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Table des matières



Éloge funèbre de Colette Giudicelli

M. Gérard Larcher, président du Sénat

M. Marc Fesneau, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne

Accélération et simplification de l'action publique (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie

Mme Maryse Carrère

Mme Cécile Cukierman

M. Jean-François Longeot

M. Jean-Pierre Sueur

M. Dany Wattebled

M. Guy Benarroche

M. Didier Rambaud

Mme Christine Lavarde

Vote sur le texte élaboré par la CMP

Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Bruno Belin, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Exception d'irrecevabilité

Mme Éliane Assassi

Mme Kristina Pluchet

Question préalable

M. Guillaume Gontard

M. Daniel Gremillet

Discussion générale (Suite)

M. Fabien Gay

M. Pierre Louault

M. Jean-Claude Tissot

M. Franck Menonville

M. Joël Labbé

M. Frédéric Marchand

M. Henri Cabanel

M. Laurent Duplomb

M. Stéphane Demilly

Mme Angèle Préville

M. Jean-Marc Boyer

M. Julien Denormandie, ministre

Modification de l'ordre du jour

Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Olivier Paccaud

M. Daniel Salmon

Mme Victoire Jasmin

M. Joël Labbé

M. Olivier Jacquin

M. Fabien Gay

Mme Laurence Rossignol

M. Alain Houpert

Mme Cécile Cukierman

M. Ronan Dantec

M. René-Paul Savary

M. Bernard Delcros

Mme Laurence Muller-Bronn

M. Henri Cabanel

Mme Anne Chain-Larché

M. Joël Bigot

M. Jacques Fernique

M. Frédéric Marchand

M. Jean-Michel Arnaud

M. Jean-Michel Houllegatte

M. François Bonhomme

M. Guy Benarroche

M. Pierre Cuypers

M. Yves Détraigne

M. Julien Denormandie, ministre

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 2

ARTICLES ADDITIONNELS

Seconde délibération

Explications de vote

M. Joël Labbé

M. François Bonhomme

M. Fabien Gay

Mme Angèle Préville

M. Guillaume Gontard

M. Jean-Claude Tissot

M. Daniel Salmon

M. Frédéric Marchand

M. Guy Benarroche

Annexes

Ordre du jour du mercredi 28 octobre 2020

Analyse des scrutins




SÉANCE

du mardi 27 octobre 2020

11e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Daniel Gremillet, M. Loïc Hervé.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Éloge funèbre de Colette Giudicelli

M. Gérard Larcher, président du Sénat .  - (Mmes les sénatrices et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, se lèvent.) Cher Jean-Claude Guibal, chères Géraldine et Céline, c'est avec une profonde tristesse que nous avons appris, le 24 septembre dernier, la disparition de notre collègue Colette Giudicelli, sénateur des Alpes-Maritimes depuis 2008.

Mme Dominique Estrosi Sassone, elle-aussi sénateur des Alpes-Maritimes, nous a représentés aux obsèques, célébrées le 28 septembre en la basilique Saint-Michel Archange de Menton en présence du Prince souverain de Monaco, du préfet des Alpes-Maritimes et de nombreux collègues et élus du département. Les Mentonnais sont venus en foule témoigner de leur gratitude et de leur attachement à une femme dynamique et passionnée, qui a consacré une grande partie de sa vie à ses concitoyens et à la ville de son coeur.

Première femme dans l'histoire parlementaire à être élue sénateur des Alpes-Maritimes en 2008, réélue en 2014, elle siégeait dans notre hémicycle depuis près de douze ans.

Nous garderons d'elle le souvenir d'une collègue fortement impliquée dans les travaux parlementaires concernant notamment les questions sociales et la santé, mais aussi d'une élue de terrain devenue une figure emblématique du pays mentonnais, d'une personnalité attachante au caractère bien trempé.

Colette Giudicelli fut dès sa jeunesse et tout au long de sa vie une femme de convictions, fidèle à ses engagements pour défendre ses idées et ce qu'elle croyait juste.

Née le 24 novembre 1943 à Alger, elle était issue d'un milieu modeste : son père était ouvrier et président de l'Association des Corses d'Alger, sa mère était femme au foyer. Ses grands-parents paternels, agriculteurs corses originaires de Sainte-Lucie de Porto-Vecchio, étaient venus s'installer en Algérie.

À Alger, Colette Giudicelli résidait dans le quartier de Belcourt, où toutes les communautés se mélangeaient, chrétiens, musulmans et juifs vivant alors dans une réelle harmonie. Elle garda toujours un merveilleux souvenir de cette convivialité.

À l'issue de ses études secondaires au lycée Delacroix, elle poursuivit des études de philosophie et de pharmacie. Amoureuse de la langue russe, elle apprit à la parler.

Après l'indépendance de l'Algérie, sa famille s'établit à Lyon. Puis Colette Giudicelli finit par trouver à Menton un peu de l'atmosphère méditerranéenne qui lui manquait tant.

Animée par l'envie de se mettre au service des autres, elle s'engagea très tôt au sein du secteur associatif, tant éducatif que social.

Elle devint ainsi représentante des parents d'élèves de l'institution Saint-Joseph, établissement d'enseignement accueillant les enfants de la maternelle à la terminale. Puis, pendant de nombreuses années, cette femme de coeur assura avec une attention sans faille sa fonction de présidente du conseil d'administration de l'Institut médico-éducatif Bariquand Alphand, qui accueille des enfants souffrant de handicaps mentaux. Elle s'est également beaucoup impliquée dans l'association caritative mentonnaise Les Coeurs de Campanin, qui fournit une aide alimentaire à des personnes en difficulté.

C'est en suivant Jean-Claude Guibal, qui allait devenir son époux et dont elle a été la première adjointe à la mairie de Menton pendant vingt ans, que Colette Giudicelli s'était engagée en politique, alors que rien dans ses goûts et ses affinités ne la prédestinait particulièrement à le faire.

Elle accéda ainsi pour la première fois à des fonctions politiques en étant élue conseillère municipale de Menton en 1989, auprès de celui qui est resté à ses côtés jusque dans les dernières épreuves. Ils formèrent ensuite, pendant des années, un couple de parlementaires, elle comme sénateur et lui comme député.

Quelques mois seulement après son élection au conseil municipal de Menton, Colette Giudicelli devint premier adjoint au maire, chargée de l'administration générale, des finances et du personnel, fonction qu'elle exerça avec ténacité et dévouement durant deux décennies.

Après avoir siégé au conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 1998 à 2001, elle fut élue conseillère générale du canton de Menton-Est en 2001, puis élue départementale du canton de Menton tout entier après 2015. Là encore, elle exerça des responsabilités exécutives : comme vice-présidente du conseil général, puis du conseil départemental de 2001 à 2017, elle défendait avec compétence et pugnacité les dossiers concernant les finances, l'administration générale et le personnel. Depuis 2002, elle était également devenue vice-présidente de la communauté d'agglomération de la Riviera française.

Lorsqu'elle fit son entrée au Sénat en 2008, Colette Giudicelli, fidèle à l'engagement social qui avait toujours été le sien, souhaita rejoindre la commission des affaires sociales. Aspirant à contribuer à faire en sorte « que la législation améliore le sort des plus démunis », elle consacra son ardeur au travail et sa force de caractère aux travaux parlementaires concernant les secteurs de la santé, du handicap et du logement.

Ainsi elle s'investit tout particulièrement, dès 2010, dans une mission de contrôle budgétaire sur la mise en place du revenu de solidarité active.

Animée par le souci de favoriser plus de justice et d'équité, elle prit l'initiative de déposer en 2014 une proposition de loi visant à modifier les conditions d'attribution des logements sociaux afin de favoriser la mobilité au sein du parc social.

Et son souhait de libérer la parole des médecins pour faciliter le secours aux enfants maltraités fut à l'origine de l'adoption de la loi du 5 novembre 2015 tendant à clarifier la procédure de signalement des situations de maltraitance par les professionnels de santé. Sa proposition de loi visant à protéger les médecins des poursuites qui pourraient être intentées en cas de signalement fut adoptée à l'unanimité, au Sénat puis à l'Assemblée nationale.

Colette Giudicelli apporta également une contribution aux travaux de la commission des affaires sociales, comme rapporteur d'un projet de loi en 2011 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne, puis du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour le secteur médico-social, en 2015. Elle fut en outre l'auteur de rapports d'information remarqués sur la prévention du suicide.

Son engagement en faveur des handicapés fut consacré par sa nomination comme membre du Conseil national consultatif des personnes handicapées, en 2014.

Son esprit et sa curiosité la conduisirent à participer à de très nombreuses structures sénatoriales temporaires, notamment dans le domaine social.

Comme présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Monaco, Colette Giudicelli s'est attachée à développer les relations avec la Principauté monégasque, si proche et si chère pour elle. Lors de ma visite officielle les 15 et 16 mars à la Principauté de Monaco, Colette Giudicelli, bien que souffrante, était là lorsque j'ai remis les insignes de chevalier de la Légion d'honneur au président du Conseil national monégasque. J'étais heureux de cette rencontre entre les deux chambres et le Prince souverain de Monaco : elle l'avait tellement souhaitée, tellement préparée ! Je me souviens encore, et Christophe-André Frassa aussi, de nos échanges à ce sujet dans mon bureau. Je célébrais alors la communauté de destin unissant nos deux pays, reposant sur une coopération étroite. Colette y est toujours restée fidèle.

Sa dernière intervention en séance publique fut une ultime démonstration de son attention permanente aux questions de santé publique : elle tenait ce jour-là à alerter le Gouvernement au sujet des émanations dangereuses provenant d'huiles de moteur dans les avions, susceptibles de provoquer des atteintes neurologiques.

Je me souviens avoir accueilli Colette Giudicelli, lors de la cérémonie au cours de laquelle Christian Estrosi lui avait remis les insignes de chevalier de la Légion d'honneur. Il avait à cette occasion salué une femme pour qui « le sens du devoir (était) toujours passé avant le goût des honneurs ». Elle s'était, en réponse, dite « fière de pouvoir affirmer avoir toujours eu pour seul objectif le bien public et la volonté d'être au service de ses concitoyens ».

Elle maîtrisait ses dossiers et avait à coeur de poursuivre ses engagements. Reconnue pour son grand dévouement notamment auprès des personnes en difficulté sociale, elle était une élue de terrain. Elle avait également réussi à conjuguer son action au service du bien commun avec une attention particulière à l'égard de ses enfants et petits-enfants.

Je rends hommage à ses qualités humaines : courage et force de caractère, alliés à la bienveillance, la générosité et la gentillesse.

À ses anciens collègues de la commission des affaires sociales et des délégations aux droits des femmes et à la prospective, à ses amis du groupe Les Républicains, j'exprime notre sympathie attristée. Colette est partie quelques jours avant le renouvellement sénatorial.

À son mari Jean-Claude Guibal, maire de Menton, à ses filles Céline et Géraldine, ici présents, à l'ensemble de sa famille, à ses proches, à tous ceux à qui elle était chère et qui ont partagé ses engagements, je souhaite redire la part que le Sénat prend à leur deuil.

M. Marc Fesneau, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne .  - Ouverte sur le monde, Colette Giudicelli était à l'image de sa ville de Menton. Née à Alger dans une famille modeste, elle avait gardé quelque chose des secrets de la Méditerranée, dans sa façon simple de se sentir ancrée dans une terre. Elle avait la volonté d'aller vers l'autre et savait le transmettre d'un regard, d'une parole à ceux qui la croisaient dans sa ville.

À Menton, nombreux sont venus se recueillir devant une photographie posée sur une simple table en bois dans le hall d'entrée de la mairie.

Dès 1985, les Mentonnais ont fait confiance à cette mère dévouée, qui a pris goût à l'action locale. Colette Giudicelli a insufflé toute son énergie dès sa première campagne municipale ; contribuant à l'élection en 1989 de celui qui deviendra son époux, conseillère municipale, puis très vite première adjointe, elle fait preuve de son engagement sans faille et a donné à voir ses qualités tout au long de sa vie publique. De nouveau élue en 2001, elle s'engage dans les questions du sport, de la communication, de la vie des quartiers.

Elle est ensuite élue au conseil régional puis au conseil départemental. Elle y est chargée de la ville, la vie des quartiers, l'insertion. Elle en sera la première femme vice-présidente. Elle s'engage dans de nombreux combats : protection de l'enfance, alphabétisation, soutien aux femmes. Elle restera très engagée dans les associations dans lesquelles elle était engagée depuis 1976.

Ceux qui ont travaillé avec elle savent combien elle était attachée à sa terre, aux Alpes-Maritimes. En 2008, elle devient la première femme sénatrice de son département. Au Sénat, dans ce mandat où compte le lien charnel avec le territoire, où la confiance naît de ce que l'on fait, elle s'est investie avec dynamisme. Elle s'est investie, au sein de la commission des affaires sociales, sur des sujets comme le handicap.

Elle est à l'origine de la loi de 2015 sur la protection de l'enfance, qui fut un progrès important. Battante, elle s'est éteinte à la fin de son mandat, comme pour dire combien sa vie a été liée à son engagement. À son mari, ses filles, à ceux qui lui furent proches, j'exprime les plus sincères condoléances du Gouvernement et le témoignage de notre sympathie. (Mmes les sénatrices et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, observent un moment de recueillement.)

La séance est suspendue à 14 h 50.

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

La séance reprend à 15 h 15.

Accélération et simplification de l'action publique (Conclusions de la CMP)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique.

Discussion générale

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Je suis heureux de vous présenter les conclusions de la CMP qui s'est tenue le 21 octobre. Nous sommes parvenus à nous accorder à une très large majorité sur un texte qui améliorera la vie de nos concitoyens.

Pourtant, les conditions d'examen ont été complexes. D'abord parce qu'il s'agit d'un texte fourre-tout et disparate, qui n'a cessé d'enfler au gré des initiatives parlementaires mais aussi des remords du Gouvernement - avec des dispositions ni évaluées ni validées par le Conseil d'État. Le texte est passé de 50 à plus de 160 articles examinés en procédure d'urgence. Ensuite, parce que son examen a également été compliqué par le confinement.

Grâce à l'écoute transpartisane au sein de la CMP, nous avons néanmoins abouti à un accord. J'ai une pensée pour notre rapporteure, Patricia Morhet-Richaud, dont j'ai pris le relais, et pour le rapporteur de l'Assemblée nationale, Guillaume Kasbarian.

Ce texte porte la voix du Sénat, qui a su renforcer la sécurité juridique et accroître les compétences et la bonne information du maire.

Nous avons également apporté des améliorations sur les ventes en ligne de produits pharmaceutiques et sur l'alimentation du dossier pharmaceutique par les pharmacies des établissements hospitaliers et médico-sociaux. Nous avons aussi obtenu que la simplification des procédures ne se passe pas aux dépens de l'information du public.

Le Sénat ne pouvait imaginer la suppression de la Commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs (CNEF), à l'heure du premier programme de démantèlement nucléaire. La commission a été préservée.

Nous sommes heureux de l'équilibre trouvé sur la dépollution des sols, sur la procédure de déclassement, sur l'utilisation du chèque énergie en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), sur la suppression des certificats médicaux pour exercer un sport, pour les mineurs.

Nous avons voté à l'unanimité une faculté de résiliation annuelle de l'assurance emprunteur, et j'en rends hommage à notre ancien collègue Martial Bourquin, très impliqué sur le sujet. Cela représente tout de même un volume de 9 milliards d'euros !

Nous avons facilité l'expulsion des squatteurs, en limitant les cas où le préfet peut refuser de mettre en demeure l'occupant des lieux.

Nous avons, en revanche, dû accepter quelques concessions de part et d'autre : je regrette ainsi le recours aux ordonnances sur le service national universel (SNU) - jamais un ministre n'en aura débattu au Parlement - et, le plus difficile à accepter pour moi, l'article 33 sur les agents de droit privé de l'Office national des forêts (ONF) qui peuvent verbaliser au-delà des seules infractions forestières. Il aurait mieux valu concentrer leurs missions sur la protection et la gestion de nos forêts dont nous connaissons l'état dramatique. L'enjeu est pourtant considérable. Nous y reviendrons en projet de loi de finances ou dans le cadre de nos pouvoirs de contrôle. Le recours à une ordonnance concernant le conseil d'administration de l'ONF a heureusement disparu de l'article 33.

Il est heureux que l'avis du Sénat ait également été retenu sur la chambre de commerce et d'industrie (CCI) et les conditions de création d'une chambre régionale.

Je remercie Jean-François Longeot qui a présidé cette CMP ainsi, à nouveau, que Patricia Morhet-Richaud. (Applaudissements à droite et au centre ; MM. Bernard Buis et Didier Rambaud applaudissent également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie .  - L'accélération de la simplification est une attente forte des Français et des élus. C'est aussi un axe important de la politique menée depuis trois ans. Les lois pour un État au service d'une société de confiance (Essoc), portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) et pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) y ont contribué.

Ce texte constitue la traduction législative des travaux d'Olivier Dussopt sur la simplification administrative. Il reprend nombre de propositions formulées sur le quotidien des Français lors du Grand Débat national, et par la mission Kasbarian sur les procédures pour les entreprises.

Le texte a été voté au Sénat début mars. La crise que nous traversons ayant montré que nous pouvions aller plus loin, il a été enrichi par la pérennisation de mesures d'urgence prises en mars 2020, qui ont depuis démontré leur intérêt, et par l'ajout de mesures de relance.

Nous nous sommes engagés pour une organisation administrative plus simple et plus réactive, afin de fluidifier le processus de la décision publique. Nous avons ainsi supprimé 86 des 394 commissions consultatives. Nous avons cependant conservé les commissions qui vous ont semblé nécessaires, comme la CNEF.

Il s'agit aussi de rendre l'administration plus proche, plus accessible et plus à l'écoute, avec un objectif de 99 % de décisions rendues à l'échelon local. C'est un impératif d'efficacité mais surtout de démocratie.

Les titres III à V visent des simplifications pour le quotidien des Français et des entreprises. Notre objectif est de faire gagner du temps à nos concitoyens et à nos administrations, pour que celles-ci se concentrent sur les sujets ayant la plus grande importance pour les Français.

Nous avons également simplifié les démarches de nos entreprises et de nos concitoyens, pour le passage du permis de conduire ou la délivrance de la carte d'identité, par exemple. Ces mesures ne font pas la une des journaux mais elles faciliteront le quotidien des Français.

La navette a enrichi le texte s'agissant des expulsions en cas d'occupation illicite de domicile et du renforcement des sanctions pénales anti-squat ou encore de l'extension de l'utilisation du chèque énergie aux hébergements pour personnes âgées.

Nous souhaitons aussi accélérer les procédures des implantations et extensions industrielles applicables aux entreprises, sans modifier de normes d'urbanisme, d'archéologie ou d'environnement. Les délais pour une décision d'autorisation sont deux fois plus longs en France qu'en Suède. Pourtant, le droit suédois est au moins aussi exigeant que le nôtre en termes d'environnement.

En premier lieu, il s'agit de ne pas faire recommencer à zéro les porteurs de projets à chaque changement règlementaire. Il leur faudra se mettre en conformité, mais dans les délais contraints des installations existantes.

Deuxième objectif : adapter les procédures aux réalités du terrain. Les préfets devront accélérer les délais pour les projets ne nécessitant pas d'évaluations environnementales. Un projet industriel pourra ainsi être lancé en quelques mois, afin de créer de l'emploi.

Le projet de loi ASAP va plus loin dans le partage de la valeur. Des dispositions sont prévues pour faciliter les négociations en matière d'épargne salariale et d'accord d'intéressement.

Ce texte augmente aussi le seuil sans formalités de la commande publique à 100 000 euros pour les travaux pendant les deux ans de la relance. Enfin, il permet de construire l'expérimentation de la loi EGalim tout en tirant les enseignements de sa mise en oeuvre pour les produits saisonniers.

Ce projet de loi est utile et concret. Je salue votre esprit d'exigence et de dialogue. Je vous remercie d'avoir su trouver des compromis pour favoriser l'emploi sur nos territoires, sans en rabattre sur nos standards environnementaux.

Nous avons pris en compte vos demandes sur la réforme des chambres d'agriculture qui ne pourra se faire qu'après accord des deux tiers des chambres infrarégionales, et sur les produits festifs au sens de la loi EGalim.

Le texte est certes fourni mais conserve sa cohérence en poursuivant notre triple objectif de simplification de l'administration, du quotidien des Français et de la vie des entreprises. Il contribuera utilement à la relance ; je vous invite donc à le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Quoi de plus normal que l'examen accéléré d'un texte sur l'accélération et la simplification de l'action publique ? Cela pourrait porter à plaisanterie s'il s'agissait d'une exception. Hélas, cette procédure devient la règle. En l'espèce, le nombre d'articles supplémentaires aurait mérité davantage de temps, et il est difficile de donner un avis sur un texte aussi disparate.

La simplification permet de redonner confiance en l'action de l'administration. Elle est également nécessaire à une relance réussie. Le texte facilitera en premier lieu la vie des entreprises. Il pose notamment des dispositifs relatifs à la commande publique. Le relèvement du seuil de 40 000 à 100 000 euros est une avancée mais pas une fin en soi, car on complexifie en parallèle la commande publique, exposant les maires, dont j'ai été, au risque des contentieux.

L'amélioration de l'information des maires sur les projets éoliens est également une bonne chose.

Je suis favorable aux mesures de simplification pour les collectivités territoriales. Le temps du papier est devenu plus long que celui du chantier. Nous sommes satisfaits de l'article 25 bis B, qui supprime le caractère systématique de l'autorisation environnementale pour le plan de gestion des cours d'eau, qui est une véritable avancée.

