SÉANCE

du lundi 30 novembre 2020

35e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

Secrétaires : Mme Esther Benbassa, Mme Eustache-Brinio.

La séance est ouverte à 10 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Projet de loi de finances pour 2021 (Seconde partie - Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, adopté par l'Assemblée nationale.

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Conformément à la loi de programmation de la recherche (LPR), le budget connaît une hausse substantielle de 2,3 %, - à 375 millions d'euros - pour les deux programmes de la mission, contre 1,5 % l'an passé.

En 2021, les établissements d'enseignements supplémentaires bénéficient de 242 millions d'euros, dont 164 millions d'euros pour les mesures issues de la LPR. Cela correspond à des revalorisations indemnitaires et des mesures statutaires, mais aussi à 385 emplois créés.

Ces nouvelles marges de manoeuvre sont les bienvenues, d'autant plus que ces dernières années, c'est à enveloppe constante que de nombreux établissements ont dû faire face au dynamisme de la masse salariale. Ce n'était pas tenable, car les universités devraient accueillir toujours plus d'étudiants. Cette année, c'est encore plus, avec 27 700 nouveaux étudiants, soit 1,9 % de plus contre 1 % l'an dernier.

Le budget prévoit 20 000 places supplémentaires ; c'est honorable, mais sera-ce suffisant pour éviter que, malgré les cours à distance ou hybrides, nombre des tout jeunes étudiants dont les débuts à l'université auront été particulièrement chamboulés finissent par décrocher ? Le ministre a demandé aux établissements privés de faire un effort sans précédent, avec une subvention de 9 millions d'euros en plus.

Cela ne suffira pas. Le nombre d'étudiants dans le privé a augmenté de 121 %, quand la subvention progressait de 10,6 % seulement, entre 2008 et 2020. La part du soutien de l'État par étudiant a baissé de 48 % dans le même temps. Il s'élève à 11 500 euros par étudiant dans l'enseignement supérieur public contre 588 euros dans l'enseignement supérieur privé.

Pouvez-vous confirmer, madame la ministre, que les 9 millions d'euros iront bien aux établissements et non à la formation initiale des enseignants ?

Ne serait-il pas nécessaire de s'interroger, dans une vision prospective à moyen et long terme, sur les raisons de ce dynamisme ? La crise sanitaire a montré la nécessité d'investir massivement dans l'enseignement supérieur. La vétusté de l'immobilier universitaire est préoccupante. Je me réjouis que le plan de relance prévoie près de 4 milliards d'euros pour la rénovation thermique de l'immobilier de l'État, occasion unique de remettre à niveau le bâti universitaire.

Madame le Ministre, allez-vous accompagner les établissements pour les engager à répondre massivement aux appels à projets dans le cadre du plan de relance ?

Le dialogue stratégique et de gestion s'étend cette année à une vingtaine d'établissements, mais avec une moindre lisibilité des crédits.

Les crédits destinés à la vie étudiante croissent de 133,3 millions d'euros, deux fois plus qu'en 2020 en raison de la revalorisation des bourses sur critères sociaux, de la mise en place du ticket-restaurant à 1 euro pour les boursiers et du gel de l'augmentation des loyers des résidences universitaires.

Les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) seront à nouveau pleinement mobilisés contre la précarité étudiante ; c'est crucial pour des étudiants qui ont fait une rentrée à distance.

Pouvez-vous nous confirmer, madame la ministre, que les pertes d'exploitation considérables des Crous dues au confinement seront intégralement compensées, à l'euro près ?

La commission des finances vous invite à voter les crédits de la mission.

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Pour le monde de la recherche, le budget 2021 revêt une dimension symbolique, car c'est le premier exercice de la LPR que nous venons d'adopter.

Le budget de la recherche est conforme à la trajectoire que nous avons votée pour 2021, avec 225 millions d'euros de plus pour le programme 172 et 51 millions d'euros pour le programme 193 sur la recherche spatiale. Mais la lecture du budget est bien difficile, tant la maquette budgétaire de la mission a été remodelée. On constate une baisse de 756 millions d'euros pour la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (Mires).

L'inscription de crédits dédiés à la recherche duale sur la mission « Plan de relance »est un tour de passe-passe regrettable.

Le budget bénéficie pourtant de crédits du plan de relance et du nouveau Programme d'investissements d'avenir 4 (PIA4). Au total, les 11,75 milliards d'euros des programmes recherche bénéficieront donc d'un abondement de plus de 2 milliards d'euros en provenance d'autres missions budgétaires. Ainsi, près de 18 % des crédits ne sont pas inscrits à la Mires. Mais cet émiettement nous oblige à une consolidation particulièrement complexe.

Les hausses budgétaires qui nous sont présentées sont en partie factices ; certains crédits sont détournés pour combler des trous budgétaires identifiés de longue date, comme les 68 millions d'euros consacrés au rebasage de la subvention du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Rien ne justifiait d'avoir recours à l'enveloppe de la LPR pour cela...

M. Stéphane Piednoir.  - C'est exact !

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial.  - ...Il en va de même des 38 millions d'euros supplémentaires consacrés aux très grandes infrastructures de recherche (TGIR) et organisations internationales.

Sur l'enveloppe de 225 millions d'euros de crédits nouveaux, seuls 124 millions d'euros le sont réellement. Cela témoigne d'une interprétation très restrictive de la programmation.

Hors rebasage du CNRS, la recherche bénéficiera de 67,8 millions d'euros en plus pour la mise en oeuvre de la LPR.

Le budget 2021 devrait mettre un terme à la hausse du nombre de chercheurs payés par les organismes de recherche - c'est une bonne nouvelle. Mais seuls 16,4 millions d'euros ont été répartis jusqu'à présent. Madame la ministre, se sont-ils enfin vus notifier le montant de leur subvention en 2021 ?

Il faudra se montrer vigilants pour que des murs budgétaires ne se reconstituent pas.

L'Agence nationale de la recherche (ANR) bénéficiera de 503 millions d'euros en plus  - ce qui favorisera les appels à projets.

Je suis favorable à une enveloppe minimale de 1 milliard d'euros pour un taux de succès de 25 %. Je me réjouis qu'on y parvienne dès 2021, grâce à la LPR et au plan de relance.

Je note cependant, qu'en l'état actuel, ce budget ne reflète pas complètement nos votes sur la loi de programmation, puisque vous vous étiez engagée, madame la ministre, à redéployer des crédits au profit des organismes de recherche...

M. Pierre Ouzoulias.  - C'est vrai.

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial.  - Je présenterai trois amendements, les deux premiers pour rendre le budget plus conforme à la LPR ; le troisième pour rendre le suivi des crédits plus facile. Sous réserve de l'adoption de ces amendements, je vous invite à voter les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-Pierre Moga, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ce budget ne passe la barre de l'avis favorable de notre commission que grâce aux abondements du plan de relance et des PIA.

Le budget peu rigoureux est si peu lisible, si émietté qu'on a du mal à y retrouver ses petits. Est-ce là la conception que se fait le Gouvernement de la transparence et de l'information dues au Parlement ? On a vu des pratiques plus démocratiques ! Quelle est la pérennité de cette enveloppe ?

Le budget de la recherche augmente, dans des proportions comparables à celles des années précédentes.

On est loin du choc budgétaire tant attendu. C'est un premier pas cependant, que la commission des finances propose d'améliorer. Au-delà de la mission, il y a des motifs de satisfaction, comme ces deux mesures demandées par le Sénat depuis plusieurs années : la hausse du budget d'intervention de l'Agence nationale de la recherche (ANR) ; les aides à l'innovation supplémentaires octroyées à Bpifrance de 67 millions d'euros, selon cet organisme, après que j'ai plaidé en vain l'an dernier pour 20 millions d'euros...Je regrette qu'il faille attendre la plus importante crise économique de notre histoire pour que le Gouvernement applique nos recommandations !

Je vous avais interrogée sur la possibilité de libérer quelques millions supplémentaires en assouplissant certaines règles comptables disproportionnées. Avez-vous avancé sur ce point ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et CRCE)

M. Frédéric Marchand, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) La commission du développement durable s'est saisie du programme 190, qui voit ses autorisations d'engagement augmenter de 7,3 % par rapport à 2020, à 1,92 milliard d'euros ; les crédits de paiement sont à 1,76 milliard d'euros. Mais cette hausse est concentrée sur l'aéronautique civile.

Nous nous sommes tout de même félicités de la reconduction des crédits pour l'ensemble des opérateurs, comme de la qualité et de l'excellence de la recherche française en matière de développement durable. La french touch en la matière est reconnue internationalement. Il faut maintenir le soutien de l'État dans ce domaine, qu'il s'agisse d'éco-mobilité, de traitement des déchets ou d'hydrogène, pour réussir la transition énergétique. Le temps de l'action ne doit pas obérer celui de la réflexion. La jeune université Gustave Eiffel, créée en 2020, en est le parfait exemple. Elle est déjà présente dans le classement de Shanghai.

La commission surveillera de près les progrès du réacteur expérimental Jules Horowitz, développé au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Sur l'avion vert, notre pays a tous les atouts pour réussir. La recherche qui prépare une rupture environnementale doit là aussi être soutenue à long terme.

La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

Mme Laure Darcos, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - Il y a quelques jours, nous débattions de la loi de programmation de la recherche. Ce budget en est la première déclinaison.

Cette première marche est à la fois hautement symbolique et très concrète pour la communauté de la recherche.

Sur le papier, le budget 2021 est conforme à la trajectoire de la LPR, mais il pèche par un manque regrettable de lisibilité, dû à la multiplication des supports budgétaires, et par un excès de communication, les moyens nouveaux réellement apportés étant plus modestes que ceux affichés.

Madame la ministre, vous vous étiez engagée à augmenter de 10 % la dotation de base des laboratoires de recherche l'an prochain. Or il n'y a aucune ligne budgétaire en ce sens dans le projet de loi de finances. Ce n'est que grâce au travail de bénédictin de notre rapporteur spécial que le Sénat peut se prononcer sur la réalité de cette hausse. J'espère que vous serez favorable à ses amendements et que, s'ils sont adoptés, vous les soutiendrez jusqu'au terme de l'examen parlementaire.

Grâce à la hausse très substantielle de ses crédits, de 403 millions d'euros, l'ANR devrait atteindre un taux de succès des appels à projets de 23 % et relever les préciputs. Pourquoi ne pas faire plus d'appels à projet selon la procédure dite « flash », qui a très bien fonctionné pour la covid-19 ?

La suppression du « bonus » de crédit d'impôt recherche (CIR) pour les entreprises qui confient des travaux de R&D à des laboratoires publics de recherche, prévue à l'article 8 du projet de loi de finances, est lourde de conséquences pour les partenariats publics privés. S'il pose un problème juridique au regard de la réglementation européenne, il est dommage de ne pas l'avoir abordé lors de l'examen de la loi de programmation sur la recherche.

La période de transition de deux ans votée par le Sénat en première partie permettra aux organismes de recherche d'anticiper la réforme et au Gouvernement d'étudier des moyens alternatifs.

Avis favorable sous réserve des éclaircissements demandés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce budget correspond peu à mon esprit cartésien : son architecture est comparable à un système d'équations où l'on ne parviendrait plus à déterminer le nombre d'inconnues !

Premier problème : l'adéquation entre la hausse des moyens et celle, de 5,2 %, de la démographie étudiante. Les 20 000 places en plus ne suffisent pas. Les universités sont dans une situation financière très difficile. Je regrette que le glissement vieillesse technicité (GVT) ne soit plus abondé.

J'accueille très favorablement l'enveloppe de 3,7 milliards d'euros sur la rénovation thermique des bâtiments publics, dont l'appel à projets spécifique à l'enseignement supérieur a donné lieu au dépôt de 5 200 dossiers de candidatures.

Troisième point de vigilance, les Crous, dont la situation financière sera encore dégradée par les deux vagues épidémiques. Les réponses apportées en troisième et quatrième collectifs budgétaires ne suffiront pas et il faudra y remédier en fin de gestion.

La commission a cependant donné un avis favorable à l'adoption des crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Monique de Marco .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce projet de budget a le mérite d'augmenter les crédits de la recherche et de l'enseignement supérieur. Il rompt avec des années de sous-investissements aux conséquences dramatiques.

Les universités doivent accueillir toujours plus d'étudiants, mais les moyens ne suivent pas.

Saluons les mesures sociales en direction des étudiants, comme le ticket de resto U à 1 euro pour les boursiers, mais l'ensemble des bourses et prestations sociales devraient être indexées sur l'inflation.

Une partie des fonds additionnels financera des postes précaires et non des postes de titulaires. De plus, recruter 700 ETP comme annoncé, c'est insuffisant.

Sur 600 millions d'euros pour les appels à projet, 140 millions vont à l'ANR, qui bénéficie aussi de financements importants du plan de relance. Les appels à projet sont un bon complément au financement récurrent, mais leur généralisation n'est ni un gage d'excellence, ni un gage d'efficacité. Une vingtaine de grandes universités concentre environ 80 % des financements.

Le taux d'échec des candidatures auprès de l'ANR est estimé entre 75 % à 80 %, alors que cela coûte du temps et de l'argent de présenter un dossier : le gâchis est regrettable. Les chercheurs devraient pouvoir se concentrer sur la recherche.

Le programme 190 est en grande partie axé sur l'aéronautique et le nucléaire. Est-ce bien raisonnable face à l'urgence écologique ?

La crise exceptionnelle aggrave la situation déjà dégradée des étudiants. La France dépense moins pour ses étudiants que les autres pays. À l'université de Bordeaux, les amphis sont bondés, les préfabriqués à vocation temporaire sont devenus des salles de cours permanentes, et même les marqueurs pour écrire au tableau sont rationnés !

Je regrette que le budget de l'action n°3 du programme « Vie étudiante », qui concerne notamment la santé des étudiants, soit en baisse, alors que la renonciation aux soins est un problème bien connu et que les besoins d'ordre physique ou psychologique vont augmenter avec la crise sanitaire.

Le GEST ne votera pas ce budget. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Julien Bargeton .  - Que dire de ce budget ? D'abord que l'effort est inédit. J'entends dire ici ou là que ce n'est pas suffisant. Comparons ! Plus 600 millions d'euros par rapport au PLF 2020 ; plus 865 millions en crédits de paiement dans le plan de relance, et 1,4 milliard pour le PIA4 ! C'est un choc de financement sans précédent. Il faudra néanmoins regarder attentivement les amendements de la commission des finances déposés par M. Rapin...

M. Max Brisson.  - Oui !

M. Julien Bargeton.  - Ce budget donne de la crédibilité à la LPR ; le programme 150 y consacre 164 millions d'euros.

Ce PLF augmente de plus de 400 millions d'euros les autorisations d'engagement pour l'ANR, dont 117 millions au titre de la LPR et 286 millions d'euros au titre du plan de relance. Cela apparaît peu lisible à certains, mais tous les budgets sont impactés et accompagnés cette année par le plan de relance. Je rappelle qu'entre 2010 et 2015, les crédits de l'ANR avaient baissé de 40 % ! Le financement de la base des laboratoires de recherches est aussi augmenté ; tout cela permet la mise en oeuvre effective de la LPR.

Bien sûr, il faudra être vigilant chaque année sur la mise en oeuvre de la LPR. Mais pour 2021, on voit déjà que c'est bien fait !

Nous devons aussi nous assurer que ces crédits seront dépensés à bon escient.

Ce budget fait de la lutte contre les inégalités et la précarité une priorité. L'augmentation est deux fois plus rapide que l'an dernier : 5 % pour le programme 231, contre 2,5 %, ce qui était déjà significatif, en 2020. Saluons le ticket resto à 1 euro pour les boursiers.

Le nombre de places à l'université augmente de vingt mille, au regard des résultats exceptionnels du bac 2020. L'effort est inédit : la première étape de la LPR est mise en oeuvre ; priorité est donnée à la lutte contre la précarité. Nous pouvons tous saluer ce budget exceptionnel. Le groupe RDPI le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

M. Bernard Fialaire .  - Depuis plusieurs mois, la pandémie a mis la recherche au premier plan. À l'occasion de l'examen de la LPR, nous avions tous regretté l'état de la recherche en France. Le prix Nobel a distingué une Française, mais elle exerce à Berlin.

Les 225 millions d'euros au programme 172 ne financeront pas seulement des dépenses nouvelles. Malgré tout, on peut se réjouir des 1142 millions d'euros en autorisations d'engagement et 862 millions en crédits de paiement que le plan de relance consacre à la recherche, auxquels s'ajoutent les 1 250 millions d'euros du PIA4.

Je regrette le manque de lisibilité des crédits, qui sont éclatés. Espérons toutefois que leur progression rendra à la recherche française toute la place qu'elle mérite et répondra aux attentes de la communauté scientifique.

Les 130 millions d'euros supplémentaires pour améliorer les rémunérations des personnels sont bienvenus, tout comme les 403 millions supplémentaires pour l'ANR.

Le taux de réussite des appels à projets génériques, de 17 %, est bien trop faible.

L'enseignement supérieur, comme la recherche, porte les germes de la richesse d'une nation. Mais beaucoup d'étudiants sont précaires et leur situation s'aggrave avec la crise.

Est-ce normal de les voir affluer aux Restos du Coeur ou renoncer aux soins faute d'argent ?

M. Pierre Ouzoulias. - Eh oui ! On en est là !

M. Bernard Fialaire. - Les Crous sont à bout de souffle.

J'ai noté les 133,5 millions d'euros supplémentaires, dont les trois quarts pour les bourses, le ticket de resto U à 1 euro et le gel des loyers des résidences universitaires. Est-ce à la hauteur, quand est évoquée la triste prévision d'une génération sacrifiée ?

Comment la pandémie affectera-t-elle le « contrat de réussite » de la loi de 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants ? On peut s'inquiéter pour les étudiants de la première année, plus menacés par le décrochage.

La conférence des présidents des universités appelle au plus vite à un retour aux cours en présentiel, l'enseignement à distance ne pouvant pas tout.

Les élèves infirmiers et les internes, appelés soudainement en renfort dans les unités Covid des hôpitaux, sans être préparés, ont travaillé dans des conditions difficiles, parfois aux dépens de leur temps d'apprentissage. Il serait juste de valoriser dans leurs carrières cette expérience de « guerre ».

M. Pierre Ouzoulias .  - Rarement l'exercice budgétaire aura été si vain, futile et factice ! Alors que l'université aurait besoin d'être secourue sans délai par un plan d'aide d'urgence, elle est restée à l'écart des quatre lois de finances rectificatives et des dispositions budgétaires de la LPR.

La crise a mis en lumière et exacerbé les conditions matérielles catastrophiques de la grande majorité des étudiants. Sans moyens supplémentaires, les universités ont tenté d'assurer leurs missions pédagogiques dans le respect des normes sanitaires et d'apporter des moyens d'existence à leurs étudiants les plus fragiles. Ouvrons les yeux : la faim rode sur les campus, les universités sont exsangues et la situation économique des Crous est gravement compromise.

Les universités ne rouvriraient qu'en février : c'est une décision économique et non sanitaire car elles seraient prêtes, si vous les aidiez financièrement, à aménager leurs conditions d'accueil. Il n'est pas possible de maintenir pendant bientôt un an les étudiants à l'écart de leur campus sans que cette séparation forcée n'ait de conséquence sur leur formation, sur leur santé psychique et sur la fonction même de l'institution universitaire. Sous nos yeux point une génération sacrifiée.

Il est de notre responsabilité collective que l'éruption du volcan sur lequel est installée l'université n'accompagne pas la débâcle !

Pour faire face à cette situation exceptionnelle et permettre aux universités d'y faire face « quoi qu'il en coûte », il eût fallu un budget exceptionnel. Or celui-ci est structurellement insuffisant. Comme tous ceux qui l'ont précédé depuis dix ans, il ne donne pas aux établissements les ressources supplémentaires pour contre-peser la hausse de la démographie estudiantine. Une nouvelle fois, la dépense par étudiant est en baisse. Elle pourrait franchir le seuil fatidique des 10 000 euros par étudiant en 2021.

Pour la première année de mise en oeuvre de la LPR, qui n'est pas encore promulguée, mais annonçait un « effort inédit depuis l'après-guerre », les plafonds d'emploi seront en baisse. Les rares créations le seront « en mobilisant la vacance sous plafond d'emploi ». Bref, votre ministère a trouvé la martingale prodigieuse qui consiste à financer des promesses par des promesses !

M. Stéphane Piednoir. - Ah !

M. Pierre Ouzoulias. - En 2021, les moyens de la Mires baissent par rapport au budget général. Les crédits supplémentaires sont en fait destinés à combler des trous budgétaires identifiés de longue date. Le budget réellement nouveau n'est que de 124 millions d'euros.

Je partage l'analyse implacable et affligée de notre rapporteur spécial, Jean-François Rapin : « ces choix budgétaires sont aux antipodes de l'esprit ayant présidé à l'élaboration d'une loi de programmation ».

Ce constat amer nous oblige à nous interroger sur les intentions véritables du Gouvernement, qui nous a trompés. Ce budget est un affront pour la recherche et pour la Représentation nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST)

M. Vincent Éblé. - Très juste !

Mme Sylvie Robert .  - Cette année, l'étude de ce budget se déroule dans un contexte particulier. La crise sanitaire se traduit par la tenue de cours à distance, les difficultés des doctorants pour mener leurs enquêtes de terrain, et des freins dans l'activité des laboratoires.

Le budget traduit la vision du gouvernement pour l'application concrète de la LPR. Ce budget de surprise, par son articulation avec le plan de relance, suscite de nombreuses craintes et interrogations. Je suis mitigée. D'un point de vue macro, les montants affichés sont conformes à la LPR mais d'un point de vue micro, le compte n'y est pas. Les tours de passe-passe budgétaire interrogent sur votre sincérité et sur la fiabilité de vos engagements.

La maquette budgétaire rend ce budget très peu lisible, entre Mires et plan de relance. Près de 20 % des crédits dédiés à la recherche et à l'enseignement supérieur sont éclatés en dehors de la Mires.

Cela pose la question du contrôle parlementaire. Le montant des subventions aux établissements tels que l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et le CNRS n'est toujours pas connu. Près de 50 millions d'euros ne sont toujours pas distribués.

Prenons l'exemple de la recherche duale, programme 191 : où est-il donc passé ? Il est à zéro euro dans la Mires !

Mais soyons rassurés, ce programme n'a pas complètement disparu : tout est dans le plan de relance ! Est-ce le rôle de ce dernier ?

Vous êtes coutumiers de semblables artifices. Dans deux ans, quand le plan de relance s'éteindra, comment resterez-vous fidèle à la trajectoire quand il faudra réintégrer les crédits de la Mires ? Vous déshabillez Pierre pour habiller Paul ! Tous les programmes, hors LPR, stagnent ou baissent. La protection de l'environnement est essentielle pour notre avenir, or les crédits du programme 190 baissent.

Lors de l'examen de la LPR, nous regrettions déjà un manque de transparence. Le budget du programme 231 est plus satisfaisant. Le Gouvernement a été réactif dans l'urgence. Toutefois, les crédits dédiés au sport, à la culture et à la santé des étudiants baissent alors que leurs problèmes psychologiques augmentent à mesure des conséquences de la crise sanitaire et des confinements.

Madame la ministre, les nouveaux moyens du Crous suffiront-ils à éponger les pertes dues au premier confinement ?

Je me réjouis que la rénovation thermique des universités soit lancée mais quelle enveloppe pour les établissements ? La démographie estudiantine progresse - c'est une chance mais aussi un défi.

