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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions d'actualité

Gaza (I)

Mme Maryse Carrère

M. François Bayrou, Premier ministre

Eaux en bouteille (I)

M. Alexandre Ouizille

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire

Gaza (II)

M. Ian Brossat

M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger

Non-certification des comptes de la Cnaf (I)

M. Guislain Cambier

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics

Scandale Nestlé

Mme Antoinette Guhl

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire

Eaux en bouteille (II)

M. Laurent Burgoa

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire

Partenariat stratégique entre Londres et l'Union européenne sur la pêche

Mme Nadège Havet

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche

Fermetures de classes

Mme Laure Darcos

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

Ingérences chinoises

Mme Jacqueline Eustache-Brinio

M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger

Taxation des petits colis

M. Rémi Cardon

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire

Non-certification des comptes de la Cnaf (II)

M. Philippe Mouiller

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics

Harcèlement et sévices dans l'armée

Mme Jocelyne Guidez

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées

Rapport sur les Frères musulmans

M. André Reichardt

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Sans-abrisme

Mme Annie Le Houerou

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics

Risque de hausse des prix des fertilisants

Mme Kristina Pluchet

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

Immigration illégale dans les Alpes

M. Jean-Michel Arnaud

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Modification de l'ordre du jour

Avis sur une nomination

Accord en CMP

Accord France-Djibouti (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux

M. Cédric Perrin, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Mme Hélène Conway-Mouret

M. Claude Malhuret

M. Pascal Allizard

M. Jean-Baptiste Lemoyne

Mme Mireille Jouve

M. Ludovic Haye

Mme Cécile Cukierman

M. Guillaume Gontard

Discussion de l'article unique

Lutte contre les fraudes aux aides publiques (Conclusions de la CMP)

M. Olivier Rietmann, rapporteur pour le Sénat de la CMP

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics

Discussion du texte élaboré par la CMP

Article 2

Article 2 quater B

Article 2 sexies

Article 3 bis B

Vote sur l'ensemble

M. Antoine Lefèvre

M. Fabien Gay

M. Stéphane Fouassin

M. Henri Cabanel

Mme Nathalie Goulet

M. Grégory Blanc

M. Jean-Jacques Michau

M. Pierre-Jean Verzelen

Ordre du jour du mardi 27 mai 2025




SÉANCE

du mercredi 21 mai 2025

93e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Nicole Bonnefoy, Mme Sonia de La Provôté.

La séance est ouverte à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Gaza (I)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC) Plus de doute : le risque de famine n'a jamais été aussi fort à Gaza. Selon l'OMS, deux millions de Palestiniens seront affamés si rien n'est fait rapidement. Il faut y ajouter les dizaines de milliers de morts des bombardements de Tsahal depuis bientôt trente-six mois.

Le gouvernement israélien crée délibérément les conditions d'un désastre humanitaire.

Benyamin Netanyahu envoie les chariots de Gédéon, et, en même temps, bloque l'aide humanitaire. Il n'apporte pas la vie, il charrie la mort.

Personne n'oublie les odieux attentats du 7 octobre 2023. Pourtant, l'objectif de guerre - décimer le Hamas - s'est élargi. Désormais, c'est l'ensemble de la population palestinienne qui est visée.

Une seule ouverture à ce stade : mon groupe observe avec satisfaction l'intensification des critiques et la mobilisation à l'échelle internationale.

Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a qualifié Gaza de mouroir. Nous devons poursuivre nos initiatives pour la paix. Plusieurs dirigeants se mobilisent. Je salue la demande de révision de l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël.

Reste à intensifier la pression sur les acteurs du Moyen-Orient qui manquent à leurs obligations.

Comment la France compte-t-elle agir ? Le RDSE est attaché à la défense des droits de l'homme. Supporterions-nous un tel drame humanitaire aux portes de l'Europe ? (Applaudissements à gauche, sur les travées du RDSE et sur quelques travées des groupes INDEP et UC)

M. François Bayrou, Premier ministre .  - Vous avez énoncé clairement et avec émotion la situation. La France a exprimé la même chose. Nous voyons Gaza dans une situation humanitaire effroyable : risque de famine, manque d'accès à l'eau potable, pénurie de médicaments.

Nous voyons des perspectives de guerre, avec l'annonce par le gouvernement israélien d'une nouvelle offensive, avec le risque de déplacements de population et d'annexion. La France ne peut l'accepter.

Que la France, le Royaume-Uni, compte tenu de leur histoire dans la région, le Canada, annoncent qu'ils reconnaîtront l'État de Palestine, dans le cadre d'une solution à deux États, a une signification majeure.

Depuis deux jours, une infime quantité d'aide humanitaire a pu entrer. Notre action, inlassablement, va dans ce sens ; c'est aussi le cas à l'échelle européenne, puisque la question des accords entre l'Union européenne et Israël est remise sur le métier.

Nous voulons mobiliser l'action internationale, sans jamais oublier que cette explosion a eu un détonateur : le pogrom du 7 octobre.

Nous avons une vision équilibrée et volontariste pour l'avenir de la région. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)

Eaux en bouteille (I)

M. Alexandre Ouizille .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST) Lundi, j'ai eu l'honneur de présenter le rapport de notre commission d'enquête, « Eaux minérales naturelles : préserver la pureté ». Je salue la présidence efficace et sénatoriale de Laurent Burgoa (applaudissements à droite, ainsi que sur quelques travées du groupe SER), les travaux pionniers d'Antoinette Guhl (applaudissements sur les travées du GEST), l'énergie d'Hervé Gillé, ainsi que tous les membres de la commission.

Lundi, l'heure était aux révélations, mais aussi aux recommandations ; nous avons formulé 28 propositions très précises.

Une révélation a particulièrement ému l'opinion. Le caviardage d'un rapport de l'ARS Occitanie, écrit sous la dictée de Nestlé Waters, a été tel que le fonctionnaire instructeur a demandé le retrait de sa signature.

Le rapport montre la logique transactionnelle adoptée par l'État, jusqu'à l'Élysée, qui a choisi de ne pas révéler le scandale aux Français et de valider des traitements contraires au droit européen -  qui, de surcroît, apportent une fausse sécurité sanitaire, selon l'Igas.

C'est un État ensablé dont nous avons retracé la conduite, même si certains fonctionnaires ont fait leur travail : je salue l'action du directeur de l'Anses et du directeur général de la santé, Jérôme Salomon.

Madame la ministre, nous avons besoin de vous. D'une part, certaines réformes relèvent du pouvoir réglementaire. D'autre part, nous comptons déposer une proposition de loi après ce travail transpartisan : nous aurons besoin du soutien du Gouvernement pour mettre un terme à ce scandale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur quelques travées du GEST et du groupe UC ; M. Laurent Burgoa applaudit également.)

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire .  - Je m'associe à vos remerciements et félicite les membres de la commission d'enquête pour la qualité de leur travail.

Votre rapport dresse un état des lieux et met en lumière les enjeux liés à la préservation des ressources et de la qualité de l'eau. La réglementation doit être plus précise et les contrôles renforcés.

Le Gouvernement rappelle son attachement à la sécurité sanitaire des eaux mises sur le marché. L'eau est l'un des aliments les plus contrôlés en France et sa qualité est très satisfaisante. Plus de 150 000 analyses sont réalisées chaque année par les ARS. (M. Laurent Burgoa lève les yeux au ciel.)

Cela dit, des améliorations s'imposent. Comme s'y est engagé le directeur général de la santé, le ministère diffusera dans quelques jours une circulaire aux ARS pour clarifier la doctrine applicable aux microfiltrations.

Votre commission d'enquête suggère que l'Anses soit saisie rapidement pour se prononcer sur ces pratiques. C'est pertinent : le Gouvernement la saisira.

Vous appelez de vos voeux des dispositions législatives et réglementaires : le Gouvernement est engagé en ce sens.

Nous saisirons la Commission européenne pour une possible révision de la directive Eau potable. (M. Alexandre Ouizille apprécie ; applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Gaza (II)

M. Ian Brossat .  - « Israël prendra le contrôle de toute la bande de Gaza », a déclaré le Premier ministre israélien d'extrême droite, Benyamin Netanyahu. Ce n'est plus une menace, c'est une promesse, celle d'une domination totale par la force, la terreur et la destruction. Ce week-end encore, plus de cent morts, des familles pulvérisées, des enfants ensevelis sous les gravats. De prison à ciel ouvert, Gaza est devenu un cimetière à ciel ouvert. (M. Roger Karoutchi manifeste sa désapprobation.)

La famine s'installe, il n'y a plus d'eau, plus d'électricité, plus de soins. Depuis le 2 mai, Israël bloque toute aide humanitaire. Or, sans aide dans les 48 heures, 14 000 nourrissons pourraient mourir. Ce n'est pas une guerre, c'est un siège.

En janvier 2024, la Cour internationale de justice a exigé des mesures d'urgence pour prévenir un génocide - ce sont ses mots. En juin dernier, une commission d'enquête de l'ONU a conclu à des crimes de guerre et à des crimes contre l'humanité. En novembre, la Cour pénale internationale a émis un mandat d'arrêt international contre Benyamin Netanyahu.

Face à cela, que font la France et l'Union européenne ? Le Président de la République veut reconnaître l'État de Palestine, mais que vaudra cette reconnaissance si Netanyahu parvient à ses fins ? Un drapeau planté sur un charnier ? Combien d'images insoutenables avant que la France ne prenne ses responsabilités ? Que fait la France pour mettre Benyamin Netanyahu hors d'état de nuire ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST, ainsi que sur plusieurs travées du groupe SER ; M. Ahmed Laouedj applaudit également.)

M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger .  - Cimetière à ciel ouvert : c'est effectivement une violence aveugle et un blocage de l'aide humanitaire qui transforment Gaza en mouroir. La famine se lit sur le corps des enfants, la terreur dans les yeux des parents.

Le Premier ministre l'a dit : ne relativisons pas le 7 octobre et la responsabilité historique et immense du Hamas. La responsabilité de la France est aussi de rappeler que le Hamas doit être désarmé ; il doit libérer les otages (M. Roger Karoutchi acquiesce), il doit être écarté de toute administration de Gaza. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe INDEP ; Mmes Cécile Cukierman et Raymonde Poncet Monge protestent.)

Ce n'est pas faire offense au peuple d'Israël que de dire que le gouvernement israélien hypothèque la sécurité, à commencer par la sienne. La paix se construit sur le respect et le dialogue, non sur l'injustice et la violence. Cette semaine, le Canada et le Royaume-Uni ont emboîté le pas à la France pour oeuvrer en faveur d'une solution à deux États vivant en paix côte à côte. La France est déterminée à reconnaître l'État de Palestine. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Non-certification des comptes de la Cnaf (I)

M. Guislain Cambier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Vincent Louault applaudit également.) 6,3 milliards d'euros : c'est le montant des erreurs non corrigées de la branche famille de la sécurité sociale. Logiquement, la Cour des comptes n'a pas certifié les comptes de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Retour vers le futur : en 2022 et en 2023, c'était la même chose.

Dans ces 6,3 milliards d'euros, on trouve autant de versements indus que de prestations non versées.

Alors que le Premier ministre a fait de la réduction de la dette sa priorité, nous sommes nombreux à nous poser la question du pilotage de cette politique qui concerne plus de treize millions de familles. Les erreurs représentent 8 % des prestations versées. Plus du quart des montants versés au titre de la prime d'activité est entaché d'erreurs.

Le Gouvernement ne peut rester inactif. Que comptez-vous faire pour sincériser les comptes de la branche famille de la sécurité sociale ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Cette situation est incompréhensible pour les Français et insatisfaisante pour nous tous, à commencer par Mme Vautrin et moi-même.

Nous voulons mettre de l'ordre dans nos comptes et simplifier le système de prestation sociale, grâce à l'allocation sociale unique.