Nous regrettons l'absence d'études d'impact pour nombre de dispositions. Pour autant, le groupe RDSE votera majoritairement ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

Mme Cécile Cukierman .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Il s'agit d'un texte fourre-tout et sans cohérence. Si ce n'est celle de « libérer l'initiative privée », de « sécuriser les porteurs de projets », bref de déréguler au nom de l'efficacité. Le texte est passé de 50 articles à 86 après examen par le Sénat, puis à plus de 160 à l'Assemblée nationale.

La CMP a largement conservé le texte de l'Assemblée nationale, puisque seuls deux articles ont été adoptés dans leur version du Sénat.

Ce texte s'est essentiellement étoffé grâce à des amendements du Gouvernement, sans étude d'impact et sans avis du Conseil d'État. Ne serait-ce pas inconstitutionnel ?

Nous nous sommes opposés à la privatisation rampante de l'ONF et au recul du droit de l'environnement pour les installations industrielles. Ce projet de loi ayant été déposé avant l'accident de Lubrizol, le Gouvernement aurait dû revoir sa copie, en tenant compte du résultat des enquêtes, des attentes des élus et de la population.

Nous regrettons également les dérogations au droit de la commande publique.

Nous considérons que l'intérêt général commande le respect des procédures afin d'éviter les conflits d'intérêt et les délits de favoritisme. Le seuil de mise en concurrence préalable a été relevé à 100 000 euros ; c'est beaucoup pour les petites collectivités territoriales.

Nous déplorons la pénalisation des squatteurs, alors qu'il y aurait tant à faire pour mieux garantir le droit au logement.

Comme toujours, vous favorisez le fort contre le faible. Telle n'est pas la priorité des Français qui attendent du concret et des investissements dans l'hôpital public, l'école, la police et l'ensemble des services publics. Notre vote sera donc défavorable. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'adage « Nul n'est censé ignorer la loi », devenu fiction, a conduit le Conseil constitutionnel à définir en 1999 un nouvel objectif de valeur constitutionnelle : l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi. Or, le texte présenté est d'une rare disparité, marqué par une inflation législative : aux 50 articles initiaux, le Sénat en a ajouté 36 et l'Assemblée nationale 81.

Ce texte s'inscrit dans un objectif d'une administration plus simple, plus proche, plus efficace et plus rapide.

Les mesures en faveur des particuliers sont consensuelles et celles en faveur des entreprises bienvenues. Mais bien trop de dispositions font figure de véhicule législatif bien commode pour le Gouvernement.

Son intention est issue du Grand Débat, mais son acuité sort renforcée de la crise du Covid. Il s'agissait pour la commission spéciale de simplifier les règles tout en préservant les équilibres de notre droit, notamment en matière environnementale.

Je me félicite de l'information renforcée des élus locaux, avec la saisine des communes et EPCI concernées dans les opérations d'aménagement du Grand Paris.

Quant aux assurances emprunteur, je salue le retour à la version adoptée par le Sénat qui clarifie les modalités d'application du droit de résiliation annuelle. Une telle mesure concerne 6 millions de particuliers dont 80 % ignorent leur droit de changer d'assurance.

Je citerai aussi la protection des propriétaires contre le squat.

Les deux commissions spéciales ont fait prévaloir une attitude constructive, fondée sur une convergence de vues. C'est un bon compromis.

Je salue Patricia Morhet-Richaud pour la qualité de son rapport, et Daniel Gremillet qui lui a succédé. Je salue aussi les députés Duvergé et Kasbarian pour leur disponibilité et leur sérieux.

Que serait notre démocratie sans le bicamérisme, se demandait, le 1er octobre dernier, le président Larcher ? Lors de l'examen de ce texte, le Parlement a démontré un dialogue exemplaire et un bicaméralisme indispensable pour la vitalité de notre démocratie. C'est un sujet compliqué de simplifier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Le groupe socialiste, écologiste et républicain ne votera pas ce texte qui, malgré des avancées, compte beaucoup de reculs et de dispositions négatives, surtout après l'examen du texte par l'Assemblée nationale.

Positives, l'information des maires sur l'implantation d'éoliennes, la résiliation annuelle de l'assurance emprunteur, les dispositions sur la pharmacie, le maintien de la commission de démantèlement des installations nucléaires.

Mais négatives, la suppression des instances en matière de détention provisoire, d'aide aux victimes, de récidive, de politique de l'État outre-mer, la suppression du Conseil supérieur de la mutualité et du Conseil égalité hommes-femmes, les restrictions sur les enquêtes publiques et la politique du logement, les ordonnances sur l'ONF, les chambres d'agriculture ou l'accueil du jeune enfant, les dérogations aux règles de la commande publique.

Mais je souhaite surtout protester avec vigueur contre la procédure accélérée qui nous est, une fois encore, imposée, alors qu'elle est exceptionnelle dans la Constitution.

Comment pouvez-vous, à l'exemple des gouvernements précédents, la généraliser ? Seule, depuis 2017, la loi Bioéthique y a échappé. Jusqu'à il y a une décennie, cette procédure restait l'exception. Pourquoi est-ce devenu la règle ?

Monsieur le rapporteur, ce projet de loi comprend 167 articles, dont 81 examinés par l'Assemblée nationale sans que le Sénat ait eu à en connaître ! Ce n'est pas acceptable.

Cette tendance était déjà à l'oeuvre sous le mandat de François Hollande. Nous avions dû alors examiner les nouvelles modalités de divorce en CMP, alors qu'une assemblée n'en avait pas discuté. Je le dis aujourd'hui, je l'ai dit hier, c'est inacceptable.

Dans le même temps, le Conseil constitutionnel n'accepte pas les cavaliers. Mais qu'est-ce que ce texte, sinon un troupeau de cavaliers dont la circonférence est partout et le centre nulle part, ou l'inverse ?

Pourquoi les amendements que nous déposons sont-ils jugés illicites, et non ce texte disparate ?

Il convient que chaque mot de la loi soit examiné par les deux assemblées. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Dany Wattebled .  - Enfin, nous adoptons définitivement ce projet de loi ASAP, plus de six mois après son adoption au Sénat en première lecture. Son examen a été compliqué : un comble pour ce texte sur l'accélération et la simplification !

Ce texte comporte de nombreuses mesures salutaires contre ce mal français de la suradministration, qui tend à soumettre tout le réel à des normes, des réglementations et des procédures qui étouffent tout, polluent la vie de nos concitoyens, brident les entreprises en créant des problèmes de toutes pièces, et découragent les élus locaux.

Imaginez la complexité d'un dossier soumis aux feux croisés de la loi sur l'eau, des règles sur les bâtiments de France et de la loi sur les fouilles archéologiques...

Une déception cependant, déjà exprimée en première lecture. Un amendement de mon groupe voté par le Sénat renforçait le principe SVA - « silence vaut acceptation » -, inscrit dans le droit en 2013, indispensable pour remettre l'administration au service de nos concitoyens et de nos entreprises. Le pouvoir réglementaire a pris le pas sur le pouvoir législatif. Le SVA ne s'applique qu'à un tiers des procédures : c'est trop peu ! Je vous soumettrai donc prochainement une proposition de loi sur ce thème, notre amendement n'ayant pas prospéré.

Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC)

M. Guy Benarroche .  - Accélérer et simplifier l'action publique, voilà une bonne idée. Mais ce texte, parti de 50 articles, par un prompt renfort en compta 167 en arrivant au port... (Sourires) Ce projet de loi est un fourre-tout tintinnabulesque dont certaines mesures sonnent juste.

De plus, ce texte détricote diverses mesures de l'environnement et la démocratie environnementale. Les contrôles ont diminué ces dernières années, tandis que le nombre d'accidents industriels bondissait.

Les moyens humains et financiers alloués à la gestion des sites industriels figurent dans le projet de loi de finances 2021, mais ce texte prévoit pour les projets industriels d'anticiper des travaux de construction sur la délivrance des autorisations environnementales. Qu'est-ce à dire ? C'est autoriser des installations qui s'avéreront non conformes dès leur premier jour de fonctionnement ou qui ne recevront pas au final toutes les autorisations. C'est accélérer, certes, mais surtout le risque de contentieux à venir et de dommages à l'environnement. Comme le souligne l'AMF, comment expliquer aux citoyens le démarrage de travaux avant même que la décision sur le projet soit rendue ?

D'autres mesures simplifient la fin de vie des installations industrielles, sans l'obligation d'attester de la dépollution du site. Le saucissonnage des études d'impact ne permettra pas de mesurer le réel impact sur l'environnement. Réduire le champ des enquêtes publiques est un autre recul.

Ce rabotage des procédures environnementales, et celui de la participation du public, a pour résultat de réussir la gageure de déréguler tout en complexifiant.

Le GEST ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. Didier Rambaud .  - Ce projet de loi a été adopté en CMP après une heure de débats courtois et constructifs. Le texte a été étoffé, avec de nombreux apports du Sénat comme de l'Assemblée nationale. Des concessions ont été nécessaires, mais la concertation a payé. La politique, c'est aussi cela : travailler en bonne intelligence et placer l'intérêt général avant toute autre considération.

Députés et sénateurs se sont entendus sur une simplification de la vie quotidienne de nombre de Français : dématérialisation des procédures administratives, comme les papiers d'identité ou le permis de conduire, simplification de la vente en ligne de médicaments, livret d'épargne populaire plus accessible, possibilité de changer d'assurance emprunteur, autant d'avancées bienvenues.

Le titre III est particulièrement attendu par les entreprises. Raccourcir les délais, ce n'est pas abaisser l'exigence environnementale, mais éviter que certains projets industriels partent chez nos voisins.

L'agriculture n'est pas oubliée : l'expérimentation sur l'encadrement des promotions et le seuil de revente à perte est prolongée jusqu'au 15 avril 2023.

La compétence Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) fait aussi l'objet d'une simplification administrative. Nos agriculteurs attendaient cette mesure.

Ce texte de bon sens changera la vie des gens en supprimant des blocages et des complexités. Il a vocation à rendre service aux Français et aux entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Si au Sénat, le Gouvernement a déposé peu d'amendements dont cinq ont été adoptés ; il en a défendu 79 à l'Assemblée nationale, dont seulement 18 ne concernaient pas des dispositions nouvelles !

Heureusement, 13 amendements ont été retirés avant discussion, et 8 jugés irrecevables en commission mixte paritaire. 21 dispositions reviendront donc probablement devant nous ! Ainsi, 34 dispositions ont donc été adoptées à l'Assemblée nationale, sans étude d'impact, sans avis du Conseil d'État et sans que le Sénat ait eu à en connaître.

Au total, ce texte a augmenté de 80 % par rapport à son état initial.

Le Sénat a dû travailler dans la précipitation : il a voté ce texte le 5 mars, alors qu'il avait été déposé le 5 février sur son Bureau. Ensuite, ce texte s'est comme perdu... Pourquoi l'Assemblée nationale ne l'a-t-elle pas examiné lors de la dernière semaine de juillet ? Deux articles du projet de loi initial ont été supprimés parce qu'insérés dans un autre texte voté plus tôt

C'est à nouveau dans la précipitation que le Sénat a préparé la CMP puisqu'il n'a eu que quinze jours pour le faire.

Il restait 141 articles à examiner en CMP ; une centaine ne posait pas de difficultés ; le Sénat a voté conformes 51 dispositions nouvelles que seule l'Assemblée nationale avait examinées.

Les mesures sur l'assurance emprunteur reprennent une proposition de loi votée en octobre 2019 par le Sénat à l'unanimité.

Sur les expulsions des occupants sans titre, les mesures adoptées ne vont pas assez loin.

Sur l'énergie, le Gouvernement suit le Sénat, grâce à l'implication du rapporteur sur ces sujets qu'il connaît bien. Je pense notamment à l'article 25 bis F qui étend au biogaz la simplification des procédures relatives aux énergies renouvelables (ENR) terrestres.

Les modalités d'utilisation du chèque énergie par une personne âgée dans un établissement médico-social ont aussi été précisées. Les dispositions de l'article 25 ter sur l'éolien en mer n'ont pas été remises en cause par le Sénat.

En matière d'agriculture, le Sénat s'est rangé à la position de l'Assemblée nationale notamment sur l'ONF. La position du Sénat sur les chambres d'agriculture est satisfaite. La CMP conserve le texte de l'Assemblée nationale à l'article 44 s'agissant de la loi EGalim.

Nous sommes favorables aux dispositions sur les pharmacies. Nous avons toutefois quelques regrets sur le certificat médical. En matière de santé scolaire, le texte se montre assez optimiste. Pensez-vous vraiment que la médecine scolaire voit les enfants chaque année ? La majorité des vingt visites médicales se passe lors des premiers mois de l'enfant, avant qu'il ne pratique un sport. Et il reste des marges de simplification sur les certificats médicaux des majeurs.

La loi Essoc s'applique depuis août 2018. Donnons-nous le temps de délibérer avec une vraie loi, plutôt que de prévoir une ordonnance !

Ne s'est-on pas éloigné de la logique initiale de ce projet de loi visant à simplifier les démarches des particuliers, des entreprises et des collectivités territoriales ? Désormais, à l'article 40 bis, on diversifie les missions de l'établissement public de la Monnaie de Paris. Ne s'éloigne-t-on pas de la simplification ?

L'article 43 ter traite des conséquences de la pandémie de la covid et prolonge certaines mesures jusqu'au 7 décembre 2021. Pourquoi ne pas mettre ces dispositions dans le PLFR 4 ? Nous aurions eu une étude d'impact et un avis du Conseil d'État.

Sur le Grand Paris, le Sénat a mis en place un groupe de travail au sein de la commission des finances. Or nous découvrons une disposition sur ce point en cours de CMP.

Le groupe Les Républicains votera les conclusions et sera très vigilant sur leur mise en oeuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Vote sur le texte élaboré par la CMP

Mme le président.  - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement : aucun amendement n'est recevable, sauf accord du Gouvernement ; le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.

Conformément à l'article 42, alinéa 12, du Règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Le projet de loi est adopté.

La séance, suspendue à 16 h 20, est reprise à 16 h 25.

Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques (Procédure accélérée)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières.

Discussion générale

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Nous partageons tous l'engagement en faveur de l'agro-écologie, c'est-à-dire d'une agriculture moins dépendante des pesticides. Mais nous sommes face à une impasse exceptionnelle pour la filière betterave, filière d'excellence qui pèse près de 46 000 emplois.

Avec ce projet de loi, il ne s'agit pas d'opposer écologie et économie. C'est une question de souveraineté : accepte-t-on que la filière betterave sucrière française disparaisse ? Cette filière est en effet en danger à cause du puceron vert qui se développe quand les hivers sont doux ce qui fut le cas en 2020. Or il n'existe pas d'alternatives d'échelle, qu'elle soit économique, agronomique ou chimique.

Que ferions-nous si nous étions betteraviers ? Je rappelle que nombre d'entre eux sont désormais en polyculture et ne consacrent pas plus de 20 % de leurs surfaces aux betteraves. Face à tant d'incertitudes, planterions-nous encore de la betterave ou d'autres types de culture comme les céréales ? La réponse est aisée à trouver. Or toute la filière est dépendante en aval des sucreries qui ont parfois des bilans économiques faibles.

Si nous ne trouvons pas de solutions pour accompagner cette filière, ce sont les sucreries qui fermeront ! Une fois que ces usines auront fermé, bon courage pour relancer cette filière d'excellence ! (Exclamations à gauche)

Il s'agit d'une question de souveraineté : cette transition agro-écologique se fera-t-elle hors de France ? Voulons-nous du sucre européen ? Onze pays sur quatorze en Europe permettent, par dérogation, l'utilisation des néonicotinoïdes.

Ce projet de loi n'est en aucun cas un texte de renoncement. Depuis la loi de 2016, 92 % des usages de néonicotinoïdes ont trouvé des alternatives, mais pas dans la filière betteravière.

Ce qu'il y a de plus difficile, en politique, c'est d'affronter le temps. Or le temps de la nature n'est pas celui de l'économie ni celui des réseaux sociaux. La recherche agronomique prend du temps. Une vie d'agriculteur représente cinquante années de travail.

Ce texte propose d'utiliser la dérogation prévue à l'article 53 du Règlement européen - nous pouvons utiliser ces produits dès lors « qu'une telle mesure s'impose en raison d'un danger qui ne peut être maîtrisé par d'autres moyens raisonnables ». Or il n'existe pas aujourd'hui d'alternative crédible ni d'alternative d'échelle.

En matière agronomique, le développement des auxiliaires comme les coccinelles est très compliqué, exigeant une cinétique particulière en fonction de l'arrivée des pucerons. Il faut aussi des haies, auxquelles j'ai consacré 50 millions d'euros dans le plan de relance. Les faire pousser prend plus de six mois. (On approuve à droite.)

Les alternatives dites chimiques existent, mais elles ne fonctionnent pas. Il faut avoir vu le désarroi dans les yeux qui les ont essayées plusieurs fois et en font l'amer constat. (Murmures sur les travées du GEST ; M. François Bonhomme s'exclame.) J'invite chacun à faire le bilan écologique, avec le référentiel de ce qui se passe véritablement dans les champs.

Enfin, il n'y a pas de solution économique car l'Union européenne interdit la compensation à 100 %...

M. François Bonhomme.  - Eh oui !

M. Julien Denormandie, ministre.  - Le betteravier sera toujours incité à planter autre chose que de la betterave, dès lors qu'il devra assumer lui-même 35 % des pertes. L'année suivante, il plantera des céréales, l'année d'après les sucreries fermeront, puis toute la filière suivra...

M. Bruno Sido.  - En effet !

M. Julien Denormandie, ministre.  - Si une alternative existait, je ne serais pas là devant vous. C'est d'ailleurs le sens du Règlement européen s'agissant des dérogations.

Ce texte s'inscrit dans un plan plus global. Je prévois 7 millions d'euros pour renforcer la recherche sur les alternatives aux néonicotinoïdes. Un conseil de surveillance, avec les parlementaires, sera mis en place afin d'assurer un suivi transparent du dispositif. Ces dérogations seront limitées à la seule betterave sucrière.

En effet, elle n'entre pas en floraison avant la récolte, ce qui limite son impact sur les pollinisateurs - qui n'est pas nul. En outre, la filière betteravière dépend des sucreries. Si ces dernières ferment, l'ensemble de la filière tombera en un ou deux ans. Je veux faire cette transition agro-écologique avec la filière betteravière française.

Nous proposerons aussi un plan pollinisateur d'ici à la fin de l'année : les abeilles doivent pouvoir se nourrir sur nos territoires entre le printemps et le début de l'été, où elles éprouvent beaucoup de difficultés. Il nous faut des solutions agronomiques concrètes.

D'autres secteurs sont en difficulté - je pense à la noisette, nous les accompagnerons par d'autres moyens, j'en prends ici l'engagement.

Ma conviction est qu'au titre du principe d'égalité, cher au Conseil constitutionnel, nous pouvons justifier la spécificité de la filière de la betterave sucrière, en raison de son moindre impact environnemental et de sa dépendance industrielle.

Je tiens à saluer les travaux du Sénat, et notamment de sa commission des affaires économiques. Vous avez adopté trois amendements qui viennent utilement compléter ce texte en élargissant le Conseil de surveillance, en encadrant le délai qui lui est imparti pour rendre son avis et en avançant l'entrée en vigueur du texte au 15 décembre 2020.

Ce texte est difficile, mais il vient conforter la souveraineté de notre agriculture française. Il est trop facile de dire : « il n'y a qu'à... » Si demain les sucreries ferment, si la betterave sucrière disparaît de nos champs, c'est toute une filière d'excellence, ayant forgé nombre de nos territoires, qui serait rayée de la carte.

L'agronomie demande un temps long, différent de celui du politique. Nous devons l'affronter avec courage. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, sur la plupart des travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe INDEP)

Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Quelques applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Après un long épisode difficile puis une restructuration industrielle douloureuse, la filière betteravière est confrontée à l'une des plus graves crises de production depuis des décennies. Une épidémie de jaunisse touche 45 % des exploitations en raison des pucerons ayant traversé la France du Sud au Nord avant l'arrivée des auxiliaires.

La baisse des rendements est de l'ordre de 15 % à 20 %, allant jusqu'à 50 % dans certains territoires. La filière est aujourd'hui dans l'impasse. Les programmes de recherche visant à remplacer les néonicotinoïdes interdits en 2018 sont prometteurs mais n'ont pas encore abouti, bien qu'aucune piste ne soit écartée. L'alternative viendra probablement d'une combinaison des solutions estiment les scientifiques. Mais, en attendant, pour la récolte 2021, les producteurs sont pris de court : seule une dérogation autorisant l'enrobage des semences par des néonicotinoïdes est envisageable. Du reste, douze pays européens ont déjà pris cette décision.

Les pertes de rendement sont évaluées à l'équivalent de 1 000 euros par hectare. La betterave sucrière est une économie de proximité, en raison des difficultés de transport. À défaut de serres, à défaut de faire tourner les usines plus de cent jours (contre cinquante attendus cette année), les risques sont importants pour une filière qui compte 45 000 emplois. Et nous devrions alors importer du sucre et du gel hydroalcoolique produits à l'étranger ? Je préfère avoir du sucre produit dans nos campagnes que d'en importer, même de voisins intra- européens !

D'autant que la production sucrière française a considérablement changé du point de vue environnemental : 30 % à 70 % de fertilisants, fongicides et insecticides en moins, moins 40 % d'émission de gaz à effet de serre en 25 ans, grâce à l'utilisation du gaz à la place du charbon.

La distance y est plus faible entre le champ et l'usine, de 32 kilomètres contre 50 kilomètres en Allemagne. Enfin, la pulpe sert à l'alimentation du bétail - 40 % dans les Hauts-de-France. C'est mieux que le soja OGM importé du Brésil !

Pourquoi sacrifier ces acquis environnementaux réels, au prix d'importations accrues ? Attention à ne pas méconnaître cet écosystème agroindustriel global plus vertueux qu'ailleurs !

