentiaires des parcours de carrière plus variés, ce qui concourt à l'attractivité de leur métier.

Le protocole d'accord avec l'organisation syndicale la plus représentative prévoit davantage de moyens et d'équipements défensifs et offensifs. Nous avons convenu de dialoguer pour que ceux-ci soient fournis au plus vite, car le renforcement de la sécurité dans les établissements est la première demande des organisations représentatives des surveillants pénitentiaires.

Quant aux objets projetés depuis l'extérieur, ce sont très souvent des téléphones portables ; nous allons installer des brouilleurs dans tous les établissements pénitentiaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. André Reichardt.  - Très bien.

Ehpad (III)

Mme Sophie Taillé-Polian .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Je veux vous interpeller sur la situation des Ehpad. Madame la Ministre de la santé, vous avez parlé d'anticipation. La situation n'est pas tenable sur le terrain. Les établissements ne peuvent attendre les rapports, les missions. Il leur faut des engagements clairs, inscrits sur le court, moyen et long terme.

Le sous-effectif génère un mal-être profond et un taux d'accident du travail inacceptable. Et vous voulez conditionner un bonus à un travail supplémentaire pour prévenir la dépendance ? Mais que faites-vous pour prévenir les risques professionnels pour les soignants ? Un plan d'urgence est indispensable !

Il faut plus de personnel dans les Ehpad, cela suppose de renouveler les emplois aidés, de s'engager sur un budget d'ampleur à moyen et long terme ! (Un certain brouhaha monte à droite et au centre.) C'est indispensable pour se projeter dans l'avenir, revenir à une situation normale et prendre soin de nos aînés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; M. Joël Labbé applaudit également.)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Vous parlez de manque d'anticipation ? (Rires puis applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE, UC et Les Républicains)

J'aurais en effet aimé que cette situation soit anticipée. Dès notre arrivée, nous avons dégagé des moyens nécessaires pour les soins, augmenté les postes d'infirmières de nuit, équipé les Ehpad en outils de télémédecine. Nous avons proposé un plan d'action spécifique et sollicité l'Agence nationale d'appui à la performance pour restructurer certains établissements ; nous travaillons avec les conseils départementaux pour identifier les Ehpad en difficulté ; nous avons mis en place un comité de suivi de la réforme, nous travaillons sur la qualité de vie au travail, sur les évolutions de carrière, nous déployons des enquêtes de satisfaction.

Bref, nous avons, je crois, plus anticipé en huit mois que vous en cinq ans ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UC, Les Républicains et RDSE)

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Je veux pour ma part rendre hommage à l'action du gouvernement précédent (Railleries à droite et au centre ; les exclamations couvrent la voix de l'oratrice.) : 700 millions d'euros pour accompagner le vieillissement de la société ! Faites-en autant ! Mais vous préférez rendre des milliards d'euros aux plus riches. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Notre-Dame-des-Landes et autorité de l'État

Mme Catherine Deroche .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je ne reviendrai pas sur le renoncement regrettable du Gouvernement concernant Notre-Dame-des-Landes mais sur le mécontentement des riverains de l'aéroport de Nantes-Atlantique et les évènements du week-end dernier. Des habitants en colère, s'estimant trahis pas l'État, ont déchiré leur carte d'électeur devant la ministre des transports ; la préfète de région venue constater le dégagement de la route des chicanes a reçu un accueil peu banal - véritable pantalonnade ! - et on l'a même vue trinquer avec les zadistes et le directeur général de la gendarmerie nationale !

Le plan B, l'agrandissement de Nantes-Atlantique, se heurte à nombre d'obstacles - d'ailleurs personne n'y croit. Les images récentes traduisent non pas un apaisement, mais bien une capitulation. Est-ce là votre conception de l'autorité de l'État ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Le projet de Notre-Dame-des-Landes date de cinquante ans. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Bien des gouvernements auraient pu prendre une décision ; nous, nous avons pris nos responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) La décision annoncée le 17 janvier par le Premier ministre repose sur le principe du retour de l'État de droit (On se gausse sur les bancs du groupe Les Républicains.), que nous souhaitons obtenir de la manière la plus apaisée possible, sur la médiation avec l'ensemble des acteurs de la région, que nous écouterons s'ils ont une volonté de dialogue constructif, et sur un calendrier clair et respecté.

La RD 281, dite route des chicanes, obstruée depuis 2012, est en voie d'être dégagée...

