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Table des matières



Commission spéciale (Nominations)

Accès à l'énergie et lutte contre la précarité énergétique

Discussion générale

M. Fabien Gay, auteur de la proposition de loi

Mme Denise Saint-Pé, rapporteur de la commission des affaires économiques

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire

M. Daniel Gremillet

M. Roland Courteau

M. Jean-Claude Requier

M. Frédéric Marchand

Mme Cécile Cukierman

M. Franck Menonville

M. Jean-Pierre Moga

M. Guillaume Chevrollier

M. Pascal Allizard

Discussion des articles

ARTICLE 4

ARTICLE 5

M. Roland Courteau

M. Fabien Gay

M. Daniel Gremillet

Mme Denise Saint-Pé, rapporteur

M. Guillaume Gontard

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État

L'organisation d'un référendum sur la privatisation d'Aéroports de Paris est-elle une exigence démocratique ?

Mme Éliane Assassi

M. Patrick Kanner

M. Olivier Léonhardt

M. Dominique Théophile

Mme Laurence Cohen

M. Claude Malhuret

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Jean-Raymond Hugonet

Mme Sophie Taillé-Polian

M. Pierre Louault

M. Dominique de Legge

M. Rachid Temal

M. Olivier Paccaud

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Commission spéciale (Nomination)

Simplification et modernisation de la propagande électorale

Discussion générale

M. Emmanuel Capus, auteur de la proposition de loi

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

M. Jean-Marc Gabouty

M. Alain Richard

M. Pierre-Yves Collombat

Mme Françoise Gatel

Mme Laurence Harribey

M. Cyril Pellevat

M. Stéphane Piednoir

M. Marc Laménie

M. Jean-Louis Lagourgue

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE PREMIER BIS

M. Jean-Marc Gabouty

ARTICLE 3

M. François Bonhomme, rapporteur

Mme Jacqueline Gourault, ministre

Le foncier agricole : les outils de régulations sont-ils toujours pertinents ?

M. Franck Menonville, pour le groupe Les Indépendants

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Mme Noëlle Rauscent

M. Laurent Duplomb

M. Jérôme Bignon

M. Pierre Louault

M. Fabien Gay

M. Franck Montaugé

M. Henri Cabanel

Mme Françoise Férat

M. Dominique de Legge

M. Hervé Gillé

M. Cyril Pellevat

M. Hervé Gillé

M. Patrick Chaize

M. Vincent Segouin

M. Jean-Raymond Hugonet

M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants

Annexes

Ordre du jour du mardi 18 février 2020

Nomination des membres d'une commission spéciale




SÉANCE

du jeudi 6 février 2020

57e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de M. David Assouline, vice-président

Secrétaires : M. Éric Bocquet, M. Yves Daudigny.

La séance est ouverte à 9 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Commission spéciale (Nominations)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la désignation des 37 membres de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique.

En application de l'article 8 bis, alinéa 3 de notre Règlement, la liste des candidats présentés par les groupes a été publiée.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Accès à l'énergie et lutte contre la précarité énergétique

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à instaurer un droit effectif à l'accès à l'énergie et à lutter contre la précarité énergétique, présentée par M. Fabien Gay et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe CRCE.

Discussion générale

M. Fabien Gay, auteur de la proposition de loi .  - Quarante et un : c'est le nombre de milliardaires répertoriés dans notre pays par Oxfam dans son récent rapport sur les inégalités. En tête, figure Bernard Arnault, patron de LVMH, avec 76 milliards de dollars. Dans le même temps, 400 000 personnes supplémentaires sont passées en 2019 sous le seuil de pauvreté en 2019, fixé à 1 120 euros. Il y a 9,8 millions d'euros de pauvres en France.

Avec 1 015 euros, on doit choisir : payer ses factures, son loyer ou manger.

Notre proposition de loi n'entend pas à elle seule, réduire toutes les inégalités, mais lutter contre la précarité énergétique qui s'est accrue et pénalise ceux qui sont déjà en grande difficulté.

Nous sommes loin d'une réduction de 15 % de la précarité énergétique en 2020, objectif proclamé par la loi sur la transition énergétique votée en 2015. Près de 7 millions de foyers, soit 12 millions de personnes sont touchées, auxquels il faut ajouter 3,5 millions de personnes souffrant du froid dans leur logement, soit au total un Français sur quatre en situation de précarité énergétique.

Après une hausse de plus de 7 % de l'électricité l'été dernier, les tarifs pesant sur les ménages ont à nouveau augmenté de 2,4 % et les hausses continueront au 1er février. Et cela ne s'arrêtera pas de sitôt, puisqu'on annonce des hausses continues jusqu'en 2025.

Près de 420 000 ménages supplémentaires pourraient ainsi basculer dans la précarité énergétique. Après des mois de gilets jaunes et de mobilisation contre la paupérisation, voici votre réponse : la facture des particuliers augmentera de 180 euros en moyenne en un an.

M. Carenco, président de la commission de régulation de l'énergie (CRE) a dit que cette hausse « n'est pas grave pour les ménages, car c'est l'équivalent d'un paquet de cigarettes par mois » : quelle déconnexion de la réalité, quel mépris, alors qu'elle creuse les inégalités et fait basculer des dizaines de milliers de personnes dans la précarité énergétique !

Les usagers ne paient pas le coût de l'énergie mais de l'idéologie libérale européenne. C'est 1,3 milliard d'euros pris dans les poches des ménages qui passe ainsi directement dans les coffres-forts des opérateurs privés, avec les deux augmentations tarifaires décidées ces neuf derniers mois, avec votre bénédiction...

Depuis dix ans, le coût de l'électricité a augmenté de 27 %, celui du gaz de 70 %. Dire que l'ouverture à la concurrence conduit à une baisse de prix est devenu une allégorie du mensonge !

Or, pendant ce temps, vous préparez la privatisation d'EDF avec le projet Hercule, à rebours du sens de l'histoire. Votre libéralisme l'oblige à fournir la rente du nucléaire à des concurrents, sans contrepartie, sans engagement de leur part à investir. Tout cela pour respecter le dogme de la sacrosainte concurrence libre et non faussée imposée par Bruxelles !

La régulation des prix par le marché est inefficace. Notre proposition de loi choisit de consacrer l'accès à l'énergie comme droit fondamental, tel qu'il est garanti par la Constitution.

Au cours de l'histoire, sont nées des revendications, puis nous avons conquis des droits, obtenu des garanties. Alors que nous combattons sans relâche pour les enrichir, nous voulons en créer de nouveaux. C'est l'objet de cette proposition de loi, qui érige l'accès à l'énergie en droit fondamental.

Oui, l'énergie est un service essentiel auquel toute personne a droit, selon le socle des droits sociaux de Göteborg, auquel nous voulons donner un fondement national.

Nous voulons garantir l'accès à ce droit à l'article premier et en finir à l'article 2 avec le scandale qui consiste à priver des hommes et des femmes d'électricité, de chaleur ou de gaz, c'est-à-dire à les empêcher de se doucher, de se chauffer, de manger.

Lorsque des syndicalistes de l'énergie, il y a quelques jours, ont coupé quelques instants le courant...

M. Frédéric Marchand.  - Eh oui !

M. Fabien Gay.  - ...la droite et le Gouvernement ont poussé de concert des cris d'orfraie mais quand 574 000 ménages ont vu leur électricité coupée ou réduite, l'an dernier, on n'entend personne... Oui, en France, une entreprise peut punir les pauvres seulement parce qu'ils sont pauvres !

Ces syndicalistes que vous accusez de tous les maux, sont les mêmes, ce sont eux qui rétablissent le courant, sous le nom de Robins des Bois, et sont poursuivis pour délit de solidarité. Nous les soutenons pleinement.

Enfin, il faut sortir l'énergie du secteur marchand, de l'emprise du marché, pour lui reconnaître le statut de bien de première nécessité. Nous souhaitons, par notre article 4 un taux réduit de TVA à 5,5 % pour l'énergie.

Nous proposons aussi que les bénéficiaires du chèque énergie soient exonérés de taxes sur la consommation d'électricité et de gaz, et à raison : la contribution au service public de l'électricité (CSPE), censée financer les énergies renouvelables, demeure un dispositif à la gestion et aux résultats opaques.

Elle est absorbée dans le budget de l'État où elle sert par exemple à verser le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) aux entreprises.

La commission n'a pas adopté notre proposition de loi. Elle propose de travailler sur le chèque énergie. Or cette solution curative n'est pas durable. Selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) il faudrait un chèque par foyer d'en moyenne 710 euros. Son montant varie aujourd'hui entre 48 euros et 277 euros et même s'il a été augmenté de 50 euros, nous sommes loin du compte...

M. Roland Courteau.  - Oui.

M. Fabien Gay.  - Un quart des personnes éligibles ne le demandent pas. Surtout, elles ne souhaitent pas demander l'aumône mais pouvoir payer leur facture. Il faut donc urgemment augmenter les salaires. (M. Jean-François Husson s'exclame.)

Pour lutter contre la précarité énergétique, il faut aussi mettre en place des politiques publiques ciblées sur les facteurs qui fragilisent les ménages : revenu disponible, prix de l'énergie, conditions de vie, qualité de l'habitat et de l'équipement de chauffage. Nous le redisons, comme nous l'avons porté pendant la loi Élan, il faut d'urgence un plan Marshall de la rénovation énergétique des logements (M. Jean-François Husson s'exclame derechef.) Au rythme actuel, il faudrait 140 ans pour les seuls logements classés F et G...

M. le président.  - Il faut aussi conclure.

M. Fabien Gay.  - Cette proposition de loi est un pas contre la précarité énergétique, mais nous avons besoin d'actions publiques d'ampleur. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR)

Mme Denise Saint-Pé, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - Nous mesurons tous l'importance de disposer d'énergie en quantité suffisante à un prix raisonnable. C'est une dépense contrainte difficile à maîtriser quand les moyens manquent pour mieux isoler son logement ou remplacer sa vieille chaudière.

Quelque 6,8 millions de ménages sont victimes de précarité énergétique, selon l'Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE). Ces chiffres sont compris au sens économique : il s'agit des ménages modestes, dont plus de 8 % des revenus passent dans les dépenses énergétiques.

Chacun partage la préoccupation des auteurs de la proposition de loi. Il faut réduire la fracture énergétique. Toutefois, la commission des affaires économiques a jugé que la proposition de loi ne proposait pas de solution satisfaisante.

L'interdiction des coupures proposée tout au long de l'année déresponsabiliserait les usagers et le coût se reporterait sur tous ceux qui paient, y compris les plus modestes. Prenez l'exemple de l'eau : dans les trois ans suivant l'interdiction des coupures, les impayés ont augmenté de 20 % selon la Fédération des entreprises de l'eau. En outre, cela n'inciterait pas à moduler la consommation, à rebours de notre politique. Adosser la mesure au chèque énergie n'est pas satisfaisant. Des effets d'aubaine importants pourraient être constatés.

Certains publics précaires n'en bénéficieraient pas, car ne recevant pas le chèque énergie ou n'en faisant pas la demande. Ce sont plutôt des mesures telles que l'étalement des paiements qui aident les ménages à sortir de la spirale.

La proposition de loi exonère certains ménages de deux taxes : la contribution au service public de l'électricité et la taxe intérieure de consommation du gaz naturel (TICGN). Elle réduit aussi le taux de TVA à 5,5 % sans condition de ressources.

Nous pouvons nous accorder sur le constat sans pour autant partager les solutions proposées, complexes, voire impossibles à mettre en oeuvre, et inefficaces. Le droit européen n'autorise pas l'application de régimes d'exonération ou de taux différents de TVA entre les ménages en fonction des revenus. Cela ne veut pas dire, bien entendu, que l'on ne peut redistribuer aux plus modestes.

Il faut passer par des outils plus adaptés tels que des aides directes. La facturation serait rendue plus complexe, avec des risques d'erreurs et des surcoûts importants. Les entreprises devraient pour le moins connaître la composition du foyer, ce qui pose problème au regard de la protection de la vie privée et de l'utilisation des données personnelles.

Enfin, la perte de recettes pour l'État serait au moins de 2,5 milliards d'euros par an, du fait des diminutions de TVA, CSPE et TICGN.

Notre commission préconise d'améliorer et d'amplifier les dispositifs existants...

M. Roland Courteau.  - Lesquels ?

Mme Denise Saint-Pé, rapporteur.  - ...et de réduire le taux de non-recours au chèque énergie, qui est de 20 % à 25 %.

Il faut intensifier la communication sur le chèque énergie et simplifier son fonctionnement autant que possible pour éviter que ceux qui y ont droit s'autocensurent par phobie administrative.

Le Sénat a adopté une hausse de 75 millions d'euros des crédits du chèque énergie en loi de finances initiale, contre l'avis du Gouvernement. Le montant moyen du chèque énergie est de 277 euros contre 710 euros conseillés par l'ONPE pour passer sous le seuil de 8 % des revenus des ménages les plus modestes.

La précarité énergétique est un mal qu'on n'éradiquera pas seulement en aidant les ménages à payer leur facture. (M. Roland Courteau s'exclame.)

Il faut accroître la rénovation énergétique des logements, notamment en poursuivant l'effort de simplification des aides avec la prime unifiée « Ma prime Renov ».

Il faut aussi sanctionner les fournisseurs qui ne respectent pas l'interdiction de rattraper les factures au-delà de quatorze mois d'impayés et élargir la trêve hivernale au GPL en réseau. Pour l'ensemble de ces raisons, notre commission est défavorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, UC et les Indépendants)

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le Gouvernement travaille à réduire la précarité énergétique, réalité forte pour nombre de nos concitoyens, enjeu de transition énergétique et de lutte contre la pauvreté, définie par l'ONPE comme le fait de consacrer plus de 8 % de son budget à l'énergie.

Quelque 11,7 % des Français sont concernés contre 14,5 % en 2013. Les progrès sont donc réels mais, reconnaissons-le, trop lents.

En 1997, 123 000 ménages ont été aidés pour le paiement de leurs factures par le fonds de solidarité logement. En 2019, 572 000 foyers ont subi des réductions de puissance, des suspensions de fourniture, ou des résiliations de contrats, de la part des fournisseurs d'énergie, en raison d'impayés, contre 624 000 en 2014.

La fluctuation des prix de l'énergie a un impact important sur les Français, comme nos concitoyens nous l'ont rappelé ces derniers mois.

La proposition de loi entre en désaccord direct avec plusieurs engagements européens de la France. Il est ainsi impossible de moduler la fiscalité sur l'énergie en fonction des revenus ou de la composition des ménages. Le soutien à ces ménages peut en revanche passer par d'autres moyens, comme ceux que le Gouvernement a mis en oeuvre et continuera à soutenir, par exemple le chèque-énergie.

Seule la Constitution peut ériger un droit au rang de droit fondamental. Cependant, les tribunaux le considèrent déjà comme un droit essentiel et le traitent comme tel.

La Commission de régulation de l'énergie suit en permanence les prix de l'énergie. Un rapport supplémentaire serait inutile.

Le Gouvernement, est à l'écoute, et est force de proposition. Depuis 2017 il a renforcé les mesures de protection des ménages, par exemple, pour les bénéficiaires du chèque énergie. Ils jouissent du maintien de la puissance tout l'hiver et d'une exonération des frais en cas de rejet de paiement.

Le chèque énergie a été ouvert à plus de 3,6 millions de ménages en 2018, année de sa généralisation. Il a encore été élargi en 2019, à 5,7 millions de ménages, et augmenté de 50 euros. Près de 850 millions d'euros y sont désormais consacrés. Le taux de recours était de 80 % en 2018.

Le Gouvernement travaille à la simplification des démarches. Nous travaillons aussi à la source, en menant une politique ambitieuse de rénovation des logements.

Le Gouvernement vise toujours 500 000 rénovations énergétiques par an, dont 100 000 logements sociaux, avec une priorité pour les passoires énergétiques.

M. Jean-François Husson.  - C'est insuffisant !

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État.  - Le crédit d'impôt de transition énergétique (CITE), et l'aide de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) aux plus modestes ont été rassemblés dans « Ma prime Renov ». Les certificats d'économies d'énergie (CEE) apportent en effet des moyens importants, en finançant des investissements, en soutenant des programmes de détection et d'accompagnement des ménages. Ces dernières années, les CEE précarité délivrés ont représenté un financement d'un milliard d'euros par an.

Début 2019, le Gouvernement a modifié le dispositif « coup de pouce économies d'énergie », financé par les CEE, de façon à renforcer les aides pour les changements de moyens de chauffage et les travaux d'isolation.

Les 275 000 changements de chaudière dont 203 000 au fioul et les 750 000 travaux d'isolation de combles ou de planchers ont permis de réduire sensiblement les factures.

Le remplacement d'une chaudière au fioul pour une pompe à chaleur permet ainsi une économie de 1 000 euros par an en moyenne et 175 millions d'euros d'économies de facture chaque année pour les ménages. L'éco-prêt à taux zéro (PTZ) a été également simplifié en 2019.

L'accès à l'information et au conseil est considéré comme prioritaire. Une charte a été signée à ce sujet par une centaine d'acteurs, sous une même bannière, dénommée « Faire ». Les collectivités territoriales se sont aussi engagées avec l'État pour le financement des plateformes d'informations.

Il faut aussi renforcer la détection et l'accompagnement des ménages en précarité énergétique. En 2021, le CITE sera intégralement transformé en prime et sera étendu aux bailleurs. Son accès sera facilité aux copropriétés, où habitent un grand nombre de ménages en situation de précarité énergétique.

Le programme Energy strong sera renforcé dans l'habitat privé et social. Nous devons viser à moyen terme l'éradication des passoires thermiques y compris du parc locatif privé. La loi énergie climat a donné un cadre clair en ce sens : une performance énergétique minimale devra être respectée à partir du 1er janvier 2023 pour que le logement puisse être qualifié de décent.

D'ici 2028, les passoires énergétiques correspondant aux logements classés F et G seront supprimées pour les maisons individuelles et la plupart des copropriétés en difficulté.

Un nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE), amélioré grâce à une concertation avec les professionnels, sera rendu fiable et opposable dès 2021.

Après une phase d'incitation, des sanctions pourront être définies en 2023.

Le Gouvernement s'engage pour que la transition écologique soit aussi solidaire. La proposition de loi est louable dans son objectif, mais les mesures qu'elle propose ne nous semblent pas satisfaisantes. C'est pourquoi nous en proposons d'autres, qui nous semblent plus efficaces. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Daniel Gremillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie Fabien Gay : son texte pose un vrai débat.

Pour atteindre l'objectif de neutralité carbone, les ménages doivent pouvoir réaliser les travaux nécessaires. Or, déjà, près de 6,8 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique selon l'ONPE. La facture énergétique atteint parfois 4 000 euros par an en zone rurale !

M. Jean-François Husson.  - C'est trop !

M. Daniel Gremillet.  - Merci à Fabien Gay d'avoir pris l'initiative de ce débat. Les ménages ne doivent pas subir les contrecoups de la transition énergétique. Souvenez-vous des conséquences de l'augmentation de la taxe carbone l'an passé...Nous devons être très attentifs au poids de l'énergie dans le portefeuille des Français. Le groupe Les Républicains partage l'objectif de la proposition de loi, mais ... (Sourires sur les travées du groupe CRCE) ne pourra pas la soutenir.

La proposition de loi propose d'établir l'accès à l'énergie comme un droit fondamental : c'est largement incantatoire. (M. Jean-François Husson approuve.)

La différenciation proposée pour la TVA, la CSPE et la TICGN n'est pas conforme au droit européen. Dès lors, notre groupe ne votera pas ce texte.

Pour autant, il faut trouver des solutions pour ces familles. Il faut renforcer les informations transmises aux opérateurs et aux instances de régulation. Je regrette que l'Assemblée nationale n'ait pas suivi le Sénat pour augmenter le montant du chèque énergie dans le budget 2020.

Comment atteindre l'objectif de 500 000 logements rénovés chaque année alors que les crédits budgétaires baissent d'un milliard d'euros cette année ?