Le débat ne doit pas être caricaturé : il n'oppose pas l'intérêt économique des dérogations à court terme et l'intérêt écologique de l'interdiction à long terme, mais deux visions politiques de l'écologie : une écologie de la défiance, favorisant la déprise agricole française clairement observée et une décroissance assumée, d'une part ; une écologie de la confiance, consciente de l'urgence et exigeante, mais appuyée sur la réalité et sur les progrès de la recherche, d'autre part.

Nous soutenons donc ce texte. Monsieur le ministre, vous avez eu le courage de vous lancer dans ce combat.

Nous émettons toutefois trois réserves. D'abord, sur l'horizon de la recherche. Elle demande du temps, quelles que soient les attentes de la société, que je comprends, et qu'elle soit fondamentale ou appliquée, confrontée à la temporalité des saisons. Ces recherches avanceront d'ici 2023, mais auront-elles abouti ?

L'article 2 pose une fragilité constitutionnelle, au regard du principe d'égalité devant la loi, en limitant la dérogation à la betterave sucrière. Nous nous rangeons à votre appréciation. L'important est que nous arrivions à bon port pour sauver la filière.

Enfin, ce texte constitue une « rustine législative » pour la betterave, mais de nombreux autres secteurs se trouvent dans l'impasse.

Se pose également la question de l'indemnisation des planteurs et des industriels, ce qui nécessitera une hausse des aides de minimis.

Tirons la leçon de la crise de la betterave et évitons de prendre des décisions en l'absence d'alternatives. Si un produit est interdit en France, pourquoi autoriser sa consommation par les citoyens dans des produits importés ? C'est tout le sens de l'article 44 de la loi EGalim voté par le Sénat dont le respect n'est pas encore assuré. La souveraineté alimentaire commence par-là !

La recherche est un autre défi central : la course à la fin des pesticides s'accélère, tout le monde le souhaite, mais nous ne gagnerons pas le combat écologique en sacrifiant notre agriculture. De nombreuses petites filières risquent de mourir à petit feu. La noisette, la noix, la moutarde, celle de Dijon en particulier, l'orge, la carotte de Créances, (Murmures divers) font partie du patrimoine culinaire français, mais aussi floristique et paysager !

La seule solution relève de la recherche ; hélas, vous réduisez encore les crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar).

Nous voterons ce texte pragmatique, d'efficacité et d'urgence. (Bravos et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; on applaudit aussi sur les travées des groupes UC et RDPI)

M. Bruno Belin, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, saisie au fond en 2016, pour avis cette année, n'a pas varié sur la toxicité des néonicotinoïdes. Il n'est pas question de remettre en cause l'interdiction des néonicotinoïdes, programmée selon un calendrier précis, et ce texte encadre leur utilisation : c'est une bonne chose pour la cause apicole.

Nous avons aussi entendu la cause agricole, filière fragile comme nous l'ont rappelé plusieurs de nos collègues, MM. Cuypers et Duplomb notamment.

La recherche est indispensable. Vous annoncez 7 millions d'euros supplémentaires pour la betterave sucrière ; c'est une bonne chose même s'il aurait fallu anticiper davantage.

Il faudrait qu'une partie de la taxe sur les pesticides vienne aider les producteurs les plus vertueux.

Nous nous interrogeons sur l'appréciation que portera le Conseil constitutionnel sur l'angle très fermé du projet de loi.

Le texte ne revient pas sur la toxicité des néonicotinoïdes qui est un fait scientifiquement acquis, mais prend en compte les réalités agricoles. Oui, les agriculteurs sont les premiers à prendre soin de la terre. Il n'y a pas d'aménagement du territoire sans ruralité, donc sans agriculture.

J'insiste sur la recherche : nous sommes le pays d'Emmanuelle Charpentier et de Camille Guérin ! Elle doit être au centre du plan de relance, au service du développement durable, de l'agriculture et de la France. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI)

Exception d'irrecevabilité

Mme le président.  - Motion n°1, présentée par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières (n° 61, 2020-2021).

Mme Éliane Assassi .  - Il y a quinze ans, le Parlement votait à l'unanimité la Charte de l'environnement qui a intégré le bloc de constitutionnalité lors de la révision du 1er mars 2005. Or ce texte n'est conforme ni à sa lettre ni à son esprit.

Pas moins de 1 200 études démontrent que les néonicotinoïdes empoisonnent durablement nos sols et tout ce qui y pousse, avec ou sans fleur, sont présents dans les eaux de ruissellement et peuvent polluer les nappes phréatiques. Ils sont jugés 7 287 fois plus toxiques que l'ancien DDT. Depuis leur introduction dans les années quatre-vingt-dix, la production de miel français a été divisée par trois, en raison de la quasi-disparition des abeilles, dont témoigne la perte de 300 000 ruches par an. Nous importons 70 % du miel consommé. Ces trente dernières années, 80 % des insectes volants ont disparu en Europe. Il y a aussi des signaux d'alarme sur la santé humaine. Les insectes pollinisateurs sont pourtant essentiels à 85 % des plantes cultivées. Il y a même des signaux d'alarme pour la santé humaine, selon l'Autorité européenne de sécurisation des aliments.

La pollinisation par les abeilles joue un rôle primordial dans le rendement du colza. Au regard de ces éléments scientifiques, comment ne pas voir l'opposition entre ce texte et la Charte de l'environnement ?

Son premier considérant proclame que « l'avenir et l'existence même de l'humanité sont indissociables de son milieu naturel » ; or les pesticides et les néonicotinoïdes en particulier mettent clairement celui-ci en danger. Avec les dérèglements climatiques, nous sommes face à un cocktail explosif pour l'avenir même du vivant !

Selon son deuxième considérant, la « diversité biologique, l'épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l'exploitation excessive des ressources naturelles ». Donc la performance économique doit se conjuguer avec les performances sociales et environnementales.

Ces considérants sont reconnus à valeur constitutionnelle depuis une décision de 2014.

Le projet de loi s'oppose à l'article 2 de la Charte, selon lequel « toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement », en plaçant de fait les agriculteurs en position de menacer la biodiversité. Pourtant, d'autres choix sont possibles. De fait, les cultures biologiques ont été moins touchées...

MM. François Bonhomme et René-Paul Savary.  - C'est faux !

Mme Éliane Assassi.  - Aidons plutôt les agriculteurs à modifier leurs pratiques, en sortant du modèle de la monoculture intensive. (M. Bruno Sido s'exclame.)

Les intérêts de long terme de l'agriculture convergent avec ceux de la préservation de l'environnement : il s'agit de sortir du libéralisme qui exploite les hommes et gaspille les ressources pour le profit de quelques-uns !

M. Vincent Segouin.  - Cela n'a rien à voir !

Mme Éliane Assassi.  - Placer ce débat sous l'unique prisme de la souveraineté, comme vous le faites monsieur le ministre, c'est méconnaître la Charte de l'environnement.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 31 janvier 2020, a consacré la préservation de l'environnement comme enjeu supérieur à la liberté d'entreprendre.

Le principe de précaution, inscrit à l'article 5 de la Charte de l'environnement, impose de ne pas revenir sur l'interdiction générale et absolue des néonicotinoïdes posée lors de l'examen de la loi portant reconquête de la biodiversité en 2016. Le risque grave et irréversible est largement caractérisé. Le Conseil d'État a jugé en 2013 qu'un tel risque est « une hypothèse suffisamment plausible en l'état des connaissances scientifiques pour justifier l'application du principe de précaution ». C'est un euphémisme !

Par ailleurs, le texte bafoue l'article 7 de la Charte d'après lequel « toute personne a le droit d'accéder aux informations relatives à son environnement ».

Même si ce principe n'a pas à proprement parler de valeur constitutionnelle, la loi Biodiversité du 8 août 2016 a consacré le principe de non-régression du droit de l'environnement. Les États coopèrent, non pour diminuer, mais pour renforcer la protection de l'environnement, selon la déclaration de Stockholm de 1972.

Le congrès mondial de l'Union internationale pour la conservation de la nature, a rappelé, le 15 septembre 2012, la nécessité de ne pas régresser par rapport aux acquis de Rio, mais aussi plus largement en matière de protection de l'environnement. Or permettre au pouvoir réglementaire de revenir sur une interdiction législative, est une régression environnementale.

En ouvrant la brèche pour le secteur betteravier, ce projet de loi crée également le risque d'un contentieux sans fin pour l'ensemble des autres cultures au nom du principe d'égalité, reconnu lui aussi constitutionnellement.

Ne laissons pas les lobbies tenir la main du législateur ! (Protestations à droite)

M. Laurent Duplomb.  - Et le lobby écologiste ? (Protestations sur les travées du GEST)

Mme Éliane Assassi.  - Pour toutes ces raisons, le groupe CRCE votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et GEST)

Mme Kristina Pluchet .  - Malgré ma modeste expérience sénatoriale, cette motion ne me surprend pas, à la différence du grief invoqué. (Protestations sur les travées du groupe CRCE ; on soutient l'oratrice sur les travées du groupe Les Républicains.)

De fait, le texte ne comporte que deux articles, laissant des possibilités d'amendements très réduites, et peu de questions à trancher. La volonté de nos collègues d'approfondir le débat est donc compréhensible. Cela permet de l'interroger juridiquement et de prendre un peu de hauteur dans le débat très passionnel sur les néonicotinoïdes...

M. Laurent Duplomb.  - Exactement !

Mme Kristina Pluchet.  - Ce projet de loi serait « manifestement inconstitutionnel » au regard de plusieurs articles de la Charte de l'environnement.

Or, selon l'article 6, qui concerne le rôle des parlementaires, dispose : « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social. »

Les politiques écologiques ne se construisent donc pas dans un « vide » économique et social. Chaque mesure doit être examinée par rapport à l'activité humaine, à la production économique et aux enjeux sociaux, qu'elle concerne ; chaque disposition légale ou réglementaire doit être jugée à l'aune d'un bilan coûts-avantages.

Bien sûr, les néonicotinoïdes sont dangereux. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) l'a montré dès 2012. Désormais, seuls deux produits sont autorisés en Europe et, depuis 2016, 92 % des usages ont disparu.

L'Anses a lancé une étude sur les alternatives : dans six cas, aucune n'existe et, dans 22 % des cas, il n'existe que des solutions chimiques. Je le regrette évidemment, mais l'usage de ces produits phytopharmaceutiques est indispensable. Les agriculteurs n'utilisent pas par plaisir ou par commodité des produits dangereux (Approbations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains), et dont le coût est prohibitif.

La filière betteravière est en danger, en raison de l'absence d'un traitement adapté.

Ayons une pensée un peu plus analogique : il n'y a pas ici de solution parfaite, entre danger pour l'environnement et disparition d'une filière industrielle. L'interdiction reviendra à organiser nous-mêmes le dumping social dont nous serons victimes.

Nous risquons également une perte de souveraineté alors que la crise de la covid nous a montrés le caractère vital de l'autonomie alimentaire. De plus, l'accroissement de nos importations aura aussi un coût écologique en augmentant des flux de marchandises. Pire, nous consommerons alors des produits ne répondant pas aux standards français et européens. (« Très Bien ! » à droite) Interdire totalement les néonicotinoïdes reviendrait à nier l'article 6 de la Charte. Le groupe Les Républicains ne votera pas cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe les républicains, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et INDEP)

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - La commission a émis un avis défavorable à cette motion. Madame la présidente Assassi, vous avez cité les articles 2, 3, 5, et 7 de la Charte de l'environnement, mais pas l'article 6 sur le rôle des politiques publiques qui doivent promouvoir un développement durable, reposant également sur l'économie et le social, ce que fait ce projet de loi.

Le législateur doit concilier ces trois pôles, pour sauver les 45 000 emplois de la filière betteravière, implantés dans des territoires en difficulté, et limiter nos importations : au-delà du sucre, il s'agit de la production d'alimentation pour les élevages en circuits courts, de gel hydroalcoolique. Il apporte des garanties aux dérogations introduites par le projet et, dès lors, répond aux exigences de la Charte de l'environnement. (« Très Bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Julien Denormandie, ministre.  - Ce texte n'est en aucun cas celui des lobbies, comme l'a prétendu Mme la présidente Assassi, qui a dû rejoindre M. le Premier ministre. Si être à la main des lobbies, c'est préserver une filière souveraine française forte de 45 000 emplois, si c'est trouver une solution pour que cette transition agro-écologique se fasse en France, nous sommes en désaccord.

Malheureusement, la filière bio est elle aussi touchée par la jaunisse de la betterave. (On conteste, sur les travées du groupe CRCE, que sa présidente ait soutenu le contraire dans son intervention.) Tel saint Thomas, je m'en suis assuré et l'ai fait vérifier par les services de l'État, en plus des services habituels, pour en avoir la certitude !

De plus, il s'agit bien d'une question de souveraineté. Personne, ici, n'est pour les néonicotinoïdes ! (Protestations sur les travées du groupe CRCE)

Comment passer le gué ? Sans alternative, la filière ne fera pas sa transition agro-écologique. L'autre terme de l'alternative, c'est l'importation.

Mme Assassi, a cité la Charte de l'environnement. Le principe de non-régression est consacré par l'article 110-1 du code de l'environnement. Il ne s'impose pas au législateur mais au pouvoir réglementaire en vertu de la décision du Conseil constitutionnel du 4 août 2016.

Enfin le projet de loi maintient bien l'interdiction des néonicotinoïdes ; la dérogation introduite est très restrictive. Avis défavorable.

M. Daniel Salmon.  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Au-delà des arguments environnementaux, ce texte se heurte à un problème juridique. Même notre commission des affaires économiques s'est inquiétée des lacunes constitutionnelles de ce dispositif réservé à la seule betterave sucrière - en contradiction avec le principe d'égalité devant la loi.

Cette dérogation est un cheval de Troie, car d'autres filières sont en embuscade : le maïs, le blé, la noisette - comme le montre un amendement.

On nous demande de revenir sur la loi du 8 août 2016 qui justement donnait une valeur législative au principe de non-régression. Ce texte méconnaît en outre l'article 3 de la Charte de l'environnement.

Comme l'a dit le ministre de la transition écologique à l'époque, ici nous faisons le contraire ! Pas moins de 1 221 études scientifiques reconnaissent la toxicité aiguë des néonicotinoïdes. Les semences traitées avec ces substances détruisent les écosystèmes.

Le GEST votera cette motion. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Franck Menonville.  - Le groupe INDEP ne votera pas cette motion. La dérogation est limitée dans le temps et très encadrée, au bénéfice d'une filière engagée dans le développement durable. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et les Républicains

M. Sebastien Pla.  - Ce sujet est passionnant et passionné. Le groupe socialiste, écologiste et républicain votera cette motion pour des raisons juridiques, économiques, écologiques et politiques.

D'abord, ce projet de loi est mort-né puisqu'il ne survivra pas à la censure du Conseil constitutionnel. Soit l'article 2 sera censuré et c'est une impasse, soit il ouvrira une brèche à toutes les filières.

Depuis 2016, la filière n'a pas recherché d'alternatives. Les députés avaient pourtant proposé un plan B - comme betterave - avec des solutions : développement du bio, compensation des pertes de production et instauration d'un fonds de développement conséquent. Or ce texte ne règle rien sur le fond, avec seulement 7 millions d'euros pour la recherche !

De plus, il renvoie la « betterave chaude » aux calendes grecques en ne proposant aucune solution alternative. Ce projet contente les industriels, mais désespère les apiculteurs et fait fi de la biodiversité.

Enfin le texte reflète les injonctions contradictoires de votre Gouvernement. En 2016, la ministre de la Transition énergétique, Barbara Pompili, se réjouissait de l'interdiction des néonicotinoïdes. Vous revenez dessus, avec ce texte qui envoie un signal désastreux, décrédibilisant la parole publique.

Pour que la France reste audible et crédible, repoussons cette dérogation et votons cette motion ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST)

M. Frédéric Marchand.  - L'inconstitutionnalité reste à démontrer. Le groupe RDPI, qui n'est pas unanime sur le sujet, veut examiner tout le texte et rien que le texte, et rejettera donc la motion.

M. Fabien Gay.  - Évitons les caricatures ! Nous avons besoin d'un débat politique fondé sur l'échange d'arguments. Je ne crois pas à une écologie punitive opposée au principe de réalité ; mais pas plus à une opposition entre ceux qui veulent détruire la planète et ceux qui veulent la sauver.

Monsieur le ministre, Mme Assassi n'a pas dit que la filière bio n'avait pas été touchée. Elle a dit que « les cultures bio ont été moins touchées ». (On le conteste sur certaines travées du groupe les Républicains.) M. Cuypers, qui connaît le sujet, dit que c'est faux. Nous en débattrons tout à l'heure, mais sans caricature. Ce n'est en effet pas ce qu'attendent les agriculteurs.

La motion n°1 n'est pas adoptée.

Question préalable

Mme le président.  - Motion n°6, présentée par M. Gontard et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, (n° 61, 2020-2021).

M. Guillaume Gontard .  - Si le groupe Écologiste, viscéralement attaché au débat démocratique, dépose cette motion, c'est que l'heure est grave. Depuis l'autorisation des néonicotinoïdes dans les années 1990, notre pays a perdu 85 % des insectes de ses campagnes, et les populations d'invertébrés se sont effondrées - comme les vers de terre dont se nourrissent de nombreux mammifères et oiseaux.

La biodiversité, c'est nous, nous et tout ce qui vit sur terre, disait Hubert Reeves. Or l'activité humaine provoque la sixième extinction de masse. Les néonicotinoïdes sont l'un des poisons les plus pernicieux, les plus dangereux : ils multiplient par six la mortalité des colonies d'abeilles et déciment les populations de pollinisateurs. (M. Laurent Duplomb s'exclame.)

Or 1 222 études ont démontré leur dangerosité ; combien vous en faut-il de plus ? Mais vous savez tout cela, puisque Barbara Pompili, alors secrétaire d'état à la Biodiversité, affirmait en 2016 : « nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas ».

Imagine-t-on revenir sur l'interdiction du plomb ou de l'amiante pour le bénéfice de quelques industriels ? (M. Bruno Sido s'exclame.)

Monsieur le Ministre, vous savez, et vous allez permettre l'utilisation d'un poison. Il a fallu vingt ans de combat, sept lectures parlementaires pour obtenir l'interdiction de ces pesticides. Et dans l'urgence, face à une mauvaise récolte, vous rouvrez la boîte de Pandore...

Cette dérogation scélérate fera jurisprudence : au nom du principe d'égalité devant la loi, le juge constitutionnel pourra élargir la brèche et les lobbies s'y engouffrer. La France avait été leader dans l'interdiction, son renoncement est une victoire pour le lobby agro-chimique. Ce projet de loi est un cheval de Troie de Bayer-Monsanto. Quand nos sols seront aussi morts que des déserts de sables, quand plus rien ne poussera sans engrais chimique, alors la survie de l'humanité dépendra du pompier pyromane Bayer-Monsanto qui aura atteint son objectif. (Exclamations à droite et au centre)

Face à la catastrophe qui s'annonce, je regrette l'absence de la ministre de la Transition écologique, dont l'action avait été décisive en 2016. Le candidat Macron promettait l'interdiction progressive des pesticides ; le président Macron y a renoncé. Sacré décalage avec les attentes des Français, avec le courage de paysans comme Paul François qui gagnait hier son procès contre Monsanto. Un tiers des députés En Marche n'a d'ailleurs pas voté votre texte.

Je n'égrène pas les arguments d'autorité depuis un Aventin d'écologiste outragé qui méconnaîtrait les difficultés d'agriculteurs enfermés dans un modèle agro-industriel à l'agonie. Si nous refusons le débat, c'est que le véhicule législatif est inadapté, que ce texte est incompatible avec la Charte de l'environnement et avec l'objectif à valeur constitutionnelle de protection de l'environnement.

Au lieu de déroger aux règles européennes, vous auriez mieux fait de vous battre pour une PAC ambitieuse qui protège nos agriculteurs de la volatilité des cours, et d'engager la transition agro-écologique.

Nous refusons ce débat car nous l'avons déjà tranché. Aucune étude scientifique ne vient infirmer la dangerosité des néonicotinoïdes. Il ne faut toucher à la loi que d'une main tremblante, disait Montesquieu - pas dans la précipitation.

Nous refusons ce débat car ce texte va à l'encontre du principe de non-régression du droit de l'environnement consacré par l'article L.110-1 du code de l'environnement.

Nous refusons ce débat car les études de l'Anses sont en cours d'élaboration, la fameuse impasse technique n'est nullement constatée. (Mle ministre le conteste.) Plutôt qu'une dérogation, il aurait fallu prévoir un fonds pérenne pour les calamités agricoles.

Nous refusons ce débat, fausse réponse aux problèmes structurels de la filière qui souffre avant tout de la fin des quotas et de la pression du libre-échange. C'est la surproduction qui a fait s'effondrer les cours ! (Mme Sophie Primas, rapporteur, s'exclame.)

Nous refusons ce débat tant que la France n'aura pas fermé la porte au Mercosur. Enfermer la filière sucre dans un schéma à l'agonie ne rend service à personne. La France est tellement en retard qu'elle ne répond pas à la demande de sucre bio et doit en importer du Brésil ! Un comble, alors que la betterave cultivée en bio résisterait nettement mieux à la jaunisse !

M. Julien Denormandie, ministre.  - C'est faux !

M. Guillaume Gontard.  - Où est votre plan pour une filière française bio pour la betterave et le sucre ? Vous avez supprimé les aides au maintien à l'agriculture biologique.

M. Julien Denormandie, ministre.  - C'est faux !

M. Guillaume Gontard.  - Où est votre plan pour sortir de ce modèle agricole qui asservit les femmes et les hommes ?

M. François Bonhomme.  - Carrément...

M. Guillaume Gontard.  - Nous refusons ce débat qui répond à l'intérêt à court terme de la filière sucre au détriment de toutes les autres, et en particulier de l'intérêt des paysans. Nous refusons cette fuite en avant criminelle, et vous invitons à en faire autant. (Applaudissements à gauche)

M. Daniel Gremillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Examiner deux motions consécutives n'est pas l'exercice le plus réjouissant ; mais c'est une occasion de clarification.

