Revalorisation des pensions agricoles

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer.

Discussion générale

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, on s'en amuse à droite.) Cette proposition de loi entend remédier à une situation à laquelle le Gouvernement est sensible : la faiblesse des retraites agricoles. (Marques d'ironie sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Cécile Cukierman.  - Nous attendons des actes, Madame !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Les pensions des exploitants agricoles, et plus encore des conjoints et aides familiaux, sont, à durée d'activité équivalente, plus faibles que celles des autres retraités, même s'ils sont souvent polypensionnés. C'est avant tout la conséquence de la faiblesse des revenus agricoles, de la mise en place tardive de la complémentaire obligatoire, en 2003, et dans les DOM, des durées de cotisations plus courtes et des cotisations plus faibles.

Face à cette situation, la solidarité nationale se manifeste via le mécanisme de compensation démographique et l'affectation de diverses taxes. Ces transferts représentent 73 % des dépenses du régime de retraite des exploitants agricoles. Le soutien de la solidarité nationale s'est également manifesté dès la création du régime de retraite complémentaire, avec l'attribution de points gratuits aux chefs d'exploitation.

M. Claude Bérit-Débat.  - Par qui ?

M. Roland Courteau.  - Jospin !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - La loi du 20 janvier 2014 a revalorisé les retraites agricoles en les fixant à 75 % du Smic pour une carrière complète, mesure pleinement effective depuis l'an dernier...

M. Claude Bérit-Débat.  - Merci Hollande !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - ... et attribué de nouveaux droits gratuits aux conjoints et aides familiaux.

Le Gouvernement est particulièrement attentif aux petites retraites. (Exclamations ironiques sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

Mme Laurence Cohen.  - Ça ne se voit pas !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Conformément à l'engagement du président de la République, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a majoré de 100 euros le minimum vieillesse pour le porter à 900 euros par mois d'ici à 2020, avec une première hausse de 30 euros dès le 1er avril prochain. (Exclamations ironiques sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

Mme Esther Benbassa.  - Formidable !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Engagé dans sa démarche de solidarité, le Gouvernement ne peut en revanche être favorable en l'état à cette proposition de loi (Exclamations), pour des raisons de méthode et de calendrier.

Question de méthode d'abord.

M. Pierre Ouzoulias.  - Parlons de la vôtre !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Pour couvrir le coût de cette mesure, 400 millions d'euros, il est prévu d'augmenter de 0,1 % la taxe sur les transactions financières et de relever les droits à tabac. Des gages pour ordre, que beaucoup d'entre vous ne jugeraient pas pertinents.

Mme Cécile Cukierman.  - C'est faux !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - L'alternative est de creuser le déficit de la sécurité sociale ou de faire supporter la charge par la collectivité nationale et par l'impôt.

Le Gouvernement est attaché à une gestion avisée des finances publiques et au retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale à horizon 2020. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)

On ne peut adopter de telles dispositions sans garantir un financement pérenne. Le schéma de financement de la loi de 2014 n'a pas été opérationnel, et il a fallu un apport supplémentaire en 2017.

Mme Laurence Cohen.  - Et l'impôt sur la fortune ?

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Question de calendrier, surtout. Cette proposition de loi est prématurée...

M. Roland Courteau.  - Pas pour les anciens agriculteurs !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - ...au regard du débat qui va s'engager sur la réforme de nos régimes de retraites.

Le Gouvernement est en ordre de marche (Exclamations ironiques) Jean-Paul Delevoye reçoit l'ensemble des parties prenantes ; nous recevrons ensemble les représentants agricoles.

Avant ce débat qui concerne l'ensemble des Français, le Gouvernement considère logiquement qu'aucune modification de paramètres importants des régimes existants n'a vocation à intervenir, a fortiori de façon sectorielle.

Mme Laurence Cohen.  - Scandaleux !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Le Gouvernement ne refuse pas de prendre en compte la situation des retraités agricoles, mais considère que les conditions ne sont pas réunies pour légiférer aujourd'hui. (Vives exclamations)

M. François Bonhomme.  - Et hop !

M. Gilbert Bouchet.  - Scandaleux !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - En conséquence, en application de l'article 44 alinéa 3 de la Constitution, et de l'article 42 alinéa 7 du Règlement du Sénat, le Gouvernement demande à la Haute Assemblée de se prononcer par un seul vote sur l'ensemble du texte... (Huées et vives exclamations sur les bancs des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE ; les sénateurs frappent énergiquement sur leurs pupitres jusqu'à ce que Mme la ministre ait quitté la tribune.)