Vous ne créez que 20 000 places quand 29 000 étudiants poussent les portes des universités. Cela souligne les investissements colossaux qui seront nécessaires. Le budget est insuffisant : pour consacrer toujours 11 000 euros par étudiant, il faudrait 755 millions d'euros de plus, hors inflation.

Le glissement vieillesse-technicité (GVT) n'est plus compensé aux universités, ce qui effrite leurs moyens de plus de 226 millions d'euros. Elles ne peuvent pas faire toujours plus avec toujours moins !

Je reconnais le dévouement et l'engagement des professeurs et des équipes pédagogiques. Les universités n'ont pas besoin de polémiques idéologiques stériles, elles qui défendent la raison et l'esprit critique contre l'obscurantisme depuis des siècles. Soutenons-les, plutôt ! Le groupe SER ne votera pas les crédits de la Mires. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il y a des raisons de se réjouir dans ce budget : augmentation des crédits, revalorisation salariale, rénovation thermique des bâtiments, postes de tuteurs étudiants, aides pour les Crous, notamment. Mais cet effort est minimum. Le jeu de bonneteau entre Mires, LPR et plan de relance a fait perdre son latin aux plus latinistes d'entre nous, n'est-ce pas cher Pierre Ouzoulias ? (MM. Pierre Ouzoulias et Vincent Éblé apprécient.)

Nous avons discuté de la LPR alors que les crédits de la Mires étaient déjà votés à l'Assemblée nationale. (M. Stéphane Piednoir approuve.)

M. Julien Bargeton. - C'est cohérent !

M. Max Brisson. - Nous vous avons demandé de relever la première marche et de sanctuariser les crédits de la LPR grâce au plan de relance, en échange de quoi nous avons accepté une trajectoire de dix ans.

Nous avons fini par les trouver, ces 100 millions d'euros supplémentaires au profit de l'ANR pour les partenariats, mais ce ne sont pas des crédits de paiement - vous ne pouviez les inscrire, au vu du télescopage des examens du PLF et de la LPR. Même insatisfaction de voir des crédits normalement récurrents et pérennes dans le plan de relance, par nature temporaire.

Nous avons l'impression que vous nous avez fait prendre des vessies pour des lanternes. On ne peut pas parler de choc d'investissement. La trajectoire de la LPR sera restrictive en 2021. Croyant en votre bonne foi, nous attendons une traduction rapide de vos engagements.

Les amendements de Jean-François Rapin prévoient une augmentation de 20 millions d'euros en crédits de paiement pour les opérateurs de recherche, et une clause de revoyure centrée sur des engagements de crédits. Votre avis déterminera notre vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. Daniel Chasseing .  - L'examen de ces crédits se fait dans un contexte particulier : toute une génération est prise dans une crise existentielle et la LPR change les règles du jeu.

La hausse de 357 millions d'euros des crédits de la Mires est la bienvenue. Les universités font face à une vague d'inscriptions importante, conséquence d'un taux de réussite au baccalauréat 2020 particulièrement élevé. Elles doivent s'adapter, et je salue le plan de rénovation thermique de 4 milliards d'euros, les mesures sociales et l'ouverture de 20 000 places supplémentaires - 10 000 prévues dans le plan Étudiants au sein du PLF et 10 000 dans le plan de relance. Mais les crédits pour la recherche du plan de relance doivent être pérennisés.

Nous observons une baisse tendancielle des crédits consacrés à chaque étudiant : 11 290 euros en 2014, 10 110 euros en 2019 dans le public, sans parler de l'enseignement privé, dont les crédits augmentent bien moins que les effectifs. C'est le résultat d'un inquiétant effet de ciseau entre augmentation du nombre d'étudiants et baisse des crédits que dénonçait Mme Paoli-Gagin.

Je me réjouis de la bonne articulation entre LPR et PLF, qui permet à la première d'insuffler à la recherche une nouvelle dynamique.

Le quatrième PIA apportera 1 milliard d'euros, auquel s'ajoutent 800 millions d'euros du plan de relance.

Le groupe INDEP votera ces crédits amendés par la commission des finances. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. Jean Hingray .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ce budget est destiné à rendre crédible les orientations de la LPR.

La crise sanitaire, économique et sociale nous rappelle le caractère vital de la recherche et la nécessité d'investir massivement, à court et à long terme.

Les coupes drastiques réalisées pendant des années ont fait reculer la recherche française - elle était au septième rang mondial en 2015 par le nombre de publications scientifiques. Nous n'avons pas non plus atteint l'objectif d'y consacrer 3 % du PIB, contrairement à d'autres pays comme la Suède.

Nous nous réjouissons donc de la hausse des crédits de 579 millions d'euros, en euros constants, même si nous n'assistons pas au choc attendu.

Le quatrième PIA consacre 7,5 milliards d'euros à l'écosystème de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, mais certains crédits sont transférés vers le plan de relance. Cela ne concourt pas à la lisibilité du budget.

Le financement de la recherche sera accompagné par quatre autres vecteurs : la mission « Plan de relance », les PIA, les contrats de plan État-région (CPER) et le programme européen Horizon Europe, qui verra ses crédits augmenter après l'accord trouvé à Bruxelles le 10 novembre.

Les salaires des chercheurs seront revalorisés, ce qui contribuera à rendre la carrière plus attractive.

Le nombre de nouveaux inscrits à l'université croît de 1,9 %, soit 28 700 étudiants supplémentaires à absorber. Le budget prévoit 10 000 places en plus au titre du plan de relance et autant au titre du « plan Étudiants » du projet de loi de finances.

Les moyens accordés pour chaque étudiant s'érodent progressivement, passant de 11 290 euros en 2014 à 10 110 euros en 2019. Il faut une réflexion plus globale sur l'avenir de l'enseignement supérieur, comme le disait M. Rapin.

Le budget de la vie étudiante augmente de 134 millions d'euros. Nous approuvons la revalorisation des bourses sur critères sociaux et le repas pour les boursiers à 1 euro. Le groupe UC attire votre attention sur la paupérisation des étudiants : la moitié des bénéficiaires des Restos du coeur a moins de 25 ans ! Être contraint de sauter des repas, c'est insupportable.

L'université ne devra pas rater le virage du numérique. Les images d'amphithéâtres bondés à la rentrée interrogent sur le respect des conditions sanitaires. Le renforcement des services numériques aux étudiants, pour 35 millions d'euros, sera-t-il suffisant ? Même compensées, les pertes d'exploitation des Crous sur la restauration et l'hébergement durant les confinements les ont fragilisés.

Le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

Mme Christine Lavarde .  - La difficile articulation budgétaire a été suffisamment exposée. Les critiques sur le ministère font écho à la lettre de démission du directeur général de la recherche et de l'innovation.

Votre réponse à l'Assemblée nationale ne m'a pas convaincue, madame la ministre. La revalorisation des rémunérations des chercheurs devait concerner également les chercheurs qui relèvent d'autres ministères et d'établissements de recherche. Pourtant je n'ai rien trouvé dans le programme 217 pour l'École nationale des ponts et chaussées ou l'École nationale des travaux publics de l'État, qui comptent respectivement douze et six laboratoires de recherche, sans parler d'AgroParisTech. Pouvez-vous nous assurer que la hausse ne sera pas absorbée par leurs budgets propres, leur dotation n'ayant pas été augmentée ?

La vie étudiante est mise entre parenthèses par le confinement. Le dernier rapport de l'Observatoire des inégalités le montre, il est difficile de prendre la mesure de la précarité étudiante. Selon Eurostat, le taux de pauvreté des 18-24 ans était deux fois supérieur à la moyenne nationale, à 12,8 %, avant même la crise sanitaire.

Lors de la dernière séance de questions d'actualité au Gouvernement, en réponse à Stéphane Piednoir, vous n'avez rien dit des 20 000 emplois annoncés par le Premier ministre dans sa conférence de presse. Je ne peux croire que vous l'ignoriez. Mais ces emplois de dix heures hebdomadaires pour aider les étudiants de première et deuxième années de licence pendant quatre mois sont une réponse de court terme.

Le Sénat a adopté un dispositif d'aide à l'embauche dans les PME, bonifié de 50 % pour tout recrutement d'un jeune de moins de 26 ans en sortie de formation initiale. Même les plus diplômés peinent à accéder à l'emploi dans le contexte actuel. Le recours à des aides à l'embauche en bas de cycle économique a fait les preuves de son efficacité.

Face au désarroi du monde étudiant, la perspective d'un emploi stable est une lueur d'espoir. J'espère que l'Assemblée nationale, avec votre soutien, aura la sagesse de conserver cet apport. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Brigitte Lherbier .  - Universitaire de formation, j'ai gardé des liens étroits avec ce monde. L'année 2020 a été extrêmement difficile. En début d'année, j'avais alerté sur les grèves et les blocages qui ont empêché les étudiants de poursuivre leur cursus. Puis les confinements ont entraîné la fermeture des universités. Les professeurs et les étudiants ont cru que leur année serait perdue. Mais chacun s'est mobilisé, grâce aux outils numériques.

Certes, rien ne peut remplacer les cours en présentiel. L'instruction a toujours été un moteur de l'ascenseur social français, une garantie du bon fonctionnement de notre vie démocratique. L'éducation garantit la liberté. L'égalité des chances est donc cruciale.

Or de nombreux étudiants ont perdu les petits boulots qui leur permettaient de vivre ; la fracture numérique s'est fait douloureusement sentir, en particulier dans les zones rurales. Les conditions d'étude des étudiants ont été très dégradées. L'isolement numérique mais aussi physique a des effets délétères sur leur état psychologique.

Les étudiants ne sont pas vaccinés contre la détresse morale ! Le ministère doit apporter des réponses concrètes.

L'enseignement supérieur français doit continuer à rayonner au-delà de nos frontières. Nous suivrons l'avis de Jean-François Rapin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - Il y a une semaine, le Parlement adoptait définitivement la LPR, alors que la perspective salutaire d'un vaccin contre la covid se profilait. Je m'engageais à ce que les promesses soient tenues pour réarmer la recherche française.

Grâce à ce budget, les engagements de la LPR deviennent réalité. Partout des moyens supplémentaires seront déployés, avec 400 millions d'euros supplémentaires uniquement pour la recherche.

La discussion entre votre commission des finances et le ministère a infléchi la trajectoire sur deux points : près de 500 millions sont dédiés à l'ANR pour les deux prochaines années, 400 millions d'euros pour la recherche sur projets, et 100 millions pour le soutien à la recherche partenariale. Les moyens de base des laboratoires augmentent de 10 % dès 2021 et de 25 % dès 2023. L'enseignement supérieur et la vie étudiante sont également renforcés : 245 millions d'euros dans le programme 150 et 134 millions d'euros dans le programme 231.

L'enseignement supérieur français est bouleversé par la crise sanitaire. Je remercie la communauté universitaire - enseignants, personnel administratif, étudiants - de son engagement. Depuis mars, ils ont fait preuve d'un courage et d'une responsabilité sans faille, loin de certaines accusations trompeuses.

Ce budget lutte contre la précarité étudiante. La Mires, troisième budget de l'État, est confortée, avec plus 600 millions d'euros et 700 recrutements supplémentaires. Quelque 6,5 milliards d'euros du plan de relance et du PIA s'ajoutent à ce budget.

Mon ministère dispose d'un budget de 23,9 milliards en crédits de paiement - hors compte d'affectation spéciale (CAS) Pensions - et 150 millions d'euros de contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) seront versés directement aux établissements universitaires et au Crous. Son budget a progressé de 8 % depuis 2017.

Ma priorité, c'est la précarité étudiante. Je serai cet après-midi à l'épicerie solidaire pour les étudiants parisiens. Près de 20 % des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté. Nous devons combattre cette réalité intolérable. Dès la rentrée, nous gelions les frais d'inscription, dégagions 80 millions d'euros supplémentaires pour les bourses sur critères sociaux, 50 millions pour les repas à 1 euro ; une prime de 150 euros sera versée dès décembre aux boursiers.

Le combat contre la précarité ne peut se mener que collectivement : 1 600 référents seront prochainement déployés, 600 sont déjà à pied d'oeuvre. Nous augmentons en 2020 les crédits pour la vie étudiante de 134 millions d'euros et octroyons 2,3 milliards d'euros pour les aides directes aux étudiants et 2,2 milliards d'euros aux bourses sur critères sociaux.

Plus de 200 000 étudiants supplémentaires seront accompagnés par 20 000 tuteurs, en sus des 30 000 tuteurs déjà présents. Cela favorise la continuité pédagogique et représente pour les tuteurs, qui sont rémunérés, une expérience professionnelle qu'ils peuvent valoriser. Nous investissons à cette fin 50 millions d'euros.

Nous dédions 56 millions d'euros aux aides sociales à destination de 45 000 jeunes et continuons à travailler, avec les associations étudiantes et les présidents d'université, pour lutter contre ce fléau.

Le programme 150 sera abondé de 80 millions d'euros pour créer 20 000 nouvelles places dans les filières en tension, et 165 millions d'euros de crédits sont ouverts dans la LPR.

Quelque 9 millions d'euros supplémentaires iront aux établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général, qui reçoivent également un afflux d'étudiants, avec un renforcement des subventions par étudiant. Nous renforcerons les contrôles des services académiques et sanctionnerons les pratiques commerciales trompeuses pour valoriser les formations de qualité.

La LPR consacre 25 milliards d'euros à la recherche pour les dix prochaines années. Dès 2021, le budget de la recherche augmentera de 400 millions d'euros. Nous pouvons ainsi revaloriser les carrières et les rémunérations - notamment par transfert budgétaire au cours de l'année 2021 pour les établissements relevant d'autres ministères - dans le respect du protocole syndical signé le 12 octobre dernier à Matignon. C'est le premier accord majoritaire dans ce secteur, ce dont je suis très fière.

Tout au long de l'examen de la LPR, travail parlementaire et négociation syndicale ont été de pair. Prochainement, j'associerai toutes les parties prenantes et les parlementaires à la réforme du Conseil national des universités (CNU).

Nous soutenons nos jeunes doctorants avec 6 millions d'euros supplémentaires en 2021 pour augmenter le nombre de thèses financées par l'État.

Le budget de l'ANR augmente dès l'an prochain. Les appels à projets seront dotés de 117 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement et 286 millions d'euros supplémentaires via le plan de relance. Cela placera l'ANR sur la trajectoire des autres grandes agences de recherche.

À l'issue de la programmation, les financements par appel à projet ne représenteront que 8 % de l'effort global de recherche, et les financements de base des laboratoires auront augmenté de 25 % à l'horizon 2023.

Le préciput abondera de surcroît les établissements hébergeurs et les sites.

L'ANR se voit attribuer 1 milliard d'euros supplémentaires, dont plus de 400 millions d'euros de crédits de base qui irriguent l'ensemble des laboratoires, des sites et des disciplines, au-delà des équipes lauréates. J'espère ainsi mettre fin à l'opposition stérile entre crédits de base et crédits compétitifs : la réussite n'est pas le fait d'un seul !

La diminution de 800 millions d'euros des crédits de la Mires hors ministère de l'enseignement supérieur est due à des mesures de périmètre. En effet, la recherche aéronautique et spatiale est désormais partagée entre Bercy et le ministère des Armées, et 110 millions d'euros de crédits pour recherche culturelle sont transférés au ministère de la culture.

Le plan France relance consacre 6,5 milliards d'euros à l'enseignement supérieur et la recherche, dont 2,4 milliards d'euros au volet recherche et l'innovation et 3,1 millions d'euros aux écosystèmes de l'enseignement supérieur et de la recherche et aux aides à l'innovation.

France relance vient renforcer la garantie des prêts étudiants, investit 35 millions d'euros dans l'hybridation des formations et 60 millions d'euros à la création de place, dans le domaine paramédical notamment, avec la participation des régions dont je salue la coopération exemplaire.

Enfin, France Relance financera la rénovation thermique des établissements. Plus de 1 500 projets ont été déposés, couvrant l'ensemble du spectre immobilier - universités, organismes de recherche, Crous, logements étudiants - dans toutes les régions, y compris les outre-mer.

Les engagements du Gouvernement dans le cadre de la LPR se traduisent très concrètement. L'ensemble de la Mires est conforté, pour préparer l'avenir. La lutte contre la précarité étudiante se poursuivra sans relâche.

Je conclurai par une pensée pour M. Philippe Adnot, rapporteur pendant quinze ans de cette mission. (M. Julien Bargeton applaudit.)

Examen des crédits

Article 33

Mme la présidente. - Amendement n°II-948, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-948 transfère 135 millions d'euros en autorisations d'engagement du programme « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » vers le programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-948.html

Mme Monique de Marco. - Les autorisations d'engagement concernant l'aéronautique doublent par rapport à 2020, en passant de 135 à 270 millions d'euros. Cette augmentation n'est pas justifiée, même si une partie de ces crédits est destinée à tenter de verdir ce secteur. Cet amendement vise à engager le débat. Nous voulons rediriger ces investissements sur le programme 172 afin de contribuer davantage au développement durable.

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - Il est difficile de retracer les crédits, entre PLF et plan de relance. La R&D en aéronautique représente 35 000 emplois. Ne fragilisons pas cette filière qui a beaucoup souffert de la crise. En outre, ces crédits favorisent le verdissement de l'aéronautique. Mais ne nous leurrons pas, nous continuerons à prendre l'avion. Retrait ou avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre. - Même avis. Il faut soutenir collectivement la filière alors que le retour à la normale n'est pas attendu avant 2022. Les crédits du plan de relance sont soumis à une obligation d'agir pour un développement durable et responsable.

Mme Monique de Marco. - Vous ne m'avez pas convaincue. Le budget est tout de même doublé. D'autres secteurs de la recherche vont davantage dans le sens de l'histoire, celui du développement durable.

L'amendement n°II-948 n'est pas adopté.

Mme la présidente. - Amendement n°II-894, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I. - Créer le programme :

Fonds de compensation du glissement vieillesse technicité (GVT)

II. - En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-894 transfère 59 313 000 euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Formations supérieures et recherche universitaire » vers le nouveau programme « Fonds de compensation du glissement vieillesse technicité (GVT) ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-894.html

M. Pierre Ouzoulias. - La non-compensation du GV représente pour les établissements de l'enseignement supérieur une charge d'environ 50 millions d'euros, et d'environ 9 millions d'euros pour les opérateurs de recherche.

Quelque 4 000 postes de titulaires prévus par les lois de finances n'ont pu être créés dans l'enseignement supérieur à cause de ce manque de compensation.

Une grande partie des crédits échappe à l'analyse du Parlement, qui ne peut donc peser sur les arbitrages. Revenons à l'esprit de la Constitution : c'est le Parlement qui vote le budget. Si nous n'obtenons pas d'informations, nous devrons renforcer notre contrôle sur place et sur pièces.

M. Max Brisson. - Très bien !

Mme la présidente. - Amendement n°II-690, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I. - Créer le programme :

Soutien aux organismes de recherche

II. - En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-690 transfère 50 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » vers le nouveau programme « Soutien aux organismes de recherche ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-690.html

Mme Sylvie Robert. - Cet amendement crée un nouveau programme doté de 50 millions d'euros au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour compenser la hausse du GVT aux établissements d'enseignement supérieur et de recherche.

Mme la présidente. - Amendement n°II-896, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-896 transfère 45 864 710 euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Formations supérieures et recherche universitaire » vers le programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-896.html

M. Pierre Ouzoulias. - Les seuls débouchés de certaines filières, notamment en sciences humaines et sociales, sont dans la fonction publique. Il faut pouvoir indiquer sur la longue durée quelles seront les opportunités de recrutement, alors que le nombre de thèses baisse fortement. Donner les moyens de recruter hors plafond ne suffit pas. Le manque d'affichage politique engendre une perte de valeur très forte dans les sciences humaines et sociales. Revenons à quelque chose de plus conforme à l'esprit de la Constitution : les missions de service public doivent être assurées par des fonctionnaires.

Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. - Demande de retrait de l'amendement n°II-894 au profit de ceux de la commission qui redéploient 20 millions d'euros en faveur des organismes de recherche.

L'amendement n°II-894 ne vise que le GVT ; il est plus restrictif que les nôtres. Laissons aux établissements la liberté de choisir comment compenser le GVT.

Enfin, vous videz l'enveloppe des établissements privés, dont les moyens sont déjà insuffisants pour faire face à l'afflux d'étudiants. C'est injuste.

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - Retrait de l'amendement n°II-690, trop gourmand, au profit de celui de la commission.

Avis du gouvernement sur l'amendement n°II-896. La question mérite d'être posée.

Mme Frédérique Vidal, ministre. - Avis défavorable à l'amendement n°II-894. Le GV n'est plus compensé depuis la loi relative aux libertés et responsabilités des universités qui a transféré la masse salariale aux établissements.

Depuis 2017, dans le cadre désormais formalisé du dialogue stratégique et de gestion, nous soutenons les établissements, dont certains ont commis l'erreur de déclarer leur masse salariale effectivement payée et non les emplois sous plafond.

Avis défavorable à l'amendement n°II-690. Le gage porte atteinte à ce que nous avons prévu dans la LPR.

Défavorable également à l'amendement n°II-896, il est déjà possible de recruter 700 emplois sous plafond. Nous augmentons le nombre de doctorants, qui sont en CDD.

Prendre ces crédits sur le programme 150 revient à transférer des emplois des universités aux organismes de recherche. Le programme 172 prévoit 315 emplois sous plafond supplémentaires, le programme 150, 385. Conservons cet équilibre.

M. Pierre Ouzoulias. - Vous venez de dire, madame la ministre, que 315 emplois sous plafond seront créés en 2021 mais cela correspond à la vacance de cette année : vous financez des promesses par des promesses !

Sur le fond, la question est celle de la sincérité budgétaire. Comme nous ne connaissons pas la répartition des crédits transférés aux établissements et aux opérateurs, cela revient à signer un chèque en blanc, et à examiner le budget a posteriori. Dans ces conditions, autant avoir cette discussion à la buvette, en quinze minutes ! (On se récrie sur les travées du groupe Les Républicains.) Il faut débattre du rôle du Parlement dans le contrôle budgétaire.

L'amendement n°II-894 n'est pas adopté, non plus que les amendements nosII-690 et II-896.

Mme la présidente. - Amendement n°II-992, présenté par M. Rapin, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

[L'amendement n°II-992 transfère 20 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » vers le programme « Formations supérieures et recherche universitaire ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-992.html

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - Lors de l'examen de la LPR, nous avions souhaité redonner du souffle aux organismes de recherche.

Ce PLF accorde des crédits importants à l'ANR, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement. L'Agence, que nous avons auditionnée, n'a pas l'air d'être sous tension. Cet amendement redéploie donc 20 millions d'euros au profit des établissements.

Mme la présidente. - Amendement n°II-993, présenté par M. Rapin, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

[L'amendement n°II-993 transfère 20 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Formations supérieures et recherche universitaire » vers le programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-993.html

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - Cet amendement est complémentaire du précédent.

Mme Frédérique Vidal, ministre. - Ces deux amendements fonctionnent en effet de concert. Nos débats sur la LPR ont conduit à consacrer 400 millions d'euros du plan de relance à l'ANR.

Ce renforcement doit être équilibré avec celui des moyens des laboratoires. Nous avions prévu de le faire en gestion. Mais puisque ces amendements le matérialisent et rendent le budget plus clair, avis favorable.