M. Jean-François Husson.  - Absolument !

M. Daniel Gremillet.  - Si le Gouvernement avait mis les moyens nécessaires dans la loi de finances, nous n'en serions pas là, car la proposition de loi aurait été satisfaite. (M. Jean-François Husson approuve vivement.)

Vous auriez dû suivre le Sénat pour apporter une réponse durable aux plus modestes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Patrick Kanner applaudit également.)

M. Roland Courteau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Comment la France peut-elle laisser des enfants souffrir du froid ? N'est-il pas temps de revenir aux principes de l'économie morale et de formuler un droit à une existence digne ?

Nous soutenons cette proposition de loi du groupe CRCE qui va dans le bon sens. Personne n'échappera aux conséquences du changement climatique, mais les plus modestes en seront les premières victimes. Ils vivent dans des passoires énergétiques contre lesquelles il faut lutter.

Le mal est trop grave pour que l'on tergiverse, encore, ou que l'on reporte à plus tard. Ce n'est pourtant pas faute d'entendre les alertes lancées par la Fondation Abbé Pierre ou celles de l'ONPE.

En 2019, nous avons atteint un record de coupures pour impayés. Le prix de l'électricité est en augmentation de 40 % ces dernières années, le CSPE a été multiplié par cinq, la TICGN par sept : les taxes représentent près de 35 % du prix de l'électricité, 27 % de celui du gaz ; elles dépassent parfois plus que le montant maximal du chèque énergie.

Selon l'ONPE, 6,7 millions de personnes sont concernées par la précarité énergétique. Il faudrait plus de 3 milliards d'euros pour passer tous les ménages sous le seuil de 8 %. Je regrette le refus du Gouvernement d'augmenter le montant du chèque énergie comme l'a proposé le Sénat lors du projet de loi de finances.

Je déplore aussi que certains opérateurs exigent le paiement des impayés au-delà de 14 mois, alors que la loi de 2015 l'interdit.

Je soutiens la proposition de loi de Fabien Gay et de son groupe qui établit l'accès à l'énergie comme un droit fondamental. Je rappelle que l'énergie est reconnue comme un bien de première nécessité par l'article L.100-2 du code de l'énergie, selon lequel l'État doit veiller à garantir son accès aux personnes les plus démunies...

M. Fabien Gay.  - Tout à fait !

M. Roland Courteau.  - Cela ouvrirait la loi à une forme d'opposabilité, comme pour le logement. Cessez de parler d'effets d'aubaine ! Lorsque nous avions interdit les coupures de gaz et d'électricité durant l'hiver, on nous avait servi les mêmes arguments, or il n'y eut point d'effets d'aubaine ou si peu !

Étendons cette interdiction à toute l'année ! Les mesures fiscales proposées -  exonération de CSPE et TICPN pour les ménages modestes à l'article 3, taux de TVA à 5,5 % pour une première tranche de consommation à l'article 5 - ont également notre soutien. Ces taxes ne sont pas étrangères aux difficultés financières des ménages.

Si, depuis les années 1960, la France a des prix de l'énergie inférieurs à ses voisins, elle le doit au mix énergétique et aux tarifs réglementés. Mais je crains les conséquences des directives européennes depuis vingt ans... Nous avons trop cédé sur ce terrain et il ne faudrait pas remettre en cause ce qui reste de ces tarifs, alors que la concurrence a conduit à augmenter les prix. Or les tarifs réglementés assurent la sécurité et sont un point de repère pour les consommateurs. Les mesures prévues par la loi Énergie Climat fixent des objectifs trop lointains en matière de rénovation énergétique des logements et laissent un reste à charge trop élevé. Nous devons mettre fin à la précarité énergétique pour mettre enfin en cohérence nos discours et nos actes. Ne nous contenons pas de dénoncer ce problème ! Combattons-le, Faisons-le, en pensant que rien, jamais, ne doit contrevenir à un principe aussi simple que fondamental, celui du droit à une existence digne ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

M. Pierre Ouzoulias.  - Bravo !

M. Jean-Claude Requier .  - Facteur déclenchant de la crise des « gilets jaunes », l'augmentation du prix de l'énergie, amplifiée par l'application de diverses taxes sur une même assiette, demeure peu intelligible et peu acceptable pour nos concitoyens.

L'élargissement du bénéfice du chèque énergie pour 3,6 millions à 5,8 millions de personnes va dans le bon sens, mais ne permet pas de régler totalement le problème.

La proposition de loi est intéressante, mais notre groupe n'est dans sa majorité pas favorable à l'interdiction des coupures tout au long de l'année qui favoriserait les mauvais payeurs. Les garanties sur la trêve hivernale et les aides existantes sont substantielles mais il faudrait améliorer l'information sur les dispositifs. Il faut aussi accélérer la rénovation des logements.

Les mesures fiscales proposées ne sont pas satisfaisantes, car juridiquement et pratiquement inapplicables. Il faudrait que le fournisseur connaisse la composition des ménages. Souvenez-vous de la tarification progressive de l'énergie dans la proposition de loi Brottes, usine à gaz qui avait été finalement censurée par le Conseil constitutionnel.

Il faudrait davantage simplifier la fiscalité écologique et l'attribuer à la transition écologique.

Certes, l'énergie a un coût, ce qui incite à la sobriété et à l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments. Nous ne justifions pas pour autant l'augmentation continue des tarifs de l'électricité. Nous regrettons l'augmentation de 0,16 euro à 0,21 euro le kilowattheure pour les ménages.

Dans ces domaines, la concurrence n'a pas apporté d'amélioration. Évitons de maintenir une concurrence artificielle au détriment du consommateur.

Le Conseil d'État a considéré, le 18 mai 2018, que l'électricité était un produit de première nécessité non substituable.

Nous veillerons, lors de l'examen du prochain texte sur le nucléaire, que les consommateurs ne soient pas les grands perdants de l'ouverture à la concurrence.

Dans cette attente, la majorité des membres du groupe RDSE s'abstiendra.

M. Frédéric Marchand .  - Le sujet de la précarité énergétique et de l'accès de tous à l'énergie est plus que prégnant dans la société française. Pour les plus modestes, la part du budget consacrée à l'énergie, et notamment au chauffage, est parfois insurmontable. L'énergie représente en effet une dépense contrainte. Selon les indicateurs pris en compte, entre 1 million et 5,6 millions de ménages sont en situation de précarité. Les impayés, en hausse, ne sont que la partie émergée de l'iceberg. Les diagnostics sur le terrain montrent que les ménages pauvres se privent pour ne pas alourdir la facture.

Droit fondamental à l'énergie, interdiction des coupures, TVA à 5,5 % : les mesures de la proposition de loi sont symboliques et leur efficacité douteuse. Plutôt que d'inventer des dispositifs nouveaux difficilement applicables, nous ferions mieux d'améliorer l'existant. Traitons les causes en agissant sur la consommation et en aidant au paiement des factures via le chèque énergie. Concentrons-nous sur la performance énergétique des logements, parfois exécrable, sur les chaudières vétustes qui gonflent les factures.

Conscient de l'urgence, le Gouvernement a lancé en 2018 un grand plan de rénovation énergétique des bâtiments, avec des aides à hauteur de 1,2 milliard d'euros jusqu'en 2022 pour aider les plus modestes à les rénover : CITE, programme « Habiter mieux » de l'ANAH, certificats d'économie d'énergie, coup de pouce chauffage et isolement, éco-PTZ, TVA à taux réduit, les dispositifs sont nombreux.

Le Gouvernement les a simplifiés, en fusionnant certaines aides en une prime unique, en supprimant le critère du bouquet de travaux pour l'éco-PTZ. Le CITE est étendu aux propriétaires bailleurs, afin de mieux lutter contre les passoires thermiques. C'est un objectif prioritaire, avec en particulier la rénovation de 23 000 logements dans le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais. À Hornaing, cela concerne 153 logements.

Le chèque énergie permet de régler la facture d'énergie et de financer les travaux de rénovation énergétique ; il pallie les défauts des tarifs sociaux. Son montant est passé de 150 à 200 euros en 2019, et le nombre de bénéficiaires de 3,6 à 5,8 millions de ménages.

S'il est plus que jamais nécessaire de lutter contre la précarité énergétique, le groupe LaREM votera contre cette proposition de loi, dont les mesures semblent inefficaces.

Mme Cécile Cukierman .  - Je salue ceux, peu nombreux, qui sont présents ce matin. L'examen dans le cadre d'une niche suppose des propositions de loi ramassées - Fabien Gay s'est donc concentré sur l'aspect social, car la précarité énergétique rend les fins de mois, voire les milieux de mois, difficiles, quand il faut choisir entre manger ou se chauffer ! Nous n'ignorons pas pour autant l'enjeu de la rénovation énergétique des bâtiments.

Année après année, de plus en plus de gens basculent dans la précarité énergétique. Dans la Loire, selon la Fondation Abbé Pierre, 68 000 ménages consacrent plus de 12 % de leurs revenus à se chauffer.

Cette proposition de loi serait compliquée à mettre en oeuvre ? Déclarer que l'énergie est un droit fondamental n'est pas si difficile. Pouvoir se chauffer - même si l'hiver est doux ! - est une condition pour vivre dignement. Dans le genre compliqué, on sait faire : le CICE, c'est très cher - 100 milliards d'euros depuis sa mise en place - et compliqué, en plus d'être inefficace. Pourtant on le reconduit chaque année.

Madame la rapporteure, si un taux de TVA différencié n'est pas possible, pourquoi ne pas avoir proposé de baisser la TVA sur l'énergie pour tout le monde ? Pour votre information, elle n'est que de 13,5 % en Irlande, 10 % en Italie, 8 % au Luxembourg et 5 % au Royaume-Uni. Quand on veut, on peut ! Ce serait une mesure immédiate qui soulagerait nombre de familles.

Le chèque énergie et les aides existantes sont insuffisants. Pour une rénovation thermique d'ampleur des logements, il faut mobiliser l'ensemble des bailleurs sociaux, que la loi ELAN a fragilisés, ainsi que les bailleurs privés. C'est ainsi que l'on réduira et la fracture, et la facture énergétique.

L'urgence sociale n'est pas séparable du défi environnemental. L'investissement dans la rénovation thermique permettrait également de générer des revenus en créant des emplois. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Roland Courteau applaudit également.)

M. Franck Menonville .  - Nous débattons d'un enjeu social, économique et environnemental qui touche nos concitoyens au quotidien : 6,7 millions de ménages consacrent plus de 8 % de leurs revenus au chauffage ; 15 % souffrent du froid dans leur domicile. C'est imputable pour 40 % à un défaut d'isolation, au 28 % à un manque de chauffage.

Un ménage sur cinq est en situation de vulnérabilité énergétique. Sur les 3,8 millions de ménages en précarité énergétique, 50 % habitent en zone rurale ou dans une agglomération de moins de 20 000 habitants ; les retraités modestes sont surreprésentés.

Soyons pragmatiques, commençons par encourager les travaux de rénovation énergétique dans les zones rurales. Mieux vaut améliorer les dispositifs existants plutôt que de consacrer un droit fondamental abstrait. La gratuité de l'énergie aurait pour effet de déresponsabiliser les ménages, à rebours de l'objectif d'efficacité énergétique et de lutte contre le changement climatique. Incitons plutôt nos concitoyens à changer leurs comportements.

Le chèque énergie, qui a remplacé les tarifs sociaux, a été porté à 200 euros en moyenne, pour deux millions de bénéficiaires de plus. Mais 900 000 personnes ne savent pas qu'elles y sont éligibles et 75 % seulement des personnes qui pourraient en bénéficier le demandent. Il faut donc mieux le faire connaître.

La priorité reste la disparition des passoires énergétiques, alors que 80 % des Français vivent dans des bâtiments énergivores. Le programme « Habiter mieux » de l'ANAH qui subventionne jusqu'à 50 % des travaux, les certificats d'économies d'énergie sont des dispositifs intéressants. Nous serons attentifs aux résultats du plan de rénovation énergétique des bâtiments lancé en 2018, qu'il faut amplifier.

La précarité énergétique est un problème global aux multiples facettes, qui impose la simplification, le renforcement et une meilleure lisibilité des aides.

Le groupe Les Indépendants ne votera pas cette proposition de loi, même si ses objectifs sont louables.

M. Jean-Pierre Moga .  - La précarité énergétique est une réalité : douze millions de Français en souffrent. Le risque d'être en mauvaise santé est doublé. Alors que les factures s'envolent, la mauvaise performance énergétique des logements aggrave la situation, obligeant les foyers modestes à renoncer à un certain confort.

La précarité énergétique impacte la facture, mais aussi la qualité de vie. Elle touche à tout âge et dans des situations variées : 87 % des foyers concernés vivent dans le parc privé, 70 % appartiennent aux 25 % des foyers les plus modestes ; 55 % ont de plus 60 ans, 35 % vivent dans les zones rurales. Quelque 11 % des Français disent avoir du mal à payer leur facture. Les locataires sont trois fois plus concernés que les propriétaires.

Les 5,5 millions de ménages français les plus modestes consacrent plus de 10 % de leurs revenus aux dépenses énergétiques, contre 6 % pour les plus aisés.

Trois quarts des logements se situent dans les classes D, E, F ou G. Les logements BPC sont 15 % plus chers que les logements traditionnels ; ceux qui peuvent se le permettre échappent à la précarité énergétique, mais ils sont quasiment introuvables à la location.

La solution passe par un grand plan de rénovation énergétique des logements, plus ambitieuse que le simple remplacement des fenêtres et de la chaudière.

Il faut une réglementation plus stricte et contraignante pour les bailleurs, les passoires devant être considérées comme impropres à la location. Il est également nécessaire d'orienter les outils de financement incitatifs en direction des ménages modestes.

La nouvelle directive européenne adoptée en mars 2019 risque d'aggraver la situation en autorisant les fournisseurs à faire payer des frais de résiliation - ce qui revient à mettre fin à la gratuité du changement de fournisseur. L'État doit s'y opposer.

Le démarchage de masse entraîne une hausse des litiges. Tous les moyens sont bons : certains commerciaux se font passer pour des releveurs de compteurs. Les personnes âgées sont des cibles, comme les petites entreprises. Certains changent de fournisseur à leur insu, et doivent alors contester ce changement. Pour garantir le bon fonctionnement du marché de l'énergie, les tarifs doivent être raisonnables et les pratiques saines.

Je partage les constats de Fabien Gay, mais ce qu'il propose est difficile à réaliser. La gratuité déresponsabiliserait, serait trop onéreuse pour la collectivité et difficile à mettre en oeuvre. Comme l'a dit notre rapporteure, il faut améliorer les dispositifs existants.

Le groupe UC ne votera pas la proposition de loi.

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La précarité énergétique touche 7 millions de personnes, soit 233 000 de plus qu'en 2018. La pauvreté et la solitude augmentent ; selon la Fondation Abbé Pierre, la mono-résidentialité est l'une des principales causes du mal-logement. Le problème est social mais aussi sanitaire et environnemental.

Si les hausses de prix de l'énergie impactent autant les consommateurs, c'est qu'ils vivent dans des logements mal isolés. Or les pouvoirs publics peinent à rénover les 7 millions de passoires thermiques.

Comment faciliter l'accès des ménages aux aides à la rénovation énergétique ? CITE, chèque énergie, éco-PTZ doivent gagner en lisibilité. Dressons déjà un bilan des dispositifs existants.

Les mesures de la proposition de loi sont curatives et non préventives, et risquent de déresponsabiliser les ménages.

L'interdiction de coupure d'énergie ne s'entend qu'en parallèle d'une démarche de maîtrise de la consommation. La priorité doit porter sur l'accompagnement préventif des ménages précaires en les formant aux bons gestes de consommation et en les orientant vers les dispositifs d'aide à la rénovation.

Il faut rénover le parc existant plutôt qu'artificialiser de nouveaux sols. Il s'agit également de protéger la biodiversité. Les collectivités locales ont un rôle déterminant pour identifier les zones concernées. Enedis est également un partenaire crucial. Dans mon département, il a mis en place un groupe de travail sur la précarité énergétique et développé un outil de cartographie utile, Précariter. Je voterai contre cette proposition de loi même si les intentions sont bonnes, car les solutions proposées ne sont pas adaptées. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Pascal Allizard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En France, plusieurs millions de ménages sont en situation de précarité énergétique. C'est le cas d'un ménage normand sur six. La ruralité est très concernée. Les bâtiments sont anciens et le mode de chauffage, au fioul ou à l'électricité, plus coûteux. Les ruraux en ont assez d'être taxés de délinquance écologique ! Les villes normandes reconstruites après la guerre sont aussi exposées. La situation provoque détresse et colère, on l'a vu avec le mouvement des gilets jaunes qui dénonçaient le coût de l'énergie.

La situation pourrait encore s'aggraver si les tensions géopolitiques perdurent en Iran, avec la Russie et en Méditerranée orientale. Situation nationale dégradée, contexte international explosif, difficultés de la filière nucléaire française : il y a de quoi être pessimiste.

Cette proposition de loi a le mérite de nous faire débattre de ce sujet. Je remercie Fabien Gay. La commission a conclu à la fragilité juridique du texte. Pour autant, il faut améliorer les dispositifs existants qui doivent se traduire en aides concrètes pour les plus modestes. Or c'est tout l'inverse... Le rapport de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) confirme que la politique du Gouvernement favorise les plus riches au détriment des plus modestes. C'est aussi le cas en matière énergétique. Il faut mettre les moyens au service de cette cause.

Le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de loi même si l'intention est bonne.

M. Rachid Temal.  - C'est l'intention qui compte, Fabien ! (Sourires)

M. Pascal Allizard.  - Des outils existent : il faut les doter budgétairement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Les articles premier, 2 et 3 ne sont pas adoptés.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 2

1° Première phrase, après le mot :

applicable

insérer les mots :

, pour les ménages en situation de précarité énergétique au sens de l'article L. 124-1 du code de l'énergie,

2° Seconde phrase, après les mots :

Conseil d'État

supprimer la fin de cette phrase.

M. Roland Courteau.  - La TVA est l'un des impôts les plus injustes. Aisé ou modeste, chacun est taxé au même taux. Taxer à 20 % la consommation d'énergie pénalise particulièrement les plus fragiles, qui peuvent basculer dans la précarité énergétique. Les dépenses d'énergie étant contraintes, c'est la double peine pour ces ménages pour qui l'énergie représente une part toujours croissante de leur budget.

Cette double taxation régressive est punitive. Selon UFC-Que Choisir, les particuliers ont payé l'année dernière 4,6 millions d'euros de TVA sur les taxes.

La proposition de loi élargit le périmètre du taux réduit de TVA à la tranche de consommation de première nécessité. La commission redoute un effet d'aubaine important ; je propose donc de limiter cette réduction du taux de TVA aux seuls bénéficiaires du chèque énergie.

Mme Denise Saint-Pé, rapporteur.  - Avis défavorable. La fiscalité indirecte n'est pas l'outil adapté pour faire de la redistribution : les aides directes ciblées sont plus simples et plus efficaces. Ensuite, le droit européen ne permet pas d'appliquer des taux différents selon les revenus. Enfin, l'article 34 de la Constitution précise que c'est à la loi de fixer l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature, or votre amendement renvoie au pouvoir réglementaire.

Pour alléger la facture énergétique des ménages, mieux vaut améliorer les dispositifs existants, à commencer par le chèque énergie.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État.  - Même avis pour les mêmes raisons de droit. Le chèque énergie constitue le bon outil pour soutenir le pouvoir d'achat. Nous travaillons à augmenter son taux de recours, qui dépassera 80 % cette année.

M. Roland Courteau.  - La fiscalité énergétique et écologique n'a cessé d'augmenter. Elle est à l'origine du mouvement des gilets jaunes.

Pour les plus fragiles, c'est la double peine. Si la rapporteure préconise d'autres outils redistributifs, nous préférons, nous, agir en amont plutôt que de compenser -  partiellement - en aval. Nos amendements pour revaloriser le chèque énergie s'étaient d'ailleurs heurtés à un refus en loi de finances...

Ce n'est pas la hausse de 50 euros du chèque énergie qui suffira. Les plus pauvres participent, proportionnellement à leurs revenus, plus que les autres à la fiscalité sur l'énergie, et ce n'est pas acceptable.

