SÉANCE

du vendredi 12 décembre 2025

38e séance de la session ordinaire 2025-2026

Présidence de M. Xavier Iacovelli, vice-président

La séance est ouverte à 9 h 40.

Financement de la sécurité sociale pour 2026 (Nouvelle lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2026.

Discussion générale

M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités .  - Lors de cette nouvelle étape, vous avez la possibilité de voter ou de rejeter un texte issu du compromis de différents groupes de l'Assemblée nationale, après un débat exigeant sans 49.3.

Comme l'a dit le Premier ministre, le compromis n'est pas un slogan, mais nous permet d'avancer dans le sens de l'intérêt général.

Je connais la position de la majorité sénatoriale et j'ai conscience des divergences de points de vue. Je suis d'accord avec vous sur la nécessité de réduire le déficit de la sécurité sociale. Nous étions ouverts à des solutions alternatives à l'année blanche proposée dans la version initiale. Nous aurions souhaité réduire encore davantage le déficit, mais ce budget imparfait évite un dérapage incontrôlé à 30 milliards d'euros de déficit.

La suspension de la réforme des retraites assure la stabilité dont a besoin le pays, et permet d'ouvrir un temps utile au dialogue social avec la Conférence sur le travail, l'emploi et les retraites. L'instabilité a un coût économique, politique et social. Français et entreprises ne le veulent pas.

Ce budget contient des mesures positives, dont plusieurs avaient été adoptées en première lecture au Sénat. Je pense aux mesures sur le monde agricole, au cumul emploi-retraites, ou au transfert de 15 milliards d'euros de déficit des branches maladie et vieillesse de la sécurité sociale à la Cades, une proposition de Mme Doineau, dont je salue l'implication. Vous avez aussi soutenu l'amélioration de la retraite des femmes ou l'instauration d'un congé de naissance.

Je suis fier de les avoir portées avec vous. J'ai hâte d'avancer avec vous sur d'autres chantiers comme celui de l'allocation de solidarité unifiée, qui sera présentée début 2026 au Sénat, ou sur la lutte contre la fraude sociale et fiscale. Je suis prêt à avancer sur la question du financement de la sécurité sociale, si les partenaires sociaux le demandent, comme sur celle du travail.

Je vous remercie de ce travail en commun que nous allons poursuivre. (Applaudissement au banc des commissions)

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Pour nous engager dans ce travail inédit dans une configuration politique inédite, nous avions trois boussoles : les Français, les comptes publics et la stabilité.

Vous vous êtes replacés dans un esprit comparable à celui de 1945, lorsque la sécurité sociale a été créée par des gaullistes, des centristes et des communistes. En dépassant la dichotomie entre la majorité avec un grand M et l'opposition avec un grand O, nous avons suivi ce chemin.

Beaucoup d'avancées sont à noter : réseau France Santé, Ondam sincère, solutions pour le handicap.

Le déficit prévu atteint 19,4 milliards d'euros. Ce n'est pas qu'un affichage, mais ce qu'il faudra financer.

Je veux tordre le cou à certaines contrevérités. Ce budget n'est pas un hold-up fiscal. Le Gouvernement avait proposé 4 milliards d'euros de recettes supplémentaires ; c'est encore le cas aujourd'hui, mais ce ne sont plus les mêmes recettes. Il n'y a plus la suppression des exonérations de charges sur les tickets-restaurants ou les apprentis notamment, mais une contribution financière des dividendes pour la branche autonomie.

Nous aurions renoncé aux économies ? Le Gouvernement en a proposé ; certaines ont été acceptées, d'autres non. In fine, il y aura 4,6 milliards d'euros d'économies ; c'est plus qu'en 2025, 2024 et 2023. Il y a aussi des transferts. L'État ne fait que payer ce qu'il doit à la Sécurité sociale, au titre des exonérations de charges sur les heures supplémentaires et des allègements généraux.

Sans ce budget, le déficit s'élèverait à au moins 29 milliards d'euros.

La troisième boussole était la stabilité. Nous permettons aux Français de se lancer dans la nouvelle année avec un cadre clair, des hôpitaux financés, des infirmières revalorisées, des Français qui partiront à la retraite dans un cadre clarifié.

Ce texte permet d'avoir les conditions politiques pour réfléchir aux réformes qui seront portées dans le cadre des présidentielles de 2027. (Applaudissement sur les travées du RDPI ; M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et des personnes handicapées .  - Je vous prie d'excuser Mme Stéphanie Rist que je représente.

Il est important de revenir sur les avancées du texte : le parcours préventif avant d'entrer en affection de longue durée (ALD), le dossier médical partagé (DMP), la création de France Santé, et le congé supplémentaire de naissance. De nombreuses mesures nouvelles concernent l'autonomie et les personnes en situation de handicap : la création de 7 000 nouvelles solutions pour les personnes atteintes de handicap dans le cadre du plan 50 000 solutions, le recrutement de 4 500 professionnels en Ehpad, la création de 10 000 places de services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), le soutien financier aux établissements sociaux et médico-sociaux, et les mesures innovantes pour l'habitat partagé.

Ces mesures présentes dans le texte initial ont été complétées par une contribution financière pour l'autonomie, dont on sait que les besoins seront croissants, pour notamment abonder dès 2026 un fonds sur la qualité des Ehpad.

Plusieurs dispositions suscitant des oppositions du Sénat ne figurent plus dans le texte, ce qui a facilité le compromis : l'article 26 sur les cotisations des professionnels libéraux, l'article 24 sur les rentes, l'article 25 sur les mécanismes prix-volumes ou l'article 18 sur le paiement au comptoir des franchises.

Je vous remercie de ce travail rigoureux et constructif. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Nous voici parvenus, à l'issue d'un examen acrobatique, à la nouvelle lecture du PLFSS. Les médias saluent la réussite d'un compromis. Nous avons effectivement évité le pire : un saut dans l'inconnu avec un déficit de 30 milliards d'euros. Mais à nos yeux, ce texte est un échec. Dans la version initiale, le déficit était de 17,5 milliards d'euros ; il est finalement de 19,4 milliards d'euros, voire de 24 milliards si l'on exclut les transferts supplémentaires à la sécurité sociale.

