Projet de loi de finances pour 2026 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote à la tribune du projet de loi de finances pour 2026, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale.

Explications de vote

Mme Ghislaine Senée .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) J'irai droit au but. On ne peut pas dire que le rapporteur général et la majorité sénatoriale aient recherché le compromis, ni avec le Gouvernement ni avec l'opposition. Les recettes supprimées, le rejet irrationnel de toute mesure de justice fiscale et les coupes indifférenciées ont abouti à une copie caricaturale compromettant tout accord en commission mixte paritaire (CMP). Au risque d'engendrer l'incompréhension et la confusion des acteurs économiques et de nos concitoyens.

Du côté des recettes, le PLF amplifie la trajectoire gouvernementale. Accélération de la disparition de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), division par deux du taux de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises (CEBGE), suppression de la contribution différentielle sur les hauts revenus, réduction du rendement de la taxe holding, rejet en bloc de tout rééquilibrage fiscal entre les ultrariches et le reste des Français... Résultat : une perte sèche de 8,8 milliards d'euros par rapport au texte initial, à laquelle s'ajoutent 5,7 milliards de dépenses nouvelles, dont le tour de passe-passe de 2 milliards d'euros de dépenses nouvelles survenu jeudi dans la soirée, et 3,1 milliards d'euros sur le PLFSS.

Nous arrivons à un objectif de déficit de 5,3 % du PIB, contre 4,6 % dans la version initiale du Gouvernement.

Toute recette refusée, c'est de la dette pour nos enfants, dites-vous. Comment comprendre ce choix ? (Un brouhaha s'est installé depuis le début de la séance.)

Ce brouhaha est incompréhensible ; après tout, il ne s'agit que du PLF... (Murmures à droite)

M. Roger Karoutchi.  - C'est la vie !

Mme Ghislaine Senée.  - Selon Naomi Klein, seule une crise réelle ou perçue provoque du changement. La dette est instrumentalisée : présentée comme une menace existentielle, elle devient le prétexte à une remise en cause de l'État social. Or elle ne résulte pas d'un excès de protection sociale, mais d'un manque persistant de recettes.

En fabriquant un récit alarmiste, vous créez une urgence artificielle pour légitimer des politiques d'austérité. Or nous sommes dans une impasse majeure. Notre système fiscal est inadapté : les 1 % les plus riches contribuent moins que les autres, les défendre n'est plus acceptable. C'est contraire à l'esprit de notre Constitution, à contresens de l'unité, c'est l'opposé de l'exigence de faire nation.

Selon l'historien Romain Huret, face à une concentration extrême des richesses, les démocraties n'ont qu'une solution : taxer les plus fortunés, se battre pour la progressivité réelle de l'impôt.

Loin de toute volonté de spoliation, à rebours des propos de la droite et de l'extrême droite, la taxe Zucman, défendue par la gauche, est une solution de repli visant à faire rentrer les ultrariches dans le droit commun en matière d'impôt. En refusant cette justice fiscale, vous divisez le pays en deux blocs : ceux qui paient plein pot, et ceux qui échappent à leur juste contribution par des voies détournées et se tournent -  ironie amère  - vers l'extrême droite pour sanctuariser leurs privilèges. C'est la démocratie elle-même qui s'effrite.

Du côté des dépenses, ce budget raconte une longue dégradation : ni réforme ni protection, renonciation à préparer l'avenir. Les inégalités explosent, la pauvreté atteint des niveaux inédits. Pire, vous sacrifiez le tissu associatif qui soutient les plus précaires que l'État n'aide plus. Vous osez supprimer 4 000 postes d'enseignants, tout en déplorant le déclassement scolaire. La réussite scolaire mérite mieux qu'un petit calcul comptable fondé sur la baisse démographique. La mission « Écologie, développement et mobilité durables » devient la variable d'ajustement : ses crédits ont presque disparu en deux ans. Le Sénat a sabré ceux des opérateurs : Ademe, Office national des forêts (ONF), Office français de la biodiversité (OFB), Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), tout y passe !