La loi de finances exonère certaines entreprises électro-intensives de certaines taxes et leur applique un taux réduit de TICPE, correspondant à une dépense fiscale de 620 millions d'euros en 2019. Pourquoi ne pas protéger nos plus précaires avec une réduction de la TVA quand nous le faisons pour les industries ?

M. Patrick Kanner.  - Très bien.

M. Jean-François Husson.  - Je rends hommage à M. Courteau. J'ai moi-même souvent souligné l'injustice de la fiscalité sur l'énergie. Je partage l'avis de la commission mais, madame la ministre, je note que ce n'est jamais le bon moment pour agir... (M. Roland Courteau renchérit.) Cette surtaxe est inacceptable et elle n'est plus acceptée.

Le Gouvernement a tiré au sort 150 citoyens pour participer à sa Convention sur le climat. À quel moment allez-vous écouter les élus ?

On ne peut pas continuer à se regarder en chien de faïence, et dans deux mois, venir avec une proposition prétendument magique proposée au référendum alors que cela fait des années que le Parlement formule des propositions. Allons-nous travailler ensemble ou allez-vous mépriser les élus ? La colère monte. Qu'y aura-t-il après les gilets jaunes ? Chaque année, nous nous faisons balader en loi de finances. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE)

M. Jean-Claude Requier.  - Que Fabien Gay demande un plan Marshall m'a fait rire quand on songe à l'enthousiasme du PCF à l'époque. (Rires) Je rappelle à M. Courteau qu'en 1992, c'est un ministre des finances socialiste en manque de recettes qui a imaginé la TVA sur la taxe sur l'électricité... (Sourires)

M. Roland Courteau.  - Je n'avais pas soutenu sa démarche à l'époque !

M. Jean-Claude Requier.  - Le groupe RDSE s'abstiendra en majorité.

M. Pascal Allizard.  - Selon l'OFCE, plutôt classé à gauche, les deux tiers des 10 % des foyers les plus modestes affichent une perte de revenu disponible entre 2018 et 2020. Changez de politique fiscale ! Voilà une marge de manoeuvre pour redonner du pouvoir d'achat aux Français et leur permettre de payer leurs factures énergétiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

L'amendement n°2 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 4 n'est pas adopté.

ARTICLE 5

M. Roland Courteau .  - Nous sommes dans une situation d'urgence énergétique et sociale. La lutte contre la précarité énergétique doit être au coeur de la lutte contre la pauvreté et pour la transition énergétique.

Cette proposition de loi a le mérite d'apporter des réponses. Tous les sénateurs reconnaissent qu'il faut agir, mais s'arrêtent là. Vous rejetez les solutions proposées, mais sans en proposer d'autres !

Des millions de Français souffrent du froid, vivent dans des passoires énergétiques. Des milliers de ménages doivent choisir entre se chauffer et se nourrir. C'est la quadruple peine !

Les plus pauvres sont les premières victimes du coût de l'énergie, alors que ce sont ceux qui contribuent le moins au dérèglement climatique. L'Insee, la Fondation Abbé Pierre, l'Observatoire des inégalités constatent que la misère et les inégalités s'accentuent.

Le groupe socialiste soutient cette proposition de loi. Je regrette qu'aucune suite ne lui soit donnée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SOCR)

M. Fabien Gay .  - Le droit à l'énergie est-il incantatoire ? Nous ne le pensons pas. C'est un symbole. Il s'agit de garantir l'accès de tous à ce droit, comme à tous les biens nécessaires à l'existence.

Dans l'état naturel, c'est la force qui régule. Dans la société civilisée, c'est le droit. Or le droit à l'énergie est une réalité.

Où va-t-on s'arrêter ?, m'a demandé la rapporteure. Jamais ! Il y aura toujours besoin de nouveaux droits - le droit à l'internet par exemple. Un quart des personnes éligibles au chèque énergie ne fait pas valoir son droit, par méconnaissance.

L'interdiction des coupures entraînerait des effets d'aubaine ? Certes, les impayés sur l'eau ont augmenté depuis la loi Brottes - de 1,73 % en 2014 à 2,08 % d'impayés en 2017.

Le Conseil d'État a rappelé que l'énergie était un bien essentiel. Pourquoi dès lors ne pas lui appliquer la TVA à 5,5% ? Pourquoi la CSPE a-t-elle été intégrée au budget général de l'État ? Elle pèse sur la facture des plus précaires et n'est nullement fléchée vers la transition énergétique ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR)

M. Daniel Gremillet .  - Regardons la problématique avec lucidité. Le débat n'est pas inutile puisque l'on constate une unanimité sur le constat. Nous divergeons sur la manière d'atteindre l'objectif.

Lorsqu'on a obligé 8 000 Français, de 80 ans en moyenne, à changer leurs chaudières à charbon par pure idéologie, alors qu'elles allaient bientôt disparaître, le Sénat n'a pas été écouté. Quel argent gaspillé ! Quel manque de considération pour ces personnes !

Si le Sénat était écouté sur la trajectoire énergie climat, le constat serait différent. À maintes reprises, notre assemblée a donné rendez-vous au Gouvernement pour le budget 2020. Ce rendez-vous n'a pas été tenu.

M. Roland Courteau.  - C'est vrai !

M. Daniel Gremillet.  - Au lieu des initiatives à fonds perdu, il faut proposer des solutions concrètes aux familles modestes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Denise Saint-Pé, rapporteur .  - Je remercie mes collègues qui ont travaillé sur le sujet de la précarité énergétique, qui nous intéresse tous. Nous avons hélas constaté la fragilité de la proposition de loi - et je le dis avec toute la considération que je porte au groupe CRCE : ce texte ne tient pas la route.

Il y a ainsi une contradiction entre l'article premier, qui définit l'accès à l'énergie pour tous comme un droit fondamental, et les articles 3 et 4 qui visent seulement les bénéficiaires du chèque énergie. Le taux de TVA réduit pose également problème : la proposition de baisse réservée à la première tranche de revenus ne tenant juridiquement, Mme Cukierman aurait voulu une baisse générale. Je préfère pour ma part des aides ciblées pour les plus précaires de manière ciblée : c'est aussi le sens de mon engagement personnel.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Denise Saint-Pé, rapporteur.  - En accord avec le Gouvernement, continuons à améliorer les dispositifs existants, notamment le taux de recours au chèque énergie, et garantissons l'application de la loi par les fournisseurs. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Roland Courteau.  - Il y a urgence !

M. Guillaume Gontard .  - La précarité énergétique s'accroît et le pouvoir d'achat des plus modestes diminue : il faut agir. Je vous entends, madame la ministre : il y a le Service d'accompagnement pour la rénovation énergétique (SARE), mais son budget n'est pas garanti après 2022. Dans les territoires, l'avenir des plateformes territoriales de rénovation énergétique n'est pas assuré.

La contribution Climat Énergie devra être lisible et orientée vers les territoires, afin qu'ils puissent agir directement. Le « en même temps » et les beaux discours du Gouvernement ne suffisent pas : passons aux actes.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État .  - Le Gouvernement agit. D'abord avec le chèque énergie : 850 millions d'euros par an pour un nombre de bénéficiaires qui passe de 3,6 à 5,7 millions de ménages potentiels. Le taux de recours est de 80 %, ce qui est élevé pour une prestation sociale, mais cela reste insuffisant : notre objectif est de passer à 90 %.

Ensuite, il faut soutenir les travaux pour réduire la facture énergétique. En 2020, les aides publiques directes atteindront 3,5 milliards d'euros. La prime de rénovation énergétique est ciblée sur les plus modestes, ce que certains, dans cette assemblée, nous ont reproché. Les plateformes SARE ont vu leur financement garanti à 200 millions d'euros pour trois ans, à travers des certificats d'économie d'énergie. Je signe des partenariats avec les régions en ce sens.

Le troisième axe est le soutien au pouvoir d'achat, à travers les cinq milliards d'euros de la prime d'activité et autant au titre de la baisse de l'impôt sur le revenu.

Enfin, nous travaillons dans le respect du Parlement. Le Gouvernement s'est ainsi engagé à rediscuter tous les cinq ans la programmation pluriannuelle de l'énergie dans une loi d'orientation.

Je remercie l'auteur de la proposition de loi d'avoir posé ce sujet important.

L'article 5 n'est pas adopté.

L'article 6 n'a plus d'objet.

M. le président.  - L'ensemble des articles du texte ayant été rejetés, la proposition de loi n'est pas adoptée.

La séance, suspendue à 11 h 10, reprend à 11 h 15.

L'organisation d'un référendum sur la privatisation d'Aéroports de Paris est-elle une exigence démocratique ?

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « L'organisation d'un référendum sur la privatisation d'Aéroports de Paris (ADP) est-elle une exigence démocratique ? », à la demande du groupe CRCE.

Mme Éliane Assassi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SOCR) Le 10 avril 2019, 248 parlementaires ont signé la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris, après que l'Assemblée nationale eut voté sa privatisation sans tenir compte du vote contraire du Sénat. Cette initiative presque inédite s'appuie d'abord sur la singularité d'ADP : 13 aérodromes franciliens, des participations dans 26 aérodromes internationaux, 100 millions de passagers par an et 120 millions en 2023 ; c'est la première frontière de notre pays. ADP rapporte 342 millions d'euros de dividendes chaque année, dont la moitié pour l'État ; il est propriétaire de 6 680 hectares d'infrastructures et de terrains et de 355 hectares de réserves foncières.

ADP représente également un enjeu majeur d'aménagement du territoire et de protection de la population.

C'est pourquoi, pour la première fois, un référendum d'initiative partagée (RIP) a été engagé afin que nos concitoyens, en ces temps d'exigence démocratique renforcée, puissent décider du devenir de cette infrastructure essentielle qui relève de la richesse nationale. C'est une exigence d'autant plus importante que cette privatisation est largement remise en cause par des économistes, des juristes, des collectifs de citoyens et des syndicats. De nombreuses études en ont démontré le caractère aberrant comme, au demeurant, celui de la privatisation des aéroports de Lyon et Toulouse, des autoroutes - et je me félicite de la création d'une commission d'enquête au Sénat sur ce sujet - et de nombre d'entreprises publiques.

Le sentiment d'abandon de nos concitoyens doit nous pousser à agir contre le rétrécissement du secteur public et le désengagement de l'État d'activités stratégiques au profit du privé ; il ne faut pas renoncer à un service public fort pour mener une politique économique et sociale sur l'ensemble du territoire, et non au bénéfice d'une caste de nantis.

Ces privatisations ne peuvent être décidées par des technocrates nourris au dogme de la concurrence libre et non faussée, dans le seul but de produire des dividendes pour des actionnaires avides.

Se prononcer pour un référendum sur le sujet est une exigence démocratique ; cela est aussi vrai pour les privatisations larvées des activités rentables d'EDF ou encore des routes nationales, mais aussi la réforme, ou plutôt la destruction des retraites.

La procédure demande cependant un nombre de signatures démesuré : 4 717 396 exactement, soit 10 % des électeurs. Nous le savions lorsque nous avons rejeté l'introduction du RIP dans la révision constitutionnelle de 2008, nous le savions en déclenchant la procédure par la proposition de loi d'avril 2019 : nous ne sommes pas naïfs.

Cependant, nous regrettons l'attitude de blocage du Gouvernement. Ainsi, le ministre de l'Intérieur a mis en place un site pour le recueil des signatures bien peu fonctionnel - surprenant pour la « start-up nation » - et s'est refusé à agir pour l'information de tous nos concitoyens. C'est pourtant un droit constitutionnel, dans le cadre d'une procédure encadrée par l'article 11 de la Constitution, et pas une simple pétition ! C'est d'autant plus important que le Parlement ne peut financer la procédure. L'État doit aussi garantir que les chaînes publiques d'information relaient cette information. C'est cela, le respect du pluralisme.

Or nous en sommes loin : 500 articles ont été publiés sur le RIP contre plus de 13 000 sur le grand débat, pour lequel 12 millions d'euros ont été dépensés - rien pour le RIP... Le constat est le même dans les médias audiovisuels : les chaînes publiques ont diffusé des spots sur la privatisation de la Française des jeux, alors que Radio France refusait de diffuser un communiqué financé par les parlementaires sur leurs propres deniers ! Enfin, le Gouvernement n'a pas saisi la Commission nationale du débat public.

Malgré ce silence assourdissant et les faiblesses du site, nous avons recueilli plus d'un million de signatures : c'est le seuil promis par le Président de la République à la sortie du grand débat. Nous y sommes !

Nous touchons ici aux limites de la monarchie républicaine que constitue notre régime présidentialiste. Alors que les citoyens se méfient de plus en plus de la démocratie représentative, le RIP était une occasion historique de lui redonner du souffle. Au milieu d'un mouvement social sans précédent, Emmanuel Macron a tort de ne pas écouter le peuple de France sur ce sujet comme sur d'autres. Il s'enferme dans un pouvoir à bout de souffle et un système institutionnel vermoulu plutôt que d'ouvrir la porte à une expression citoyenne. C'est regrettable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SOCR)

M. Patrick Kanner .  - Le ministre montre par sa présence que les enfants aiment les avions... (Sourires)

Auty, dans le Tarn-et-Garonne ; Villardebelle, dans l'Aude ; Boussenois, en Côte-d'Or ; Mantet, dans les Pyrénées-Orientales ; Olcani, en Haute-Corse : voilà quelques exemples de la mobilisation des Français sur tout le territoire pour qu'un RIP soit mis en oeuvre sur la privatisation d'ADP, démarche pourtant initialement moquée par le Gouvernement : fantaisie politique, atteinte aux prérogatives du Parlement, mais surtout crime de lèse-majesté jupitérienne ! (M. Roland Courteau et Mme Éliane Assassi s'amusent.) Mais avec un million de signataires, la critique ne tient plus.

M. François Bonhomme.  - Merci Sarkozy !

M. Rachid Temal.  - Et Hollande !

M. Patrick Kanner.  - En effet. Lorsque je compare les moyens dont nous avons disposé aux 12 millions d'euros dépensés pour le grand débat ou au million engagé dans l'information sur la privatisation de la Française des jeux (FDJ), le résultat semble d'autant plus satisfaisant. Le seuil d'un million était celui que le Président de la République proposait dans son projet -  avorté - de réforme constitutionnelle. C'est en tout cas davantage que les 150 Français membres de la Convention citoyenne pour le climat, qui obtiendront peut-être un référendum.

Les commentateurs disent souvent que le Président de la République aime la confrontation directe avec le peuple, qu'il méprise les corps intermédiaires. « Qu'ils viennent me chercher », a-t-il dit. Nous sommes là...

La privatisation d'ADP est une aberration financière, puisque ADP rapporte beaucoup à l'État, économique - Roissy et Orly sont la porte d'entrée des touristes en France - et environnementale : le développement du trafic aérien doit être régulé. L'impact de la privatisation est national : cela mérite un référendum.

Certes, les Français ont aussi d'autres sujets de préoccupation - assurance chômage, retraites, pouvoir d'achat - qui ont tous en commun la morgue avec laquelle le Président et le Gouvernement accueillent les craintes des Français.

Nous proposons une soupape, un moyen d'échanger avec le pays. Refuser ce référendum serait une provocation ; une atteinte à l'exigence démocratique, qui repose sur la souveraineté du peuple. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

M. Olivier Léonhardt .  - La privatisation d'ADP, mise entre parenthèses par la procédure du RIP au lancement de laquelle j'ai participé en co-signant la proposition de loi d'avril 2019, est l'un des grands points d'achoppement de ce quinquennat. Les privatisations ne datent pas d'hier : à partir de 1986, elles ont été engagées par tous les gouvernements successifs, sauf pendant la crise financière de 2008 où la chute des valeurs boursières rendait de telles opérations peu rentables.

Après TF1, les grandes banques, Total ou Usinor-Sacilor, nous avons assisté à l'ouverture du capital de Renault et de France Telecom dans les années 1990 ; puis à partir de 2005, à celle d'EDF et de GDF, de Safran. L'ouverture du capital d'ADP, décidée sous le gouvernement Villepin, a ouvert la voie à la privatisation des aéroports de province : Toulouse, Lyon et Nice.

ADP n'est pas une société comme les autres. Créée à la Libération, elle a accompagné la modernisation de l'économie française. Orly a été mis en service en 1961, Roissy en 1974. Avec 4,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires et un résultat net de 600 millions d'euros en 2018, une filiale internationale implantée dans 24 aéroports et 13 pays, c'est le plus grand groupe de gestion aéroportuaire du monde.

Mais la loi Pacte ne tient pas compte de cette spécificité : ADP figure pêle-mêle avec Engie et la Française des Jeux dans un chapitre consacré aux privatisations. Les enjeux d'ADP dépassent pourtant ceux de la loterie ! C'est l'identité économique de la France qui est en question.

Le Préambule de la Constitution de 1946 précise : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » C'est bien le cas d'ADP, qui est la principale porte d'entrée sur le territoire national.

Le groupe RDSE avait dans sa majorité rejoint celle du Sénat, droite et gauche réunies, pour s'opposer à cette privatisation. À l'évidence, les modalités du référendum d'initiative citoyenne (RIC) sont trop strictes : 10 % des électeurs, cela représente un score de 20 % aux dernières élections. En Suisse, le seuil est de 100 000, soit moins de 3 % du corps électoral ; en Italie, c'est 500 000 !

De plus, beaucoup d'interrogations demeurent sur l'opération. Il est difficile d'obtenir des informations sur le Fonds pour l'innovation qui devrait être financé par la cession ; cela masque mal l'absence de politique industrielle en France. Ajoutons les risques de hausse des redevances aéroportuaires, les conditions de l'indemnisation des actionnaires en cas de reprise par l'État après 70 ans, les risques de suppression des petites lignes non rentables.

Oui, l'organisation d'un référendum sur le sujet est une exigence démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur plusieurs travées du groupe SOCR ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. Dominique Théophile .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Claude Malhuret applaudit également.) Privatiser ADP, c'est passer d'un État rentier à un État investisseur et stratège.

M. Pierre Ouzoulias.  - Un État démissionnaire, oui !

M. Dominique Théophile.  - L'État stratège n'est pas forcément l'État actionnaire de toutes les entreprises. Les cessions alimenteront le Fonds pour l'innovation qui sera doté de plus de dix milliards d'euros, pour investir dans le stockage de l'énergie, l'intelligence artificielle et la robotique et ne pas dépendre de l'étranger pour ces technologies.

Des investissements importants sont nécessaires, justement parce qu'ADP se porte bien : je songe à la construction du quatrième terminal de Roissy-Charles-de-Gaulle.

Les deux tiers des revenus d'ADP proviennent des boutiques de luxe, hôtels et parkings. Ce n'est pas le rôle de l'État que de percevoir des dividendes de ces activités. (Protestations à gauche et à droite)

ADP est présent dans plus de 30 pays, en particulier dans les aéroports d'Amsterdam et d'Istanbul. Il faut conforter sa stratégie de consolidation internationale.

De plus, ce transfert au secteur privé est assorti de garde-fous. Les investissements seront soumis à l'autorisation de l'État. Les actifs seront incessibles, sauf autorisation expresse de l'État, jusqu'à leur reprise par ce dernier au bout de soixante-dix ans.

Le régime des salariés ne sera pas affecté par la privatisation - grâce à un amendement communiste adopté à l'Assemblée nationale. (Marques d'ironie sur les travées du groupe CRCE) Dans la procédure retenue, le contrôle de l'État sera supérieur à ce qu'il aurait été dans une concession classique.

M. Patrick Kanner.  - C'est la meilleure !

M. Dominique Théophile.  - Les compagnies seront associées à la fixation des redevances. La sécurité aérienne et la régulation du trafic resteront assurées par l'État.

M. Fabien Gay.  - Mais pas la sûreté !

M. Dominique Théophile.  - Le Gouvernement a renforcé la police de l'air et des frontières il y a un an.

La privatisation était donc nécessaire, même si cet avis n'est pas partagé par certains parlementaires.