M. le président.  - En application de l'article 44, dernier alinéa, de la Constitution et de l'article 42, alinéa 7, du Règlement, le Gouvernement demande au Sénat de se prononcer par un seul vote sur les articles et les amendements en en retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement, ainsi que sur l'ensemble de la proposition de loi. (Vives protestations sur les bancs des groupes Les Républicains et CRCE)

M. Pierre Cuypers.  - Scandaleux !

M. le président.  - On peut en penser ce que l'on veut, c'est la Constitution et c'est le Règlement.

Seul l'amendement n°3 est retenu par le Gouvernement. Acte est donné de cette demande.

M. Dominique Watrin, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR ; Mme Françoise Laborde applaudit également.) La décision du Gouvernement de recourir au 44-3 a fait l'effet d'une douche froide ce matin en commission : recul de la démocratie, procédure insupportable, incompréhensible sur un sujet qui fédère... Voilà des remarques venues de tous bords. (On renchérit à droite comme à gauche.)

M. Claude Bérit-Débat.  - Les retraités agricoles vous regardent !

M. Dominique Watrin, rapporteur.  - En renvoyant le sujet à une hypothétique réforme systémique des retraites, le Gouvernement signe l'arrêt de mort de la proposition de loi. Cela engage votre entière responsabilité.

L'Assemblée nationale avait adopté cette proposition de loi à l'unanimité le 2 février 2017, sur le rapport d'André Chassaigne. Unanimité aussi à la commission des affaires sociales du Sénat, qui l'a adoptée sans modification le 21 février dernier. Unanimité enfin ce matin en commission pour émettre un avis défavorable à l'amendement du Gouvernement et condamner le recours au vote bloqué.

Au lieu de dialoguer, le Gouvernement a choisi de fermer le débat.

J'étais pourtant prêt à répondre à vos objections. Sur le coût budgétaire, d'abord. L'article premier fait passer le minimum garanti de 75 % à 85 % du Smic net agricole, soit de 871 à 987 euros par mois ; l'article 3 assouplit les conditions d'accès au minimum de 75 % pour les exploitants agricoles ultramarins.

L'impact financier est évalué à 350 millions pour l'article premier et à 50 millions pour l'article 3, soit 400 millions pour 2018, selon le ministère de l'agriculture. Le régime des non-salariés agricoles est celui qui sert les plus petites pensions, avec une moyenne inférieure au seuil de pauvreté et au minimum vieillesse. Cette mesure se traduirait par un gain de 100 euros pour les 230 000 bénéficiaires actuels et une hausse pour 30 000 retraités agricoles supplémentaires.

Il est urgent d'accorder à chaque agriculteur une retraite décente. En outre, la dépense budgétaire baissera avec l'arrivée à la retraite de nouvelles générations qui auront beaucoup plus cotisé que leurs aînés. En 2014, le coût du minimum à 75 % était estimé entre 140 à 160 millions d'euros par an jusqu'en 2030. En 2018, il ne coûtera finalement que 130 millions, et 125 millions en 2020.

L'article 2 de la proposition de loi prévoit un financement suffisant et même dynamique. La hausse de 0,1 % de la taxe sur les transactions financières représente un centime de plus sur l'achat d'une action de 10 euros et rapportera au moins 450 millions d'euros par an, ce qui consolidera le régime de retraite des non-salariés agricoles sans rien coûter au contribuable.

L'article 4 étend la retraite complémentaire aux salariés agricoles de la Réunion, Guadeloupe et Mayotte, mettant fin à une discrimination.

Nulle contradiction avec la réforme systémique annoncée, puisque le minimum garanti fonctionne déjà sur un système d'attribution de points à titre gratuit. Rien ne s'oppose à ce texte qui permet une revalorisation immédiate des retraites agricoles modestes - sauf si votre intention est de minimiser les dispositifs de solidarité.

J'ai mené de nombreuses auditions qui ont consolidé l'esprit de consensus face à l'urgence sociale. Les représentants des administrations de l'agriculture et de la sécurité sociale n'ont pas été en mesure de nous communiquer la position du Gouvernement ; je n'ai appris qu'hier soir votre décision de vous opposer au texte et de recourir au vote bloqué, au mépris d'un dialogue respectueux avec le Parlement. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM) Cette procédure n'avait pas été utilisée sur une proposition de loi depuis 1993 ! L'argument de l'obstruction ne tient pas puisque la commission a voté unanimement pour l'adoption conforme. Je ne peux que répéter cette position. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

M. François Patriat.  - Le concours de démagogie peut commencer...

M. René-Paul Savary .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC) Quel message, Madame la Ministre, adressé au monde agricole, au lendemain du Salon de l'agriculture ! (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

Ce sont eux qui nous nourrissent, protègent l'environnement et font la transition écologique. La société leur doit reconnaissance.