Selon l'argumentaire de la motion, le Parlement s'est déjà saisi de la question, qu'aucun élément scientifique nouveau n'est intervenu depuis, que le Mercosur est responsable de l'effondrement de la filière, enfin qu'il faut respecter le principe de non-régression.

Certes, il y a eu plusieurs textes sur le sujet. Mais si l'on suit ce raisonnement, le principe de non-régression de la loi sur la biodiversité souffre de la même fragilité. Il y aurait donc des lois ordinaires supérieures à d'autres ? Pourquoi alors continuer à enseigner la hiérarchie des normes ?

Si cette loi n'est pas adaptée ou si elle ne peut être appliquée, alors elle ne sert à rien. (MM. Laurent Duplomb, Pierre Cuypers et René-Paul Savary approuvent.) Par exemple, la loi Transition énergétique prévoit un objectif de 50 % de nucléaire dans notre mix énergétique, qui n'est pas applicable : lorsque la loi n'est pas ou plus adaptée, il est de notre devoir de la changer.

Sur quels fondements ? Depuis le rapport final de l'Anses de mai 2018, il n'y a pas eu de virage à 180 degrés de la littérature scientifique. Tout est dans ce rapport. L'Anses a étudié 130 usages avec 154 cas d'étude. La justification de ce texte réside dans le bilan risques-bénéfices des alternatives aux néonicotinoïdes. La plupart des solutions alternatives se fondent sur d'autres substances actives. Dans 39 % des cas, l'alternative se fonde sur un produit chimique unique - d'où des problèmes de résistance.

Nous avons souvent dénoncé la lenteur des autorisations de mises sur le marché de méthodes potentiellement efficaces. Nous n'avons pas pu mesurer la pression des ravageurs en l'absence de néonicotinoïdes. Faute d'anticipation, les éléments scientifiques légitiment donc une telle initiative législative.

S'agissant du Mercosur, sur lequel je me suis déjà exprimé, je regrette que l'on mélange les deux problématiques : cela n'est pas rigoureux.

Quant à l'argument du droit communautaire, l'article 53 du Règlement européen est sans ambiguïté : la dérogation est possible à certaines conditions, notamment lorsqu'il n'existe pas d'alternative crédible pour lutter contre un danger.

Nous sommes au Parlement. Je ne vais pas parler des agriculteurs ou des industriels mais des consommateurs et des citoyens. Ne leur mentons pas : les produits qu'ils achèteront, venus de l'étranger, seront pires sur le plan environnemental si nous votons ce texte ! (Applaudissements à droite et au centre) Je veux que nous puissions les regarder dans les yeux.

Notre groupe rejettera cette motion, vous l'aurez compris. Le sucre a une place fondamentale dans la vie. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Laurent Duplomb.  - Très bien !

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - J'ai été frappée par l'intervention du président Gontard qui a égrené beaucoup de contrevérités. Ces allégations non étayées sont caractéristiques d'une stratégie de la peur. Je suis prête à débattre de la réalité. À la décroissance, la commission des affaires étrangères oppose une économie de la croissance, du progrès, de la recherche partagée par les citoyens.

Il n'y aurait pas d'élément nouveau, dites-vous ? Allez donc dans les champs voir l'infestation massive et précoce de pucerons, qui a fait des ravages sans précédent. Allez dans les usines rencontrer les ouvriers qui s'inquiètent pour leur avenir !

Si les sucreries ferment en masse, nous pénaliserons toute une filière qui a fait des efforts considérables pour réduire ses émissions et ses intrants, pour privilégier les circuits courts, etc... Des appellations d'origine protégée comme le Brie de Meaux ou de Melun ont besoin de pulpes betteravières !

Avis défavorable à cette motion. J'espère que nous aurons un débat sur des faits et non des allégations mensongères. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Julien Denormandie, ministre.  - Je salue la qualité de la réponse de M. Gremillet.

Monsieur Gontard, j'ai trouvé vos propos scandaleux. Vous avez été la caricature de l'écologie de l'incantation, du « Y'a qu'à faut qu'on ». (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI)

Nous sommes dans l'impasse, l'alternative n'existe pas ! Dites plutôt aux enfants de la République que dans deux ans, ils consommeront du sucre importé de pays qui eux, autorisent la dérogation ! (Applaudissements à droite et au centre, protestations à gauche)

M. Bernard Jomier.  - Démagogie !

M. Julien Denormandie, ministre.  - Vous assénez des contrevérités, mais aucun argument. Il est désespérant d'entendre qu'il suffirait de mettre en place un fonds d'urgence, alors que vous savez parfaitement que l'Europe nous interdit d'indemniser les agriculteurs à 100 % ! (Exclamations à gauche)

Vous pratiquez une écologie de la diffamation. Vous qualifiez ce texte de criminel, accusez un ministre de la République d'être à la solde des lobbies ? Jamais je ne l'accepterais ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI)

Les agriculteurs ont le courage de l'écologie, d'affronter le réel, les bottes dans la glaise. Ils étaient écologistes avant vous !

Stop à l'écologie de l'incantation, oui à l'écologie du réel. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI)

Mme Angèle Préville.  - Ce projet de loi propose déjà une dérogation à l'interdiction votée il y a quatre ans. C'est un mauvais signal. Il revient sur le principe de non-régression en matière environnementale, belle avancée inscrite dans le code de l'environnement en 2016.

Ce signal politique est d'autant plus désastreux que l'effondrement de la biodiversité est aggravé par l'usage des néonicotinoïdes. Nous faisons face à un problème écologique mais aussi de santé publique. Les néonicotinoïdes ne restent pas sur les semences mais se répandent dans tout l'écosystème. Pire, leurs résidus sont parfois même plus toxiques que la substance active.

Leur dangerosité sur la santé humaine - avec un lien entre exposition répétée et développement de maladies neurologiques et de cancers - a été prouvée : c'est pourquoi ils ont été interdits.

Le groupe socialiste, écologiste et républicain votera cette question préalable. (Applaudissements à gauche)

M. François Bonhomme.  - Les propos outranciers que j'ai entendus, empreints d'idéologie, témoignent d'une lecture partielle et partiale.

M. Gontard n'a jamais évoqué l'impasse technique actuelle. (M. Laurent Duplomb renchérit.) Vous agitez des périls fantasmés mais ne semblez pas voir les milliers d'hectares ravagés par la jaunisse de la betterave. Ce n'est pas qu'une « mauvaise année » !

Qu'allez-vous dire aux salariés, quand 45 000 emplois directs et indirects sont menacés ? Que dites-vous du risque d'importation ? Il ne s'agit pas seulement du sucre bio en provenance du Brésil dont on connaît les conditions de production ! Votre posture idéologique pollue le débat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Cécile Cukierman.  - Quand il y a une impasse, mieux vaut faire demi-tour. Mais le rôle du politique est d'éviter l'impasse !

Quand on ne fait rien, à la date fatidique, rien ne change. Quand on n'investit pas dans la recherche pour trouver des alternatives, rien ne change. Quand on n'accompagne pas les agriculteurs et les industriels pour faire évoluer leurs pratiques et repenser la chaîne de production, rien ne change. Et on se retrouve le mardi soir à devoir changer la loi...

Personne ici ne remet en cause la toxicité des néonicotinoïdes. Personne ici ne nie le rôle des pucerons. Lors de la fermeture de la sucrerie de Bourdon en 2019, conséquence du libéralisme européen et de la dérégulation, nous avons entendu la souffrance des salariés. J'aimerais que vous montriez autant d'énergie à lutter contre le libéralisme à outrance, tout aussi destructeur que les néonicotinoïdes.

Le groupe CRCE votera la motion, car les enjeux sont autant sociaux qu'environnementaux. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Richard.  - Je souhaite revenir sur le processus législatif. En 2016, j'ai voté l'article qui prévoyait la suppression totale et définitive des néonicotinoïdes. Nous pouvions à l'époque nous douter que cet article serait inapplicable pour la totalité des cultures...

Nous parlons aujourd'hui de 1,5 % de la surface agricole cultivée. Donc sur 98,5 %, l'objectif est atteint. Je regrette d'avoir voté en 2016 cette déclaration absolutiste. (M. François Bonhomme approuve.) Je préfère donc voter aujourd'hui cette dérogation, autorisée par le Règlement européen et plus limitée que chez nombre de nos voisins, plutôt que se boucher les yeux. Cela vaut pour d'autres sujets environnementaux. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Henri Cabanel.  - Par tradition, le groupe RDSE ne vote pas les motions, car il est favorable au débat. Nous nous exprimerons donc lors du débat, que nous espérons argumenté et respectueux.

M. Joël Labbé.  - (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains) M. le ministre disait souhaiter des échanges sereins sur ce sujet délicat, mais s'est d'emblée emporté contre notre président de groupe. Nous parlons d'une urgence sociétale gravissime. Il y a un lien direct entre l'usage des néonicotinoïdes et l'effondrement de la biodiversité. Il n'y a pas d'alternatives simples : il faut faire évoluer notre modèle, mettre l'accent sur la production bio, faire de la France un leader en la matière. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) On n'arrive pas à couvrir les besoins en sucre bio alors qu'il y a surproduction ! (M. Laurent Duplomb s'exclame.)

Il faut voir dans le contexte global. Nous défendons nos convictions car on ne peut pas continuer ainsi. (Applaudissements à gauche)

La motion n°6 n'est pas adoptée.

Discussion générale (Suite)

M. Fabien Gay .  - Les néonicotinoïdes sont dangereux pour les humains, meurtriers pour les abeilles et pour la biodiversité. Ils détériorent notre écosystème et notre climat. Nul ne peut le nier. Nous avons, en 2016, fait un choix éclairé par la science, qui a démontré que les néonicotinoïdes sont 5 à 10 000 fois plus toxiques que le DDT, interdit depuis 1971. Revenir sur leur interdiction serait un échec et une régression d'un conquis environnemental.

Hélas, en quatre ans, nous n'avons trouvé aucune alternative viable. Votre réponse, c'est une dérogation temporaire. Mais que ferons-nous dans trois ans ? Une nouvelle dérogation ?

En outre, le risque constitutionnel est réel comme l'a montré Éliane Assassi. D'autres filières pourraient demander à bénéficier d'une telle dérogation.

La transition écologique ne peut se construire sans ni contre les agriculteurs. Depuis 1991, ils n'ont pas eu d'autre choix que d'utiliser les néonicotinoïdes. Pire, on les y a même encouragés, en prônant un modèle productiviste.

Mme Cécile Cukierman.  - Exactement.

M. Fabien Gay.  - Il faut désormais changer de paradigme. Qui va diriger cette transition écologique ? Les grands industriels privés ou l'État, garant de l'intérêt général, en donnant les moyens à la recherche ?

Lorsqu'il s'agit de contourner les règles environnementales, certains déploient des trésors d'ingéniosité.

M. Laurent Duplomb.  - Pour les appliquer, aussi !

M. Fabien Gay.  - Mais pour trouver des solutions, ils ne sont pas là.

Que faire face aux pucerons, direz-vous ? Nous sommes pour l'indemnisation des pertes dans les zones impactées, la création d'un fonds mutuel solidaire de gestion des risques et l'instauration d'un prix plancher d'achat pour les producteurs.

Les ONG, les syndicats agricoles proposent des alternatives : ne pas semer dans une terre trop froide, s'appuyer sur des insectes comme les coccinelles, ce que les néonicotinoïdes rendent impossible.

Un changement de paradigme s'impose, car le système du vivant est global. Cessons de penser l'agriculture par parcelle : le vivant fonctionne en interdépendance.

Ce qui ronge la filière, ce n'est pas la jaunisse, c'est surtout la libéralisation avec la fin des quotas sucriers en 2017 et l'ouverture à la concurrence, les spéculateurs et le libre-échange !

Avec ce texte, le Gouvernement essaie de sortir de l'impasse du néolibéralisme. Ce sera sans nous ! (Applaudissements à gauche)

M. Pierre Louault .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Joël Labbé demandait à dépassionner le débat. Difficile, tant on est pris par l'urgence. (M. Laurent Duplomb approuve.)

Pour certains, il faut se débarrasser d'une agriculture qui utilise des produits phytosanitaires, mais il faut être réalistes. Il y a cent ans, il y avait 700 millions d'habitants sur terre avec des famines récurrentes qui éliminaient une partie de la population. Nous sommes désormais 7 milliards, dont un milliard ne mangent pas à leur faim, et prétend que les choses iraient mieux si l'on revenait aux méthodes d'autrefois ?

M. Jean-Claude Tissot.  - Personne ne dit cela !

M. Pierre Louault.  - En supprimant les néonicotinoïdes en catastrophe, en allant plus loin que la règlementation européenne, alors que l'agriculture française est déjà la plus vertueuse (M. Pierre Cuypers renchérit.), on voudrait tuer l'agriculture française et importer du sucre bio brésilien cultivé sur les cendres de la forêt amazonienne. Si j'étais écolo, j'aurais honte ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Nous n'avons pas trouvé d'alternatives aux néonicotinoïdes. Je connais des agriculteurs écologistes qui cherchent, bien seuls, des solutions. Il est facile de les critiquer, ils ne représentent que 2 % de la population ! Plutôt que de les taxer de productivisme, rappelons qu'ils travaillent sept jours sur sept pour nourrir le pays et au-delà ! (MM. Pierre Cuypers et Laurent Duplomb approuvent ; protestations sur les travées du GEST)

Mobilisons plutôt notre énergie à trouver des produits de substitution et de nouvelles méthodes de production. Nous ne mentons pas aux Français : ce n'est pas avec des méthodes ancestrales que nous réussirons à nourrir la planète. L'agriculture bio ne fonctionne qu'avec les résidus de l'agriculture conventionnelle ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Jean-Claude Tissot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce texte va créer un précédent pour d'autres filières. La réponse choisie évite au Gouvernement de se poser trop de questions et de se pencher sur les causes profondes de la crise. Une telle dérogation règlera-t-elle les difficultés de la filière betteravière française ? Non, car elles sont systémiques.

La suppression des quotas sucriers et du prix minimum garanti en 2017 ont entraîné un effondrement des prix. Dès 2019, des usines fermaient. La filière doit avant tout être accompagnée vers une plus grande résilience.

Est-ce que la dérogation résoudra le problème de la campagne 2020 ? Non, puisque les produits placés sur la graine n'auront d'effet que pour la récolte suivante. N'y a-t-il vraiment pas d'alternative ? La filière a présenté le 2 octobre un plan pour une transition vers une culture de la betterave sans néonicotinoïdes. II n'y a donc pas d'« impasse technique », mais un simple retard. (M. le ministre le conteste.)

Faut-il dès lors un recul de notre législation environnementale ? Non, mille fois non. Nous avons déjà pris trop de retard. Un million d'espèces animales et végétales sont menacées d'extinction. Le rôle des insectes pollinisateurs est fondamental dans la biodiversité. Or, selon les apiculteurs, les néonicotinoïdes anéantissent 300 000 ruches par an, d'où leur surnom de « tueurs d'abeilles ».

Les plants de betterave ne produisent pas de fleurs mellifères, certes - le sapin non plus, et il y a bien du miel de sapin ! Et les abeilles fabriquent du miel de miellat à partir des excréments de pucerons... Les populations d'abeilles sont trop fragilisées pour que l'on joue à la roulette avec elles ! Sans compter que d'autres filières réclameront une dérogation identique.

Existe-t-il un autre chemin pour aider la filière ? Oui, via un soutien financier de court terme et, à plus long terme, en nous appuyant sur les pistes dégagées par le plan socialiste « B comme betterave ».

Le groupe socialiste, écologiste et républicain vous invite donc à voter contre ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Franck Menonville .  - Ce texte est une réponse d'urgence pour sauver la filière betteravière. L'usage de néonicotinoïdes sera strictement encadré et limité à la betterave - et je rappelle que l'on ne fait pas de miel avec la betterave, ou alors c'est une contrefaçon...

M. Vincent Segouin.  - Très bien !

M. Franck Menonville.  - La France est le premier producteur européen de sucre, la filière compte 46 000 emplois. Avec la jaunisse, les pertes de rendement sont colossales - entre 40 % et 70% - jusqu'à 1 500 euros par hectare.

Le droit européen autorise une dérogation ; douze pays européens l'ont d'ailleurs adoptée, dont l'Allemagne et la Pologne. À défaut, nous devrions importer des produits répondant à des normes environnementales moins strictes !

L'interdiction des néonicotinoïdes a été votée en 2016 puis appliquée en 2018, sans étude d'impact, alors que nulle alternative crédible n'existait. Comme disait Talleyrand « Quand il est urgent, c'est déjà trop tard ». Une étude d'impact nous aurait permis de constater que cette interdiction n'était pas réalisable dans un tel laps de temps.

Je souhaite que les futures études d'impact soient systématiques et qu'elles intègrent des analyses des conséquences économiques et sociales, pour éviter des impasses. Il en va de l'avenir d'une filière et de notre crédibilité.

La dérogation, très encadrée, s'appliquera jusqu'en 2023. D'ici là, il nous faudra développer la recherche pour trouver une alternative respectueuse des pollinisateurs et de la biodiversité. La recherche génétique offre les pistes les plus prometteuses. « L'écologie sans solution est une écologie d'impasse », dites-vous, monsieur le ministre. Je salue votre courage politique sur ce texte. (Protestations à gauche)

L'agriculture est le garant de notre autonomie et de notre souveraineté alimentaires. Faisons en sorte que ce texte rentre rapidement en vigueur. Le groupe INDEP votera majoritairement en faveur de ce texte, tout en demandant une évaluation annuelle de ses avancées. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Joël Labbé .  - Je ne suis pas à l'aise dans ce débat compliqué. (M. André Reichardt approuve.)

Personne n'a le monopole du respect des agriculteurs ! Je tiens à affirmer notre respect total pour le monde paysan, broyé depuis longtemps par un système. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER).

L'interdiction des néonicotinoïdes, réclamée depuis vingt ans par les apiculteurs, était l'une des rares avancées de la transition agro-écologique de l'agriculture. Au contraire, ce texte répand un poison dans l'environnement et envoie un signal désastreux quant à la réelle volonté politique d'une transition agro-écologique. Les solutions sont pourtant nombreuses : réduction de la taille des parcelles, jachères, rotations longues, plantation de haies - alors qu'en France, 10 000 kilomètres de linéaires de haies disparaissent chaque année. Les agriculteurs engagés dans des systèmes alternatifs et les scientifiques l'affirment : des possibilités agronomiques existent, et la recherche de solutions alternatives aux néonicotinoïdes doit être renforcée, notamment par des moyens importants. Nous devons créer un modèle agro-écologiste rémunérateur, avec des mesures éco-conditionnalisées couplant aides publiques et fonds de mutualisation.

Il faut cependant faire face à l'urgence en accompagnant les agriculteurs avec des mécanismes adaptés. La fuite en avant d'un modèle industriel à bout de souffle explique les difficultés de la filière. La crise de la betterave est surtout liée à la dérégulation du marché, depuis la fin des quotas. (M. Daniel Gremillet le nie.) Cette culture est sous perfusion d'intrants et appauvrit l'environnement : parfois, les ravageurs n'ont plus aucun prédateur !

Il faut relocaliser notre alimentation, travailler à l'établissement d'un commerce équitable et au développement d'une filière du sucre bio. Le GEST votera contre ce texte.

« Notre maison brûle mais nous regardons ailleurs ». (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) C'était il y a près de vingt ans. Alors qu'il y a urgence, ce projet de loi souffle sur les braises. Allons-nous raviver le feu ?

Ceux qui s'opposent au modèle dominant, on l'a vu dans cette discussion, sont traités d'obscurantisme et comparés à des Amish. Alors je reprendrai, avec un peu d'humour, ces mots d'un grand poète chansonnier du siècle dernier : « Parlez-moi d'Amish et j'vous fous mon poing sur la gueule, sauf le respect que je vous dois ». (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

M. Frédéric Marchand .  - Je vous parlerai pour ma part de Pierre Bachelet. « Au Nord, c'était les Corons ; la terre, c'était le charbon... » chantait-il. Mais au Nord, c'est aussi la betterave. Je rends hommage aux agriculteurs, hommes et femmes, passionnés par leur métier et ne comptant pas leurs heures. Comme me le disait vendredi à Haussy, Mme Hélène Levrez et son mari, betteraviers, « L'agriculture est un métier de passionné ! La seule chose qui motive un agriculteur à se lever sans savoir à quelle heure il ira se coucher, c'est l'amour du métier ». (M. Laurent Duplomb approuve.) Nos agriculteurs souffrent de passer pour les ennemis déclarés de l'écologie. Il faut certes tendre vers un idéal, mais ne pas oublier le réel ! (Légères protestations à gauche)

Cessons le manichéisme caricatural qui oppose les défenseurs de la biodiversité aux assassins, promoteurs de ce projet de loi !

Ce texte n'encourage pas le retour aux pesticides, bien au contraire. Depuis la loi de 2016, 92 % des usages des néonicotinoïdes ont été supprimés.

Avec ce texte, sera traitée la question des 8 % restants. Pendant trois ans, cela sera la priorité de notre agriculture et de notre recherche. Les néonicotinoïdes restent interdits. Nous ne signons pas un chèque en blanc, mais il en va de notre souveraineté économique, alimentaire et de l'accélération vers la transition agro-écologique. Ce n'est pas non plus une régression pour le droit de l'environnement.

Ce projet de loi s'inscrit dans le droit européen, la dérogation est encadrée. Il s'agit de ne pas tuer la filière et de conserver les exploitations et les emplois. Ce texte nous vient de nos territoires ruraux.

Nul ne nie les dangers des néonicotinoïdes, mais ils sont une solution d'urgence pour sauver la filière. L'égoïsme écologique du pas plus vert que moi, et tant pis pour les autres, ne résoudra rien !