M. Pierre Ouzoulias. - Vous venez de sauver votre budget, madame la ministre ! J'ai interrogé M. Dussopt pour comprendre à quoi serviront les 100 millions d'euros du plan de relance : c'est pour payer 80 % des salaires des chercheurs du privé qui travailleront dans des laboratoires publics. Mais pour quelle recherche ? Privée ou publique ? Si c'est de la recherche privée, il y a un problème, car ces entreprises percevront le crédit d'impôt recherche sur des salaires dont elles ne payent que 20 % !

Je crains que Bercy n'ait donné facilement de l'argent qu'on ne pourra dépenser et que nous ayons été dupés.

Mme Laure Darcos, rapporteure pour avis. - Je salue le travail du rapporteur spécial. En CMP, il avait été difficile pour le Sénat d'accepter une trajectoire sur dix ans et non sept. Ces 20 millions clarifient les choses ; symboliquement, c'est important. Merci pour votre avis favorable, madame la ministre. J'espère que ces amendements survivront à la navette.

M. Julien Bargeton. - Très bien.

M. Max Brisson. - Je salue moi aussi le travail d'orfèvre du rapporteur spécial, qui permet de matérialiser les engagements de la LPR. Les 100 millions d'euros du plan de relance sont clairement un tour de passe-passe, comme l'a parfaitement démontré Pierre Ouzoulias. Néanmoins, nous sommes sensibles à ce premier pas. Les sénateurs Les Républicains voteront donc les crédits de la mission.

L'amendement n°II-992 est adopté, ainsi que l'amendement n°II-993.

Mme la présidente. - Amendement n°II-176 rectifié bis, présenté par Mmes Noël, F. Gerbaud, Garriaud-Maylam et Deromedi, MM. Pellevat, Lefèvre, Mandelli, Sautarel, Courtial et B. Fournier, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne, Cuypers et D. Laurent, Mmes Joseph, Raimond-Pavero et Ventalon et M. Savin.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

[L'amendement n°II-176 rectifié bis transfère 18 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité » vers le programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-176.html

M. Antoine Lefèvre. - Chaque année en France, 2 500 nouveaux cas de cancers pédiatriques sont diagnostiqués. Le cancer représente la première cause de décès par maladie chez l'enfant. Pourtant, la recherche oncopédiatrique manque cruellement de moyens financiers. Actuellement, moins de 3 % des financements publics pour la recherche sur le cancer sont alloués aux cancers de l'enfant. Ce ratio est insuffisant. Il faudrait 15 à 20 millions d'euros par an.

Cet amendement flèche donc 18 millions d'euros de crédits supplémentaires vers l'action 15, en les attribuant à l'Inserm, pour qu'ils allient à l'Institut national du cancer (INCa).

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - Je partage votre ambition de soigner au mieux les cancers pédiatriques, mais plusieurs sources de financement existent : l'INCa, l'Inserm, les associations, le programme européen Horizon Europe dont les crédits sont importants. Cet amendement ne réglera pas le problème du dispatching financier. Retrait ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. - Nous sommes en effet incapables de savoir combien nous consacrons à la recherche sur les cancers pédiatriques. Nous avons donc fléché 5 millions d'euros dans le PLF 2020, et à nouveau dans ce PLF, confiés à une task force coordonnée par l'INCa. Cela finance la mobilité internationale des jeunes chercheurs, un programme spécifique de recherche sur ces cancers pédiatriques, assimilés à des maladies rares, un portail internet, ainsi que des projets d'innovation pour soutenir la recherche originale et audacieuse.

La recherche sur les cancers pédiatriques représente 12 % du financement total des projets, soit 10,5 millions d'euros, et 35 millions d'euros sur le budget de l'INCa. C'est aussi une priorité de l'Union européenne pour les sept prochaines années, avec un sous-chapitre spécifiquement dédié. Retrait.

M. Antoine Lefèvre. - Merci pour ces explications complètes. Il importe d'avoir les chiffres.

L'amendement n°II-176 rectifié bis est retiré.

Mme la présidente. - Amendement n°II-204 rectifié, présenté par MM. Sol et H. Leroy, Mme Bonfanti-Dossat, M. Burgoa, Mmes Berthet, Gruny et Eustache-Brinio, MM. Laménie, Savary et Houpert, Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi, M. Vogel, Mme F. Gerbaud, MM. Pellevat et Bascher, Mmes Joseph, Lassarade et V. Boyer, M. Brisson, Mme Malet, MM. Piednoir et Genet, Mme M. Mercier et MM. Lefèvre, B. Fournier, Bonne, Bonhomme, Mandelli, Calvet, Belin et Charon.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-204 rectifié transfère 15 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Recherche spatiale » vers le programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-204.html

M. Jean Sol. - Suivant une recommandation de l'IGAS, cet amendement augmente les crédits affectés à l'épidémiologie portant sur les troubles psychiatriques des mineurs, comme le préconisait aussi le rapport de la mission d'information sénatoriale sur la psychiatrie des mineurs en France de 2017.

Le budget annuel de l'Inserm consacré à la psychiatrie étant de près de 150 millions d'euros, nous proposons une majoration des crédits de l'action 15 de 15 millions d'euros, soit 10 %.

La crise sanitaire nous invite à la prudence, à l'anticipation et à la prévention des troubles psychiatriques.

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - Membre de la mission d'information du Sénat, j'ai assisté à de nombreuses auditions et je comprends le sens de cet amendement. Les données restent inaccessibles car elles concernent des mineurs ; 15 millions d'euros n'y changeront sans doute pas grand-chose. De plus, votre gage est très sensible. Veillons à ne pas trop réduire les crédits de la recherche spatiale : il faut booster la fusée. Demande de retrait.

Mme Frédérique Vidal, ministre. - Retrait. Nous avons beaucoup de mal à suivre ces troubles psychiatriques car il s'agit de mineurs. La cohorte Elfe (Étude longitudinale depuis l'enfance) suit 18 000 enfants de la naissance à l'âge adulte, sur tous les aspects de leur vie. Quelque 2,7 millions d'euros du PIA et 2,4 millions d'euros du ministère y sont consacrés.

La feuille de route de la psychiatrie prévoyait dix postes de chef de clinique en pédopsychiatrie, spécialité sinistrée. Ce sont finalement 25 postes qui ont été créés entre 2018 et 2020.

Le programme Autisme contribue également à une meilleure compréhension des troubles du neuro-développement.

M. Jean Sol. - Le spatial est certes très important, monsieur le rapporteur, mais la pédopsychiatrie aussi. Nous serons attentifs à ce que vous avez annoncé, madame la ministre.

L'amendement n°II-204 rectifié est retiré.

Mme la présidente. - Amendement n°II-895, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I. - Créer le programme :

Plan de déprécarisation et de recrutement sous plafond

II. - En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-895 transfère 13 321 731 euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Formations supérieures et recherche universitaire » vers le nouveau programme « Plan de déprécarisation et de recrutement sous plafond ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-895.html

M. Pierre Ouzoulias. - J'en ai déjà amplement parlé.

L'amendement n°II-895 est retiré.

Mme la présidente. - Amendement n°II-917, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-917 transfère 7,7 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » vers le programme « Vie étudiante ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-917.html

Mme Monique de Marco. - Une étude récente révèle que 35 % des 18-25 ans ont renoncé à se soigner au cours des trois derniers mois ; 42 % des 18-25 ans ont évoqué des difficultés à payer des actes médicaux ou des médicaments et 73 % déclarent avoir été affectés au niveau psychologique.

La France ne compte qu'un assistant social pour 12 000 étudiants ; c'est un pour 5 000 en Allemagne. Cet amendement propose de renforcer l'accompagnement pour atteindre un ratio de 1 pour 7 000.

Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. - Oui, la situation des étudiants est préoccupante, et ces chiffres sont alarmants. La santé des étudiants est cruciale dans le contexte actuel. Mais cet amendement est-il opérationnel ? Le plafond d'emploi restant inchangé, il ne permet pas de recruter de nouveaux assistants sociaux. N'oublions pas non plus les étudiants précaires qui ne dépendent pas du Crous. Retrait.

La ministre pourrait-elle nous éclairer sur la mise en oeuvre de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) et l'accompagnement des étudiants ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. - Retrait. La CVEC a permis de créer, sur une quarantaine de campus, des centres de santé qui proposent des consultations sans avance. Nous expérimentons une convention entre les établissements, la CNAM et des psychologues pour que ces professionnels puissent y être présents. À Clermont-Ferrand, cela a été mis en place.

Toutes les associations étudiantes nous alertent sur la difficulté qu'ont les jeunes à solliciter de l'aide. Il faut donc des étudiants référents pour convaincre leurs camarades de consulter. C'est le premier défi.

L'amendement n°II-917 n'est pas adopté.

Mme la présidente. - Amendement n°II-919, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-919 transfère 2 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » vers le programme « Vie étudiante ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-919.html

Mme Monique de Marco. - Les crédits de l'action n°3 « Santé des étudiants et activités associatives, culturelles et sportives » du programme « Vie étudiante » baissent de 300 000 euros par rapport au budget 2020. Pourtant, le nombre d'étudiants a progressé de 1,3 %.

Ce budget finance notamment les services de santé universitaires, qui jouent un rôle de prévention et participent à la vaccination.

Mme la présidente. - Amendement n°II-689, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-689 transfère 300 000 euros en autorisations d'engagement et autant en crédits de paiement du programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » vers le programme « Vie étudiante ».]

https://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-689.html

M. Christian Redon-Sarrazy. - Les crédits alloués à la santé étudiante, aux activités associatives, culturelles et sportives baissent de 300 000 euros, alors que le bien-être physique et psychologique des étudiants est fortement affecté par les confinements successifs. Beaucoup sont isolés, privés de ressources et vivent dans des logements exigus. Cet amendement rétablit ces crédits.

Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. - Nous comprenons ces préoccupations mais demandons le retrait des amendements.

Il n'y a pas, en réalité, de baisse des crédits. La baisse de 300 000 euros correspond à une baisse des dépenses de fonctionnement, spécifiquement des cotisations Urssaf pour les stages effectués par les étudiants et des rentes versées par l'État en réparation des accidents du travail.

En outre, le plan de relance consacre 1,5 million d'euros aux « cordées de la réussite ». Demande de retrait.

Mme Frédérique Vidal, ministre. - Demande de retrait. Cela correspond à un constat de sous-dépense concernant les cotisations pour les accidents de travail. Il s'agit en tout état de cause d'une dépense de guichet.

L'amendement n°II-919 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-689.

Mme la présidente. - Amendement n°II-688, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-688 transfère 1 million d'euros en autorisations d'engagement et autant en crédits de paiement du programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » vers le programme « Formations supérieures et recherche universitaire ».]

https://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-688.html

Mme Sylvie Robert. - Les écoles nationales supérieures d'architecture ont connu une réforme importante dans la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine. Elles traversent une situation difficile depuis de nombreux mois, au point d'avoir fait grève avant le premier confinement.

La recherche en architecture est fondamentale pour répondre aux défis professionnels, sociaux et environnementaux de demain.

Quelque quinze postes avaient été promis. Ils doivent être créés.

Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. - Cet amendement d'appel pose une bonne question. Nous souhaitons entendre le Gouvernement.

Mme Frédérique Vidal, ministre. - La possibilité pour les enseignants d'école d'architecture d'avoir un statut d'enseignant-chercheur est un vrai sujet.

En 2015, les inspections générales avaient recommandé de créer des emplois. Cela a été fait en 2017 et 2018, avec le transfert de quinze emplois du ministère de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ; le ministère de la Culture en également a créé quelques-uns. Nous reprenons langue avec le ministère de la Culture pour poursuivre l'effort en 2021. Cela se fera en gestion. Retrait.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Je soutiens cet amendement d'appel. Le sujet nous préoccupe, nous en reparlerons ce soir avec Mme Bachelot. Il est nécessaire de soutenir la recherche de ces écoles : il y va de la productivité de l'architecture française.

Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. - Avis favorable.

L'amendement n°II-688 est adopté.

M. le président. - Amendement n°II-691, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I. - Créer le programme :

Validation des nominations prononcées à la suite de la délibération du 6 juin 2019 du jury d'admission au concours n° 36/02 ouvert au titre de l'année 2019 pour le recrutement de chargés de recherche de classe normale du Centre National de la Recherche Scientifique dans la section 36 (sociologie et sciences du droit)

II. - En conséquence, modifier les crédits des programmes :

[L'amendement n°II-691 transfère 275 000 euros en autorisations d'engagement et autant en crédits de paiement du programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » vers le nouveau programme « Validation des nominations prononcées à la suite de la délibération du 6 juin 2019 du jury d'admission au concours n°36/02 ouvert au titre de l'année 2019 pour le recrutement de chargés de recherche de classe normale du Centre National de la Recherche Scientifique dans la section 36 (sociologie et sciences du droit) ».]

https://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-691.html

M. Patrick Kanner. - Le 21 octobre, l'impensable s'est produit pour cinq chercheurs recrutés au CNRS : suite au recours d'un candidat, leur concours a été annulé par le tribunal administratif de Paris. Ils ont perdu leur statut de fonctionnaire. Ils sont soutenus aujourd'hui par de très nombreux chercheurs. Ce concours était l'aboutissement d'années de travail. Le statut de contractuel qui leur a été offert n'est ni pérenne, ni satisfaisant.

Je vous propose une solution exotique : créer un nouveau programme, dont l'action unique, « réintégration de cinq chargés de recherches admis au concours », est dotée de 275 000 euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement. C'est le seul moyen de réintégrer ces agents. Réparons cette injustice.

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - Je suis très ennuyé. La procédure judiciaire est encore en cours. Je demanderai donc courageusement l'avis du Gouvernement. (Sourires)

Mme Frédérique Vidal, ministre. - Le 20 octobre 2020, le juge administratif a infirmé la validation de ce concours et les cinq lauréats ont perdu le bénéfice de leur concours. C'est en effet tout à fait inhabituel. Le jugement n'a pas remis en cause la qualité des candidats. Face à l'urgence, le CNRS les a recrutés en CDI, ils conservent donc leur rémunération et les avantages afférents.

Le CNRS a déposé un recours. Espérons qu'en appel la décision sera différente.

En outre, le CNRS a demandé un sursis à exécution, afin de réintégrer les chercheurs sans attendre le jugement définitif. Le ministère est mobilisé.

Votre amendement ne répond pas à la problématique qui n'est pas financière. Il ne donne pas le statut de fonctionnaire à ces cinq lauréats. Il ne correspond pas à une loi de validation - laquelle exige de démontrer un motif d'intérêt général, ce qui n'est pas toujours évident.

Je suis bien consciente de ce cas, dont je m'occupe. Retrait ?

Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. - Demande de retrait.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. - Nous avons été nombreux à être sollicités par ces cinq chercheurs. Je salue l'ingéniosité du groupe socialiste dont l'amendement est effectivement un peu exotique - mais il n'y a pas d'autre vecteur pour mettre fin à cette absurdité. Après des années de travail, ces candidats ont réussi un concours très exigeant - et s'en retrouvent dépossédés du jour au lendemain à la suite d'une initiative pour le moins surprenante du requérant... À titre personnel, je voterai cet amendement.

M. Pierre Ouzoulias. - Il faut réparer une injustice criante. Ces cinq chercheurs n'ont pas mérité la peine d'indignité nationale qui les frappe.

La faute du CNRS est double et très lourde : il a demandé à l'un de ses fonctionnaires de faire pression sur un candidat pour qu'il retire sa candidature, et il n'a pas défendu ses fonctionnaires en justice. Le tribunal administratif indique en effet ne pas avoir disposé de témoignages démontrant que le jury d'admissibilité n'aurait fondé son appréciation que sur la valeur scientifique.

Plus largement, il faut revoir la procédure de recrutement au CNRS. L'empilage du jury d'admissibilité et du jury d'admission est un nid à contentieux. Pourquoi ne pas appliquer la même procédure que pour les chaires juniors ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. - Je ne peux vous laisser dire que le CNRS n'aurait pas défendu ses fonctionnaires. Il est incroyable de devoir renverser la charge de la preuve : c'est à l'accusation de démontrer qu'il y a eu erreur ! En outre, le CNRS a demandé la suspension de la mesure, afin que ces chercheurs restent fonctionnaires.

Le jugement date d'octobre 2020 et nous sommes déjà mobilisés.

L'amendement n°II-691 est adopté.

À la demande du groupe CRCE les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », modifiés, sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°38 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 252
Contre   92

Le Sénat a adopté.

Article additionnel après l'article 56 octies

Mme la présidente. - Amendement n°II-994, présenté par M. Rapin, au nom de la commission des finances.

I. - Après l'article 56 octies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Entre 2021 et 2030, le Gouvernement remet chaque année au Parlement, avant le 1er novembre, un rapport relatif à la mise en oeuvre des mesures issues de la loi n° du de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.

Pour l'année budgétaire en cours, il décrit, pour chaque programme, l'impact des mouvements de crédits opérés en gestion sur le respect de la programmation budgétaire.

Pour l'année budgétaire à venir, ce rapport justifie les variations par rapport à la trajectoire votée et comporte une analyse des écarts entre les données prévues et constatées.

Il détaille l'emploi des crédits issus de la loi précitée, en précisant notamment le montant des moyens alloués au financement de base des laboratoires publics ainsi qu'à l'Agence nationale de la recherche. Il récapitule l'ensemble des crédits extrabudgétaires alloués à la recherche. Il indique, enfin, la répartition des moyens nouveaux et des créations d'emplois entre les opérateurs de recherche rattachés au ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche, et de l'innovation.

Ce rapport, distinct de celui qui est mentionné au III de l'article [X] de la loi précitée, sert de support à l'actualisation périodique de la trajectoire, en application de l'article [X] de cette même loi.

II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division et de son intitulé ainsi rédigés :

Recherche et enseignement supérieur

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - Cet amendement demande un rapport complémentaire au rapport prévu par la LPR afin de clarifier l'imbrication des crédits entre LPR, loi de finances et plan de relance.

Mme Frédérique Vidal, ministre. - Avis favorable. Il est normal que vous disposiez d'une vision consolidée.

M. Pierre Ouzoulias. - Le Sénat n'aime pas les rapports - quand le Gouvernement se conforme à la LOLF. En l'espèce, c'est notre seul moyen d'exercer notre droit constitutionnel de contrôle du budget. À chaque fois qu'il y aura enfumage budgétaire, nous demanderons un rapport.

M. Max Brisson. - Je suis très satisfait de l'avis favorable de Mme la ministre. Ce rapport permettra un suivi rigoureux de la programmation, en complément du travail annoncé par le président Lafon.

L'amendement n° II-994 est adopté, et devient un article additionnel.

La séance est suspendue à 13 heures.

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

SANTÉ

M. Christian Klinger, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Les crédits de la mission renouent avec une logique de progression et atteignent en 2021 1 329 millions d'euros, en hausse de 11,4 % par rapport à la loi de finances initiale 2020.

Cette mission est composée du programme 204, dédié à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l'offre de soins et du programme 183, consacré à la protection maladie, dont 99,3 % des crédits seront consacrés à l'aide médicale d'État (AME), qui absorbe donc environ 80 % des crédits de la mission.

Les crédits de cette aide augmentent de 12,7 %. Entre 2012 et 2019, le nombre de bénéficiaires de l'AME a progressé de 32 %, induisant une augmentation des dépenses de 51 %.

Une réforme incluse dans la loi de finances pour 2020, que notre commission avait jugée insuffisante, aurait dû en limiter le coût, avec notamment l'obligation d'une présence physique lors du dépôt de la demande - mais elle n'est toujours pas appliquée faute de décret.

L'exécution de 2020 risque donc d'être délicate. Il faudra des évolutions structurelles, notamment sur le panier de soins : c'est l'objet d'un amendement.

La part croissante des dépenses d'AME tend à réduire la mission « Santé » à une enveloppe de financement de cette aide. Dans ces conditions, faut-il maintenir cette mission ou plutôt transférer l'AME à la mission « Immigration, asile et intégration », tant elle constitue un facteur de croissance de l'immigration irrégulière?

L'augmentation des crédits du programme 204 de près de 30 % résulte d'une mesure de périmètre destinée à répondre aux besoins de financement de l'Agence de santé de Wallis et Futuna. Elle n'est donc pas spécifiquement liée à la crise sanitaire, ce qui peut conduire à s'interroger sur l'utilité du programme en matière de santé publique.

En effet, l'agence Santé publique France et l'Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) sont rattachées à l'assurance maladie. Les deux derniers opérateurs de la mission - l'Institut national du cancer (INCa) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) sont en large partie financés par les missions « Recherche » et « Agriculture ».

Quelque 60 % des crédits du programme 204 sont tournés vers l'agence de santé de Wallis et Futuna et l'aide aux victimes de la Dépakine.

Je m'interroge enfin sur les critères d'évaluation de la mission. La commission des finances propose au Sénat de rejeter les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales .  - Avec une augmentation de 18 % de ses crédits pour 2021, la mission « Santé » semble pleine de promesses, mais une lecture plus attentive douche rapidement les espoirs.

Sur 200 millions d'euros de crédits supplémentaires, plus de 70 % vont à l'AME et 25 % à l'agence de santé de Wallis et Futuna.

Le programme 204 perd chaque année un peu plus de sa substance. Le financement des acteurs de santé représente maintenant moins d'un quart des crédits. Je regrette le transfert du financement des grands acteurs de la sécurité sanitaire à l'assurance maladie : notre commission réclame le rapatriement de ces crédits au sein du budget de l'État.

Depuis plusieurs années, le Sénat plaide pour une réforme structurelle de l'AME, victime de détournements. Le rapport des inspections générales des affaires sociales et des finances en 2019 confirme le vécu de nombreux professionnels sur le terrain : il existe bien un phénomène de tourisme médical de la part de personnes diagnostiquées dans leur pays et qui poursuivent leur traitement en France. Il existe aussi une fraude organisée, notamment sur les psychotropes, alimentée par de fausses attestations de résidence.

L'encadrement des conditions d'accès à l'AME introduit par le Gouvernement fin 2019 ne repose que sur des demi-mesures. Notre commission a souhaité recentrer l'AME sur ses objectifs initiaux.

Sous réserve de l'adoption de ses deux amendements, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Daniel Chasseing .  - La situation de notre pays en cette année particulièrement grave montre les besoins urgents du secteur de la santé pour 2021. Les crédits de la mission sont en hausse de 17 %.

Le programme 204 compte 20 % des crédits de la mission et il augmente de 30 %. Il se concentre sur le financement de l'Agence de santé de Wallis et Futuna et l'indemnisation des victimes d'accidents médicaux, dont la Dépakine. Quelques crédits concernent la sécurité sanitaire et la prévention, qu'il faut renforcer. Ce programme est finalement peu lisible, alors que nous avons besoin d'efficacité.

Le programme 183 regroupe 80 % des crédits de la mission. Ses crédits augmentent de 51 % depuis 2012. L'AME est le principal bénéficiaire de ce programme. Les deux inspections générales ont mis en lumière des abus et des fraudes. Je partage l'avis de la commission des finances : il faut augmenter les contrôles et recentrer l'AME sur les critères proposés par notre rapporteur pour avis. Je partage pour ma part ses conclusions.

Le groupe Les Indépendants votera les crédits de cette mission.

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Comme pour le PLFSS, le compte n'y est pas. Le Président de la République souligne, allocution après allocution, l'importance du système de santé, qu'il se félicite d'avoir transformé, mais nous en doutons. Les engagements devraient être bien supérieurs, au vu de la trajectoire maintenue, texte après texte, par le Gouvernement. Comme le rapporteur spécial, je pense que la mission n'est pas à la hauteur, ce qui illustre le refus de la majorité présidentielle de tirer les conséquences de la crise sanitaire.