Quel message, Madame la Ministre, adressé au Sénat, à la veille de la réforme constitutionnelle. Quelle mesure violente, quel manque de respect envers le Parlement ! (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

Sur le fond, le régime des non-salariés agricoles est particulier : les revenus ne sont pas calculables, les prestations pilotées ; le système par points, fonction des cotisations, n'arrangera rien pour les retraites agricoles.

Pour le monde agricole, c'est l'ensemble de la carrière qui compte contre les quinze meilleures années pour les salariés et les six derniers mois pour les fonctionnaires... La solidarité nationale ? Certes, elle existe, mais ce sont les actifs - sachant qu'il n'y a qu'un seul cotisant pour trois pensionnés - qui paient une cotisation supplémentaire pour financer le régime complémentaire obligatoire (RCO). C'est un exemple à ne pas suivre !

Sur la forme, que dire ? Le 44-3 est au Sénat ce que le 49-3 est à l'Assemblée nationale ! (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

Mme Cécile Cukierman.  - Exactement !

M. René-Paul Savary.  - Ce n'est pas acceptable. Vous sortez l'artillerie lourde sur une simple proposition de loi...

M. François Patriat.  - 400 millions d'euros !

M. René-Paul Savary.  - ... en donnant aux sénateurs le sentiment d'être muselés. (Huées et applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

Ce n'est pas aux retraités agricoles de payer pour la méthode brutale du Gouvernement. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

M. Martin Lévrier .  - (Exclamations et huées sur plusieurs bancs) La pension moyenne des agriculteurs demeure inférieure au seuil de pauvreté et au minimum vieillesse : 710 euros en 2014, 850 pour les hommes et seulement 570 euros pour les femmes.

Les retraités agricoles attendent un geste de soutien, une reconnaissance de leur travail (« Ah ! » sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

Ils veulent vivre dignement de leur travail. (On renchérit sur les bancs du groupe UC.)

Loin de nous l'idée de rejeter tout message de solidarité. (Exclamations) Pour autant, la solidarité doit être associée à la réalité et à l'équité. (Exclamations) Le Gouvernement a engagé une grande réforme pour l'harmonisation des retraites.

Voix à droite.  - Et en attendant ?

M. Martin Lévrier.  - Quelle est la finalité du travail parlementaire ?

Voix à droite.  - Le 44-3 !

M. Martin Lévrier.  - Pourquoi faire une loi qui, à peine publiée, sera modifiée puisque d'autres textes sont en gestation ? (Protestations sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Françoise Laborde.  - C'est la démocratie !

M. Martin Lévrier.  - Cela ne servirait qu'à nous donner bonne conscience. Il ne faut pas faire primer l'urgent sur l'important. (Vives exclamations) La défiance des Français envers le travail parlementaire tient aussi à ces lois qui vivent ce que vivent les roses, ou ne sont jamais appliquées.

À l'aube de la grande réforme voulue par le Gouvernement, comment proposer unerevalorisation d'un seul type de pension ?

M. Pierre Laurent.  - C'est Emmanuel Macron qui a parlé des retraites au Salon de l'agriculture !

M. Martin Lévrier.  - Le groupe LaREM votera cette proposition de loi amendée par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; huées à gauche)

Mme Élisabeth Doineau .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains) Le président Larcher rappelle souvent que nous sommes les représentants des territoires, et, pour beaucoup, des territoires ruraux. Vous avez sans doute tous reçu ces courriers manuscrits de retraités agricoles, noté ces écritures frêles mais déterminées, fébriles mais pudiques, ces mots résignés mais courageux, ces montants précis au centime près. Avec peu, on peut faire beaucoup. Mais l'imprévu, l'hiver plus froid, l'appareil ménager qui tombe en panne, la maladie, le décès d'un proche... et voilà que la peur et la colère font sortir du silence.

Demandes au Fonds de solidarité logement pour l'achat de bois ou de fuel, impossibilité d'assumer les frais de réparation d'une voiture indispensable, difficultés pour l'achat d'appareils dentaires et auditifs, pour des frais d'ambulance ou d'obsèques... Qui d'entre nous n'a pas été sollicité ? Et que répond la MSA ? Qu'ils n'ont pas assez cotisé... (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UC et Les Républicains) Mais à une époque, on ne cotisait pas - surtout les femmes ; les cotisations étaient faibles, comme les revenus.

La pension moyenne demeure inférieure au minimum vieillesse - certes revalorisé mais toujours inférieur au seuil de pauvreté. L'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) n'est demandée que par 1,3 % des retraités agricoles, le recours sur succession étant un barrage psychologique pour qui a mis une vie de labeur à se constituer un petit patrimoine, sanctuarisé pour faire face à la dépendance.