Et que dire de la recherche ? L'année où Philippe Aghion gagne le prix Nobel d'économie en démontrant que la croissance d'un pays dépend des investissements dans l'enseignement, la recherche et l'innovation, vous supprimez 1 milliard d'euros sur France 2030. C'est une vraie année blanche pour l'innovation.

La situation des collectivités territoriales est alarmante. Ce budget reflète un choix politique clair : privilégier les grands acteurs économiques au détriment de la puissance publique locale. Le gel de la DGF, la division par cinq du fonds vert en deux ans et la nouvelle hausse des cotisations employeur à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) prennent les collectivités territoriales à la gorge. Le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico) ponctionnera illégitimement leurs recettes.

Les mesures correctrices ne sont qu'un saupoudrage. L'effort final du PLF sur les collectivités devrait atteindre entre 4 et 5 milliards d'euros. C'est colossal et gagne-petit, pour la Chambre des territoires, alors que ces échelons de proximité répondent aux besoins des Français.

Parce qu'il aggrave les inégalités fiscales et sociales, fragilise notre État social et les services publics, incarne le renoncement de la France à ses engagements climatiques, ne donne aucun horizon à la jeunesse et tourne le dos à l'égalité et à la fraternité, le GEST votera résolument contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; MmeMarianne Margaté et Marie-Claude Varaillas applaudissent également.)

M. Christopher Szczurek .  - Dans un contexte toujours plus incertain, où nos marges de manoeuvre s'affaiblissent et où l'instabilité politique s'accroît, le dernier budget de la Macronie illustre l'échec économique, financier et institutionnel de ses deux quinquennats.

En 2017, la Macronie triomphante entamait cinq années d'un pouvoir sans partage. Le Gouvernement bénéficiait d'une majorité pléthorique à l'Assemblée nationale. Le Parlement servait de chambre d'enregistrement. Seules les révoltes sociales et la crise sanitaire ont troublé cette domination. Dans le même temps, le Rassemblement national voyait ses résultats électoraux croître inexorablement. La dette publique s'élevait à 2 000 milliards d'euros, et l'on s'en inquiétait déjà. L'architecture institutionnelle de la Ve République paraissait encore la plus solide du monde occidental et les vieux partis, gonflés d'orgueil, semblaient promis à une disparition annoncée.

M. Christopher Szczurek.  - Huit ans après, plus de majorité, plus de gouvernement, bientôt plus d'État. Des apparentements iniques ont brisé la belle mécanique institutionnelle héritée du général de Gaulle. Les tensions s'accumulent, les conflits menacent, la dette s'accumule, tout comme les fractures sociales. Et la majorité sénatoriale s'obstine toujours à refuser de voter un amendement de baisse des dépenses publiques dès qu'il est défendu par le RN...

Sitôt adopté, le budget reviendra sur le bureau d'Olivier Faure qui fera le tri, en totale inadéquation avec le poids électoral du Parti socialiste. Plus de Gouvernement, plus de Parlement, plus d'État, seuls des arrangements de couloir entre un gouvernement sans cap et un PS triomphant, trop heureux de surseoir à la sanction électorale.

Entre l'entêtement des uns et la bassesse des autres, le Rassemblement national votera contre le budget. (MM. Joshua Hochart et Aymeric Durox applaudissent.)

M. Raphaël Daubet .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Voici donc la copie que le Sénat va soumettre au dialogue bicaméral. Au Sénat, le débat démocratique est allé jusqu'au bout grâce au travail du rapporteur général. Je l'en remercie au nom de mon groupe, le plus ancien de notre assemblée, profondément attaché au bicamérisme, convaincu de la responsabilité particulière qui pèse sur notre chambre et très inquiet de l'instabilité politique.