M. Christophe Priou.  - C'est faux !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Les services du département ont commencé les travaux ; s'ils n'étaient pas poursuivis, l'État s'y substituerait, car l'État de droit doit être appliqué partout, et le sera à Notre-Dame-des-Landes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, exclamations à droite et au centre)

Mme Catherine Deroche.  - Cela, c'est le plan de communication du Gouvernement. Certes, la préfète a pu avancer sur quelques mètres, escortée par des escadrons de gendarmes mobiles et d'un hélicoptère, mais la ZAD est toujours occupée par des squats illégaux. La trêve hivernale est prétexte à retarder leur évacuation. Les Ligériens estiment avoir été sacrifiés au profit de ceux qui bafouent les lois de la République. Espérons seulement que cette capitulation ne fasse pas école ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants, ainsi que sur certains bancs du groupe SOCR)

Limitation de vitesse

Mme Michèle Vullien .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le Gouvernement a annoncé le 9 janvier la limitation à 80 km/heure sur le réseau secondaire à compter du 1er juillet.

Si je suis a priori plutôt favorable à cette mesure dont l'objectif est de réduire le nombre de morts sur les routes, la démarche est hâtive et fait abstraction des conclusions des Assises de la mobilité. La direction de la sécurité routière n'a d'ailleurs pas souhaité participer aux travaux des assises. C'est regrettable. Pourquoi ?

Pouvez-vous attendre les conclusions du groupe de travail sénatorial sur le sujet avant de confirmer votre décision ? Il est paradoxal que le Gouvernement ne respecte pas la ligne de conduite fixée par le président de la République qui a insisté sur l'importance de l'évaluation ex ante. Prenons date. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - J'avais parfaitement conscience, en l'annonçant, que la mesure me vaudrait une certaine impopularité et susciterait scepticisme, incompréhension, agacement, parfois colère.

Quelques chiffres, publiés aujourd'hui : 3 693 morts sur les routes en 2017, métropole et outre-mer - longtemps, on omettait de compter les outremers, je ne sais pourquoi - 77 476 blessés, dont près de 25 000 de blessés graves, à vie.

Dans le Rhône, 58 morts en 2017 - trois de moins qu'en 2016 - mais un nombre de blessés en hausse de 10 %, à 2 735. Le coût humain, individuel et familial, est considérable. Il y a aussi un coût collectif : on estime entre 32 à 40 milliards d'euros le préjudice annuel lié à la surmortalité. C'est énorme !

M. Simon Sutour.  - Cela n'a rien à voir !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Je refuse que l'on s'habitue à de tels chiffres, je ne crois pas à la fatalité. Mon objectif est de faire baisser le nombre de morts et de blessés.

Voix à gauche.  - Donnez plutôt des moyens pour les routes !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Oui, il faut entretenir les routes, mais 92 % des accidents sont d'origine humaine. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) La vitesse est systématiquement un facteur aggravant. (Mêmes mouvements)

M. Gérard Cornu.  - L'excès de vitesse ! (On renchérit à droite.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Nous élaborons un plan global qui sanctionnera plus lourdement la conduite en état d'ivresse ou sous l'emprise de stupéfiants, sans permis de conduire ou le téléphone portable au volant...

Je ne recherche pas la popularité ; tous les spécialistes indiquent que la vitesse est systématiquement un facteur aggravant sur ces routes, qui cumulent 55 % des accidents.

Je me félicite que le Sénat ait créé un groupe de travail ; la porte de Matignon vous est ouverte pour échanger.

Je me fixe une obligation non de moyens mais de résultat : réduire le nombre de morts et de blessés. Je me souviens des réactions quand, au début des années 2000, le président Chirac s'est engagé en la matière, au risque de l'impopularité. Aujourd'hui, tout le monde s'accorde à dire que ces mesures ont produit leur effet. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; Mme Nassimah Dindar, MM. Olivier Cadic et Robert Del Picchia applaudissent également.)

Mme Michèle Vullien.  - Je suis plutôt favorable à cette mesure. Mes interrogations portaient sur la méthode.

Agriculture dans les zones défavorisées (I)

Mme Françoise Laborde .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) La profession agricole s'inquiète de la révision de la carte des zones défavorisées, que la Commission européenne demande d'ici mars.

Mon département représente 40 % des communes non classées de la région Occitanie, son potentiel agro-économique est parmi les plus faibles - il est au quatre-vingtième rang des départements en termes de revenu agricole.

Les zones défavorisées recouvrent des réalités physiques, économiques, sociales, humaines. Si le zonage proposé était maintenu, des départements comme la Haute-Garonne, le Gers, le Tarn-et-Garonne ou le Lot verront leur biodiversité bouleversée par la fin de l'activité des éleveurs et des jeunes agriculteurs. Pourtant, nos agriculteurs ont du talent et de la ténacité, comme l'a dit le président de la République. Leur manifestation en est la preuve.

Allez-vous écouter les propositions des professionnels qui demandent que l'on revoie les critères, notamment paysagers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs du groupe LaREM)

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je n'ignore rien des inquiétudes des agriculteurs sur les zones défavorisées simples, en particulier dans votre région.

Ce zonage a plus de quarante ans, et n'a jamais été revu. Sa pertinence fait débat au niveau européen depuis 2002 ; sa révision a été entamée depuis 2013, pour une entrée en vigueur en 2019, en France comme chez nos voisins. Les contraintes européennes interdisent tout arbitraire dans le zonage, tout report de l'échéance.