M. Fabien Gay.  - Faisons un référendum, alors !

M. Dominique Théophile.  - La procédure du RIP est prévue par l'article 11 de la révision constitutionnelle de 2008. Elle a été lancée à l'initiative de quelque 185 parlementaires.

M. Patrick Kanner.  - Non, 248 !

M. Dominique Théophile.  - Le Conseil constitutionnel a donné son feu vert à cette procédure.

Cependant, la troisième condition n'est pas remplie : à un peu plus d'un million, le nombre de signatures recueillies est loin du seuil de 4,7 millions prévu par la Constitution, à seulement 35 jours de l'échéance. (Mme Éliane Assassi proteste.)

Je ne conteste pas le principe du RIP, mais les conditions de son déclenchement sont sujettes à caution. En effet, le Conseil constitutionnel ne permet pas l'abrogation par le RIP d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an, ce qui est le cas de la loi Pacte.

Le RIP devrait injecter de la démocratie directe dans la démocratie représentative ; au contraire, l'initiative de nos collègues est de nature à créer une brèche dans nos institutions. (Vives protestations à gauche)

M. Rachid Temal.  - Démagogie !

M. Patrick Kanner.  - Le Conseil constitutionnel l'a validé !

M. Dominique Théophile.  - Ce n'est pas conforme à la volonté du constituant exprimée en 2008.

M. Rachid Temal.  - Il ne faut pas déranger Macron !

M. le président.  - Laissez parler l'orateur.

M. Dominique Théophile.  - L'épisode des gilets jaunes a souligné l'urgence d'une plus grande participation directe des Français aux choix politiques. Le Président de la République a proposé d'abaisser le seuil du recours au RIP à un million de participants dans le cadre de la réforme constitutionnelle...

M. Patrick Kanner.  - Où est-elle, cette réforme ?

M. Dominique Théophile.  - Nous concilierons ainsi la légitimité populaire et le respect des institutions. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Éliane Assassi.  - Et ?

M. le président.  - J'appelle chacun à écouter les orateurs.

Mme Laurence Cohen .  - Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste se mobilise pour créer les conditions d'un référendum. Avec 6 686 hectares de terrain, ADP risque d'être la plus importante privatisation de l'Histoire de France, or les citoyens ne sont pas informés officiellement pour exprimer leur avis. C'est un déni de démocratie.

Je le dis sans chauvinisme : avec 38 400 signatures en faveur du RIP, le Val-de-Marne figure au deuxième rang national. À la Fête de l'Humanité en septembre dernier, au mois de juin à la Bourse du travail de Saint-Denis, nous nous sommes mobilisés. Nous avons mené des dizaines d'actions territoriales avec le parti socialiste, la France insoumise, EELV, Génération.s et Les Républicains.

Les enjeux sont d'abord économiques. Avec la privatisation, l'État renoncera à 170 millions d'euros de dividendes par an, soit 12 milliards sur soixante-dix ans, et indemnisera à hauteur d'un milliard d'euros les actionnaires minoritaires au moment de la renationalisation. C'est donc une triple perte, en incluant le prix de rachat d'ADP au bout de soixante-dix ans. C'est à rebours de tout bon sens. ADP est stable et prospère, comme le montrent l'ouverture prévue en 2025 du terminal 4 de Roissy et la rénovation d'Orly. Votre fonds pour l'innovation ne pourrait-il pas être financé par les dividendes croissants d'ADP ?

Enjeu politique, ensuite. Comme le professeur Paul Cassia l'a montré, ADP étant, avec plus de 100 millions de passagers par an, la première frontière française, privatiser la société menace la capacité de l'État de gérer les entrées et sorties du territoire, qui seront désormais négociées avec un groupe privé.

L'enjeu est aussi constitutionnel puisque l'opération est en contradiction avec le 9e alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, sur le fondement duquel le législateur avait refusé une première tentative de privatisation en 2005.

On voit se profiler des suppressions ou des précarisations d'emplois pour les 90 000 salariés de Roissy et des 25 000 d'Orly.

Enfin, les conséquences écologiques sont réelles. La privatisation d'ADP intensifiera le trafic aérien, aggravant les nuisances et mettant en danger le couvre-feu observé entre 23 h 30 et 6 heures. La hausse des tarifs aéroportuaires pourrait également menacer certaines lignes, notamment avec l'outre-mer. Comment garantir la mobilité des milliers d'étudiants ultramarins, alors que les taxes aéroportuaires peuvent atteindre 50 % du prix du vol à La Réunion ?

Oui, l'organisation d'un référendum est une exigence démocratique. C'est le droit des citoyens de protéger les biens communs du service public, le devoir de l'État d'écouter leur mobilisation inédite. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR)

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants ; M. Pierre Louault applaudit également.) Parmi toutes les mesures de bon sens de la loi Pacte, la privatisation d'ADP a cristallisé les tensions politiques. L'objet de ce débat n'est pas de remettre l'ouvrage sur le métier, mais de déterminer si l'organisation d'un référendum sur ce sujet est une « exigence démocratique ».

Pour y répondre positivement, il faut soit démontrer que cela répond à une demande forte du peuple français, soit prouver que c'est une obligation institutionnelle fondée sur le droit.

Concernant la première question, un critère objectif est la jauge prévue par la Constitution, puisque la demande de référendum doit être signée par 10 % du corps électoral. À ce jour, à peine 2 % des électeurs ont signé : difficile de parler d'une demande populaire forte. (Rires sur les travées du groupe CRCE) Je suis désolé pour vous.

Quant à l'obligation institutionnelle, elle reste lettre morte si le seuil n'est pas atteint. Ni les institutions ni le peuple n'obligent le Gouvernement à organiser ce référendum. (On le conteste sur les travées des groupes CRCE et SOCR.) C'est la réalité !

De plus, la validation par le Conseil constitutionnel de la proposition de loi engageant la procédure a été jugée comme doublement fautive - juridiquement et démocratiquement - dans une tribune publiée le 14 mai dernier par deux constitutionnalistes de renom. D'abord, une proposition de loi référendaire ne pouvant pas avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an, ses promoteurs ont joué sur les mots en déposant leur proposition avant sa promulgation.

Ensuite, la loi Pacte, qui engage la privatisation, a été validée par le Conseil constitutionnel, comme celui-ci l'a rappelé en publiant, fait rarissime, un communiqué en même temps que sa décision de validation de la procédure. Son président, Laurent Fabius, y indique, dans le vocabulaire prudent du Conseil, que cela peut « donner matière à réflexion sur la manière dont cette procédure a été conçue » - autrement dit, le législateur s'est pris les pieds dans le tapis de la révision constitutionnelle de 2008. En effet, la jurisprudence du Conseil constitutionnel permettra de proposer un référendum sur tout projet de loi pendant son examen même. C'est opposer la démocratie directe et la démocratie représentative, qui devraient se compléter.

Il faudra clarifier l'article 11, faute de quoi nous cèderons à l'impérialisme de la démocratie plébiscitaire qui conduit les citoyens à se prononcer pour ou contre le Gouvernement, et non pour ou contre une mesure. Cela mène tout droit à la démocratie de l'émotion et de l'émeute, alors qu'une vague populiste menace l'Europe. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants ; M. Jean-Raymond Hugonet applaudit également ; marques d'ironie à gauche.)

M. Pierre-Yves Collombat.  - On l'attendait !

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Le vote du Parlement en faveur de la privatisation d'ADP ne correspond-il pas à une exigence démocratique ?

Des entreprises prospères ont-elles vocation à rejoindre le financement privé ?

ADP a en effet augmenté fortement son chiffre d'affaires ces dernières années. L'accord du Parlement a été obtenu dans le plus strict respect des institutions mais n'a pas convenu à l'opinion publique s'interrogeant chaque jour davantage sur les privatisations, perçues comme des spoliations du patrimoine des Français, d'autant que le chiffre d'affaires du groupe, qui gère depuis le Brexit le premier aéroport européen, Charles de Gaulle, explosait. En avril, 185 parlementaires se sont associés pour tenter de stopper sa privatisation : en déposant une proposition de loi.

Le Président de la République s'est dit favorable au RIP. Malgré une information inexistante et un accès complexe, le référendum a recueilli un million de signatures.

M. Fabien Gay.  - Merci !

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Le vote du Parlement suffit-il encore à légitimer la privatisation d'ADP ? En seulement dix ans, ADP a quasi doublé son chiffre d'affaires, passant de 2,5 milliards d'euros en 2008 à 4,48 milliards d'euros en 2018. Les privatisations de la Française des jeux et d'Engie ont été actées par les deux assemblées. Le Sénat a rejeté celle d'ADP. L'accord du Parlement étant néanmoins obtenu, dans le plus strict respect des institutions et des principes démocratiques, quid de celui de l'opinion publique ?

Le mouvement des « gilets jaunes », avec ses revendications de justice sociale et de meilleure redistribution des richesses, a rebondi sur la privatisation du groupe ADP, perçue comme une « spoliation » du patrimoine des Français.

Tout choix politique s'inscrit dans un contexte. C'est l'enchaînement des derniers mois et la maladresse des déclarations successives de l'exécutif qui donnent au référendum une légitimité en quelque sorte supérieure et complémentaire au vote du Parlement. D'autant que le président Macron s'est déclaré favorable au référendum d'initiative partagée, qu'il a proposé de rendre plus accessible en abaissant le seuil des soutiens à un million. Comment ne pas mettre en actes les paroles du Président de la République ? L'exécutif s'est mis de lui-même dans une impasse. (M. Patrick Kanner approuve.)

Le référendum sur la privatisation d'ADP est ainsi devenu le talon d'Achille du Gouvernement. Le refuser serait perçu comme un nouvel acte de défiance d'un président qui n'écoute plus les Français et craint de leur laisser la parole.

Le Président de la République le dit souvent : n'ayez pas peur ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC, ainsi que sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

MM. Bernard Fournier et Sébastien Meurant. - Très bien !

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 12 décembre 2018, nous auditionnions Bruno Le Maire sur la loi Pacte. Alors que bien des aspects du texte allaient dans le bon sens, une disposition insérée là - regrettable habitude - allait polariser l'attention puis polluer le débat du début à la fin : la privatisation d'ADP.

Sur la foi de l'expérience récente et cuisante de la privatisation des concessions d'autoroute, j'ai été l'un des premiers, avec Fabien Gay, à dénoncer vigoureusement cette privatisation, pour des raisons stratégiques, financières et sécuritaires bien connues, tant le débat a fait rage.

Je n'ai pas fait partie, le 9 avril 2019, des 248 parlementaires signataires du RIP...

M. Patrick Kanner.  - C'est dommage !

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Je pense que l'organisation d'un tel référendum n'est absolument pas une exigence démocratique. C'est une forme particulière de notre processus législatif, dont le déclenchement appartient aux seuls parlementaires et qui ne peut donc être proprement qualifié de référendum d'initiative populaire, malgré l'usage qui a été fait de cette expression.

Ce mécanisme n'est en fait qu'un alibi de modernité, doublé d'une course d'obstacles dont le modus operandi est détaillé aux alinéas 3 et 6 de l'article 11 de la Constitution : le remède est pire que le mal. Le seul but recherché étant l'effet d'annonce, il n'est en effet conçu pour n'aboutir dans aucun cas...

Mme Sophie Taillé-Polian.  - C'est vrai !

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Le délai court de juin à mars seulement. Il ne vous reste plus, en un mois, qu'à trouver 3,5 millions de signataires capables de s'enregistrer sur le site, s'il fonctionne... (Marques d'approbation et d'encouragement sur les travées du groupe CRCE) Un jeu d'enfant ! (Sourires sur les mêmes travées) La démocratie directe ou participative est complémentaire de la démocratie représentative. Il n'y a pas lieu d'opposer l'une à l'autre.

Les trois propositions pour revivifier le droit de pétition promues par le président du Sénat sont pleines de sagesse : un « droit de tirage citoyen » permettra à des citoyens de déclencher « la création, une fois par session, d'une mission d'information sénatoriale » ; un « droit d'initiative législative », permettra l'inscription d'une proposition de loi d'origine citoyenne si le texte « a recueilli un nombre significatif de signatures », évidemment inférieur aux 4,7 millions actuels ; la « mise en place de séances de questions posées par les citoyens soit aux membres du Gouvernement, soit aux sénateurs ».

Voilà comment nous pouvons renforcer utilement l'exigence démocratique.

Attention à ne pas voir le « meccano constitutionnel » cher au doyen Vedel l'emporter sur la logique institutionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Taillé-Polian .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; Mme Éliane Assassi applaudit également.) Merci au groupe CRCE d'avoir inscrit ce débat à l'ordre du jour. La privatisation d'ADP n'était pas dans le programme présidentiel. Il est donc légitime que nos concitoyens s'en emparent. Plus d'un million de Français a pris la peine d'aller sur ce site pour effectuer un acte militant. En ces temps d'abstention, plutôt que de les mépriser, respectons cette dynamique où l'on se plaint d'un désintérêt pour le politique. Il ne faut pas brider cet appétit démocratique.

Aujourd'hui, le débat parlementaire est souvent abîmé et tronqué, je ne crains pas de le dire. Recours régulier aux ordonnances, études d'impact inexistantes ou inconsistantes, car bâclées à la hâte, procédure accélérée à tout propos, amendements du Gouvernement posés sur la table...

Sur la privatisation d'ADP, on a constaté un débat opaque puisque les informations sur le cahier des charges, alpha et oméga de la privatisation, n'ont pas été communiquées.

Quelles protections pour les 200 000 riverains d'Orly, dans le Val-de-Marne que je représente ici, déjà victimes du bruit et de la pollution de l'air ?

Nous sacrifions la maîtrise de nos aéroports alors que nous sommes à la croisée des chemins entre enjeux économiques et environnementaux. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE ; M. Sébastien Meurant applaudit également ; MM. Patrick Kanner, Rachid Témal et Hervé Gillé félicitent l'oratrice alors qu'elle rejoint les travées de son groupe.)

M. Pierre Louault .  - L'exigence démocratique du référendum sur lequel vous nous interpellez doit répondre aux règles précises posées par la loi constitutionnelle de 2008, fixant le seuil à 4,7 millions de signataires.

Respecte-t-on cette loi constitutionnelle ou pas ? Sinon, le RIP a-t-il pour objet de contrer les lois de la République et le débat parlementaire ou de donner l'initiative aux citoyens ?

Quel message vis-à-vis des parlementaires ? Le parlementaire est-il responsable de ses votes ? La démocratie est-elle exercée au Parlement (Protestations croissantes sur les travées des groupes CRCE et SOCR ; M. Claude Malhuret applaudit.) ou organisée dans la rue ? Certains préfèrent cette solution...

Mme Laurence Cohen.  - Oh là là !

M. Pierre Louault.  - Oui, oui, oui ! Or ils n'ont pas toujours fait preuve, dans l'Histoire, d'une application satisfaisante de la démocratie. (Vives protestations sur les travées du groupe CRCE, tandis que M. Claude Malhuret applaudit.)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Si on faisait des lois qui tiennent la route, nous n'en serions pas là !

M. Pierre Louault.  - La démocratie permet aux citoyens de s'exprimer régulièrement lors des scrutins...

M. Pierre-Yves Collombat.  - On enfile des perles !

M. Pierre Louault.  - Nous avons pour responsabilité d'agir en fonction des engagements pris devant nos concitoyens. (Nouvelles interruptions sur les travées du groupe CRCE) Sinon, quelle légitimité allons-nous donner au Parlement ? (MM. Claude Malhuret et Philippe Bonnecarrère applaudissent vivement ; M. Pierre-Yves Collombat proteste derechef.)

Michel Rocard, que je cite pour complaire à mes amis socialistes (Vives exclamations sur les travées du groupe SOCR) disait qu'un référendum, c'est une excitation nationale où on met tout dans le pot et où l'on ne répond jamais à la question posée... (Protestations sur les mêmes travées, où l'on crie à la provocation, et mouvements divers.)

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est une caricature de la pensée de Michel Rocard ! Lisez ces oeuvres et citez-les complètement !

M. le président.  - Je demande à tous de respecter les orateurs, quoi qu'ils disent et à ceux-ci d'être plus concis que les auteurs qu'ils citent...

M. Dominique de Legge .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 24 octobre 1973, un décret du président Georges Pompidou donnait le nom de Charles de Gaulle à l'aéroport de Roissy, en hommage à celui qui prit l'ordonnance du 24 octobre 1945 portant création d'ADP. Ce fut aussi un hommage au fondateur de la Ve République dont la Constitution renvoie au préambule de 1946, abondamment cité.

Avec la privatisation d'ADP, on touche à un principe constitutionnel qui aurait mérité un débat en tant que tel et non une décision au détour d'un article d'une loi aussi hétéroclite que la loi Pacte.

Les aéroports de Paris ne sont pas qu'une question de capitaux, de rentabilité et de techniques : parce qu'ils sont stratégiques, ils répondent à une ambition nationale, comme l'avait déclaré le général de Gaulle en inaugurant Orly en 1961. Et d'ajouter que l'État ne peut en être absent, qu'il doit en être acteur.

Les précédents des autoroutes et de l'aéroport de Toulouse auraient dû nous sensibiliser...

M. Sébastien Meurant.  - Très bien !

M. Dominique de Legge.  - Le Gouvernement espère glaner quelque argent pour boucler son budget, à moins qu'il ne cherche à rembourser les entreprises évincées du projet de Notre-Dame-des-Landes...

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Très bien !

M. Dominique de Legge.  - Je ne sais pas s'il faut plus ou moins de référendum. Je ne suis pas insensible aux arguments de M. Malhuret : le Parlement doit être respecté.

Si vous ne voulez pas que le débat ait lieu ailleurs, il faut qu'il puisse se tenir au Parlement. (Applaudissements sur presque toutes les travées, à l'exception de celles des groupes LaREM et Les Indépendants)

Monsieur le ministre, je m'interrogeais sur votre présence au banc du Gouvernement. Vous êtes ministre de la petite enfance et des mineurs. Ceux qui ont 18 ans aujourd'hui atteindront l'âge de 88 ans à la fin de la concession d'ADP. Je crains que le Gouvernement ne tire une traite sur l'avenir. (Applaudissements nourris sur la plupart des travées, à l'exception de celles des groupes LaREM, Les Indépendants et UC ; Mme Catherine Procaccia félicite l'orateur alors qu'il regagne son siège.)

M. Rachid Temal .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Ce débat ne porte pas sur l'avenir de ce Gouvernement, sur lequel il y aurait pourtant beaucoup à dire, mais sur celui de notre démocratie. Nous sommes, pour le meilleur et pour le pire, à l'heure des réseaux sociaux, de la mobilisation des gilets jaunes, de « l'archipelisation » de la France pour certains, du retour des classes sociales pour d'autres, et tout cela se cristallise dans le débat démocratique sur l'avenir d'ADP.

Comment comprendre et accepter le manque de transparence du Gouvernement sur le cahier des charges sur la privatisation d'ADP, dont la concession durera soixante-dix ans et qui doit définir une politique aéroportuaire ayant tant d'impacts sur la vie et la santé des Français ? Vous privatisez les gains et nationaliser les nuisances !

Dans le Val-d'Oise, nous nous battons avec les habitants pour la santé publique et contre les nuisances.

L'actionnaire majoritaire ne pourra plus être modifié chaque année mais tous les soixante-dix ans.

Je regrette le rejet de l'avis de la Commission nationale du débat public (CNDP) sur le Terminal 4 créé à CDG - soit l'équivalent du trafic d'Orly - alors qu'elle demandait un débat très large. Les nuisances - rejet de CO2, particules fines, bruit - seront très fortes et néfastes pour la planète comme pour la santé des riverains.

Comment comprendre qu'un président seul peut décider d'un débat de cette importance et que quelque 248 parlementaires et un million de Français ne peuvent rien. Mais, en refusant le débat, par simple idéologie, votre Gouvernement, monsieur le ministre, abîme la démocratie.