Derrière les chiffres, il y a des femmes et des hommes qui ont travaillé dur toute leur vie. Et à la pauvreté s'ajoute l'inégalité pour les femmes - je vous renvoie aux travaux de la Délégation aux droits des femmes.

L'article premier de la proposition de loi porte la pension minimum de 75 à 85 % du Smic. Cela représenterait 55 000 bénéficiaires supplémentaires sur 280 000 retraités et un coût de 350 millions d'euros. Les recettes attendues de la taxe additionnelle prévue à l'article 2 s'élèvent, elles, à 450 millions d'euros.

Pour une carrière complète, un non-salarié des DOM touche en moyenne 200 euros de moins qu'un retraité en métropole - or moins d'un quart des monopensionnés ultramarins ont eu une carrière complète. La moyenne des pensions est inférieure à 300 euros.

L'ensemble du groupe Union centriste avait décidé de voter conforme ce texte. L'annonce du recours à l'article 44-3 a suscité de vives indignations : mépris du monde agricole, du travail parlementaire...

Historiquement partisan d'un régime de retraite unique à points, nous estimions que ce texte n'était pas contradictoire avec une future réforme systémique. Aujourd'hui, nous était donnée l'occasion d'effacer une honte nationale ! (Applaudissements nourris sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

Mme Nadine Grelet-Certenais .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Lors du Salon de l'agriculture, le président de la République a dit connaître les souffrances et les angoisses des agriculteurs qui l'interpellaient. Mais ce soir, le Gouvernement passe outre le vote unanime de l'Assemblée nationale et de notre commission et enterre ce texte en recourant au vote bloqué, procédure rarissime pour une proposition de loi.

Courage, fuyons ! Vous attendiez la fin du Salon pour afficher vos intentions. Quelle brutalité, quel déni de démocratie ! (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM) Cette méthode augure mal de votre réforme constitutionnelle...

On ne peut pas dire que l'on défend les agriculteurs et exercer ainsi un marchandage tactique sur leur dos. (Mme Victoire Jasmin applaudit.) Nous ne participerons pas à cette mascarade.

Le rapport de la MSA avait tiré la sonnette d'alarme : un tiers des retraités non-salariés perçoivent moins de 400 euros. Le déséquilibre démographique du régime agricole explique le recours à la solidarité nationale. Sans ressources pérennes, le déficit se creusera. Cette proposition de loi esquisse une bonne piste de financement.

Cette proposition de loi s'inscrit dans le prolongement de la politique volontariste de François Hollande (Marques d'ironie sur les bancs du groupe LaREM) et auparavant de Lionel Jospin. (M. Roland Courteau renchérit.)

Les nouvelles avancées de ce texte corrigeaient des injustices.

Cette proposition de loi était unanimement soutenue par les syndicats agricoles et associations de retraités agricoles, présents en tribune. Tous appellent de leur voeu un vote conforme, pour une application rapide ! Repousser l'entrée en vigueur, c'est nier l'urgence sociale. Garantir une retraite décente, c'est donner espoir et c'est penser à l'avenir, faciliter les transmissions.

La commission des affaires sociales avait ouvert la voie à une adoption conforme, une solution clés en main. Nous aurions pu saisir une opportunité inédite. Le message aux agriculteurs aurait été fort.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Nadine Grelet-Certenais.  - Hélas, le Gouvernement musèle le Sénat... Le groupe socialiste ne prendra pas part au vote. Quelle occasion manquée ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, CRCE, RDSE et sur quelques bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Jean-Pierre Decool .  - La situation des pensionnés agricoles est douloureuse. Ils ne peuvent plus tenir. Comment accepter au XXIe siècle que ceux qui nous nourrissent à la sueur de leur front souffrent de misère sociale ? Et ce, alors que la MSA a commis en décembre dernier une erreur regrettable dans le versement des pensions... Le Gouvernement et la MSA se sont engagés à échelonner les remboursements de trop-perçu qui ne devaient pas dépasser 15 % des revenus, mais il est terrible de voir les retraités devoir produire des attestations et réviser leur déclaration de revenu.

Sully ne disait-il pas que labourage et pâturage étaient les deux mamelles dont la France est alimentée ? Le monde agricole fait la fierté de notre pays. Notre devoir est d'être à l'écoute de nos agriculteurs et de réparer les injustices à leur égard.

Avec un revenu moyen de 736 euros, ils ne peuvent vivre décemment. Certes, plusieurs avancées sont intervenues depuis 2014 : revalorisation des petites retraites, points gratuits pour les conjoints et aides familiaux, retraite minimum à 75 % du Smic en 2018.