La prévision actualisée pour 2025 est de 23 milliards d'euros de déficit. Mais si l'État avait prélevé autant d'argent que prévu, le déficit serait de 25,3 milliards d'euros. Nous sommes parvenus à une simple stabilisation du déficit.

Jusqu'à présent, l'objectif était de ramener la sécurité sociale à l'équilibre en 2029, mais qui peut encore y croire ? Nous transférons 15 milliards d'euros de dette vers la Cades, mesure d'urgence, qui ne nous exonère pas de la nécessité d'adopter une loi organique pour un transfert de plusieurs dizaines de milliards d'euros et de définir une trajectoire crédible de retour à l'équilibre.

La presse parle de compromis -  je ne dirais pas de compromission, car chacun est resté fidèle à ses convictions.

En année normale, nous avons besoin de stabiliser et non pas de réduire le déficit, pour que les dépenses de santé n'augmentent pas plus vite que le PIB. Pour cela, il faut un Ondam qui progresse de 3 % en valeur, soit des économies de 4 milliards d'euros. Il faut s'astreindre à cette discipline comme nous le faisons depuis vingt ans. Les dépenses de la branche maladie sont très élevées et plus dynamiques que le PIB. Sans cet effort, les finances publiques seraient insoutenables.

Si on veut réduire le déficit, il faut faire plus que les 4 milliards d'euros de réduction de dépenses habituelles. Trois approches existent, qui ne sont pas exclusives les unes des autres.

La première piste est la maîtrise des dépenses. Pour cela, il faut agir sur les retraites et réduire davantage l'augmentation des dépenses de santé.

La deuxième solution est d'augmenter les recettes...

Mme Annie Le Houerou.  - Bonne idée !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - La troisième est d'augmenter le PIB, donc la quantité de travail, comme Olivier Henno l'a utilement rappelé.

Je ne vois pas comment ramener la sécurité sociale à l'équité sans agir sur ces trois leviers.

Le texte initial reposait pour deux tiers sur les dépenses et un tiers sur les recettes, dans une approche cohérente avec celle de la majorité sénatoriale, présentée le 8 juillet au Premier ministre. Il prévoyait le gel des pensions et d'aller plus loin sur la réduction des dépenses, avec le doublement des franchises et participations forfaitaires.

En première lecture, l'Assemblée nationale a porté le déficit en réalité à 24 milliards d'euros. Le gel des retraites était abandonné et l'Ondam majoré de 1 milliard d'euros.

Le Sénat a supprimé la hausse de la CSG sur le capital, rétabli le gel des retraites tout en excluant, par esprit de compromis, les retraites de moins de 1 400 euros et l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Il a également adopté un amendement d'Annie Le Houerou plafonnant l'exemption de certains compléments de salaire, malheureusement non maintenu à l'Assemblée nationale.

Mme Annie Le Houerou.  - À regret !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - L'Assemblée nationale a décidé, en nouvelle lecture, de supprimer toutes les mesures de maîtrise de la dépense en plus de celles de stabilisation : l'Ondam croît de 3 % et il n'y a plus de mesures de gel. On perd donc plus de 7 milliards d'euros d'économies sur les dépenses.

Seules les augmentations de recettes réduisent le déficit. Il manque 4,5 milliards d'euros de transferts supplémentaires en faveur de la sécurité sociale. Ils ne compensent pas les plus de 7 milliards d'euros d'économies qui ont disparu. On passe donc de 17 à 19,4 milliards d'euros de déficit.

Le point d'arrivée est donc moins un texte de compromis qu'un choix politique : celui de faire reposer le moindre déficit uniquement sur les recettes. Cela reflète l'équilibre à l'Assemblée nationale.

On dit parfois que la marque d'un bon compromis est qu'il ne satisfait personne. Si c'était l'unique marque, ce texte serait donc un succès majeur. (Sourires)

Un vrai compromis aurait été d'agir à la fois sinon sur la quantité de travail, mais au moins sur les recettes et les dépenses.

Poursuivre la navette ne servirait plus à rien. La commission des affaires sociales vous propose donc de voter la motion tendant à opposer la question préalable.

Je n'ai qu'une boussole : l'héritage que nous laissons à nos enfants. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°2 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Le groupe CRCE-Kanaky a choisi de déposer cette motion sur un texte qui remet en cause les valeurs de solidarité et de protection qui fondent notre République. Le gouvernement Lecornu avait déposé un budget des horreurs, avec 7 milliards d'euros d'économies sur la santé, le doublement des franchises, la suppression des exonérations de cotisations sociales des apprentis, le gel des retraites et des prestations sociales...

Cela correspondait aux injonctions de Bruxelles et aux orientations du plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT) négociées par le gouvernement Barnier, appliquées par le gouvernement Bayrou et engagées par le gouvernement Lecornu.

Au Sénat, la droite a montré qu'elle pouvait aller plus loin dans ses mauvais coups, aggravant les mesures pour les familles, les jeunes, les travailleurs. À chaque étape, vous avez choisi l'austérité contre la justice sociale, la rigueur contre la solidarité. Vous avez ajouté des épouvantails : vous avez augmenté la durée annuelle du travail, gelé les retraites et les prestations sociales, certes en excluant l'AAH - cela faisait beaucoup. Vous avez remis la taxe sur les complémentaires santé, signé le retour des crédits d'impôt pour les entreprises, supprimé la mise à contribution des actionnaires pour financer l'autonomie.