Les Français n'ont pas besoin d'un passage en force, mais au contraire d'une démocratie apaisée : laissez la souveraineté populaire s'exprimer ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Paccaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) On peut et l'on doit s'interroger sur la pertinence économique de la privatisation d'ADP, sans ignorer la problématique politique et démocratique. Certaines décisions touchent à des symboles si forts, que même légales, même en respectant formellement les prérogatives et votes du Parlement, elles souffrent d'une légitimité tremblante et incertaine.

Aéroports de Paris est tout sauf un petit aérodrome de province ou une énième zone commerciale de la grande couronne francilienne ! Or l'État a voulu graver son futur dans une sous-section des 221 articles de la loi Pacte, par sept articles nichés au milieu des modifications sur les formalités administratives, la formation professionnelle, le jour des soldes, les assurances, pour résumer en quelques mots des orientations clés pour l'avenir du transport aérien, l'aménagement du territoire, la stratégie économique et financière de la Nation, et même sa souveraineté... afin de rembourser comptant seulement 0,5 % de la dette publique ! Un aéroport est une porte d'entrée du territoire, un espace frontalier, avant d'être une galerie marchande.

Il fallait un projet de loi spécifique plutôt qu'une mention enfouie dans la jungle touffue d'une loi obscure, révélatrice d'une gouvernance lointaine et technocratique qui attise le volcan de l'incompréhension et le magma de la colère chez de nombreux Français. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et SOCR)

Vendre les bijoux de famille n'est jamais bon signe et quand on s'y risque, il est tout à fait normal que la famille demande des comptes ! (Même mouvement)

Les Français veulent un État stratège, pas un gang de boursicoteurs « gagne-petit » leur expliquant doctement qu'ils n'ont rien compris. (M. Sébastien Meurant applaudit ; on applaudit aussi sur les travées du groupe SOCR) Oui, les Français ont du bon sens, ils comptent mieux que les ordinateurs de Bercy et ils ont de la mémoire. Ils se souviennent des pathétiques privatisations du réseau d'autoroutes et de l'aéroport de Toulouse. (Mêmes applaudissements)

Le souci d'écoute et de proximité tant proclamée par le Gouvernement reste virtuel tant que la parole n'est pas donnée au peuple. En avez-vous peur ? Certes, n'est pas de Gaulle qui veut... Je me suis associé au RIP que plus d'un million de nos concitoyens ont signé. C'est insuffisant pour l'organiser mais suffisant pour que le Gouvernement écoute les Français.

« Au fond des victoires d'Alexandre, on trouve toujours Aristote », écrivait de Gaulle. Puisse le Gouvernement être gaulliste ou au moins gaullien...

M. Pierre-Yves Collombat.  - On peut toujours rêver !

M. Olivier Paccaud.  - Un référendum lui en donnerait l'occasion. (Applaudissements sur la plupart des travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe SOCR)

M. le président. - La parole est à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de la Santé et des Solidarités...

M. Rachid Temal.  - Et des avions ? (Sourires sur les travées du groupe SOCR et sur plusieurs autres travées)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Je vais vous répondre ! Je suis heureux d'être ici au nom du Gouvernement. Je vous remercie pour l'organisation de ce débat. Je me réjouis de la vigueur du débat démocratique. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SOCR)

Je ne ferai pas montre de la même rigueur argumentaire de M. Malhuret, mais rappellerai les arguments en faveur de la privatisation d'ADP avant de parler du référendum... (Même mouvement) ADP n'est ni un monopole national ni une entreprise stratégique. (On s'en étonne sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE.) Les aéroports européens sont en concurrence : ADP est concurrencé par Heathrow, Francfort et les aéroports des pays du Golfe... (M. Victorin Lurel et Mme Victoire Jasmin protestent.) Seule la frontière est stratégique, l'entreprise est avant tout commerciale : trois quarts de ses revenus sont commerciaux.

M. Patrick Kanner.  - Pourquoi ne pas les laisser à l'État ? (On surenchérit sur les travées du groupe SOCR.)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Tel n'est pas son rôle ! En revanche, dans le domaine régalien, la frontière continuera à être contrôlée de la même manière et la police des frontières ne sera pas privatisée...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Quel dommage ! (Sourires et marques d'amusement sur diverses travées)

M. Rachid Temal.  - Personne ne le dit !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - L'État n'a pas à conserver des actifs commerciaux, mais à investir. Les nouveaux actionnaires apporteront des compétences et des capitaux. (Interruptions ironiques à gauche) En 2019, l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry, privatisé, dans la catégorie des aéroports accueillant de 10 à 25 millions de passagers, et celui de Rome, privatisé, dans la catégorie des plus de 25 millions de passagers, sans oublier le trophée de l'accessibilité, (Même mouvement) décerné à Londres-Gatwick, également privatisé...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Et il n'y a aucun aéroport privé qui soit nul ? (Sourires à gauche)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Les riverains seront toujours protégés. Nous apportons cinq garanties nouvelles : garanties de cession et d'exploitation, qualité des services, maintien de l'emploi, protection de l'environnement, de présence de l'État au conseil d'administration (Interruptions sur les travées du groupe SOCR et marques d'incrédulité sur les travées du groupe CRCE) notamment...

M. Rachid Temal.  - Rendez le cahier des charges public !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Enfin, les tarifs...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Paroles, paroles...

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - ... seront fixés tous les cinq ans sous le contrôle d'une autorité de régulation indépendante. Il y a également une garantie de bonne gestion, de sécurité - l'État conservera, je le répète, le contrôle des frontières - ainsi que des garanties patrimoniales et territoriales afin d'assurer la qualité de vie des riverains. Ils étaient inquiets.

M. Rachid Temal.  - Ils le sont toujours !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Madame Cohen, Monsieur Temal, Madame Taillé-Polian, je m'étonne que vous réfutiez le fait qu'il y ait eu un débat sur le sujet des nuisances.

M. Rachid Temal.  - Il fallait répondre à l'ensemble de la CNDP !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - À l'Assemblée nationale, Laurent Saint-Martin a fait voter dans la loi la fixation pour Orly de 250 créneaux de vol et un couvre-feu sonore de 23 h 30 à 6 heures...

M. Rachid Temal.  - Et à Roissy ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Que n'avez-vous fait ? (Protestations sur les travées du groupe SOCR)

Le débat a commencé avec la loi Pacte et il continue avec le RIP, dont la procédure s'achèvera le 12 mars. Avant ce délai, nous ne prendrons aucune décision.

Depuis le vote de la loi Pacte, le Gouvernement n'a eu de cesse de s'expliquer sur le projet de privatisation.

Le Parlement a pu s'exprimer lors de la loi Pacte. Nous verrons le résultat du RIP le 12 mars. Ce projet est important pour le Gouvernement. J'espère que mon intervention vous a rassurés.

M. Fabien Gay.  - Oh oui, nous le sommes ! (Sourires)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ô combien ! (Même mouvement)

M. Rachid Temal.  - Je vais immédiatement retirer ma signature ! (On s'en amuse.)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Nous souhaitons valoriser le patrimoine de l'État...

M. Patrick Kanner.  - Vous le bradez ! (On renchérit sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

M. le président.  - Laissez parler l'orateur !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Nous voulons investir dans l'avenir des Français.

M. Rachid Temal.  - Merci Vinci ! (Sourires)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Je vous remercie pour ce débat. (M. Pierre Louault applaudit ; exclamations ironiques à gauche.)

M. Rachid Temal.  - C'est bien ! Bon courage ! (Sourires)

M. Fabien Gay.  - Allez !

La séance est suspendue à 12 h 45.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

Commission spéciale (Nomination)

M. le président.  - J'informe le Sénat qu'une candidature pour siéger au sein de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Simplification et modernisation de la propagande électorale

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la simplification et à la modernisation de la propagande électorale, présentée par M. Emmanuel Capus et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe Les Indépendants.

Discussion générale

M. Emmanuel Capus, auteur de la proposition de loi .  - Trente-quatre, tel est le nombre de listes aux dernières élections européennes, un record. C'est le nombre de panneaux d'affichage électoral posés devant chaque bureau de vote, devant chaque mairie de village, avec des conséquences pratiques lourdes pour les maires qui n'ont reçu aucun moyen supplémentaire, mais la consigne de faire comme ils pouvaient.

Certains ont pourtant dû acheter des panneaux supplémentaires in extremis ou en bricoler à défaut de pouvoir en acheter.

À La Lande-Chasles, l'une des plus petites communes du Maine-et-Loire (M. Stéphane Piednoir le confirme.), le maire a dû utiliser des bâches agricoles. Dès lors que l'on a constaté que plus des deux tiers des panneaux posés n'étaient pas utilisés, il m'a paru utile que l'on propose au candidat au moment du dépôt de sa liste qu'il déclare s'il souhaite ou non bénéficier d'un panneau électoral. Cela se fait déjà dans les communes de moins de 1 000 habitants aux élections municipales, avec même une sanction prévue en cas de panneau non utilisé. Tel est le premier objectif de cette loi.

Les candidats savent parfaitement s'ils vont ou non imprimer des affiches au moment du dépôt de leur candidature. Certains ne souhaitent pas le faire pour des raisons écologiques, ou bien parce qu'ils n'en ont pas les moyens.

La commission des lois et son rapporteur François Bonhomme, que je salue, m'ont convaincu que cette généralisation de la sanction à toutes les élections serait difficile à appliquer. Il n'y a donc plus qu'une obligation de déclaration dans le texte, mais plus de sanction.

S'il y a plus de quinze candidats - soit le nombre de panneaux utilisés lors des dernières élections européennes - j'avais proposé que l'on divise par deux la taille des affiches. La commission des lois a jugé que cela poserait des problèmes matériels puisque les affiches sont imprimées très en amont. Elle a déposé un amendement autorisant les maires à adapter la taille des panneaux et non des affiches, à une triple condition : qu'il y ait plus de quinze candidats, que les panneaux dont elle dispose soient en nombre insuffisant et que l'égalité de traitement des candidats soit respectée.

Je salue la qualité du rapport de la commission des lois et celle des échanges que nous avons eus. J'adhère pleinement aux évolutions introduites par la commission des lois.

Ma proposition de loi comptait un second article sur les bulletins de vote. Lors des élections européennes, l'impression des bulletins à domicile a augmenté. Or le grammage du papier doit être de 70 grammes par mètre carré, au gramme près, alors que les ramettes de papier en circulation se situent plutôt à 80 grammes. En outre, les présidents de bureau de vote sont bien incapables de juger du grammage des bulletins - nous le savons bien pour l'avoir été nous-mêmes. Le Gouvernement a résolu par décret cette difficulté en décembre dernier en proposant un grammage entre 60 et 80 grammes, comme je l'avais fait dans l'article 2 du texte, qui a donc été supprimé à bon droit par la commission des lois, qui a ensuite ajouté d'autres articles.

C'est ainsi que nous pourrons adapter les panneaux à l'explosion du nombre des candidats dans les années à venir. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC)

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois .  - Ce texte a été déposé en réaction aux élections européennes de mai dernier. Beaucoup de maires ont manqué de panneaux électoraux pour les 34 listes candidates. L'obligation d'affichage électoral remonte à 1914, dans un but d'égalité entre les candidats. Le Sénat, par la bouche d'Alexandre Bérard, déplorait déjà « la multiplicité des affiches », qui donnait aux « candidats riches une supériorité inique relativement à leurs concurrents moins fortunés ». Agissant au nom de l'État qui leur verse une dotation pour frais d'assemblée électorale, les communes installent les panneaux pour tous les scrutins à l'exception des sénatoriales. Tous les candidats bénéficient d'une surface identique. L'État rembourse les dépenses des candidats qui ont recueilli plus de 5 % des voix.

Les maires ont souvent manqué de panneaux lors des dernières élections européennes et n'ont eu que dix jours - dont deux week-ends et un jour férié - pour s'adapter. Ils ont dû scinder en deux ceux dont ils disposaient, en fabriquer par leurs propres moyens ou délimiter des espaces d'affichage sur les murs des bâtiments publics. Ce fut d'autant plus baroque que beaucoup de panneaux sont restés vides, certains candidats ne prévoyant que peu d'affiches.

Le péché originel qui a conduit à ces difficultés tient sans doute à la circonscription unique qui a favorisé une profusion de candidatures : il suffisait ainsi de se trouver 79 colistiers pour s'inviter dans la campagne. Les électeurs ont eu du mal à s'y retrouver dans les 2 686 noms figurant sur les 34 listes. Madame la ministre, vous faisiez valoir que la circonscription unique favoriserait une meilleure intelligibilité du scrutin. On en est loin !

La commission des lois est favorable à ce texte qui permet de mieux accompagner les maires en évitant qu'ils s'en remettent au système D. Elle en a différé l'application pour ne pas interférer dans les prochaines élections municipales.

Les candidats devront préciser dans leur déclaration de candidature s'ils souhaitent ou non bénéficier d'un emplacement d'affichage. On éviterait ainsi d'installer des panneaux qui ne seraient pas utilisés.

À un dispositif de sanctions difficile à mettre en oeuvre, la commission des lois a préféré un système de déclaration sur l'honneur avec droit de remords jusqu'au vendredi précédent le scrutin.

Pour les élections européennes, nous avons accordé une semaine supplémentaire aux communes pour installer leurs panneaux.

Le deuxième dispositif introduit par le texte sur la réduction des dimensions des panneaux électoraux posait des problèmes matériels. Nous l'avons adapté, comme nous le verrons lors de l'examen de l'amendement de M. Piednoir. Il s'agira d'adapter les dimensions en fonction des circonstances locales.

La matérialité du vote et sa dimension solennelle sont essentielles à notre démocratie. La dématérialisation n'incite pas les personnes âgées à voter, encore moins si elles résident dans des zones blanches. Le Gouvernement semble d'ailleurs avoir renoncé à cette idée, après trois échecs consécutifs devant le Parlement.

J'ai reçu avec Alain Richard des imprimeurs, afficheurs, routeurs qui sont inquiets sur le déroulement des élections régionales et départementales de 2021. Le calendrier est très serré. Les candidatures du second tour seront connues le mardi soir ; la commission de propagande se réunira le mercredi et l'envoi des courriers se fera le jeudi.

C'est un risque important pour l'acheminement des professions de foi jusqu'aux citoyens. Madame la ministre, comment éviterez-vous ce nouveau casse-tête ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, Les Indépendants et LaREM)

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Notre droit électoral est fait de règles qui poursuivent toutes le même principe : l'égalité de traitement entre les candidats. Tous doivent disposer d'un emplacement d'affichage à proximité du bureau de vote. Cette règle saine leur garantit qu'ils échapperont aux luttes de collage et les assure d'être vus par les électeurs au moins une fois.

Monsieur Capus, vous soulignez une difficulté que je comprends, en tant qu'ancienne maire d'une commune de 4 500 habitants. Monsieur le rapporteur, vous remarquerez qu'avec 50,2 %, les dernières élections européennes affichent une participation nettement au-dessus des précédentes

M. Stéphane Piednoir.  - N'exagérons rien !

M. François Bonhomme, rapporteur.  - On s'est bousculé !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - ... surtout chez les écologistes !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Les maires ont su se montrer débrouillards...

M. François Bonhomme, rapporteur.  - C'était le concours Lépine !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - ... mais des panneaux sont restés vides. Encore une fois, les dernières élections européennes ont été exceptionnelles. Mais nous devons pouvoir faire face à l'exceptionnel. C'est pourquoi une subvention pour assemblée électorale est décidée à chaque scrutin.

Ce texte risque toutefois d'être inopérant, voire inapplicable. L'absence de dispositif de sanctions notamment manque d'efficacité. L'absence de sanctions conduira toutes les listes à réclamer un panneau par précaution. Des problèmes logistiques insurmontables risquent de se faire jour, en termes de prévision notamment si les listes peuvent changer d'avis en cours de campagne. Je crains que ce texte ne conduise à complexifier notre droit, alors que les objectifs pourraient être atteints par des moyens plus simples.

À l'article premier par exemple, une circulaire suffirait pour réduire la taille des panneaux. Aux dernières élections européennes, les maires ont ainsi été autorisés par circulaire à scinder en deux les panneaux d'affichage.

Enfin, je crains que le texte fasse peser des contraintes trop lourdes sur certains candidats. La liberté laissée aux maires de décider de la taille des affiches pourrait conduire à une rupture d'égalité entre les candidats. Imaginons qu'il faille prévoir plusieurs tailles d'affiches dans une même circonscription...

Gardons de la souplesse à notre droit et adaptons-nous aux situations exceptionnelles. Le Gouvernement ne pourra pas soutenir ce texte. (MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Richard et Marc Laménie applaudissent.)

M. Jean-Marc Gabouty .  - Je comprends les motivations totalement fondées des auteurs de la proposition de loi, qui ont voulu rationaliser les modalités d'affichage, vrai casse-tête lors de la dernière élection européenne.

L'occupation du domaine public est un problème quand il faut un linéaire de 35 mètres - comme ce fut le cas lors de la dernière élection. À Paris, les trottoirs s'en trouvaient encombrés. Cela donne aussi une image de gaspillage de matériaux et de temps des équipes municipales (M. Emmanuel Capus le confirme.)

Lors de sa naissance, l'affiche électorale avait pour vocation d'informer sur le programme du candidat, comme le montrent celles qui sont exposées au Sénat près de la salle Clemenceau. Aujourd'hui, elle n'a plus aucun rôle pédagogique et consiste à faire du marketing avec un slogan simple, donc court.

Dans le cadre des élections européennes, la meilleure solution serait d'établir un filtre pour réduire le nombre de listes. La déclaration d'intention d'utiliser le panneau est une bonne idée, mais on ne peut pas imaginer un affichage à géométrie variable en fonction des communes en dehors des municipales : cela coûterait plus cher au candidat et donc, en cas de remboursement, pour l'État.

M. Stéphane Piednoir.  - Très bien !

M. Jean-Marc Gabouty.  - Ce serait inéquitable. Comment diviser par deux les panneaux ? En largeur ou en hauteur ? (Sourires)

M. Pierre Ouzoulias.  - En biais !

M. Jean-Marc Gabouty.  - Les bulletins sont censés avoir un grammage de 70 grammes par mètre carré, comme le prévoit le décret du 27 décembre 2019 et le confirme l'arrêté du 24 janvier 2020 sur les élections municipales, sous peine de ne pas être remboursés.

L'article R 170 du code électoral affirme cependant que les bulletins ne sont pas nuls entre 60 et 80 grammes par mètre carré. Il y a un manque de cohérence dans la réglementation. J'aurais donc préféré conserver l'article 2 du texte initial.

La réglementation ne pose pas un problème seulement pour l'auto-impression des bulletins, mais aussi pour l'approvisionnement des imprimeurs car le 70 grammes est bien plus rare que l'offset 80 grammes - le plus courant. On le saurait si on écoutait un peu moins ceux qui ont intérêt à ce qu'on utilise le 70 grammes... Le prix finira par grimper artificiellement et les imprimeurs pourraient finir par le payer plus cher que le 80 grammes !

Je suis imprimeur, je sais de quoi je parle. Que cela serve de déclaration d'intérêts ! (Sourires)

M. Pierre Ouzoulias.  - Il faut défendre les imprimeurs !

M. Jean-Marc Gabouty.  - Ravi du titre de la proposition de loi, j'ai été déçu que l'un des sujets abordés soit supprimé et l'autre maltraité (Sourires). Un balayage plus général du code électoral me semblerait nécessaire.

M. le Président. - Concluez.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Je préciserai ma position lors des explications de vote.

M. Alain Richard .  - Le débat de cet après-midi a un parfum de terroir. C'est vivifiant !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - C'est sympathique !

Cela nous rappelle l'importance de l'affichage électoral, tradition républicaine qui a gardé tout son sens et qui est un des éléments de contact entre les candidats et les électeurs.

L'excédent de candidats, comme cela fut le cas lors des dernières élections européennes, pose des problèmes de nombre de panneaux.

La ministre a cependant montré les limites de la proposition de loi. La rupture d'engagement quant au collage d'affiches n'est pas sanctionnée dans la loi, mais il devrait toutefois y avoir sanction morale puisque les maires ne manqueraient pas de s'exprimer et les électeurs sauraient que le candidat concerné a occasionné un gaspillage. Le dispositif, tel qu'amélioré par les travaux de la commission, est donc une solution pratique appréciable.