Certes, il y a quelques avancées, comme le plan d'investissement pour l'agence de santé de Wallis et Futuna, qui constitue un rattrapage du Ségur de la santé. La prévention en santé reste le parent pauvre de la mission. Il y a un risque de saupoudrage. Nulle trace du plan chlordécone IV alors qu'il faudrait un engagement historique, compte tenu des conséquences dramatiques de ce scandale sur la santé. Il faudrait aussi rapatrier les crédits de Santé publique France dans la mission, en tant que mission régalienne de sécurité sanitaire. L'augmentation tant débattue des crédits de l'AME est en trompe-l'oeil, impactée par le durcissement de 2019. La moitié des personnes éligibles ne disposent pas de l'AME. Il faut favoriser l'accès aux droits, cela nécessite des moyens ; il en résultera des économies sur les coûts correspondant à des soins tardifs.

Les vraies sources d'économies résident dans une politique de prévention et d'accès aux droits : il est temps de construire une politique de santé à la hauteur des enjeux de santé publique et respectueuse de la dignité humaine.

Le GEST votera contre l'adoption de ce projet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Martin Lévrier .  - Cette mission porte en elle des valeurs chères à la France : soigner dignement ceux qui en ont besoin, investir dans nos territoires, prévenir et assurer la sécurité sanitaire. Les crédits de la mission augmentent d'environ 200 millions d'euros par rapport à 2020, et les crédits de l'AME progressent de 15,4 %. D'aucuns dénoncent un coût prévisionnel qui continue de croître. Faites preuve de bon sens : la réforme de centralisation de la gestion de l'AME, engagée en 2020, ne se fera sentir qu'à moyen-terme. Le Gouvernement fait preuve de sincérité budgétaire, contrairement aux précédents. Le rattrapage de soins peut aussi expliquer cette augmentation des crédits.

Enfin, le contexte sanitaire est un élément important.

L'AME couvre 300 000 personnes et ne représente que 0,5 % des dépenses de santé.

La covid, la tuberculose ou toute autre maladie contagieuse ne s'interrogent pas sur l'hôte qu'elles contaminent : chaque humain est un vecteur de transmission, ni plus ni moins.

Une prise en charge tardive coûte toujours plus cher qu'un traitement à temps par la médecine de ville. Une trop forte restriction d'accès à l'AME pourrait donc avoir des conséquences regrettables pour toute la population.

Les crédits du programme 204 augmentent, notamment au profit de l'agence de santé de Wallis et Futuna. Ce programme a été marqué par la gestion de la crise sanitaire, avec notamment 5 millions d'euros prévus en LFR.

Les financements sont sincères, cohérents, mesurés : notre groupe votera les crédits.

M. François Patriat.  - Très bien !

Mme Véronique Guillotin .  - Cet examen aurait été bien différent si les crédits de Santé publique France n'avaient pas été transférés à l'assurance maladie lors du dernier budget : il y aurait eu beaucoup à dire. Nous fûmes nombreux à souligner l'an dernier les craintes que faisait peser ce transfert, sous couvert de simplification, sur la visibilité des actions de l'agence et les crédits alloués.

Cela entraîne une confusion entre le budget de l'État et le budget de l'assurance maladie.

Le budget de l'AME passe cette année pour la première fois la barre du milliard d'euros. Sa réforme, pas encore totalement mise en oeuvre, est déjà considérée comme insuffisante par certains.

Si le groupe RDSE est toujours ouvert au débat sans tabou, reconnaissons-le : on ne peut faire l'économie d'une vraie réflexion sur le panier de soins.

M. Roger Karoutchi.  - oui.

Mme Véronique Guillotin.  - Ce programme étant directement lié aux flux migratoires...

M. Roger Karoutchi.  - En effet !

Mme Véronique Guillotin.  - ... la hausse des dépenses de l'AME doit être considérée dans le contexte international.

L'échelle européenne serait pertinente et une homogénéité accrue du panier de soins serait souhaitable. Un tel alignement permettrait de dégager des crédits pour la prévention.

Il était essentiel de remettre à flot l'agence de santé de Wallis et Futuna qui joue de multiples rôles. L'État prend ici ses responsabilités.

Je regrette toutefois le manque de crédits sur la prévention, notamment de la covid et pour l'INCa. Les retards de diagnostic de cancer pourraient être désastreux pour les patients. Un mois de délai de diagnostic entraîne 6 % à 13 % de perte de chance pour le patient. Je proposerai un amendement pour rattraper au plus vite le retard accumulé. En outre, je soutiendrai l'amendement de Mme Doineau sur le dépistage de l'endométriose, qui touche une femme sur dix et dont le retard de diagnostic est de sept ans en moyenne. Un engagement financier plus fort de l'État serait bienvenu. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Nous dénonçons le choix politique du Gouvernement de faire reposer la gestion de la pandémie de la covid-19 sur les seuls crédits de l'assurance maladie. On lit pourtant dans le « bleu » budgétaire de la mission « Santé » que « le Gouvernement élabore et conduit une politique globale de santé qui vise à développer une politique accrue de prévention, à assurer la sécurité sanitaire et à organiser une offre de soins de qualité adaptée pour nos concitoyens dans tous les territoires ».

L'intégralité des dépenses de la covid-19 devrait donc reposer sur l'État et non sur la sécurité sociale. C'est pourquoi nous avions refusé l'an dernier le transfert des crédits de la Santé publique France.

L'absence d'ambition de l'État en matière de prévention est visible, notamment sur les crédits du programme 183 destinés au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. Ce budget ne prévoit aucun crédit supplémentaire alors que le préjudice d'anxiété a été reconnu et que le nombre de victimes est largement sous-évalué.

La reconnaissance de la covid-19 en maladie professionnelle ne bénéficie d'aucun crédit supplémentaire et la proposition, à l'Assemblée nationale, d'ajouter 2 millions d'euros pour les victimes a été refusée par le ministre de la Santé. De même, l'INCa ne bénéficiera d'aucune augmentation de ses crédits. Or, depuis le confinement du printemps dernier, 45 000 opérations oncologiques et 12 % des chimiothérapies ont été annulées ou reportées.

Nous nous étions opposés l'an dernier au durcissement des conditions d'accès à l'AME. C'était une réforme injuste d'un point de vue humanitaire et inefficace financièrement. Pourquoi alimenter les fantasmes et suspicions sur l'AME, alors que l'on n'a dénombré seulement 38 cas de fraude en 2019, soit 0,06 % du montant total tandis que la fraude patronale aux cotisations s'élève à 20 milliards d'euros, sans aucun contrôle?

Notre groupe votera contre l'adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Mme Jocelyne Guidez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) « Deux choses principalement doivent nous occuper, la vertu et la santé », affirmait Leibniz. C'est dire la responsabilité qui nous incombe. Cette vertu est incarnée par les millions de professionnels de santé qui oeuvrent chaque jour, avec des moyens parfois plus que contraints. Plus qu'un devoir, elle est une nécessité. Le budget de la mission « Santé » est en hausse, à 1,4 milliard d'euros de crédit de paiement en 2021, mais l'effort reste en deçà des attentes sur les deux programmes.

L'AME qui représente 99 % des crédits de l'action n°2 du programme 183 est en augmentation de 15 %, soit 200 millions d'euros. Elle comprend trois volets : le droit commun, les soins urgents et le volet dit « humanitaire ».

La réforme prévue a été inaccomplie. Espérons une mise en oeuvre en 2021 avec des résultats probants à la clef. Les promesses ne sont pas tenues.

Selon un rapport commis par les inspections générales des affaires sociales et des finances en 2018, le tourisme médical est caractérisé et peine à être endigué.

Les retards successifs de remboursement de l'État à l'assurance maladie, sur l'AME, sont inacceptables. Le panier de soins de l'AME doit être recentré sur les soins urgents et de prévention. Le budget de l'AME est celui qui augmente le plus dans ce programme.

À Wallis et Futuna, l'État répond enfin à ses engagements.

Regrettons l'absence de budgétisation relative à la crise sanitaire, alors qu'il y aura des contentieux. De même rien n'est prévu pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam).

Le programme 204 n'a aucune cohérence stratégique, car il ne rassemble pas toutes les missions régaliennes de l'État en matière de santé. Le rapatriement de Santé publique France et de l'Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM) au sein du budget de l'État est souhaitable.

J'invite le Gouvernement à poursuivre les efforts de réforme et surtout à mettre en oeuvre les réformes annoncées. Le groupe UC votera ce budget. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et RDSE)

M. Bernard Jomier .  - Dans le contexte actuel, l'analyse des crédits de cette mission prend un relief particulier. Pourtant moins de 0,5 % des crédits sont liés à la gestion de la crise sanitaire. De ce fait, c'est l'assurance maladie qui a tout pris en charge, de l'achat du matériel à l'application « Tous anti-covid ». Santé publique France y est aussi rattachée depuis la loi de financement de la sécurité sociale de 2020.

Nous le regrettons. Santé publique France doit revenir dans le giron de l'État, ainsi que nous l'avons voté dans le PLFSS 2021. Ses missions sont régaliennes.

Le programme 204 est dès lors en pleine crise existentielle.

Paradoxalement, deux mesures fortes en faveur de la santé ne sont pas dans ce programme : la formation aux métiers de la santé figure dans le plan de relance pour 150 millions d'euros ; les 6 milliards d'euros d'investissement à l'hôpital à la suite du Ségur sont inscrits dans le PLFSS, ce que nous avions largement dénoncé lors du débat.

Que la covid marque encore fortement le début d'année 2021 ou non, cela ne changera pas grand-chose à cette mission. Nous devons revoir le périmètre de l'action de l'État en santé, ses missions et ses moyens. La gouvernance de la santé ne doit pas reposer sur une centralisation excessive au niveau du Président de la République.

Il faut redonner à la santé le poids qu'elle mérite dans le dispositif ministériel et interministériel, conformément à la place et à l'importance que les Français lui attribuent. L'enjeu réside aussi dans la restauration du lien de confiance entre nos concitoyens et la politique sanitaire : le Parlement ne devrait pas seulement constater les trajectoires empruntées, mais être pleinement associé à leur définition.

L'AME, à mon grand regret, déchaîne les débats idéologiques. Elle augmente de 142 millions d'euros en 2021. Eh oui, limiter l'accès au droit, cela coute cher !

La réduction du maintien de l'assurance maladie de douze à six mois pour les assurés dont le titre de séjour a expiré, ainsi que le délai de carence de trois mois pour l'accès à la protection universelle maladie des demandeurs d'asile, expliquent la progression de l'AME. Rappelons que 50 % de ses ayants droit n'ont aucune couverture maladie.

La plupart des étrangers en situation de précarité ne connaissent pas leurs droits et sans le secours des associations, le taux de recours serait très faible.

Non, le panier de soins de l'AME ne comporte pas de soins de confort, pas plus que cette prestation ne donne lieu à des fraudes massives. C'est l'une des plus contrôlées ! Oui, la nécessité sanitaire de l'AME a été renforcée par la covid.

La politique de santé et la politique migratoire sont deux choses différentes. Ne laissez pas vos arrière-pensées envahir votre pensée ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST)

M. Roger Karoutchi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Sans arrière-pensée, monsieur le ministre, avec tout le respect que je vous dois et sachant d'expérience qu'un ministre représente ici l'ensemble du Gouvernement, je vous avoue que cela devient lassant : mission « Santé », PLFSS, questions au Gouvernement sur la gestion de la crise sanitaire, chaque fois, l'absence du ministre de la Santé...

M. Olivier Paccaud.  - ... est scandaleuse !

M. Roger Karoutchi.  - ... pose problème. (Applaudissements au centre et à droite) Cela fait six semaines, alors que nous sommes en pleine crise sanitaire, que nous la remarquons. Que M. Véran ne craigne rien ! Nous sommes polis et bien élevés (Sourires) : il peut venir sans risque débattre au Sénat.

M. Vincent Éblé.  - Et le ministre de l'Économie ?

M. Roger Karoutchi.  - Chacun son tour : je parle ici du ministre de la Santé, on évoquera les autres après... (Sourires) Quel intérêt d'avoir encore une mission « Santé » ?

Mme Catherine Deroche.  - Aucun !

M. Roger Karoutchi.  - Il n'y a plus rien ! L'essentiel des dépenses de santé n'y figure plus. Cela rend la lisibilité de l'action de l'État extrêmement mauvaise. Peut-on encore dire que nous progressons ? Comment évaluer l'efficacité de la politique de santé ?

Au premier confinement, tout le monde applaudissait les soignants. Curieusement, ce n'est plus le cas. Pourtant, rien n'est réglé.

Il faut un seul bloc de dépenses de santé. Mon analyse diffère de celle de M. Jomier : il n'y a pas d'un côté la politique migratoire et de l'autre l'AME.

De fait, plus il y a de migrants illégaux, plus il y a de bénéficiaires de l'AME. Si tous ceux qui sont déboutés du droit d'asile restent sur le territoire, on ne peut plus mener de politique de droit d'asile et la non-maîtrise de la politique migratoire entraîne l'impossibilité de maîtriser les dépenses de l'AME.

Je voterai les deux amendements du rapporteur. Combien de Français renoncent-ils eux-mêmes à des soins ? La comparaison est dangereuse. Si l'on veut sauver l'AME, il faut la rationaliser.

Je me souviens de promesses proférées en ce sens par Marisol Touraine devant la commission des finances, il y a quelques années. Elle entendait que l'AME n'atteigne pas le milliard d'euros : nous y sommes car rien n'a été fait. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Antoine Lefèvre .  - Le contexte est, du fait de la pandémie, particulier. Le champ de la mission « Santé » qui complète le PLFSS est très réduit. Je partage les interrogations des rapporteurs et les suivrai. Je ne reviens pas sur l'AME, dont je ne saisis pas le durcissement : je partage les recommandations de nos rapporteurs.

Quelque 260 millions d'euros pour les politiques de prévention sont fléchés vers l'Agence de santé de Wallis et Futuna et vers l'indemnisation des victimes de la Dépakine : la prévention est mise à la diète, alors que la vaccination sera cruciale ! À ce titre, je regrette le bug du vaccin de la grippe. Comment en est-on arrivé là ? Il y a un petit mois, le ministre Véran avait précisé : « Trois millions de vaccins vont suivre et jusqu'en décembre, l'État continuera à se pourvoir en vaccins. Il n'y a pas urgence puisque l'épidémie ne démarre pas avant Noël. » Soit, mais jusqu'à ce jour, peu de pharmaciens en ont reçu, et il reste trois semaines avant Noël ! Dans ce climat sanitaire anxiogène, toute une partie de la population vulnérable n'y a pas accès.

Comment anticiper le bon approvisionnement de la France en vaccins anti-covid ? La distribution sera-t-elle plus efficace que celle du vaccin contre la grippe ? La pédagogie sera primordiale quand 54 % des Français refusent de se faire vacciner. Le nombre total d'anti-vaccins augmente de cinq points en dix ans, à 15 %. Notre pays est de ceux où le consentement à se faire vacciner est le plus faible. Les médecins de ville devront être davantage associés que pendant une bonne période de la pandémie. Qu'allez-vous répondre aux collectivités territoriales qui se sont montrées particulièrement efficaces pendant la crise sanitaire et qui ont proposé leur concours opérationnel ?

En pleine crise, que penser des crédits « Veille et sécuritaire sanitaires », quasi identiques à ceux de l'an passé ?

Quid de l'indépendance de la France en matière d'équipements médicaux et de masques ?

Je soutiens les amendements sur la recherche sur la maladie de Lyme, l'endométriose, les cancers pédiatriques et le sevrage tabagique.

La réponse ferme de l'État sur le protoxyde d'azote est attendue depuis des années. La proposition de loi de Valérie Létard est pourtant toujours en suspens à l'Assemblée nationale.

Enfin, en 2018, le Président de la République a déclaré, à propos de la première année de médecine : « le système est absurde, et il nous faut le regarder en face ». Pourtant, l'examen butoir de la Paces laisse toujours chaque année 25 000 étudiants de côté...

Mme le président.  - Veuillez conclure.

M. Antoine Lefèvre.  - Mon groupe, sous réserve de l'adoption des amendements, votera les crédits de la mission.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles .  - L'exercice 2020 a été très marqué par la covid-19. L'exercice 2021 le sera sans doute aussi.

C'est pourquoi prévenir, assurer une égalité d'accès aux soins et piloter la gestion des crises sanitaires sont les objectifs du Gouvernement pour le programme 204.

En 2018, pour la première fois, un plan national de santé publique a été élaboré par le comité interministériel pour la santé. Présenté par le Premier ministre en mars 2018, ce plan est l'outil indispensable pour rendre opérationnel le premier axe de la Stratégie nationale de santé, qui fait de la prévention la pierre angulaire de la transformation de notre système de santé.

Plusieurs actions de santé publique devaient être priorisées en mars 2020 mais la réunion du comité interministériel n'a évidemment pas pu se tenir. Il devait traiter de la prévention de la perte d'autonomie et des enjeux de santé-environnement.

Le plan national « Mon environnement, ma santé » est à présent soumis à consultation publique.

En 2021, le Gouvernement présentera la stratégie décennale de lutte contre le cancer ; les actions de santé publique définies dans le Grenelle seront mises en oeuvre ; les spécificités ultramarines sont prises en compte, pour adapter l'offre de soins aux besoins.

L?attractivité de l'exercice hospitalier et les investissements outre-mer sont renforcés. Ainsi, l'agence de santé de Wallis et Futuna voit ses crédits de fonctionnement se rapprocher du budget-socle et reçoit une dotation exceptionnelle de 45 millions d'euros.

Les achats représentent le deuxième poste de dépenses des hôpitaux. Sur recommandation de la Cour des comptes, ils ont été rapatriés de l'assurance maladie vers le budget de l'État, dans le cadre du programme performance hospitalière pour des achats responsables (Phare).

Le programme 204 concerne la veille et la sécurité sanitaires, notamment la prévention des risques émergents ou environnementaux. Dans ce cadre le plan national canicule, actionné cet été, sera évalué pour une meilleure compréhension de ces épisodes : perception du risque, impact dans un contexte de covid, périodes de survenue des vagues de chaleur, etc.

Le même programme finance la prise en charge des victimes du Mediator et de la Dépakine. Le Gouvernement a renforcé les contrôles sur l'AME, financés sur le programme 183, par une centralisation des demandes. Le traitement des factures de soins urgents sera confié à des caisses pivot. La lutte contre les abus et les détournements, afin de renforcer le système - je vous rejoins, Monsieur Karoutchi - a porté sur la création d'un délai de trois mois de présence sur le territoire pour accéder à l'AME, neuf mois pour certaines prestations à compter du 1er janvier et l'obligation de déposer physiquement son dossier de demande à une caisse d'assurance maladie. Nous avons cependant prolongé les droits à l'AME pendant la crise sanitaire.

Les dépenses ayant été faibles en 2020, les crédits pour l'AME augmenteront sensiblement en 2021.

La séance est suspendue quelques instants.

Examen des crédits

Article 33

Mme le président.  - Amendement n°II-933, présenté par M. J.M. Boyer, Mme Chauvin, MM. Duplomb, Cuypers, Chaize, C. Vial et Lefèvre, Mmes Eustache-Brinio et Deromedi, M. Chatillon, Mmes Thomas et L. Darcos et MM. Houpert et Calvet.

I.  -  Créer le programme :

Soutien au secteur du thermalisme

II.  -  En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

[L'amendement n°II-933 transfère 60 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Protection maladie » vers le nouveau programme « Soutien au secteur du thermalisme ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-933.html

Mme Laure Darcos.  - Cet amendement crée un fonds, doté de 60 millions d'euros, pour la prise en charge par l'État de « chèques cures thermales » à hauteur de 10 % du montant moyen d'une cure.

Les établissements thermaux ont subi de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire. Leur rôle est pourtant essentiel en matière de prévention des maladies et d'offre de soins.

Je retirerai sans doute cet amendement et le suivant, de repli.

M. Christian Klinger, rapporteur spécial.  - Ce dispositif relève davantage d'une mesure de soutien aux entreprises, comme le fonds de solidarité. Retrait.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Une aide massive de plus de 5 milliards d'euros a été prévue en PLFR3 pour les employeurs : les établissements thermaux y ont accès. Ils bénéficient en outre de l'exonération de cotisations sociales, du fonds de solidarité et de la prise en charge intégrale de l'activité partielle.

Un dispositif supplémentaire a été adopté dans le PLFSS. L'assurance maladie a accordé des avances de trésorerie aux établissements thermaux qui en ont fait la demande. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°II-933 est retiré.

Mme le président.  - Amendement n°II-870 rectifié, présenté par M. J.M. Boyer, Mme Chauvin, MM. Duplomb et Cuypers, Mme Noël, MM. Chaize, C. Vial et Lefèvre, Mmes Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Deromedi, M. Chatillon, Mmes Thomas et L. Darcos, M. Houpert, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Charon, Grand et Gremillet, Mme M. Mercier, MM. E. Blanc, B. Fournier et Sol, Mmes Joseph et Puissat et MM. Rojouan et Bouchet.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

[L'amendement n°II-870 rectifié transfère 55 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Protection maladie » vers le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-870.html

L'amendement n°II-870 rectifié est retiré.

Mme le président.  - Amendement n°II-52, présenté par Mme Delmont-Koropoulis, au nom de la commission des affaires sociales.

I.  -  Créer le programme :

Accès aux soins et à la prévention des bénéficiaires de l'aide médicale de santé publique

II. - En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-52 transfère 10 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Protection maladie » vers le nouveau programme « Accès aux soins et à la prévention des bénéficiaires de l'aide médicale de santé publique ».]

https://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-52.html

Mme Annie Delmont-Koropoulis.  - Pour maximiser l'accès aux soins et à la prévention des bénéficiaires de l'aide médicale de santé publique, cet amendement créé un programme consacré au financement d'actions conduites à la fois par l'État, l'assurance maladie et les associations, et relevant de la démarche d'« aller vers » : maraudes, bus de prévention, barnums de dépistage pour proposer aux personnes en situation irrégulière des examens et les inciter à solliciter l'aide médicale.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  -  Nous partageons le souci de la commission des affaires sociales. Il faut lutter contre le renoncement aux soins et aux droits. L'assurance maladie met en oeuvre plusieurs programmes à cet effet. En application du Ségur de la santé, pour réduire les inégalités en santé, 100 millions d'euros iront aux actions de lutte contre le phénomène, en particulier via ces démarches d'« aller vers ». La création d'un nouveau programme ne semble pas nécessaire. Retrait ou avis défavorable.

M. Christian Klinger, rapporteur spécial.  - Je comprends l'initiative louable de la commission des affaires sociales et son approche fondée sur la prévention. Le montant prévu me semble cependant élevé et mériterait d'être affiné avec les associations. En outre, la commission des finances souhaite le rejet des crédits de la mission : sagesse.

L'amendement n°II-52 est adopté.

Mme le président.  - Amendement n°II-203 rectifié, présenté par M. Sol.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-203 rectifié transfère 6,6 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Protection maladie » vers le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins».]

https://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-203.html

M. Jean Sol.  - Cet amendement reprend deux recommandations du rapport de l'IGAS de septembre 2018 relatif à l'évaluation du fonctionnement des centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP), des centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) et des centres médico-psychologiques infanto-juvéniles (CMP-IJ).