Depuis trois ans, le régime confine à l'ingouvernabilité et le risque de blocage institutionnel est au plus haut dans ce moment budgétaire. Ayant une haute idée de l'exercice démocratique, nous voulons une majorité et une opposition, ce qui n'est pas le cas à l'Assemblée nationale, et que la majorité tienne compte des observations de l'opposition, ce qui n'est pas toujours vrai au Sénat...

Il y avait un enjeu central : transformer un texte fragile en consensus parlementaire. Or la copie sénatoriale, construite en réaction aux initiatives de l'Assemblée nationale et aux compromis négociés avec le Gouvernement, nous éloigne du point d'équilibre qu'il faudra pourtant atteindre pour doter le pays d'un budget.

La logique même de la version sénatoriale - renoncer à plusieurs milliards d'euros de recettes en pariant sur les économies - n'était ni solide, ni souhaitable, ni soutenable. La trajectoire de retour à l'équilibre n'est pas tenue. Au contraire, le texte dégrade notre situation financière.

Au fond, la question des recettes se posait sous la forme d'un triangle entre ressources suffisantes, justice fiscale et acceptabilité économique. Mais nous avons échoué à trouver le centre de gravité. Les négociations entre les deux chambres achopperont sur ce désaccord.

Notre économie est malade. L'exercice budgétaire commande de tendre tous les ressorts possibles pour activer le redressement productif du pays : privilégier les investissements publics sur le fonctionnement bureaucratique, miser sur la recherche et l'innovation, soutenir les filières agricoles, industrielles et artisanales via des politiques d'aménagement, d'emploi, de formation, de commerce extérieur, d'énergie.

La suppression d'un milliard d'euros des crédits de France 2030 témoigne de l'absence de vision sous la logique comptable. La dette comble ce que notre économie ne produit plus, elle finance l'effondrement de la production et du commerce extérieur. Au lieu de s'y attaquer, on incrimine la dépense publique ou le modèle social.

Le redressement de notre économie passera par le logement, qui agrège trois défis : relance économique, révolution écologique, cohésion sociale. Or au lieu d'un choc puissant, on y apporte une réponse timide.

Comment concilier des priorités stratégiques fortes avec la nécessité de maîtriser le déficit public ? L'autonomie stratégique de la France ne peut pas attendre une hypothétique embellie budgétaire. En 2009, Jean-Pierre Chevènement disait, ici au Sénat : nous nous sommes résignés à confier aux États-Unis le soin d'exercer la défense, non de la France, mais de l'Europe. Or il se pourrait bien que les États-Unis se désintéressent un jour de l'Europe. La France risque d'être isolée par la conjonction du réalisme américain et du pacifisme européen. Nous y sommes. L'autonomie stratégique recouvre aussi le soft power des partenariats internationaux. Quelle erreur de se laisser tenter par le repli, alors que notre place devrait être à l'avant-garde de la recomposition du cadre multilatéral que les puissances illibérales font voler en éclats !

L'autonomie stratégique s'appuie sur nos outre-mer. L'effort d'investissement est indispensable.

Nous aurions pu relever de bonnes avancées, notamment sur l'effort demandé aux collectivités territoriales, mais nous n'en attendions pas moins du Sénat, qui demeure fidèlement la Chambre des territoires. Ce budget a le mérite d'exister, mais c'est un budget de repli qui aggrave le déficit public, ne répond pas au décrochage économique et technologique et affaiblit la voix de la France à l'international.

La logique serait de s'y opposer, mais par responsabilité, la majorité d'entre nous s'abstiendra, en attendant les résultats de la CMP. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Michel Canévet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Jean-François Husson et Marc Laménie applaudissent également.) Qu'a voulu faire le groupe Union centriste durant ce budget ?

M. Rachid Temal.  - Couper les missions !

M. Michel Canévet.  - Tenir une trajectoire crédible des finances publiques, favoriser le développement économique, donc la création d'emplois et de richesses, prendre des mesures de justice fiscale et tenir compte de la situation des collectivités territoriales.