L'Assemblée nationale a heureusement balayé quelques mesures gravissimes - gel des pensions et des prestations et doublement des franchises. Chaque PLFSS promet qu'il n'y aura pas de hausse, et quelques mois plus tard un décret gouvernemental les augmente ; c'est devenu la routine, et c'est surtout une tromperie. Si vous pouviez prendre aussi vite les décrets d'application de la loi sur le cancer du sein, adoptée à l'unanimité, ce serait une excellente chose.

Quelques horreurs ont disparu du texte, mais le texte aggravera l'accès aux soins. Il a été adopté d'une très courte majorité par les députés. Sébastien Lecornu et son gouvernement sont sauvés. Mais 75 % des Français jugent ce projet de loi injuste et inefficace pour réduire la dette et sauver le système par répartition. Les Français ont compris qu'ils allaient payer la note et que cela aggraverait les inégalités d'accès aux soins.

Avec un Ondam à 3 %, les dépenses de santé sont réduites de 4 milliards d'euros par rapport à l'évolution naturelle estimée à 4,8 %.

Les patients auront encore plus des difficultés à trouver un médecin, ils souffriront de la pénurie de médicaments, ils passeront plus de temps sur les brancards, tandis que le personnel, au bord de l'épuisement, devra faire toujours plus avec toujours moins.

Ce texte remet en cause le droit à la protection de la santé, reconnu par l'alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946.

Les dépenses de santé sont tirées vers le haut par le vieillissement de la population et les maladies chroniques. Deux réponses : soit réduire les remboursements et favoriser les réponses privées et individuelles, comme vous le faites, soit augmenter les recettes pour répondre à la hausse des coûts.

Avec la TVA sociale, qui revient dans les débats, nous remplacerions les cotisations sociales par l'impôt le plus injuste, payé de la même façon par un smicard que par un ministre. Nous aurions préféré taxer les 100 milliards de bénéfices des grandes entreprises, les rachats d'actions, et conditionner les 80 milliards d'euros d'exonérations de cotisations patronales, pour instaurer l'égalité salariale et dégager 20 milliards. Nous avons proposé de renforcer la prévention au travail et de relever le taux de cotisation des entreprises. Le Gouvernement a refusé toutes ces propositions de recettes.

Nous avons proposé de privilégier la prévention et la santé au travail. Le Gouvernement a refusé toutes nos propositions, et retenu uniquement la contribution de 2,05 % sur les contrats des complémentaires santé, qui augmentera le prix des contrats et alourdira les dépenses de santé des retraités et des privés d'emploi qui ne bénéficient pas de la prise en charge obligatoire des employeurs. Cette mesure porte atteinte au principe d'égalité devant la loi reconnu par l'article 6 de la Déclaration de 1789 et solennellement réaffirmé par le préambule de 1946.

À force de compromis et de reniements, le Gouvernement est parvenu à un PLFSS qui sera adopté mardi par un bloc gouvernemental qui a avalé le décalage de la réforme des retraites et le groupe Les Républicains qui renonce à l'année blanche. Nous refusons ce jeu de dupes où chacun trouve ses intérêts, sauf la sécurité sociale et les citoyens.

Quatre-vingts ans plus tard, on tourne le dos aux aspirations révolutionnaires de 1945. Ces sujets seront au coeur de la campagne de 2027. Les partisans de la capitalisation et les disciples de l'austérité défendront le triplement des tickets modérateurs et autres coups de rabot, dans un contexte de montée des discours guerriers. Nous refusons de remettre en question notre niveau de protection sociale au profit du financement de l'industrie militaire. Nous refusons de participer à cette pièce de théâtre qui s'est jouée en coulisses, dont nous connaissons déjà la fin.

Le décalage de la réforme des retraites, fissure dans le bilan d'Emmanuel Macron, est une bonne nouvelle pour les 250 000 Français qui partiront plus tôt -  sur les 3,5 millions de Français des générations 1964-68, succès relatif. Nous continuons à plaider pour son abrogation, et restons opposés au recul de l'âge légal à 64 ans.

Au final de cette mauvaise pièce, ce sont 1,5 million de diabétiques qui paieront 315 euros par an, et les allocations familiales seront gelées, les arrêts maladie plafonnés. L'article 27, et son malus pour les hôpitaux qui ne respecteront pas l'objectif de dépenses pose problème.

Clemenceau disait en substance que ceux qui croient qu'on ne risque rien en ne faisant rien se trompent. Ils risquent la chute aussi, et l'oubli en plus. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Annie Le Houerou applaudit également.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Vous avez parlé de sauver notre modèle de protection sociale : nous sommes tous pour. On peut néanmoins remettre en cause le mot de modèle. Lorsqu'il a été pensé, les conditions étaient différentes : la durée de la retraite, le taux de natalité étaient différents. Désormais, il y a 1,4 actif pour un retraité. Plutôt que de parler de modèle, je parle de système, qui doit être revu.

Le système social, à vous entendre, ne donne pas envie. Pourtant, de l'extérieur, il n'est pas si mauvais, à tel point que certains viennent se faire soigner en France. Ne caricaturons pas.

L'objet de l'exception d'irrecevabilité est de faire reconnaître que le texte est contraire à la Constitution. Vos arguments ne sont pas convaincants. L'Ondam à 3 % serait contraire au Préambule de 1946 ? Ce taux est pourtant le même depuis vingt ans, et au même niveau que le PIB en valeur. La France est le quatrième pays où les dépenses de santé en points de PIB sont les plus élevées.

Vous estimez que la contribution exceptionnelle de 1 milliard d'euros sur les complémentaires remettrait en cause le principe même de la prise en charge par l'employeur. Ce n'est pas justifié.

Avis défavorable.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Avis défavorable.

La motion n°2 est mise aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°116 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 263
Pour l'adoption   18
Contre 245

La motion n°2 n'est pas adoptée.

Discussion générale (Suite)

M. Bernard Fialaire .  - La commission des affaires sociales va nous proposer une motion tendant à opposer la question préalable, visant à clore rapidement un débat présenté comme épuisé. Fidèle à sa tradition, le RDSE ne la votera pas, pour privilégier le débat.