Il s'agit d'abord de garantir le pluralisme des approches thérapeutiques pour la prise en charge des enfants et adolescents. Cela implique de nouveaux modules de formation des praticiens.

Il convient aussi de repositionner les CAMSP, les CMPP et les CMP-IJ sur le niveau 2, tout en structurant les capacités d'accueil des professionnels de premier niveau.

M. Christian Klinger, rapporteur spécial.  - La mission « Santé » mériterait d'être recentrée sur les dépenses des structures. Cet amendement y contribue mais il est insuffisant. Retrait.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Les CMP-IJ sont des structures hospitalières : leurs plans de formation relèvent donc des centres hospitaliers. Le repositionnement proposé, de grande ampleur, nécessite un travail préalable, déjà prévu dans la réforme à venir des autorisations en psychiatrie. Le renforcement de la formation des professionnels de ces structures est un axe fort du plan Autisme de ma collègue Cluzel.

Le premier ministre a confié à M. Michel Laforcade, ancien de l'ARS de Nouvelle-Aquitaine, une mission sur le développement de l'emploi et des compétences dans les métiers de l'autonomie.

Enfin, votre gage pose problème au regard de la sincérité budgétaire puisqu'il conduit à une sous-dotation budgétaire pour l'AME. Retrait ou avis défavorable.

M. Jean Sol.  - Je m'interroge sur tous ces rapports de l'IGAS, passés ou à venir, et sur le sort que l'on fait à toutes ces recommandations...

M. Philippe Mouiller.  - Je soutiens cet amendement. Actions en cours, réflexions allant dans le même sens : puisque le Gouvernement est d'accord sur le fond, monsieur le ministre, soutenez ces propositions !

M. Bernard Jomier.  - Je souscris aux préoccupations de Jean Sol sur la santé mentale, mais nous sommes au coeur d'un dysfonctionnement de la mission « Santé ».

Cet amendement comme les suivants, qu'ils concernent l'endométriose, le cancer ou le VIH, relèvent de l'assurance maladie. Ils n'ont pu aboutir lors du PLFSS compte tenu des règles de recevabilité. Dès lors, ici, vous entrez par la porte de l'AME. Mais ce faisant, vous affectez la sincérité budgétaire. Il aurait mieux valu définir d'abord le périmètre de l'AME, puis voir de quelles marges de manoeuvre nous disposions. N'opposons pas les politiques de santé publiques entre elles... S'il s'agit bien de santé et non de politique migratoire ?

L'amendement n°II-203 rectifié est adopté.

Mme le président.  - Amendement n°II-180, présenté par Mme Doineau.

I.  -  Créer le programme :

Recherche contre les maladies vectorielles à tiques

II.  -  En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-180 transfère 5 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins» vers le nouveau programme « Recherche contre les maladies vectorielles à tiques ».]

https://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-180.html

Mme Élisabeth Doineau.  - J'ai présenté un amendement identique il y a un an, puis dans le cadre du projet de loi Recherche - je suis une récidiviste !

Nous ne pouvons abandonner ces malades aux vies brisées. En 2014, ils étaient 26 000, aujourd'hui 65 000, y compris des enfants. Le réchauffement climatique et l'augmentation des populations de cervidés - qui sont porteurs de tiques - augmentent la prévalence.

Or pour le diagnostic comme pour la prise en charge et le traitement, les malades sont en errance thérapeutique et ont besoin d'espoir. Je sais que je ne suis suivie ni par le Gouvernement ni par l'Assemblée nationale : je présente néanmoins mon amendement.

M. Christian Klinger, rapporteur spécial.  - Face à l'augmentation des cas, la priorité est au développement de la prévention. Il ne faut donc pas réduire les marges du programme 204. Une redistribution des crédits au sein du programme me semblerait plus opportune. Retrait ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Je salue la récidiviste que vous êtes et votre engagement sur cette question. Nous mettons en oeuvre les dispositions adoptées au Sénat lors de l'examen du projet de loi Recherche. Un plan du ministère de la santé vise aussi à réduire l'errance médicale en structurant le parcours de soins. Enfin, nous mobilisons la recherche, notamment à l'Institut national de la santé et de la recherche (Inserm), sur les maladies vectorielles à tiques. La recherche doit être interdisciplinaire et appelle donc un pilotage transversal. Avis défavorable.

M. Daniel Chasseing.  - Je salue le travail d'Élisabeth Doineau qui s'est beaucoup investie sur la maladie de Lyme.

Je soutiendrai cet amendement. Les cas se multiplient, souvent diagnostiqués tardivement, avec d'abord de faibles réactions cutanées, mais ensuite des complications arthropathiques ou neurologiques.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Je suis d'accord avec Élisabeth Doineau. L'endométriose, la maladie de Lyme, les cancers sont de vrais sujets. On déshabille Paul pour habiller Pierre ou Jaques, mais Paul va finir tout nu ! Il y a de l'argent pourtant, mais on ne va pas le chercher là où il est ! Je vous rappelle les 20 milliards d'euros de fraudes patronales...

C'est le cadre politique qui ne va pas ; et toutes nos propositions seront rejetées. Ça me fait mal au coeur d'entendre les appels aux dons pour l'endométriose ou le cancer ; mais les bénéficiaires de l'AME sont aussi des êtres humains et souvent des enfants.

Mme Annick Billon.  - Les malades attendent une réponse. Derrière les chiffres il y a des hommes et des femmes qui souffrent. Je soutiendrai cet amendement.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - C'est une situation de quasi-maltraitance des sénateurs et sénatrices. L'exercice budgétaire est très contraint, c'est pourquoi je n'ai pas déposé d'amendement, faute de savoir où prélever les crédits. Mais je soutiendrai l'initiative de Mme Doineau.

M. Arnaud Bazin.  - J'attire votre attention sur le fait que les collectivités territoriales sont très investies sur la recherche contre la maladie de Lyme chez l'animal, au sein d'une entente interdépartementale devenue un syndicat mixte. Elles font leur part du travail.

M. Bernard Jomier.  - Il me semble que l'amendement II-180 est gagé sur le programme 204 et non sur l'AME.

Il y a, touchant la maladie de Lyme, un dissensus scientifique sur lequel se greffe le sentiment des patients de n'être pas entendus. Voilà ce qui arrive dans un système de santé qui n'écoute pas ses usagers et ne leur réserve pas la place qu'ils méritent dans la gouvernance.

Je m'abstiendrai sur l'amendement.

M. Jean Sol.  - La communauté scientifique est divisée, ce qui laisse de nombreux malades et leurs familles dans l'errance thérapeutique. Les dommages peuvent être irréversibles. Il faut mettre un terme à la division scientifique, en apportant des moyens de recherche suffisants.

Mme Élisabeth Doineau.  - La maladie de Lyme fait partie des dix maladies infectieuses les plus fréquentes en France. Il y a effectivement une dissension scientifique. Il faudra des crédits, mais surtout de la communication et du relationnel. Derrière les patients, il y a aussi leurs familles, qui souffrent elles aussi.

Il faut réconcilier la communauté scientifique, la communauté sanitaire et les patients.

Ils s'appellent Pierre, Paul, Jaques, leurs vies ont été brisées et certains sont déjà décédés.

L'amendement n°II-180 rectifié est adopté.

Mme le président.  - Amendement n°II-826 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre et MM. Fialaire, Gold, Guérini, Requier et Roux.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-826 rectifié transfère de 5 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » vers le programme « Protection maladie ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-826.html

Mme Véronique Guillotin.  - Il s'agit de répondre aux inquiétudes des oncologues au vu de la baisse du nombre des consultations et des dépistages, du fait de la crise du Covid. Deux millions de consultations auraient été reportées. Quelque 30 000 cancers n'auraient pas été diagnostiqués, selon Axel Kahn. C'est inquiétant car cela peut conduire à une surmortalité.

C'est pourquoi nous prévoyons 5 millions d'euros supplémentaires pour accroitre le dépistage et rattraper les retards de diagnostic.

M. Christian Klinger, rapporteur spécial.  - Les indicateurs de la mission montrent qu'il y a des efforts à mener. Sagesse néanmoins puisque nous rejetons les crédits de la mission.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Nous partageons vos inquiétudes mais les crédits relèvent de l'assurance maladie. Les actions de lutte contre des déterminants des cancers, tabac, alcool, sédentarité, ont été poursuivies. Durant le second confinement, les consultations ont été maintenues.

L'amendement n°II-826 rectifié est adopté.

Mme le président.  - Amendement n°II-449 rectifié bis, présenté par Mmes Imbert et Delmont-Koropoulis, MM. Savary, Sol et Panunzi, Mme Berthet, M. D. Laurent, Mme F. Gerbaud, M. Vogel, Mmes M. Mercier, Garriaud-Maylam et Chauvin, MM. B. Fournier et Burgoa, Mme Puissat, M. Sido, Mmes Bonfanti-Dossat, L Darcos et Micouleau, MM. Milon, Bonne et Lefèvre, Mme Lassarade, M. Pointereau, Mmes Gruny et Borchio Fontimp, MM. Somon, Genet, Charon, Brisson, Rapin, Belin et Mouiller, Mme Raimond-Pavero, MM. Chatillon et Pellevat, Mme Malet, M. Karoutchi et Mme Joseph.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-449 rectifié bis transfère 3 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Protection maladie »vers le programme «Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-449.html

Mme Annie Delmont-Koropoulis.  - Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une diminution de 20 000 euros des crédits dédiés à la santé sexuelle. C'est un mauvais signal, contradictoire avec la stratégie nationale en ce domaine. Il faut saluer la réaction des députés qui ont adopté deux amendements augmentant de 110 000 euros ces crédits.

Les résultats encourageants enregistrés fin 2019 sur le VIH ne doivent pas nous conduire à baisser la garde. L'amendement vise un sursaut de notre politique de lutte contre les infections par le VIH et les autres infections sexuellement transmissibles (IST), grâce à 3 millions d'euros supplémentaires, au profit du réseau associatif, de la prévention et de la promotion de nouveaux traitements.

M. Christian Klinger, rapporteur spécial.  - Votre proposition est positive mais insuffisante pour amorcer un vrai rééquilibrage... Sagesse.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Des crédits sont déjà prévus sur le programme 204 pour les associations têtes de réseau. L'assurance maladie intervient également en ce domaine. Et je regrette le gage sur l'AME, à laquelle le Gouvernement est très attaché pour des raisons humanitaires, économiques et sanitaires. Avis défavorable.

M. Bernard Jomier.  - Vous prélevez des fonds sur l'AME pour lutter contre le VIH. Or qui se contamine au VIH en France ? À 50 % des étrangers, et souvent la contamination intervient sur le sol français, par défaut d'accès aux soins et à l'information. Demandez donc aux associations de lutte contre le VIH si elles souhaitent une baisse de l'AME ? C'est totalement incohérent !

Des municipalités comme Nice ou Paris font le même constat sur les moyens de lutte contre le VIH. Non, non et non, votre amendement n'est pas recevable !

Mme Annie Delmont-Koropoulis.  - Si l'on venait à bout des fraudes à l'AME on pourrait, par une réduction du panier de soins, financer ces postes de dépense. (M. Bernard Jomier lève les yeux au ciel.)

L'amendement n°II-449 rectifié bis est adopté.

Mme le président.  - Amendement n°II-181 rectifié, présenté par Mmes Doineau, Demas, Sollogoub et F. Gerbaud, MM. Détraigne et Delahaye, Mmes L. Darcos et N. Delattre, MM. Laménie, Bonnecarrère, Laugier, Mizzon et D. Laurent, Mme Férat, M. Lefèvre, Mmes Borchio Fontimp et Jacques, MM. Decool et Levi, Mme Létard, MM. Darnaud, Canevet, Sol, Chasseing, Kern et A. Marc, Mme Guidez, M. Regnard, Mme Lassarade, M. Genet, Mmes Puissat, Saint-Pé, Morin-Desailly et Berthet, MM. Chevrollier, Le Nay, L. Hervé, Saury et Gremillet, Mmes Bonfanti-Dossat et Malet, MM. Guerriau et Delcros, Mmes de La Provôté, Evrard, Richer et Gruny, MM. P. Martin, Cazabonne et Babary, Mme Billon, MM. Guérini et Vogel, Mmes Ventalon et Mélot, M. Lagourgue, Mmes Paoli-Gagin, M. Carrère, Drexler, Schalck et Garriaud-Maylam, M. Meurant, Mme Guillotin, MM. Médevielle et Longeot, Mme M. Mercier, MM. Menonville et B. Fournier, Mme Herzog, M. Savin, Mme de Cidrac et M. Guiol.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-181 rectifié transfère 2 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Protection maladie » vers le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-181.html

Mme Élisabeth Doineau.  - Je vais moi aussi piquer un peu sur l'AME...

L'endométriose est une maladie gynécologique chronique, évolutive et incurable, qui touche une femme sur dix. À ce jour, aucun traitement efficace n'existe pour soulager les patientes. Or quelque 80 % d'entre elles ressentent des limitations dans leurs tâches du quotidien, 40 % ont des troubles de la fertilité, 20 % présentent une ou plusieurs maladies induites.

Du fait de sa méconnaissance, l'endométriose fait l'objet d'un retard de diagnostic de sept ans en moyenne.

Cet amendement augmente donc de 2 millions d'euros les crédits du programme 204 au profit de la prévention de l'endométriose et de la définition de médicaments pertinents.

M. Christian Klinger, rapporteur spécial.  - Cette majoration des crédits donnerait du sens à la mission. Mais encore et toujours, sagesse...

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Nous partageons votre souci mais cette mission n'est pas le bon cadre. Des travaux ont été lancés dès 2014 avec le collège national des gynécologues-obstétriciens. Ils ont été repris en 2019 et bénéficient de financements ad hoc.

De plus, la HAS considère que faute de données, on ne peut formuler de conseils en prévention, seulement prendre en charge les patientes et proposer un traitement médical, voire chirurgical dans les cas les plus douloureux.

L'amendement n°II-181 rectifié est adopté.

Mme le président.  - Amendement n°II-583 rectifié, présenté par Mmes Berthet et F. Gerbaud, MM. Médevielle et Canevet, Mme Garriaud-Maylam, M. Burgoa, Mme Puissat, MM. Chasseing, Milon et Bonne, Mme Guidez, MM. Savary, Chauvet, P. Martin et Lefèvre, Mmes Lassarade, Gruny, Sollogoub et Deromedi, MM. Genet, Brisson, Decool, Belin, Charon et Chatillon, Mme Paoli-Gagin et M. Pellevat.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-583 rectifié transfère 2 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Protection maladie » vers le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-583.html

M. Antoine Lefèvre.  - Cet amendement augmente de 2 millions d'euros les crédits du programme 204 en vue d'une expérimentation dans quatre régions sur le rôle possible des pharmaciens d'officine dans le sevrage tabagique. Le parcours serait simplifié ; et le suivi, personnalisé.

La population française compte aujourd'hui 33 % de fumeurs, et l'objectif de Santé publique France est d'atteindre 22 % en 2022.

M. Christian Klinger, rapporteur spécial.  - Cela donnerait du sens à la mission « Santé » qui en semble dépourvue. Sagesse.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

M. Daniel Chasseing.  - Je suis très favorable à cet amendement. Les pharmaciens sont formés pour cela et souhaitent s'investir dans cette mission. D'autant que les personnes qui veulent arrêter de fumer vont rarement consulter le médecin - il n'est du reste pas plus comptent que le pharmacien sur cette question.

L'amendement n°II-583 rectifié n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°II-451 rectifié bis, présenté par Mme Tetuanui, MM. Capo-Canellas, P. Martin et Kern, Mme Férat, M. Laugier, Mme Dindar, MM. Longeot et Bonnecarrère, Mme Sollogoub, MM. Louault, Henno et Canevet, Mme Saint-Pé, M. S. Demilly, Mme Billon, MM. Folliot et Détraigne et Mmes C. Fournier et Vérien.

I.  -  Créer le programme :

Soutien au régime de solidarité de la Polynésie française

II.  -  En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-451 rectifié bis transfère 1,9 million d'euros en autorisations d'engagement et autant en crédits de paiement du programme « Protection maladie » vers le nouveau programme « Soutien au régime de solidarité de la Polynésie française ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-451.html

Mme Annick Billon.  - Depuis 2015, l'État accepté de renouveler son soutien au régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF) à hauteur de 12 millions d'euros, soit 5 % des dépenses annuelles du régime. Un rapport de mission IGAS-IGF-IGA de 2019 prévoit la mise en place d'une convention État-pays plus ambitieuse en matière de santé et solidarité. Dans cette attente, le rapport préconise la poursuite du soutien de l'État dans les conditions actuelles, soit 12 millions d'euros par an en soutien au RSPF.

Le 3 octobre dernier, le président de la Polynésie française a rappelé la nécessité de garantir cet appui en 2020 pour faire face aux conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire. Mais il y a des inquiétudes sur ces 12 millions d'euros l'an prochain.

L'amendement abonde donc à hauteur de 1,9 million d'euros un nouveau programme intitulé « Soutien au régime de solidarité de la Polynésie française ». C'est un amendement d'appel.

M. Christian Klinger, rapporteur spécial.  - Cet amendement ne correspond pas à la mission « Santé ». Il aurait davantage sa place dans la mission « Solidarité ». Retrait ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Que Mme Tetuani se rassure : la somme de 1,9 million d'euros est bien là. Elle couvrira la revalorisation de la rémunération des internes. Des travaux ont été reportés à 2021 mais les modalités précises de la convention sont sur le point d'être adoptées par l'assemblée locale. Votre amendement les remettrait en cause. Retrait ?

Mme Annick Billon.  - Mme Tetuani avait déjà interrogé le Gouvernement lors des questions au Gouvernement.

L'amendement n°II-451 rectifié bis est retiré.

Les crédits de la mission « Santé », modifiés, sont adoptés.

Articles additionnels après l'article 65

Mme le président.  - Amendement n°II-15 rectifié, présenté par M. Klinger, au nom de la commission des finances.

Après l'article 65

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  - A. Le chapitre Ier du titre V du livre II du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« Chapitre Ier

« Aide médicale de santé publique

« Art. L. 251-1.  -  Tout étranger résidant en France sans remplir la condition de régularité mentionnée à l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale depuis plus de trois mois, et dont les ressources ne dépassent pas le plafond mentionné à l'article L. 861-1 du même code a droit, pour lui-même et les personnes à sa charge, à l'aide médicale de santé publique.

« En outre, toute personne qui, ne résidant pas en France, est présente sur le territoire français, et dont l'état de santé le justifie, peut, par décision individuelle prise par le ministre chargé de l'action sociale, bénéficier de l'aide médicale de santé publique dans les conditions prévues à l'article L. 251-2 du présent code.

« De même, toute personne gardée à vue sur le territoire français, qu'elle réside ou non en France, peut, si son état de santé le justifie, bénéficier de l'aide médicale de santé publique, dans des conditions définies par décret.

« Art. L. 251-2.  -  La prise en charge, assortie de la dispense d'avance des frais, concerne :

« 1° La prophylaxie et le traitement des maladies graves et les soins urgents dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître ;

« 2° Les soins liés à la grossesse et ses suites ;

« 3° Les vaccinations réglementaires ;

« 4° Les examens de médecine préventive.

« La prise en charge est subordonnée, lors de la délivrance de médicaments appartenant à un groupe générique tel que défini au b du 5° de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique, à l'acceptation par les personnes mentionnées à l'article L. 251-1 du présent code d'un médicament générique, sauf :

« 1° Dans les groupes génériques soumis au tarif forfaitaire de responsabilité défini à l'article L. 162-16 du code de la sécurité sociale ;

« 2° Lorsqu'il existe des médicaments génériques commercialisés dans le groupe dont le prix est supérieur ou égal à celui du princeps ;

« 3° Dans le cas prévu au deuxième alinéa du II de l'article L. 5125-23 du code de la santé publique.

« À l'exclusion des cas où ces frais concernent des bénéficiaires mineurs, la prise en charge mentionnée au premier alinéa du présent article peut être subordonnée pour certains frais relatifs à des prestations programmées et ne revêtant pas un caractère d'urgence à un délai d'ancienneté de bénéfice de l'aide médicale de santé publique. Ce délai ne peut excéder neuf mois. Par dérogation, lorsque l'absence de réalisation de ces prestations avant l'expiration de ce délai est susceptible d'avoir des conséquences vitales ou graves et durables sur l'état de santé de la personne, leur prise en charge est accordée après accord préalable du service du contrôle médical mentionné à l'article L. 315-1 du code de la sécurité sociale. 

« Art. L. 251-3.  - Les modalités d'application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d'État. »

B. Dans l'ensemble des dispositions législatives, les mots : « aide médicale de l'État » sont remplacés par les mots : « aide médicale de santé publique ».

II.  -  Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2021.

M. Christian Klinger, rapporteur spécial.  - En l'absence d'une réelle gestion des flux migratoires, une réforme de l'AME paraît indispensable pour assurer la soutenabilité des dépenses, 1,061 milliard d'euros prévus en 2021.

Cet amendement remplace l'AME par une aide médicale de santé publique, reprenant ainsi l'amendement de Roger Karoutchi en juin 2018 sur le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, et celui d'Alain Joyandet sur le PLF 2020 - les deux ayant été adoptés par le Sénat. La prise en charge serait limitée au traitement des maladies graves et aux soins urgents dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître, aux soins liés à la grossesse et à ses suites, aux vaccinations réglementaires et aux examens de médecine préventive.

Mme le président.  - Amendement identique n°II-53, présenté par Mme Delmont-Koropoulis, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure pour avis.  - On nous promettait une maîtrise de l'AME en 2020 mais le coût de cette dernière dépasse le milliard d'euros et le nombre de bénéficiaires augmente. La réforme des caisses et les demi-mesures du Gouvernement sont insuffisantes pour juguler les détournements et les fraudes, dénoncés par un rapport d'inspection en 2019.

Une réforme profonde est indispensable. Cet amendement crée une aide médicale de santé publique recentrée sur la prise en charge des soins urgents et maladies graves ; elle est plus conforme à l'esprit initial de l'AME.

Les amendements nosII-798 et II-792 ne sont pas défendus.

Mme le président.  - Amendement n°II-914, présenté par M. Jomier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 65

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conditions de mise en oeuvre de l'intégration du dispositif d'aide médicale d'État au sein de l'assurance maladie et sur l'accès à une complémentaire santé pour les plus précaires.

Ce rapport établit notamment un état des lieux des dysfonctionnements dans l'accès des personnes aux dispositifs de l'aide médicale d'État, de la protection universelle maladie, et des complémentaires santé (aide à la complémentaire santé, complémentaire santé solidaire). Il établit également une évaluation de l'impact de cette intégration en termes de coûts évités et/ou induits pour le système de santé et des propositions opérationnelles pour sa mise en oeuvre effective, ainsi que les mesures nécessaires pour garantir un accès effectif des personnes en situation de précarité sociale à une couverture maladie.

M. Bernard Jomier.  - Depuis 2019, les caisses d'assurance maladie de Bobigny, Bayonne et Marseille instruisent les dossiers d'AME de toute la France, selon un principe de rationalité économique. Une mutualisation avec les services d'assurance maladie apporte donc une plus grande efficience.

L'AME est un dispositif de santé publique et non d'immigration.

L'IGAS, l'IGF et l'Académie de médecine ont considéré en 2017 que l'intégration de l'AME à l'assurance maladie aurait pour effet d'améliorer le parcours de soins. Seuls ceux qui chaussent les lunettes de la politique migratoire veulent réduire en morceaux ce dispositif.