Le groupe Les Indépendants ne peut soutenir qu'une revalorisation réelle des retraites agricoles, fiable et durable. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et UC, ainsi que sur certains bancs des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE)

M. Stéphane Ravier .  - La volonté du Gouvernement d'utiliser le 44-3 comme les braqueurs, le 11,43 sur la tempe du législateur (Sourires) est une nouvelle agression du Parlement et de la démocratie, une nouvelle violence infligée aux paysans. Rien ne garantit que cette mesure figurera dans la réforme des retraites. Les parlementaires sont traités comme quantité négligeable, méprisés. La détresse du monde paysan devrait faire honte, mais le Gouvernement reste sourd. Pourtant, un agriculteur se suicide tous les deux jours ! Le débat serait prématuré. Ce sont ces deuils qui sont prématurés ! Il est scandaleux, alors que des millions de personnes souffrent de la faim, que les transferts sociaux en faveur des nouveaux venus n'ayant jamais cotisé soient supérieurs aux retraites versées à ceux qui ont travaillé toute leur vie, douze à quinze heures par jour ! (Exclamations sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)

Mme Éliane Assassi.  - Chassez le naturel, il revient au galop...

M. Stéphane Ravier.  - Nous accueillons très favorablement cette proposition de loi, même entachée du coup de force de l'exécutif qui exécute tout débat. Porter le minimum à 85 % du Smic est une mesure salutaire.

Le déficit structurel du régime agricole est le fruit des politiques agricoles des dernières décennies favorisant la concentration des exploitations et la baisse des prix alimentaires. Il faut s'attaquer aux causes et rémunérer les paysans à la juste valeur de leur difficile et noble travail.

En 2015, un tiers des agriculteurs touchaient 350 euros par mois et la MSA a reçu, en 2016, 200 000 demandes de RSA !

Je voterai cette proposition de loi mais honte à ce Gouvernement qui utilise des méthodes de voyou, piétine le Parlement et prend en otage les agriculteurs. Mais que le président du grand déracinement veuille en finir avec la paysannerie française n'a rien de surprenant.

M. Martin Lévrier.  - Poil aux dents !

M. Éric Gold .  - Cette proposition de loi votée à l'unanimité à l'Assemblée nationale semblait faire consensus.

Nous sommes tous sensibles aux inquiétudes des agriculteurs. À la retraite, une majorité d'entre eux n'ont pas accès à un revenu décent. En moyenne, la pension d'un chef d'exploitation est de 730 euros, et de moins de 600 euros pour les conjoints collaborateurs. Outre-mer, la situation est encore plus alarmante ; les articles 3 et 4 apportaient de réelles améliorations. Notre groupe y était tout particulièrement sensible.

Les causes sont connues : carrières discontinues, effort contributif insuffisant, problèmes structurels de la caisse de retraite. Malgré les réformes, l'écart ne cesse de se creuser avec les autres régimes. Le groupe RDSE avait ainsi déposé une proposition de loi revalorisant les retraites agricoles dès 1998.

M. Jean-Claude Requier.  - Exact !

M. Éric Gold.  - Les différentes mesures prises au fil des ans, comme la loi Peiro du 4 mars 2002, n'ont pas suffi. Le précédent Gouvernement n'est pas resté inerte, avec le plan quinquennal de revalorisation et la réforme de 2014 - mais l'amélioration repose sur le régime de retraite complémentaire obligatoire, dont le financement reste fragile.

Porter le minimum à 85 % du Smic permettait un rattrapage bienvenu. Certes, le financement des retraites est délicat compte tenu du faible nombre d'actifs. Cela ne doit pas nous exonérer d'agir pour ceux qui ont consacré leur vie à nous nourrir, qui contribuent à la richesse économique du pays et à l'équilibre de nos territoires. C'est pourquoi il est juste de faire appel à la solidarité nationale.

Cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale comme par la commission des affaires sociales du Sénat.

Le candidat Macron avait fait de la revalorisation des retraites agricoles une priorité. Toutes les conditions étaient réunies pour une adoption définitive et une mise en oeuvre rapide. Le groupe RDSE a été très surpris par la position du Gouvernement. Nous regrettons vivement le procédé employé, c'est un signal bien inquiétant adressé aux territoires ruraux. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

Mme Cécile Cukierman .  - Comme beaucoup, j'avais prévu une intervention saluant l'unanimité des votes sur le travail de Mme Bello et M. Chassaigne - deux ans de rencontres -, saluant la qualité des travaux de la commission des affaires sociales, qui avait voulu répondre à l'urgence sociale en votant conforme la proposition de loi. Entre 700 et 800 euros, 100 euros dans les outre-mer, on ne peut pas vivre dignement. Je salue les retraités agricoles qui sont ce soir en tribune. Ils ont vécu comme nous l'annonce à 9 h 23 de votre décision indigne, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre. Les retraités - pas plus que les parlementaires - ne sont les paillassons du Gouvernement, ni du président de la République. Nous sommes les représentants du peuple...