M. Emmanuel Capus.  - Très bien !

M. Alain Richard.  - Le rapporteur François Bonhomme rouvre une querelle qui nous avait opposés sur les modalités de l'élection européenne. Fait rare, le texte avait été adopté sans le soutien de la majorité sénatoriale - je comprends donc son énervement... (Sourires)

La commission avait pourtant eu la courtoisie de me proposer d'être le rapporteur du projet de loi à l'époque. La circonscription régionale peut aussi conduire au dépôt de nombreuses listes. En 2014, nous en avions 27 en Île-de-France.

L'attractivité de l'élection européenne est liée aux quelques minutes d'audiovisuel public qu'elle fournit à certaines idées qui ont parfois un lien très lointain avec le Parlement européen.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Le quart d'heure de célébrité de Warhol !

M. Alain Richard.  - Absolument ! Je n'avais pas eu le cran d'instaurer un filtre, contrairement à ce qui se fait ailleurs ou dans d'autres élections. Il serait utile de l'instaurer. Aux autres élections, il y a toujours un modérateur, qu'il s'agisse du nombre de candidats à trouver pour les municipales ou de la faible chance d'atteindre un deuxième tour décisif pour les départementales. Aux législatives mêmes, qui pourtant déterminent le financement des partis, il n'y a qu'en milieu urbain que l'on atteint 18 à 20 candidats. À l'élection européenne, 15 listes ont obtenu moins de 0,1 % des voix, soit moins d'un électeur tous les deux bureaux de vote. Je travaille sur le sujet.

Par ailleurs, les professionnels de la logistique électorale nous ont alertés sur le risque de non-transmission à temps des matériaux de propagande entre les deux tours des élections régionales si nous gardons un écart de huit jours. En effet, bon nombre de listes seront modifiées. « À la septième fois, les murailles tombèrent. » a écrit Victor Hugo. (M. Emmanuel Capus applaudit.)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Je suis à la peine. Qui ne voudrait pas faciliter la vie des maires ? Le problème est permanent. À une époque, la manie était de fusionner élections régionales et cantonales pour des raisons nobles - améliorer la participation, ce qui est douteux - ou moins nobles. On se retrouvait à devoir gérer la propagande. On n'était pas content mais on l'a fait.

Faut-il tirer des leçons générales d'un cas particulier ? Plus on sera précis sur grammage... et pâturage (Sourires), plus on tombera sur des curiosités et on suscitera des contentieux.

La commission des lois propose des améliorations comme de ne pas sanctionner quelqu'un qui demande un emplacement d'affichage et ne l'utilise finalement pas. Dans les grandes villes, cela n'a pas d'importance, mais dans les communes moyennes, l'affichage militant est important. Il ne semble pas nécessaire de rigidifier trop le système d'autorisation.

Les petits candidats verront leur tâche encore plus complexe et difficile. Le mieux est de s'en remettre à la créativité des maires...

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Laquelle est sans limite !

M. Pierre-Yves Collombat.  - ... et à leur capacité de bricolage, qui fait le charme de la fonction.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Voilà qui est bien libéral !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Pour une fois, madame la ministre, moi qui m'oppose souvent au Gouvernement, à tous les gouvernements, je suis désolé, je serai d'accord avec vous. (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Philippe Bas, président de la commission, applaudit également.)

Mme Françoise Gatel .  - Au-delà de l'aspect « terroir », pour reprendre l'expression d'Alain Richard, ce texte soulève une vraie question. Je remercie M. Capus pour son initiative. Il est nécessaire d'anticiper le prochain problème de même nature. Je salue le travail du rapporteur Bonhomme.

Cette proposition de loi rappelle le casse-tête de l'élection européenne de 2019 qui a vu s'affronter 34 listes. L'affichage électoral a nécessité 2,5 millions de panneaux. Par exemple la commune de Morbecque, de 2 538 habitants, a dû installer 102 panneaux dont la moitié est demeurée sans affiche, ce qui a valu à son maire les foudres des habitants qui ne comprenaient pas de tels investissements. Les maires ont été jusqu'à organiser des ateliers de bricolage chez eux et il faut encourager leur ingéniosité.

Les panneaux électoraux sont garants de l'égalité entre les candidats. Il y a sans doute à s'interroger sur les filtres à imposer à ceux qui veulent être candidats. Cela éviterait aux maires des migraines. Je suis d'accord avec M. le rapporteur sur la sanction : un citoyen qui veut servir l'intérêt général ne devrait pas s'autoriser une quelconque légèreté de comportement.

La propagande électorale envoyée à domicile informe dans les meilleures conditions tous les citoyens. C'est important pour la démocratie. Je remercie donc le rapporteur pour son initiative sur le calendrier des élections : dix jours, c'est un délai trop court. Cette proposition de loi rappelle aussi le débat sur la dématérialisation de la propagande électorale.

Le groupe UC votera cette proposition de loi dans la rédaction de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées des groupeUC et Les Indépendants et sur le banc de la commission ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Laurence Harribey .  - En tant que maire, j'ai dû bricoler, mais mon problème n'était pas tant les panneaux que les murs. Peut-être faudrait-il un autre texte pour traiter de ce sujet... (Sourires)

Cette proposition de loi a vu son second volet sur les bulletins satisfait par un décret de 2019. Il ne reste donc que le dispositif sur l'affichage, pour lesquels les maires ont obligation d'installer des panneaux, ce qui peut devenir un casse-tête.

Les 34 listes de l'élection européenne ont présenté un casse-tête. En outre, les panneaux n'ont pas tous été utilisés.

La proposition de loi initiale obligeait les candidats à déclarer s'ils souhaitaient faire usage d'un panneau et prévoyait des sanctions si le panneau n'était pas utilisé. Mais il n'est pas si simple d'en constater l'usage.

Éviter une insécurité financière était l'un des objectifs du texte. La suppression du régime de sanctions par la commission est donc satisfaisante. Un régime d'autorisation nous semble préférable. La proposition de loi proposait que la taille des affiches puisse être adaptée, mais cela aurait contraint les candidats dans des délais très courts. Par exemple, la campagne officielle des prochaines municipales commencera le 2 mars à 0 heure et la clôture du dépôt des candidatures aura lieu le 27 février à 18 heures. Le rapporteur s'est montré créatif en autorisant le maire à adapter la dimension des panneaux si plus de 15 candidats se présentent.

Le texte ne pose pas de problème juridique particulier mais a peu de chances d'aboutir. Nous le voterons, pour que les maires continuent à faire preuve de créativité. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, Les indépendants et LaREM)

M. Emmanuel Capus.  - Très bien !

M. Cyril Pellevat .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Je salue le travail réalisé par le rapporteur. Cette proposition de loi tire les leçons des dernières élections européennes. Avec 34 listes, certaines communes ont été confrontées à un manque de panneaux. Les maires, sans moyens supplémentaires, ont dû trouver des solutions. Hélas, les panneaux ainsi installés n'ont pas tous été utilisés.

La proposition de loi prévoyait une déclaration assortie d'une sanction en cas de non-utilisation des panneaux, que la commission a supprimée. Celle-ci a également transformé la possibilité pour le maire de réduire la taille des affiches en possibilité d'adapter la taille des panneaux. Les dispositions assouplissant la norme de grammage du papier des bulletins, ayant été satisfaites par un décret, ont aussi été supprimées.

Je suis favorable à l'auto-impression des bulletins, mais il faut aller plus loin. L'impression des bulletins de vote par millions alors que la quasi-totalité est détruite sans jamais avoir servi est un désastre écologique. J'ai ainsi déposé une proposition de loi pour instaurer un bulletin de vote unique, comme cela existe en Allemagne, en Belgique et aux États-Unis. Cela aurait des vertus écologiques, car lors des élections présidentielles de 2017, pas moins de 1 300 tonnes de papier ont été utilisées pour produire les bulletins ; avec un bulletin unique, on passerait à 110 tonnes.

Enfin, le dispositif favoriserait aussi une plus grande égalité entre les parties, les petits partis n'ayant pas les moyens d'imprimer des bulletins pouvant figurer sur le bulletin unique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)

M. Stéphane Piednoir .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Simplifier la propagande électorale ne doit pas conduire à museler le débat démocratique. Après les 16 candidats à l'élection présidentielle de 2002, un nouveau record est tombé en 2019 avec 34 listes aux élections européennes, soulevant des problèmes techniques dans les communes liées à la réception des professions de foi et à l'installation des panneaux électoraux.

Le texte propose des mesures adaptatives, voire punitives, potentiellement différentes d'une commune à l'autre. Je ne crois pas que ce soit la bonne solution. Pourquoi une telle explosion de pseudo vocations politiques ? Certains y voient l'occasion de satisfaire leur égo à moindre frais puisque les dépenses de campagne sont remboursées au-delà de 5 % des votes. Comme le disait un président adepte de la mythologie socialiste de l'inépuisable argent public : « ça ne coûte rien, c'est l'État qui paie ». (Sourires) Même une campagne a minima donne un accès inespéré aux médias pour porter des messages parfois farfelus. Une telle dispersion de l'offre ne contribue pas à éclairer le choix des électeurs.

Il faudrait revoir ce système qui coûte fort cher, entre 26 et 89 millions d'euros par élection, selon un rapport sénatorial de 2015. La question du filtrage, par exemple via des parrainages, mérite d'être posée.

La disposition de la proposition de loi prévoyant des sanctions, inapplicable, a judicieusement été supprimée par la commission des lois.

Celle relative au lien entre le nombre de panneaux et les déclarations d'intention des candidats apparaît en revanche pertinente.

Je m'interroge enfin sur la faisabilité de la mesure permettant de réduire la taille des panneaux d'affichage lorsque le nombre de candidatures est supérieur ou égale à quinze. La décision interviendrait à la clôture du dépôt des listes, quinze jours avant le premier tour, ce qui poserait de sérieux problèmes logistiques aux candidats qui auront déjà imprimé leurs affiches... Va-t-on faire se chevaucher des affiches trop grandes pour les formats de panneaux ? S'en saisir pour cacher un soutien gênant ?

La proposition de loi, bien intentionnée mais fragile, ne me semble pas de bon sens, même si elle a le mérite de poser d'intéressantes questions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Ladislas Poniatowski.  - Excellent !

M. Marc Laménie .  - Je salue l'auteur de la proposition de loi et son rapporteur. Les problèmes abordés par le texte sont bien connus des élus locaux que nous avons tous été. Maire d'un village de 160 âmes dans les Ardennes, je devais faire avec six panneaux métalliques, en mettant deux affiches par panneau ; heureusement, mes employés communaux avaient des talents de menuisiers... (Sourires)

Au-delà de l'affichage, le nombre élevé de circulaires représente aussi une charge considérable et demande toute une organisation.

Je reste, pour ma part, attaché au papier : il ne faut pas aller trop loin dans la dématérialisation. Aucun texte n'est parfait, mais le problème de la multiplication des listes aux différentes élections mérite d'être traité. L'installation des panneaux a un coût pour la collectivité, or nous sommes responsables du bon usage des deniers publics. Il convient de rechercher des économies tout en garantissant l'équité entre les candidats. Merci à M. Capus et à la commission des lois, et restons positifs ! (Applaudissements)

M. Jean-Louis Lagourgue .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) Cette proposition de loi entend tirer les leçons des élections européennes de 2019. Pour assurer l'égalité entre candidats, les communes installent des panneaux, sauf pour les élections sénatoriales, en respectant des règles précises concernant la taille, l'ordre et l'emplacement. Le système a trouvé ses limites lors des dernières élections européennes qui ont vu s'affronter 34 listes, même si seule une quinzaine aurait apposé des affiches.

La proposition de loi apporte des réponses pratiques aux problèmes des territoires. L'article premier renforce la visibilité des communes en s'inspirant du régime applicable aux élections municipales dans les communes de moins de 1 000 habitants : les candidats devront préciser s'ils souhaitent ou non réserver un panneau. S'ils ne l'utilisent pas, ils seront sanctionnés.

Le texte optimise également les conditions d'utilisation des panneaux d'affichage. Un décret en Conseil d'État fixera le nombre et la dimension des affiches, qui pourront être réduits de moitié s'il y a plus de quinze candidats. La commission a instauré une certaine souplesse avec un droit au remord et la possibilité de solliciter l'installation de panneaux jusqu'au vendredi précédant le début de la campagne. La commission a également supprimé la disposition de sanction, disproportionnée pour les candidats de bonne foi et complexe à mettre en oeuvre pour les maires.

Plutôt que la réduction de la dimension des affiches au-delà de quinze candidats, la commission a préféré un dispositif plus souple : le maire pourra adapter la dimension des panneaux, à condition de maintenir une égalité entre les candidats. Soucieux de répondre aux préoccupations des collectivités territoriales, mon groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants ; M. Marc Laménie applaudit également.)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Les amendements nos3 et 4 ne sont pas défendus.

ARTICLE PREMIER

L'amendement n°5 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, M. Paccaud, Mmes Noël et de Cidrac, MM. Morisset et Bascher, Mmes Gruny et Dumas, MM. Chaize, Mouiller, Lefèvre et Saury, Mme Procaccia, MM. J.M. Boyer, Pellevat et Poniatowski, Mme Lassarade, M. Savin, Mme L. Darcos, MM. Longuet, Babary, Vaspart et Rapin, Mmes Imbert, Bories et A.M. Bertrand, M. Charon, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Bonne et Danesi, Mmes Micouleau et Garriaud-Maylam et MM. B. Fournier et Laménie.

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

M. Stéphane Piednoir.  - Réduire la dimension des panneaux dans le cas où plus de quinze candidats seraient déclarés et où la commune ne disposerait pas d'un nombre suffisant de panneaux me semble difficilement applicable sur le terrain.

Pour les élections municipales, la campagne officielle débute trois jours après la clôture des déclarations de candidatures. À ce stade, les affiches sont déjà imprimées. Or comment ne pas changer la dimension des affiches dès lors que l'on change la dimension des panneaux ?

Cette mesure, manifestement réglementaire, ne rend pas service, d'autant que le Gouvernement peut toujours proposer un dispositif adapté en cas d'afflux de candidatures.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Je remercie M. Piednoir d'avoir soulevé ce sujet. La proposition de loi initiale risquait en effet de condamner un grand nombre d'affiches au pilon. Dans un souci de compromis, la commission des lois a adopté un dispositif plus souple en autorisant le maire à adapter la taille des panneaux, qui pourront être scindés en deux. Je préfère m'en tenir à ce compromis, même si je comprends votre point de vue. Avis défavorable.

M. Ladislas Poniatowski.  - Demander le retrait eût été plus élégant.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis favorable. Le Gouvernement a dit ses réserves sur l'alinéa 8 qui ne précise pas dans quelle mesure le maire peut réduire la dimension des panneaux.

La taille des affiches étant, elle, fixée par décret, on risque de se retrouver avec des affiches inadaptées aux panneaux : cela porterait atteinte à la liberté d'expression des candidats. La taille des panneaux décidée par le maire pourrait être inférieure à celle des affiches déjà imprimées. Une solution existe déjà pour les maires en cas de candidatures pléthoriques.

M. Alain Richard.  - Cela me désole de manifester ne serait-ce que la plus petite différence avec le Gouvernement (Sourires), mais la difficulté soulevée me semble surmontable. Les panneaux sont bien plus grands que la taille des affiches, qui est toujours de 60 sur 80 centimètres. Nous le savons pour en avoir tous collé.

M. Gérard Longuet.  - Ou décollé.

M. Ladislas Poniatowski.  - Pas forcément les mêmes.

M. Alain Richard.  - Les maires savent diviser les panneaux de sorte qu'il reste au moins 60 centimètres de large, ou 80 en cas d'affiche à l'italienne. L'amendement me paraît inutile. (M. Emmanuel Capus applaudit.)

M. Jean-Marc Gabouty.  - Le texte est inopérant puisque le problème est celui du manque de panneaux, pas de leur taille. Les maires ne vont pas raboter tous leurs panneaux pour fabriquer un panneau supplémentaire avec les bouts ! (Rires) Le plus souvent, on les coupe en deux.

La plupart des affiches sont imprimées avant le délai dans lequel le maire doit prendre sa décision. L'affiche sert d'identification, ce n'est plus un programme à lire, comme il y a un siècle. Le nombre de panneaux a déjà été réduit, notamment dans les communes rurales. Faut-il envisager d'en réduire la superficie ? Je rappelle que la loi autorise deux affiches identiques par panneau. Est-ce indispensable ? Cela peut faire partie du toilettage nécessaire, madame la ministre.

À la limite, je préférais le dispositif initial qui prévoyait une sanction. Là, le maire va être embêté... Bref, la mesure n'est pas opérationnelle.

M. Stéphane Piednoir.  - Je me satisfais, comme M. Collombat, de rejoindre le Gouvernement sur ce point particulier. Monsieur Richard, ce que vous venez de dire est parfaitement dans la ligne de la ministre : c'est d'ordre réglementaire. Une circulaire suffit pour indiquer aux maires ce qu'ils ont à faire. Nous sommes tous d'accord : je vous enjoins donc à voter cet amendement !

M. Emmanuel Capus.  - M. Piednoir s'inquiète que l'on mette au pilon des affiches imprimées en amont qui ne correspondraient pas à la taille décidée par les maires. La commission des lois en a tenu compte en autorisant le maire à adapter la taille des panneaux plutôt que celle des affiches. M. Piednoir, agrégé de mathématiques, sait parfaitement qu'on peut faire entrer plusieurs affiches sur un panneau. Je fais confiance aux maires pour réduire les panneaux au minimum à la taille de l'affiche. La commission des lois a fait preuve de sagesse. Je ne voterai donc pas l'amendement de mon excellent collègue angevin.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Si j'avais encore quelques doutes, ce débat me montre que moins on en mettra dans le texte, mieux ce sera ! (Sourires)

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié ter, présenté par M. Paccaud, Mme A.M. Bertrand, M. J.M. Boyer, Mme Bruguière, MM. Capus et Cardoux, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mme L. Darcos, M. Charon, Mmes Deroche et Deromedi, M. Dufaut, Mmes Eustache-Brinio et Garriaud-Maylam, M. Grosdidier, Mme Gruny, M. Houpert, Mme Imbert, MM. Joyandet et Kennel, Mmes Lamure et Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre et Longuet, Mmes Lopez et Noël, MM. Pellevat, Pemezec, Piednoir et Poniatowski, Mme Raimond-Pavero, MM. Rapin, Saury et Savin, Mme Thomas et M. Vaspart.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 52-3 du code électoral, il est inséré un article L. 52-... ainsi rédigé :

« Art. L. 52-....  -  La mention et la présence d'une autre personne que la candidate ou le candidat et sa suppléante ou son suppléant sur les affiches électorales et les bulletins de vote sont interdites. »

M. Olivier Paccaud.  - Venons-en au contenu des affiches ! (Marques de satisfaction)

M. Vincent Segouin.  - Très bien.

M. Olivier Paccaud.  - Lors des dernières élections législatives, les candidats de la majorité présidentielle ont tous fait figurer sur leur affiche électorale le portrait du chef de l'État, candidat dans les 577 circonscriptions. Or on n'est pas député par procuration.

Le Président de la République est le Président de tous les Français, pas le député de tous les Français. On déroge à la sacro-sainte séparation des pouvoirs. Raymond Aron qualifiait la Ve République d'« empire parlementaire » ; elle est de plus en plus monarchique, de moins en moins républicaine.

D'autres candidats choisissent de faire figurer sur leur affiche le leader national de leur mouvement, au risque de générer une forme de confusion, de dépersonnalisation ou d'anonymisation des candidatures.

Je propose que ne puissent figurer que les noms et photographies des candidats et suppléants à l'élection, sur les affiches et bulletins.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Nous avons évoqué le sujet dans la loi Richard. À compter du 30 juin prochain, seul le nom du candidat pourra figurer sur le bulletin de vote, qui gagnera en clarté.