Quelques divergences soi-disant insurmontables subsistent, selon la rapporteure générale : l'augmentation de la CSG sur le capital ou la suspension de la réforme des retraites - caprice symbolique. Ce texte comporte aussi des mesures positives comme le maintien des exonérations de cotisations pour les apprentis, la prévention en matière de vaccination ou les mesures pour l'installation des médecins dans les zones sous-denses. Nous saluons le congé supplémentaire de naissance et les mesures pour mieux reconnaître les carrières des femmes dans le calcul des pensions.

L'Ondam progresse de 3 %. Nous ignorons comment cet effort sera financé, mais ce soutien aidera nos hôpitaux à faire face aux coûteux progrès médicaux. Le RDSE n'ignore pas les limites du texte de l'Assemblée nationale comme de celui du Sénat. Dans sa très grande majorité, il ne cautionne ni l'un ni l'autre.

Le rétablissement du réseau France Santé nous interpelle, car son utilité est plus que douteuse. Nous déplorons par ailleurs la suppression de la taxe sur les sucres ajoutés dans les produits pour les jeunes enfants.

Notre responsabilité est de ne pas laisser la France entrer dans 2026 sans LFSS et avec un déficit hors de contrôle. C'est particulièrement important alors que la sécurité sociale célèbre ses 80 ans - un modèle né d'un esprit de reconstruction et d'un immense élan de solidarité nationale.

Mais ce modèle est en danger. Aristide Briand disait : « La politique est l'art de concilier le désirable avec le possible. » Ce budget n'est pas parfait, mais il garantit l'essentiel : la capacité du modèle à se financer et un déficit ramené à 19,4 milliards d'euros. L'Assemblée nationale s'engage sur la voie de la sagesse ; cela mérite d'être encouragé.

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Je salue le travail de la commission des affaires sociales et de sa rapporteure générale, Élisabeth Doineau, sérieuse sans se prendre au sérieux, avec une pointe d'humour so British !

Le groupe UC votera la question préalable pour ne pas poursuivre un débat stérile qui aurait un parfum d'obstruction contraire à notre esprit de responsabilité. Cette question préalable n'est ni un renoncement ni une esquive, mais la condition d'une fin de parcours maîtrisée et lisible. C'est un choix responsable, la discussion générale permettant à chaque groupe d'exprimer publiquement ses positions.

C'est dans cet esprit de responsabilité que nous avons travaillé au premier semestre 2025, sur l'impulsion de Gérard Larcher, pour présenter des propositions au Premier ministre de l'époque, François Bayrou, et que le Sénat a travaillé sur ce PLFSS.

Rappelons nos boussoles : d'abord maîtriser les dépenses sociales, qui ne peuvent pas croître plus vite que le PIB. La France a le plus haut niveau de dépenses sociales de l'OCDE, ce qui désespère les entrepreneurs, remet en cause le consentement à l'impôt, et in fine met en danger la sécurité sociale.

Deuxième principe, conserver un déficit autour de 17 milliards - soit 500 euros pour chaque foyer français, quand même !

Troisième principe, refuser que la dette serve de variable d'ajustement.

Enfin, la France ne peut s'en sortir qu'en créant plus de richesses - d'où ma proposition de douze heures supplémentaires rémunérées et chargées.

Le PLFSS voté à l'Assemblée nationale, fruit du compromis vanté par le Gouvernement et le PS, est trop différent. Nous avons eu un débat honorable en commission des affaires sociales. Annie Le Houerou a vanté les mérites du PLFSS, saluant le décalage de la réforme des retraites, l'augmentation de la CSG sur certains revenus du capital et l'abandon de l'année blanche : « Dépensons, dépensons » sur tous les tons, chaque dépense étant une avancée décisive vers le compromis.

C'est ce qui a fait dire à Raymonde Poncet Monge : « Si nous avons gagné la bataille des dépenses, nous avons perdu celle des recettes », justifiant l'abstention gênée des Verts. Le constat est terriblement juste.

La vraie bataille perdue, c'est celle du déficit et de la dette. Mais c'est une bataille perdue non par un groupe politique, mais par les Français. La chanson des socialistes, mise en musique par le Gouvernement, c'est : « Dépensons, dépensons, nos enfants paieront ! » (Mme Laurence Harribey proteste.)

Un déficit de 24 milliards d'euros, c'est plus de 700 euros par foyer cette année. C'est une victoire à la Pyrrhus. Elle annonce de gros nuages noirs budgétaires, une crise financière et une fragilisation de la sécurité sociale.

Chers collègues, refusant de chanter avec vous, nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Marie-Claude Lermytte .  - Depuis toujours, notre groupe souhaite préserver notre modèle de protection sociale, unique au monde. Mais avec ce texte, sa survie est en jeu. La dégradation est ralentie, mais jamais enrayée. L'amélioration du déficit est une simple illusion, due à un transfert de 4,5 milliards d'euros. Nous restons loin des 14,6 milliards d'euros proposés par le Sénat.

Les choix opérés par une majorité des députés se traduisent par plus de dépenses et de prélèvements, sans réforme structurelle pour améliorer les comptes sociaux.

Solution miracle : dépenser plus ! Certains s'en réjouissent, d'autres s'en consolent. C'est navrant.

Nous sommes désarçonnés. Ces dernières semaines, nous avons assisté à la suspension de la réforme des retraites, à la création d'une surtaxe les PEA et certains livrets bancaires, à la suppression de l'augmentation du temps de travail rémunéré, à la suppression du gel des minima sociaux, à un quasi-doublement de l'Ondam... Comment ces mesures seront-elles financées ? C'est simple, elles ne le seront pas !

Le déficit n'est plus un accident, mais un mode de fonctionnement. Espérons qu'il ne devienne pas une tradition.