M. François Patriat.  - Nous aussi !

Mme Cécile Cukierman.  - ... l'expression de la démocratie. Vous utilisez un article 44-3 très rarement utilisé : six fois depuis 1959 pour une proposition de loi, la dernière fois en 1993. Vous multipliez les ordonnances. Continuez ainsi : il n'y aura plus besoin de réduire le droit d'amendement et le nombre de parlementaires !

Ce soir, le dialogue social que vous invoquez gît dans son cercueil, car vous le tuez en niant le dialogue qui a permis l'élaboration de cette proposition de loi. Et vous stigmatisez telle ou telle catégorie sociale, comme le président de la République qui, au Salon de l'agriculture, a opposé les cheminots aux agriculteurs - mais pour les renvoyer maintenant dos à dos et pour les laisser à leurs difficultés et à leurs misères.

Monsieur le Ministre, rappelez-vous ! Vous apparteniez à un groupe qui ne s'était pas opposé à l'adoption de cette proposition de loi à l'Assemblée nationale. (M. Roland Courteau le confirme ; applaudissements sur tous les bancs, sauf sur ceux des groupes LaREM et Les Indépendants)

Vous démontrez là un véritable mépris pour le monde agricole, pour ses retraités. Vous nous reprochez de ne pas financer notre mesure, mais c'est de la mauvaise foi - parce que dans votre amendement, vous ne vous souciez nullement de trouver un financement ! (Mêmes mouvements)

Vous prenez en otage les retraités agricoles et faites aujourd'hui, au Sénat, un coup de force pour faire la démonstration que seul le Gouvernement décide.

Votre monde est indigne et dangereux. Il n'est qu'une pâle copie des pires caricatures de l'ancien monde. Pour changer le monde, il faut le vouloir, mais vous n'avez d'autre conviction que le goût du pouvoir. Un pouvoir qui ne prend pas en compte la diversité des populations, ni celle des territoires.

Nous sommes tous déçus de ce coup de force ; mais surtout pour ces hommes et femmes qui pensaient pouvoir rentrer chez eux la tête haute (La voix de Mme Cécile Cukierman se brise.) et vivre dignement ! (Vifs applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

Mme Viviane Malet .  - Durement frappés par les pluies diluviennes de ce début d'année, les agriculteurs réunionnais méritent qu'une loi vienne les aider. Qu'ils soient éleveurs, planteurs de canne, producteurs maraichers, ces hommes et ces femmes travaillent sans relâche sur leurs terres. L'insularité et le climat tropical rendent leurs conditions de travail plus difficiles ; leurs terres sont plus exiguës ; les pluies diluviennes peuvent avoir des conséquences catastrophiques. À la fin d'une vie de labeur, comme l'a dit Mme Bello, ces agriculteurs retraités touchent en moyenne 375 euros et un quart d'entre eux perçoivent moins de 100 euros. C'est indigne !

La situation est aussi critique pour les salariés agricoles réunionnais. Des départs à la retraite différés, c'est moins de jeunes qui peuvent s'installer. La Réunion compte 1 077 actifs de plus de 62 ans, dont 124 ont plus de 42 ans d'activité non salariée agricole. Ne laissons pas les agriculteurs dans la misère. Je déplore l'initiative du Gouvernement du vote bloqué. Nous devons aller vite, pour eux, pour reconnaître la valeur du travail ! (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

Mme Victoire Jasmin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) La façon de faire du Gouvernement est indigne, il bafoue le travail de nos deux assemblées qui veulent restaurer la dignité des agriculteurs retraités et cela avait un prix, celui de la dignité de notre démocratie elle-même.

Cette façon de faire ne grandit pas nos institutions. Les petits calculs politiciens du Gouvernement pour repousser aux calendes grecques une amélioration raisonnable et attendue, sont attristants.

Abus de droit, mais surtout aveu d'indifférence envers des retraités pauvres. Il s'agit d'une non-assistance à un secteur en danger. Il y a urgence à agir. Il s'agit de 1,5 million de personnes ! Cette profession mérite une retraite digne après une vie de dur labeur.

La retraite d'un chef d'exploitation est de 766 euros par mois, soit moins que le seuil de pauvreté et que le minimum vieillesse. C'est 350 euros pour un salarié agricole !