Nous souhaitons que le Gouvernement réfléchisse à la solution préconisée par les inspections ; un rapport sur le sujet informerait le Sénat. Jusqu'en 1993, l'AME était géré par l'assurance maladie, elle a passé davantage de temps dedans qu'en dehors.

La distinction entre financement de l'État et financement de l'assurance maladie ne pose pas problème, elle existe déjà dans nombre de dispositifs, qui ont fait l'objet de transferts ou de co-financements.

M. Christian Klinger, rapporteur spécial.  - La commission est réserve sur les demandes de rapport.

L'AME ne relève pas d'une logique contributive et n'a pas vocation à intégrer le régime de la sécurité sociale. Elle relève davantage de la politique migratoire que de la politique de santé publique. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable aux amendements identiques nosII-15 rectifié et II-53 par souci d'efficacité. Les personnes iront à l'hôpital au dernier moment et cela coûtera infiniment plus cher à la collectivité.

Laissons aussi les mesures adoptées l'an dernier se déployer totalement. Je songe à celles contre les abus et détournements de l'AME ; certes, la crise sanitaire a entravé leur application, mais le décret sur la carence de neuf mois a bien été publié le 30 octobre dernier.

M. Jomier souhaite un rapport sur l'intégration de l'AME à l'assurance maladie. Une telle restructuration risquerait de créer des disparités et un problème d'acceptabilité. L'IGAS l'avait abordée dans un rapport en 2019 et l'avait rejetée. Nous sommes attachés à la séparation entre solidarité nationale et risque assuranciel reposant sur des cotisations. Pour éviter le non-recours à l'AME, nous avons simplifié les formulaires. Retrait ou avis défavorable à l'amendement n°II-914.

M. Roger Karoutchi.  - Que chacun se calme ! Ces amendements sont d'appel. L'Assemblée nationale ne les votera jamais, comme bien des choses que nous votons ici dans une sorte d'allégresse... (Sourires) Il y a cinq ans, l'AME, c'était 500 millions d'euros. En 2021, ce sera 1,1 milliard d'euros... On bricole depuis des années !

La Cour des comptes dénonce le tourisme médical organisé par des réseaux de passeurs sur le compte de l'AME : telle est la vie réelle ! Il y a des dérapages d'autant moins acceptables que l'argent public est rare et que nous sommes couverts de dettes.

De nombreux Français renoncent à des soins. Il faut tout remettre à plat pour faire quelque chose de cohérent et d'acceptable pour tous nos concitoyens. Personne ne dit qu'il ne faut pas soigner les migrants ! (Applaudissements sur les travées du groupe LeRépublicains)

Mme Catherine Deroche.  - La commission des affaires sociales a voulu, par l'amendement n°II-53, recentrer l'AME sur la prévention et les soins d'urgence, au plus près des migrants, afin d'éviter tout retard de prise en charge. Nous avons trouvé le bon équilibre et je vous invite à nous suivre.

M. Bernard Jomier.  - J'entends M. Karoutchi et Mme Deroche. Si nous pouvions discuter hors de toute posture politique, nous trouverions probablement un accord. Mais le rapporteur spécial répète à l'envi qu'il s'agit d'un instrument de la politique migratoire : c'est la perversion politique d'un outil de santé publique ! Si l'on construit sur de telles fondations, la maison ne peut pas être droite.

Les migrants ne viennent pas en France pour l'AME. D'ailleurs ils quittent la France. Votre analyse ne correspond pas à la réalité !

L'AME ne serait-elle pas mieux gérée et cadrée par l'assurance maladie ?

Le débat est pollué par une posture politique - l'AME serait un aspirateur à migrants. Et vous obtenez ce que vous vouliez : l'absence d'accord. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Didier Rambaud applaudit également.)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - La position de la commission des affaires sociales et de la commission des finances n'est pas nouvelle : recentrer l'AME sur les maladies graves et à la prévention, avec un droit de timbre. Le gouvernement Fillon l'avait mis en oeuvre, avec un droit annuel de 30 euros. Le surcoût du non-recours aux soins a été de 20 millions d'euros.

La crise de la covid-19 devrait vous avoir démontré l'importance d'une population en bonne santé. En outre, le coronavirus touche surtout les plus précaires. L'immigration est le résultat du capitalisme économique, du capitalisme de guerre et du capitalisme du réchauffement climatique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Daniel Chasseing.  - Je vais voter cet amendement et je ne vois pas en quoi cela prouvera que je suis contre l'AME. Les associations vont régulièrement chercher les personnes qui n'osent pas aller à l'hôpital. Toutes les maladies graves sont comprises dans le dispositif proposé, ainsi que la grossesse et la prévention.

M. Thomas Dossus.  - Je suis étonné, alors que les sénateurs se plaignent de ne pas être pris au sérieux, d'entendre M. Karoutchi dire qu'il s'agit d'amendements d'appel... appelés à être bientôt rejetés par l'Assemblée nationale.

Sans prévention, avec un panier de soins restreint et un retard d'accès, les coûts sont forcément plus élevés. On ne peut pas faire de l'AME un outil de politique migratoire.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Il faudrait que l'on m'explique quel est le continuum de soin entre prévention et soins urgents. Votre proposition ne correspond pas aux objectifs du parcours de soins, qui doit s'appliquer tant aux Français qu'aux étrangers.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nosII-15 rectifié et II-53 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°39 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 215
Contre 125

Le Sénat a adopté.

L'amendement n°II-914 n'a plus d'objet.

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial de la commission des finances - Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » s'élèvent à environ 26 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit une stabilisation à périmètre courant.

Cette stabilité masque en réalité une nette décrue du budget car l'exercice 2020 a été marqué par la crise, avec des aides exceptionnelles de 2 milliards d'euros.

Le plan de relance n'apporte guère à la mission, hormis 50 millions d'euros pour le fonds de soutien aux associations de lutte contre la pauvreté. Le Gouvernement fait comme si la crise, le chômage, la pauvreté n'existaient pas... Cela nous laisse dubitatifs, Éric Bocquet et moi-même...

Le financement de l'aide alimentaire doit être prioritaire. Les files d'attente n'ont cessé d'augmenter. Les associations voient aussi arriver des publics nouveaux.

Un programme de 869 millions d'euros a été lancé sur la période 2021-2027 avec des crédits nationaux et européens, mais des interrogations demeurent sur le fonctionnement du nouveau fonds dit FSE+ qui remplace le Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD). Le système d'aide alimentaire européen doit être amélioré. Il faudra veiller à la mobilisation effective des centaines de millions annoncés.

Ce budget renforce aussi le partenariat de l'État avec les départements en matière de lutte contre la pauvreté et de protection de l'enfance. Je suis un ancien président de conseil départemental, ce sujet me tient à coeur.

Au regard des difficultés financières des départements, la contractualisation représente un moindre mal, si elle est fondée sur des bases équitables et si le département est associé à la définition des objectifs et des indicateurs de résultats. Il faut aussi apaiser certaines tensions, comme sur l'accueil des mineurs non accompagnés, pour lequel la contribution de l'État ne cesse de s'étioler.

Avec un enthousiasme modéré, la commission des finances vous propose d'adopter ce budget quelque peu décalé par rapport à la situation du pays et qui imposera des financements supplémentaires pour les plus fragiles en 2021. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Je partage l'essentiel des propos de mon collègue. Le problème principal est ce qui ne figure pas dans la mission : des mesures de soutien massif aux publics les plus fragiles qui subissent de plein fouet les conséquences sociales de la crise.

Les actions du plan de relance en direction des jeunes ne visent que ceux qui intègreront un parcours d'insertion. On évoque toujours le bien mal nommé plan « Un jeune, une solution » : un jeune précaire qui ne trouve pas d'emploi ne bénéficiera que de 200 euros pour l'été et 150 euros pour l'automne.

Le budget 2020 est globalement reconduit. La prime d'activité et l'allocation aux adultes handicapés (AAH) représentent 80 % des crédits de la mission. Après deux revalorisations, l'AAH se stabilise en dépit de discrets coups de rabot comme la suppression du complément de ressources et la réforme des règles de prise en compte du revenu des couples.

Le pouvoir d'achat, en revanche, devrait diminuer compte tenu de son caractère procyclique. On se souvient de la promesse présidentielle d'augmenter le salaire du travailleur au Smic de 100 euros par mois, mais la prime d'activité n'est pas du salaire, comme nous l'a montré la crise.

Nous saluons l'augmentation de 11,4 millions d'euros, soit 37,5 %, des crédits pour la lutte contre les violences faites aux femmes, même si beaucoup reste à faire. Nous avons consacré à ce sujet notre rapport de contrôle cette année.

La lisibilité des moyens de la mission mériterait d'être améliorée. La crise a conduit à une mobilisation des pouvoirs publics et des forces de l'ordre qui doit devenir la norme. Hélas, ce budget nie la réalité de la crise sociale, cette lame de fond qui traverse le pays.

J'avais donc émis, à titre personnel, un avis négatif que la commission des finances n'a pas suivi.

M. Jean Sol, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) La crise sanitaire est un révélateur de la pauvreté et des inégalités. Ce budget ne prévoit cependant aucun dispositif nouveau, notamment pour les jeunes. La revalorisation exceptionnelle en 2019 a amélioré la prime d'activité, mais son impact sur l'emploi est incertain. En 2021, le nombre de bénéficiaires devrait baisser.

La montée en puissance du dispositif d'emploi accompagné est bienvenue, mais s'agissant de crédits qui devraient être pérennisés, fallait-il les inscrire dans le plan de relance ? Nous serons attentifs à leur consommation effective.

Je salue les efforts réalisés sur l'AAH : elle atteint un niveau inédit depuis trente ans. Il faut veiller à son maintien et éviter toute intégration à un revenu minimal d'activité.

L'État doit agir davantage pour les mineurs non accompagnés. Certes, les flux d'entrées en 2020 ont diminué en raison de la crise mais les dépenses de prise en charge sont lourdes et durent plusieurs années, souvent après 18 ans. Il est donc incompréhensible que les crédits diminuent de 42 millions d'euros. J'ai déposé un amendement pour les rétablir au niveau de 2020.

Sous cette réserve, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits.

Mme Colette Mélot .  - La crise économique et sanitaire a eu des impacts lourds sur les plus vulnérables, précaires et étudiants notamment. La solidarité doit rester le ciment de notre société. Hélas, les crédits diminuent légèrement après une hausse de 6 % l'an passé.

Je vous avais alertés lors du premier confinement sur le creusement des inégalités, notamment sur les jeunes et sur les femmes violentées. Je salue donc l'augmentation de 37,5 % des crédits, ainsi que les moyens prévus dans le plan de relance en faveur des associations, car elles font face à un afflux massif de nouveaux bénéficiaires.

Plus des trois quarts des crédits de la mission portent sur la prime d'activité et sur l'AAH. Un effort louable est réalisé pour le retour à l'emploi ; nous y sommes très attachés. En la matière, le rôle des départements est primordial. Claude Malhuret a déposé une proposition de loi prévoyant une expérimentation à destination des bénéficiaires du RSA, qui pourraient reprendre une activité partielle tout en percevant leur allocation durant un an. Ce dispositif incitatif et temporaire aurait des effets positifs sur le retour à l'emploi.

En 2019, 2 milliards d'euros étaient à la charge des départements pour les mineurs non accompagnés. Il faut les soutenir davantage.

Le groupe INDEP votera ces crédits.

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Alors que les inégalités se creusent depuis le début du quinquennat, nous aurions besoin d'une politique de solidarité ambitieuse et juste. Ni cette mission ni le plan de relance - qui ne consacre que 1 % de ses montants à l'urgence sociale - n'y répondent.

Les mesures de lutte contre la pauvreté se concentrent trop sur les travailleurs pauvres, stigmatisant en creux les autres, considérés comme des assistés. Les sommes prévues pour la prime d'activité vont diminuer du fait de la hausse du chômage, mais les crédits ainsi libérés ne bénéficieront pas à d'autres catégories. Les jeunes étudiants et ceux issus de l'ASE sont exclus du RSA.

Nous nous réjouissons toutefois des mesures prises pour l'AAH et pour les femmes victimes.

Les associations estiment que les mesures d'urgence devraient être pérennisées au regard des besoins, alors que le Gouvernement n'a apporté en 2020 qu'une réponse conjoncturelle avec l'aide exceptionnelle de solidarité.

La permanence du Secours populaire de Lyon a vu le nombre d'étudiants en précarité alimentaire doubler depuis le premier confinement.

Nous ne pouvons valider le retour à la normale de la mission en 2021. Est-il normal d'avoir neuf millions de pauvres ? Nous souhaitons une révision du plan de lutte contre la pauvreté et que le RSA soit ouvert aux 18-25 ans. Nous regrettons que nos amendements aient été jugés irrecevables.

Le nombre de bénéficiaires du RSA ne cesse de croître : 29 % de hausse dans le Rhône en neuf mois ! Le taux de couverture des dépenses de RSA de la métropole de Lyon est passé de 54 % en 2015 à 44 % en 2020, soit un manque à gagner de 25 millions d'euros !

La crise sociale, qui existait avant la crise sanitaire, exige un choc de solidarité. Le GEST votera contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Xavier Iacovelli .  - La mission « Solidarité » couvre diverses politiques publiques actuellement cruciales. Elle sera dotée de 26,1 milliards d'euros en 2021, soit une augmentation de 250 millions d'euros à périmètre constant. Les moyens de lutte contre les violences faites aux femmes augmentent de près de 40 %. Nous nous en félicitons. Ils permettent le développement d'une plateforme d'écoute téléphonique continue, l'augmentation du soutien aux associations et la création d'un centre de suivi des auteurs de violences.

Chaque année, des milliers de jeunes sont victimes d'une sortie sèche du système de l'aide sociale à l'enfance (ASE) : 70 % des jeunes sortent sans diplôme et 45% des SDF de moins de 25 ans sont passés par les structures de la protection de l'enfance. Avec ce PLF, 252 millions d'euros seront attribués à la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes au sein du programme 304.

La situation nécessitera un engagement total de l'État et des départements, aux côtés des acteurs associatifs, afin de mettre un terme à ce qu'Olivier Noblecourt appelait un « carnage social ». C'est le sens de l'accord trouvé par les ministres Adrien Taquet et Brigitte Klinkert pour sécuriser les parcours des jeunes de l'ASE et favoriser leur insertion sociale et professionnelle.

Ainsi, en 2021, la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance poursuivra sa montée en charge et une contractualisation avec 70 départements permettra de mieux prévenir les situations de danger et de rupture. Cette action sera dotée de 246,3 millions d'euros, en augmentation de 39,5 millions d'euros.

Le financement de l'AAH, pour plus de 11 milliards d'euros de crédits, est le poste le plus important de la mission ; il concerne 1,2 million de foyers. Au cours du quinquennat, l'effort financier pour l'AAH aura atteint 2 milliards d'euros. Nous saluons les mesures prises pour favoriser l'intégration dans l'emploi des personnes en situation de handicap : 5 millions d'euros supplémentaires sont prévus pour 2021 après un doublement des crédits l'an dernier. Voilà des exemples concrets de l'engagement du Gouvernement pour agir en faveur de la liberté, de l'égalité et de la fraternité.

Le groupe RDPI votera ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

M. Stéphane Artano .  - Je salue les associations et les bénévoles. « La solidarité, c'est aider chacun à porter le poids de la vie et à la rendre plus facile », écrivait Henri-Frédéric Amiel. La crise a précipité un million de Français dans la pauvreté. Étudiants, intérimaires, commerçants, autoentrepreneurs sont les nouveaux visages de la précarité. Ces personnes franchissent pour la première fois les portes des associations et des banques alimentaires.

Un siècle et demi après les critiques de Victor Hugo devant la Constituante, nous échouons toujours à éradiquer la pauvreté.

Les aides ponctuelles sont bien sûr les bienvenues, mais il faut aussi des dispositifs plus structurels. Quid des travaux sur le revenu universel d'activité (RUA) ? Je me réjouis de la hausse des moyens de la lutte contre les violences faites aux femmes, qui ont augmenté pendant le confinement. Les chiffres sont alarmants : entre le 16 mars et le 10 mai, la plateforme téléphonique 3919 a reçu près de 45 000 appels, soit trois fois plus que les mois précédents.

Plusieurs dispositifs salutaires ont été adoptés : l'ouverture d'espaces d'accueil éphémères ou d'alerte en pharmacie, l'envoi d'un SMS au 113, une ligne d'écoute pour les conjoints violents ou susceptibles de l'être. Il faut les pérenniser : une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint. Je me félicite de l'ouverture permanente du 3919, qui permet de tenir compte du décalage horaire avec l'outre-mer, de son ouverture aux personnes sourdes ou ayant des troubles du langage. Mais nous serons vigilants, la Fédération nationale solidarité femmes craignant que la rentabilité économique ne prévale sur la qualité du service d'écoute.

Le groupe RDSE votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Alain Duffourg .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette mission résonne particulièrement cette année, alors que le moral des Français est au plus bas depuis la crise des gilets jaunes.

La mission bénéficiera de 26,1 milliards d'euros, en baisse de 0,5 % par rapport à 2020, après une hausse en 2018 et 2019. Mais avec l'ouverture des crédits en PLFR, c'est en réalité une baisse de 10 % des crédits. Le Gouvernement parie sur la relance, mais les prévisions sont incertaines... Certains risquent de passer à côté de la relance.

Je salue la montée en puissance de l'accompagnement de l'emploi pour les personnes handicapées, avec 22,5 millions d'euros, et la hausse de 35 % des crédits de la lutte contre les violences envers les femmes, violences hélas aggravées pendant le confinement. La crise sanitaire a mis en lumière la surcharge de travail des femmes. À ce propos, quel est le calendrier du projet de loi sur l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'économie ?

L'AAH, pour 11,1 milliards d'euros, et la prime d'activité, pour 9,7 milliards, représentent à elles deux 80 % des crédits de la mission. La crise nous impose une réflexion sur la solidarité envers les plus fragiles dans la durée.

Je partage les interrogations de Philippe Mouiller sur l'avenir de l'AAH.

Le groupe UC s'interroge sur la prise en charge de l'extrême précarité engendrée par la crise. Selon le Secours catholique, un million de personnes vont basculer dans la pauvreté : des salariés, des indépendants, des jeunes. La moitié de ceux qui fréquentent les Restos du coeur ont moins de 25 ans, ce qui pose à nouveau la question de l'extension du RSA aux jeunes adultes.

La crise est partie pour durer. La Banque de France estime que le taux de chômage sera de 11 % au premier semestre 2021. Le 24 novembre, un plan d'aide de 100 millions d'euros aux associations a été annoncé. Le groupe UC attend une réponse humaine mobilisant les élus locaux, les partenaires sociaux, les associations dans un plan de relance et de cohésion sociale en faveur des plus vulnérables.

Fidèle à sa tradition humaniste, le groupe UC votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Annie Le Houerou .  - Les crédits de la mission s'élèvent à plus de 26 milliards d'euros, en baisse de 161 millions d'euros. Or dix millions de personnes seront sous le seuil de pauvreté et plus de 800 000 emplois seront détruits d'ici la fin de l'année. Ces chiffres donnent le vertige. Ils appellent des réponses structurelles. La politique de ruissellement de M. Macron ne fonctionne pas, et la crise sanitaire a creusé les inégalités.

La pauvreté menace notre cohésion sociale ; les associations caritatives, les communes nous alertent. Le taux de chômage pourrait dépasser 11 % au premier semestre 2021. La prime d'activité, qui représente la quasi-totalité du programme 304, baisse de 1 % en raison de l'augmentation du chômage. Afin d'amortir le choc social, notre groupe propose la création d'un revenu de base.

Étonnamment, le budget de l'aide alimentaire baisse de 11 %. Les arguments ne sont pas convaincants alors que 8 millions de personnes y ont recours.

La hausse de 40 millions d'euros liée à la stratégie de prévention et de protection de l'enfance pour financer certaines recommandations du rapport Cyrulnik est à saluer, mais attention au saupoudrage.

L'inscription des moins de 25 ans à Pôle Emploi a augmenté de 15 %. Le Premier ministre a annoncé des mesures pour l'emploi des jeunes, mais il faut un accompagnement spécifique pour les étudiants, plongés dans la détresse psychologique. Les petits jobs ne suffisent pas. Ils ont besoin de pouvoir étudier sereinement. D'où notre amendement qui prévoit un minimum jeunesse.

Si l'aide au poste des travailleurs handicapés progresse, nous regrettons que l'AAH soit conditionnée aux revenus du foyer. Il serait plus juste de l'individualiser.

Nous nous félicitons de la progression de crédits pour l'égalité entre les femmes et les hommes, mais sont-ils suffisants ? À l'initiative de la présidente Rossignol, nous proposerons de créer un Observatoire des féminicides. Nous regrettons que la prise en charge des auteurs de violence s'impute sur ce budget et non sur celui de la justice. La parole des femmes se libère, nous leur devons des solutions.

Le budget de 2,1 millions d'euros pour les personnes en situation de prostitution est pérennisé, mais il n'y a aucune mesure spécifique pour lutter contre la prostitution des mineurs, qui concerne 6 000 à 10 000 jeunes, y compris dans des zones très rurales. L'aide à la sortie de la prostitution, de 330 euros, est insuffisante ; il faudrait l'aligner sur le RSA.

Les femmes sont les premières de cordées. La revalorisation des métiers qu'elles occupent est nécessaire. Le Ségur nous a donné espoir, mais le budget proposé nous fait déchanter.

Mme le président.  - Il faut conclure.

Mme Annie Le Houerou.  - Le groupe SER votera contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Je rends hommage aux bénévoles et aux associations qui pallient les carences de l'État. Cette mission semble faire abstraction des conséquences sociales de la crise, qui a plongé des millions de personnes dans la précarité et la pauvreté et fait exploser les inégalités. Les dépenses de RSA augmentent de 10 %, les demandes de 20 %. Nos départements sont à genoux.

Les banques alimentaires constatent une augmentation de 20 à 25 % des demandes : 1,3 million de personnes supplémentaires y auraient recours.

Quelque 300 000 foyers ne reçoivent plus la prime d'activité, car ils sont au chômage partiel : c'est la double peine, qui risque de les faire basculer vers la pauvreté.

Les associations demandent une augmentation de 10 % du RSA. Vous refusez une mesure chiffrée à 1,2 milliard d'euros mais aidez les plus riches à hauteur de 28 milliards d'euros en supprimant l'ISF et la taxe d'habitation tout en rabotant l'aide alimentaire de 8 millions d'euros. C'est une politique de classe sans aucune limite ! Les mesures annoncées par le Premier ministre sont dérisoires.

Vous culpabilisez les personnes sans emploi alors que la pandémie va générer des milliers de licenciements.

La hausse des crédits du programme 137 ne doit pas cacher la hausse des violences faites aux femmes. Je rappelle le rapport d'Éric Bocquet qui proposait d'intégrer les crédits dédiés à l'hébergement des femmes victimes à ce programme.

Vous apportez une première réponse aux 185 maires ; nous serons vigilants à ce que les paroles se traduisent en actes sur le terrain.

Le groupe CRCE votera contre les crédits. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) S'il y a un domaine où l'effort de la Nation ne saurait faiblir, c'est la solidarité. Avec la crise, chacun a pu mesurer combien nos filets de protection sociale sont précieux. Avec l'inévitable hausse du chômage, nous assistons au creusement des inégalités sociales.

Des publics nouveaux se tournent vers les associations. Les demandes de RSA augmentent, et concernent de nouveaux profils : saisonniers, indépendants, commerçants et artisans. Selon l'Assemblée des départements de France (ADF), le reste à charge pour les départements devrait passer de 4,6 milliards en 2019 à 5,6 milliards en 2020.

Dans ce contexte, la stabilité de ce budget laisse perplexe. Les crédits de la prime d'activité diminuent en raison de l'augmentation du chômage, qui fera sortir 300 000 foyers du dispositif. Ces ménages sont affectés par un effet de seuil généré par la double perte du salaire et de la prime d'activité. On voit donc les limites du dispositif.

Il devient urgent de trancher la question de l'individualisation de l'AAH, selon qu'on la considère comme une allocation ou comme un revenu de remplacement.

Je me réjouis de l'accent mis sur l'accès à l'emploi, avec 100 millions d'euros pour l'aide à l'embauche des personnes en situation de handicap, ainsi qu'une hausse de 50 % des crédits pour l'emploi accompagné.

L'amendement de Jean Sol rétablit les crédits consacrés à la participation de l'État à la prise en charge des mineurs non accompagnés, qui baissent de 42 millions d'euros. L'État argue de la sous-consommation des crédits en 2019, mais le nombre de jeunes suivis par l'Aide sociale à l'enfance (ASE) continue de progresser. Le Gouvernement doit montrer son engagement fort et durable aux côtés des départements sur cette question socialement sensible.

Le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Antoine Lefèvre .  - La crise sanitaire a mis en lumière les différentes formes de précarité et en a créé de nouvelles qui touchent de nouvelles populations. La jeunesse a été la plus fragilisée, notamment les étudiants, parfois contraints de sauter des repas. Je salue les missions locales pour l'emploi. Nous devons apporter des solutions concrètes et durables à des situations particulièrement difficiles.

Les 26 milliards d'euros sollicités semblent sous-évalués au regard des besoins. Les remèdes proposés sont parfois des solutions de court-terme. Le plan de relance fait la part belle au volet travail et emploi, mais laisse les plus vulnérables sur le bas-côté.

Sur la question des mineurs non accompagnés, l'État semble vouloir se désengager, laissant les collectivités territoriales au pied du mur. Dans l'Aisne, 264 mineurs non accompagnés sont pris en charge, pour 15 800 euros par mineur et par an. Selon un document de d'ADF de juin dernier, le coût moyen annuel serait de 50 000 euros par jeune. Or le décret du 27 juin 2019 réduit la participation de l'État de 1 250 euros à 500 euros, et les départements qui n'auraient pas suivi la convention d'appui à l'évaluation de la minorité perdent 400 euros.

Certains se retrouvent dépassés par des arrivées qui excèdent leurs capacités d'accueil : saturation des foyers, surpopulation, insécurité...

Le moment n'est pas à l'assèchement subit et drastique des financements. Les clés de répartition des mineurs non accompagnés sont sources de disparités entre départements : une péréquation sur la base de critères de richesse des départements serait plus équitable, tout comme une meilleure articulation entre cette mission et les budgets des territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles .  - Cette mission se veut être la transcription des engagements présidentiels en matière d'inclusion, de protection des plus vulnérables et de lutte contre les inégalités. Elle doit être à la hauteur des attentes de nos concitoyens en cette période de crise sanitaire, économique et sociale.

Dans le programme 304, le Gouvernement entend amplifier la stratégie de lutte contre la pauvreté de 2018. Les actions lancées en 2019 sont amplifiées en 2020. L'Insee note un recul de la pauvreté monétaire en 2019 - hélas percutée par les conséquences de la crise sanitaire.

Le déploiement de la stratégie passe par un mode d'action publique novateur, celui de la contractualisation avec les départements, chefs de file des politiques sociales sur les territoires. Elle porte notamment sur l'insertion professionnelle des bénéficiaires du RSA, la prévention des sorties sèches de l'ASE, des maraudes mixtes pour l'hébergement des familles à la rue. Tous les départements, à l'exception des Hauts-de-Seine et des Yvelines, ont contractualisé. Les régions et les métropoles s'y mettent aussi.

L'État pilote diverses mesures destinées à réduire les inégalités dès l'enfance, comme le repas à 1 euro dans les territoires ruraux défavorisés ou les petits-déjeuners gratuits dans les écoles des quartiers prioritaires.

Le programme 304 finance aussi la revalorisation de la prime d'activité, qui est de 90 euros au niveau du Smic ; 1,25 million de foyers supplémentaires sont entrés dans le dispositif grâce à la réforme.

Le budget de l'aide alimentaire reste évidemment stable, contrairement à ce que j'ai pu entendre. La prétendue baisse de 8 millions d'euros n'est que la baisse des provisions pour défaut de remboursement par l'Union européenne. Ce budget est aussi indirectement soutenu par les 100 millions d'euros de France Relance consacrés aux associations de lutte contre la pauvreté.

Le programme 137 est consacré à la lutte contre les violences faites aux femmes. Ce thème a fait l'objet de trois lois depuis le début du quinquennat, et d'un Grenelle. En 2021, le Gouvernement amplifiera ses efforts avec une plateforme téléphonique, un soutien aux associations et le financement de nouveaux centres de suivi des auteurs.

Au programme 124, les ARS bénéficieront de 500 agents supplémentaires afin de renforcer le pilotage de la politique sanitaire et médico-sociale. J'aurai l'occasion de revenir sur le sujet des mineurs non accompagnés car je ne partage pas toutes vos analyses.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Depuis début 2020, le Gouvernement est pleinement mobilisé auprès des personnes en situation de handicap ; en témoigne la hausse de 2,2 % des crédits du programme 157.

Le financement de l'AAH, pour 11 milliards d'euros, participe à la lutte contre la pauvreté subie. Plus de 200 millions d'euros supplémentaires y sont consacrés en 2020. Depuis le début du quinquennat, 2 milliards d'euros ont été consacrés à sa revalorisation : 860 euros en novembre 2018, puis 903 euros à taux plein en avril 2020. C'est un engagement sans précédent en faveur du pouvoir d'achat des personnes en situation de handicap.

Ce budget traduit également un grand progrès dans l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés, en établissement et service d'aide par le travail (ESAT) et en milieu ordinaire. Outre l'aide au poste, l'État prend en charge une partie de la rémunération qui incombe aux ESAT, pour 120 000 employés, et dégage 160 millions d'euros pour pallier les pertes d'exploitation. Il s'agit d'apporter aux personnes handicapées et à leurs employeurs un soutien souple et adapté aux besoins.

Après un doublement en 2020, les crédits d'accompagnement augmentent de 5 millions d'euros en 2021, auxquels s'ajoute une enveloppe de 15 millions du plan de relance pour l'aide à l'embauche.

Des avancées significatives ont été réalisées, notamment contre la maltraitance et en faveur des aidants. Je pense à la mise en place du numéro gratuit à leur attention.

Quelque 250 000 euros sont budgétés en 2021 pour le partenariat avec la Croix rouge.

Ce budget permettra de simplifier et d'améliorer la vie des personnes handicapées, de réduire la pauvreté, de favoriser l'intégration professionnelle et d'accompagner les aidants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

Examen des crédits

Article 33

Mme le président. - Amendement n°II-841 rectifié bis, présenté par Mme Le Houerou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-841 rectifié bis transfère 260 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Inclusion sociale et protection des personnes », ainsi que 100 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » vers le programme « Handicap et dépendance ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-841.html

Mme Annie Le Houerou. - Cet amendement individualise le versement de l'AAH. La prise en compte des revenus du conjoint est source de difficultés, morales et financières.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - Le Gouvernement a aligné les règles de prise en compte du revenu du couple sur celles qui prévalent pour le RSA. Nous sommes opposés à ce coup de rabot qui permet d'économiser 287 millions d'euros par an entre 2020 et 2022 et concerne 14 % des allocataires. Un amendement de crédits ne peut à lui seul faire entrer en vigueur une telle mesure. Retrait ou avis défavorable, en cohérence avec le vote du Sénat fin 2018. J'aimerais toutefois que le Gouvernement précise le montant de la dépense proposée.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État. - Le calcul de l'AAH tient compte de l'ensemble des ressources du foyer. Il y a un abattement de 20 % sur les revenus du conjoint et un plafond de ressources supérieur aux autres minima sociaux. N'oubliez pas les cas de personnes en situation de handicap qui travaillent, contrairement à leur conjoint : 44 000 ménages seraient perdants en cas de déconjugalisation de l'AAH, et 9 250 perdraient complètement l'AAH.

Enfin, cette mesure coûterait 560 millions d'euros par an. Mieux vaut employer cette somme au bénéfice de l'insertion et du maintien dans l'emploi des personnes handicapées. Avis défavorable.

L'amendement n°841 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme le président. - Amendement n°II-845 rectifié bis, présenté par Mme Le Houerou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-845 rectifié bis transfère 122 125 001 euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » vers le programme « Inclusion sociale et protection des personnes ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-845.html

Mme Annie Le Houerou. - Cet amendement annule la baisse inexplicable de 120 millions d'euros des crédits de l'action Prime d'activité et autres dispositifs. Cette action finance le RSA jeunes actifs, seul dispositif à être ouvert aux moins de 25 ans.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - Cette baisse résulte uniquement des prévisions sur le nombre de bénéficiaires en raison de la hausse attendue du chômage en 2021. En tout état de cause, la prime d'activité et le RSA jeunes actifs sont des droits, nul ne pourra se voir refuser une allocation au motif que les crédits sont insuffisants. Laissons au Gouvernement la responsabilité de la sincérité de ses prévisions. Retrait ou avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Même avis.

L'amendement n°II-845 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme le président. - Amendement n°II-844 rectifié bis, présenté par Mme Le Houerou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I. - Créer le programme :

Création d'un revenu de base

II. - En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-844 rectifié bis transfère 100 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Inclusion sociale et protection des personnes » vers le nouveau programme « Création d'un revenu de base ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-844.html

Mme Annie Le Houerou. - Cet amendement instaure un revenu minimum jeunesse dès l'âge de 18 ans. Nombre de jeunes sont en grande difficulté, qu'ils soient en études ou en emploi.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - C'est un vaste débat de société...

L'avis de la commission des finances était déjà défavorable dans la mission « Plan de relance ». Nous le maintenons.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - D'autres dispositifs existent pour les moins de 25 ans, comme la prime d'activité, dont le montant augmente, ou la garantie Jeunes, dont le Premier ministre a annoncé l'extension à 200 000 jeunes en 2021, soit un doublement.

Une aide supplémentaire de 150 euros a, en outre, été versée aux bénéficiaires d'APL et aux étudiants boursiers. Ce n'est pas en ouvrant le RSA aux jeunes que nous lutterons efficacement contre la précarité. Avis défavorable.

L'amendement n°II-844 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme le président. - Amendement n°II-43, présenté par M. Sol, au nom de la commission des affaires sociales.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-43 transfère 42 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » vers le programme « Inclusion sociale et protection des personnes ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-43.html

M. Jean Sol, rapporteur pour avis. - L'arrivée continue sur le territoire de personnes se présentant comme mineurs non accompagnés pose un problème financier.

Bien que relevant des départements, la prise en charge des mineurs non accompagnés doit être précédée d'une étude de leur minorité. Cette première phase, de plusieurs semaines, pèse sur les départements, et 15 à 20 % de ces mineurs sont pris en charge par l'ASE. Or les crédits reculent de 26 % par rapport à 2020.

La participation de l'État baisse tant pour la mise à l'abri que pour l'évaluation de la minorité ; elle est conditionnée à la signature par le président du conseil départemental d'une convention avec le préfet. Le mode de calcul de la contribution exceptionnelle de l'État aux dépenses supplémentaires de base conduit à la contraction inexorable de son montant, qui passe de 47 millions à 17 millions d'euros en 2020.

Pourtant, la France s'est engagée à accueillir des jeunes migrants passés par la Grèce, dans le cadre d'un programme européen. Les départements reçoivent 1 000 euros de l'État et 4 000 euros de l'Union européenne, ce qui ne suffit pas à compenser la charge.

Cet amendement abonde de 42 millions le programme 304 afin de maintenir au niveau de 2020 les crédits dédiés à la participation de l'État à la prise en charge des mineurs non accompagnés.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - Nous déplorons l'attrition, d'année en année, du soutien de l'État aux départements en la matière. Cet amendement est bienvenu.

Le Gouvernement justifie la baisse des crédits par une réduction des flux de nouveaux arrivants, mais les départements contestent la méthode de décompte. La participation de l'État ne concerne que la mise à l'abri et l'évaluation de la minorité, soit une faible part de la dépense.

Le coût des mineurs non accompagnés est de 2 milliards d'euros, dix fois plus qu'en 2011. L'État doit prendre sa part. Les problèmes posés par les mineurs non accompagnés, notamment de délinquance, relèvent des compétences régaliennes de l'État. Avis favorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Les crédits du PLF 2021 pour la prise en charge des mineurs non accompagnés sont réduits de 42 millions d'euros. Les flux de jeunes migrants ont très sensiblement baissé en 2020, dans un contexte de crise sanitaire et de fermeture des frontières. Une baisse était déjà observée en 2019 ; le pic des arrivées se situe en 2018. À ce jour, on compte 8 437 jeunes reconnus mineurs en 2020, à comparer aux 40 000 demandes d'évaluation et aux 17 000 reconnaissances de minorité en 2018.

Le budget 2020 avait été établi dans un contexte tendanciel à la hausse, avec une augmentation des crédits de 15 %. Nous adaptons les prévisions budgétaires à la nouvelle réalité.

Les barèmes de financement par l'État restent inchangés, et l'engagement de l'État aux côtés des départements ne faillit pas. Les 100 euros pour le bilan de santé, les 90 euros par jour pendant quatorze jours et les 20 euros ensuite ont été validés avec l'ADF.

La clé de répartition a été fixée selon la démographie, en fonction du nombre de jeunes de moins de 19 ans présents dans le département. À la demande du président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, nous l'avons modifiée par voie réglementaire pour intégrer la population générale. Si vous souhaitez intégrer les critères socio-économiques, ce à quoi nous sommes favorables, il faut en passer par la loi.

Ce ne sont pas 30 départements mais 19 qui utilisent le fichier d'appui à l'évaluation de minorité (AEM). Cela évite le nomadisme administratif, qui conduirait l'État à rembourser deux fois l'évaluation. Grâce à l'AEM, le nombre d'évaluations a baissé de 20 à 30 %. L'AEM a aussi un effet protecteur pour des jeunes évalués comme mineurs dans un département et envoyés par la clé de répartition dans un autre, où l'on refuse de les reconnaître comme mineurs. Avis défavorable.

Mme Laurence Rossignol. - Je comprends l'argumentaire du ministre : c'est mécanique. Quand le nombre de mineurs non accompagnés baisse, le budget prévisionnel aussi. N'ayant pas tout dépensé en 2020, vous alignez le budget 2021 sur le niveau de dépenses de 2020 - ou bien anticipez-vous une nouvelle baisse ?

Nous ne parlons de la protection de l'enfance que par le prisme des mineurs non accompagnés, mais ils représentent une toute petite partie des mineurs protégés. Non, les mineurs non accompagnés ne posent pas plus de problèmes que les autres. Ils ne sont pas plus délinquants que les autres, mais souvent plus matures, plus autonomes, avec une forte envie d'insertion et de travail.

Il faut que l'État accompagne les départements. Les choses n'allaient pas bien quand j'étais ministre, elles ne se sont pas améliorées.

Enfin, comme l'a rappelé la Cour des comptes, il est temps que l'État contribue à la prise en charge des mesures en faveur des jeunes majeurs.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Il faut bien gager les amendements. Ce doit donc être sur le handicap ou sur l'égalité femmes-hommes. Or ces politiques ont aussi des besoins. Dommage de ne pas aller chercher l'argent là où il est - dans la poche des riches.

Les départements sont dépassés par la situation des mineurs isolés. Dans le Pas-de-Calais, il y a plus de 7 000 enfants placés. Or quand la situation sociale s'aggrave, leur nombre explose. Il faut des mesures fortes de l'État en faveur des départements. Ces jeunes sont dans une situation d'extrême souffrance. La semaine dernière, 27 jeunes sur 29 ont été testés positifs dans un foyer du Pas-de-Calais.

M. Daniel Chasseing. - Je voterai cet amendement. Le prix de journée à l'ASE ou en maison d'enfants à caractère social (MECS) est estimé à 200 euros. Voyez ce que cela donne multiplié par dix mille...

L'État aurait au moins pu maintenir son budget de 160 millions d'euros. Certains départements peinent à mettre en place des contrats jeune majeur : il faut les aider sans quoi les intéressés, qui avaient démarré une formation, se retrouvent dans la nature.

M. Pascal Savoldelli. - Les capacités d'accueil sont saturées. Vous avez évoqué le nomadisme - celui de l'évasion fiscale nous préoccupe plus. Le registre civil français est différent de celui d'autres pays. Certains jeunes sont en situation de faire valider chez nous leur minorité parce que les réseaux mafieux les orientent. À l'État de se mobiliser contre ces réseaux. J'ai des chiffres sur leurs tarifs !

Il est vrai que des départements peuvent avoir des problèmes différents. Il faut, comme pour les demandeurs d'asile, protéger les mineurs en phase de recours : c'est à l'État d'assurer cette protection.

Mme Élisabeth Doineau. - Les départements manquent de moyens depuis longtemps pour la protection de l'enfance ; le fonds n'a pas été abondé au juste niveau depuis des dizaines d'années.

Sur les mineurs non accompagnés, le travail des préfectures - documents d'identification, instruction - s'améliore. Je salue ce progrès. Les mineurs isolés ne sont pas toujours hébergés en MECS. D'autres structures, comme les foyers Habitat jeunes, sont plus adaptées à leur profil. De nombreux départements se sont mobilisés pour les sortir des hôtels et c'est tant mieux, car ils ont besoin d'un accompagnement spécifique après un parcours toujours cruel et violent.

Dans mon département, nous signons plus de contrats jeune majeur avec les mineurs non accompagnés, qui ont souvent un projet d'insertion professionnelle et qui, comme stagiaires ou apprentis, réussissent très bien.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - Je voterai aussi cet amendement. La commission des finances, monsieur le ministre, n'a pas de position sur les fichiers. Comme président de département, j'en ai défendu l'usage mais ici, nous parlons du budget 2021 et des montants alloués.

Nous pouvons espérer une amélioration de la situation sanitaire, mais elle ira de pair avec une reprise des flux : il faut au moins maintenir les crédits !

Non, les départements ne sont pas « satisfaits », monsieur le ministre, ils sont fatigués : les restes à charge ne cessent d'augmenter pour les RSA comme pour les mineurs non accompagnés. Dans mon département, les DMTO ont permis de trouver un équilibre financier cette année, mais la fatigue des départements confine à la résignation...

Il est vrai que les mineurs non accompagnés étaient souvent plus autonomes dans le passé, mais ils sont désormais de plus en plus jeunes, amenés par des filières. Ce sont parfois des enfants des rues en provenance du Maghreb, ils sont en grande difficulté, abîmés, cassés par des addictions. On ne vous demande que 42 malheureux millions pour envoyer un message aux départements.

M. Jean Sol, rapporteur pour avis. - Le flux de mineurs non accompagnés a diminué de 1,5 % en 2019, mais il faut aussi tenir compte du stock.

M. Michel Savin. - Très bien. (M. le rapporteur général renchérit.)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Je ne dis pas que les départements sont satisfaits, je les connais bien et j'ai conscience de la situation. Nous allons travailler ensemble sur la protection de l'enfance et les mineurs non accompagnés. Le temps manque, j'aurais voulu vous parler de la circulaire adressée aux préfets pour anticiper le devenir des jeunes dès leurs 17 ans.

Vous avez voté l'interdiction des sorties de l'ASE pendant la crise sanitaire et le prolongement de leur prise en charge. Par ailleurs, 20 millions d'euros sont consacrés à la prévention des sorties sèches.

Madame Rossignol, je vais me tourner vers les services pour répondre à votre demande de précision sur le montant inscrit.

Enfin, le gage priverait les ARS de 42 millions d'euros. D'où un avis défavorable.

L'amendement n°II-43 est adopté.

Mme le président. - Amendement n°II-840 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-840 rectifié transfère 40 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » vers le programme « Égalité entre les femmes et les hommes ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-840.html

Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement double le budget alloué à la lutte contre les violences conjugales.

L'Espagne consacre 15 euros par habitant à cette politique ; la France seulement 5 euros. Nous pourrions nous donner pour objectif de tripler ce montant.

Certes, le programme 137 augmente de 11 millions d'euros, mais surtout pour la prévention de la récidive des auteurs, qui devrait plutôt être financée sur le budget de la Justice.

Les associations évaluent à 8 % leurs frais couverts par l'État. Elles sont contraintes de licencier des éducateurs. Or il ne faut pas financer seulement l'hébergement des victimes, mais aussi leur réinsertion.

Mme le président. - Amendement n°II-842 rectifié, présenté par Mme Le Houerou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-842 rectifié transfère 11 114 911 euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » vers le programme « Handicap et dépendance ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-842.html

Mme Annie Le Houerou. - Défendu. Nous avons dû gager la hausse, mais bien sûr nous ne souhaitons pas la diminution des crédits des politiques sanitaires et sociales...

Mme le président. - Amendement n°II-846 rectifié, présenté par Mme Le Houerou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-846 rectifié transfère 8 125 079 euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » vers le programme « Inclusion sociale et protection des personnes ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-846.html

Mme Annie Le Houerou. - Cet amendement annule la baisse de plus de 8 millions d'euros prévue pour les crédits dédiés à l'aide alimentaire. La crise sociale se poursuivra en 2021.

Mme le président. - Amendement n°II-940, présenté par Mme Poncet Monge, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-940 diminue de 5 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales », pour augmenter de 4 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, le programme « Inclusion sociale et protection des personnes » et de 1 million d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, le programme « Égalité entre les femmes et les hommes ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-940.html

Mme Raymonde Poncet Monge. - La précarité liée aux règles est un sujet de plus en plus documenté, mais peu abordé par les politiques publiques en France. Faute de moyens, beaucoup de femmes ne peuvent se procurer des protections périodiques. En 2019, l'IFOP estimait à 1,7 million le nombre des femmes concernées.

Après en être passée par l'expérimentation, l'Écosse est devenue récemment le premier pays au monde à rendre gratuites les protections périodiques. En 2019, notre collègue Patricia Schillinger rendait un rapport sur le sujet et recommandait d'expérimenter la libre distribution Cet amendement étend dès 2021 l'expérimentation à de nouveaux territoires et prévoit qu'elle devra s'appuyer à la fois sur des centres sociaux, des CCAS ou encore des établissements d'enseignement. Cinq millions d'euros sont nécessaires.

Mme le président. - Amendement n°II-941, présenté par Mme Poncet Monge, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-941 transfère 3 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » vers le programme « Égalité entre les femmes et les hommes ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-941.html

Mme Raymonde Poncet Monge. - Repli. L'amendement crée un fonds de soutien à l'expérimentation doté de 3 millions d'euros.

Mme le président. - Amendement n°II-839 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-839 rectifié transfère 850 000 euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » vers le programme « Égalité entre les femmes et les hommes ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-839.html

Mme Laurence Rossignol. - Le montant de l'aide financière pour l'insertion sociale et professionnelle (AFIS) destinée aux personnes en parcours de sortie de la prostitution est fixé à 330 euros mensuels. C'est insuffisant pour vivre, donc peu incitatif, quel que soit l'état de misère et de violence dans lequel vivent les intéressées.

Cet amendement revalorise le montant de l'AFIS à 564 euros par mois, soit le montant du RSA.

Mme le président. - Amendement n°II-838 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-838 rectifié transfère 500 000 euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » vers le programme « Égalité entre les femmes et les hommes ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-838.html

Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement crée un Observatoire des féminicides. Nous manquons de connaissances sur le phénomène. Le Gouvernement a supprimé l'an dernier l'Observatoire national des violences, dans un grand mouvement de liquidation d'organismes pourtant intéressants. Pour avoir les chiffres, nous devons nous référer au compte Twitter « Féminicides par compagnons ou ex ».

Mme le président. - Amendement n°II-942, présenté par Mme Poncet Monge, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-942 transfère 80 000 euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » vers le programme « Inclusion sociale et protection des personnes ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-942.html

Mme Raymonde Poncet Monge. - La Cour des comptes relevait dans un récent rapport les écarts de prix injustifiés des protections périodiques en prison par rapport aux prix de la grande distribution.

Alors que les détenues sont dans une situation financière précaire, ce surplus tarifaire les conduit a? se mettre en danger médicalement faute d'avoir accès a? des protections et des soins hygiéniques.

Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) estime que ne pas fournir ces produits aux femmes détenues peut s'apparenter à un traitement dégradant. Notre amendement garantit aux femmes écrouées le libre accès à des protections périodiques et alloue les fonds nécessaires : 80 000 euros annuels.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - Sur l'amendement n°II-840 rectifié, le programme 137 représente une faible part des crédits de la mission. Les crédits en faveur des femmes augmentent de 37 % en 2021, ce dont nous nous réjouissons. Les doubler pose la question de la bonne utilisation des budgets. L'hébergement et l'accueil sont financés sur une autre mission. Retrait ou avis défavorable.

Sur l'amendement n°II-842 rectifié, il faut rappeler que la baisse apparente résulte d'un effet de périmètre. En réalité, les crédits augmentent de 260 millions d'euros et l'AAH est un droit, elle ne relève pas d'une enveloppe fermée. Retrait ou avis défavorable.

Sur l'amendement n°II-846 rectifié, là aussi, la baisse est seulement apparente : les moyens pour l'aide alimentaire vont augmenter en 2021. Il faut cependant surveiller l'effectivité des crédits. Retrait ?

À l'amendement n°II-940, comment se contenter de reconduire le budget ? Sagesse. À l'amendement n°II-941, demande de retrait.

L'allocation pour sortir de la prostitution est de 330 euros, contre 556 euros pour le RSA. C'est une somme insuffisante pour vivre dignement. Pourquoi ne pas faire un effort similaire à celui que les départements font sur le RSA ? Avis favorable à l'amendement n°II-839 rectifié.

Demande de retrait de l'amendement n°II-838 rectifié car il ne semble pas utile de dupliquer l'Observatoire national des violences faites aux femmes.

Avis favorable au n°II-942, il est inacceptable que les protections périodiques soient vendues plus cher en prison qu'à l'extérieur, sauf si le Gouvernement nous démontre que cette idée est erronée.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État. - Tous les avis sont défavorables.

Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances. - La demande d'un doublement des crédits par l'amendement n°II-840 rectifié ne semble pas prendre en compte l'augmentation déjà très importante de ce budget, de 40 % soit 11,3 millions d'euros supplémentaires.

Cette augmentation sans précédent financera les mesures issues du Grenelle des violences conjugales : création de 17 centres de prise en charge des auteurs ; élargissement des plages d'ouverture de la plateforme nationale 39 19 - qui n'est ouverte que de 9 h à 22 h en semaine et de 9 h à 19 h le week-end dans l'hexagone, ce qui exclut l'outre-mer - et de l'accessibilité aux personnes en situation de handicap, malentendantes ou aphasiques ; renforcement de notre appui aux associations sur tout le territoire ; financement d'actions pour améliorer la situation professionnelle des femmes victimes, donc leur autonomie.

Des actions complémentaires en matière d'égalité entre les femmes et les hommes sont portées par d'autres ministères comme ceux de la Justice, de l'Environnement, de la Santé, de l'Éducation... Tout n'est pas dans le programme 137. (Mme la ministre se rassied au banc du Gouvernement.)

Mme Laurence Rossignol. - Et les autres amendements ?

Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. - Je suis disposée à répondre...

Mme le président. - Dès lors qu'ils sont en discussion commune, il est d'usage que vous donniez l'avis du Gouvernement sur toute la série des amendements. Ensuite, je les mettrai aux voix.

Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. - Soit !

Le budget de l'aide alimentaire n'a pas été réduit ; seule la budgétisation des pénalités imposées par les autorités d'audit, à l'occasion de nos demandes de remboursement à l'Union européenne, diminue. C'est un sujet un peu technique mais qui correspond à un enjeu de saine gestion des finances publiques.

Dans le plan de relance, il est prévu de soutenir les associations d'aide alimentaire à hauteur de 100 millions d'euros sur deux ans. À quoi s'ajoute le plan de soutien au développement des projets locaux, pour l'accès aux produits frais, 30 millions d'euros ; et le plan de soutien, par la création de tiers-lieux alimentaires, 10 millions d'euros. Les crédits européens pour l'aide alimentaire augmentent de 48 % sur 2021-2027, à 860 millions d'euros, avec de premières livraisons de denrées au printemps prochain. Retrait de l'amendement n°II-846 car il est satisfait. Sinon, avis défavorable.

Nous soutenons les associations qui distribuent gratuitement des protections hygiéniques. Une expérimentation dans les établissements pénitentiaires est en cours. Elle sera élargie aux établissements scolaires. Les financements sont pérennisés. Les associations continueront de bénéficier du soutien de l'État et auront accès aux appels à projets de France Relance, à hauteur de deux fois 50 millions d'euros sur les deux prochaines années. Vos amendements nosII-940, II-941 et II-942 sont donc satisfaits. Retrait ou avis défavorable.

Quant à l'amendement n°II-839 rectifié, l'AFIS bénéficie à des femmes en situation très difficile. Le montant a été fixé par rapport à l'allocation des demandeurs d'asile. Les bénéficiaires peuvent obtenir également un logement, ce qui explique la différence avec le RSA. Les personnes concernées recevront l'aide exceptionnelle de solidarité de 150 euros, déjà accordée aux jeunes modestes, dès le mois de décembre. Avis défavorable.

Créer un nouvel observatoire ? La délégation aux victimes, commune à la gendarmerie nationale et la police nationale, se charge déjà de dresser un bilan très précis à partir des données des services d'enquête. Une étude nationale sur les morts violentes au sein des couples a été rendue publique le 17 août dernier, elle recensait 146 femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint.

L'Observatoire de la délinquance et des réponses pénales a changé de nom ; mais il n'y a pas eu dans le passé d'observatoire des violences faites aux femmes.

L'enquête Virage sur les violences et rapports de genre, financée par mon ministère, améliore la compréhension des phénomènes de violence. En effet, il est absolument essentiel de comprendre les féminicides pour mieux les éviter. C'est une des mesures du Grenelle : produire une analyse après chaque féminicide afin d'identifier tout ce qu'il est possible de faire pour prévenir ces actes. Il ne serait donc pas opportun de créer un nouvel organe. Avis défavorable à l'amendement n°II-838.

L'amendement n°II-840 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nosII-842 rectifié et II-846 rectifié.

L'amendement n°II-940 est adopté.

L'amendement n°II-941 n'a plus d'objet.

L'amendement n°II-839 rectifié est adopté.

L'amendement n°II-838-rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°II-942 est adopté.

Mme le président. - Amendement n°II-939, présenté par Mme Poncet Monge, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-939 transfère 1 million d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Inclusion sociale et protection des personnes » vers le programme « Égalité entre les femmes et les hommes ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-939.html

Mme Raymonde Poncet Monge. - Le Gouvernement a annoncé l'ouverture d'un marché public pour déployer 24 heures sur 24 une plateforme d'écoute pour les femmes victimes de violence. Cette décision revient à ouvrir à la concurrence la plateforme existante. Or ce numéro historique est connu et reconnu. On risque de déstabiliser un réseau très efficace. La qualité et le temps d'écoute risquent d'en pâtir.

Une pétition en ligne a déjà récolté plus de 60 000 signatures contre cette démarche destructrice.

Le Gouvernement a pourtant annoncé que la lutte contre les violences faites aux femmes est une priorité nationale... Pourquoi ne pas préférer un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens ? L'amendement prévoit 1 million d'euros pour élargir les horaires de fonctionnement.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - Il me semble que c'est un amendement d'appel, satisfait par les annonces du Gouvernement, notamment en ce qui concerne l'outre-mer. Nous comprenons l'inquiétude de l'association gestionnaire mais le cahier des charges du marché public prendra en compte l'expérience et l'expertise des candidats. Il n'y a aucune raison que la Fondation nationale Solidarité Femmes ne remporte pas le marché, si elle répond aux critères. Retrait ou avis défavorable.

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. - L'une des recommandations du Grenelle des violences conjugales était que le 3919 soit accessible à toutes les femmes, sur tout le territoire français y compris outre-mer, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, ainsi qu'aux personnes en situation de handicap. C'est bien l'intention du Gouvernement. Ce service est financé à 100 % par l'État.

La mise en concurrence ne vise pas à faire des économies. La Fondation nationale Solidarité Femmes mène un travail remarquable sur le terrain. J'ai décidé de lancer un marché économique et solidaire afin que le candidat retenu ait en la matière une réelle expertise, des compétences et une expérience. Nous devons la plus grande qualité d'écoute aux femmes.

L'amendement n°II-939 n'est pas adopté.

Mme le président. - Amendement n°II-909, présenté par le Gouvernement.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

[L'amendement n°II-909 transfère 94 380 euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Inclusion sociale et protection des personnes » vers le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales ».]

http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-909.html

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. - Cet amendement supprime la hausse de crédits du programme 304 décidée en première lecture à l'Assemblée nationale, au titre de l'ouverture du droit à l'aide exceptionnelle de solidarité (AES) aux bénéficiaires de l'AFIS. L'aide, je l'ai dit, sera versée dès décembre 2020 et il n'y a pas lieu de prévoir plus de crédits en 2021.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - La commission des finances considère qu'une nouvelle AES sera nécessaire en 2021 : nous préférons maintenir les crédits. Avis défavorable.

L'amendement n°II-909 n'est pas adopté.

Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », modifiés, sont adoptés.

L'article 68 est adopté, de même que l'article 69.

Article additionnel après l'article 69

Mme le président. - Amendement n°II-885, présenté par Mmes Le Houerou, Rossignol et Lubin, MM. Féraud et Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier et Mmes Meunier et Poumirol.

Après l'article 69

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au plus tard trois mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'avenir du 3919, la ligne d'écoute nationale Violences Femmes Info, et le niveau de subventions publiques nécessaires pour ?nancer l'extension des horaires d'écoute via un nouveau contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens.

Mme Annie Le Houerou. - Difficile de comprendre la mise en concurrence, alors que le 3919 est la propriété de la FNSF, dont le réseau est très efficace, comme vous l'avez souligné.

L'amendement demande un rapport au Gouvernement sur l'avenir du 3919. Nous souhaitons que cette fédération conclue avec l'État un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - Retrait ou avis défavorable.

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. - J'ai présenté la démarche du Gouvernement pour renforcer l'écoute des femmes. Ce rapport me semble sans objet. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°II-885 n'est pas adopté.

CULTURE

M. Vincent Éblé, rapporteur spécial de la commission des finances . - Le programme 175 « Patrimoines » devrait être doté de 1,16 milliard d'euros en crédits de paiement, en hausse de 4,6 % par rapport à 2020. S'ajoutent 344,7 millions d'euros du plan de relance pour l'investissement culturel et l'emploi. Cela représente 34 % de crédits supplémentaires pour le programme 175.

En outre, 231,7 millions d'euros sont fléchés vers le réarmement budgétaire des établissements du patrimoine. Cette aide a vocation à renflouer les opérateurs, à réduire leur dette et à favoriser le rebond de leurs investissements pour relancer l'activité. En mai 2020, les pertes cumulées des opérateurs étaient estimées à 251,94 millions d'euros. Ce chiffre doit toutefois être réévalué car les opérateurs ont subi les contraintes du déconfinement, du couvre-feu et du second confinement.

La crise remet en cause le choix du Gouvernement de diminuer les subventions des opérateurs pour les inciter à trouver des ressources propres. Les grandes entreprises risquent de réduire leur budget de mécénat ou réorienter les dons vers des causes sanitaires et sociales. L'initiative du Gouvernement risque d'être insuffisante pour permettre aux opérateurs de retrouver les marges financières d'avant la crise. La direction générale des patrimoines prévoit un retour à la normale en 2023, mais le Louvre craint une cessation de paiements en 2022.

Le PLF témoigne d'un réel soutien aux collectivités territoriales. Les crédits d'entretien et de restauration des bâtiments n'appartenant pas à l'État augmentent de 5 millions d'euros. Les musées territoriaux bénéficieront de 10 millions d'euros supplémentaires et les archives territoriales d'une majoration de de 3 millions d'euros.

Mais nous aurions souhaité des mesures spécifiques pour les propriétaires privés, fragilisés par la réforme du régime fiscal du mécénat et l'absence de revalorisation du Malraux pour les centres-villes.

Nous saluons la montée en puissance du plan Cathédrale, mais regrettons l'absence de financement public des travaux de conservation et de restauration de Notre-Dame de Paris. Nonobstant la légère majoration de la dépense fiscale liée aux dons, les donateurs privés sont les seuls à soutenir les travaux, en contradiction avec les engagements du Gouvernement lors du vote de la loi du 29 juillet 2019.

Les missions « Culture » et « Plan de relance » permettent une accélération des grands chantiers, avec 120 millions d'euros de crédits supplémentaires. Nous serons vigilants sur l'exécution.

La mission « Culture » connaît une progression de 41 % des restes à payer par rapport à 2016, alors que la crise sanitaire est propice à l'allongement de la durée des chantiers.

Le programme 131 « Création » voit ses crédits augmenter de 4,5 % pour atteindre 862,3 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 177,9 millions d'euros du plan de relance. Une large partie des crédits servira à renflouer les opérateurs, pour 81,9 millions d'euros, mais des incertitudes pèsent sur la reprise de la saison culturelle. La progression de la dotation du programme 131 doit soutenir les résidences et les structures labellisées dans les domaines du spectacle vivant et des arts visuels. Elle est complétée par le plan de relance.

Le soutien à l'emploi est réaffirmé grâce au fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps) et le plan artistes-auteurs, destiné à améliorer leur situation économique et à renforcer leurs droits sociaux. Compte tenu de la crise sanitaire, ce plan a été réorienté afin de mieux prendre en compte la répartition de la valeur entre les différents acteurs dans le processus de création.

Sous réserve de ces observations, la commission des finances propose d'adopter les crédits de la mission.

M. Didier Rambaud, rapporteur spécial de la commission des finances . - Le montant des crédits de la mission, de 3,236 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3,209 milliards d'euros en crédits de paiement, est en nette progression par rapport au PLF 2020 : plus 8,38 % en crédits de paiements, 4,65 % hors mesures de périmètre.

Le financement public de la culture ne se résume pas pour autant à la mission « Culture » puisqu'avec les autres crédits budgétaires et les dépenses fiscales, ce sont au total 14,6 milliards d'euros qui lui sont consacrés en 2021.

La maquette budgétaire a évolué avec la création du nouveau programme 361 et la mise en place d'une délégation générale à la transmission et à l'éducation artistique et culturelle. Ces crédits relevaient auparavant du programme 224 « Transmission des savoirs ». Le nouveau programme reprend également les crédits affectés jusqu'alors au programme 186 « Recherche culturelle et culture scientifique », rattaché au ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur.

Le nouveau programme permet de scinder ce qui relève des politiques publiques et ce qui relève de la gestion quotidienne du ministère. Ces deux aspects étaient jusqu'alors fondus au sein du programme 224, ce qui facilitait les transferts entre des actions ne relevant pas de la même logique - chaque année, 12 millions d'euros étaient transférés de l'action n°2 à l'action n°7 pour financer des fonctions de soutien, sans autorisation par une loi de finances rectificative. La nouvelle maquette budgétaire va dans le sens d'une meilleure sincérité budgétaire.

Les crédits d'enseignement artistique et culturel du programme 361 augmentent de 3,56 % en 2021 ; ils seront complétés par le plan de relance qui prévoit 50 millions d'euros en crédits de paiement pour la rénovation des écoles d'architecture et de création et la modernisation de leurs outils informatiques.

L'insertion professionnelle des jeunes diplômés est érigée au rang de priorité. Nous serons attentifs à la situation des diplômés des écoles d'arts plastiques, la cible retenue pour 2019 n'ayant pas été atteinte, et la crise risquant de les fragiliser davantage.

Le programme 361 finance également le Pass culture, expérimenté depuis juin 2019 dans quatorze départements. L'application permet de disposer d'une enveloppe de 500 euros sur 24 mois pour choisir parmi un large choix de spectacles, visites, cours, livres... Au 30 novembre 2020, 115 000 comptes ont été ouverts, sur 135 000 personnes éligibles. La généralisation est prévue pour 2022. Une majoration des crédits de 20 millions d'euros en 2021 permettra d'atteindre 59 millions d'euros. Cet outil d'émancipation culturelle et de décloisonnement des pratiques se heurte cependant au défi de la sous-consommation des crédits, qui appelle à un déploiement plus rapide sur tout le territoire dès 2021.

Le programme 224 est doté de 752 millions d'euros en crédits de paiement dont 99 % sont fléchés vers les fonctions de soutien. Quelque 7 millions d'euros de crédits supplémentaires iront au plan pluriannuel de transformation numérique du ministère. Le rattrapage était indispensable.

La masse salariale du ministère s'élève à 479 millions d'euros, en hausse de 3,2 %, dont 8 millions d'euros pour la revalorisation de la grille indemnitaire, essentielle pour maintenir l'attractivité et éviter les vacances de postes. Le ministère réalise cependant des économies avec le projet immobilier Camus.

La commission des finances vous invite à adopter les crédits de la mission.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Compte tenu des trois minutes qui m'échoient, mon rapport sera impressionniste, voire tachiste. (Sourires) Le budget consacré au patrimoine et aux musées, hors plan de relance, passe pour la première fois la barre symbolique du milliard d'euros, je m'en réjouis.

La crise du patrimoine et des musées est exceptionnelle. L'année 2020 sera noire : moins 82 % de fréquentation à Versailles, moins 71 % au Louvre. Les appels d'offres aux entreprises spécialisées dans la restauration du patrimoine se sont réduits. Les recettes du mécénat se sont raréfiées, mais l'État a su faire face.

La moitié des crédits du plan de relance accompagneront les grands opérateurs comme Le Louvre, le musée du Quai Branly, le Centre des monuments nationaux, Versailles... Cela se justifie car l'État leur avait demandé d'accroître leurs ressources propres.

La restauration du patrimoine est un sujet important, car faute de commandes, les entreprises risquent de perdre des savoir-faire. Je regrette que les monuments historiques appartenant à des propriétaires privés et aux collectivités ne bénéficient pas davantage du plan de relance. Il faudra augmenter le taux de subvention, aider à l'entretien ou à la maîtrise d'ouvrage.

La commission de la culture a donné un avis favorable à l'adoption des crédits. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE)

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La crise sanitaire a révélé la grande fragilité des acteurs culturels, et notamment de la création. Ils traversent une crise d'une gravité sans précédent.

La commission de la culture salue la réactivité de l'État et des collectivités territoriales, mais les inquiétudes ne sont pas dissipées.

La diversité artistique pourrait être mise en danger par l'accentuation des phénomènes de concentration. Des incertitudes demeurent quant à la durée de la crise et à la capacité de financement des collectivités territoriales. Outre la réouverture des établissements prévue le 15 décembre, le montant important des crédits pour la création est particulièrement bienvenu.

J'espère que les moyens alloués à la culture dans le plan de relance ne seront pas remis en cause. Nous serons vigilants sur la réalisation concrète des projets et leur évaluation. Beaucoup de ceux qui sont exclus du bénéfice de l'activité partielle se retrouvent en difficulté. Ne négligeons pas le rôle joué par les associations culturelles et les tiers lieux dans la diffusion et la transmission de la culture au niveau local ; aidons la filière des arts visuels à se structurer ; mettons en place une organisation territoriale opérationnelle permettant d'associer les collectivités territoriales et les DRAC à la relance. La transmission des savoirs et la démocratisation sont importantes pour que la culture irrigue la société.

Nous saluons les efforts d'investissement en faveur des écoles de l'enseignement supérieur de la culture. Pourquoi les crédits de recherche stagnent-ils ? La réforme de 2018 sur les écoles nationales d'architecture doit être mise en place.

Le Sénat, ce matin, a voté des crédits pour créer quinze postes au sein de la mission « Enseignement supérieur et recherche ». Madame la ministre, veillez à ce qu'ils survivent à la navette parlementaire !

La question du statut des écoles d'art territoriales devra être traitée.

Nous demandons une évaluation du Pass culture qui ne saurait résumer toute la politique d'éducation artistique et culturelle (EAC).

La commission de la culture a émis un avis favorable à l'adoption des crédits.

M. Thomas Dossus . - Le budget de la culture est en hausse : réjouissons-nous. La culture est une dimension essentielle de la relance et du monde d'après. Mais il faut d'abord sauver le monde d'aujourd'hui. Le monde de la création aurait pu s'effondrer. Mais les amortisseurs sociaux, les dispositifs exceptionnels comme les prêts garantis par l'État (PGE), le chômage partiel, l'année blanche pour les intermittents ont maintenu à flot la plupart des acteurs culturels, et préservé l'exception culturelle française.

Toutefois, l'incertitude est extrême et chacun retient son souffle. La crise a révélé les inégalités et amplifié tant les atouts que les travers de la politique culturelle. Nous sommes à la croisée des chemins, et verrons se confirmer soit la richesse de notre offre culturelle, soit la fin d'un modèle.

Le budget du patrimoine - 1 milliard d'euros pour 2021, un effort sans précédent - maintient et enrichit un savoir-faire non délocalisable, mais ce sont des grandes institutions et les monuments franciliens qui en bénéficient principalement. Les transferts aux collectivités locales diminuent de 20 millions d'euros. Cette vision trop centralisatrice n'est pas celle des écologistes.

Les 880 millions d'euros du programme « Création », en hausse de 3,8 %, auraient dû favoriser l'émergence d'un nouveau modèle culturel. Or ici encore, la centralisation est accentuée : plus on s'éloigne de Paris, plus les structures sont fragiles.

En outre, le ministère a une vision très labellisée et de nombreuses petites structures associatives risquent de disparaître.

En France, seuls 170 festivals sur 6 000 sont aidés par le ministère, en raison de la méconnaissance de ces deux mondes, celui des politiques culturelles et celui des réalités pratiques. Espérons que la deuxième édition des États généraux des festivals lors du printemps de Bourges sera positive.

Depuis plusieurs années, de grands groupes rachètent ou prennent des participations dans un ensemble de festivals : ils représentent 14 % des festivals mais 88 % de la billetterie. Cela doit nous alerter.

Si nous saluons l'effort réel, ce budget reste plutôt conservateur. Le GEST le votera toutefois, en espérant une attention particulière vis-à-vis de nos amendements.