La sortie des néonicotinoïdes suppose de changer les méthodes culturales, avec des auxiliaires de culture prédateurs ou des bandes enherbées, et de remettre de la complexité dans les parcelles. Je vous y invite s'agissant de ce texte, dans une démarche de dialogue, de respect mutuel, tout en refusant les positions dogmatiques.

« Il faut savoir ce que l'on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire », disait Clemenceau. Nous voterons ce texte avec courage et détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

M. Henri Cabanel .  - En tant qu'agriculteur, je sais la difficulté de vivre de son métier - un métier au coeur des enjeux écologiques.

La réforme de la PAC décidée la semaine dernière peut être jugée insuffisante ou excessive par certains, mais elle nous oriente vers une agriculture plus durable. La France a été précurseur avec l'interdiction du Gaucho en 2004, puis des néonicotinoïdes en 2013 pour le tournesol et le colza. L'Union européenne nous a ensuite emboité le pas.

Les trois fondements de l'agriculture - économie, environnement, santé - doivent toujours être considérés en même temps. Il y a un manque indéniable d'études d'impact dans l'élaboration de la loi. Évitons les postures politiques clivées, privilégions les solutions philosophiques.

Ce texte va-t-il apporter des solutions durables ? La filière betterave s'est engagée dans une course au rendement - ils ont triplé depuis les années cinquante - en raison de la plus faible teneur en sucre de la betterave par rapport à la canne. Jusqu'où ira cette course effrénée ? Notre filière a perdu sa place dans la course à la production. Le Brésil, numéro un du secteur, produit davantage d'éthanol que de sucre, mais pourrait augmenter sa production de sucre en raison de la crise de la covid-19, ce qui fera baisser les prix et mettra en danger la filière européenne. Certaines usines risquent de fermer avant même leur ouverture... Le plan stratégique de la filière, en 2009, a été tardif.

Les restructurations de la filière vers le bio restent faibles. L'Allemagne a préféré l'utilisation des néonicotinoïdes en curatif ciblé plutôt qu'en préventif par enrobage.

Nous n'avons pas su intégrer la gestion des risques à notre approche. Il faut conditionner les aides à la durabilité des pratiques. Les effets nocifs des néonicotinoïdes sur les pollinisateurs ou le lessivage des sols ne sont pas discutés ; saurons-nous assumer les risques liés à leur utilisation ? Ne soyons pas lâches, car nous savons.

Il faut soutenir cette filière en responsabilité, avec les professionnels, pour rester leader en Europe. Il faut interdire l'importation de denrées agricoles ne respectant pas nos normes. Ne soyons pas hypocrites, et allons jusqu'au bout de notre démarche. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Laurent Duplomb .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Tous ceux qui me connaissent au Sénat savent que je n'ai pas toujours été tendre avec vos prédécesseurs, monsieur le ministre. Je dois reconnaître qu'avec vous, mes souhaits changent... (Sourires et quelques applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Vous avez eu le courage de corriger une erreur collective sur les néonicotinoïdes. Le paradoxe français veut qu'on ne peut plus soigner les plantes avec des molécules chimiques, alors que les humains en consomment de plus en plus via les médicaments. (Protestations sur les travées du groupe SER)

D'un côté, il y avait l'écologie incantatoire, de l'autre ceux qui misaient tout sur le progrès.

Les agriculteurs n'utilisent pas les produits phytosanitaires par plaisir, ne serait-ce parce qu'ils coûtent de plus en plus cher depuis la loi EGalim... Et ils les utilisent désormais le soir, dans une agriculture raisonnée. La sonnette d'alarme a été tirée mais n'a pas été entendue.

Ayons le courage de reconnaître les dégâts. La filière betterave perdra 70 % de sa production dans certains endroits. Les surfaces plantées risquent de se réduire drastiquement, et l'industrie sucrière diminuera sa production et perdra des parts de marché face à une concurrence mondialisée, alors qu'elle est déjà insuffisamment compétitive par rapport à l'Allemagne.

Attention à ce que le remède ne soit pas pire que le mal avec jusqu'à huit traitements curatifs inefficaces ! La seule solution, c'est une réintroduction temporaire, le temps de trouver des solutions scientifiques alternatives. Mais donnons-nous du temps, trois ans ne suffiront peut-être pas. Ne reproduisons pas la même erreur qu'en 2016. Le temps presse. Les semis de 2021 se décident aujourd'hui. Sinon, les agriculteurs devront se tourner vers d'autres cultures.

Je ne comprends pas que les adeptes bien-pensants du « il est interdit d'interdire » qui veulent des documents, des démonstrations en tout genre ne l'appliquent pas sur ces sujets ! (MM. Vincent Segouin, Pierre Cuypers et Jean-Marc Boyer applaudissent.)

Cette filière contribue à plus d'un milliard d'euros d'excédents dans la balance commerciale. Pour rembourser la dette de 3 000 milliards d'euros sans augmenter les impôts ni avoir recours à l'inflation, nous en aurons besoin.

Je l'écrivais dans mon rapport en 2019 : comment assumer de tuer la production française en faisant entrer les mêmes produits venus de l'étranger ? N'oublions pas qu'un fruit et un légume sur deux consommés en France sont produits à l'étranger, de même pour un quart du porc. Quelle part de la consommation française de sucre viendra du Brésil ou d'Allemagne ?

M. Vincent Segouin.  - Bio ou non bio !

M. Laurent Duplomb.  - Retrouvons l'objectivité et la modération. Je proposerai dans le projet de loi de finances une augmentation importante du budget de la recherche agricole pour passer d'une écologie punitive à une écologie constructive.

Il y avait 2,5 milliards d'habitants sur terre en 1950 ; 7,8 milliards en mars 2020.

Nous serons 10 milliards d'habitants demain, et il faudra en tenir compte : la production de denrées alimentaires sera cruciale pour l'équilibre du monde.

Posons-nous les bonnes questions : interdire pour interdire, c'est mettre en danger la pomme, la cerise, la noisette, la lentille verte du Puy. (Sourires) Monsieur le ministre, je vous demande d'intervenir avec le même courage pour sauver ces filières menacées. (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST) Le groupe Les Républicains vous soutiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Stéphane Demilly .  - La filière betterave-sucre et ses 46 000 emplois sont en danger ; il faut réagir. C'est l'objet de ce projet de loi. Il ne s'agit pas de revenir en arrière mais de répondre à l'urgence, avec un encadrement strict.

La jaunisse altère les rendements et le taux de sucre de la betterave. Les alternatives aux néonicotinoïdes ne sont pas à la hauteur voire, selon l'Anses, sont parfois pires pour l'environnement. Il faut continuer à chercher. Pendant ce temps, la filière, dans une impasse technique, appelle à l'aide. Le Gouvernement évalue à 13 % les pertes de rendement moyennes ; mais en certains endroits, c'est 40 %, voire 50 %. Les pertes sont colossales. Les agriculteurs les plus touchés renonceront, demain, à produire.

Ce serait une fin programmée de la souveraineté économique française. Ce serait 46 000 emplois menacés, un plan social massif, avec des conséquences sur les industries agroalimentaires mais aussi pharmaceutiques, chimiques et sur l'éthanol pour lequel je me suis tant battu.

Ce n'est pas un appel à la révolte. Mais avec 445 000 hectares plantés et 38 millions de tonnes produites, la France est le premier producteur de sucre de betterave européen, et le deuxième producteur mondial. Il convient de mettre en oeuvre une dérogation déjà en vigueur dans 12 États membres européens comme l'Allemagne, la Belgique et la Pologne. C'est l'objet de ce projet de loi qui s'appuie sur l'article 53 de la réglementation européenne pour autoriser l'usage de ces produits via l'enrobage des semences - et non par pulvérisation.

Le groupe UC vous propose d'adopter ce texte pour ne pas laisser l'industrie sucrière s'effondrer, soutenir une transition agro-écologique prometteuse et préserver notre souveraineté économique nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Angèle Préville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce projet de loi est une défaite, un retour à la case départ. En quatre ans, la filière n'a mis en place aucune alternative aux néonicotinoïdes. Alors que la France était précurseur, suivie par les autres États membres européens, vous vous dérobez à la première difficulté, vous faites le choix de la facilité et du court terme. Une nouvelle fois, vous choisissez l'économie au préjudice de l'écologie, et détruisez les engagements que nous avions pris en 2016.

Nous savons que les insecticides ont une large part dans la destruction de la biodiversité. Au moment où la Cour des comptes européenne pointe les échecs des actions menées pour enrayer le déclin de la biodiversité, et que la Cour de cassation rejette le pourvoi de Monsanto sur l'herbicide Lasso, ce texte est un contresens fracassant.

Ce projet de loi va à l'encontre de l'évolution de la société. L'eau, l'air, la terre, la nature sont des biens communs qui nous offrent des services gratuits ; en retour, nous leur donnons un produit sept mille fois plus toxique que le DDT, véritable poison enrobant les semences pour partir dans les sols, les lacs et rivières et y rester pour des années. L'herbe deviendra elle-même pesticide, au détriment d'un monde chatoyant et foisonnant. Plus de 37 % des colonies d'abeilles ont disparu en Europe. Ce sont des lanceuses d'alerte ! Sans leur présence, la pollinisation indispensable à l'agriculture est compromise.

Vous revenez sur les acquis de 2016, mais aussi ceux de 2018 dans la loi EGalim. Drôle de temporalité au moment de définir nos engagements dans le cadre de la COP 15 de la biodiversité.

Le groupe SER votera contre ces mesures libérales d'un autre âge. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe SER et GEST)

M. Jean-Marc Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue l'excellente analyse de la rapporteure Sophie Primas (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) sur ce texte essentiel pour sauver une filière en péril, qui ne se bat pas à armes égales avec nos concurrents étrangers.

Merci, monsieur le ministre, d'avoir trouvé cette solution. Faisons confiance à la recherche. On traite les agriculteurs de criminels, de tueurs d'abeilles, alors qu'ils travaillent 24 heures sur 24. Ils seraient, face aux vertueux, bio et écolos, les destructeurs, promoteurs de la malbouffe et polluants. Non : ils cherchent des solutions conciliant économie et écologie. Dans mon département du Puy-de-Dôme, la fermeture de la sucrerie de Bourdon a entraîné la perte de 50 emplois.

Faisons prévaloir l'idéal sur l'idéologie, et à l'esprit de responsabilité des agriculteurs. Les néonicotinoïdes ont leur part de responsabilité mais n'expliquent pas à eux seuls la mise en danger des pollinisateurs, selon un rapport de l'Anses.

Des solutions de substitution, disent nos idéologues, existent déjà. Mais, selon l'Anses, elles ne sont pas meilleures : elles risquent de développer de nouvelles résistances aux insecticides.

Que cherchent les ultra-verts qui nous harcèlent, voire nous menacent sur les réseaux sociaux, et nous accusent de ne pas penser à nos petits-enfants ? Je n'ai pas de leçon de morale à recevoir. (M. Vincent Segouin l'approuve). Je suis fier de défendre l'emploi agricole, la filière sucrière, de faire confiance à notre recherche, de préserver les intérêts de nos paysans français, vertueux, aménageurs du territoire et premiers écologistes de France. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Julien Denormandie, ministre .  - Monsieur Gay, parmi les solutions alternatives agronomiques figurent les haies et la taille des parcelles.

Les haies, nécessaires aux auxiliaires comme les coccinelles, mettent néanmoins un temps certain à pousser. Je suis un fervent défenseur des haies, c'est pourquoi je consacre 50 millions d'euros au développement des haies dans le plan de relance.

Les parcelles de petite taille - moins de 4 hectares - sont-elles un obstacle aux pucerons, comme le pensent certains agronomes ? Mais ceux-ci ne savent pas si elles doivent être carrées ou longues, donc allez expliquer cela à un agriculteur... L'alternative reste donc faible.

Je remercie M. Louault pour ses propos.

Monsieur Tissot, vous indiquez que le rapport de l'Anses et des personnes de la filière, qui m'a été remis il y a une semaine, affirmerait qu'une alternative est possible. Ce n'est pas le cas. Ces documents, c'est-à-dire le plan de prévention et les engagements de la filière, m'ont été remis à ma demande, et ont été travaillés pendant plusieurs mois. Ne faites-donc pas dire à ce rapport ce qu'il ne contient pas.

Un soutien financier à hauteur de 100 % n'est pas possible selon le droit européen. Mettez-vous à la place de l'agriculteur ! (Protestations à gauche)

Mme Laurence Rossignol.  - Vous parlez à l'un des rares agriculteurs de ce groupe !

M. Julien Denormandie, ministre.  - J'espère que la loi ne dira jamais à un agriculteur ce qu'il doit planter. Quand il a le choix de ses cultures, entre betteraves et céréales, que choisit-il ? S'il a besoin de cotiser à hauteur de 35 % au fonds de mutualisation pour planter de la betterave et être indemnisé, que croyez-vous qu'il fera ? Nous ne connaissons pas ce fichu virus. Cette année, il se dirige du sud vers le nord, de manière très prononcée. L'an dernier, c'était d'est en ouest. L'agriculture est donc dans la plus grande incertitude. Bien sûr, les agriculteurs ne cultivent pas 100 % de leurs surfaces en betterave.

En 2018, l'Anses a annoncé que l'on mettrait en place des alternatives chimiques : le Movento et le Teppeki. Or au bout de huit passages, cela ne fonctionne toujours pas et avec quel impact sur les bassins versants ! (M. Pierre Cuypers le confirme.).

Monsieur Ménonville, je vous remercie pour vos propos.

Monsieur Labbé, vous avez dit que personne n'a le monopole du respect du monde agricole et je vous en remercie. D'ailleurs, tout le monde doit le respect au monde agricole. (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Frédéric Marchand applaudit également.) C'est ce monde agricole qui nous a nourris pendant le confinement. (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE) Rendons-lui hommage dans cet hémicycle qui représente les territoires ! Nous leur devons ce respect à la hauteur de leurs actions quotidiennes.

Nous avons un autre gros sujet, celui de l'eau, et je souhaite avancer avec vous sur ce sujet.

Monsieur Marchand, je vous remercie pour vos propos.

Monsieur Cabanel, la PAC doit être le reflet du triptyque économie-écologie-santé. La réforme de la PAC, adoptée il y a une semaine - nuit pour nuit... - prévoit que 20 % des paiements directs devront être conditionnés par des mesures environnementales. Au même moment, le Parlement européen a même décidé que ce taux devrait être de 30 %. Quel secteur, dans notre pays, en fait autant pour la transition environnementale ? Même nous dans nos comportements personnels, n'en faisons pas autant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Claude Tissot proteste.) Arrêtons ces procès faits aux agriculteurs !

Monsieur le sénateur Duplomb, je vous remercie pour vos propos. (Protestations à gauche)

M. Jean-Claude Tissot.  - Il va entrer au cabinet du ministre !

Mme Cécile Cukierman.  - Bon courage !

M. Julien Denormandie, ministre.  - Il est très important, face à la nature, de faire preuve d'humilité. C'est une question de souveraineté, plus que d'économie ou d'écologie. L'autre avancée de la PAC, ces 20 % à 30 % de mesures environnementales, seront obligatoires dans tous les États membres. C'est cela, le sens de l'Europe ! Converger, notamment sur l'agro-écologie.

En agriculture, nous oublions trop souvent la notion du temps, importante pour réaliser des tests agronomiques in vivo. Si l'hiver a été froid, il n'y aura pas de pucerons, et cela invalide votre test.

C'est faux de dire que rien n'a été fait pendant quatre ans. Nous y avons consacré 700 000 euros. Je vais allouer 7 millions d'euros à la filière pour les trois prochaines années : il est possible d'aller plus vite et de mettre plus de pression dans le tube.

Monsieur Duplomb, cette dérogation je ne la veux que pour la betterave sucrière.

Beaucoup s'interrogent sur la légalité du texte au regard du droit constitutionnel. Le Conseil constitutionnel juge que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de manière différente des situations différentes ni à ce que des différenciations soient réalisées pour des raisons d'intérêt général. Et c'est bien le cas en l'espèce.

Pourquoi ne choisir que la seule betterave sucrière ? Comme elle est récoltée avant floraison, l'impact environnemental des semences enrobées est moindre.

En outre, il s'agit ici de l'ensemble de la filière : sans betterave, les sucreries fermeront. (M. Jean-Claude Tissot proteste.)

Pour les autres filières, je m'engage à chercher d'autres solutions qui ne passeraient pas par une telle dérogation.

Si je savais qu'il existe une alternative, je ne serais pas là devant vous pour vous demander de déroger au titre de l'article 53 du Règlement européen. Merci, monsieur Demilly, de l'avoir rappelé.

Madame la sénatrice Préville, la facilité ne guide pas ma présence ce soir. Il est beaucoup plus facile de dire qu'il y aura une solution. C'est plus courageux d'avoir l'humilité de reconnaître qu'il n'y a pas de solution. (Protestations à gauche)

N'oublions pas l'objectif de ce texte. C'est quoi le bon sens paysan évoqué par M. Boyer ? Que nos enfants mangent encore du sucre français dans plusieurs années. Je veux faire cette transition agro-écologique avec le sucre français. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Modification de l'ordre du jour

Mme le président.  - Par courrier en date de ce jour, M. le Premier ministre a informé M. le président du Sénat que le Gouvernement ferait jeudi 29 octobre 2020 après-midi, une déclaration suivie d'un débat et d'un vote en application de l'article 50-1 de la Constitution relative à l'évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre.

Les modalités d'organisation du débat à la suite de la déclaration du Gouvernement seront définies par la Conférence des présidents qui se réunira demain à 14 heures.

En conséquence, le Gouvernement demande que l'examen du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche pour les années 2021 à 2030 portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur débute le 28 octobre 2020 à 16 h 30.

La suite de l'ordre du jour s'établira ainsi :

Mercredi 28 octobre 2020 à 16 h 30 et le soir et jeudi 29 octobre 2020 matin : projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche pour les années 2021-2030.

Jeudi 29 octobre 2020 à 14 h 30 : déclaration du Gouvernement, en application de l'article 50-1 de la Constitution, suivi d'un débat et d'un vote, puis l'après-midi et le soir : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses dispositions de gestion de la crise sanitaire.

Vendredi 30 octobre 2020 matin : suite du projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire, puis suite du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche pour les années 2021 à 2030.

Vendredi 30 octobre 2020 après-midi et, éventuellement, le soir : suite du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche pour les années 2021 à 2030.

Acte est donné de ces demandes.

Le délai limite d'inscription pour les orateurs des groupes dans la discussion générale sur le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche pour les années 2021 à 2030, initialement prévue demain à 15 heures serait avancé demain à 12 heures. Sur le projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire, il serait fixé à demain 18 heures. Le délai limite de dépôt d'amendements de séance sur le projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire serait reporté au jeudi 29 octobre 2020 à 12 heures.

Il en est ainsi décidé.

Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Olivier Paccaud .  - Élu de l'Oise, je viens d'un territoire où la betterave rythme l'automne depuis le boycott imposé par Napoléon au sucre de canne qui enrichissait la perfide Albion. La modernisation et la concentration ont conduit à la fermeture de nombreuses sucreries, mais l'activité fait encore vivre de nombreuses familles. Mais jusqu'à quand ?

Si nous n'autorisons pas cette dérogation, nous pénalisons la filière et ne sauvons pas pour autant la planète car nous continuerons à manger du sucre belge, allemand, voire brésilien, produit avec des néonicotinoïdes. Halte à l'écologie schizophrène ! Nous sommes tous favorables à la transition agro-écologique et à l'arrêt de l'utilisation des néonicotinoïdes. Mais ne rien faire serait non-assistance à agriculteurs en danger ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Daniel Salmon .  - Je regrette la faiblesse de l'étude d'impact du projet de loi. Elle ne s'appuie sur aucune donnée référencée, mais sur des analyses fournies par des organismes professionnels. Elle ne propose aucune analyse sérieuse de la situation économique de la filière. Quid des effets économiques à long terme de la chute des populations de pollinisateurs ? Faudra-t-il polliniser à la main comme le font les Chinois avec les cerisiers ?

Nous avons rencontré de nombreux agriculteurs qui cultivent de la betterave bio : leurs rendements sont bons et affichent des pertes moindres par rapport à l'agriculture conventionnelle. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Victoire Jasmin .  - Nous sommes dans un système concurrentiel et je comprends la plupart des arguments invoqués. En Guadeloupe et en Martinique, la chlordécone, qui a bénéficié d'une dérogation, a fait de nombreux morts. Les enfants et petits-enfants d'agriculteurs souffrent de cancers et de problèmes endocriniens.

L'économie et la situation sociale sont importantes mais comment ne pas penser aux personnes qui seront malades ? Nous n'avons pas le droit de faire n'importe quoi.

N'oublions pas que les Antilles produisent aussi du sucre de canne et du gel hydroalcoolique grâce au rhum, même si cela ne couvre pas tous les besoins : arrêtez le mépris car nous sommes là !

Pour tous ceux qui souffrent et pour la mémoire de ceux qui ont lutté et perdu leur vie, réfléchissons à ces dérogations ! (Applaudissements nourris sur les travées du groupe SER, du GEST et du groupe CRCE)

M. Joël Labbé .  - Le Gouvernement nous présente cette dérogation comme une fatalité, pour trouver la solution la moins mauvaise. Il nous propose l'enrobage des semences sur plus de 400 000 hectares alors que l'on ne connaîtra pas encore le risque de jaunisse.

En commission, nos collègues ont comparé les pesticides à des médicaments pour soigner les plantes. Cette analogie est fausse mais, si nous l'utilisions, l'enrobage des semences serait comme prendre, entre octobre et avril, des antibiotiques pour éviter de tomber malade ! En outre, les pratiques systémiques provoquent des résistances chez les insectes cibles.