M. Olivier Paccaud.  - Sur le bulletin, oui.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - La question se pose pour les affiches. Dans la Manche, le candidat Lepourry avait pour slogan : « Voter Lepourry, c'est voter de Gaulle ». (Sourires)

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Il a donc été élu. (Sourires)

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Plus récemment, le Président de la République figurait sur les affiches de son parti à la veille des élections européennes. On voit bien la confusion que cela peut introduire.

Cependant les affiches comme les professions de foi, contrairement aux bulletins, sont un espace de libre expression. Les candidats peuvent s'y montrer entourés d'habitants. Difficile de l'interdire. Retrait ou avis défavorable.

Mme Françoise Gatel.  - Quelle sagesse !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - L'article 10 de la loi du 2 décembre 2019, qui entrera en vigueur au 30 juin prochain, règle la question pour les bulletins.

L'interdiction est beaucoup moins justifiée pour les affiches. Auriez-vous oublié ce qui avait cours lors des élections législatives de 2007 ? Il faut laisser le candidat libre d'afficher ses soutiens.

C'est la liberté d'expression. On a même vu, lors d'élections législatives, des candidats n'affichant pas leur propre portrait mais celui d'une autre candidate !

Mme Françoise Gatel.  - C'est vrai.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis défavorable.

M. Jérôme Bascher.  - Je voterai cet amendement. On ne peut parler de liberté d'expression s'agissant d'affiches électorales qui sont strictement encadrées par la loi.

Certains élus aux dernières législatives l'ont été par la volonté d'un chef de parti ou du Président de la République sans avoir jamais connu la réalité du terrain. Nous voulons que les gens sachent pour qui ils votent, même si le Gouvernement préférerait entretenir la confusion, comme le montre la récente circulaire Castaner.

La vieille tradition de la République suppose de revenir à des candidats de terrain, affichant clairement leurs opinions. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Paccaud.  - Le contenu de l'affiche électorale n'est pas libre. Ainsi, la combinaison des couleurs est strictement encadrée par le code électoral : le bleu-blanc-rouge est interdit pour ne pas conférer au document un caractère institutionnel. Si le portrait du Président de la République n'est pas « institutionnel », le mot hypocrisie n'a plus de sens ! Soyons cohérents. L'élection de candidats hors sol élus grâce à l'appui d'un non-candidat est-elle une bonne chose pour la démocratie ? Je ne le pense pas.

M. Laurent Duplomb.  - Je voterai cet amendement. Quand on autorise une autre personne que le candidat sur l'affiche, il y a tromperie sur la marchandise. Faire figurer le titulaire sans son suppléant, mais avec un autre, est un manque de respect pour l'électeur. Il y a tromperie : on ne peut pas être candidat à l'élection présidentielle et candidat à l'élection législative ! En outre, l'électeur vote tant pour le titulaire que pour le suppléant. Ce dernier doit être présent sur l'affiche. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Jérôme Bascher.  - Question de traçabilité !

M. Jean-Marc Gabouty.  - Ces pratiques ne sont pas nouvelles. Lors des législatives de 2012, j'avais face à moi une candidate qui faisait figurer le Président de la République sur son affiche. La faute à l'inversion du calendrier électoral ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Les élections législatives sont devenues des élections subsidiaires de l'élection présidentielle. (Même mouvement)

Qu'un chef de file national, régional ou départemental figure sur l'affiche ne me choque pas.

M. Olivier Paccaud.  - Cela vaut pour la profession de foi, pas pour l'affiche.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Interdire toute référence à un chef de file sur l'affiche reviendrait à anonymiser la candidature, à la neutraliser.

M. Olivier Paccaud.  - Au contraire ! On peut toujours mettre le logo du parti.

M. Ladislas Poniatowski.  - Je voterai pour cet amendement, car son auteur est excellent !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Si l'on est contre l'hypocrisie, suivons donc M. Gabouty ! Oui, l'origine du problème tient à l'inversion du calendrier électoral. Le Président de la République est devenu le chef de la majorité de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire le chef de tout.

M. Stéphane Piednoir.  - Ce n'est pas l'objet de la proposition de loi.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Il n'y a plus de séparation de pouvoirs. Cela vous aurait-il échappé ? Nous allons déposer une proposition de loi pour inverser le calendrier électoral. Je suis sûr que vous la voterez.

M. Olivier Paccaud.  - Chiche !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Lors des élections législatives mais aussi cantonales, il s'agit d'apporter son soutien à un exécutif. Il n'est pas inutile pour l'électeur de savoir que tel candidat compte soutenir le Président de la République ou le potentiel président du conseil départemental. Nous sommes arrivés à une forme d'hystérisation qui exige un débat de fond.

M. Pierre-Yves Collombat.  - On ne les aborde jamais...

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Malgré ma sympathie pour l'inspiration de l'amendement, je reste convaincu que la loyauté en démocratie et l'information des électeurs reposent en partie, selon moi, sur le fait de savoir si le candidat soutient ou non le Président de la République. Quoi de mieux, dans une démocratie incarnée, qu'une photo pour le signifier ? Tous les partis politiques ont utilisé cette faculté après l'élection de leur candidat à la présidence de la République. La clarté due aux électeurs suppose de maintenir ce type d'informations sur les affiches électorales.

M. Ladislas Poniatowski.  - Pas sûr...

L'amendement n°7 rectifié ter n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER BIS

M. Jean-Marc Gabouty .  - La concomitance des élections régionales et départementales est source d'inquiétudes. Dépôt des listes, possibilité de fusion, rédaction de nouvelles professions de foi, impressions, tout cela suppose des délais. Les imprimeurs ne sont pas forcément les mêmes pour les élections régionales et départementales pour des questions de capacité matérielle liée aux volumes.

Les élections régionales exigent des moyens importants alors que le délai est extrêmement court. Une organisation par territoire peut faciliter le processus. Il faudrait que les bulletins des régions soient imprimés dans chaque région. Le papier n'est pas le problème, il est recyclable six fois ; l'empreinte carbone est clairement dans le transport des imprimés d'un bout à l'autre du territoire.

L'article premier bis est adopté.

L'article 2 demeure supprimé.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Bonhomme, au nom de la commission.

Alinéa 4

Remplacer les mots :

n° 2018-509 du 25 juin 2018 relative à l'élection des représentants au Parlement européen

par les mots :

n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Coordination avec la loi Richard du 2 décembre 2019.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°8 est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

L'article 4 est adopté.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. François Bonhomme, rapporteur .  - La concomitance des élections cantonales et régionales risque de poser des problèmes d'organisation inédits, et donc des polémiques. Je ne vois pas ce que le Gouvernement fait pour éviter cet écueil...

Mme Jacqueline Gourault, ministre .  - Je transmettrai vos remarques au ministre de l'Intérieur, responsable des élections ; il vous apportera une réponse.

La séance est suspendue quelques instants.

Le foncier agricole : les outils de régulations sont-ils toujours pertinents ?

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « le foncier agricole : les outils de régulations sont-ils toujours pertinents ? » à la demande du groupe Les Indépendants.

M. Franck Menonville, pour le groupe Les Indépendants .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et Les Républicains.) Je remercie Alain Fouché à l'origine de ce débat.

M. Emmanuel Capus.  - Excellent !

M. Franck Menonville.  - Dans Utopie foncière, Edgard Pisani écrit : « J'ai longtemps cru que le problème foncier était de nature juridique, technique, économique et qu'une bonne dose d'ingéniosité suffirait à le résoudre. J'ai lentement découvert qu'il était le problème politique le plus significatif qui soit, parce que nos définitions et nos pratiques foncières fondent tout à la fois notre civilisation et notre système de pouvoir, façonnent nos comportements. »

Notre politique foncière agricole s'est construite à l'issue de la Seconde Guerre mondiale pour atteindre l'autonomie alimentaire. Elle a été renforcée dans les années 1950 par la politique agricole commune (PAC). Les structures agricoles ont été profondément modifiées.

Les lois de 1960 et 1962 ont profondément changé le paysage agricole et rural français en créant les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) qui bénéficient d'un droit de préemption, en promouvant les structures d'exploitation familiales, en établissant la parité des revenus entre l'agriculture et les autres usages du foncier.

L'État s'est doté d'outils de maîtrise de cette politique foncière.

La loi de 1960 a consolidé, élargi et modernisé le statut du fermage de 1946, conforté ensuite dans les années soixante-dix.

Les outils d'organisation du foncier sont aujourd'hui fragilisés par l'évolution de la structuration de notre agriculture, de plus en plus sociétaire.

Les exploitations sont moins nombreuses et plus capitalistiques. Elles prennent le plus souvent la forme de groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC), d'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL), de société civile d'exploitation agricole (SCEA), et de société anonyme (SA), mais aussi de groupement foncier agricole (GFA) et de société civile immobilière (SCI).

Ce développement limite les possibilités des Safer, tout en ouvrant la voie à une financiarisation croissante du foncier et à des acquisitions extérieures non contrôlées et non régulées pouvant générer des concentrations foncières très importantes. C'est particulièrement le cas dans le secteur viticole.

Les modes classiques de faire valoir indirect, tel le fermage, sont concurrencés par le travail à façon. Les exploitants font réaliser leurs travaux par des entreprises, à 12 %. Nous devons réfléchir au statut de l'exploitant agricole. Bien d'autres sujets sont importants, notamment les enjeux environnementaux : artificialisation des sols, compensation.

D'autres acteurs interviennent aussi dans l'aménagement foncier. Les collectivités jouent un rôle essentiel dans l'aménagement du territoire. Le notariat, qui contribue grandement à la transparence du foncier, a consacré son congrès 2018 au foncier agricole.

La nécessité d'un ajustement législatif est incontournable pour moderniser nos outils de régulation. Ces outils, depuis soixante ans, ont permis à notre agriculture d'être moderne, performante et diversifiée, avec en fil conducteur notre souveraineté alimentaire et agricole.

Évaluons la pertinence des outils de régulation pour pouvoir les adapter aux réalités d'aujourd'hui.

Une ligne de crête est à trouver. Edgard Pisani nous enjoignait à cesser de toujours mettre en avant les difficultés à faire les choses et à les faire effectivement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, UC et Les Républicains ; M. Guy Cabanel applaudit également.)

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Merci, monsieur Menonville, d'avoir pris l'initiative de ce débat, avec votre groupe. J'ai eu l'occasion récemment d'assister à l'hommage qui vous a été rendu par le président de la fédération nationale des Safer pour votre engagement à ses côtés. Merci aussi d'avoir cité Edgard Pisani, plus grand ministre de l'Agriculture de l'histoire...

M. Emmanuel Capus.  - Jusqu'à présent !

M. Didier Guillaume, ministre.  - Le Gouvernement s'est saisi du sujet. D'abord, le foncier est un pilier de l'agenda rural.

Ensuite, le Président de la République, l'an dernier, à l'ouverture du salon de l'agriculture, a annoncé la réflexion sur une loi foncière. Nous y travaillons.

Le foncier est un préalable à notre souveraineté alimentaire. Tout commence par le sol. La défense de notre modèle passe par la régulation du foncier.

J'entends vos propos sur la nécessité de réformer nos outils de régulation et les critiques sur leur manque d'efficacité mais commençons par poser que nous en avons besoin, qu'ils sont absolument indispensables. Notre arsenal de régulation, particulièrement complet, est analysé, au moment même où nous voulons aller plus loin, par des pays agricoles, y compris par nos proches voisins, comme l'Allemagne et la République tchèque.

Tout a commencé par le statut d'ordre public du fermage, acquis fondamental des années soixante, qui limite la liberté contractuelle du propriétaire et de l'exploitant. Il garantissait au fermier le bénéfice de ses gains de productivité et permettait la stabilité de l'exploitation.

Dans les années soixante, la création des Safer a répondu aux enjeux du renouvellement. En 2018, grâce aux Safer, plus de 1 800 jeunes exploitants se sont installés sur un total de 15 000 installations. Alors, ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain !

En vingt-cinq ans, le nombre de petites et moyennes exploitations a été divisé par trois. La moitié des agriculteurs prendront leur retraite dans les dix années qui viennent.

L'artificialisation des sols est un drame mais il est difficile de regarder avec les yeux d'aujourd'hui ce qui a été fait hier. On avait alors besoin de logements, de lotissements, les villages s'étendaient en conséquence.

Il en va différemment aujourd'hui. L'objectif du Gouvernement comme de la profession, c'est zéro artificialisation nette. C'est pourquoi nous avons mené une immense consultation avec toutes les parties prenantes, du printemps à l'automne 2019. C'était indispensable : la profession doit être aux côtés des politiques.

Les orientations sont simples : l'installation et l'accès au foncier et le contrôle des structures. Il faut être vigilant sur les achats de bonnes terres par des structures financières. Nous devons aussi avancer sur le statut du fermage.

Les Safer restent un outil essentiel. C'est avec elles qu'il nous faudra avancer, de manière réglementaire - cela doit se faire très vite - comme législative. Un projet de loi - plutôt qu'une proposition - sera déposé sur le sujet. Mais n'incluons pas tous les sujets d'urbanisme dans ce projet de loi sans quoi nous manquerons notre cible.

J'en appelle à votre sagesse. Oui, les outils de régulation sont toujours pertinents, mais il faut améliorer leur pertinence. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE ; M. Marc Laménie applaudit aussi.)

Mme Noëlle Rauscent .  - L'accès au foncier reste difficile pour les agriculteurs qui souhaitent s'installer. Seuls 8,5 % de nos agriculteurs ont moins de 35 ans. Nous devons favoriser le renouvellement générationnel. Toute décision de passer une terre agricole en terrain constructible doit être justifiée. Il faut aussi réserver les panneaux photovoltaïques aux bâtiments.

Les commissions départementales d'orientation agricole (CDOA) ne sont plus que des chambres d'enregistrement. Le foncier est accaparé par des investisseurs étrangers ou des installations de loisirs. Je ne suis pas favorable à une refonte complète de nos outils de régulation, mais pour une rénovation et un renforcement. Seuls un véritable statut de l'agriculteur professionnel et un registre listant des droits et des devoirs nous aideront.

Comment allez-vous favoriser l'accès au foncier des jeunes agriculteurs ?

M. Didier Guillaume, ministre.  - Le vrai sujet, c'est la concentration et l'agrandissement du foncier. L'installation pose effectivement problème ; les jeunes agriculteurs ont beaucoup d'idées pour la favoriser.

Ma ligne est simple : non aux panneaux photovoltaïques au sol, même à deux mètres au-dessus d'animaux. Ce n'est pas notre modèle ! (M. Pierre Louault esquisse un geste.) Sauf exception, bien sûr ! Tout de même, les sols sont faits pour l'agriculture, non pour l'énergie. L'accès au foncier doit être facilité aux agriculteurs.

M. Laurent Duplomb .  - Quand vous affirmez ne pas vouloir revenir sur les règles régentant le foncier agricole, je m'en félicite.

Mais j'entends par ailleurs une petite musique sur la définition du foncier agricole. On y adjoint le terme de « nourricier ». Cela m'interroge sur le droit de propriété, dans sa définition française, inscrite à l'article 17 de la Constitution, qui est d'user, de jouir et de disposer, si le foncier nourricier devient un bien commun.

Si cela conduit à une reconnaissance du labeur agricole, pourquoi pas, mais j'en doute. Ceux qui défendent cette définition veulent imposer leurs vues aux agriculteurs quant à leur façon de cultiver. Cette question sera lancinante au long de notre débat.

M. Didier Guillaume, ministre.  - La Constitution, c'est la Constitution. Le Gouvernement n'a aucune intention de changer l'article 17.

Nous voulons travailler dans le cadre de la concertation non sur le foncier nourricier mais sur le fait que le droit de propriété du foncier agricole est donné à un exploitant agricole à titre majoritaire. On a des chiffres, notamment dans le Bordelais, qui ne sont pas considérables, mais il faut tout de même rester vigilants.

Nous voulons cadenasser l'accès au foncier agricole pour le réserver aux agriculteurs.

Il n'est aucunement question de changer le droit de propriété. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jérôme Bignon .  - Pour remédier à la disette, la France a remembré, irrigué, artificialisé les sols après la Seconde Guerre mondiale, au service d'une agriculture « pétrolière » utilisant sans limite les matières et les énergies fossiles. D'où 20 000 remembrements, 500 000 kilomètres de haies supprimées, des milliers de champs drainés ou irrigués, des milliers de mares supprimées, des cours d'eau par centaines de kilomètres rectifiés, des milliers d'hectares de zones humides retournées. La note sera lourde pour l'environnement et la planète. Il n'est pourtant pas de meilleur insecticide que l'oiseau, la coccinelle, la grenouille logés dans les arbres, les fossés, les mares, les prairies.

Ne désespérons pas ! L'heureuse réorientation de l'agro-écologie appelle un nouveau projet d'organisation de l'espace. Une loi foncière est attendue. Comme le suggérait Franck Menonville, il faut que qu'elle soit ambitieuse, pour répondre aux souffrances du monde agricole. La notion de localisation agroécologique pertinente des surfaces d'intérêt écologique est importante dans la conditionnalité des aides PAC. L'entretien de ces structures fera l'objet de paiements pour services environnementaux avec le concours des agences de l'eau. Qu'en pensez-vous ?

M. Didier Guillaume, ministre.  - Nous connaissons votre engagement pour l'agriculture de demain. Il faut se garder de tout dogmatisme. S'agissant de la PAC et des services environnementaux, sujets sur lesquels vous avez doublé M. Montaugé (Celui-ci s'en défend.), je suis favorable à leur prise en compte et j'y travaille.

La France doit sortir de sa dépendance aux produits chimiques. Mais l'agriculture de conservation a besoin d'un litre de glyphosate par hectare.

Sans alternative, qu'il convient de chercher, il faudra donc la maintenir. Il faut que les chercheurs travaillent vite à de nouvelles solutions. (M. Patrick Chaize approuve.)

M. Pierre Louault .  - Je remercie le groupe Les Indépendants et M. Menonville pour leur initiative. Nous connaissons l'attachement des Français au droit de propriété, pas même ébranlé par la Révolution, mais cela ne doit pas conduire à fragiliser l'agriculture française en privant les jeunes agriculteurs de la faculté de s'installer.

Il faut moderniser les moyens d'intervention de la Safer à travers des mesures comme les ventes avec cahiers des charges.

Il faut aussi imaginer un moyen de protection de notre patrimoine agricole. Les vignobles en particulier, font partie intégrante de notre patrimoine culturel.

M. Didier Guillaume, ministre.  - La question de la souveraineté est fondamentale. Des sociétés étrangères utilisent des méthodes de contournement bien connues. Mais cette menace doit être relativisée: Seules 1,2 % des transactions réalisées en 2018 est le fait d'étrangers, dont 76 % sont d'origine européenne.

Dans le cadre de la loi Pacte, promulguée en décembre, un décret important a été pris sur les investissements étrangers, passé un peu trop inaperçu à mon avis. Ceux-ci devront être autorisés à compter du 1er juillet 2020 au titre des activités de nature à porter atteinte à l'ordre public, à la sécurité publique aux intérêts de la défense nationale. Cela veut dire que la France pourra dire non.

M. Pierre Louault.  - Il semblerait pour certains que l'herbe pousse mieux à l'ombre des panneaux photovoltaïques, notamment en Normandie. Pourquoi pas ? Laissons la possibilité d'expérimenter !

M. Fabien Gay .  - Ma question porte sur l'avenir du triangle de Gonesse. Il est reproché aux outils de régulations du foncier de ne pas avoir évité l'artificialisation des sols, ni contribué au renouvellement des générations, ni pris en compte les enjeux environnementaux. Le triangle de Gonesse a perdu 10  000 hectares de terre au profit de l'extension urbaine.FC Le projet EuropaCity a été abandonné mais le devenir de ces 670 hectares reste incertain, avec un risque de bétonisation. Il y a peu, la culture maraîchère dominait. Certains souhaitent y revenir, pour développer des circuits courts au plus près de lieux de production, à l'image du projet alternatif Carma (Coopération pour une ambition agricole, rurale et métropolitaine d'avenir) ? Pensez-vous que cela soit possible avec les outils de régulations ? Quid de l'avenir du triangle de Gonesse, monsieur le ministre ?

