Produits du bois et filière REP PMCB
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à retirer les produits du bois de la responsabilité élargie du producteur produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB), présentée par Mme Anne-Catherine Loisier et plusieurs de ses collègues.
Discussion générale
Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la proposition de loi . - La responsabilité élargie du producteur (REP) pour les PMCB s'appuie sur une écocontribution qui responsabilise les producteurs et favorise de meilleures performances de tri, collecte, recyclage ou réemploi.
Soumise à écocontribution depuis 2023, l'industrie française du bois fait face à ces surcoûts, d'autant plus incompréhensibles que les performances environnementales du bois ne sont pas prises en compte.
La France est le seul pays européen à avoir intégré le bois de construction dans cette REP. Cette surtransposition pénalise nos entreprises, génère des surcoûts et dégrade notre balance commerciale. Entre 2022 et 2024, nous observons un recul de 20 % des exportations de bois de construction.
L'écocontribution du bois évolue de façon exponentielle, passant de 7,60 euros par tonne de bois en 2023 à 24 euros en 2025 et pourrait atteindre les 85 euros en 2030 si rien n'est fait.
Je salue le moratoire proposé par la ministre. La trajectoire actuelle des écocontributions est insoutenable. Elle est aussi injuste au regard des autres matériaux et discriminatoire par rapport à nos concurrents européens.
La filière bois, ce sont 30 milliards d'euros de valeur ajoutée et 77 milliards d'euros de chiffre d'affaires.
Si le bois de construction doit être maintenu dans une REP, tenons alors compte de ses performances environnementales.
Selon l'Ademe, en 2024, sur 8,7 millions de tonnes de déchets bois, 80 % sont collectés et recyclés - seul l'acier arrive à des chiffres comparables. Quelque 5,8 millions de tonnes sont valorisées par recyclage ou valorisation et 1,6 million sont exportées.
La valorisation du bois de construction en fin de vie est parmi les plus performantes. Il n'est pas un déchet, mais une matière première de plus en plus convoitée par les panneautiers et les industriels qui veulent se décarboner, sans compter les 8 millions de Français qui se chauffent au bois.
Chaque mètre cube de bois utilisé dans la construction stocke une tonne de CO2 pendant toute la durée de vie du bâtiment, soit 87 millions de tonnes de CO2 stockées chaque année - 20 % de nos émissions annuelles.
Biosourcé, le bois a un impact carbone plus faible que les autres matériaux. Utilisé dans la construction, il se substitue à d'autres matériaux à haute intensité carbone. D'où l'ambition de la réglementation environnementale 2020 (RE2020) et du programme Ambition bois-construction 2030. L'Allemagne est à plus de 22 % de construction en bois, contre 7 % en France sur le résidentiel.
Pour corriger les déséquilibres de cette REP bois de construction, il faut introduire des abattements en fonction des performances de valorisation, comme proposé par le rapporteur. Je proposerai par amendement de récompenser les matériaux plus performants par un système de bonus-malus. Cet abattement se réduira au fur et à mesure de l'amélioration de la performance des autres matériaux. Nous introduisons aussi un principe d'écomodulation en fonction de la nature même de ces matériaux biosourcés, afin d'inciter à leur usage.
Ajuster l'écocontribution du bois de construction, c'est soutenir une bio-économie locale performante, favoriser des matériaux à faible impact carbone et oeuvrer pour la stratégie nationale bas-carbone (SNBC).
J'espère que nous trouverons un équilibre préservant l'avenir des industries de la filière forêt-bois, tout en valorisant les déchets et en développant l'économie circulaire. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et du RDSE)
M. Bernard Pillefer, rapporteur de la commission aménagement du territoire et du développement durable . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et du RDSE ; M. Jacques Fernique applaudit également.) Le bois est une véritable richesse pour la France. Ressource de proximité, renouvelable, recyclable, valorisable, il stocke le carbone. Au coeur de notre transition écologique et industrielle, il est stratégique pour nos territoires, avec les scieries et les artisans du bois. C'est aussi un atout pour la décarbonation de nombreux secteurs, dont le bâtiment.