L'Allemagne, deuxième producteur européen de sucre, refuse pourtant ces traitements préventifs. Les néonicotinoïdes ne sont autorisés que par pulvérisation en cas de présence de pucerons : les quantités de produits dans l'environnement sont donc moindres, même si les inconvénients de la pulvérisation sont bien connus. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Olivier Jacquin .  - Il y a pire que la jaunisse : la sécheresse. Et il y a pire que la sécheresse : l'effondrement des cours de la betterave de 40 euros à 20 euros à la tonne. Pourquoi les outils de régulation exceptionnels des prix, proches de ceux applicables au lait, ont-ils été lâchement abandonnés ?

En quelques années, le prix du sucre est passé de 600 euros à 300 euros la tonne, au bénéfice de l'industrie agroalimentaire. C'est pourquoi nous avons proposé un plan B pour la betterave à l'Assemblée nationale, grâce à l'indemnisation de la filière. La loi date de 2016 mais peu a été fait depuis. Le plan éco-phyto est quasiment à l'abandon.

Vous êtes le ministre d'un Gouvernement attentiste et pas du tout prospectif. Il y a eu de la paresse. Où sont le courage et l'audace d'accompagner et de protéger notre agriculture devant les insupportables distorsions de concurrence devant nos avancées qualitatives ! Votre souveraineté est à géométrie variable : voyez l'élevage bovin.

Cette loi est régressive et creusera le fossé entre l'agriculture et les citoyens. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Fabien Gay .  - Monsieur le ministre, nous ne sommes pas d'accord mais vous prenez le temps de nous répondre, contrairement à certains de vos collègues.

Effectivement, les surfaces destinées à la culture de la betterave ont diminué de 5 % l'an passé. Mais cela est dû à la sécheresse et à l'effondrement des prix en raison de la fin des quotas sucriers. Vous ne parlez que des pucerons !

Nous consommons un quart de notre production de sucre, le reste étant transformé ou exporté. Il n'y a nul péril en termes de souveraineté alimentaire ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et RDPI)

Mme Laurence Rossignol .  - Nous avons déjà eu de meilleurs débats, où l'on s'accuse de dire des contre-vérités sur les différents bords.

Quelque 25 % des betteraves sont consacrés aux biocarburants - cela pourrait être davantage. Nous pourrions aussi faire le choix d'une souveraineté alimentaire sur le sucre bio. C'est seulement 10 % de la production européenne aujourd'hui. Vous haussez les épaules, mais les agriculteurs peuvent évoluer en étant accompagnés.

Élue d'un département betteravier, je voterai contre ce texte et pour les amendements de suppression de l'article premier car je pense à l'avenir de nos agriculteurs, de leurs enfants et de la biodiversité.

Ces produits sont dangereux et vous décidez en toute conscience de les réintroduire : nous devrons rendre des comptes aux générations futures. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et du groupe CRCE)

M. Alain Houpert .  - Pendant six ans, rapporteur spécial pour l'agriculture à la commission des finances, j'ai rapporté les crédits du Casdar, compte consacré à la recherche agricole. Pendant six années, je n'ai eu de cesse de plaider pour en augmenter les crédits. Ce projet de loi est un pas en arrière, la consécration d'un échec. Il préfigure ce qui se passera pour le glyphosate.

De fait, les objectifs et les ambitions des rois de la transition écologique sont accompagnés de moyens de mendiant.

Je ne voterai pas pour un échec, je m'abstiendrai car je ne veux pas entrer dans un débat qui n'est qu'un sparadrap. (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SER et CRCE)

Mme Cécile Cukierman .  - Vous avez raison, monsieur le ministre, sur les expérimentations agroalimentaires qui dépendent du climat.

Mais la crise structurelle de la filière relève davantage de la fin des quotas et de la libéralisation du marché du sucre qui était régulé depuis 1958. L'adaptation à la dérégulation est aussi difficile qu'une invasion de pucerons.

Le groupe sucrier Cristal Union a fermé plusieurs sucreries et supprimé 350 emplois. Seuls les grands groupes industriels tirent les ficelles avec un unique objectif de rentabilité.

Le Gouvernement doit prendre des mesures pour protéger les sucreries et préserver l'emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Ronan Dantec .  - Avez-vous lu le rapport 2019 de la Confédération générale des planteurs de betteraves ? C'est édifiant ! Ils protestent en disant que ces nouvelles méthodes de culture coûtent trop cher et qu'il n'y a pas d'alternatives.

Ayez l'humilité de votre échec, monsieur le ministre ! Début 2020, le lobby de la betterave ne voulait pas changer et l'État ne leur a pas donné les moyens de muter. Nous aurions pu gérer la crise de la jaunisse avec des indemnisations. Au lieu de cela, nous revenons en arrière et nous passons des messages redoutables aux consommateurs. Est-ce le meilleur choix que vous faites pour l'éthanol en faisant le lien avec les néonicotinoïdes ?

Laurence Rossignol a raison : ce débat n'est pas à la hauteur. Vous avez fait preuve de démagogie, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER, tandis que M. le ministre s'exclame.) Nous voulons développer le nombre d'actifs agricoles, mais avec une autre vision de l'agriculture ! (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SER et CRCE)

M. René-Paul Savary .  - Je vis dans la Marne, au coeur d'une zone betteravière. Les champs sont jaunes et il reste de toutes petites betteraves qui ne seront même pas récoltées. Je n'ai jamais vu cela ! Les betteraves permettent de produire du sucre de consommation et des produits transformés comme l'éthanol. Il faut faire de la bioéconomie. Quand on a fermé des sucreries, on a anticipé en ouvrant des distilleries ce qui a préservé l'emploi.

Tuer la filière de transformation de la betterave, c'est aussi tuer la filière de la luzerne, plante mellifère ô combien intéressante. Les pulpes de betteraves sont déshydratées, comme les pulpes de luzernes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Bernard Delcros .  - Le Parlement a voté en 2016 puis en 2018 des mesures de protection de la biodiversité, notamment pour préserver les abeilles.

Ce projet de loi revient sur l'interdiction des néonicotinoïdes, donc sur ces avancées. Comment l'accepter compte tenu des enjeux ? Je voterai contre. (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SER et CRCE)

Mme Laurence Muller-Bronn .  - Dans mon département, le Bas-Rhin, il y a des betteraviers et des sucreries, notamment celle d'Erstein. Dans mon conseil municipal, il y a des betteraviers mais aussi des représentants d'associations environnementales très actifs.

Les Allemands, à trois kilomètres, ont accordé une dérogation pour le traitement des betteraves. Comment notre sucrerie, qui compte 250 salariés mais qui a déjà supprimé 70 emplois l'an dernier, pourra-t-elle survivre ? Nous sommes tous concernés par l'environnement, les générations futures, la santé, mais aussi par le soutien aux agriculteurs - qui sont les premiers gestionnaires du territoire - et par l'emploi industriel de proximité. Je voterai pour ce texte, tout en rappelant la nécessité d'encourager la recherche d'alternatives et l'innovation pour nos industries. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Henri Cabanel .  - J'ai beaucoup entendu l'amalgame entre la crise structurelle de la filière et la jaunisse de la betterave. Avec cette dérogation, la filière sera-t-elle sauvée ? Des alternatives seront-elles trouvées ? Le puceron reviendra-t-il l'an prochain ? Nous ne le savons pas. La dérogation vaut-elle le coup ? Ne faudrait-il pas accompagner la filière ? Quelle est sa stratégie pour être plus concurrentielle ? A-t-elle planté des haies depuis 2016 ?

Avec ce texte, nous prenons des risques pour la santé, sans garantie pour l'avenir de la filière. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Anne Chain-Larché .  - Entre 2016 et 2018, nous avons fait des études des sols et y avons trouvé des résidus dans des quantités infinitésimales, de l'ordre de 10-8 grammes.

Nous avons tous été choqués par ces champs désespérément jaunes, qui pourraient être sauvés.

La dérogation conduira à utiliser 70 grammes par litre de ce produit par hectare, soit 10 à 13 colliers antipuces pour chien.

Nous avons auditionné l'Anses qui nous a rappelé qu'un arrêté interdit l'utilisation de produits phytosanitaires à proximité des cultures mellifères.

Les agriculteurs nous ont également assuré qu'après la betterave, il n'y avait jamais de culture de plantes mellifères avant un ou deux ans.

En Seine-et-Marne, la démarche est très vertueuse avec en moyenne 19 kilomètres entre le champ et la sucrerie, contre 50 kilomètres en Allemagne. Protégeons la filière. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Joël Bigot .  - Le texte prolonge l'utilisation des néonicotinoïdes jusqu'en 2023, sous la pression du lobby des betteraves. Que direz-vous aux autres filières, comme celles de la noisette ou du maïs ? Je comprends votre fébrilité : c'est la politique du pied dans la porte.

J'attendais sur ce banc Mme Pompili, qui avait été à l'origine de la loi de 2016. La politique gouvernementale s'en trouve singulièrement altérée...

N'y avait-il pas d'autres solutions que les néonicotinoïdes ? Nous aurions pu accompagner financièrement la filière dans sa transition.

Cette loi catégorielle fera figure de cas d'école pour le lobbying parlementaire. Je vous invite à la rejeter ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et du groupe CRCE)

M. Jacques Fernique .  - En 2016, j'ai suivi les débats parlementaires comme simple citoyen. Aujourd'hui j'entends les mêmes arguments, les mêmes protestations, les mêmes incantations. Tout cela a déjà été entendu et surmonté : ne régressons pas !

Autoriser l'usage massif et systématique de l'enrobage des semences aurait des impacts néfastes sur d'autres cultures. Face aux mêmes enjeux, l'Allemagne, deuxième producteur européen de betteraves, et pays peu décroissant vous en conviendrez, se garde bien de prendre une telle dérogation : elle a choisi du curatif ciblé sur les seules cultures touchées. C'est un moindre mal pour l'environnement. Faisons nous aussi preuve de mesure et évitons une dérogation générale. (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SEC et CRCE)

M. Frédéric Marchand .  - Luigi Pirandello, dramaturge italien, se régalerait en nous écoutant : chacun sa vérité. Je viens d'un département qui s'enorgueillit de compter une petite entreprise familiale, Florimond Desprez - ce n'est pas Monsanto ! - qui a investi 30 millions d'euros pour de la recherche sur la semence de betteraves.

Je ne peux pas laisser dire qu'il n'y a pas de recherche chez les semenciers. Ils font l'honneur de notre pays ! Il y a une réelle volonté de sortir des néonicotinoïdes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Jean-Michel Arnaud .  - Les abeilles ne sont pas au centre de nos débats. Je regrette aussi que l'on ne parle pas de la poire qui souffre de la rouille grillagée : les lobbies de la production fruitière sont moins puissants. Je regrette aussi le manque de moyens de la recherche. Je voterai contre cette loi qui traite de manière inéquitable les agriculteurs en fonction de leur production. Rien n'a avancé depuis 2016 : nous devons engager chacun à prendre ses responsabilités. (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SEC et CRCE)

M. Jean-Michel Houllegatte .  - Je crains que nous ne tombions pas d'accord. Ce que fait une loi, une autre loi peut le défaire. Nous sommes sur une question fondamentale.

En 2019, le Président de la République avait proposé d'inscrire à l'article premier de la Constitution que « la France est une République qui favorise la préservation de l'environnement, la diversité biologique et l'action contre les changements climatiques ». Ce n'est pas anodin !

En politique, on pose des actes et on affirme des valeurs intangibles. Cela ne signifie pas que nous soyons insensibles aux difficultés de la filière. Nous devons trouver les moyens de l'accompagner. Je voterai les amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SEC et CRCE)

M. François Bonhomme .  - La réalité contrevient aux discours dogmatiques. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture en 2016, avait dû se défendre de collusion avec les producteurs de néonicotinoïdes. Les choses n'ont pas beaucoup changé depuis. Certains l'avaient même soupçonné d'être le VRP de l'agrochimie. J'espère que, lors de nos débats, nous éviterons les réflexes pavloviens et reviendrons à la réalité.

M. Guy Benarroche .  - On nous dit qu'il n'y a pas d'autre solution que de revenir au monde d'avant. Telles les abeilles, je vous invite monsieur le ministre à butiner les informations. Un produit chimique ne se substituera pas à un autre. La recherche ne va pas aussi vite que la destruction du vivant. Il n'y aura pas de solution miracle.

La monoculture appartient au passé. Elle a tout gâché. Nous devons reconstruire les pratiques. Cessons de nous arc-bouter sur un modèle agricole dépassé ! Il faut accompagner le secteur dans sa transition.

Ce Gouvernement semble plus adepte d'une idéologie du dire que du faire. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Pierre Cuypers .  - Je tiens à remercier notre ministre de l'agriculture qui mène ce combat avec justice et équilibre. Il sait de quoi il parle, avec ses convictions d'agronome.

Je suis atterré de ce que j'entends aujourd'hui. Notre économie est en difficulté et risque de disparaître. Nous avons développé l'éthanol qui est un atout formidable pour notre économie et notre indépendance énergétique. Nous avons tous besoin d'énergie.

N'ajoutons pas de la crise à la crise en sacrifiant des emplois ! Nous n'avons pas le droit de faire cela. Nous sommes sur quelques grammes de produit sur 10 000 mètres carrés. À la place de la betterave, les agriculteurs vont semer des plantes qui vont déstabiliser les autres cultures. Nous n'avons pas le droit de nous tromper. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Yves Détraigne .  - Je suis élu du département, particulièrement betteravier, de la Marne. Depuis des années, le pôle industries-agro-ressources (IAR) réunit, entre Bazancourt et Pomacle, des chercheurs venus de divers horizons pour trouver les molécules d'avenir pour l'agriculture.

Nous n'avons pas attendu qu'il y ait un problème pour nous pencher sur nos méthodes agricoles. Venez voir ce que nous y faisons ! Ne cassons pas une transition qui ne peut se faire du jour au lendemain. Ne nous laissez pas au milieu du champ ! Il nous faut du temps pour aller jusqu'au bout. Vos préoccupations sont aussi les nôtres et celles de nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Julien Denormandie, ministre .  - Ne perdons pas de vue la finalité de ce débat : faire sortir de l'ornière une filière qui risque de s'effondrer. Si une alternative existait, je ne serais pas devant vous ce soir ! (MM. Jean-Claude Tissot et Franck Montaugé protestent.) Le droit européen ne nous autorise pas à compenser à 100 % : mettre tout le monde sous perfusion, cela ne marche pas. J'ai beaucoup partagé avec l'excellent député Dominique Potier, auquel vous faisiez écho en évoquant le plan « B ».

Si vous étiez planteur, vous planteriez autre chose, c'est le bon sens ! Reste la recherche, génétique notamment. Un programme AKER a été lancé, doté de 5 millions d'euros. Nous avons peut-être trouvé les phénotypes d'un ou deux virus liés au puceron, sur les quatre qui existent. Il y a aussi la recherche agronomique : nous ne savons toujours pas quelle est la forme idéale de la parcelle de 4 hectares, carrée ou en ligne.

Les dispositifs de biosécurité ne sont pas encore au point : nous devons réfléchir aux cinétiques respectives de la coccinelle et du puceron - la coccinelle se nourrit du puceron mais il faudrait l'introduire avant celui-ci - et prévoir le gîte et le couvert de la coccinelle. C'est bigrement compliqué !

Quant à prétendre que je serais le ministre de l'agrochimie... je prends cette décision, en tant que ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, ingénieur agronome et père de quatre enfants ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains ; protestations sur les travées du groupe SER et du GEST)

Le groupe socialiste, écologiste et républicain me dit que le problème vient des quotas, mais ils ont été supprimés en 2017. M'en imputer la responsabilité, c'est un peu fort de café ! Je n'y suis donc pour rien, mais vous un peu plus, qui souteniez le gouvernement de l'époque. (Protestations sur les travées du groupe SER)

Pour faire face à la baisse des quotas, les agriculteurs ont augmenté leurs surfaces. Si la production s'effondre en 2019, c'est que les sucreries ferment. Une sucrerie doit fonctionner 120 jours par an ; or aujourd'hui elle fonctionne en moyenne 90 jours. Il faut que la sucrerie tourne suffisamment. Le problème n'est donc pas à la sortie, mais à l'entrée des sucreries. Il y va de notre souveraineté. J'ai du mal à comprendre, monsieur Gay, une politique économique qui nie l'export. (Protestations sur les travées du groupe CRCE)

Madame Cukierman, certaines sucreries sont familiales, notamment deux dans le sud de l'Île-de-France, qui sont en grande difficulté. Toutes ne dépendent donc pas de gros mastodontes. (Protestations sur les travées du groupe CRCE)

La filière s'en sortira-t-elle dans trois ans, monsieur Cabanel ? Vraie question ! J'ai une certitude : si on ne fait rien, les agriculteurs ne planteront pas de betteraves. À leur place, vous feriez de même. D'où viendront les pucerons ? Nous n'en savons rien... L'an dernier, ils se sont propagés d'est en ouest, cette année du sud au nord ! Un programme de recherche doit s'y pencher.

Après 700 000 euros de 2016 à 2020, avec nos 7 millions d'euros pour les trois prochaines années, nous montons la pression pour trouver les solutions qui combineront, biosécurité, agronomie, gestion des parcelles et sélection des semences. Nous mettrons toutes nos forces, sous le contrôle du comité de surveillance où des parlementaires exerceront leur suivi et leur contrôle, pour faire en sorte que les semences, comme le souhaite Frédéric Marchand, viennent de notre beau territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

La séance est suspendue à 20 h 45.

présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

La séance reprend à 22 h 15.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Michelle Gréaume.  - Le choix du Gouvernement est présenté comme un choix courageux, alliant soutien à la filière et recherche d'alternative. La dérogation serait suffisamment encadrée, il s'agirait d'un choix responsable... Il n'en est rien. Ce texte illustre l'incapacité du Gouvernement à prendre la mesure de l'urgence environnementale.

La Cour des comptes a rappelé l'échec des politiques publiques pour faire évoluer les pratiques agricoles, malgré 400 millions d'euros d'aides en 2018.

Ce choix n'est pas celui d'une planification volontariste, mais la reprise d'une doctrine dépassée qui prétend évaluer les risques substance par substance. Or dès 2005, l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) soulignait la nécessité d'engager l'agriculture à réduire sa consommation de pesticides. En 2008, le plan Écophyto fixait un objectif de réduction de 50 % des pesticides en dix ans. Nous en sommes loin ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Joël Bigot applaudit également.)

M. le président.  - Amendement identique n°7, présenté par M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Jean-Claude Tissot.  - Réintroduire les néonicotinoïdes pour trois ans serait une régression environnementale. La filière n'a pas été prise au dépourvu. Dès les années 1990, les néonicotinoïdes ont suscité des inquiétudes, que les études scientifiques ont confirmées. Dès 2012, l'Anses recommandait une réévaluation, Stéphane Le Foll interdisait le Cruiser. Dès 2013, la Commission européenne décidait un moratoire sur trois des cinq substances actives de cette famille. En 2016, l'interdiction des néonicotinoïdes était votée, pour une application en 2018, et une fin des dérogations en juillet 2020. Cette interdiction n'a pas été précipitée et personne n'a été pris de court.

Je crains que l'histoire ne se répète et que d'ici trois ans, nous ne soyons amenés à voter une nouvelle prolongation... (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. le président.  - Amendement identique n°14 rectifié, présenté par MM. Labbé, Salmon et Gontard, Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec et Dossus, Mme de Marco, MM. Fernique et Parigi et Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian.

M. Joël Labbé.  - Les études scientifiques ont montré la toxicité pour la biodiversité et la persistance dans l'environnement de ces insecticides ainsi que les risques pour la santé humaine.

Nous attendons deux avis de l'Anses sur les alternatives aux néonicotinoïdes. L'Agence manque de données indépendantes pour estimer leur impact agronomique et économique et établir les situations d'impasses. Elle souhaite se doter d'une compétence en analyse socioéconomique.

La Commission européenne s'interroge sur la légitimité des dérogations et va saisir l'EFSA pour vérifier que la France respecte bien l'article 53 du Règlement européen.

La solution passe par des mécanismes éco-conditionnés d'indemnisation, de fonds de mutualisation ou d'aide à l'investissement dans la filière. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Ne refaisons pas le débat. Avis défavorable aux amendements de suppression. (« Très bien » sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Julien Denormandie, ministre.  - Avis défavorable. Deux avis ont été demandés à l'Anses. Le premier, qui sera rendu fin novembre, vise à établir les méthodes d'utilisation du produit pour les rotations suivantes.

L'arrêté de mise sur le marché à titre dérogatoire précisera les conditions d'utilisation sur cette base.

Le deuxième avis actualisera l'avis de 2018, en ajoutant aux alternatives identifiées deux alternatives chimiques : le Movento et le Teppeki - mais nous savons déjà que ces deux produits ne fonctionnent pas.

Mme Angèle Préville.  - Les néonicotinoïdes sont des insecticides systémiques utilisés comme biocides, parmi les plus vendus au monde : 25 % du marché mondial, 34 % du volume total utilisé en France en 2016.

C'est donc un produit extrêmement présent en France et en Europe. Son impact sur les insectes n'est plus à démontrer. Selon l'Union nationale de l'apiculture française (UNAF), 300 000 ruches sont détruites chaque année à cause des néonicotinoïdes ; 85 % des insectes et un tiers des oiseaux ont disparu de nos champs. Qu'il s'agisse d'enrobage ou de pulvérisation, la dangerosité est établie.

Faut-il rappeler qu'un million d'espèces animales et végétales sont en voie d'extinction accélérée, du fait de l'agriculture intensive, de l'urbanisation, de la déforestation et du recours croissant aux produits chimiques ? Nous ne pouvons plus nous cacher derrière notre petit doigt. Vous choisissez la facilité et non la durabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Jean-Jacques Michau.  - Les députés socialistes ont présenté un plan « B comme betterave » pour sortir la filière de la crise. Il repose sur trois piliers : l'innovation commerciale d'abord, avec un objectif de 50 % de produits issus de mentions valorisantes, dont 20 % de bio, marché fortement émergeant.