Il est regrettable qu'après le long marathon médiatique du président de la République dans les travées du Salon de l'agriculture, ce Gouvernement procède ainsi.

Nous ne devons pas hiérarchiser les douleurs ; mais comment résister à l'appel de la misère, notamment outre-mer ? 43 000 exploitations pour 130 000 hectares et 1,5 % de PIB, l'agriculture y est une activité traditionnelle. Depuis 1988, le nombre d'exploitations a été divisé par deux. Outre-mer, la pension moyenne des plus de 27 600 retraités est de 293 euros.

Le groupe socialiste ne prendra pas part à cette mascarade du Gouvernement, qui veut que les agriculteurs continuent à se suicider. C'est triste. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, CRCE et sur quelques bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Daniel Chasseing .  - Nous devons garantir aux quatre millions de retraités agricoles qui perçoivent des retraites indignes une retraite correcte - c'est le sens de cette proposition de loi.

Leur garantir une retraite d'au moins 85 % du Smic, c'est s'engager aussi dans la modernisation de l'agriculture. La solidarité nationale doit bien cela à ceux qui ont nourri les Français et contribué à l'excédent commercial de notre pays.

Tant d'écrivains de la terre l'ont dit : ce métier mérite notre respect.

Le groupe Les Indépendants votera en faveur de cette proposition de loi. Madame la Ministre, les agriculteurs méritent qu'elle soit appliquée le plus vite ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, RDSE, CRCE et sur quelques bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Vivette Lopez .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC) Cette proposition de loi a recueilli un appui unanime. Le niveau des pensions agricoles est très faible. Pour une carrière complète, les non-salariés touchent 730 euros par mois, moins que 846 euros - le seuil de pauvreté.

Je ne parlerai pas des agriculteurs d'outre-mer. Nombre de retraités font appel à l'allocation de solidarité aux personnes âgées, mais avec mesure, car ils craignent les recours sur succession, tout particulièrement.

Cette proposition de loi accordait 116 euros par mois en plus. Il fallait donc prévoir un financement pérenne - résistons à la tentation d'augmenter les cotisations, ce qui ferait baisser les revenus agricoles déjà faibles.

Après la hausse de la CSG, voilà nos retraités agricoles effondrés par la décision du Gouvernement de recourir au vote bloqué. Quelle annonce déplorable après le Salon de l'agriculture ! (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

M. Jackie Pierre .  - (Applaudissements soutenus sur les bancs du groupe Les Républicains) Les agriculteurs sont dans le désarroi. Leurs difficultés sont extrêmes et leur situation ne cesse de se dégrader. La retraite leur est une source supplémentaire d'inquiétude. Après une vie de dur labeur, ils ne pourront pas avoir une pension décente, malgré les progrès constatés depuis les années cinquante.

Il faudrait leur permettre de gagner décemment leur vie pour cotiser davantage. Comme la proposition de loi de Jean-Claude Lenoir, adoptée en mars 2016 au Sénat, il faut encourager l'investissement et contrôler la volatilité des prix.

Malheureusement, le Gouvernement va dégrader encore la situation. Les agriculteurs voient leurs revenus baisser. C'est pourquoi je pensais voter cette proposition de loi. Mais votre demande de vote bloqué, Madame la Ministre, est ressentie comme un coup de force... comme une future dictature. (Quelques applaudissements) Nous devons soutenir l'innovation dans l'agriculture. J'espère, Madame la Ministre, que les agriculteurs seront entendus dans la réforme des retraites ! (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - (Huées sur les bancs des groupes CRCE et Les Républicains) Mme Cukierman prétend que j'ai voté ce texte. (Vives exclamations sur de nombreux bancs)

Mme Cécile Cukierman.  - Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - C'est ce que j'ai entendu, le compte rendu permettra de trancher. Stéphane Le Foll, à l'époque, avait répondu cela : « Vous souhaitez que l'on fasse plus ; le débat est donc l'opportunité d'une taxe nouvelle. » Car, ce soir, nous parlons bien d'instituer une taxe nouvelle de 400 millions d'euros ! (Vives protestations sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM) Assumez votre position, plutôt que d'en faire un jeu politique... (Vives protestations) En l'état, la taxation des transactions financières ne peut être une solution.

Personne en France ne pense que les retraites agricoles sont suffisantes. (Vives protestations)

Mme Laurence Cohen.  - Faites donc quelque chose !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement veut valoriser les retraites.

M. Pierre Ouzoulias.  - Faux ! C'est nous qui voulons les valoriser !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Le rapporteur désigné par le groupe Les Républicains pour parler du sujet dans la loi de financement de la sécurité sociale, il y a quelques semaines, disait : « le coût est estimé à 270 millions d'euros ; ce sujet mérite un débat plus approfondi. » Le Gouvernement ne dit pas autre chose aujourd'hui !

J'ai entendu des mots d'une rare violence.

Mme Esther Benbassa.  - Et la violence du vote bloqué ?

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - La Constitution française, quand elle s'applique, n'est pas une dictature. Si le vote bloqué était une anomalie démocratique...

M. Pierre Laurent et Mme Esther Benbassa.  - C'en est une !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Si c'était le cas, le président Larcher proposerait de le retoucher : ce n'est pas le cas ! Vous dites que le vote bloqué est rarissime : il a été utilisé 226 fois ! (Vives exclamations sur de nombreux bancs)

Mme Cécile Cukierman.  - Nous parlions des propositions de loi !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement vous propose une application réaliste, au 1er janvier 2020. Ce n'est pas un soir de mars qu'on peut trouver 400 millions d'euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, vives exclamations sur de nombreux bancs)

M. Raymond Vall.  - Nul !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - Ces propos sont dérangeants. Ce qu'a dit le sénateur Les Républicains dans le débat du PLFSS est clair : il faut trouver un financement, c'est vrai ! Vous refusez celui qui est proposé, soit ! Mais ce que nous vous reprochons, c'est de ne pas avoir proposé un autre financement ! (Applaudissements sur tous les bancs des groupes, sauf sur ceux des groupes LaREM et Les Indépendants)

Ensuite, le vote bloqué n'a été utilisé que neuf fois sur une proposition de loi. (Applaudissements vifs et prolongés sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM ; quelques sénateurs du groupe Les Républicains frappent leurs pupitres.)

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Revenons à l'article 44, alinéa 3, de la Constitution. Cette proposition de loi a été adoptée en toute fin de législature. Ce n'est pas correct, sur un sujet d'une telle importance, que l'Assemblée nationale élue récemment ne puisse pas se prononcer dessus : les parlementaires doivent jouer tout leur rôle ! (Vives exclamations)

Mme Esther Benbassa.  - Quelle excuse !

Mme Éliane Assassi.  - Quel argument !

M. Pierre Laurent.  - Il n'y aura bientôt plus que des députés « En marche » !

M. Mathieu Darnaud.  - C'est nul !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Il faut être cohérent : attendons la réforme systémique. Vous pouvez compter sur notre engagement... (Marques d'ironie)

Mme Esther Benbassa.  - Quel cynisme !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - ... mon engagement à ce que les retraités agricoles soient pris en compte.

Mme Esther Benbassa.  - Quand ?

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Vous proposez une augmentation des droits à tabac, le Gouvernement l'a fait, mais le surplus de recettes va à la prévention du tabagisme, la hausse du tabac s'inscrit dans un plan de santé publique. Ici, il faut trouver une solution pérenne.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous vous proposons une solution !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Vous avez eu des paroles injustes. Stéphane Travert, à peine nommé, a convoqué des états généraux de l'alimentation. (Vives protestations) L'objectif, c'est bien d'accroître les revenus que les agriculteurs tirent de leur travail, en agissant sur la chaîne de valeur. Les agriculteurs en France méritent notre pleine attention.

M. François Bonhomme.  - Des actes !

M. Gilbert Bouchet.  - Vous n'avez pas de convictions !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Nous traiterons du cas des agriculteurs en même temps que de celui de tous les Français. (Huées sur les bancs du groupe CRCE ; applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Rappel au Règlement

Mme Cécile Cukierman .  - Tous les groupes, sauf un, ont protesté contre votre méthode : le recours au vote bloqué est certes constitutionnel, mais il n'a été que très rarement utilisé contre une proposition de loi - parce qu'il revient à entendre le Parlement seulement lorsqu'il dit la même chose que le Gouvernement.

Je n'ai jamais dit, Monsieur le Ministre, que vous aviez voté cette proposition de loi, mais que votre groupe ne s'était pas prononcé contre.

M. François Patriat.  - Il avait quitté le groupe à l'époque !

Mme Cécile Cukierman.  - Il faut trouver une solution. Ce n'est pas de gaieté de coeur que nous décidons de remettre à notre niche du 16 mai l'examen de ce texte. Il est indigne d'utiliser des faux arguments et des artifices de procédure pour tacler une proposition de loi, surtout le matin-même. Ces méthodes montrent que vous n'avez jamais cherché une solution constructive pour les retraités agricoles ! (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM ; les membres du groupe CRCE, ainsi que Mme Nadia Sollogoub, applaudissent debout.)

M. le président.  - L'examen de cette proposition de loi est donc reporté.