Vous l'avez dit : la non-certification s'explique à la fois par des versements indus et par des prestations non versées.

Depuis le 1er mars 2025, nous avons structurellement changé les choses avec la solidarité à la source, c'est-à-dire le préremplissage automatique des déclarations : l'administration remplit, le citoyen contrôle, à l'instar de ce qui se fait pour les déclarations d'impôts - c'est d'ailleurs la saison ! Dans 96 à 98 % des cas, le citoyen valide la proposition qui lui est faite.

Nous souhaitons que la Cour des comptes constate une amélioration significative pour l'exercice en cours. Nous ferons des économies sur les versements indus, mais pourrons aussi verser les prestations auxquelles les Français ont droit, et, partant, réduire le non-recours.

Nous travaillons aussi d'arrache-pied pour lutter contre la fraude. L'an dernier, la détection des fraudes à la sécurité social a progressé de 30 %, soit 3 milliards d'euros. Nous poursuivrons l'effort. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)

M. Guislain Cambier.  - Lisez les travaux de Mme Goulet sur la fraude, ceux de Mme Doineau sur l'équilibre des comptes sociaux ! (Mmes Nathalie Goulet et Élisabeth Doineau apprécient.) Vous avez là des pistes intéressantes pour ne pas laisser filer nos comptes, et les suivre au quotidien ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur quelques travées du groupe INDEP)

Scandale Nestlé

Mme Antoinette Guhl .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Colombe Brossel et M. Alexandre Ouizille applaudissent également.) Si je devais résumer en deux minutes une année d'auditions, je dirais : construction du mensonge, fabrication du doute savamment orchestré, complicité des autorités, opacité totale.

Vous me direz : tout est sous contrôle. Oui, beaucoup de fonctionnaires ont bien fait leur travail. Ils ont contrôlé, constaté, alerté ; d'autres ont enquêté, révélé : je salue le travail de la cellule d'investigation de Radio France et du journal Le Monde. Sans eux, nous n'aurions pas compris le scénario si bien ficelé, écrit de bout en bout par un industriel avec la complicité de vos cabinets, selon lequel il n'y a pas eu de danger sanitaire.

C'est une stratégie de gros sous et un chantage à l'emploi pour mieux piller la ressource en eau, notre patrimoine commun. Une eau vendue au mépris du consommateur, bien trop chère pour de l'eau traitée et exportée aux États-Unis - sans aucune taxe de surcroît.

Je le dis sans ambages : c'est un scandale d'État, un scandale sanitaire, un scandale démocratique et un saccage écologique.

Comment se peut-il que notre État soit si peu résistant aux lobbies ? Pourquoi les gouvernements successifs ont-ils couvert une entreprise qui ne respecte ni la réglementation, ni ses salariés, ni la ressource en eau, ni même ses consommateurs ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K)

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire .  - Je salue votre travail et la qualité de votre rapport de 2024, qui ont constitué les prémices de la commission d'enquête. Vous avez émis dix recommandations dont le Gouvernement tiendra compte, en sus des vingt-huit recommandations de la commission d'enquête.

Je le répète : il n'y a aucun risque sanitaire. C'est simplement une question de loyauté vis-à-vis de la réglementation. Je le redis : il n'y a pas de scandale d'État - soyons attentifs aux mots. Derrière, il y a des emplois, et je veux respecter le personnel. Les mots ne doivent pas être blessants à leur égard. (On s'indigne sur les travées du GEST et du groupe SER ; M. Laurent Burgoa acquiesce.)

Le 7 mai dernier, le préfet du Gard a mis en demeure Nestlé de retirer sous deux mois son microfiltre, qui modifie le microbisme de l'eau.

Des signalements ont été faits à la justice entre 2022 et 2025. Nous en attendons les résultats.

Un travail de coordination a été engagé entre le ministère de l'économie et celui de la santé.

Toutes les décisions prises dans ce dossier l'ont été à l'issue d'échanges entre l'administration et les cabinets ministériels. (M. François Patriat applaudit ; on ironise sur les travées du GEST.)

M. Yannick Jadot.  - Et aussi avec Nestlé ?

Eaux en bouteille (II)

M. Laurent Burgoa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'ai eu l'honneur de présider la commission d'enquête créée à l'initiative du groupe SER, dont le rapport précis d'Alexandre Ouizille a été adopté à l'unanimité. (M. Alexandre Ouizille apprécie.)

D'abord, l'État compte-t-il enfin établir une norme en matière de microfiltration ? L'absence de base juridique claire handicape ceux qui sont chargés de faire respecter les règles sanitaires et crée de l'incertitude pour les minéraliers - qui sont neuf sur dix à respecter l'éthique du métier.

Ensuite, le Gouvernement envisage-t-il d'harmoniser la fiscalité entre les eaux minérales et les eaux de boisson ? Les collectivités territoriales où les sources sont exploitées expriment leur incompréhension légitime.

Enfin, quelles actions seront engagées pour assurer un meilleur suivi de la qualité des nappes ? Il y a besoin de transparence, mais aussi de financements - davantage privés que publics.

Madame Guhl, jamais l'expression « scandale d'État » n'a été utilisée dans notre rapport. Les mots ont un sens, attention à ne pas stigmatiser toute une profession. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Corinne Bourcier et M. Alain Marc applaudissent également.)

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire .  - Je remercie la commission d'enquête de ses travaux auxquels vous avez contribué en tant que président. Vous avez souligné des failles et fait des recommandations.

Votre première demande porte sur la microfiltration. Sachez que le ministère de la santé diffusera une instruction dans quelques jours pour clarifier notre doctrine. L'Anses sera prochainement saisie pour se prononcer scientifiquement sur les pratiques acceptables de microfiltration - celles qui ne dénaturent pas le microbisme de l'eau. Le ministère de la santé saisira la Commission européenne sur la possibilité de réviser la directive européenne sur la pureté originelle et la microfiltration, afin d'harmoniser les réglementations.

Par ailleurs, nous travaillerons sur la fiscalité de l'eau au travers des conférences territorialisées de l'eau, lancées le 7 mai dernier, qui aborderont notamment l'enjeu du partage de la ressource.

Le Gouvernement veut associer les parlementaires, mais aussi les collectivités territoriales, les industriels et les usagers aux réflexions sur la protection des nappes phréatiques.

Je propose de vous recevoir prochainement, avec le rapporteur de la commission d'enquête, pour étudier vos recommandations. (M. François Patriat applaudit.)

Partenariat stratégique entre Londres et l'Union européenne sur la pêche

Mme Nadège Havet .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Depuis plusieurs années, le secteur de la pêche connaît de grandes difficultés : fermeture administrative du golfe de Gascogne, tarifs des carburants, tensions sur les zones de pêche, éoliennes en mer, pression des ONG... Sans parler du Brexit : nous nous souvenons de la bataille pour obtenir les licences de pêche !

Cinq ans plus tard, nous aboutissons enfin à un accord, dans le cadre des négociations bilatérales entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, grâce à votre mobilisation : des concessions britanniques ont été obtenues, bonne nouvelle ! Alors que l'accès aux eaux britanniques s'arrêtait en 2026, vous avez obtenu une prolongation. Pouvez-vous nous détailler les termes de cet accord, ainsi que ses conséquences pour les pêcheurs ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Vincent Louault applaudit également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche .  - C'est une grande victoire de la France et de l'Union européenne. Cette négociation a beaucoup inquiété les pêcheurs et les élus des communes littorales. Cet accord, fruit d'un long travail collectif, pour lequel je n'ai pas ménagé ma peine, prolonge jusqu'en 2038 l'accès aux ressources maritimes britanniques. En un mot : nous avons sécurisé l'avenir de notre filière. C'est une victoire pour les pêcheurs, pour les territoires littoraux, pour la diplomatie française et pour le Gouvernement, qui n'a jamais cédé sur les principes essentiels : stabilité, prévisibilité, respect de nos droits historiques.

Les parlementaires, français et européens, ont aussi su faire entendre la voix de la pêche dans les enceintes européennes et dans le dialogue bilatéral, merci à eux. Je salue également la mobilisation constante des présidents de région. La pêche n'est pas une variable d'ajustement, mais une composante vitale de notre souveraineté alimentaire et de notre économie maritime.

Quand l'Europe parle d'une voix unie et forte, elle est respectée. Aucun État membre n'aurait, isolément, pu arracher seul un tel résultat. C'est ensemble que nous avons pu stabiliser les règles pour plus d'une décennie. Nous continuerons à défendre avec la même détermination les intérêts de notre filière, y compris au niveau européen. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Mme Nadège Havet.  - Alors que la conférence des Nations unies sur l'Océan ouvrira bientôt, protégeons nos pêcheurs : ce sont des modèles et non des boucs émissaires. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes INDEP et UC)

Fermetures de classes

Mme Laure Darcos .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Les inspections d'académie vont bientôt achever leur travail sur la carte scolaire de la prochaine rentrée. Dans de nombreuses communes, la sanction sera cinglante.

Le dialogue entre les maires et l'éducation nationale vire trop souvent au cauchemar. Les élus sont à peine consultés et leur avis ne pèse rien.

Dans mon département de l'Essonne, mais aussi dans le Nord, en Indre-et-Loire, dans la Marne, dans la Loire, en Loire-Atlantique, partout la même politique de rationalisation des moyens, sans prise en compte des enjeux des territoires ruraux.

Comment croire que la qualité de l'enseignement restera identique ? La pression sur des enseignants avec des classes à trois, voire quatre niveaux, sera trop forte.

Vous me répondrez probablement : démographie... Mais la baisse démographique n'est-elle pas une aubaine pour réduire les effectifs, comme dans les REP et REP+ ?

Les inspections académiques sauront-elles s'adapter à l'évolution du nombre d'élèves en cours d'année ? Un dialogue soutenu avec les élus locaux est nécessaire : êtes-vous prêts à leur laisser plus de place ? Il faut assurer un avenir à nos campagnes ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains ; bravos sur plusieurs travées à droite)

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - La carte scolaire est un sujet particulièrement important pour le ministère. Nous constatons une forte baisse démographique : lors de la rentrée 2025, on comptait 93 000 élèves en moins, dont 80 000 dans le premier degré. Le nombre moyen d'élèves par classe va atteindre un plus bas historique, à 21 élèves.

La dotation de votre département, l'Essonne, prévoit la création de 19 postes, malgré 380 élèves de moins. Nous mettons bien la baisse démographique au service de la réussite de tous les élèves et de la réduction des inégalités sociales et territoriales.

M. Stéphane Sautarel.  - C'est faux !

M. Philippe Baptiste, ministre.  - Un travail conjoint doit avoir lieu entre les inspections académiques et les élus. C'est le sens des observatoires des dynamiques locales, mis en place par Élisabeth Borne, alors Première ministre.

M. Stéphane Sautarel.  - Foutaises !

M. Philippe Baptiste, ministre.  - Cette instance permet de partager avec l'ensemble des acteurs concernés les prévisions d'effectifs sur trois ans et de travailler sur les ouvertures et les fermetures de classes, en associant étroitement les élus.

M. Thierry Cozic.  - Ce n'est pas vrai.

M. Philippe Baptiste, ministre.  - C'est dans ce cadre que la ministre d'État a signé une convention avec l'AMF.

Ingérences chinoises

Mme Jacqueline Eustache-Brinio .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Par deux fois, le Sénat s'est montré inquiet de l'influence chinoise, qui n'épargne ni l'Hexagone ni nos outre-mer.

Trouvez-vous normal que le musée Guimet supprime le mot « Tibet » de son répertoire ? Trouvez-vous normal qu'on laisse agir les instituts Confucius dans nos universités ? Trouvez-vous normal qu'au large de la Guyane, nos fonds marins soient ravagés pour faire plaisir aux amateurs chinois de courbine ? Trouvez-vous normal que des formes de colonialisme se développent dans le Pacifique, comme l'a dit le ministre Valls ? Ne pas s'en inquiéter serait irresponsable pour l'avenir de nos territoires ultramarins, de nos universités, entre autres.