L'innovation économique et sociale ensuite, pour rendre la filière plus résiliente, avec une organisation de producteurs regroupant les quatre régions concernées, une compensation des pertes de production et un fonds de 100 millions d'euros pour maintenir l'attractivité de la filière, financés par une taxe exceptionnelle sur le secteur agro-alimentaire. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Sido.  - Encore !

M. Jean-Jacques Michau.  - L'innovation agro-écologique enfin, en se fondant sur la génétique végétale, le biocontrôle et l'agronomie pour un meilleur équilibre écologique.

Nous faisons donc des propositions.

M. le président.  - Merci de conclure.

M. Jean-Jacques Michau.  - La capacité de résilience de l'agriculture est la clé de sa sauvegarde dans toute sa diversité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Bruno Sido.  - Je serai concis. En ce moment, la covid intéresse plus nos concitoyens que les néonicotinoïdes. (Mouvements sur les travées du GEST)

Monsieur le ministre, l'autorisation de mise sur le marché des néonicotinoïdes a été approuvée à la suite d'études très lourdes et coûteuses. Pourquoi, quelques années après, condamner ce produit ?

Que l'on mette sur la touche les vieux pesticides qui ont trente ou quarante ans - même s'ils ont très bien marché pour des générations d'agriculteurs, dont je suis - soit. Mais pourquoi les nouveaux ?

Quelles solutions propose-t-on pour répondre à la crise actuelle ? Les travailleurs de la terre appellent au secours car ils se trouvent dans une impasse, pour sauver les betteraves et les noisettes.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Bruno Sido.  - Trouvons de vraies solutions. M. le ministre en propose une pour trois ans ; elle me convient.

M. le président.  - Si tout le monde est aussi concis, nous ne sommes pas couchés... (Rires)

M. Fabien Gay.  - Les difficultés de la filière betterave s'expliquent par un faisceau de raisons, mais l'une des principales est bien la fin des quotas sucriers.

M. Laurent Duplomb.  - Cela n'a rien à voir !

M. Fabien Gay.  - Les spéculateurs à New York ont fait chuter les prix, puisque nous étions en surproduction. Les industriels français étaient pour la fin du marché régulé - tel grand groupe avait investi un milliard d'euros pour seulement dix usines... - mais ont vu la rentabilité chuter. Nous débattrons du libre-échange lors de la présentation des amendements de la rapporteure.

Personne ici n'a le monopole de la défense de l'industrie et des salariés. J'ai cherché en vain des communiqués de presse du Gouvernement sur les fermetures de sucreries l'an dernier !

Mme Florence Blatrix Contat.  - Ce projet de loi est une nouvelle illustration des renoncements successifs du Gouvernement sur l'écologie : le glyphosate, les néonicotinoïdes, les veto sur les propositions de la Convention citoyenne sur le climat.

Le Président de la République tweetait le 1er septembre 2018 pour se féliciter de l'interdiction des néonicotinoïdes. La ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, doit être bien en peine pour justifier ses propos de 2016 ; à l'époque, elle s'opposait même aux dérogations. La France était alors précurseur pour l'interdiction des néonicotinoïdes. Depuis le vote de la loi de Biodiversité, les approbations européennes de substances actives ont baissé, preuve qu'un pays qui prend ses responsabilités ouvre la voie à une prise de conscience collective.

Après un pas en avant en 2016, vous nous demandez d'en faire trois en arrière. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Daniel Salmon.  - En 1958, Rachel Carlson publiait Silent Spring sur les ravages du DDT. Depuis soixante ans - c'est mon âge - l'utilisation croissante des pesticides va de pair avec un effondrement de la biodiversité. Dans les années 1970, il suffisait de quelques kilomètres en voiture de nuit pour que le pare-brise soit moucheté d'insectes. Aujourd'hui, c'est à peine si trois moucherons viennent s'y coller ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

Les écologistes seraient des idéologues s'en prenant à un système agricole qui fonctionne très bien ? Pourtant, on ferme 500 exploitations par mois, le taux de suicide chez les agriculteurs s'envole, car le libéralisme leur a mis un genou à terre et les politiques les ont enfermés dans un modèle productiviste.

Nous soutenons une agriculture paysanne et familiale. Il faut des actes, non des reculades. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Laurent Duplomb.  - Monsieur Gay, il est trop facile d'imputer les difficultés de la filière betterave à la suppression des quotas.

Vous laissez supposer que le prix n'étant plus en adéquation avec la culture, il faudrait un rendement énorme.

Mon beau-père a cessé de faire des lentilles vertes du Puy il y a trente ans - elles étaient à 500 ou 600 euros la tonne - pour développer son activité de producteur laitier. Pendant vingt ans, j'ai tenu à produire des lentilles, sur plus de vingt hectares, estimant que c'était une valeur pour mon territoire et mon exploitation. Aujourd'hui, le prix est de 2 000 euros la tonne. Et pourtant, l'année prochaine, je n'en ferai que sept hectares : nous sommes dans une impasse technique, à quoi bon cultiver une production dont on ne peut rien ramasser ?

Il y avait 4 500 hectares de lentilles du Puy il y a vingt ans ; cette année nous en emblaverons à peine 2 500 hectares. Nous sommes sur du terrain volcanique, pierreux. Les agriculteurs vont-ils continuer à ramasser des tonnes de pierres pour ne rien récolter ? Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Louault applaudit également.)

À la demande du groupe socialiste, écologiste et républicain, les amendements identiques nos2, 7 et 14 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°7 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 317
Pour l'adoption 159
Contre 158

Le Sénat a adopté et l'article premier est supprimé. (Quelques applaudissements à gauche)

Les amendements nos9, 19 rectifié, 10, 11, 15 rectifié, 12, 16 rectifié, 17 rectifié, 20 rectifié, 21 rectifié et 4 rectifié bis n'ont plus d'objet.

La séance est suspendue quelques instants.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Le Gouvernement demande une deuxième délibération (Exclamations à gauche ; marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains) afin de m'assurer que le vote, à une voix près, était bien exprimé et n'est pas dû à une mauvaise manipulation...

M. le président.  - La deuxième délibération est de droit. Nous allons donc reprendre l'examen des amendements après l'article premier, puis sur l'article 2. La deuxième délibération interviendra ensuite.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 décembre 2020, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la situation de la filière sucre au niveau mondial, européen et national. Ce rapport présente notamment une analyse détaillée des conséquences de l'abandon de la régulation et des quotas sucriers depuis 2017, de la situation économique et sociale des groupes sucriers français, ainsi que des conséquences pour les planteurs de la baisse des prix sur les marchés et de l'interdiction de l'utilisation de certains produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des ne?onicotinoi?des ou présentant des modes d'action identiques a? ceux de ces substances et des semences traitées avec ces produits.

M. Fabien Gay.  - C'est une demande de rapport, même si je sais que Mme la présidente Primas exècre les rapports.

L'amendement n°13, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°18 rectifié, présenté par MM. Labbé, Salmon, Gontard et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec et Dossus, Mme de Marco, MM. Fernique et Parigi et Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au plus tard le 1er janvier 2021, le Gouvernement remet un rapport au Parlement évaluant les liens entre la fin de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et le recours à des fonds de mutualisation écoconditionnés.

M. Joël Labbé.  - Amendement de repli. L'article premier réécrit l'ensemble des dispositions de la loi Biodiversité au motif qu'elles seraient juridiquement fragiles. Le décret du 30 juillet 2018 avait certes été attaqué par la redoutable Union des industries de la protection des plantes (UIPP), mais une décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 8 octobre 2020 a changé la donne et sécurisé l'interdiction française des néonicotinoïdes. Il convient donc d'en revenir à la rédaction actuelle du code rural.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Vous vous trompez d'amendement... L'amendement n°18 rectifié demande un rapport sur l'opportunité de créer un fonds de mutualisation. Avis défavorable par principe même si l'idée est à creuser.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°18 rectifié n'est pas adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

Mme Angèle Préville.  - Cet article présente de forts risques d'inconstitutionnalité pour rupture d'égalité devant la loi. Ce que vous prévoyez aujourd'hui pour les betteraves, demain vous le ferez pour d'autres : maïs, noisettes...

Nous mettons les partisans de ce projet de loi devant leurs responsabilités. Allez-vous opposer une fin de non-recevoir aux filières qui demanderont à bénéficier des mêmes dérogations ?

Ce n'est pas un projet de loi exceptionnel apportant une réponse circonscrite à une situation particulière, mais bien une réouverture massive de l'usage des néonicotinoïdes en France.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Nous sommes dans une situation curieuse, car nous avons supprimé l'article premier par inadvertance. (Protestations à gauche) Un groupe s'est trompé dans son vote. Si l'on supprime l'article 2 mais que l'on rétablit l'article premier lors de la deuxième délibération, la dérogation s'appliquera à l'ensemble des cultures ! Avis extrêmement défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Même avis, notamment au regard de mon argumentaire en discussion générale sur le principe d'égalité. La betterave a deux spécificités : son moindre impact sur les pollinisateurs et l'importance de l'appareil productif en aval.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par MM. Moga et Levi, Mme Joseph, M. Janssens, Mme Vermeillet, MM. Guerriau, Panunzi, Kern, Louault, Médevielle et S. Demilly, Mme Belrhiti, MM. Decool, Segouin et Bonhomme, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Lefèvre, Chatillon et Duffourg, Mme Dumas et M. Regnard.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

et de noisettes

M. Pierre Louault.  - Ce que la France ne produira plus, elle devra l'importer : nous ferons venir des produits traités par des produits phytopharmaceutiques interdits sur notre territoire.

En France, nous consommons 25 000 tonnes de noisettes et en produisons 11 000 tonnes. Sans solution, les agriculteurs ne pourront plus lutter contre le balanin, petit coléoptère qui détruit 50 % à 70 % des cultures. Cet amendement étend la dérogation proposée pour la betterave sucrière à la culture des noisettes.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Je connais la question des filières orphelines. Avec Joël Labbé, nous avions rencontré les producteurs qui sont engagés depuis dix ans dans une recherche d'alternative. Que prévoyez-vous pour les aider, monsieur le ministre ?

Cet amendement est néanmoins inopérant car la dérogation ne vaut que pour l'enrobage des semences et non la pulvérisation. Retrait ou avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Monsieur le sénateur, je salue votre engagement en faveur de cette filière structurante pour votre territoire. Certaines filières connaissent des difficultés : noisette, moutarde, colza, poire... La dérogation doit néanmoins rester limitée à la betterave qui n'est pas mellifère et dont dépend tout un outil de production en aval ; une saison peut suffire pour provoquer des fermetures de sucreries. Je prends deux engagements devant vous : accélérer cette transition et travailler à des solutions alternatives avec les représentants de ces filières orphelines. Ce ne sera pas simple, mais j'y mettrai autant d'énergie que pour la betterave.

M. Laurent Duplomb.  - Très bien.

M. Jean-Pierre Moga.  - La filière noisette travaille depuis plus de dix ans à des solutions alternatives. Devant votre engagement, je retire mon amendement.

L'amendement n°3 rectifié bis est retiré.

L'article 2 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par Mme Primas, au nom de la commission des affaires économiques.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le deuxième alinéa de l'article L. 1313-1 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lors d'un retrait d'une autorisation préalable à la mise sur le marché, elle tient compte des bénéfices et des risques liés aux usages des produits phytopharmaceutiques concernés avec ceux liés aux usages de produits de substitution ou aux méthodes alternatives disponibles et, le cas échéant, des risques liés à l'absence de produits ou de méthodes alternatifs disponibles. »

II.  -  Après le premier alinéa du I de l'article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sauf urgence, la mesure d'interdiction mentionnée au premier alinéa du premier I est prise sur la base d'un bilan établi par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail qui compare les bénéfices et les risques liés aux usages des produits phytopharmaceutiques concernés par une interdiction avec ceux liés aux usages de produits de substitution ou aux méthodes alternatives disponibles. Ce bilan est rendu public dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 1313-3 du code de la santé publique. »

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Cet amendement inscrit dans la loi le principe : « pas d'interdiction sans alternative », sauf urgence. Si un produit n'a pas d'alternative, le Gouvernement pourra décider ou pas d'une interdiction. L'Anses tiendra compte dans ses décisions de retrait d'AMM des risques liés aux alternatives proposées ou de l'absence d'alternative.

Il faut améliorer l'étude d'impact préalable à l'interdiction d'un produit afin de ne pas laisser des agriculteurs sans solution.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Je suis assez gêné sur cet amendement dont je comprends la logique. Il me semble qu'il priverait le pouvoir législatif de décider en l'absence d'avis de l'Anses. Par ailleurs, si l'on regarde ce qu'il s'est passé sur la betterave, en 2018, l'Anses a dit qu'il existait une alternative - le Movento et le Teppuki - mais sans préciser si cette alternative fonctionnait. (Protestations à gauche) Avis défavorable pour ces deux raisons, même si je comprends votre objectif.

M. René-Paul Savary.  - Cet amendement est particulièrement intéressant car il allie les principes de précaution et d'innovation. C'est un principe de précaution non pas qui ouvre le parapluie, mais qui propose autre chose. C'est un amendement relativement révolutionnaire qui mériterait d'être examiné et peut-être précisé. C'est pragmatique et de bon sens, beaucoup plus intéressant que les positions dogmatiques. (Applaudissements sur diverses travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Sido.  - L'amendement de Mme la présidente est excellent. Aujourd'hui, lorsqu'un texte est examiné avec la procédure accélérée, nous ne disposons pas d'étude d'impact comme l'a bien montré Jean-Pierre Sueur. C'est effectivement scandaleux. Il y a vingt ans, les projets de loi étaient accompagnés d'une épaisse étude d'impact.

Si les études d'impact étaient sérieusement réalisées, nous n'aurions pas besoin de cet amendement, que j'approuve au demeurant.

M. Fabien Gay.  - Le groupe CRCE ne votera pas cet amendement. Trop de lois n'ont pas d'études d'impact,

M. Bruno Sido.  - Je viens de le dire !

M. Fabien Gay.  - Et j'ai le droit de le répéter ! En outre, certaines études d'impact sont tronquées - comme dans le cas du projet de loi sur la réforme des retraites.

Aujourd'hui, il existe des alternatives aux néonicotinoïdes - les haies par exemple - (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains), mais elles ne sont pas viables économiquement.

Force doit rester à la loi, sinon rien ne se passe. Qui gère les alternatives ? Le privé ? Tant que le profit dirigera le monde, on ne changera rien.

En Guyane, il existe trois alternatives à la cyanurisation pour les mines industrielles, mais elles ne sont pas viables économiquement : elles ne sont donc pas développées par les industriels, tant que le cyanure ne sera pas interdit.

Nous ne voterons donc pas cet amendement.

M. Jean-Claude Tissot.  - Notre groupe socialiste, écologiste et républicain sera défavorable à votre amendement qui nous semble dangereux : si aucune alternative n'est établie, il sera impossible d'interdire un produit. Si cet amendement était voté, on ne pourrait jamais retirer les néonicotinoïdes ! C'est grave ! Nous avons peut-être débattu ce soir pour rien...

M. Olivier Jacquin.  - Cet amendement me semble spécieux et dangereux. Il ne faut vraiment pas le voter car il bloquerait toute évolution pour préserver l'environnement.

M. Daniel Gremillet.  - Je soutiens totalement cet amendement. Le directeur de l'Anses estimait que dès lors qu'il n'était plus possible d'intervenir, il n'y avait plus de recherche. Nous aurons d'autres situations particulières à gérer. Si l'on supprime toute recherche, les seuls produits de substitution seront les plus anciens et les plus nocifs pour l'environnement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Joël Labbé.  - Cet amendement est certes révolutionnaire, mais à contre-courant total ! Votre logique est de remplacer des substances par d'autres substances. La réponse doit être globale. Si nous continuons avec ces pesticides pour la plupart cancérigènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction, perturbateurs endocriniens, ce sera totalement inacceptable et l'incompréhension de nos citoyens sera totale. Le GEST sera opposé à cet amendement. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Les décisions du Parlement sont prises sur la base d'un bilan de l'Anses, qui n'est pas un avis conforme ! Avec cet amendement, le Parlement conservera sa capacité à légiférer souverainement. Il s'agit de donner de l'information. En 2016, l'interdiction des néonicotinoïdes a été votée par le biais d'un amendement, sans aucune étude d'impact sur une alternative efficace. Nous avons manqué d'information, et nous nous sommes retrouvés dans une impasse. Mon esprit n'était ni machiavélique, ni révolutionnaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

L'amendement n°22 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par Mme Primas, au nom de la commission des affaires économiques.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les ministres chargés de l'agriculture et de la consommation peuvent, dans le respect des articles 53 et 54 du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, prendre des mesures conservatoires afin de suspendre ou de fixer des conditions particulières à l'introduction, l'importation et la mise sur le marché en France de denrées alimentaires ou produits agricoles mentionnés au premier alinéa. »

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - L'article 44 de la loi EGalim prévoit qu'il est interdit de vendre ou donner des produits alimentaires ne respectant pas les normes minimales reprises sur le marché européen. Or, les contrôles des importations ne permettent pas de s'assurer du respect de ces dispositions qui sont imposées à nos propres agriculteurs. Rien n'interdit que les néonicotinoïdes ne soient présents dans les produits importés, même si ces substances sont interdites en France. Il n'est pas normal de laisser s'installer une telle concurrence déloyale avec les pays européens et extra-européens. Cet amendement donne ainsi aux ministres de l'Agriculture et de la Consommation le pouvoir de prendre des mesures conservatoires si cette concurrence déloyale est établie.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Le sens de l'histoire, en Europe, c'est la convergence des normes. Or ce n'est pas encore le cas aujourd'hui. Le consommateur peut trouver sur l'étal deux concombres européens qui ne respectent pas les mêmes normes environnementales. C'est pourquoi la réforme de la PAC prévoit que, pour tous les États membres, 20 % des aides du premier pilier - 30 % selon le Parlement européen - seront éco-conditionnées. C'est une première avancée pour la convergence des normes européennes.

L'article 44 de la loi EGalim est-il suffisamment appliqué ? C'est de ma responsabilité de le faire appliquer. Vous proposez donc cet amendement pour que les ministres de l'Agriculture et de la Consommation, c'est-à-dire Bercy, puissent interdire la vente de substances qui ne respectent pas les mêmes règles au titre de l'article 53 du Règlement européen. Or, ce dernier aurait-il changé la situation pour la filière betteravière ? Non, car ni la santé humaine ni la santé animale n'étaient menacées par la jaunisse. Enfin, l'environnement à prendre en compte est celui de la France, pas celui de la Pologne !

Ce n'est donc malheureusement pas cet amendement qui permettra la convergence des normes, mais plutôt la PAC. J'ai bien conscience que ce que je dis n'est sans doute pas satisfaisant, car ce sera long.

Au Conseil des ministres européens, nous nous sommes mis d'accord sur un socle environnemental commun à tous les États membres. Ce que nous avons obtenu au niveau de la PAC doit être transféré au niveau de la politique commerciale. Nous nous opposons ainsi à l'accord avec le Mercosur. Avis défavorable.

M. Joël Labbé.  - Autant nous n'étions pas d'accord avec le précédent amendement, autant nous saluons celui-ci ! On peut être prudent, monsieur le ministre, mais il faut parfois de l'audace. Il en faut pour aller contre L'UIPP ! En 2016, on nous disait que l'Europe nous empêcherait d'interdire les néonicotinoïdes. Or elle nous a emboîté le pas ! Le GEST votera cet amendement révolutionnaire ! (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe Les Républicains)

M. Franck Montaugé.  - La loi EGalim n'a pas atteint ses objectifs principaux, notamment celui d'améliorer le revenu des producteurs. L'article 44 de cette loi est très important. Son périmètre déborde largement celui de ce projet de loi sur la filière sucrière. Le groupe SER votera cet amendement en dépit des arguments du ministre.

Quand le Sénat propose, ce n'est jamais le bon moment... comme sur le travail que nous avons mené sur le libre choix du consommateur dans le cyberespace.

Sur un tel sujet, il faut y aller ! La France doit transmettre un message politique à ses partenaires européens, et même au-delà. Espérons que cet amendement prospèrera !

M. Bruno Sido.  - L'amendement de Mme la présidente est très intéressant. On risque de ne plus produire de sucre en France et nous en importerons en provenance de pays qui autorisent les néonicotinoïdes.

Mais quid des produits OGM interdits en France ? Mais personne ne sourcille lorsque nous en importons des millions de tonnes ! C'est un problème de cohérence. Il faut harmoniser les règles, monsieur le ministre, au niveau européen mais aussi mondial. Je voterai cet amendement mais je suis très embarrassé car il pose de nombreuses questions.

M. Laurent Duplomb.  - Les deux amendements sont liés. Soit on arrête d'interdire et on donne les mêmes conditions de production à nos producteurs que ceux dont disposent leurs concurrents. Soit on contrôle aux frontières les produits dont nous ne voulons pas. Le budget que nous y consacrons, c'est seulement 10 millions d'euros par an, une semaine de recettes du loto...

Mon rapport le montrait : 25 % des importations en France ne correspondent pas aux normes que nous imposons à nos agriculteurs ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

Contrôlez, augmentez le budget. Au lieu d'embêter les agriculteurs par des contrôles, contrôlez les produits qui viennent d'ailleurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Jacquin.  - Madame la présidente, l'amendement n°22 était à contresens de l'histoire : si l'homologation est retirée par l'Anses, c'est parce qu'il y a un risque sanitaire.

Mais merci, madame la présidente, de proposer, pour ce texte si clivant, un temps de consensus et d'entente fraternelle.

Je suis un militant de la lutte contre les distorsions de concurrence. Cet amendement résout bien des problèmes : nous ne devons pas prêter le flanc à des concurrences déloyales et moins-disantes.