La part du bois dans les matériaux de construction doit être considérablement développée pour respecter l'ambitieuse trajectoire de réduction des émissions carbone fixée pour le bâtiment à horizon 2030. Le bois est un bon élève pour l'économie circulaire : c'est un des matériaux de construction les plus collectés et valorisés.
Cette proposition de loi traduit une préoccupation légitime des professionnels de la filière. À horizon 2027, la totalité des coûts des déchets sera transférée aux metteurs en marché. Mais pour le bois de construction, nous voyons avec inquiétude une augmentation rapide de l'écocontribution, plus élevée que pour d'autres matériaux moins vertueux. C'est paradoxal : au nom de l'environnement, on pénalise un matériau durable.
Le cadre général de gestion des déchets du bâtiment, créé en 2020 par la loi Agec, entre progressivement en vigueur depuis janvier 2023. C'est donc un dispositif jeune, qui connaît encore des flottements. Cette REP PMCB traduit le principe pollueur-payeur : le metteur en marché d'un futur déchet en assume le coût de gestion.
Chaque année, les dépôts sauvages de déchets du bâtiment coûtent près de 400 millions d'euros aux collectivités territoriales et sont source de très vives tensions locales. Nous avons tous en mémoire le drame de Signes en 2019. Le cadre de 2020 structure un maillage de points de collecte sur tout le territoire, y compris dans la ruralité.
Cette proposition de loi avait le mérite de la simplicité en excluant le bois de construction de l'écocontribution. Toutefois, une sortie pure et simple de la filière REP PMCB n'était pas adaptée, ni pour les collectivités territoriales ni pour l'économie circulaire. Cela aurait fragilisé les dépôts de proximité, aux dépens du cadre de vie et des finances locales.
Le bois est certes un bon élève en matière d'économie circulaire, mais il doit encore progresser en matière de recyclage.
Ce retrait porterait aussi atteinte au principe même de la REP : si on accepte cette exemption, comment refuser ensuite d'autres demandes de retrait, pour le métal ou le plâtre ? Le principe pollueur-payeur ne fonctionne que s'il est appliqué de manière universelle et cohérente.
J'ai été guidé par un souci d'équilibre et d'équité, convaincu qu'il existe un chemin entre le statu quo et l'exclusion totale du bois de construction. C'est ce que je vous propose aujourd'hui.
Dans ce texte adopté à l'unanimité en commission, nous substituons à l'exclusion du bois de construction de la REP PMCB une réduction de la contribution financière de la filière, tout en renforçant la lutte contre la fraude.
L'article 2 met en place un mécanisme simple et équitable de répartition des charges au bénéfice des matériaux les plus performants en termes de valorisation des déchets. Le bois de construction contribuant plus à l'atteinte des objectifs environnementaux, son écocontribution sera donc réduite.
La fraude aux écocontributions fragilise l'acceptabilité de la REP. L'article 3 favorise donc la communication entre administrations pour mieux cibler les contrevenants et améliore le recouvrement des contributions des entreprises établies hors de France.
Le chemin d'équilibre que je vous propose vise l'acceptabilité et la robustesse du système, car nos objectifs ambitieux en matière d'économie circulaire rendent nécessaire l'adhésion de tous les acteurs.
Je salue le travail réalisé avec Anne-Catherine Loisier, qui ne trahit pas son constat initial. Je remercie aussi la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'avoir adopté ce texte à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, du RDSE et du GEST)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Lors de la création de la REP PMCB en 2022, l'objectif était clair : améliorer la valorisation des déchets et lutter contre les dépôts sauvages, fléau financier, écologique et d'ordre public. Une économie parallèle peut prospérer et personne n'a oublié le décès en 2019 de Jean-Mathieu Michel, maire de Signes.
Désormais, 6 000 points de collecte gratuits maillent le territoire.
Mais de nombreux dysfonctionnements sont apparus et nous avons modifié le cadre réglementaire de la filière à cinq reprises en 2024. Pourtant, le compte n'y est toujours pas. La filière est jugée trop coûteuse par les producteurs et pas assez efficace pour les professionnels du bâtiment.
C'est pourquoi, en mars dernier, j'ai annoncé la refonte totale de la filière pour 2026, afin de lutter contre les dépôts sauvages, améliorer la valorisation des déchets et encourager l'écoconception et le réemploi.
Pour que la concertation soit sereine, je l'ai accompagnée d'un moratoire sur certaines dispositions à l'origine de difficultés particulières. La filière bois souffre de barèmes élevés. Cela doit être corrigé.
Mais la sortie pure et simple du bois de la REP PMCB n'est pas la bonne solution ni pour les collectivités territoriales ni pour l'environnement. D'abord, parce qu'elle fragiliserait tout le système de la REP, y compris aux dépens de la filière bois. Cela priverait la filière des moyens mobilisés face à la REP, qui perdrait en cohérence globale.
Ensuite, cela ferait perdre des financements aux collectivités territoriales - 9 millions d'euros par an, 18 millions d'euros à terme -, alors que les déchets bois sont les plus collectés en volume.
Cela relancerait aussi les dépôts sauvages. Exclure le bois - 10 % de ces dépôts - c'est risquer une recrudescence de ces pratiques illégales.
Je suis contre donc une suppression de cette écocontribution et je salue le choix responsable du rapporteur pour revenir sur la sortie du bois de la REP PMCB.
Je partage vos conclusions sur la nécessité de réviser le mécanisme pour organiser une montée en charge progressive, efficace, soutenable et lisible, notamment pour les acteurs du bois de construction.
Je remercie la sénatrice Loisier de ce débat. Je donnerai un avis de sagesse sur son amendement qui vise à compenser la réduction de charges sur le bois par une hausse sur les matériaux moins bien collectés et valorisés.
Je comprends la nécessité d'agir plus fermement contre la fraude aux écocontributions. Néanmoins, inscrire dans la loi des mesures précises alors qu'une concertation est en cours ne serait pas respectueux des acteurs. Une réunion d'arbitrage conclusive se tiendra fin juin et les projets de textes réglementaires seront soumis à concertation cet été. Ce temps de concertation est indispensable pour refonder une filière REP PMCB plus juste et mieux acceptée par tous. Je suis mobilisée pour que cela aboutisse dans les meilleures conditions, dans une optique écologique, mais aussi économique et au service de nos collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du GEST et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Daniel Gueret . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions) Les filières à REP partent du principe que les producteurs sont responsables du financement et de l'organisation de la gestion des déchets, conformément au principe pollueur-payeur.
La loi Agec a porté à 25 le nombre de ces filières, qui jouent un rôle essentiel dans la réduction de l'impact environnemental des produits. Cependant, quatre ans après la loi, des difficultés persistent. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a lancé une mission d'information sur son application. Le rapport de Jacques Fernique et Marta de Cidrac, attendu d'ici à l'été, devra restaurer la confiance dans l'économie circulaire.
Les acteurs de la filière bois nous alertent, inquiets de la trajectoire ascendante d'une écocontribution dont le barème est supérieur à celui supporté par d'autres matériaux moins vertueux.
Le texte initial de la proposition de loi, qui voulait retirer la filière bois de la REP PMCB, était trop extrême. Il fallait trouver une autre solution. Je me félicite que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ait abouti à un consensus en réajustant la répartition de l'effort financier. Le groupe Les Républicains votera le texte issu de la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme Marie-Laure Phinera-Horth . - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jacques Fernique applaudit également.) Ce texte est très important pour la filière bois, comme pour la filière REP du bâtiment.
Nous entendons les arguments de l'auteure du texte, liés aux incertitudes commerciales et au niveau de l'écocontribution, mais une exclusion sèche du bois de la REP enverrait un mauvais signal.
Le bâtiment, pilier de l'économie française, demeure l'un des plus grands producteurs de déchets de notre pays. Améliorer la filière REP du bâtiment ne passe pas par l'exclusion de matériaux, mais par une meilleure articulation entre producteurs et éco-organismes. Ceux qui mettent des produits sur le marché doivent prendre part à la gestion de leur fin de vie. C'est une exigence écologique et de justice.
Le Gouvernement a déjà fait évoluer le cadre réglementaire, afin de rétablir une équité entre les produits issus de scieries françaises, et ceux issus de l'importation. La ministre a également annoncé un moratoire pour la filière PMCB pour 2025 et engagé une concertation.
La commission a considéré qu'une sortie pure et simple du bois de la filière REP aurait soulevé de nombreuses difficultés. Cela aurait fragilisé tout le système de collecte de déchets et ouvert la boîte de Pandore des demandes de sortie de la filière REP ! Nous saluons le travail du rapporteur Bernard Pillefer.
L'article 2 introduit un mécanisme de juste répartition de l'effort financier au profit des matériaux les plus performants, ce qui incitera les producteurs à recycler davantage. L'article 3 améliore la lutte contre la fraude à l'écocontribution. Cela laisse entrevoir un texte raisonnable, que le RDPI votera. (Applaudissements sur les travées du RDPI et au banc des commissions ; M. Jacques Fernique applaudit également.)
M. Michel Masset . - La filière bois, ce sont 417 000 emplois directs et 28 milliards d'euros de valeur ajoutée. C'est une ressource renouvelable, dont le développement et la valorisation sont nécessaires pour respecter notre trajectoire carbone.
Mais la filière est pénalisée par le poids croissant des écocontributions. L'application du principe pollueur-payeur devait améliorer la valorisation des déchets tout en luttant contre les dépôts sauvages, or la concurrence a été faussée entre le bois et les autres matériaux de construction, pourtant moins vertueux. C'est paradoxal.
Les travaux en commission ont répondu au besoin d'équité et d'acceptabilité de la filière REP. La position équilibrée de la commission évite une sortie pure et simple du bois d'une filière REP en plein déploiement. Ce texte introduit un mécanisme de juste répartition de l'effort financier au profit des matériaux les plus performants. Il améliore aussi la lutte contre la fraude.
Mais il reste des marges de progrès : 40 % des déchets échappent à la collecte et 50 % ne sont pas recyclés. Ce texte n'est donc qu'un premier pas et les travaux de notre mission d'information sur le bilan de la loi Agec seront très éclairants.
Je note que les sanctions ne tombent quasiment jamais, ni sur les éco-organismes ni sur les metteurs en marché qui frauderaient. Et je regrette que les éco-organismes privilégient le niveau des écocontributions, plutôt que l'atteinte des objectifs.
Le groupe RDSE votera ce texte.
Mme Jocelyne Antoine . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Merci à Anne-Catherine Loisier, qui nous invite à réfléchir sur cette réglementation nationale qui ne découle d'aucune obligation communautaire : la France est le seul pays d'Europe à avoir instauré une filière REP sur les matériaux de construction.
Je remercie le rapporteur pour son travail et sa recherche permanente d'équilibre.
Le bâtiment, après les travaux publics, est la première source de déchets en France. La loi Agec, qui a multiplié les REP, impose depuis 2023 une écocontribution sur les produits et matériaux de construction du bâtiment.
La situation du bois, dont les performances de revalorisation en fin de vie sont exemplaires, est paradoxale, puisque le barème qui lui est appliqué est plus élevé que pour les matériaux moins vertueux. Les gouvernements successifs ont tenté de trouver une solution, mais le compte n'y est toujours pas. La REP PMCB est donc très pénalisante pour la filière bois et le niveau d'écocontribution est perçu comme injuste.
Dans sa rédaction initiale, cette proposition de loi excluait le bois de construction de la filière REP. Mais une sortie pure et simple ne semble adaptée ni pour les collectivités territoriales ni pour l'économie circulaire. Exclure le bois aurait pénalisé les points de collecte et les finances des collectivités territoriales.
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable n'a pas retenu cette proposition de sortie pure et simple. À l'unanimité, elle a suivi son rapporteur, qui a privilégié une juste répartition de l'effort financier et qui a aussi renforcé la lutte contre la fraude aux écocontributions. Cela va dans le bon sens et le groupe UC votera cette proposition de loi ainsi rééquilibrée.
Toutefois, plusieurs points inquiètent encore le secteur. Le niveau d'écocontribution interroge toujours, tout comme la reprise sans frais. Ces sujets demeurent ouverts. Notre commission a lancé en décembre 2024 une mission d'information sur le bilan de l'application de la loi Agec. Quant à la ministre, elle a annoncé un moratoire sur la filière REP PBMC, ainsi qu'une vaste consultation des acteurs. Nous espérons que cela aboutira à la correction des distorsions de concurrence entre les matériaux vertueux et les autres. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Marie-Claude Varaillas . - Utilisé dans la construction, le bois allie développement local, performance écologique et création d'emplois non délocalisables. C'est une filière d'avenir.
Le bâtiment représente près de 25 % de nos émissions de CO2. On peut donc grandement s'améliorer, en réduisant le nombre de passoires thermiques, mais aussi en favorisant une conception de logements plus écologique. Alors que 2,7 millions de demandes de logements sociaux restent sans réponse, il faut construire et rénover davantage, avec le souci que l'urgence sociale et l'urgence climatique ne se percutent pas, car les victimes sont toujours les plus précaires.
L'utilisation du bois dans la construction est à privilégier : 1 m3 de bois stocke une tonne de CO2 ; la transformation du bois est moins émettrice que celle du béton et de l'acier ; et c'est un très bon isolant. Toutefois, il est sous-utilisé, ne représentant que 8 à 10 % de la construction neuve.
La filière forêt-bois emploie 440 000 personnes, dont 60 000 dans la construction. En Dordogne, où la forêt couvre près de la moitié du territoire, le département a engagé une politique volontariste de soutien à la filière.
La filière REP peut être un levier de soutien à la construction en bois. Or le bois de construction est plus pénalisé que d'autres matériaux, à 7,60 euros la tonne, contre 5 euros pour les autres déchets de la même catégorie. Nous devons améliorer la compétitivité des matériaux les plus écologiques : le moins cher économiquement ne doit pas être le plus cher écologiquement.
Le groupe CRCE-Kanaky votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, UC et du RDSE)
M. Jacques Fernique . - (Applaudissements sur les travées du GEST) La mort en 2019 de Jean-Mathieu Michel, maire de Signes, alors qu'il s'opposait à un dépôt sauvage, a été un électrochoc qui a plaidé pour la mise en place de la filière REP du bâtiment, dans le cadre de la loi Agec. Les déchets du bâtiment sont en effet la première source des dépôts sauvages, pour un coût de 400 millions d'euros par an pour les collectivités territoriales.
La filière REP PMCB n'est pas encore mature et son coût est très lié au développement des points de reprise. D'où une montée en charge qui a beaucoup inquiété la filière bois. Cette dernière a alors adopté une position abrupte, demandant son exclusion de la filière REP.
Marta de Cidrac et moi-même avons été chargés par notre commission d'une mission d'information sur le bilan de la loi Agec. Pour assurer notre souveraineté industrielle, l'économie circulaire est essentielle. Elle repose notamment sur l'écoconception, la durabilité, la collecte rigoureuse des déchets, le réemploi, la valorisation et le recyclage. Notre travail de diagnostic et de recommandation est en cours.
L'approche étroite d'une sortie de la filière REP esquive des défis majeurs (Mme Anne-Catherine Loisier marque son mécontentement), tels que l'importation illégale de bois, la mise sur le marché de bois qui n'écocontribuent pas, ou encore les pratiques néfastes de brûlage et de dépôt sauvage qui perdurent. Le bois doit aussi être davantage valorisé ; si sa valorisation énergétique est positive, point trop n'en faut ; la valorisation matière, à forte valeur ajoutée, doit être développée. Il y a du boulot pour la filière REP et les éco-organismes !
La commission a eu raison de faire évoluer ce texte pour conforter la cohérence de la filière REP, tout en prenant en compte les spécificités positives du bois. Il était également bon de renforcer la lutte contre la fraude. Les matériaux les plus durables et les plus vertueux ne doivent pas être pénalisés, au contraire. Évitons de court-circuiter les concertations en cours. (Marques d'impatience sur les travées du groupe UC, l'orateur ayant épuisé son temps de parole.)
C'est par l'adaptation de la filière REP que nous progresserons. Mon groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissement sur les travées du GEST)
M. Michaël Weber . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis plusieurs décennies, la filière bois connaît des difficultés économiques majeures, qui affectent nos territoires ruraux.
La France est le quatrième pays européen le plus boisé, pourtant la filière est largement déficitaire et la qualité écologique de nos forêts se dégrade. En soixante ans, nous avons perdu 90 % de nos scieries.
En l'absence de débouchés rémunérateurs, le bois brut part à l'export et nous revient sous la forme de produits manufacturés. Il faut relocaliser toute la chaîne de valeur du bois, avec en amont une gestion durable et en aval la transformation.
Alors que la filière bois peine à rester compétitive face à des matériaux moins vertueux, la création de la filière REP a bouleversé le paysage. Si un rééquilibrage semble nécessaire, exclure purement et simplement le bois de la filière REP PMCB n'est pas envisageable. La REP, qui découle du principe du pollueur-payeur, est la traduction de nos ambitions en faveur d'une économie circulaire et d'une justice environnementale. Collecte, tri, recyclage, valorisation des déchets de chantier doivent se faire sans asphyxier une filière déjà en tension.
L'abattement de la contribution financière du bois, proposé par le rapporteur, va dans le bon sens. La commission a fait le choix de laisser la main au pouvoir réglementaire sur la liste des produits concernés. Nous regrettons que le texte reste vague, sans encourager plus clairement l'utilisation des produits les plus durables.
Il serait pertinent d'ajouter le critère de performance environnementale en considérant la durabilité du matériau sur l'ensemble de son cycle de vie. Les matériaux biosourcés comme le bois ont des qualités écologiques indéniables, mais la durabilité d'un produit bois ne va pas de soi, car elle dépend de la bonne gestion des forêts et de la chaîne d'approvisionnement. Un produit bois qui contribue à la déforestation et la destruction d'écosystèmes et dont la seule valorisation est d'être brûlé n'est pas durable. L'Ademe est compétente pour déterminer quels matériaux sont réellement durables et méritent de bénéficier de l'abattement. C'est l'objet de nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Marc Laménie . - La loi Agec a créé de nouvelles filières REP, en consacrant le principe du pollueur-payeur. Nous sommes peut-être le seul pays au monde à l'avoir étendue au bâtiment, principale source de production des déchets.
Nous devons poursuivre la lutte contre les dépôts sauvages de déchets de bâtiment, source de coûts importants pour les collectivités territoriales.
Il est impératif d'assurer une gestion organisée des déchets. Ce n'est pas à l'opérateur final seul de payer : chacun doit participer. Il ne faut pas pour autant pénaliser la filière. Or c'est le cas pour le bois. Je peux en témoigner, les Ardennes étant un département forestier.
Les écocontributions sur le bois sont plus importantes que pour d'autres matériaux moins vertueux - béton, acier - et devraient continuer d'augmenter. C'est paradoxal, alors que le bois, biosourcé, est un matériau renouvelable et peu énergivore.
Deux arrêtés ont été pris l'année dernière : le premier pour mettre sur un pied d'égalité les bois français et importés via un abattement de 20 % applicable aux bois frais de sciage à fort taux d'humidité, le second pour instaurer un mécanisme de répartition des charges. Nous soutenons l'inscription dans la loi de ce mécanisme, entretemps suspendu, pour contenir l'écart entre les écocontributions des différents matériaux et maintenir la compétitivité du bois.
Nous sommes contre l'exclusion du bois de la filière REP PMCB, prématurée alors que cette filière n'est pleinement effective que depuis deux ans. Nous ne pouvons demander aux acteurs de s'adapter, puis de rétropédaler.
En outre, il serait fâcheux d'apporter des exceptions au principe pollueur-payeur. N'ouvrons pas la boîte de Pandore ! Le bois de construction est un matériau qui doit être pris en charge, trié et recyclé.
Nous soutenons les mesures de lutte contre la fraude aux écocontributions, introduites en commission.
Le renforcement de la coopération entre autorités et l'obligation pour les personnes non établies en France de désigner un mandataire chargé d'assurer le respect de leurs obligations garantiront que les matériaux entrant en France soient soumis aux mêmes règles que ceux produits ici.
Le groupe Les Indépendants votera le texte de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du GEST)
M. Daniel Gremillet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie Anne-Catherine Loisier pour ce texte.
Nous avons en France la chance d'avoir des massifs forestiers et des entreprises qui mettent en valeur le bois de construction. Mais nous avons aussi un handicap, qui pénalise l'utilisation du bois. Nous devons trouver un chemin pour le supprimer.
J'estime que le principe pollueur-payeur s'applique assez mal au bois, qui, naturellement, n'est pas véritablement polluant. Oui, la filière doit contribuer, mais elle est actuellement victime d'une distorsion de concurrence par rapport aux autres matériaux de construction. Résultat : sur mon territoire, je vois arriver des charpentes fabriquées en Allemagne, parfois avec du bois du Doubs, voire des Vosges !
Le bois est une chance, notamment pour sa capacité à être recyclé et à stocker le CO2. Saisissons-la pour préserver nos savoir-faire et l'emploi sur nos territoires ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
M. Gilbert Favreau . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je soutiens sans réserve le rééquilibrage proposé au sein de cette REP en faveur des produits du bois.
Le pollueur paie : ce principe est juste et nécessaire. Mais, aussi bonne soit-elle, une idée doit rester adaptable.
Le bois de construction est actuellement pénalisé d'une manière injuste. Dans les Deux-Sèvres, une scierie locale valorisait sa sciure de façon vertueuse en la revendant pour fabriquer des granulés : cette matière n'était pas un déchet, mais une ressource utile dans une chaîne durable et locale. Depuis l'intégration du bois à la REP PMCB, cette société doit payer pour évacuer le sous-produit qu'elle valorisait auparavant... C'est un contresens !
J'étais favorable à l'exclusion du bois de cette filière. La voie d'une modulation de l'écocontribution a été choisie, avec un abattement pour les matériaux plus vertueux, dont le bois.
Je soutiens les deux amendements déposés par Mme Loisier : le premier pour reconnaître les efforts de cette filière vertueuse, le second pour appliquer une écocontribution spécifique aux matériaux qui stockent le carbone, en cohérence avec notre SNBC - tout en concevant qu'un texte réglementaire soit nécessaire pour la définition de critères.
Votons ce texte d'intérêt général. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Discussion des articles
Article 2
M. Michel Canévet . - Le bois est un matériau amplement réutilisé et valorisé : veillons à ne pas complexifier inutilement les procédures.
Je salue le moratoire annoncé par la ministre. Sur le terrain, les opérateurs se plaignaient de la manière dont les choses avaient été engagées et de payer un service qui n'était pas complètement rendu.
La céramique utilisée dans l'agroalimentaire, par exemple pour la préparation de pâtés, peut être recyclée : cela se fait à Fouesnant et devrait se faire partout. Mais Citeo ne veut pas mettre en place une filière de recyclage. Il serait donc judicieux de rattacher ce matériau à la filière du bâtiment, car il mérite d'être recyclé.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Je vous rappelle que nous avons jusqu'à 16 heures pour nous prononcer sur l'ensemble de ce texte.
Mme la présidente. - Amendement n°3 de M. Michaël Weber et du groupe SER.
M. Michaël Weber. - Je serai aussi bref que possible, pour que le texte puisse être adopté dans les délais prévus.
Cet amendement et le suivant précisent les critères d'appréciation de la performance environnementale et prévoient un avis de l'Ademe.
Mme la présidente. - Amendement n°5 de M. Michaël Weber et du groupe SER.
M. Michaël Weber. - Défendu.
M. Bernard Pillefer, rapporteur. - Les deux critères prévus sont simples, mesurables et fondés sur des données collectées par l'Ademe. Ne complexifions pas ce dispositif, au risque de nuire à sa lisibilité, et ne sollicitons pas l'Ademe pour un avis supplémentaire qui serait redondant. Avis défavorable.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Même avis. Votre préoccupation est satisfaite par la modulation de l'écocontribution en fonction de la durabilité et de l'écoconception. L'abattement est un autre mécanisme, destiné à reconnaître la performance de la collecte et de la valorisation. Mais je vous remercie de souligner la compétence de l'Ademe - c'est valable sur ce sujet comme sur d'autres...
L'amendement n°3 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°5
Mme la présidente. - Amendement n°2 de M. Weber et du groupe SER
M. Michaël Weber. - La performance du recyclage doit être prise en compte comme critère d'abattement. Actuellement, le texte ne vise que la performance de la collecte et de la valorisation.
M. Bernard Pillefer, rapporteur. - La valorisation correspond à deux modes de traitement : la valorisation énergétique et la valorisation matière, c'est-à-dire le recyclage. Les critères proposés pour le mécanisme de répartition des charges prennent donc déjà en compte la matière recyclée. Le recyclage doit même être privilégié par rapport à la valorisation énergétique, historiquement prépondérante. Avis défavorable.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Même avis.
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°6 rectifié bis de Mme Loisier et alii.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Nous proposons un mécanisme de solidarité entre matériaux, sous forme de bonus-malus.
M. Bernard Pillefer, rapporteur. - Avis favorable.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Sagesse.
L'amendement n°6 rectifié bis est adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
Après l'article 2
Mme la présidente. - Amendement n°7 rectifié de Mme Loisier et alii.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Nous proposons un nouveau critère d'écomodulation en faveur des produits et matériaux biosourcés renouvelables, compte tenu de leurs bénéfices environnementaux.
M. Bernard Pillefer, rapporteur. - Oui, le bois, produit biosourcé renouvelable, qui stocke le carbone, est vertueux. Mais votre proposition est satisfaite par l'abattement sur les écocontributions. Inutile de doublonner ce dispositif.
Par ailleurs, ce texte concerne le bois de construction. Les autres matériaux biosourcés seront traités dans un autre cadre, notamment à la lumière des conclusions de la mission d'information sur le bilan de la loi Agec.
Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Même avis.
Mme Anne-Catherine Loisier. - J'entends les arguments du rapporteur et salue son travail, mais il est important de reconnaître la singularité du bois et de favoriser l'écoconception, dans l'esprit de la loi Agec. Un décret précisera les modalités d'application de ce dispositif.
L'amendement n°7 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
L'article 3 est adopté.
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
La séance est suspendue quelques instants.