Vous avez certainement pris connaissance du rapport de la commission d'enquête dont le rapporteur était Rachid Temal et le président Dominique de Legge. J'ose espérer qu'une tolérance passive ne sévit pas au Quai d'Orsay : une cellule y a-t-elle été mise en place pour lutter contre ces influences chinoises ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Cadic applaudit également.)

M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger .  - Vous avez raison de soulever ce sujet de l'ingérence étrangère, qui peut cibler la métropole, mais aussi les outre-mer, notamment la Polynésie. (Mme Lana Tetuanui s'exclame.)

Je veux vous rassurer : les pouvoirs publics agissent. Il s'agit d'enjeux culturels, mais aussi économiques sensibles. Sous l'impulsion du Président de la République, nous avons significativement renforcé nos moyens : augmentation des capacités d'analyse et de surveillance de nos services de renseignement ; contrôle accru des financements étrangers des associations, notamment via la loi confortant le respect des principes de la République ; dialogue renforcé avec les établissements d'enseignement supérieur et les collectivités territoriales ; pilotage de la coordination interministérielle par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).

La France reste ouverte aux échanges internationaux. Ce n'est pas se replier que d'agir en défensif dans ce domaine. Ni naïfs ni inattentifs, nous continuerons à agir pour protéger notre indépendance et notre débat démocratique. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Taxation des petits colis

M. Rémi Cardon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Sur le ring du commerce mondial, le match est truqué : Jennyfer est balayé, tandis que Shein et Temu, géants du e-commerce chinois, sont dopés par des produits à bas coût et polluants. Et vous, madame la ministre, prétendue arbitre, que faites-vous ?

Pas moins de 1 000 salariés sont licenciés chez Jennyfer ce mois-ci, après les 2 100 de Camaïeu en 2022. Et Shein fait un milliard d'euros de chiffre d'affaires, sans impôts ni contraintes.

C'est un triple scandale : social, écologique et fiscal. Nos entreprises paient, eux contournent. Nos salariés sont licenciés, eux livrent. Nos normes contraignent, eux prospèrent.

Il est temps d'en finir avec la naïveté. Il faut une réponse européenne ferme, rapide et juste, et imposer aux géants du numérique les mêmes règles qu'à nos commerces de proximité. Qu'attendez-vous pour défendre l'emploi, la transition écologique et la justice fiscale ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K ; M. Pierre Jean Rochette et Mme Vanina Paoli-Gagin applaudissent également.)

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire .  - Vous avez donné les chiffres : 22 % des colis distribués par La Poste viennent de plateformes asiatiques ; 7 000 nouvelles références textiles sont proposées chaque jour ; 1,5 million de colis arrivent par an en France.

Oui, le fret aérien a un impact environnemental cent fois supérieur au fret maritime. L'impact est aussi social et économique. Cette concurrence déloyale fragilise notre commerce physique.

Nous avons sonné la mobilisation générale. J'ai demandé à la DGCCRF de tripler les contrôles émanant de ces plateformes ; ils seront désormais effectués à 360 degrés ; dès qu'une faille est établie chez un petit acteur, les mêmes segments seront analysés chez les gros acteurs.

Avec Amélie de Montchalin, j'ai renforcé la coordination entre les douanes et la DGCCRF. Avec Agnès Pannier-Runacher, j'ai demandé à examiner la proposition de loi Fast fashion dès début juin ; nous avons défendu des dispositions plus robustes.

Au niveau européen, nous oeuvrons pour que l'exemption des petits colis jusqu'à 150 euros soit revue, et nous avons obtenu que la Commission européenne propose une taxe de 2 euros sur les colis.

M. Rémi Cardon.  - Merci de votre réponse... mais c'est totalement insuffisant. Deux euros par colis, cela ne dissuadera personne.

Shein fait 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires et ne paie que 0,02 % d'impôts ! C'est le patron de la coopérative U qui le dit.

Ce Gouvernement fait de la fast fashion sa ligne politique : tout pour l'image, rien pour la durabilité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et sur quelques travées du GEST)

Non-certification des comptes de la Cnaf (II)

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.) J'irai au-delà de la question posée par Guislain Cambier, et insisterai sur les dysfonctionnements de la branche famille. (M. Yannick Jadot ironise.)

C'est la troisième année consécutive que les comptes de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) ne sont pas certifiés ; on nous avait promis des solutions, alors accélérez ! Ensuite, le système d'information est défaillant, et soumis à de nombreuses attaques, sans parler de l'annulation fiscale - 2 millions de reçus fiscaux ne peuvent être émis ; c'est un vrai dysfonctionnement. Enfin, les contrôles ont baissé de 7 % sur la branche famille ; nous n'avons pas d'outils de suivi adaptés, il est donc extrêmement difficile de mettre en place une politique de lutte contre la fraude.

Comment expliquer aux Français que l'on va devoir collectivement faire des efforts, alors que l'on n'a pas les outils suffisants pour contrôler les aides au logement et le RSA ?

Il faut être extrêmement transparent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Mathieu Darnaud.  - Très bien !

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - La question de la fraude a connu un épisode malheureux. Avant l'entrée en fonction de ce gouvernement, vous avez voté, députés et sénateurs, diverses mesures dans la LFSS pour 2025, dont l'échange de données entre complémentaires et sécurité sociale, la réforme du service médical, l'harmonisation de pratiques entre départements, que malheureusement le Conseil constitutionnel a considérées comme des cavaliers.

Nos outils contre la fraude fiscale ont beaucoup progressé, dont les gels et les saisies. L'Office national anti-fraude (Onaf) a saisi l'an dernier 600 millions d'euros.

Il est absolument intolérable qu'il soit plus facile de frauder la sécurité sociale plutôt que le fisc. À la fin, c'est toujours le même portefeuille, celui des Français. Nous devons appliquer les mêmes mesures et la même réactivité dans la sphère sociale que dans la sphère fiscale.

Nous avons détecté 1,6 milliard d'euros de fraudes au titre du travail dissimulé et 2,9 milliards d'euros de fraudes dans la sphère sociale. Il faut bloquer l'argent et le saisir. Tracfin le montre : une partie de cet argent est captée par la criminalité, et envoyée à l'étranger. Notre détermination est totale et nous avons besoin d'outils législatifs renforcés. (M. François Patriat applaudit.)

M. Philippe Mouiller.  - Défendons ensemble une proposition de loi sur les outils de lutte contre la fraude, afin d'éviter tout cavalier en PLFSS. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Tout à fait !

Harcèlement et sévices dans l'armée

Mme Jocelyne Guidez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) « Ils ont décidé de me briser » : ces mots sont ceux de Clovis Tritto, du 8e régiment de parachutistes d'infanterie de marine (RPIMa) de Castres. Ces derniers jours, quatre militaires ont déposé plainte, décrivant un climat de soumission où l'autorité se confondait avec la brutalité.

Soyons clairs, il ne s'agit pas de salir l'image de notre armée : nos cadres sous-officiers et officiers servent avec honneur. Nos armées forment la jeunesse à l'engagement. Cette autorité est précieuse, elle fait la force, la fierté, l'identité et l'attractivité de nos armées. Mais l'autorité n'autorise pas les sévices, pas plus que la tradition ne saurait excuser la maltraitance.

Les abus et les drames existent. Les militaires aussi peuvent subir un mal-être, une dépression, d'autant plus s'il y a harcèlement.

Je pense à Louis Tinnard, jeune militaire de 20 ans qui s'est suicidé dans sa caserne en 2022, et dont la mort a été reconnue comme accident de service.

Quelles dispositions seront mises en place pour garantir à nos jeunes volontaires un encadrement sûr et digne des valeurs de la République et de nos armées ? Comment mieux accompagner nos soldats ? Quand l'engagement devient souffrance, nous ne pouvons rester dans l'indifférence. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes INDEP et SER)

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées .  - Je partage votre émotion et la tonalité de votre intervention. Nous aussi avons été en colère lorsque nous avons pris connaissance de ces faits.

Avec empathie et rigueur, je souhaite vous dire que nous devons tout d'abord respecter la parole des victimes, c'est-à-dire la prendre en compte. Ensuite, nous les accompagnons ; on a parlé à tort du #MeToo des armées, mais, il est vrai, nous n'avons pas toujours été à la hauteur. C'est pourquoi nous avons pris des mesures correctives.

Le chef d'état-major de l'armée de terre a été saisi. L'officier a un devoir de protection par son commandement, tout comme il a un devoir de protection envers ses subordonnés.

Ensuite, l'enquête de commandement n'écarte pas la juste collaboration avec l'enquête judiciaire - il est arrivé que l'armée s'en contente. L'article 40 du code de procédure pénale s'applique aux militaires.

Il faut enfin savoir punir : la tentation a pu être d'éloigner les victimes, pour dire les choses pudiquement, et non les auteurs. L'institution doit savoir se débarrasser des canards boiteux.

En aucun cas, des dérives individuelles ne doivent porter atteinte à la réputation de l'institution militaire dans son ensemble. (M. François Patriat applaudit.)

M. Bruno Sido.  - Très bien.

Mme Jocelyne Guidez.  - Merci pour votre réponse très claire. Un soldat en souffrance n'est pas un bon soldat. L'autorité naturelle d'un bon cadre ne résidera jamais dans l'humiliation. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

Rapport sur les Frères musulmans

M. André Reichardt .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce matin, le Conseil de défense s'est réuni pour examiner un rapport sur les Frères musulmans, rédigé par le préfet Pascal Courtade et l'ambassadeur François Gouyette.

Le travail d'analyse a duré plusieurs mois. Le rapport brosserait le tableau effrayant d'un pays - le nôtre, la France -, miné de l'intérieur par une confrérie qui a déployé un important réseau, composé de lieux de culte, d'associations, d'écosystèmes complets qui investissent nos quartiers et nos villes, à bas bruit et très efficacement, le tout alimenté par des financements étrangers. Son objectif ? La prééminence de la loi coranique sur les lois de la République, rien de moins.

Vous avez dit, monsieur le ministre, que ce rapport est accablant, alarmant. Pourriez-vous nous en dire plus ? Quelle suite entend donner le Gouvernement à ce constat effrayant ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; on ironise à gauche.)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Ce rapport est alarmant, bien sûr. Il faut séparer l'islamisme d'une pratique de l'islam compatible avec la République. Je note à ce propos que les pays les plus durs avec les Frères musulmans sont les pays musulmans, et non les démocraties occidentales !

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

M. Bruno Retailleau, ministre d'État.  - Il y a une grande différence entre le séparatisme et l'entrisme. Le premier prétend créer des contre-sociétés séparées de la communauté nationale, le second modifier nos propres règles, pour l'ensemble de la communauté des citoyens.

Monsieur Reichardt, je connais vos travaux : après le rapport de 2015, vous aviez déposé une proposition de loi. La matrice des Frères musulmans est toujours la même depuis 1928 : la prééminence de la loi coranique, l'infériorisation des femmes et l'antisémitisme.

Le rapport indique deux menaces : l'une contre nos intérêts fondamentaux, notre régime républicain ; l'autre contre la cohésion nationale.

Dans les semaines à venir, nous proposerons un chef de filat en matière de renseignement et un parquet administratif, rattaché au ministère de l'intérieur, pour diligenter des entraves administratives. Nous enquêterons aussi sur les circuits de financement : après la dissolution de Barakacity, les financements se sont réfugiés au Royaume-Uni ; les actifs du collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) ont rejoint la Belgique. Enfin, nous allons sensibiliser le grand public.