Monsieur le ministre, pendant vos 6 minutes 23 secondes d'intervention vaporeuse, (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) je n'ai pas bien compris vos arguments.

M. Daniel Gremillet.  - À travers cet amendement, monsieur le ministre, nous vous aidons ! Le problème de ce soir n'est pas uniquement celui des paysans et des entreprises, c'est aussi celui des citoyens. Que de mensonges sur les OGM ! Sans le savoir, les consommateurs consomment des OGM, alors que ces derniers sont interdits en France. C'est un débat de société sur lequel il ne faut pas mentir, une attente importante dans notre pays et une exigence forte par rapport à Bruxelles.

Nous en avons marre d'être mis devant le fait accompli lors des négociations internationales, sans jamais être consultés ! Là, au moins, les négociateurs auront une feuille de route ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Fabien Gay.  - Ce vote va effectivement vous aider lors des négociations européennes. La situation actuelle est une distorsion de concurrence pour les agriculteurs et une tromperie pour les consommateurs.

Oui, il faut renforcer l'harmonisation sociale et environnementale européenne. Se pose la question d'une Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) européenne : voyez les steaks hachés polonais !

Nous ne sommes pas opposés aux échanges, mais contre un libre-échange dévastateur. Nous sommes pour un juste échange.

Quand l'accord avec le CETA, traité de seconde génération, passera-t-il devant le Sénat ? Il comprend des barrières tarifaires mais aussi non tarifaires. En 2017, le CETA devait entrer en vigueur pour un an avant de passer devant le Parlement. Or il est toujours illégalement en vigueur.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Les normes européennes doivent converger, j'en conviens, monsieur le ministre.

Mais la France est très souvent en situation de surtransposition. Nous courons devant les autres, mais sommes du coup en situation de concurrence déloyale.

Pour la nouvelle PAC, il a fallu des mois de négociations pour parvenir à un accord. Soyons volontaristes. Si nous n'en faisons pas preuve, nous serons pénalisés car nous sommes avant-gardistes.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Je défends une position face à un consensus que je respecte et comprends.

Ma seule priorité, c'est la souveraineté agroalimentaire française ; l'agro-écologie, ce n'est pas une fin mais un moyen.

La moitié des fermes françaises devra trouver un repreneur dans les dix prochaines années.

Aujourd'hui, 80 % de la volaille de chair mangée dans la restauration hors domicile est importée. D'où ? Et avec quelles conditions de production ? Les élevages français sont plus petits que la moyenne européenne, plus petite que celle de l'Ukraine ou des États-Unis. Je me battrais tous les jours pour la souveraineté agricole française.

De même, depuis cinquante ans, l'Europe est dépendante des protéines nord puis sud-américain - les tourteaux de soja brésiliens ! L'Uruguay Round a avalisé ce système. Mais dans la réforme de la PAC, nous allons développer les filières protéiques françaises, avec 100 millions qui leur sont dédiés.

J'ai toujours plaidé pour des choses faisables. Le problème est que cet amendement fait référence aux articles 53 et 54 du Règlement qui sont d'application directe. Mais cela n'interdit en rien de faire entrer sur le territoire des produits ne respectant pas nos normes, s'ils n'ont pas d'impact sur la santé des humains ou des animaux.

On arrive à le faire avec les cerises turques utilisant le diméthoate, car ce produit a un impact sur notre santé. En revanche, pour les concombres ou le sucre, cet amendement n'aura aucun impact. Dès lors que nous sommes dans un marché commun, battons-nous à ce niveau contre ces accords commerciaux.

Je ferai tout pour appliquer l'article 44 de la loi EGalim. Mais la compétence dans les accords de libre-échange est du niveau européen. Dès que je pourrai utiliser les instruments adéquats, je le ferai.

J'espère que mon intervention n'était pas fumeuse... (Sourires)

L'amendement n°23 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - À l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Seconde délibération

M. le président.  - En application de l'article 43 alinéa 4 du Règlement, le Gouvernement a demandé une seconde délibération sur l'article premier de ce projet de loi.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Avis favorable.

M. le président.  - Y a-t-il un orateur contre ?

La seconde délibération est décidée.

M. le président.  - Conformément à l'article 43, alinéa 5 de notre Règlement, « Lorsqu'il y a lieu à seconde délibération, les textes adoptés lors de la première délibération sont renvoyés à la commission, qui présente un nouveau rapport ». La commission est-elle prête à présenter son rapport ?

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Je demande une suspension de séance pour examiner l'amendement qui sera soumis en séance publique.

La séance, suspendue à minuit cinq, reprend à minuit et quart.

M. le président.  - Amendement n°A-1, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I.  -  L'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le II est ainsi rédigé :

« II.  -  L'utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d'action identiques à ceux de ces substances, précisées par décret, et des semences traitées avec ces produits est interdite.

« Jusqu'au 1er juillet 2023, des arrêtés conjoints des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé, pris après avis du conseil de surveillance mentionné au II bis, peuvent autoriser l'emploi de semences traitées avec des produits contenant les substances mentionnées au premier alinéa du présent II dont l'utilisation est interdite en application du droit de l'Union européenne ou du présent code. Ces dérogations sont accordées dans les conditions prévues à l'article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.

« Dans des conditions définies par les arrêtés mentionnés au deuxième alinéa du présent II, le semis, la plantation et la replantation de végétaux attractifs d'insectes pollinisateurs sont temporairement interdits après l'emploi de semences traitées avec des produits contenant les substances mentionnées au premier alinéa du présent II. » ;

2° Après le même II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :

« II bis.  -  Il est créé un conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en oeuvre d'alternatives aux produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d'action identiques à ceux de ces substances. Ce conseil comprend quatre députés, dont au moins un député membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, et quatre sénateurs, dont au moins un sénateur membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, représentant proportionnellement les groupes majoritaires et de l'opposition et désignés par les commissions permanentes compétentes en matière d'agriculture et d'environnement de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi que, notamment, le délégué interministériel pour la filière sucre et des représentants des ministères chargés de l'environnement et de l'agriculture, du Conseil économique, social et environnemental, d'associations de protection de l'environnement, des organisations syndicales à vocation générale d'exploitants agricoles, des filières de production et de transformation concernées, des instituts techniques et des établissements publics de recherche. Les membres de ce conseil exercent leurs fonctions à titre gratuit. Sa composition, son organisation et son fonctionnement sont fixés par décret.

« Le conseil mentionné au premier alinéa du présent II bis se réunit trimestriellement pour assurer le contrôle des avancées et de l'efficacité des tests en matière de recherche et de mise en oeuvre d'alternatives aux produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d'action identiques à ceux de ces substances, ainsi que la conformité de ces avancées à la feuille de route fixée par le Gouvernement en la matière. Dans le cadre de la procédure de dérogation prévue au deuxième alinéa du II, il émet un avis sur les dérogations, dans le respect d'un délai déterminé par décret, et assure le suivi et l'évaluation de leurs conséquences, notamment sur l'environnement, et de leur incidence économique sur la situation de la filière. Le conseil émet un avis et suit l'état d'avancement du plan de prévention proposé par la filière de production de betteraves sucrières, en veillant à ce que soient prévues les modalités de déploiement des solutions alternatives existantes en conditions réelles d'exploitation.

« Ce conseil publie un rapport annuel, remis chaque année avant le 15 octobre au Gouvernement et au Parlement. »

II.  -  Le 1° du I entre en vigueur à une date fixée par le décret mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, et au plus tard le 15 décembre 2020.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Cet amendement rétablit le texte de la commission pour l'article premier, ainsi que celui de l'amendement n°4 rectifié bis de Mme Bonfanti-Dossat remplaçant « des syndicats agricoles » par « des organisations syndicales à vocation générale d'exploitants agricoles », qui recueillait l'avis favorable de la commission et du Gouvernement.

M. le président.  - Sous-amendement n°A-2 à l'amendement n°A-1 du Gouvernement, présenté par Mme Primas, au nom de la commission des affaires économiques.

Alinéa 8, deuxième phrase

1° Après les mots :

chargés de l'environnement

insérer les mots :

, de la santé

2° Après les mots

protection de l'environnement,

insérer les mots :

d'associations de défense des consommateurs,

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Je présente un sous-amendement n°A-2, présenté par M. Labbé, qui intègre dans le conseil de surveillance des associations de défense des consommateurs et un représentant du ministère de la Santé. Avis favorable à l'amendement du Gouvernement.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Mon avis est de sagesse, compte tenu du nombre déjà important de membres du conseil de surveillance. Quant au ministre de la Santé, il a été rajouté en signataire de l'arrêté de mise sur le marché, aux côtés des ministres de l'Agriculture et de la Transition écologique, seuls prévus dans le projet initial.

Mme Cécile Cukierman.  - L'erreur est humaine. Cette nouvelle délibération vient corriger une erreur technique de manipulation des outils de vote. C'est pourquoi nous n'avons pas fait de rappel au Règlement et nous ne nous y sommes pas opposés. Mais elle ne sera pas sans conséquence sur nos débats puisque l'amendement du Gouvernement intègre, outre le texte de la commission, un seul amendement et un autre se retrouve sous la forme d'un sous-amendement. Sur les onze qui étaient en discussion, neuf amendements disparaissent ainsi... Certes, cela permet de gagner du temps, mais cela pose un problème démocratique.

Le groupe CRCE votera le sous-amendement, défendu en commission par Fabien Gay, mais votera contre l'amendement du Gouvernement.

M. Joël Labbé.  - Il est juste que mon amendement soit réintégré. Mais cette procédure fait tomber nombre d'amendements. Le GEST ne votera pas l'amendement du Gouvernement.

Le sous-amendement n°A-2 est adopté.

L'amendement n°A-1, ainsi sous-amendé, est adopté et l'article premier est ainsi rétabli.

Explications de vote

M. Joël Labbé .  - Nous avons exposé nos arguments tout au long de la soirée. Monsieur le ministre, vous nous affirmez que vous réintroduisiez les néonicotinoïdes à contrecoeur, que vous ne voulez pas opposer écologie et économie, que vous vous préoccupez de l'environnement. Si la situation des pollinisateurs vous tient tant à coeur, je tiens à vous interroger.

Votre ministère a annoncé un plan de protection des pollinisateurs, engagement ancien des ministères de l'Agriculture et de la Transition écologique. D'après nos échanges avec les apiculteurs, nous n'avons aucune garantie sur l'ambition de ce plan, notamment sur l'arrêté abeilles qui interdit les traitements durant la floraison. Quid de la recommandation de l'Anses de 2018 de restreindre les horaires d'épandage de produits dangereux pour les pollinisateurs ? La France a tout en main pour mieux évaluer le risque mais nous n'avons aucune garantie sur l'application de ces méthodes. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous rassurer sur votre engagement en faveur de la biodiversité et des pollinisateurs ?

M. François Bonhomme .  - La noisette est la grande oubliée du débat. La situation est potentiellement dramatique : on assiste à un risque de perte de 80 % de la production en raison du balanin. Les pays européens bénéficient d'une dérogation pour utiliser l'acétamipride contre ce charançon jusqu'en 2023, sauf la France pour laquelle la date butoir était le 1er juillet dernier. L'argument mellifère me semble peu recevable, compte tenu des dates de floraison du noisetier - entre décembre et février - et de traitement aérien contre le balanin - entre mai et juin, pendant sa ponte, qui entraîne 80 % de pertes de fruits ; il n'y a pas d'abeilles dans les vergers lorsque les agriculteurs coupent bien l'herbe. Or la recherche ne donne pas de résultat...

M. le président. - Il faut conclure.

M. François Bonhomme.  - Il est temps de trouver une solution « dare-dare » si vous nous permettez ce clin d'oeil. (Sourires)

M. Fabien Gay .  - Le groupe CRCE votera contre ce texte qui est une erreur et qui présente un risque d'inconstitutionnalité. Que répondrons-nous aux producteurs de noisette, de maïs, de lentilles vertes du Puy, qui demandent à utiliser de nouveau les néonicotinoïdes ? Avec quels arguments juridiques et politiques ?

Quelle transition écologique voulons-nous ? Nous avons besoin de moyens, au-delà des 50 millions d'euros annoncés pour les haies dans le plan de relance.

En France, 54 000 apiculteurs produisent 20 000 tonnes de miel par an ; nous sommes le quatrième producteur mondial de miel. Tout est en interdépendance : l'abeille ne sait pas quelle parcelle est traitée ou non, et elle ne choisit pas la parcelle qu'elle butine ! Il faudra changer de paradigme, inventer de nouvelles réponses.

Mme Angèle Préville .  - La baisse de la biodiversité est un drame absolu, qui reste à ce jour sans réponse.

Il n'y a pas eu la volonté de développer la filière de sucre bio ; la consommation n'est satisfaite par la production française qu'à hauteur de 10  %. Il y a un marché à prendre, saisissons-nous de cette opportunité ! Nous devons aider les producteurs de betteraves à se reconvertir pour un revenu quatre fois supérieur. Les producteurs bio ne doivent pas être méprisés.

M. Guillaume Gontard .  - J'ai compris que mes arguments vous avaient irrité, monsieur le ministre. Je m'attendais à une contre argumentation. Votre seule alternative est chimique ! Nous allons devoir nous mettre à travailler sur un changement de modèle agricole. Nous avons un précédent avec le chlordécone aux Antilles : soyons très prudents ! Les solutions existent, et elles existaient déjà en 2016.

Le vote de ce soir est une erreur mais nous espérons que nous allons accompagner notre agriculture vers un changement de modèle. Je suis particulièrement déçu : pourquoi donc la France ne produit-elle pas plus de sucre bio ? Il faut y mettre les moyens !

M. le président.- Veuillez conclure !

M. Guillaume Gontard.  - Passons aux actes, c'est urgent.

M. Jean-Claude Tissot .  - Le groupe socialiste, écologiste et républicain vote contre ce texte. L'amendement n°3 rectifié bis de M. Moga a été retiré mais qu'auriez-vous voté ? Car il illustre le risque d'ouvrir la boîte de Pandore. Ce soir, nous sommes tous d'accord pour dire que la réintroduction des néonicotinoïdes se fait à contrecoeur, car c'est un produit nocif. C'est pour cela que nous nous opposons à sa réintroduction, pour recourir à une alternative.

M. Daniel Salmon .  - On parlera très longtemps de cette loi de régression. Nous regrettons de n'avoir pu présenter un certain nombre de nos amendements : nous aurions aimé que les zones Natura 2000, les parcs naturels nationaux et les espaces naturels sensibles soient préservés des néonicotinoïdes. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Frédéric Marchand .  - Admettons que c'est une loi de bon sens, et certains, ici, en manquent...

On a beaucoup parlé des abeilles, ce soir, mais pas du varroa, dont la prédation a des effets sur les abeilles bien pires que ceux des néonicotinoïdes (MM. Laurent Duplomb et Daniel Gremillet approuvent.) L'année 2020 va être un millésime extraordinaire pour la récolte de miel...certes, il y avait moins d'avions et de voitures, avec le confinement, mais les agriculteurs ont continué à vaporiser leurs produits. Je ne valide pas pour autant l'utilisation des néonicotinoïdes. Cette dérogation est nécessaire. J'y vois une chance pour la transition agro-écologique à laquelle nous aspirons tous : les agriculteurs sont très attachés à l'environnement et au développement durable.

Nous serons nombreux au RDPI à voter ce texte.

M. Guy Benarroche .  - Depuis vingt-cinq ans, les apiculteurs sont les témoins d'un désastre, me rappelaient le président de l'Abeille provençale et le président de la fédération des apiculteurs français et de l'UNAF.

La mortalité des abeilles est passée de 5 % à 30 % par an, en vingt ans, et la production nationale de miel a été divisée par deux.

Il n'est pas acceptable, monsieur Marchand, de faire de l'abeille et de la biodiversité une variable d'ajustement. Il ne s'agit pas d'abandonner le secteur de la betterave, ajoutent les apiculteurs, il faut l'accompagner financièrement dans sa transition économique et agro-écologique, afin de concilier les intérêts de toutes les filières apicoles et agricoles et de préserver notre biodiversité, tellement fragilisée.

C'est ce que nous avons essayé de démontrer ce soir : nous n'y sommes pas parvenus. Cette loi sera mal perçue et mal vécue par nos concitoyens.

Vous nous accusez de vouloir nous éclairer à la bougie, mais vous, vous regardez vers le vieux monde ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

Le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°8 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 312
Pour l'adoption 184
Contre 128

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 28 octobre 2020, à 15 heures.

La séance est levée à minuit cinquante.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du mercredi 28 octobre 2020

Séance publique

À 15 heures

Présidence : M. Gérard Larcher, président

Secrétaires : Mmes Patricia Schillinger et Corinne Imbert

1. Questions d'actualité au Gouvernement

À 16 h 30 et le soir

Présidence : M. Pierre Laurent, vice-président M. Vincent Delahaye, vice-président

2.  Projet de loi de programmation, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur (texte de la commission, n° 52, 2020-2021)

Analyse des scrutins

Scrutin n°7 sur les amendements identiques nos2, présenté par M. Fabien Gay et les membres du groupe CRCE, n°7, présenté par M. Jean-Claude Tissot et les membres du groupe SER, et n°14 rectifié, présenté par M. Joël Labbé et plusieurs de ses collègues, tendant à supprimer l'article premier du projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :338

Suffrages exprimés :317

Pour :159

Contre :158

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (148)

Pour : 11 - M. Jean-Claude Anglars, Mme Céline Boulay-Espéronnier, MM. François Calvet, Mathieu Darnaud, Jacques Grosperrin, Mmes Viviane Malet, Brigitte Micouleau, Sylviane Noël, MM. Cyril Pellevat, Jean Sol, Mme Anne Ventalon

Contre : 124

Abstentions : 10 - M. Jean-Baptiste Blanc, Mme Sabine Drexler, MM. Alain Houpert, Alain Joyandet, Didier Mandelli, Mme Marie Mercier, MM. Alain Milon, Cédric Perrin, Mme Isabelle Raimond-Pavero, M. Stéphane Sautarel

N'ont pas pris part au vote : 3 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Roger Karoutchi, Président de séance, Mme Christine Lavarde

Groupe SER (65)

Pour : 64

Contre : 1 - M. Jean-Pierre Sueur

Groupe UC (54)

Pour : 41

Contre : 4 - M. Jean-Michel Arnaud, Mmes Annick Billon, Nassimah Dindar, M. Loïc Hervé

Abstentions : 9 - M. François Bonneau, Mme Nathalie Goulet, MM. Olivier Henno, Jean Hingray, Claude Kern, Mme Sonia de La Provôté, M. Jacques Le Nay, Mmes Catherine Morin-Desailly, Denise Saint-Pé

Groupe RDPI (23)

Pour : 1 - M. Xavier Iacovelli

Contre : 20

N'ont pas pris part au vote : 2 - MM. Sébastien Lecornu, Jean-Baptiste Lemoyne, membres du Gouvernement

Groupe du RDSE (15)

Pour : 15

Groupe CRCE (15)

Pour : 15

Groupe INDEP (13)

Contre : 9

Abstentions : 2 - MM. Joël Guerriau, Dany Wattebled

N'ont pas pris part au vote : 2 - MM. Jean-Louis Lagourgue, Alain Marc

GEST (12)

Pour : 12

Sénateurs non inscrits (3)

N'ont pas pris part au vote : 3 - Mme Christine Herzog, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier

Scrutin n°8 sur l'ensemble du projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :340

Suffrages exprimés :312

Pour :184

Contre :128

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (148)

Pour : 123

Contre : 12 - M. Jean-Claude Anglars, Mme Céline Boulay-Espéronnier, MM. François Calvet, Mathieu Darnaud, Jacques Grosperrin, Mmes Vivette Lopez, Brigitte Micouleau, Sylviane Noël, MM. Cyril Pellevat, Stéphane Sautarel, Jean Sol, Mme Anne Ventalon

Abstentions : 10 - M. Jean-Baptiste Blanc, Mme Sabine Drexler, MM. Alain Houpert, Alain Joyandet, Didier Mandelli, Mme Marie Mercier, MM. Alain Milon, Cédric Perrin, Mme Isabelle Raimond-Pavero, M. Cédric Vial

N'ont pas pris part au vote : 3 - M. Gérard Larcher, président du Sénat, M. Roger Karoutchi, président de séance, Mme Christine Lavarde

Groupe SER (65)

Pour : 1 - M. Jean-Pierre Sueur

Contre : 64

Groupe UC (54)

Pour : 36

Contre : 8 - M. Jean-Michel Arnaud, Mme Annick Billon, MM. Bernard Delcros, Yves Détraigne, Mme Nassimah Dindar, M. Loïc Hervé, Mme Annick Jacquemet, M. Jean-François Longeot

Abstentions : 10 - M. François Bonneau, Mmes Nathalie Goulet, Jocelyne Guidez, MM. Olivier Henno, Jean Hingray, Claude Kern, Mme Sonia de La Provôté, M. Jacques Le Nay, Mmes Catherine Morin-Desailly, Denise Saint-Pé

Groupe RDPI (23)

Pour : 15

Contre : 1 - M. Xavier Iacovelli

Abstentions : 5 - MM. André Gattolin, Abdallah Hassani, Ludovic Haye, Teva Rohfritsch, Dominique Théophile

N'ont pas pris part au vote : 2 - MM. Sébastien Lecornu, Jean-Baptiste Lemoyne, membres du Gouvernement

Groupe du RDSE (15)

Contre : 15

Groupe CRCE (15)

Contre : 15

Groupe INDEP (13)

Pour : 9

Contre : 1 - M. Jean-Louis Lagourgue

Abstentions : 3 - MM. Joël Guerriau, Alain Marc, Dany Wattebled

GEST (12)

Contre : 12

Sénateurs non inscrits (3)

N'ont pas pris part au vote : 3 - Mme Christine Herzog, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier