Modification de la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique tendant à modifier le II de l'article 43 de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, présentée par Mme Lana Tetuanui et M. Teva Rohfritsch.

Ce texte a fait l'objet d'une consultation de l'Assemblée de la Polynésie française.

Discussion générale

Mme Lana Tetuanui, auteure de la proposition de loi organique .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI ; Mme Isabelle Florennes applaudit également.) Je salue tous ceux qui nous suivent depuis le Fenua.

Je remercie le président du Sénat et tous les présidents de groupe d'avoir inscrit ce texte à notre ordre du jour.

Cette modification de la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française donne la possibilité aux maires des 48 communes et 98 communes associées d'intervenir s'ils le souhaitent - chaque mot est important - dans certains domaines relevant de la collectivité.

Si la possibilité pour les communes d'intervenir dans ces domaines requiert une loi du pays, rien n'a été fait depuis 2004, comme l'ont montré les rapports du Sénat et comme nous l'avons dénoncé lors du dernier congrès de nos communes.

Il a fallu de la volonté, de la détermination et de l'audace pour faire bouger les lignes et sécuriser l'action de nos tavana.

Il n'est pas question d'un transfert de compétences, encore moins de moyens, mais de la volonté du pays, de l'État et des communes d'avancer ensemble. La clause générale de compétence en Polynésie française ne produit que des effets limités.

Cette réforme est soutenue par 47 des 48 maires -  cherchez l'erreur... La commission des institutions de la Polynésie française a émis un avis favorable le 16 avril dernier, mais c'était sans compter sur les manoeuvres du leader indépendantiste !

Une nouvelle rédaction prévoit que les communes pourront intervenir si elles le souhaitent, mais qu'elles devront en informer les autorités du pays et de l'État. Un amendement du rapporteur répond aux souhaits exprimés en Polynésie française -  j'y souscris pleinement.

J'espère que personne ne cédera aux manoeuvres politiciennes ni aux caprices de certains. Je plaide pour plus de considération pour les maires de Polynésie, qui doivent cesser d'être les victimes de marchandages politiques. Nous devons tous voter, à l'unanimité, cette proposition de modification. (Applaudissements)

M. Teva Rohfritsch, auteur de la proposition de loi organique .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous vous soumettons avec force et conviction une proposition de loi organique très attendue par nos maires de Polynésie, nos tavana, pour que nos communes puissent enfin répondre efficacement aux besoins des habitants dans les domaines autres que l'eau, l'assainissement et le traitement des déchets ménagers.

En Polynésie française, la clause générale de compétence a été attribuée au pays, pas aux communes. Depuis l'adoption de la loi organique de 2004, les communes doivent être expressément et préalablement habilitées par une loi du pays, selon un mécanisme lourd, qui n'a été mobilisé que trois fois en vingt ans -  c'est maigre. Vers qui se sont tournés les Polynésiens en plein chaos du covid ? Les maires.

Il s'agit d'un verrou institutionnel, qui pose la question de la libre administration de nos collectivités. Or nos communes sont le seul maillon visible entre nos concitoyens et la République.

Nos îles sont paradisiaques, mais isolées par l'océan sur 5 millions de kilomètres carrés. La résilience y est un défi quotidien. Nous subissons la vie chère et la carence des services publics. C'est vers les tavana que se tournent nos administrés.

Or un maire ne peut pas venir en aide à ceux qui font vivre l'île - artisans, perliculteurs, pêcheurs, etc. Les tavana sont bien seuls. Ils agissent sans cadre, sans filet et sans moyens, pour répondre aux urgences : réunir des artisans sous un abri de fortune pour vendre des produits locaux, nettoyer une plage, agir contre le réchauffement du lagon... Ils prennent des risques évidents, notamment au plan pénal.

Merci à Mathieu Darnaud qui a enrichi le texte, en encourageant le dialogue entre collectivités, conformément à la demande du gouvernement de M. Brotherson.

Notre texte ne limite pas le champ d'intervention des autres institutions de la Polynésie française : il s'agit d'une simple habilitation à agir, dans le respect de la réglementation de l'État et du pays.

Cette évolution statutaire est soutenue par 47 maires sur 48, ainsi que par la commission des institutions de l'assemblée de la Polynésie française -  mais a divisé la majorité indépendantiste en séance plénière.

Nous devons laisser les tavana agir, conformément aux principes de différenciation et d'adaptation. Je sais votre bienveillance à l'égard de nos territoires lointains, mais bien ancrés dans la République. Nous vous invitons à voter ce texte. Le Sénat est la chambre des communes, mais aussi de tous nos tavana. M?uruuru ! (Applaudissements)

M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains) Depuis toujours, le Sénat -  grand conseil des communes de France, selon les mots de Gambetta  - fait résonner la voix de nos communes, de l'Hexagone et d'outre-mer. Je salue les auteurs de ce texte.

Proximité et agilité caractérisent nos communes. De nombreux travaux du Sénat -  notamment le rapport Bellurot-Benarroche-Durain  - ont souligné la nécessité, pour les communes de Polynésie, qui ne disposent pas de la clause de compétence générale, de pouvoir exercer certaines compétences.

Quel territoire plus que la Polynésie française, aussi vaste de l'Europe, a besoin de cette proximité ? Il faut donner aux tavana la possibilité de répondre à des problématiques différentes selon que l'on est à Tahiti ou aux Marquises. Il s'agit offrir plus d'agilité aux maires.

Le I de l'article 43 du statut de la Polynésie française liste les compétences des communes. C'est bien le pays qui dispose de la clause de compétence générale. Il semblait donc important de sécuriser les initiatives de nombreux maires polynésiens, sollicités par la population.

J'ai échangé avec l'ensemble des responsables politiques polynésiens. Tous ont souligné ce besoin de proximité. Il était donc nécessaire de modifier le II de l'article 43.

J'ai déposé un amendement pour établir le dialogue entre les communes et le pays sur l'exercice partagé des compétences.

Lana Tetuanui l'a dit à raison : les tavana ne demandent pas une décentralisation de compétences supplémentaires, mais simplement de pouvoir répondre à l'exigence de proximité.

Ce soir encore, faisons entendre la voix des tavana. En adoptant ce texte, nous ferons oeuvre utile pour les habitants de Polynésie française. (Applaudissements)

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer .  - La Polynésie française est un territoire unique au sein de la République, avec plus de 280 000 habitants, dans 48 communes et 118 îles, sur l'équivalent de la superficie de l'Union européenne ! Les attentes diffèrent selon que l'on habite aux Marquises ou aux Australes.

Le cadre institutionnel de la Polynésie française, fruit de la géographie et de l'histoire, est aussi unique. L'autonomie y est grande, avec de nombreux transferts de compétences en direction du pays.

Ce lundi, auditionné par une commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les conséquences des essais nucléaires en Polynésie française, j'ai rappelé que la France était redevable à la Polynésie française et aux Polynésiens.

Il n'y va pas en Polynésie française comme ailleurs. Il y faut parfois des règles singulières, pour mieux répondre aux besoins.

Je veux saluer le travail et la détermination des auteurs de la proposition de loi, deux sénateurs à l'écoute des maires polynésiens et engagés pour l'amélioration du droit en Polynésie française. Je salue aussi l'apport du rapporteur, qui a réussi une synthèse qui n'était pas évidente.

Les compétences des communes polynésiennes sont de création récente - 1971 pour la plupart. Aux termes de la loi organique de 2004, les communes - qui ne disposent pas de la clause générale de compétence, réservée au pays - ont neuf champs de compétences : voirie, collecte et traitement des déchets et des eaux usées, écoles du premier degré, etc. Elles peuvent aussi exercer d'autres compétences, mais seulement après une loi du pays. Or ce mécanisme ne fonctionne pas, en raison probablement de sa trop grande complexité - seulement trois fois en vingt ans, dont une fois pendant la pandémie de la covid.

Dans cet hémicycle plus qu'ailleurs, on sait que l'échelon communal est celui de la proximité et que les administrés en attendent beaucoup.