Le rapport sera rendu public dans quelques heures. Il faudra former fonctionnaires et élus. Notre intention de combattre le frérisme et l'entrisme est ferme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. André Reichardt.  - Si mal nommer les choses ajoute au malheur du monde, pour rappeler Camus, avec ce rapport, ce ne sera pas le cas. Cette fois-ci, les ennemis de la République sont bien nommés.

Mais il faut aussi des actes pour démonter cette mécanique. Le Sénat a fait des propositions. Vous avez bien voulu évoquer le rapport que j'avais commis sous la présidence de Corinne Féret, avec ma corapporteure Nathalie Goulet : nous proposions une transparence des financements, le contrôle des subventions de l'Union européenne.

Il faut du courage politique et de l'énergie, vous ne manquez ni de l'un ni de l'autre. Allez-y ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Sans-abrisme

Mme Annie Le Houerou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Selon le décompte du collectif Les Morts de la rue, 855 personnes ont péri en 2024 sur la voie publique ou dans des abris de fortune, dont 112 femmes et 19 enfants de moins de 4 ans. C'est intolérable. Tous les départements sont concernés. Depuis 2017, le nombre de morts à la rue a augmenté de 135 % - tandis que la fortune des milliardaires français croissait de 24 milliards d'euros.

La Fondation pour le logement des défavorisés fait état de 350 000 SDF en 2024, et 1,118 million de personnes n'ont pas de logement à soi.

Les politiques sociales menées depuis 2017 aggravent le risque de se retrouver à la rue. Les places d'hébergement d'urgence et le budget afférent stagnent. Le service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) est débordé. Les 10 000 places promises ne répondront qu'à 7 % des besoins. La loi Kasbarian-Bergé a fait chuter les constructions de logements sociaux : en 2024, moins d'une demande sur dix a abouti. Les budgets contraints des collectivités et des associations de solidarité les empêchent de répondre aux besoins. Enfin, les difficultés d'accès aux soins en santé mentale accentuent la marginalisation de certains.

Confirmez-vous ces chiffres insupportables ? Comment comptez-vous lutter contre la précarité et assurer un abri décent à tous ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST)

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Ce sujet est à la croisée des politiques du logement, du budget, de l'aménagement du territoire, du soutien aux plus vulnérables.

Valérie Létard aurait pu vous détailler son action résolue en tant que ministre du logement.

L'un des moteurs, depuis 2017, est la politique Logement d'abord - un plan d'investissements massif, mené avec les collectivités, pour sortir de la logique de l'urgence et redonner à chacun de la dignité. Des centaines de milliers de familles ont été sorties de la précarité, de cette boucle infernale de l'hébergement d'urgence.

Mme Audrey Linkenheld.  - Fake news.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Hier, avec Valérie Létard, nous avons continué à soutenir les bailleurs sociaux en signant le décret réduisant le poids de la réduction de loyer de solidarité (RLS). (Mme Audrey Linkenheld s'exclame.) Nous soutenons toutes les mesures de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) et de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) en faveur des plus fragiles.

Nous ne voulons pas opposer les Français entre eux. Tous contribuent à la solidarité nationale. Je vous sais attachée à la justice fiscale, nous aussi.

M. Hussein Bourgi.  - Quel rapport ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Vous tenez à l'équilibre des comptes publics : nous luttons contre toutes les fraudes, fiscales ou sociales. (Protestations sur les travées du groupe SER)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce n'est pas le sujet !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - N'opposons pas ces politiques et l'appui aux plus vulnérables. Les crédits consacrés au logement d'urgence ou au logement social n'ont été ni gelés, ni annulés.

M. Hussein Bourgi.  - Demandez à Kasbarian !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Notre politique est lisible. Nous travaillons main dans la main avec chaque commune, sans polémiques ni effets d'annonce. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Annie Le Houerou.  - Les faits sont têtus : le nombre de morts dans la rue augmente et l'opération Logement d'abord n'y répond pas. Nous devons un toit à tous les Français. (Applaudissements à gauche)

Risque de hausse des prix des fertilisants

Mme Kristina Pluchet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Louault applaudit également.) Alors que les agriculteurs s'apprêtent à manifester contre le détricotage de la proposition de loi Duplomb à l'Assemblée nationale, sous la pression des lobbies écolo-gauchistes... (On se gausse sur les travées du GEST.)

M. Yannick Jadot.  - Bravo !

Mme Kristina Pluchet.  - ... je salue l'engagement sans faille d'Annie Genevard, actuellement aux côtés des agriculteurs victimes des intempéries dans le Sud-Ouest. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)

Mais voilà qu'un nouveau front s'ouvre. La Commission européenne a proposé une augmentation substantielle, dès juillet, des droits de douane sur les engrais russes et biélorusses, dans le but de réduire notre dépendance stratégique à l'égard de la Russie.

Une énième taxe, dont les agriculteurs seront les premières victimes, eux qui subissent déjà l'inflation, la concurrence déloyale et un carcan administratif suffocant.

Y aura-t-il une compensation pour pallier l'inévitable explosion du prix ? Comment s'assurer que les fertilisants russes ne seront pas réimportés à prix d'or via des pays tiers ?

Que l'Europe veuille sanctionner la Russie, fort bien, mais pas au détriment de ceux qui nous nourrissent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - Veuillez excuser Annie Genevard, qui est dans le Sud-Ouest auprès des agriculteurs victimes des récentes intempéries.

Nous comprenons que la surtaxe des fertilisants azotés inquiète les agriculteurs.

La Commission européenne poursuit un double un objectif : ne pas financer la Russie dans son effort de guerre, et réduire nos dépendances stratégiques. Il nous faut diversifier nos approvisionnements, voire, à terme, réimplanter des industries de production d'engrais.

La Commission a proposé un système progressif jusqu'en 2028. La France estime que cet effort ne doit pas être payé par nos agriculteurs, qui sont notre priorité. Nous l'avons fait comprendre au Conseil. Nous avons demandé des mesures de remédiation, un mécanisme de stop and go pour protéger les agriculteurs en cas de crise. Nous sommes opposés à ce que l'ammoniac fasse partie des produits surtaxés et avons obtenu que la Commission s'engage à prendre des mesures adéquates en cas d'augmentation excessive des prix. Nous avons également demandé des dispositifs pour éviter le contournement via des pays tiers.

La France sera très vigilante à ce que les agriculteurs ne soient pas pénalisés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Sido.  - Très bien !

Mme Kristina Pluchet.  - Le bon sens aurait voulu que l'Europe soit souveraine en matière de production d'engrais avant de couper le robinet russe. (MM. Roger Karoutchi et Bruno Sido lèvent les bras au ciel.)

Il nous faut lever les taxes douanières et anti-dumping sur les importations d'engrais provenant d'autres régions du monde, afin de maintenir un approvisionnement compétitif à nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Immigration illégale dans les Alpes

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le col de Montgenèvre, dans le département des Hautes-Alpes, à 1900 m d'altitude, est devenu le premier point d'entrée terrestre de flux illégaux de migrants. Les passages ont augmenté de 130 % entre 2024 et 2025. La police aux frontières est dépassée : la charge de travail ayant quadruplé, le manque de personnel, notamment d'officiers de police judiciaire (OPJ), se fait sentir. Les locaux sont inadaptés pour assurer un accueil digne des migrants et des conditions de travail décentes : les rétentions administratives s'opèrent dans des Algeco à plus de 2 000 m d'altitude.

S'ajoute le flou juridique, depuis la décision du 21 décembre 2023 de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qui interdit de refouler des personnes migrantes entrées illégalement sur le territoire sans leur laisser un certain délai pour quitter volontairement le territoire.

Quels moyens le Gouvernement compte-t-il déployer face à cette situation qui n'est pas sans conséquence sur la sécurité nationale ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Nous sommes parvenus à verrouiller la frontière entre les Alpes-Maritimes et l'Italie. Désormais, le flux d'Érythréens, c'est nouveau, passe par Lampedusa puis par le col de Montgenèvre. Environ 90 % des mineurs non accompagnés interceptés proviennent d'Érythrée.

D'abord, nous protégeons la frontière. Contrairement à d'autres pays, nous n'avons pas de corps unifié de gardes-frontières. Nous avons donc institué un corps diversifié composé de gendarmes, de policiers aux frontières, de douaniers et de militaires de Sentinelle.

J'ai décidé de dépêcher une compagnie de CRS pour renforcer les effectifs ; nous envoyons aussi des officiers de police judiciaire (OPJ) et des bâtiments modulaires. L'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière (Ocriest) traque les passeurs ; l'an dernier, nous avons démantelé 269 filières de trafiquants d'êtres humains.

L'arrêt ADDE de la CJUE de septembre 2023 complique énormément notre travail.

Nous avons obtenu des résultats dans les Alpes-Maritimes grâce aux patrouilles mixtes avec l'Italie et à la procédure simplifiée. Nous devons en faire autant dans votre département, même si les policiers italiens sont moins nombreux.

Il faut obtenir la révision de la directive Retour - que j'appelle la directive anti-retour, car elle donne aux clandestins un délai pour permettre un « départ volontaire ». Autant dire que cela ne peut pas fonctionner. Il faut inverser la logique. C'est ce que la Commission européenne a mis sur la table, et cela va tout changer.

Nous sommes mobilisés pour garder la frontière entre votre département et l'Italie. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Marc Ruel applaudit également.)

M. Jean-Michel Arnaud.  - Vous n'avez pas répondu sur la question des locaux - c'est un sujet important, pour la dignité des personnes migrantes mais aussi et surtout pour les conditions de travail des policiers, le CRA le plus proche étant à deux heures de route... (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

La séance est suspendue à 16 h 20.

Présidence de Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 30.

Modification de l'ordre du jour

Mme la présidente.  - Par lettre en date du 20 mai, M. Claude Raynal, président de la commission des finances, a demandé l'inscription à l'ordre du jour de la semaine d'initiative sénatoriale de la proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales.

Nous pourrions inscrire ce texte en dernier point de l'ordre du jour du mercredi 11 juin et ouvrir la nuit et inscrire la suite de ce texte le jeudi 12 juin, à l'issue des espaces réservés et le soir.

Nous pourrions fixer au mardi 10 juin à 12 heures le délai limite pour le dépôt des amendements de séance et à 15 heures le délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes.

Il en est ainsi décidé.

Avis sur une nomination

Mme la présidente.  - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des lois a émis un avis favorable (22 voix pour, 0 contre) à la nomination de M. Alain Espinasse aux fonctions de directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Accord en CMP

Mme la présidente.  - La commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu'habitation en habitations est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Accord France-Djibouti (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti.

Discussion générale

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - Je suis heureux de vous présenter le projet de loi de ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti, signé à Paris le 24 juillet dernier.

La France et Djibouti sont unis de longue date par un partenariat privilégié fondé sur une confiance mutuelle et une coopération qui se déploie dans de nombreux domaines. Il a été réaffirmé lors du deuxième déplacement du Président de la République dans ce pays, en décembre dernier.

Le traité dont la ratification vous est proposée matérialise la convergence de nos intérêts stratégiques en mer Rouge et dans le golfe d'Aden. Notre présence militaire à Djibouti contribue à la sécurisation de la mer Rouge, route commerciale vitale pour l'approvisionnement de l'Europe par laquelle transite 30 % du trafic maritime mondial. Notre base sert aussi l'autonomie stratégique de la France en facilitant la projection de forces dans l'Indo-Pacifique et dans nos territoires de l'océan Indien ; elle nous permet de mener des opérations de grande envergure, comme l'évacuation d'un millier de nos ressortissants du Soudan, en avril 2023, lors de l'opération Sagittaire.

Djibouti est le seul pays où l'on trouve une base américaine et une base chinoise, ainsi que des détachements japonais et italien. Grâce à ce traité, les forces françaises présentes sur place - 1 500 hommes à ce jour - pourront poursuivre leurs entraînements sur le territoire djiboutien dans des conditions facilitées.