M. Didier Guillaume, ministre.  - Ce sujet nourrit le débat depuis plusieurs années. Le Président de la République a tranché sur le projet lors d'un conseil de défense écologique : il a dit non. L'heure n'est plus à l'artificialisation des terres pour de grands centres d'achat ou d'autres activités économiques.

Pour autant, le devenir de ce secteur très convoité n'est pas fixé. Le projet choisi devra aller dans le sens de l'agriculture urbaine. La ressource de ce sol est indispensable. Nous nous opposerons à la bétonisation de ce territoire. Je comprends la déception des promoteurs ou des élus locaux au regard des perspectives d'emploi et de développement qu'ils pouvaient en espérer. Mais ce sont des projets du passé. Il faut prévoir les aménagements du futur.

M. Franck Montaugé .  - La gouvernance du foncier agricole, qui avait progressé lors du quinquennat précédent avec Stéphane Le Foll, n'a donné lieu qu'à quelques déclarations d'intention, alors que les enjeux sont multiples : valorisation du foncier agricole, facilitation de la transmission et de l'installation des jeunes, diversification des acteurs agricoles, concurrence loyale et équitable dans l'accès aux terres. Votre Gouvernement envisage-t-il de réguler le foncier agricole en prenant en compte des objectifs en matière d'emploi, d'installation des jeunes, d'attentes des consommateurs ? Selon quel calendrier ? Les Safer auront-elles un pouvoir de contrôle étendu de toutes les cessions de parts de société hors opérations intrafamiliales et de négociation des cas problématiques au regard des enjeux de concentration et de respect des politiques territoriales ?

M. Didier Guillaume, ministre.  - Il ne s'est rien passé, dites-vous ? Il s'est passé énormément de choses sur le foncier depuis un an ! Depuis la loi Le Foll, dont j'étais rapporteur, nous avons beaucoup travaillé avec les Safer sur l'artificialisation des sols. En cas de besoin, il faut prévoir une compensation en terres. Nous consultons sur le foncier depuis le dernier Salon de l'agriculture. Une mission sur le statut du fermage est en cours à l'Assemblée nationale avec Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier et M. Jean-Bernard Sempastous, députés. Les Safer doivent avoir un pouvoir étendu.

M. Franck Montaugé.  - Elles doivent être au coeur de l'action publique rénovée.

M. Henri Cabanel .  - Les Safer sont victimes d'un désengagement financier de l'État qui les finançait initialement à 80 %. Elles sont en conséquence obligées de déstocker le foncier qu'elles avaient en réserve.

Les missions des Safer et des établissements publics fonciers (EPF) régionaux se recoupent parfois. Les EPF reçoivent trois types de ressources : la taxe spéciale d'équipement (TSE) ; les produits de la vente et de la gestion des biens et l'emprunt. Un transfert de ressources via une ponction de la TSE prélevée par les EPF régionaux au bénéfice des Safer semble pertinent. Peut-on l'évaluer ? Comment mieux soutenir financièrement les Safer pour leur permettre d'assumer réellement leurs objectifs ?

M. Didier Guillaume, ministre.  - Nous ne laissons pas les Safer sans moyens ou sans solutions. Elles jouent un rôle majeur et nous souhaitons élargir leurs missions.

Chacun doit travailler de manière coordonnée : Safer et EPF, car leur objectif est similaire.

La loi Pacte, à compter du 1er juillet, permettra d'éviter l'achat de terrain par des sociétés étrangères.

Le projet de loi à venir sera co-construit avec le monde agricole.

M. Henri Cabanel.  - Je ne peux que constater le désengagement de l'État dans le financement des Safer. Il faudrait leur affecter une part de la TSE.

Mme Françoise Férat .  - La maîtrise du foncier est un enjeu essentiel pour les exploitations familiales viticoles et le maintien des équilibres entre le vignoble et le négoce. La fiscalité patrimoniale frappe lourdement les transmissions familiales et fait courir un risque de morcellement et de disparition des exploitations. En Champagne, le nombre d'exploitations moyennes a ainsi reculé de 6 %. Je vous propose, comme je l'avais fait lors du dernier budget, de réduire les droits de succession sur ces terres, de les exonérer de l'IFI, de rendre le contrôle du foncier agricole plus efficient et de rétablir une fiscalité patrimoniale incitative pour les GFA. Qu'en pensez-vous ?

M. Didier Guillaume, ministre.  - La fiscalité appliquée aux transmissions est un sujet vieux comme le monde. Le projet de loi l'évoquera. Nous peinons à régler le problème. La loi de finances pour 2019 a triplé le plafond d'exonération des droits de succession et de donation sur les terres louées par bail à long terme. La mesure est récente et n'a pas encore été évaluée. La loi devra comprendre un volet fiscal, qui ne sera pas simple à négocier avec Bercy. Vos propositions sont de bon sens, en particulier en Champagne, mais elles doivent être expertisées.

Mme Françoise Férat.  - Votre réponse me désole. On dirait, à vous entendre, que rien n'est possible, mais nous devons donner des signes à nos petits viticulteurs.

M. Dominique de Legge .  - Le foncier agricole est largement dominé par l'intervention des Safer, dont, après avoir fait l'éloge, on peut rappeler que la Cour des comptes, en 2014, a pointé certains dévoiements, notamment les accords dits de substitution. Leur coût fiscal s'élèverait à plus de 45 millions d'euros au détriment des départements et des communes et n'ont aucun rapport avec les missions initiales des Safer. Elle permet aux acquéreurs de ne pas s'acquitter de certains droits fiscaux, moyennant une commission pour la Safer.

Allez sur le site de la fédération nationale des Safer, vous pourrez y trouver votre résidence secondaire qui n'est entourée par aucune terre agricole.

Qu'envisagez-vous pour mettre un terme à ce détournement de procédure ?

En matière d'investissement en milieu rural, je ne suis pas sûr que la combinaison du droit de préemption et du mécanisme de fixation du loyer soit attractive.

Enfin, je rejoins Mme Férat : l'IFI sur le foncier agricole est un paradoxe.

On ne peut pas dire à la fois que le foncier ne participe pas à l'économie réelle et qu'il est indispensable à l'agriculture.

M. Didier Guillaume, ministre.  - En effet, votre question prolonge celle de Mme Férat. Modérez votre expression : il n'y a pas de détournement. Selon les régions, l'appréciation sur les Safer peut varier.

Les missions des Safer sont strictement encadrées par la loi. Depuis la loi de 2014, leur champ est très large.

Nous devons améliorer la transparence de leur fonctionnement. Madame Férat, la loi foncière ne fera pas tout, bien évidemment. Il faudra aussi travailler au niveau réglementaire sur le contrôle notamment.

M. Hervé Gillé .  - Le foncier agricole, plus particulièrement viticole, est confronté à de nombreux conflits d'usages. En Gironde le concept des trames pourpres, à l'instar des trames bleues et vertes, permet de combler les dents creuses viticoles en milieu urbain ou en périphérie. Mais nous manquons d'outils de négociation et de compensation opérationnels.

Il serait judicieux d'établir des coopérations fonctionnelles entre les Safer et les EPF pour optimiser les démarches d'urbanisme en respectant tous les acteurs, en particulier les viticulteurs, pour répondre aux enjeux environnementaux et favoriser l'acceptabilité des projets.

Que comptez-vous faire pour résoudre les conflits et tensions liés aux proximités viticoles et urbaines ?

M. Didier Guillaume, ministre.  - Le prix de l'hectare de vigne dans votre territoire reflète précisément les difficultés que vous mentionnez. Des outils de compensation existent mais il faut les améliorer. Peut-être pourriez-vous le faire lors de la prochaine loi de finances ?

La médiation sur la compensation du foncier doit pouvoir se faire. Il y a d'une part les dents creuses, d'autre part les villes qui se développent. Les communes finissent par entrer dans les champs. Ce conflit d'usage doit être réglé. Mon cabinet est à votre disposition.

M. Hervé Gillé.  - Je retiens votre proposition. Les contentieux sur les documents d'urbanisme, de plus en plus nombreux, démontrent l'impuissance publique.

Il est urgent d'installer une médiation.

M. Cyril Pellevat .  - Merci au groupe Les Indépendants pour ce débat et à Laurent Duplomb pour son travail sur le sujet. La politique du foncier représente un atout pour notre pays et mérite d'être préservée. Les Safer ont accompagné la modernisation de l'agriculture en préservant les propriétés familiales, au service d'une agriculture efficace.

Il faut limiter l'acquisition de terres par les pays étrangers. En matière d'accaparement par ces derniers, les outils atteignent leurs limites. Le système peut être amélioré en permettant notamment aux agriculteurs d'acquérir les terres qu'ils exploitent.

Où en est le dispositif Sapin ? Nous devons préserver nos outils tout en les renforçant.

Enfin, il faut éviter le mitage des terres en renforçant les outils de régulation dont disposent les collectivités.

M. Didier Guillaume, ministre.  - Je partage vos propos. À partir du 1er juillet 2020, avec la loi Pacte, la France pourra empêcher l'achat de terres dans le cadre de sa souveraineté ; on recense 1,2 % d'achat de terres par des sociétés étrangères, ce qui n'est pas énorme. Mais sait-on ce que l'avenir nous réserve ? La régulation est indispensable. Les élus de terrain pensent tous la même chose, qu'ils viennent de régions touristiques ou viticoles. Nous y travaillerons avec vous.

Un agriculteur doit pouvoir acquérir ses terres, c'est un principe de base. Le mitage agricole est un vrai problème. Emmanuelle Wargon et Julien Denormandie travaillent sur le sujet. Une feuille de route interministérielle sera définie au printemps prochain.

M. Cyril Pellevat.  - La pression immobilière est forte dans les régions touristiques. Les parlementaires de Haute-Savoie seront ravis d'être associés au travail du ministère sur ce sujet.

M. Hervé Gillé .  - Le Livret vert en faveur de l'agriculture, sur le modèle du Livret A, est une proposition forte que promeuvent différents bancs tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale. Récemment, dans leur rapport de la mission d'information sur le foncier agricole rendu en décembre 2018 à l'Assemblée nationale, Anne-Laurence Petel et Dominique Potier en ont fait l'une de leurs propositions et en 2015, une proposition de loi du groupe Les Républicains proposait cette idée.

Ce Livret vert renforcerait la lutte contre la pression foncière, l'artificialisation et l'accaparement des terres, il aiderait à mettre en place une politique de prêts bonifiés fléchés vers l'acquisition de terres. Il répondrait à des attentes sociétales en incitant à s'engager vers une alimentation saine et sûre. Enfin, il offrirait aux Français un accès à une épargne sûre. Le Gouvernement acceptera-t-il le principe de sa création ?

M. Didier Guillaume, ministre.  - Une épargne verte est une idée séduisante qui dépasse notre sujet. La transition écologique s'accomplit par les agriculteurs. A priori, le Gouvernement n'est pas opposé à la création du Livret vert. Encore faut-il que le projet soit parfaitement travaillé. Le ministère de l'Agriculture n'est pas le seul concerné, puisqu'il s'agit d'épargne. Les répercussions fiscales et financières d'un tel dispositif pourraient être importantes. Je comprends votre question comme une question d'appel et vous en remercie : le sujet mérite en effet d'être abordé.

M. Hervé Gillé.  - La maîtrise foncière par des instruments publics permettrait aussi de réguler les investissements financiers. Nous espérons vivement que le chantier soit ouvert.

M. Patrick Chaize .  - L'artificialisation des terres se poursuit malgré les appels à la sobriété. Je salue à ce titre les habitants de Viriat présents en tribune. Les lois se multiplient sur le sujet, mais rien n'y fait : notre consommation des espaces naturels et agricoles, supérieure à la moyenne européenne, augmente plus vite que la population, à un rythme de 27 000 hectares par an, soit trois à cinq stades de football par heure. Pour atteindre le zéro artificialisation dès 2030, France Stratégie estime qu'il faudrait réduire de 70 % l'artificialisation brute et renaturer 5 500 hectares de terres.

L'application de la séquence « Éviter-réduire-compenser » n'est pas efficace. Le rôle des Safer est de moins en moins prégnant. En quoi la nouvelle loi foncière favorisera-t-elle la réhabilitation des terres agricoles ?

M. Didier Guillaume, ministre.  - Je salue les habitants de Viriat présents en tribune. La consommation des espaces naturels est beaucoup trop forte, en particulier dans l'Ain, à proximité de Genève, où la population s'accroît dans les petites communes. La raison de l'artificialisation est double : il a fallu équiper la France ; les trop nombreux textes et le travail en silo nous ont empêchés d'avoir une vision globale. L'échec est collectif. Il nous faudrait une vision générale que nous donnera la loi foncière.

Je ne sais pas quand elle sortira : le calendrier parlementaire ne dépend ni de moi ni de vous. Cependant, ce sujet est essentiel. Le groupe de travail Artificialisation fera des propositions d'ici à avril pour étayer le texte sur le foncier.

M. Patrick Chaize.  - Cessons de travailler en silo. Ce problème est trop prégnant.

M. Vincent Segouin .  - Dans l'Orne, département très agricole de polyculture avec de l'élevage, des céréales et du laitier, les exploitations se transmettent souvent en famille. Des sociétés civiles d'exploitation agricole du département voisin commencent à en reprendre certaines pour installer de la monoculture pour fournir des unités de méthanisation, et des entreprises y installent des haras de chevaux de course.

La terre se vend alors jusqu'à 20 000 euros par hectare - prix inaccessible pour un jeune agriculteur quand le chiffre d'affaires est de 1 300 euros pour un bénéfice de 450 euros par hectare.

L'installation des jeunes agriculteurs est un enjeu important. Je suis libéral et j'aurais préféré un marché libre qui fonctionne sans les Safer. Mais ce n'est pas possible. Le problème est qu'elles sont incompétentes dans les cas que j'ai cités, car elles n'interviennent pas sur les transferts partiels de parts ; par ailleurs, elles ne bénéficient plus du soutien de l'État depuis 2017. Pouvez-vous nous en dire plus ?

M. Didier Guillaume, ministre.  - L'installation des jeunes agriculteurs est primordiale. Nous travaillons sur un agrément pour la faciliter. Une concertation est en cours. Comme le disait M. Chaize, nous ne devons plus travailler en silo. Le ministère consulte organisations, agriculteurs et autres acteurs pour développer une vision globale.

M. Jean-Raymond Hugonet .  - L'agriculture s'apprête à connaître une restructuration sans précédent. Quelque 160 000 agriculteurs sur les 450 000 chefs d'exploitation recensés par la Mutualité sociale agricole (MSA) arriveront à la retraite dans les prochaines années. Cela représente un tiers des effectifs et 55 000 départs par an. Pendant ce temps, il y a bon an mal an entre 12 000 et 14 000 installations en France. Les fils et filles d'agriculteurs ne pourront pas relever seuls le défi du remplacement de ceux qui partiront à la retraite. Comment susciter de nouvelles vocations ? Ne faudrait-il pas simplifier le contrôle des structures ? Comment encourager l'installation des jeunes non issus du milieu ? Comment contrôler efficacement les prises de participation dans les sociétés d'exploitation ?

M. Didier Guillaume, ministre.  - Je soutiens toutes ces interrogations. La plupart des jeunes agriculteurs qui s'installent le font hors cadre familial. Nous souhaitons effectivement simplifier le contrôle des structures. Nous avons inversé la tendance à la baisse du nombre d'élèves dans les établissements d'enseignement agricole. Un bus va sillonner la France pour promouvoir la profession d'agriculteur.

Monsieur Cabanel, les Safer, en France métropolitaine, se rémunèrent sur leurs opérations. Outre-mer, en revanche, elles ont besoin et peuvent compter sur le soutien de l'État -  Mme Jasmin peut en témoigner.

Enfin, je remercie le groupe Les Indépendants pour ce débat qui démontre la hauteur de vues de la Haute Assemblée sur ces sujets. Certes, nous avons fait des bêtises dans le passé ; mais ne regardons pas avec nos yeux d'aujourd'hui ce qui a été fait hier. La réflexion a évolué. Regardons plutôt avec les yeux d'aujourd'hui ce qui se fera demain. Je sais la France que je ne veux pas. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Indépendants)

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Nous sommes sur la même longueur d'onde. Profitons-en !

M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants .  - « Que le souverain et la Nation ne perdent jamais de vue que la terre est l'unique source des richesses, et que c'est l'agriculture qui les multiplie. Car l'augmentation des richesses assure celle de la population ; les hommes et les richesses font prospérer l'agriculture, étendent le commerce, animent l'industrie, accroissent et perpétuent les richesses. ». Dès le XVIIIe siècle, les physiocrates valorisaient déjà le foncier agricole dans leur modèle économique comme un terreau fertile pour nos libertés individuelles avec pour deux piliers la propriété privée des moyens de production et la liberté d'entreprendre.

Ce modèle se trouve désormais en tension avec de nouveaux enjeux, notamment le dérèglement climatique ; ces nouvelles problématiques appellent d'autres solutions. La terre doit faire face à de nouveaux défis : bâtir des logements pour une population en hausse constante, faciliter la mobilité par des infrastructures et garantir un revenu décent aux agriculteurs... La question du foncier agricole est d'une complexité rare et nous oblige à opérer des choix difficiles. C'est pourquoi nous avons préféré un débat à une proposition de loi : les solutions ne peuvent être trop simples. Le Gouvernement en a évoqué plusieurs. Les acteurs de terrain se mobilisent. Afin de préserver nos terres agricoles et réduire leur artificialisation, la Nation devra protéger le foncier comme elle protège la biodiversité et les forêts en refusant de les hiérarchiser.

Mise en valeur du foncier agricole, portage, transmission, rénovation de la régulation, retraites anticipées, fluidification du dialogue entre les différentes parties prenantes du terrain... Les sujets ne manquent pas et intéressent le Sénat au premier chef. Le groupe Les Indépendants poursuivra ses travaux pour apporter des solutions concrètes.

Merci à tous les sénateurs, notamment nos collègues Franck Menonville et Alain Fouché, à l'initiative de ce débat ; merci à M. le ministre pour ses réponses.

Ce débat, nous l'avons vu, était bel et bien nécessaire.

Prochaine séance, mardi 18 février 2020, à 9 h 30.

La séance est levée à 18 h 5.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du mardi 18 février 2020

Séance publique

À 9 h 30

Présidence : Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente

Secrétaires : Mme Agnès Canayer - Mme Annie Guillemot

1. 36 questions orales

À 14 h 30 et, éventuellement, le soir

Présidence : M. Vincent Delahaye, vice-président Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

2Débat sur la politique familiale (Demande du groupe Les Républicains)

3. Débat portant sur « l'irresponsabilité pénale » (Demande du groupe UC)

4Débat sur les risques naturels majeurs outre-mer (Demande de la délégation sénatoriale aux outre-mer)

5. Débat sur le thème : Quelle doctrine d'emploi de la police et de la gendarmerie dans le cadre du maintien de l'ordre ? » (Demande du groupe CRCE)

Nomination des membres d'une commission spéciale

Commission spéciale sur le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (37 membres)

Mmes Viviane Artigalas, Martine Berthet, MM. Yves Bouloux, Max Brisson, Bernard Buis, François Calvet, Thierry Carcenac, Mmes Maryse Carrère, Marta de Cidrac, M. Pierre-Yves Collombat, Mmes Josiane Costes, Cécile Cukierman, M. René Danesi, Mme Catherine Di Folco, M. Michel Forissier, Mme Catherine Fournier, M. Jean-Michel Houllegatte, Mme Corinne Imbert, MM. Claude Kern, Éric Kerrouche, Mmes Christine Lavarde, Anne-Catherine Loisier, M. Jean-François Longeot, Mme Vivette Lopez, M. Jean Louis Masson, Mmes Patricia Morhet-Richaud, Sylviane Noël, Angèle Préville, MM. Didier Rambaud, Claude Raynal, Alain Richard, Mme Sylvie Robert, MM. Bruno Sido, Jean Sol, Jean-Pierre Sueur, Mme Sylvie Vermeillet et M. Dany Wattebled.

M. Jean-Raymond Hugonet est membre de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique en remplacement de Mme Marta de Cidrac, démissionnaire.