Alors que font les maires, face à la rigidité du cadre législatif ? Par devoir et responsabilité, ils exercent de facto des compétences relevant du pays - culture, action sociale, logement... - hors de tout cadre juridique sécurisé. L'article unique de cette proposition de loi organique vise donc à sécuriser l'action des communes.

Restaient à définir les meilleures modalités d'articulation entre le pays et les communes, afin de garantir la lisibilité et l'efficacité de l'action publique. La suppression de la condition d'une loi du pays a pu interroger sur la bonne articulation des compétences - l'avis défavorable de l'Assemblée de Polynésie du 24 avril dernier ne saurait être ignoré.

La commission a donc permis d'aboutir à un compromis : une commune ou un EPCI pourra exercer tout ou partie d'une compétence, à condition d'en informer les autorités du pays au moins six mois à l'avance. Ce sera le temps de l'écoute et de l'élaboration d'une éventuelle convention. Depuis 2019, l'obligation de transfert de moyens a été supprimée pour faciliter le partage des compétences, mais il faudra en reparler dans certains cas.

Toutes les communes n'exerceront pas les compétences de la même manière, mais n'est-ce pas déjà le cas ? Un jardin à la française, c'est très beau. Mais de bonnes institutions outre-mer, c'est un cadre qui laisse s'épanouir la diversité des territoires - c'est peut-être cela un jardin à la polynésienne... (Sourires) La triste uniformité qui nivelle par le bas ne répond à aucune attente, à aucun besoin.

Je fais confiance au rapporteur et à la sagesse du Sénat, mais aussi aux maires et au pays, pour trouver les solutions adaptées à chaque territoire. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes UC, SER et du RDSE)

M. Guy Benarroche .  - Cette proposition de loi organique est à l'image du travail de notre assemblée : attention aux territoires et concrétisation de nos travaux.

La Polynésie française propose le modèle le plus abouti - bien qu'inachevé - d'autonomie institutionnelle.

Cette proposition de loi organique reprend la proposition n°18 de notre rapport. Le pays est actuellement réticent à mettre en oeuvre l'article 43 que nous souhaitons modifier : en vingt ans, seules trois lois du pays ont été prises. Des communes exercent déjà de facto certaines de ces compétences de proximité, au prix d'un fort risque juridique.

Une convention facultative et l'information préalable du pays seront désormais prévues. C'est la reprise de la promesse inachevée de différenciation, portée par la loi 3DS. Il ne s'agit pas d'imposer de nouvelles compétences aux communes, mais de permettre à celles qui en ont envie ou besoin - et les moyens ! - de le faire, en coordination avec le pays.

Ce texte a reçu le soutien massif des maires et, dans un premier temps, de l'Assemblée de Polynésie. Mais, pour des raisons liées au contexte politique local, le président de la Polynésie française, Moetai Brotherson, et celui de l'Assemblée, Antony Géros, ont fait basculer le consensus. Je regrette de devoir voter en l'absence d'unanimité.

Je connais bien la Polynésie française, très beau, mais très vaste territoire. La centralisation excessive des décisions peut freiner le développement de certaines parties.

Le GEST, qui soutient l'échelon local et une action publique décentralisée, votera ce texte, qui permet de mieux protéger les élus locaux. (Applaudissements sur les travées du GEST, du RDPI, du RDSE et du groupe SER ; Mme Lana Tetuani applaudit également.)

M. Jérôme Durain .  - En avril 2024, avec François-Noël Buffet, Nadine Bellurot, Guy Benarroche et Philippe Bonnecarrère, bien encadrés par nos collègues Teva Rohfritsch et Lana Tetuani, nous nous sommes rendus en Polynésie française pour voir ce qui était susceptible d'être amélioré. Les tavana nous ont fait part, de façon touchante, de leurs réalités locales, différentes de celles de l'Hexagone.

Voici donc la proposition n°18 de notre rapport : faciliter l'action de proximité des communes dans certains champs de compétences du pays - économie, culture, aide sociale, sport, notamment.

Le système initialement prévu, avec ces fameuses lois du pays, aurait pu permettre une adaptation fine aux réalités locales, mais il n'a été utilisé qu'à trois reprises. Or une loi qui n'est pas appliquée est une mauvaise loi : il faut y revenir.

Le groupe SER défend ce texte, afin d'encourager l'action des communes en matière de cohésion sociale et de maillage territorial du service public.

Voté à l'unanimité en commission des lois, il a été heureusement enrichi par un amendement de notre rapporteur qui prévoit l'information préalable du pays. Ce texte, qui associe décision locale, information et éventuelle convention, nous semble abouti.

Ce n'est sans doute pas l'idéal, mais cette démarche des petits pas, projet par projet, contribuera à la confiance entre les communes et le pays. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST, du RDSE et du RDPI ; Mme Isabelle Florennes applaudit également.)

M. Pierre Médevielle .  - La Polynésie française, collectivité d'outre-mer au sens de l'article 74 de la Constitution, bénéficie d'une large autonomie : elle est en effet compétente dans tous les domaines, à l'exception de ceux expressément réservés à l'État - justice, droits civiques, politique étrangère et défense.

Les communes de Polynésie française sont confrontées à des difficultés similaires à celles de l'Hexagone, d'autant qu'elles ne bénéficient pas de la clause générale de compétence. Nos communes de l'Hexagone souffrent de la centralisation : alors, imaginez là-bas, dans un territoire vaste comme l'Europe -  mais dont la superficie des îles ne dépasse pas celle de la Corse !

Le vote d'une loi du pays est nécessaire pour intervenir dans des domaines tels que l'aide sociale, l'urbanisme, la culture ou le sport. Cela manque de souplesse. Or les communes de Polynésie française doivent agir pour répondre aux besoins de leur population. En l'absence de loi du pays, les maires doivent donc choisir entre laisser leurs concitoyens sans solution, ou engager leur responsabilité pénale.

La suppression de l'exigence de la loi du pays est donc une solution pragmatique. Elle s'accompagnera d'une information préalable des autorités du pays et d'une éventuelle convention de financement.

Merci à nos deux sénateurs polynésiens pour leurs explications sur ce texte, qui a reçu le soutien de 47 des 48 maires polynésiens et du président de l'Assemblée de la Polynésie française, et que le groupe Les Indépendants votera. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du RDSE et du RDPI)

Mme Micheline Jacques .  - Ia ora na ! Comment ne pas souscrire d'emblée à cette proposition de loi organique portée par Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch ?

En outre-mer, plus qu'ailleurs, la décentralisation et l'organisation territoriale doivent être au service des territoires. C'est l'approche de la délégation sénatoriale aux outre-mer, que j'ai l'honneur de présider. Le rapport Bas-Lurel a centré son propos sur l'adaptation, montrant comment l'ancrage local renforce l'action de l'État.

La Polynésie française, ce sont 115 îles, dans un territoire maritime aussi vaste que l'Europe. Cela impose une double décentralisation - comme en Guadeloupe, à un degré moindre.

C'est pour tenir compte de ces distances qu'une possible délégation des compétences du pays a été prévue, pourtant très peu utilisée, ce qui, selon le rapporteur Mathieu Darnaud, fin connaisseur de la Polynésie française, montre l'inadaptation de ce dispositif.

En premier lieu, il faut une loi du pays. En second lieu, par symétrie avec l'article 72-2 de la Constitution, cela suppose un transfert de moyens aux communes. Or, ce mécanisme semble davantage s'apparenter à celui de l'habilitation de l'article 73 de la Constitution : une sorte de prêt de compétences sans moyens afférents. Se pose peut-être pour l'habilitation le même problème d'inadaptation, car les demandes d'habilitation sont peu nombreuses...

Le tavana est le mieux placé pour agir dans les îles isolées et peu peuplées. Qui mieux que le tavana pour prendre les justes décisions en matière d'aide sociale, d'urbanisme, de patrimoine local, de culture ?

À une exception près, les communes polynésiennes ont approuvé cette proposition de loi organique. Cet assouplissement est un gage d'efficacité et d'économies sur les coûts de fonctionnement, grâce à une meilleure coordination entre pays et communes. En ma qualité de présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer, je soutiens toutes les formes d'adaptation aux besoins des territoires.

Le groupe Les Républicains soutient la demande des tavana et votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI)

M. Bernard Buis .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Lana Tetuani applaudit également.) Qu'est-ce qu'être maire ? Incarnant la République de proximité, le maire est l'élu qui agit en première ligne, au quotidien, avec des moyens souvent modestes, mais toujours dans l'intérêt de ses concitoyens. Il reste un repère pour beaucoup, en prise avec les réalités du terrain. Mais pour agir, encore faut-il en avoir le droit !

La loi organique du 27 février 2004 n'accorde pas les mêmes droits aux tavana qu'aux maires de l'Hexagone. Seule l'adoption d'une loi du pays peut leur laisser une certaine latitude pour prendre des mesures dans certains domaines, comme l'action sociale. Mais on ne compte que trois lois du pays en vingt ans.

Sans attendre l'hypothétique loi du pays qui n'arrive pas, les tavana agissent pour le bien de leurs concitoyens, en toute illégalité. Nous, législateurs, ne pouvons laisser cette situation perdurer.

La proposition de loi organique apporte une solution viable et adaptée, en remplaçant l'exigence d'une loi du pays par une convention facultative. C'est un début, mesuré, de convergence vers la clause générale de compétence, dans toute la République.

Avec l'amendement du rapporteur, les communes devront informer préalablement les autorités du pays et le haut-commissaire de la République de leurs intentions.

J'ai été maire de Lesches-en-Diois pendant près de 24 ans. En tant que tavana drômois (sourires), j'ai créé un plan des itinéraires remarquables, une piste de décollage et d'atterrissage pour les ULM et les parapentes, une aide pour les parents de jeunes écoliers. Autant de projets dont je suis fier et que j'ai pu réaliser, car le droit me le permettait.

Merci à mon collègue Teva Rohfritsch, qui m'a fait confiance pour m'exprimer à cette tribune. (M. Teva Rohfritsch apprécie.)

À plus de 15 000 km d'ici, des élus locaux soutiennent ce texte, que le RDPI votera, bien évidemment. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe Les Républicains ; M. Jérôme Durain applaudit également.)

Mme Véronique Guillotin .  - Cette réforme, portée par Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch, est très attendue par les communes polynésiennes : notre droit doit s'adapter aux réalités locales.

Bien que pertinente à l'origine, l'exigence d'une loi du pays est devenue un frein à l'action des communes, notamment les plus isolées. Elles sont pourtant souvent les seules à pouvoir répondre aux besoins urgents des populations.

La proposition de loi organique supprime donc l'exigence d'une loi du pays et permet aux communes d'intervenir directement. Elles devront cependant notifier leur intention au pays et au haut-commissaire de la République. C'est un bon équilibre, qui favorisera la coordination entre les différents acteurs, sans freiner l'initiative locale.

Cette réforme s'inscrit parfaitement dans l'esprit de la mission d'information sur les dix ans de la loi NOTRe, conduite par Maryse Carrère et qui vise à renforcer l'efficacité de l'action des collectivités territoriales.

Ce texte offre plus de flexibilité aux communes de Polynésie française, sans imposer de charges financières supplémentaires à l'archipel. Le RDSE le soutient pleinement, convaincu qu'il constitue un progrès tangible pour ce territoire ultramarin. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et du groupe UC ; M. Jérôme Durain applaudit également.)

Mme Isabelle Florennes .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Teva Rohfritsch applaudit également.) Il est symbolique d'ouvrir cet espace transpartisan avec le texte de nos collègues Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch, membres de deux groupes politiques différents.

Il s'agit de donner davantage de compétences aux communes de Polynésie française. Les compétences communales sont en effet conditionnées à l'adoption d'une loi du pays, qui ne transfère pas ces compétences, mais autorise les communes à intervenir. Ce dispositif empêche donc les communes d'agir, car seules trois lois du pays, de portée limitée, ont été adoptées depuis 2004.

Nos deux collègues proposent donc une simplification et une clarification. L'article unique de la proposition de loi organique permet aux communes et aux EPCI d'intervenir directement, sans passer par l'adoption d'une loi du pays.

Merci à Mathieu Darnaud d'avoir mis en place une procédure d'information, qui ouvre un espace de dialogue avec les autorités du pays pendant six mois, pouvant aboutir à la signature d'une convention, facultative.

Cette proposition de loi organique reprend l'une des 22 propositions du rapport transpartisan Bellurot-Benarroche-Durain et fait l'objet d'un soutien transpartisan au niveau local. Le groupe UC la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI ; M. Alain Chatillon applaudit également.)

M. Robert Wienie Xowie .  - Cette proposition de loi donne un coup de projecteur sur le travail acharné et souvent méconnu des maires de nos pays d'outre-mer.

En Polynésie française, dans les discussions sur les évolutions institutionnelles, les communes sont souvent oubliées. Les maires de la Kanaky Nouvelle-Calédonie préparent eux aussi l'avenir, notamment en envisageant l'élargissement de leurs compétences - je salue leurs travaux.

Les maires ont souvent relevé des défis majeurs. Moi-même premier magistrat, je peux comprendre les difficultés des communes de Polynésie française.

Durant la crise sanitaire, qui était là pour distribuer les masques, organiser la solidarité et répondre aux besoins ? Les maires ! Et ce sans lever plus d'impôt, sans fiscalité propre, dans une logique de service public pure et désintéressée. Tout cela interroge.

Cette proposition de loi part d'un constat juste : il faut redonner de l'air et de la clarté à l'échelon communal. Il faut des compétences mieux définies, exercées de manière plus souple.

Dans le même mouvement, nous ne pouvons ignorer la position de l'Assemblée de la Polynésie française, qui s'est prononcée contre ce texte ; nous ne pouvons la balayer d'un revers de main. Elle traduit une inquiétude, notamment sur la cohérence des politiques publiques entre les acteurs. Il faut redonner compétences, moyens et respect à l'échelle communale, et redonner confiance.

Je suis non pas polynésien, mais kanak. Je sais que rien de durable se construit sans dialogue, et je ne doute pas que nos peuples sauront trouver un consensus.

Les communes devront être intégrées aux discussions sur l'avenir de nos institutions. Ce texte est un signal utile, une base de discussion. C'est pourquoi, en conscience, le CRCE-Kanaky attendra les clarifications sur les craintes exprimées, sans opposition de principe à la réforme.

Nous devons redonner aux maires la sécurité et les moyens juridiques de leur action, tout en faisant confiance au pays sur sa capacité à avancer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; MM. Guy Benarroche, Mikaele Kulimoetoke et Mme Lana Tetuanui applaudissent également.)

M. Georges Naturel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte est soutenu par 47 des 48 maires de Polynésie française.

Chacun connaît les défis de l'éparpillement géographique de nos territoires. Il faut les avoir vécus pour comprendre : la distance fragilise la puissance publique, qui n'est efficace que quand elle est exercée localement. Bien souvent, dans nos archipels, les communes sont le seul visage de la République. Elles assurent les secours d'urgence, l'éducation, le traitement des déchets, entre autres, parfois sans base juridique, mais toujours avec engagement.

Trop souvent, ces communes doivent attendre l'aval d'un gouvernement local éloigné, installé à Tahiti ou à Nouméa.

Le mécanisme prévu pour la Polynésie française, la loi du pays, n'a été mobilisé que trois fois en vingt ans. Ce constat d'immobilisme a conduit les maires à agir, avec tous les risques que cela implique. La proposition de loi organique vise à lever ce verrou.

Ce texte ne bouleverse pas l'équilibre institutionnel : il ne remet pas en cause les politiques du pays et n'opère aucun transfert autoritaire. Il confirme la pratique, et permet simplement aux communes d'exercer certaines compétences, encadrées par une convention avec la Polynésie française, sans en faire une condition préalable. Il mise sur la confiance accordée aux élus de terrain.

Un autre mérite de ce texte : il sécurise juridiquement les initiatives locales, car les maires agissent dans une zone grise, sans garantie de financement ni appui en ingénierie. À la légitimité démocratique doit correspondre une sécurité juridique.