En négociation depuis mai 2023, ce traité remplace le précédent accord, conclu en 2014. Pour l'essentiel, il conforte la situation existante, en apportant des garanties supplémentaires aux deux parties. Il s'appliquera pour une durée portée de dix à vingt ans.

Le traité maintient la clause de sécurité par laquelle la France s'engage à contribuer à la défense de l'intégrité territoriale de Djibouti. Nous sommes la seule puissance parmi les cinq présentes sur place à assurer cette mission de défense au profit de Djibouti. Cette clause traduit notre approche partenariale et conforte notre coopération en matière de défense, qui prend diverses formes : formation, entraînement aux opérations de maintien de la paix, accueil au sein d'écoles ou d'unités françaises.

Est prévue une augmentation de notre contribution financière à Djibouti, qui n'a pas été réévaluée depuis vingt-cinq ans.

Ce traité, qui conforte notre position de principal partenaire de Djibouti en matière de défense, est avantageux pour les deux parties dans un contexte de compétition géopolitique accrue. (Applaudissements sur les travées du RDPI, sur quelques travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains)

M. Cédric Perrin, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Signé le 24 juillet dernier, ce nouveau traité de défense avec Djibouti revêt une importance particulière pour notre pays.

Sa conclusion intervient dans un contexte qui nous est globalement défavorable en Afrique, après la fin de l'opération Barkhane et notre retrait de nombreux pays - Mali, Burkina-Faso, Niger, Tchad. Nos troupes ont par ailleurs été drastiquement réduites au Gabon et en Côte d'Ivoire. Ce mouvement touche aussi le Sénégal.

Ce phénomène résulte de la pression des opinions publiques, mais aussi des agissements de la Russie, qui mène une guerre hybride fondée notamment sur la désinformation.

Il sera impossible pour la France de déclencher aussi rapidement qu'auparavant une évacuation de ressortissants de grande ampleur en Afrique de l'Ouest ; mais cela restera possible depuis Djibouti, sur le modèle de l'opération Sagittaire d'avril 2023.

Son importance stratégique, Djibouti la doit à une situation géographique exceptionnelle, au bord du détroit de Bab-el-Mandeb, par lequel passent 6 millions de barils de pétrole chaque jour, et à proximité de zones de crise - je pense notamment aux attaques des Houthis, qui ont fait baisser le trafic dans le détroit de 40 % malgré les opérations menées par les États-Unis, à la tête d'une coalition, et l'Union européenne.

Djibouti est devenu un hub pour les opérations militaires, humanitaires et de renseignement. C'est le seul pays à accueillir des bases militaires permanentes de cinq pays : France, Chine, États-Unis, Japon et Arabie saoudite.

Djibouti est devenu indépendant de la France le 27 juin 1977. D'abord refroidies, nos relations ont pris un nouvel essor alors que les autorités djiboutiennes cherchent à rééquilibrer leurs relations extérieures face à la montée en puissance de la Chine, qui détient une part importante de la dette du pays.

Conforté par plusieurs visites présidentielles et ministérielles, notre partenariat concerne des domaines variés : commerce, investissements solidaires, culture, spatial.

Nos effectifs militaires sont progressivement passés de 5 600 en 1977 à 1 500 aujourd'hui. En 2011, la base a vu le départ de la treizième demi-brigade de la Légion étrangère et une forte réduction de l'aviation de combat, passée à quatre Mirage. Néanmoins, nos moyens sur place restent assez importants et seront prochainement modernisés : passage au véhicule Scorpion, renouvellement des hélicoptères, arrivée de Rafale, rénovation d'infrastructures. Une légère montée des effectifs devrait également intervenir.

Ce traité s'inscrit dans la continuité du précédent, s'agissant notamment de la clause de sécurité non automatique. La présence militaire française à Djibouti a une double finalité : fournir un point d'appui à nos forces et contribuer à la sécurité de Djibouti, qui craint des incursions érythréennes, des attentats menés par des djihadistes infiltrés depuis la Somalie ou le Yémen ou des menaces liées à l'instabilité de l'Éthiopie.

Cette clause justifie un engagement important en termes d'hommes et de moyens. En particulier, la France participera à la police de l'espace aérien djiboutien, ainsi qu'à la coordination du trafic aérien militaire, des prérogatives importantes.

Une mesure bienvenue : la facilitation des entraînements, désormais possibles après une simple notification aux autorités, au lieu d'un accord préalable.

Un comité militaire de dialogue stratégique accompagnera la transformation des forces djiboutiennes en armée d'emploi à l'horizon de 2030.

Par ailleurs, 40 % de la superficie de l'îlot du Héron est restituée à Djibouti, une demande forte des autorités du pays, cette façade maritime suscitant des convoitises commerciales. Cette restitution n'aura pas d'incidence opérationnelle majeure, et les logements supprimés seront relocalisés ou remplacés par des locations. Il conviendra de veiller à la préservation des ateliers de la base, ainsi que des cales de mise à l'eau.

Notre contribution financière est relevée de 30 à 85 millions d'euros par an, mais elle est restée stable depuis 2003 alors que la concurrence s'est accrue à Djibouti. En outre, cette contribution est libératoire de tout autre prélèvement, un principe préservé pour une durée de vingt ans.

Ce traité offre toutes les garanties nécessaires de pérennité pour notre base, point d'appui et outil de projection de premier ordre. Il envoie également un signal à nos concurrents stratégiques. Il conforte une coopération militaire inscrite dans une relation bilatérale profonde et confiante. Il faudra toutefois rester à l'écoute de notre partenaire, car, si la situation est différente de celle du Sahel, Djibouti n'est pas à l'écart des courants d'opinion et des campagnes de désinformation.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées recommande l'adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du RDPI et du RDSE et sur des travées du groupe UC ; M. Didier Marie applaudit également.)

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Ce traité est un pacte d'avenir, même si nous aurions pu saisir cette occasion pour remettre à plat notre relation.

Djibouti et la France partagent une histoire forgée dans la durée et dans le sang. Je salue la mémoire des 84 engagés volontaires qui ont participé à la libération de la poche du Médoc en avril 1945. Cette fraternité d'armes explique peut-être pourquoi la France est le seul pays avec lequel Djibouti entretient une relation de défense globale, malgré la présence permanente de plusieurs autres puissances.

Le maintien de la clause de sécurité et l'ajout d'un dispositif d'alerte sur les menaces signalent l'intensité de cet accord. Notre amitié résiste au temps et aux turbulences du monde, dans une région instable traversée par dix-sept câbles sous-marins et où nous partageons des intérêts communs de sécurité et de liberté de circulation maritime. Notre relation contribue à la sécurité du territoire djiboutien et du trafic maritime, nous ouvre une porte vers l'Indopacifique et permet la projection rapide de nos forces - comme lors de l'évacuation de ressortissants français et étrangers de Khartoum, en avril 2023.

Nos liens de confiance résultent aussi de l'intégration sur place des militaires et de leurs familles. Les enfants sont scolarisés, au côté d'élèves djiboutiens, au lycée français.

Notre partenariat s'élargit, notamment dans le domaine des infrastructures - je pense à la construction d'un deuxième aéroport - et dans le spatial - deux satellites djiboutiens ont été lancés par des ingénieurs formés à Montpellier.

Notre amitié repose aussi sur le français. Djibouti est un îlot francophone dans une corne de l'Afrique anglophone et arabophone. Mais cet ancrage linguistique s'érode : les étudiants se tournent trop souvent vers nos concurrents, faute de pouvoir obtenir facilement un visa pour étudier en France.

Plus largement, Djibouti suscite l'intérêt croissant de nombreuses puissances, à commencer par la Chine, qui investit massivement sur place et détient une part importante de la dette du pays.

Alors que Djibouti cherche à diversifier ses partenariats pour réduire sa dépendance, sachons répondre présent pour préserver notre relation d'exception.

Ce traité équilibré témoigne de notre volonté commune de prolonger notre partenariat privilégié pour les vingt prochaines années. Le groupe SER votera donc ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.) Le groupe CRCE-K a demandé le retour à la procédure normale pour l'examen de ce texte, afin de pouvoir exprimer son rejet d'un traité qui engagerait notre pays dans une impasse.

Je me félicite de ce débat, pour des raisons inverses. Ce traité revêt une importance stratégique majeure, du fait de la situation exceptionnelle de Djibouti au carrefour de la Corne d'Afrique, de la péninsule arabique et de l'océan Indien. La présence sur place de quatre autres bases étrangères confirme cet intérêt stratégique.

Cet accord intervient dans un contexte de réduction de notre présence en Afrique. Nous avons diminué notre engagement en Côte d'Ivoire, au Gabon et au Sénégal, et nous nous sommes retirés du Burkina-Faso, du Niger, du Mali et du Tchad, à la grande satisfaction de la Russie qui manipule les opinions et instrumentalise les médias. Saluons la mémoire des 58 soldats français tombés au Sahel, ainsi que l'engagement de tous nos soldats ayant lutté contre le terrorisme.

Devons-nous renoncer à défendre nos partenaires et nos valeurs et laisser libre cours à la Russie de Poutine dans la région ? Loin de constituer une impasse, la présence française à Djibouti est à nos yeux indispensable.

Cet accord permet à nos armées de se projeter et répond à une demande des autorités djiboutiennes elles-mêmes qui, après avoir privilégié leurs relations avec la Chine, cherchent à maintenir un équilibre entre les puissances présentes sur leur sol pour ménager leur indépendance.

La France ne doit pas se désengager des affaires du monde. Le groupe Les Indépendants unanime votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI, sur des travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Pascal Allizard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie notre rapporteur pour son travail. Rapporteur spécial du programme 144, j'avais souligné la nécessité de faire aboutir rapidement les pourparlers, car l'enjeu est d'importance.

À proximité du détroit de Bab-el-Mandeb, passage obligé des flux maritimes mondiaux, Djibouti est, au coeur de la géopolitique des détroits, un hub stratégique où se pressent de nombreux États, dont cinq ont sur place une base militaire permanente. La Chine y a ouvert sa première base à l'étranger, avec des capacités de premier ordre ; elle y déploie ses routes de la soie et détient une forte part de la dette djiboutienne.

Djibouti entend à bon droit tirer de cette position stratégique les bénéfices les plus larges. Ce traité consolide la protection de ce petit État au coeur d'une région instable, grâce à la clause de sécurité qui nous lie. Mais les bénéfices recherchés sont aussi économiques : chaque base dynamise la vie locale et rapporte à Djibouti des rentrées financières. Lorsque je me suis rendu sur place, les autorités djiboutiennes avaient d'ailleurs insisté sur le différentiel de loyer entre la France et les autres pays présents sur place...

Dans un contexte de montée des tensions, nos forces prépositionnées à Djibouti sont un actif stratégique dont la valeur ne cesse de s'apprécier. Notre contribution passe ainsi de 30 à 85 millions d'euros par an, et l'îlot du Héron, essentiel pour la mise en oeuvre de la stratégie indo-pacifique, sera restitué à 40 %. Ce transfert est une source d'inquiétude, compte tenu notamment de l'expansion des capacités chinoises à proximité. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que ces évolutions ne porteront pas préjudice au fonctionnement de la base ? Les effectifs des forces françaises sur place remonteront-ils, après les baisses drastiques de ces dernières années ?

Les concessions faites par la France sont importantes, mais apparaissent comme le prix à payer pour conserver ce point d'appui, alors que nous sommes fortement concurrencés dans l'Afrique francophone. Il faut accepter la compétition et nous donner les moyens de la soutenir, ou bien nous résoudre au déclassement.