Les discussions entamées en 2016 avec les régions et les professionnels se poursuivent. Le premier cycle de travail avait abouti à une carte trop étendue, alors que les crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) sont limités. Certains critères n'étaient pas justifiés, et budgétairement insoutenables.

Je reçois demain les représentants de votre région. Nous héritons d'un dossier ancien, dont il faut désormais sortir.

La cartographie sera connue mi-février ; en mars, nous transmettrons à la Commission européenne les mesures d'accompagnement prévues. Certaines communes entreront dans le dispositif, d'autres en sortiront. Nous analyserons les situations individuelles. Comptez sur moi pour toujours défendre les intérêts de nos agriculteurs à Bruxelles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM)

Mme Françoise Laborde.  - Merci pour ces précisions. Mais il y a la technique, et il y a l'humain...

Centres-bourgs, taxe d'habitation et rôle des banques

M. Alain Chatillon .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Les bourgs-centres sont en péril. Les GAFA pillent le commence - sans payer le moindre impôt. Il est temps de se mobiliser pour que la vie dans le monde rural soit digne, comme elle l'était naguère, et que nos concitoyens trouvent en centre-ville les services nécessaires.

La taxe d'habitation doit être remboursée à l'euro près. Comment ? Ne pourrait-on retenir une moyenne sur un territoire, pour ne pas pénaliser ceux qui ont fait des efforts pour réduire les impôts ?

Voilà dix ans que la Banque centrale européenne a attribué aux banques européennes 4 200 milliards d'euros pour garantir une inflation à 2 %. Beaucoup d'argent est resté ou revenu à la BCE. Mais dans quelles proportions les sommes restantes ont-elles été placées plutôt que réinjectées dans l'économie réelle ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur certains bancs du groupe RDSE ; Mme Maryvonne Blondin acquiesce.)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Sur le premier point, vous trouverez des réponses dans le plan de MM. Mézard et Denormandie pour le développement des villes moyennes. Il faut accompagner les coeurs de ville qui font vivre les territoires, sans critères discriminants : on doit pouvoir trouver en centre-ville commerces et équipements.

Les deux autres sujets sont difficiles à articuler. Les banques françaises, sous l'attention particulière du Gouvernement, sont présentes aux côtés des entreprises. En 2017, le volume de prêts a augmenté de 5 %, ce qui contribue à la hausse de la croissance.

Quant à la compensation de la taxe d'habitation, nous appliquerons la technique du dégrèvement qui permettra un remboursement à l'euro près. Nous avons trois ans devant nous pour refonder la fiscalité locale sur des bases justes, grâce notamment au rapport de MM. Bur et Richard, avant l'extension de la mesure à tous, évoquée par le président de la République dans ses voeux aux Français.

Agriculture dans les zones défavorisées (II)

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) J'associe Philippe Mouiller, sénateur des Deux-Sèvres, à ma question.

Depuis mercredi, à Montauban, les agriculteurs d'Occitanie protestent contre la future carte des zones agricoles défavorisées qui exclut grand nombre de communes jusqu'ici éligibles. Or la fin de ces aides européennes marquerait la fin des exploitations familiales modestes qui contribuent au maintien de nos paysages et à la vie des petites communes.

Quelles garanties, quels engagements fermes et tangibles allez-vous prendre pour le maintien de ces aides vitales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Il fallait revoir ce zonage, vieux de quarante ans. Dès mon arrivée, j'ai bataillé à Bruxelles pour obtenir un délai supplémentaire et travailler sur la nouvelle cartographie, en totale concertation avec les professionnels du monde agricole.

Je ne peux laisser dire que nous allons mettre fin aux activités agricoles sur ces territoires. Je sais que la survie de certaines exploitations dépend de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels. Comme dans chaque révision de zonage, il y aura de nombreux entrants mais aussi des sortants. Ma responsabilité est de penser à la suite. Je recevrai demain les représentants des agriculteurs et des communes qui sortiront ; l'État prendra toute sa part dans leur accompagnement. Nous voulons une carte équitable et financièrement soutenable, qui préserve mieux l'élevage intensif en plaine ; et je défendrai auprès des autorités européennes les mesures d'accompagnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. François Bonhomme.  - Réponse technique et dilatoire ! Les 5 000 euros d'aide, c'est le reste à vivre de ces agriculteurs. Je sais bien que M. Le Foll vous a laissé en rase campagne... Mais vous condamnez les agriculteurs. La fin des aides leur serait fatale. La préfète de Loire-Atlantique est récemment allée à la rencontre des zadistes victorieux de Notre-Dame-des-Landes, qui se sont déculottés sur son passage : aveu d'impuissance de l'État... Je voudrais que l'État préfère le cul des vaches à celui des zadistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue à 16 h 5.

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

La séance reprend à 16 h 15.