Je salue le travail de nos collègues. Le dialogue est maintenu, la hiérarchie des compétences respectée et l'action de proximité enfin rendue possible. Tel était le sens du rapport Durain-Benarroche-Bellurot.

La Nouvelle-Calédonie observe cette réforme avec beaucoup d'intérêt, car nous vivons les mêmes tensions, besoins et attentes : nos communes exercent aussi ces compétences avec sérieux, mais avec des outils juridiques dépassés ou inadaptés à nos réalités archipélagiques. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI ; Mme Lana Tetuanui applaudit également.)

Discussion de l'article unique

M. le président.  - Amendement n°1 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Marianne Margaté.  - Nous avons échangé avec le gouvernement de la Polynésie française. La rédaction actuelle fait référence au respect de la loi du pays. Mais ce dernier ne fait pas qu'adopter des textes, il promeut des politiques publiques transversales. Cet amendement vise non pas à contraindre, mais à organiser. Nous voulons que chacun puisse agir dans un cadre lisible, cohérent et partagé.

La coordination n'est pas un luxe : c'est bien une exigence démocratique.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - Je comprends l'esprit de cet amendement. Toutefois, après avoir échangé avec l'Assemblée de Polynésie et l'ensemble des tavana, tous ont pointé le besoin d'agilité et souhaité que le II de l'article 43 soit complété.

Au-delà de mon amendement adopté en commission, vous souhaitez que les politiques publiques du pays puissent être inscrites dans la convention - facultative - ou portées par les communes, dès lors qu'un accord aura été trouvé.

Veillons à ne pas alourdir la charge pour les maires. Si la démarche est trop complexe, alors les communes de Tumaraa, Hiva Oa auront bien plus de difficultés à agir que Faaa ou Papeete.

Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - En commission, l'amendement du rapporteur visait l'agilité du dispositif et la cohérence entre pays et communes. Préservons cette agilité, et l'accord trouvé. Sagesse.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Marianne Margaté.  - Clarifions le caractère facultatif des conventions prévues par le texte. L'état actuel du droit donne lieu à des difficultés d'interprétation. Le rapporteur souhaite préserver la souplesse, mais le texte reste ambigu, d'où des risques de contentieux financiers et juridiques. Nous prônons pour notre part le respect mutuel, tout en préservant la souplesse du dispositif.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - Je pense avoir été clair ; le texte l'est tout autant, puisqu'il réaffirme le caractère facultatif des conventions. Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d'État.  - Sagesse.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Lana Tetuanui .  - Nous devons remercier tout le monde.

Une voix à droite.  - Nous n'avons pas encore voté... (Sourires)

Mme Lana Tetuanui.  - Mais je suis convaincue de l'issue du vote !

Monsieur Xowie, l'un de vos mots m'a interpellée : vous avez utilisé le terme « parole ». Nous y sommes très sensibles.

Après un vote unanime en commission, certains, en séance, ont renié leur parole, une semaine plus tard ! Ils ont oublié le quotidien de 280 000 habitants, pour assouvir les ambitions d'une seule personne. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Teva Rohfritsch .  - J'appelle tous les groupes à voter ce texte, et plus particulièrement le groupe CRCE-Kanaky. La commission s'est clairement prononcée en faveur de ce texte. En séance plénière, le débat fut plus politicien.

Nous nous sommes éloignés du fond du sujet. Les seuls arguments méritant l'attention des sénateurs ont été repris par Mathieu Darnaud, par le biais de l'amendement de la commission des lois. Ce dernier a réglé les problèmes évoqués par M. Brotherson.

Ce texte sera utile aux Polynésiens. Ne rentrons pas dans un débat politicien. En tant que sénateurs, nous devons être unanimes sur la question centrale : accorder aux maires polynésiens la capacité juridique d'agir ! Actuellement, ils le font parfois au péril de leur mandat et de leur honneur d'homme politique, sous la menace de sanctions. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°278 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l'adoption 326
Contre     0

La proposition de loi organique est adoptée.

(Applaudissements)