Cet accord traduit une approche partenariale de la sécurité internationale, offre un cadre juridique clair à nos militaires et conforte la relation diplomatique de qualité que nous entretenons avec Djibouti. Le groupe Les Républicains votera résolument le projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - La ratification de ce traité marque un moment important dans la relation entre nos deux pays et nos deux peuples. Ces liens sont forts : environ 5 000 Français vivant à Djibouti, une appartenance commune à la francophonie. Je salue le travail mené sur place par l'Institut français et le lycée français. Nos liens sont aussi économiques, par exemple dans le cadre de la construction du deuxième aéroport.

Sur le plan militaire, notre partenariat est fort et stratégique. Il comporte une clause de sécurité engageant la France et prévoit notre participation à la police de l'espace aérien et à la coordination du trafic militaire aérien. Les manoeuvres de nos 1 500 hommes présents sur place, issus des trois armées, seront facilitées.

La position de Djibouti est stratégique, au coeur de plusieurs crises régionales : Houthis, Éthiopie, Somalie. Notre base est un point d'appui pour la projection de nos forces - on l'a vu en 2023 lors des opérations d'évacuation de ressortissants français et européens au Soudan. Elle revêt une importance majeure dans le cadre du pivot indo-pacifique.

Ce traité doit beaucoup à la mobilisation des deux chefs d'État, Ismaïl Omar Ghelleh et Emmanuel Macron. Je salue tout particulièrement Mahamoud Ali Youssouf, ministre des affaires étrangères de Djibouti au démarrage des négociations, ainsi que nos ambassadeurs respectifs d'alors.

Partant de bases quelque peu différentes, nous sommes parvenus à un accord équilibré, conclu pour vingt ans. Nous conservons une emprise opérationnelle sur le Héron et notre contribution est réévaluée. Le RDPI votera ce projet de loi avec conviction. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Mireille Jouve .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Il y a quelques années encore, nous vivions dans une économie de paix et peu d'entre nous se penchaient sur les enjeux de défense. L'ONU et l'Europe étaient là.

Ce temps est révolu, hélas, et il nous faut affronter la folie des hommes, alors que les crises se multiplient, exacerbant les passions. Nous avons changé de logiciel en matière de défense.

Je remercie le groupe CRCE-Kanaky d'avoir demandé le retour à la procédure normale pour l'examen de ce texte. Nous pouvons ainsi débattre du fond de ce traité de coopération, pilier de notre relation bilatérale de défense avec Djibouti.

Djibouti accueille cinq bases militaires étrangères : outre la nôtre, présente depuis 1977, les bases américaine, japonaise, chinoise et italienne. Mais la France joue un rôle singulier : elle est le seul pays à avoir signé une clause de sécurité assurant l'intégrité territoriale de Djibouti et contribuant à la défense des espaces aériens, terrestres et maritimes du pays.

Djibouti apparaît comme un îlot de stabilité indispensable au déploiement de notre stratégie régionale. Il participe aux efforts internationaux et régionaux de contre-terrorisme contre les Chebabs de Somalie et les rebelles houtistes au Yémen. Djibouti est également un important noeud de câbles sous-marins : plus de 90 % de la capacité Europe-Asie passe par la mer Rouge ! Il voit passer 40 % des échanges Asie-Europe - dont, par exemple, 90 % des exportations japonaises.

Djibouti est au coeur de notre stratégie indo-pacifique, renforcée par la présence de La Réunion, Mayotte et la Polynésie française dans cette zone devenue le théâtre des rivalités entre grandes puissances. Le RDSE votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Ludovic Haye .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La ratification de ce traité réaffirme notre partenariat historique avec Djibouti et constitue un instrument géostratégique.

Nos liens de confiance durent depuis quarante-cinq ans, mais notre coopération n'a rien perdu de sa vitalité. Nous devons pourtant la faire évoluer. Je salue le travail de notre rapporteur, qui s'est attaché à mettre en lumière la portée de l'accord.

Djibouti a une position stratégique majeure, au coeur des échanges commerciaux mondiaux. La montée des tensions dans cette région nous impose d'adapter notre engagement. C'est le sens de cet accord, conclu dans un esprit de respect mutuel dont témoigne le comité bilatéral stratégique. Il prévoit un appui aux forces djiboutiennes à travers la formation, le transfert d'expertise et la fourniture de matériels pour plusieurs dizaines de millions d'euros. Ce traité sera aussi un levier de stabilité pour l'ensemble de la région, donc pour la sécurité internationale.

Dans un contexte de compétition stratégique croissante, les autorités djiboutiennes veulent resserrer leurs liens avec la France pour rééquilibrer les forces présentes sur leur sol.

Devant les militaires présents dans nos tribunes, je rends solennellement hommage à tous ceux qui ont servi à Djibouti au cours des dernières décennies.

Le groupe UC votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE ; MM. Cédric Perrin et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent également.)

Mme Cécile Cukierman .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du RDSE) Oui, notre groupe a demandé le retour à la procédure normale pour l'examen de ce texte. Pas pour la raison alléguée par M. Malhuret, mais parce que nous ne faisons pas partie de ceux qui adaptent leurs exigences en matière de droits de l'homme en fonction des intérêts militaires français.

Il s'agit de maintenir une présence militaire française dans le détroit de Bab-el-Mandeb pour répondre aux attaques des rebelles Houtis contre les navires commerciaux et de garantir des capacités de projection de forces sur le continent africain et dans l'Indo-Pacifique.

Mais la montée en puissance des Houthis malgré l'action des différentes coalitions internationales montre l'échec d'une approche guerrière. Et nous sommes contre la logique de blocs visant à endiguer la puissance chinoise et soutenir la présence militaire américaine dans la région. Nous ne choisissons pas entre deux impérialismes et considérons qu'il faut, par la force diplomatique de notre pays et parfois par sa puissance militaire, rendre aux peuples la capacité de s'émanciper et de décider de leur avenir.

Par ailleurs, je m'étonne qu'aucun des orateurs précédents n'ait parlé du régime djiboutien ni souligné l'absence d'exigences morales qui sous-tend ce partenariat. De fait, nous nous engageons à verser des sommes considérables à un régime dictatorial qui pratique les exécutions arbitraires, applique la charia et refuse les protocoles sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et l'élimination de la torture et des traitements inhumains et dégradants.

On ne peut pas applaudir Bruno Retailleau il y a quelques instants, quand il déclare -  à raison  - que nous devons combattre l'islamisme qui se répand à bas bruit et soutenir de pareils États. Soyons la France des Lumières, défendons les droits de l'homme tant que la lumière brille dans ces États ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Guillaume Gontard .  - Porte d'entrée de la mer Rouge et du golfe d'Aden, le détroit de Bab-el-Mandeb revêt une importance cruciale pour l'Europe, dont 70 % du trafic maritime emprunte cette route. L'intérêt stratégique de Djibouti n'est plus à démontrer.

Depuis l'indépendance, en 1977, notre pays y conserve une présence militaire. Il s'agit de renouveler le traité qui l'encadre. La rétrocession de 40% de l'île du Héron est notamment prévue, ainsi que la hausse de notre loyer annuel à 85 millions d'euros.

Les enjeux de sécurité ne manquent pas dans la région, où les actes de piraterie des milices Shebab et les attaques des rebelles houthistes menacent le trafic maritime. Djibouti est une position indispensable pour sécuriser ces flux. Notre base sert aussi à projeter des moyens militaires vers l'Afrique de l'Est, le Moyen-Orient et l'océan Indien. Elle est également un relai pour connecter l'Hexagone à La Réunion et Mayotte.

Notre maintien à Djibouti est d'autant plus vital que notre présence en Afrique recule fortement, la France y ayant perdu en quelques années presque toute sa présence militaire. On ne peut pas laisser la Chine prendre notre place à Djibouti. Aussi, le GEST votera ce projet de loi.

Mais cette débandade et la montée du sentiment anti-français dans toute l'Afrique doivent nous questionner, car les vieux réflexes de la Françafrique restent présents.

Je vous alerte à nouveau : si Djibouti est officiellement démocratique, son président est en poste depuis 1999 et son âge avancé pose la question de sa succession. La France doit plaider pour la démocratisation de ce régime autocratique, accusé de crimes de guerre et de torture.

La formation des soldats djiboutiens par la France doit être exemplaire et ne pas conduire à des massacres de civils. Notre présence s'effondre quand les dictateurs avec lesquels nous négocions disparaissent. J'espère que de nouvelles relations avec l'Afrique pourront être envisagées.

Discussion de l'article unique

Mme la présidente.  - Le vote sur l'article unique vaut vote sur l'ensemble du projet de loi.

L'article unique est adopté.En conséquence, le projet de loi est adopté.

La séance est suspendue quelques instants.

Lutte contre les fraudes aux aides publiques (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi renforçant la lutte contre les fraudes aux aides publiques.

M. Olivier Rietmann, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - Je remercie la présidente Estrosi Sassone de m'avoir confié ce rapport, ainsi que le rapporteur pour avis de la commission des finances, Antoine Lefèvre, pour nos échanges.

J'ai suivi une triple boussole : renforcer la protection des consommateurs ; veiller à la simplicité du cadre législatif et de l'action administrative, en évitant tout effet de silo ; faire suite à nos travaux sénatoriaux, notamment en matière de démarchage téléphonique.

Je me félicite que les trente-cinq articles de ce texte conservent la quasi-totalité des apports sénatoriaux.

À l'article 1er, la CMP a maintenu la possibilité de renouveler la suspension d'une aide publique en cas de fraude. Elle a également conservé l'article 1er ter sur les indus de RSA.

Deux dispositions issues de la commission d'enquête sénatoriale sur la rénovation énergétique ont prospéré : le renforcement de l'information sur le service public de la performance énergétique de l'habitat et la possibilité pour la DGCCRF d'interdire à une entreprise de candidater à un label.

L'Assemblée nationale a ajouté une partie de la proposition de loi de notre collègue Verzelen sur le démarchage téléphonique, adoptée à l'unanimité au Sénat. Cela permettra d'encadrer rapidement ces pratiques qui exaspèrent nos concitoyens.

En matière de démarchage téléphonique, la CMP a conforté les acquis du Sénat, et notamment refusé toute exemption catégorielle qui aurait complexifié et fragilisé le dispositif. Nous ne devons pas écrire la loi en réponse aux sollicitations de quelques entreprises qui crient plus fort que les autres : ces entreprises ont les moyens et le temps - 4 mois - de s'adapter.

À l'article 4 relatif aux certificats d'économies d'énergie (C2E), plusieurs apports sénatoriaux ont été maintenus, pour mieux contrôler et mieux sanctionner.

À l'article 5 relatif aux contrôles visuels, la version adoptée par le Sénat a été retenue dans le texte final, avec un dispositif pérenne, et non expérimental.

Je suis également satisfait que le texte final conserve plusieurs articles additionnels adoptés au Sénat, sur les pouvoirs d'enquête, de sanction et de communication de la DGCCRF ; sur la lutte contre la fraude dans le champ social, dont la formation professionnelle ; et sur le contrôle à distance de la fraude aux compteurs communicants d'électricité et de gaz.

Au nom de la commission des affaires économiques, j'invite le Sénat à adopter les conclusions de cette CMP. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Nathalie Goulet.  - Bravo !

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Cette proposition de loi a fait l'objet d'un accord en CMP le 6 mai dernier. Je remercie les rapporteurs Cazenave, Rietmann et Lefèvre et tous les membres de la CMP pour leur esprit de consensus et leur efficacité.

Thomas Cazenave, alors ministre du budget, avait détecté un vide juridique sur la question de la fraude aux aides publiques. Or frauder, c'est voler tous les Français. Toutes les fraudes méritent notre attention.

En 2024, quelque 20 milliards d'euros de fraudes ont été détectés et 13 milliards encaissés -  un record ! Nous nous organisons pour aller plus loin : avec de plus en plus de préremplissage de déclarations ; avec des moyens accrus, dont 1 000 agents supplémentaires dans le champ social ; avec des avancées juridiques ; avec le démantèlement de grands réseaux criminels - car le crime organisé et la fraude aux aides publiques doivent arrêter de faire bon ménage.

Il faut frapper les délinquants au portefeuille. Si les Français bénéficient de mesures comme les C2E ou MaPrimeRénov', les fraudeurs les perçoivent comme s'adressant aussi à eux !

Nous avons ainsi récupéré des centaines de milliers d'euros à l'étranger. Tracfin a fait son travail pour nous permettre de les ramener dans les comptes publics.

Ce texte ne fait pas tout, mais c'est une première étape. Nous aurons des outils pour que les indus de RSA acquis frauduleusement ne fassent plus l'objet d'une remise ou d'un effacement de dette. La DGCCRF aura plus de pouvoirs et nous pourrons contrôler à distance les fraudes aux compteurs Linky.

À l'initiative du sénateur Verzelen, cette proposition de loi interdit aussi le démarchage téléphonique. Nous en avons tous assez qu'on essaie de nous faire acheter des pompes à chaleur, de l'isolation ou du triple vitrage ! Les Français les plus vulnérables, les plus âgés, ne se rendent pas compte que ce harcèlement téléphonique n'est que la vitrine de fraudes et de vols.

Les échanges d'informations seront élargis avec les inspections générales des ministères, avec la commission de régulation de l'énergie (CRE) et entre Tracfin et le Parquet européen.

Je salue le travail de la douane et de la mission interministérielle de coordination antifraude (Micaf).

Enfin, je salue la sénatrice Goulet, qui a introduit une mesure qui n'est pas seulement symbolique. Jusqu'à présent, quand vous voliez votre voisin en bande organisée, c'était un crime, alors que quand vous voliez l'État, c'était un délit. Elle y a remédié : c'est un vrai progrès. (Mme Nathalie Goulet apprécie.)

Je salue le travail de qualité du Sénat et la rapidité de la navette. Dès la promulgation du texte, nous prendrons les décrets d'application au plus vite.

M. Olivier Rietmann, rapporteur.  - Nous y veillerons.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Je serai à votre disposition pour en rendre compte. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE et des groupes INDEP et UC ; MM. Fabien Gay et Jean-Jacques Michau et Mme Agnès Canayer applaudissent également.)

Discussion du texte élaboré par la CMP

Mme la présidente.  - En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la CMP, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Article 2

Mme la présidente.  - Amendement n°1 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Ces amendements sont soit rédactionnels -  le Bescherelle vaudra explication  - soit de coordination. Rien ne dénature le texte de la CMP.

M. Olivier Rietmann, rapporteur.  - Avis favorable.

Article 2 quater B

Mme la présidente.  - Amendement n°2 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Défendu.

M. Olivier Rietmann, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme la présidente.  - Amendement n°3 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Défendu.

M. Olivier Rietmann, rapporteur.  - Avis favorable.

Article 2 sexies

Mme la présidente.  - Amendement n°4 du Gouvernement

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Défendu.

M. Olivier Rietmann, rapporteur.  - Avis favorable.

Article 3 bis B

Mme la présidente.  - Amendement n°5 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Défendu.

M. Olivier Rietmann, rapporteur.  - Avis favorable.

Vote sur l'ensemble

M. Antoine Lefèvre .  - Cette proposition de loi, adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale et modifiée le 2 avril par le Sénat, marque une étape décisive dans la protection de nos finances publiques et la préservation de la confiance dans l'action publique.

Je salue le travail du rapporteur.

L'accord en CMP a largement repris les travaux du Sénat.

La lutte à la source a été renforcée, grâce à la possibilité donnée à l'administration de suspendre temporairement le versement d'une aide publique en cas de suspicion de fraude.

Les échanges d'informations ont été fluidifiés, en levant certains secrets professionnels. Une clause générale permettra aussi à toutes les administrations concernées d'échanger librement des informations en cas de suspicion de fraude. L'accès à de nouveaux fichiers est également prévu.

La sous-traitance sera mieux encadrée, avec des garanties supplémentaires dans les travaux de rénovation ouvrant droit à des aides publiques.

Tournant majeur, à partir du 11 août 2026, tout démarchage téléphonique commercial sera interdit, sauf si la personne y a explicitement consenti. Cela s'appliquera à toutes les entreprises, sans exception, y compris pour les travaux de rénovation énergétique ou d'adaptation des logements au vieillissement ou au handicap. L'interdiction concernera non seulement les appels téléphoniques, mais aussi, pour certains secteurs sensibles, le démarchage électronique par SMS, courriels et réseaux sociaux.

Le Sénat a enrichi le texte initial en privilégiant une approche pragmatique et équilibrée, qui a été retenue en CMP. Il s'agit d'outiller l'administration pour détecter et prévenir plus efficacement la fraude - car celle-ci menace la justice sociale et la soutenabilité de nos finances publiques  - dans le respect des droits fondamentaux.

Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Fabien Gay .  - (M. Henri Cabanel et Marc Laménie et Mme Nathalie Goulet applaudissent.) La lutte contre la fraude aux finances publiques est un combat transpartisan. Mais attention à ne pas tout mélanger et à ne pas mettre pas sur le même plan aides publiques et prestations sociales.

Si ce texte marque un timide progrès, il esquive l'essentiel : les fraudes structurelles d'un capitalisme oligarchique, via l'optimisation fiscale, l'évitement social et la captation de fonds publics.

L'affaiblissement programmé de la DGCCRF -  25 % d'effectifs en moins depuis 2007  - illustre la schizophrénie d'un pouvoir qui durcit les lois tout en asphyxiant les services de contrôle.

Aussi, si nous saluons les avancées de ce texte, cela ne doit pas nous faire oublier qu'il faudra des réformes d'ampleur pour s'attaquer aux fraudes structurelles. Il ne suffit pas de criminaliser les petits fraudeurs tout en légalisant l'évitement fiscal.... Ce deux poids deux mesures dévoile une doctrine d'État : rigueur pour les sans-voix, clémence pour les puissants.

Voilà des années que nous dénonçons la fragilité des aides relatives à la rénovation énergétique, qui engendrent des fraudes massives.

L'interdiction du démarchage téléphonique est une très bonne disposition. Je salue le rapporteur Olivier Rietmann, qui n'a pas cédé aux pressions des lobbies.

Nous saluons le renforcement de la responsabilité des donneurs d'ordres en cas de travaux de rénovation, l'encadrement de la sous-traitance et le renforcement de la transparence. Mais cela ne doit pas nous priver d'un débat sur ces dispositifs hybrides, mi-publics, mi-marchands, qui créent les conditions structurelles de la fraude. MaPrimeRénov' est le fruit d'une politique qui abandonne les biens communs aux appétits privés, d'où la prolifération d'intermédiaires marchands sans compétences techniques.

Quant au C2E, présenté comme un outil de marché au service de la transition écologique, c'est en réalité une taxe déguisée sur les ménages, puisque les fournisseurs d'énergie répercutent 85 % du coût des travaux sur les factures des consommateurs. Résultat : 6 milliards d'euros prélevés chaque année sur le pouvoir d'achat des ménages et des entreprises.

Derrière le vernis technocratique, se cache en réalité une privatisation rampante de la transition écologique. TotalEnergies et Engie deviennent ainsi les caissiers d'une transition écologique low cost, transformant une obligation régalienne en opportunité de greenwashing. La Cour des comptes dénonce d'ailleurs un hold-up institutionnalisé et en demande la suppression.

Le groupe CRCE-Kanaky votera ce texte, qui constitue une petite avancée. Mais il faut encore redoubler d'efforts sur la fraude aux finances publiques, surtout à l'heure où le Gouvernement cherche à imposer un nouveau coup de rabot budgétaire de 40 milliards d'euros. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Stéphane Fouassin .  - Je me réjouis que la version issue de la CMP soit fidèle à l'équilibre trouvé au Sénat, ce qui témoigne du sérieux de notre chambre, capable de construire des textes solides à la hauteur des enjeux.

La fraude n'est pas un simple désordre technique, mais une fracture morale, une attaque directe contre la solidarité nationale, contre la confiance des citoyens et contre notre capacité à soutenir les transitions sociales nécessaires.

Dans un contexte de tension budgétaire, lutter contre la fraude, c'est faire preuve de justice et de responsabilité. Quand on demande des efforts aux Français, il est légitime qu'ils exigent que l'État fasse respecter les règles.

En 2023, un plan de lutte contre les fraudes a prévu un renforcement des moyens dès 2027. Les premiers résultats sont là.

En 2023, en matière de fraude fiscale, les mises en recouvrement ont atteint le record de 15,2 milliards d'euros. La fraude aux cotisations sociales a augmenté de 25 % ; les redressements de l'Urssaf de 50 % ; ainsi, 1,2 milliard d'euros ont été redressés en 2023, contre 800 millions en 2022. Les caisses d'allocations familiales (CAF) ont détecté 400 millions d'euros de fraudes, l'assurance vieillesse 200 millions d'euros et l'assurance maladie 450 millions d'euros. (Mme Nathalie Goulet applaudit.)

Mme Nathalie Goulet.  - Quand on cherche, on trouve !

M. Stéphane Fouassin.  - Ainsi, ce texte s'inscrit pleinement dans la continuité des efforts déjà entrepris. Il marque cependant une avancée décisive, en dotant nos administrations de moyens efficaces. Ce texte alourdit également les sanctions contre les entreprises fraudeuses, encadre le recours à la sous-traitance et interdit des pratiques devenues insupportables pour nos concitoyens, comme le démarchage téléphonique.

Nous donnons ainsi de nouveaux outils pour clarifier les règles et affirmer des principes simples : l'argent public doit être utilisé avec responsabilité et contrôlé avec exigence.

Lutter contre la fraude, c'est protéger la légitimité de l'action publique, car toute fraude fragilise le tissu économique et social de notre pays.

Le groupe RDPI espère que ce texte sera adopté à l'unanimité, comme en première lecture.

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Cette proposition de loi s'en tire avec les honneurs du jury, ce qui n'était pas acquis au départ, tant la proposition de loi de Thomas Cazenave était loin d'être à la hauteur de son intitulé.

Le Sénat a veillé à éviter un énième coup de com' politique.

L'État pourrait récupérer 1,6 million d'euros grâce à ce texte. C'est autant pour investir dans nos politiques publiques. En outre, la fraude est un coup de canif dans notre pacte fiscal et démocratique.

Par ce texte, nous donnons plus de moyens légaux à nos administrations, pour mieux prévenir et détecter les fraudes aux aides publiques.

Nous renforçons la sévérité à l'égard des fraudeurs.

Enfin, sous l'impulsion de notre collègue Pierre-Jean Verzelen, nous portons un coup décisif au harcèlement téléphonique, qui concerne neuf Français sur dix.

Nous choisissons clairement de punir plus sévèrement les voleurs et de combattre la fraude organisée. Nous soutenons le travail de nos artisans, dont l'image est abîmée par les arnaques en tous genres.

Le RDSE votera à l'unanimité en faveur de ce texte.

Toutefois il n'est qu'une première étape. Le chemin à parcourir reste long. La fraude couverte par ce texte couvre 1 % à 5 % de la fraude totale, qui s'élèverait jusqu'à 100 milliards d'euros par an selon la Cour des comptes.

Face à l'urgence budgétaire de réaliser 100 milliards d'ici à 2029, nous ne devons pas fléchir.

Mais sans moyens adéquats, pas d'action efficace. Or les signaux sont inquiétants. La DGFiP a vu ses effectifs baisser, et la loi de finances pour 2025 supprime 500 ETP supplémentaires. De plus, Tracfin a perdu un cinquième de son budget, malgré une activité en hausse.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Non, Tracfin a un million d'euros en plus !

M. Henri Cabanel.  - La technologie et l'intelligence artificielle ne suffiront pas à renforcer notre force de frappe contre la fraude : en 2022, alors qu'elles sont à l'origine de la moitié des contrôles, elles n'ont permis de récupérer que 14 % des sommes recouvrées.

Le RDSE estime qu'il faut clarifier les moyens mobilisés par les administrations fiscales et sociales. Il appelle le Gouvernement à démontrer sa cohérence entre moyens engagés et objectifs affichés. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du GEST, du groupe SER et du RDPI)

Mme Nathalie Goulet .  - La fraude aux finances publiques n'est pas sans victime. C'est un crime social, économique et démocratique. Le groupe UC votera évidemment le texte.

C'est un petit texte, on l'a déjà dit. En réalité, nous attendons le grand soir de la lutte contre la fraude.

Nous avons demandé plus de pouvoir pour les greffes, mais avons été frappés par l'article 45.

Dans la commission d'enquête que j'ai l'honneur de rapporter, nous avons appris avec effarement que les entreprises n'étaient pas tenues de déclarer leurs comptes à l'étranger. Quelle aberration ! Déclarer un compte à l'étranger est tout de même le minimum minimorum.

C'est une bonne chose d'étendre les autorisations d'échanges entre administrations. Nous avons entendu la Cnil à différentes reprises. Évidemment, il faut des améliorations.

Vous avez répondu à la question d'actualité au Gouvernement de mon collègue Guislain Cambier sur les 6 milliards d'euros d'erreurs de la CAF. Aucune entreprise privée n'accepterait de son dirigeant de tels niveaux d'erreurs sur plusieurs années. Or c'est tous les ans la même musique, dans l'indifférence générale, le rapport de la Cour des comptes n'intéressant absolument personne...

Je salue les avancées certaines en matière de fraudes à la rénovation énergétique.

Madame la ministre, je vous propose, d'ici au projet de loi de finances pour 2026, un plan d'action. Nous ne ferons pas l'économie d'un travail sur l'orange budgétaire ni sur les recommandations des deux commissions d'enquête présidées par le groupe CRCE-K et le mien. Nous devons travailler ensemble, dès maintenant.

Madame la ministre, veillez à l'application rigoureuse des dispositifs que nous avons votés pour lutter contre l'arbitrage des dividendes. Le texte publié au Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) semble réducteur par rapport à celui que nous avons voté ici ; j'espère que c'est une simple impression et qu'il est parfaitement conforme à l'intention du législateur.

Un petit texte, c'est mieux que pas de texte du tout. Notre groupe votera sans enthousiasme ce texte modeste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, du RDSE, et du groupe Les Républicains)

M. Grégory Blanc .  - Il y a manifestement tromperie sur le titre de la proposition de loi, et c'est fâcheux : rien sur la fraude fiscale des grandes entreprises, sur la fraude à la TVA, rien sur les abus de certaines niches, ni sur les montages agressifs, ni sur les entreprises éphémères, ni sur les pratiques douteuses de certaines multinationales...

C'est un texte sur quelques fraudes, et non sur toutes les fraudes.

Agir sur quelques fraudes, c'est un petit pas utile. Ce décalage entre titre et contenu est cependant regrettable et nuit à la crédibilité de la démarche.

Lors de l'examen du texte en séance, nous avions voté contre ce texte. Trois lignes rouges avaient été franchies : l'élargissement des rangs de sous-traitance, l'accès de l'inspection générale de l'administration (IGA) à des données personnelles couvertes par le secret, l'habilitation du préfet à suspendre ou refuser des droits de manière discrétionnaire.

Avec le passage de deux à trois rangs de sous-traitance et la dilution de la responsabilité entre l'entreprise qui présente les devis et celle qui facture, le Sénat avait vidé de sa substance la version initiale du texte. Les fédérations du bâtiment ne s'y sont pas trompées. La copie de la CMP corrige les excès du texte sénatorial.

La CMP a apporté d'autres améliorations concernant la lutte contre les démarchages.

La transmission de données à l'IGA est exorbitante ; c'est un problème.

Toutes les fraudes, y compris sociales, doivent être combattues, mais l'article 2 autorise les préfets à suspendre des droits sur la base d'une simple suspicion, sans décision judiciaire préalable. Cela ouvre la porte à l'arbitraire, au soupçon généralisé, à la stigmatisation.

Notre État de droit est un bien précieux, que certains voudraient mettre à bas. Nous ne pouvons tolérer que de telles décisions soient prises sans preuve tangible, sans contradictoire ni juge. Gare à l'excès de zèle de préfets qui utiliseront le levier de la fraude sociale à des fins de politique migratoire.

Les politiques migratoires, faites à coups de menton, ne doivent pas prendre le pas sur des politiques sociales censées garantir à chacun la dignité. Il faut un équilibre. Oui à la lutte contre la fraude, non à l'absence totale de garde-fous. Notre groupe s'abstiendra.

M. Jean-Jacques Michau .  - Cette proposition de loi est passée de quatre à trente-cinq articles  - sans étude d'impact ni avis du Conseil d'État. Cette façon de légiférer, par proposition de loi téléguidée par le Gouvernement, n'est guère satisfaisante.

Autre regret : ce texte ne s'attaque pas à la fraude fiscale, qui représente 80 à 100 milliards d'euros par an, ni à la fraude aux cotisations sociales -  5 à 7 milliards  - ni à la fraude aux prestations sociales, estimée à 3 milliards.

Notre groupe est favorable à la protection du consommateur et à la lutte contre la fraude aux aides publiques, condition sine qua non de l'acceptation de l'impôt.

Je soutiens les dispositions interdisant le démarchage téléphonique sauf consentement exprès. Nos concitoyens n'en peuvent plus ! Je salue l'apport décisif du Sénat à ce sujet. Le délai laissé aux entreprises jusqu'en août 2026 me paraît réaliste.

Je suis favorable aux dispositions permettant de mieux lutter contre la fraude aux travaux de rénovation énergétique ou d'adaptation des logements. Sur la limitation du nombre de rangs de sous-traitance, le compromis trouvé nous convient. Nous avons veillé à préserver le réseau des petites entreprises et artisans locaux, gage de qualité et acteur du développement des territoires.

Le renforcement de la lutte contre la fraude aux C2E passe par la sécurisation des contrôles du Pôle national des C2E, la facilitation de la détection de fraudes lors de l'instruction des demandes et le renforcement des sanctions.

Il est très difficile pour les consommateurs d'obtenir les C2E, si l'on en croit l'UFC-Que Choisir, qui souligne que l'accès aux aides reste trop complexe et peu efficace.

Nous sommes favorables au partage d'informations entre la DGCCRF et la CRE, afin de mieux lutter contre la fraude dans le secteur de l'énergie, ainsi qu'au renforcement de l'échange des données entre la Direction de la concurrence, l'Ademe, l'Anah et le ministère de la justice.

Outre les prérogatives de la DGCCRF, il faut aussi renforcer ses moyens humains - nous avons retiré notre amendement en ce sens à la suite des engagements pris par Mme la ministre. Nous serons attentifs à leur concrétisation.

J'approuve la possibilité de contrôles à distance des compteurs communicants, objets de destructions et dégradations ; ces mesures sont attendues par les acteurs.

Nous voterons les conclusions de cette CMP. Lutter contre la fraude est un impératif pour consolider l'État de droit -  mais ce texte n'épuise pas le sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Pierre-Jean Verzelen .  - (Mme Dominique Estrosi Sassone applaudit.) La fraude, fiscale, sociale ou aux aides publiques, est une atteinte aux comptes de l'État. Notre pays connaît un très haut niveau de prélèvements obligatoires ; certains pensent qu'il en faut encore plus ; d'autres, dont je suis, que c'est bien assez. Mais nous sommes tous d'accord pour condamner la fraude, qui nourrit un sentiment d'injustice.

Le texte de la CMP s'attaque aux fraudes dans les domaines de la rénovation et de l'efficacité énergétiques. Il crée un arsenal législatif renforcé, qui permettra notamment de suspendre l'aide publique en cas de suspicion et accentue les sanctions à l'encontre des fraudeurs.

Je veux remercier Olivia Richard, rapporteure de ma proposition de loi sur le démarchage téléphonique, et saluer l'action d'Olivier Rietmann : sans son implication, son savoir-faire, sa capacité à convaincre, ce texte ne serait pas ce qu'il est. (M. Antoine Lefèvre renchérit.) Cette rédaction est la plus aboutie que nous pouvions espérer. Elle peut véritablement endiguer le démarchage téléphonique, car elle inverse le paradigme : demain, c'est le consommateur qui démarchera l'entreprise, nul ne pourra être démarché s'il n'a pas donné son accord.

La loi ne prévoit aucune dérogation, pour aucun secteur d'activité. Pour être comprise et efficace, la loi doit être simple : c'est le cas ici.

La date d'entrée en vigueur paraît lointaine - août 2026 -, mais l'État est tenu par son contrat avec Bloctel. Cette période doit être mise à profit pour prendre les décrets. Au Gouvernement de prouver sa volonté politique sur un sujet qui fait consensus.

Le groupe INDEP votera ce texte. (Mme Dominique Estrosi Sassone applaudit.)

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Monsieur Cabanel, je confirme que Tracfin a 1 million d'euros de plus de budget en 2025 par rapport à 2024. Ce n'est pas un propos d'estrade.

M. Henri Cabanel.  - Vous avez raison.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Monsieur Blanc, les inspections des ministères peuvent accéder, dans des cadres préétablis, à certaines données pour réaliser leurs enquêtes. Ce texte ne met pas à mal le cadre de la protection des données personnelles, il n'y a donc pas lieu d'inquiéter les Français.

Vous craignez que les préfets puissent supprimer des aides sociales à des fins de politique migratoire. Soyons précis : précédemment, les organismes de protection sociale pouvaient demander aux préfectures de vérifier la validité des pièces d'identité qu'ils recevaient. Ce texte inverse la logique en permettant aux préfectures de signaler de manière proactive aux caisses les fausses pièces d'identité. C'est un aller-retour. Il s'agit non pas d'interdire untel d'aide sociale, mais d'indiquer à l'ensemble des caisses que telle pièce d'identité est fausse.

Mme Nathalie Goulet.  - Bien sûr !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Avec une fausse pièce d'identité, pas d'accès aux aides publiques. Il n'est pas question de remettre en cause l'accès aux prestations sociales sous couvert de politique migratoire ; n'inquiétons pas les honnêtes concitoyens !

Madame Goulet, le Gouvernement, moi comprise, est prêt à travailler avec vous dès qu'un vecteur législatif se présente -  sachant que le Conseil constitutionnel censure les dispositions antifraudes dans les projets de loi de finances en tant que cavaliers. Vos propositions méritent d'être examinées. La fraude est très imaginative ; dans un an ou deux, nous aurons besoin d'un nouveau texte. Nous sommes très engagés, mais pas infaillibles : il faut mettre à jour régulièrement le corpus législatif.

Monsieur Michau, ce texte n'a pas été téléguidé par le Gouvernement : il a été déposé le 15 octobre - le Gouvernement n'était pas en fonction. Nous l'avons repris, car il est utile pour les Français.

La proposition de loi est adoptée définitivement.

Prochaine séance, mardi 27 mai 2025 à 18 h 30.

La séance est levée à 18 h 15.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 27 mai 2025

Séance publique

À 18 h 30 et à 21 heures

1Explications de vote des groupes puis scrutins publics solennels sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte (procédure accélérée) (texte de la commission, n°613 rect, 2024-2025) et sur le projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte (procédure accélérée) (texte de la commission, n°614, 2024-2025)

2Débat sur le thème : « Comment nos politiques publiques peuvent-elles contribuer à relever les défis auxquels sont confrontées les zones rurales de notre pays ? » (demande du groupe Les Républicains)

3Débat sur l'avenir du groupe La Poste (demande de la commission des affaires économiques)