Notre approche était pragmatique et rationnelle : commencer par examiner les dépenses susceptibles d'être réduites ou optimisées, avant d'augmenter les prélèvements. Pourquoi ce réflexe pavlovien d'augmenter les taxes dès que les dépenses deviennent incontrôlables ? Notre pays est l'un des champions mondiaux des prélèvements obligatoires, qui asphyxient la croissance.

Certes, la réduction des dépenses ne suffit pas à elle seule. C'est pour agir sur les recettes que nous avions proposé d'augmenter le temps de travail rémunéré : plus de revenus, plus d'activité, plus de recettes. C'est bien plus vertueux que le recours obsessionnel à de nouveaux prélèvements. Nous sommes aussi ouverts à la TVA sociale.

Tout cela me rappelle La Guerre des boutons... Loin de moi l'idée de dire « si j'aurais su, j'aurais pas venu ». (Sourires)

Par principe, nous ne votons pas les questions préalables, privilégiant le débat parlementaire. Cependant, compte tenu du contexte inédit, la majorité du groupe INDEP s'abstiendra.

Nous le savons déjà : la situation sera pire l'année prochaine.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - C'est sûr.

Mme Marie-Claude Lermytte.  - Prenons les choses telles qu'elles sont, car « on ne fait pas de politique autrement que sur des réalités », disait le général de Gaulle. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC, ainsi qu'au banc des commissions.)

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le groupe Les Républicains du Sénat a pris ses responsabilités en première lecture, en restaurant d'abord la crédibilité budgétaire de ce PLFSS : alors que la version issue de l'Assemblée nationale creusait le déficit à plus de 24 milliards d'euros, le Sénat l'a ramené à 17,6 milliards. C'est indispensable, car un système social affaibli par les déficits n'aide plus personne.

Ensuite, nous avons rétabli l'équilibre entre justice sociale et responsabilité financière. Nous avons accepté de débattre de l'indexation des prestations sociales, mais avons agi avec discernement : les retraites les plus modestes et l'AAH ont été protégées.

Nous avons supprimé des mesures inadaptées ou injustes, sur les franchises médicales notamment. Nous avons rétabli la contribution des complémentaires santé, car les acteurs les mieux armés doivent aussi participer à l'effort collectif. Nous avons conservé l'extension de la déduction de cotisations patronales sur les heures supplémentaires pour les entreprises de plus de 250 salariés, qui favorise l'activité et le travail. Fidèles à nos convictions, nous nous sommes opposés à toute hausse de la pression fiscale sur les entreprises ou nos concitoyens. Nous avons aussi renforcé la lisibilité du texte en refusant des mesures relevant plutôt de l'organisation du système de santé. Je pense au label France Santé qui ressemble plus à une opération de communication.

Nous avons aussi soutenu les professionnels de santé, plutôt que de les stigmatiser. Je pense aux articles 24 et 24 bis sur les tarifs dans les secteurs où la rentabilité est jugée excessive. À cet égard, je récuse fermement le terme de « rente » employé par le Gouvernement. (Mme Nadia Sollogoub applaudit.)

M. Olivier Rietmann.  - Bravo !

M. Alain Milon.  - Fonder une politique de baisse des prix sur la rentabilité est injuste et contre-productif : ces coups de rabot ouvrent la voie au rachat des cabinets par des groupes, contribuant à la financiarisation du secteur.

Nous avons défendu l'innovation thérapeutique pour les patients et refusé de fragiliser l'industrie pharmaceutique, de créer de nouvelles tensions d'approvisionnement et à terme de contribuer à l'augmentation des prix. La politique du médicament ne peut plus être enfermée dans une logique budgétaire annuelle.

L'échec du texte en CMP résulte de visions profondément divergentes entre les deux chambres. Nous aurions aimé que le Gouvernement prenne ses responsabilités.

Ce PLFSS est synonyme de renoncement. Pourquoi suspendre la réforme des retraites qui devait rapporter 8 milliards d'euros d'ici à 2028 ? Pour faire gagner un ou deux trimestres ? C'est une erreur profonde, qui met en danger l'équilibre du système sous couvert de générosité. Est-il juste de faire peser ce coût sur nos enfants, alors que notre pays est déjà lourdement endetté ? Reculer aujourd'hui, c'est créer les injustices de demain et envoyer un message dangereux : les réformes difficiles peuvent toujours être abandonnées...

Ce texte va alourdir les charges qui pèsent sur les entreprises et sur les ménages. Après avoir laissé disparaître la quasi-totalité des mesures d'économies, le Gouvernement soutient une hausse de 1,5 milliard d'euros de la CSG, instaurant une distinction contestable entre bons et mauvais revenus du capital.

Vous annoncez des économies structurelles sur l'Ondam. Lesquelles ?

Renoncement aussi à la résorption du déficit. Vous affichez un déficit en trompe-l'oeil, artificiellement ramené 20 milliards d'euros grâce à 4,6 milliards d'euros pris sur le budget de l'État. Ce sera plus de dette, donc plus d'impôt.

Plus grave encore : votre incohérence. Vous refusiez ces transferts que nous vous proposions en première lecture en disant : cette politique relève de l'État, son rendement doit revenir à l'État. Ce n'est pas du courage, c'est un report, dont les générations futures paieront le prix.

Nous avons montré que l'on pouvait être responsable sans être injuste, juste sans être imprudent. Nous refusons le PLFSS issu de l'Assemblée nationale en votant cette motion. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Martin Lévrier .  - Il est bien confortable de bâtir un PLFSS si à droite qu'il ne laissait aucune place au compromis avec l'Assemblée nationale. Confortable de faire des propositions inapplicables quand on n'est pas aux responsabilités. Confortable de se laver les mains du débat plutôt que d'affronter la négociation.

M. Laurent Somon.  - Nous l'avons fait !

M. Martin Lévrier.  - Les divergences, aussi profondes soient-elles, ne justifient pas que l'on ferme la porte au débat. La responsabilité commande de débattre jusqu'au bout d'un texte aussi structurant pour les Français.

Le déficit social demeure préoccupant. Malgré les efforts consentis, ce PLFSS n'est pas encore à la hauteur. Pour cela, il eût fallu plus de travail commun et un Sénat prêt à des consensus.

Une part significative des apports sénatoriaux est pourtant reprise, qu'il s'agisse du transfert de dette vers la Cades ou des transferts de CSG aux départements. Ce texte, qui n'est ni celui du Gouvernement ni celui d'aucun groupe, est le fruit d'un compromis.

Je me réjouis du rétablissement de l'exonération de cotisations sociales pour les apprentis.

Mettre fin à l'examen, c'est renoncer à améliorer ce compromis, alors que les Français veulent que nous tenions le cap de l'intérêt général plutôt que de céder aux intérêts partisans. Notre devoir est de débattre, pas de nous soustraire à notre responsabilité par une motion de procédure. Le compromis n'est pas un slogan, mais une méthode -  celle du Premier ministre  - qui marque enfin le début de notre apprentissage collectif du compromis. Cette méthode redonne sens au travail parlementaire et à la recherche patiente de majorités de projets.

Ce fut le rôle du Sénat, mais il semble s'égarer désormais. Ne restons pas enfermés dans nos couloirs confortables, alors que nous commémorons les quatre-vingts ans de la sécurité sociale.

Je ne doute pas que vous voterez, madame la rapporteure générale, contre cette motion.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Vous rêvez !

Mme Annie Le Houerou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Avec cette motion de la majorité sénatoriale, cette nouvelle lecture fait long feu : fin de non-recevoir.

La première lecture a opposé deux visions de société : une vision très individualiste qui préserve les plus forts quoi qu'il en coûte, en espérant que le ruissellement ou la charité protégera les autres et une vision solidaire, partagée sur les travées de gauche, qui vise à garantir à tous les citoyens des moyens d'existence, selon les termes du contrat social voulu par le Conseil national de la Résistance. J'ai une pensée pour tous ceux qui ont fait de la réduction des inégalités le combat de leur vie, et notamment Félix Leyzour, sénateur des Côtes-d'Armor avant moi, qui vient de nous quitter.

C'est pour apporter des améliorations concrètes aux Français que nous avons voulu trouver un chemin vers l'adoption de ce budget. Le groupe socialiste y a contribué à l'Assemblée nationale, au prix de concessions, de part et d'autre. Pourtant, ce budget n'est pas le nôtre.

À droite de l'hémicycle, ce budget n'est pas non plus le vôtre. Mais vous préférez refuser le débat ! En première lecture aussi, vous êtes restés bloqués sur des postures idéologiques qui auraient conduit au chaos si l'Assemblée nationale vous avait suivis.

Alors que la copie initiale voulait l'austérité, les parlementaires de gauche ont obtenu des avancées. L'Ondam à 3 % est une respiration pour les professionnels de santé. Si nous saluons les 950 millions d'euros supplémentaires pour les hôpitaux, nous sommes plus réservés sur les 150 millions d'euros pour le réseau France Santé, qui n'apporte pas plus de médecins.

Les 150 millions d'euros pour l'autonomie sont en deçà des besoins des établissements. Nous déplorons le manque de financements pour les départements, qui portent nos politiques de solidarité. La hausse de cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) et le Ségur demeurent non compensés.

Les socialistes saluent de nombreuses avancées : pas de jours fériés travaillés, pas de réforme de l'assurance chômage, pas de gel des minima sociaux et des retraites, pas de gel des barèmes de la CSG, pas d'augmentation des franchises médicales, pas de diminution des aides à l'embauche en outre-mer, pas de taxation des titres-restaurants, etc. Voilà ce à quoi les plus vulnérables ont échappé, pour financer les cadeaux des gouvernements macronistes aux plus aisés...

La majorité sénatoriale a rejeté toutes les recettes que nous lui avons proposées. Pourtant, une CSG plus progressive aurait permis de réduire le déficit. Nous saluons néanmoins la hausse de la CSG sur les revenus du capital, tout en déplorant le refus de la taxe Zucman. Nous regrettons le maintien de la taxe sur les mutuelles. Le Gouvernement s'est engagé à ce qu'elle ne soit pas répercutée sur les adhérents, nous y veillerons.

Je dénonce aussi la réforme des ALD et les déremboursements qui concernent certaines maladies chroniques, comme le diabète. Vous avez supprimé les mesures de lutte contre les rentabilités excessives et la financiarisation de l'activité médicale. Le rejet de l'article sur le Nutri-score est très préoccupant pour la santé publique, tout comme le refus des taxes comportementales et des mesures de prévention des addictions.

Je salue le rétablissement de la suspension de la réforme des retraites : à ce stade, le Premier ministre a tenu son engagement. Tout travail mérite une retraite, avant d'être épuisé.

Une loi pluriannuelle de financement et d'investissement de la sécurité sociale s'imposerait. Face aux menaces de démantèlement et d'assèchement de ses ressources par la droite sénatoriale, nous voulons donner un budget à la sécurité sociale, nettoyé des horreurs... (Ayant épuisé son temps de parole, l'oratrice est interrompue par le président ; applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Céline Brulin .  - (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER) L'année même des 80 ans de cette belle conquête sociale, fruit d'un compromis historique à côté duquel les petits arrangements du moment font pâle figure, nous devons trouver de nouvelles ressources pour financer le droit à une retraite digne, les politiques du grand âge, les structures pour les personnes en situation de handicap, l'égal accès aux soins...

Mais pas une exonération de cotisations sociales pour les employeurs privés n'est remise en cause, malgré leur effet douteux sur l'emploi ! En revanche, les collectivités, les hôpitaux, les Sdis verront leurs cotisations encore augmenter en 2026. Qui peut croire que l'on réduira le déficit en maintenant des exonérations qui équivalent à quatre fois son montant ?

L'Ondam est relevé, mais il reste en dessous des 3,6 % de 2025. Un système de bonus-malus risque de percuter nos hôpitaux de proximité qui peinent déjà à recruter et à fidéliser. Malgré un Ondam à 3,6 % en 2025, le comité de suivi avait déclenché l'alerte et le Gouvernement avait réduit les dépenses, hors de tout contrôle parlementaire. Comment imaginer qu'il pourrait en aller autrement avec un Ondam à 3 % ?

Le déploiement des panneaux France Santé ne changera pas grand-chose à la désertification médicale. Ces crédits seraient plus utiles pour soutenir les collectivités qui créent des centres de santé publics, pour accueillir des docteurs juniors, pour financer des postes de professeur des universités-praticien hospitalier (PU-PH), entre autres. La taxe sur les complémentaires santé sera inévitablement répercutée sur nos concitoyens, en particulier les retraités et les privés d'emploi. Quant à la limitation de la durée des arrêts de travail, relève-t-elle bien d'un PLFSS ? Nous ne faisons pas confiance aux professionnels de santé.

Comme cela se produit invariablement après chaque PLFSS, l'augmentation des franchises médicales risque de revenir au printemps.

Ce budget, même débarrassé des pires horreurs, va faire mal. Nous continuerons de nous battre contre toutes ces politiques d'austérité, qui ont déjà bien trop abîmé notre système de protection sociale, sans résorber les déficits. S'entêter dans cette voie est une folie que les Français condamneront. (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.)

Mme Anne Souyris .  - (M. Yannick Jadot applaudit.) À entendre la droite, ce budget nous tombe dessus comme la vérole sur le bas clergé. (Sourires) Mais on commence à s'y perdre : quelle est la droite à la manoeuvre ? Celle de Laurent Wauquiez, qui permet l'adoption du texte, ou celle de Bruno Retailleau, qui le rejette ? Monsieur Farandou, ne serait-ce pas l'occasion d'un autre conclave ? Le concile des députés a su trouver quelques compromis, très éloignés de ce que vous nous aviez proposé.

Bien que cette copie ne soit pas la sienne, le groupe écologiste de l'Assemblée nationale a majoritairement choisi de le laisser passer. Non par gêne, mais parce que le décalage de la réforme des retraites est positif et qu'une partie des mesures antisociales a été supprimée : le gel des prestations sociales et l'allongement de la durée de travail annuelle, que vous avez proposé, sans aucun dialogue social, par amendement...

Je salue les quelques petites victoires qui ont fait consensus dans nos deux chambres : le congé supplémentaire de naissance, le refus de l'extension des forfaits et des franchises, la prolongation de l'expérimentation des haltes soins addictions.

Avec un Ondam porté à 3 %, l'hôpital est sauvé in extremis, mais reste en danger. Les évolutions démographiques augmentent nos besoins en santé. Nous restons loin du compte. Un Ondam à 3 %, contre 3,5 % en 2025, cache en réalité une diminution des moyens : lits fermés, centres de santé menacés... À quand une politique fondée sur les besoins des assurés et non sur des objectifs de dépenses ?

Obligation du Nutri-score, taxation de l'hexane, fiscalité comportementale, lutte contre la rentabilité excessive : plusieurs mesures qui ne coûtaient rien -  voire qui rapportaient  - ont été rejetées. Et rien non plus pour lutter contre la financiarisation de la santé. Malgré vos déclarations, toujours aucun effort sur la santé environnementale en dépit des alertes. Dommage pour les générations futures dont vous revendiquez souvent l'intérêt majeur...

Avec 19,4 milliards d'euros de déficit, vous refusez de vous attaquer aux niches sociales et repoussez nos 20 milliards d'euros de recettes nouvelles. Alors, ce déficit, c'est le vôtre !

Vous avez raison de refuser le débat : nul besoin de poursuivre le calvaire que vous nous avez imposé. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1 de Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC) Lâcheté ? Manque de courage ? Non. Nous avons eu le courage d'affirmer en première lecture ce qui devait être fait pour réduire le déficit.

Le déficit issu du compromis de l'Assemblée nationale nous est présenté comme étant inférieur à 20 milliards d'euros, mais l'État y contribue beaucoup. Nous risquons de ne pas respecter notre objectif d'un déficit public sous les 5 % de PIB. Nous sommes le plus mauvais élève de la zone euro avec les taux d'intérêt les plus élevés.

La droite sénatoriale a eu le courage d'annoncer des efforts importants -  qui sont difficiles à expliquer sur le terrain, croyez-moi. Notre ambition est de sauver notre sécurité sociale.

Avec cette motion, nous ne faisons pas de l'obstruction, mais nous évitons de perdre notre temps en remettant en cause ce qui a été obtenu à l'Assemblée nationale. Un compromis a été trouvé, les Français sont soulagés, le Gouvernement est rassuré, mais le déficit continue de courir. Ce n'est pas un refus d'obstacle. Nous sommes arrivés au bout des améliorations utiles, alors qu'un compromis a été trouvé.

Vous aussi, à gauche, vous déposez des motions...

Mme Laurence Rossignol.  - Mais nous sommes minoritaires.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Tous les groupes y ont recours. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Martin Lévrier.  - Pas nos collègues du RDSE.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Madame la rapporteure générale, vous êtes dans la majorité présidentielle...

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Nous avons mis le 49.3 de côté et choisi de faire confiance au Parlement. À vous de décider si vous souhaitez vous emparer de ce texte, ou pas. Le Gouvernement, qui défend ce texte de compromis, sera là nuit et jour si vous souhaitez en débattre. Sagesse.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le GEST trouve aussi qu'il n'y a pas lieu de poursuivre : il s'abstiendra.

Nous avions dénoncé l'insincérité de ce budget. Pour présenter un déficit en baisse, malgré votre refus de toutes nos recettes nouvelles, vous avez multiplié les mesures d'économies antisociales. Malgré les beaux discours, rien contre la financiarisation et la privatisation de la santé. Heureusement, des transferts massifs de dépenses sur d'autres acteurs ont été supprimés, comme les 2 milliards d'euros de franchises. Nous nous félicitons que la désocialisation des heures supplémentaires soit enfin compensée.

Vous faites tout pour cantonner le déficit sous le chiffre magique de 20 milliards d'euros. La politique des caisses vides est celle de la droite. Nous ne voulons pas d'un rendement de 2 milliards pris sur les prestations de solidarité. Ne fantasmez pas sur un prétendu hold-up fiscal, alors que vous organisez un hold-up social.

Cette nouvelle lecture est vaine. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Laurence Rossignol.  - Ce budget n'est le budget de personne : pas celui déposé par le Gouvernement, pas celui des socialistes... (Exclamations ironiques à droite)

M. Olivier Paccaud.  - Un tout petit peu, quand même !

Mme Laurence Rossignol.  - Si c'était le cas, la justice fiscale, à laquelle il a été renoncé depuis 2017, y figurerait. Là, il n'y a que quelques recettes supplémentaires, insuffisantes.

Ce n'est pas non plus le budget des Républicains du Sénat, mais un peu celui des Républicains de l'Assemblée nationale...

Mme Laurence Rossignol.  - Pour la rapporteure générale, attachée au compromis et à la réussite de ce gouvernement, cette question préalable permet de prendre acte du compromis. Pour d'autres, la question préalable permet de rejeter ce budget.

Que retiendra-t-on de cette séquence au Sénat ? Est-ce une parenthèse ou un basculement ? Le Sénat a renoncé à être la chambre du compromis qu'il a longtemps été : le compromis s'est élaboré ailleurs et sans nous. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Yannick Jadot applaudit également.)

M. Olivier Paccaud.  - Dans l'arrière-boutique !

Mme Laurence Rossignol.  - Non, c'était transparent et tout le monde a pu suivre les débats -  Mme de Montchalin peut en témoigner.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Laurence Rossignol.  - Vous nous brocardez en prétendant que notre leitmotiv aurait été : dépensez, dépensez, nos enfants paieront. Étrange dans une chambre qui a voté la loi Duplomb, dont le leitmotiv était : polluons, polluons, nos enfants se débrouilleront... (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; exclamations indignées à droite)

Mme Céline Brulin.  - Nous nous abstiendrons sur la motion. Ce budget est mauvais, tous les moyens sont bons pour le contrecarrer.

Plus que des petits compromis, nos concitoyens attendent un débat de société. Madame la rapporteure générale, vous parlez beaucoup des générations futures, mais le seul horizon que vous leur offrez ce sont des économies pour réduire la dette.

M. Olivier Paccaud.  - C'est mieux que des dettes !

Mme Céline Brulin.  - On a connu plus enthousiasmant...

Aucun regard critique : pourquoi en sommes-nous là ? Sous la présidence Macron, l'État et la sécurité sociale ont renoncé à des ressources : le déficit a été créé par des réductions d'impôts sur les hauts patrimoines et les hauts revenus.

Soyons lucides : les dépenses de santé ne diminueront pas. Or vous refusez nos propositions de ressources nouvelles. Nous combattrons résolument la privatisation et la financiarisation qui sont à l'oeuvre.

M. Laurent Somon.  - Mme la ministre a renoncé au 49.3, mais nous ne renonçons pas à la question préalable, car le budget issu de l'Assemblée nationale n'est pas bon -  tout le monde semble en convenir, alors, votez la motion !

Le parti socialiste nous fait la leçon sur la sous-estimation de l'Ondam. Pourtant, je me souviens que sous un certain Président de la République, l'Ondam était fixé à 1,8 % alors que l'augmentation réelle était de près de 4 %... (Mme Élisabeth Doineau le confirme ; M. Patrick Kanner s'exclame.)

Le Gouvernement n'a pas discuté avec le Sénat, il n'a discuté qu'avec le groupe socialiste de l'Assemblée nationale ! (Mme Amélie de Montchalin le nie énergiquement.)

Les choix que vous avez faits ne sont pas les bons. Il n'y a ni cap ni capitaine. Reporter la réforme des retraites est un échec, car son maintien était un engagement du Président de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Comme l'a dit Olivier Henno, cette motion n'est ni un renoncement ni une esquive. Manifestement, ce PLFSS ne convient à personne, pas même aux socialistes, dixit Mme Rossignol ! C'est la nouvelle de la journée ! Tout le monde devrait donc être d'accord pour voter cette motion.

M. Patrick Kanner.  - Vous avez refusé le compromis.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Madame la ministre, nous avons travaillé nuit et jour pendant 67 heures, pour que la CMP rejette le texte en 15 minutes. Ce n'était pas faute d'avoir travaillé, avec sérieux. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP) Mais étant dans l'impasse, nous en prenons acte. (Mêmes mouvements)

M. Martin Lévrier.  - La première marche que nous avons ratée, c'est la première lecture du PLFSS, malheureusement. Il n'y a pas eu de vraies discussions ni de compromis, peut-être parce que les revendications de la gauche étaient trop fortes et la droite trop rigide. Un peu plus de souplesse ici aurait donné une chance à la CMP. Pourtant, nous savions tous ce qui allait se passer à l'Assemblée nationale. À quoi bon jouer les Calimero ensuite ?

Le Gouvernement essaie de parler avec tout le monde, en quoi est-ce choquant dans le contexte actuel ? Il y a quatre-vingts ans, nos prédécesseurs ont surmonté cette difficulté pour créer la sécurité sociale.

Mme Laurence Rossignol.  - Très bien !

M. Martin Lévrier.  - Il est encore temps : ne votez pas cette motion.

La motion1 est mise aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°117 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 288
Pour l'adoption 182
Contre 106

La motion n°1 est adoptée.

En conséquence, le projet de loi de financement de la sécurité sociale est considéré comme rejeté.

La séance est suspendue quelques instants.