Nous devons tenir nos engagements européens, c'est une question de crédibilité. Nous pouvons les atteindre par la croissance, source de recettes. Nous voulons aussi une baisse des dépenses publiques, qui doivent être exemplaires : balayons les dépenses inefficaces.

Nous regrettons que les décisions du PLFSS aient dégradé le déficit public que nous devons assumer dans le PLF.

Nos entreprises réclament de la stabilité fiscale, sinon elles n'investissent pas. Mercredi dernier, le journal Les Échos évoquait la hausse record des prélèvements publics dans les pays de l'OCDE. Le Danemark a la palme, la France est à la deuxième place. Il faut mieux maîtriser nos dépenses publiques pour éviter des prélèvements obligatoires supplémentaires. Certains le voudraient, ce n'est pas notre cas. Nous devons continuer à réduire les charges des entreprises pour une meilleure compétitivité. La balance commerciale française est dégradée, redonnons des marges de manoeuvre.

Plusieurs projets de loi relatifs à la justice fiscale ont été examinés avant le PLF. Notre collègue Nathalie Goulet a formulé de nombreuses propositions à cet égard. Des recettes peuvent être engrangées par un contrôle fiscal renforcé. Nous avons aussi soutenu la taxation des petits colis, pour éviter la fraude à la TVA.

Le groupe UC a eu une posture ambitieuse pour resserrer le pacte Dutreil et le plan d'épargne retraite et lutter ainsi contre l'évitement fiscal, comme avec la taxe holding proposée par l'Assemblée nationale.

Nous partageons la proposition du président du Sénat de réduire à 2 milliards d'euros la contribution des collectivités. Elles doivent participer aux efforts de réduction du déficit, mais de manière mesurée.

Le groupe UC a formulé des propositions sur les dépenses : Michel Laugier a proposé de soutenir le Fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER), Dominique Vérien de conforter le soutien aux femmes isolées, Pierre-Antoine Levi de maintenir l'aide à l'apprentissage dans les PME, Sonia de La Provôté de soutenir les registres locaux des cancers, Franck Dhersin de compenser le relèvement du taux des cotisations employeur pour les universités...

M. Rachid Temal.  - Ce sont les César ! À chacun son prix !

M. Michel Canévet.  - Annick Billon de renforcer l'offre de service civique (tous les noms cités par l'orateur sont ponctués par une exclamation ironique à gauche), Olivia Richard de former les agents consulaires à l'étranger sur les violences faites aux femmes, Jean-Michel Arnaud d'anticiper les études techniques nécessaires à la réussite des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030. Enfin, Amel Gacquerre a soutenu le statut du bailleur privé.

Nous avons des problèmes de logement (M. Rachid Temal ironise). Il faut des réponses crédibles en la matière. Qui dit relance du logement, dit rentrées de TVA. Le groupe UC, dans sa grande majorité, votera ce PLF. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La position de notre groupe procède d'un constat sans cesse renouvelé : la France est asphyxiée par les impôts, taxes, cotisations, redevances.

M. Rachid Temal.  - C'est cela, la Macronie !

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Trop longtemps, une partie de cet hémicycle a expliqué aux contribuables que l'on ne pouvait atteindre le bonheur que par la fiscalité. Chaque augmentation d'impôt nous approchait un peu plus du Valhalla des services publics. Résultat : nous sommes champions de l'OCDE en matière de prélèvements obligatoires, vice-champions en matière de dépenses publiques.

En fait de Valhalla, ce n'était qu'un mirage. Nous accumulons les retards. Notre argent, trop prélevé, est mal dépensé. À cela s'ajoute un déficit structurel. Nous nous endettons chaque année davantage sur le dos des générations à venir pour satisfaire les caprices de certaines formations politiques, comme la suspension de la réforme des retraites.

Augmenter les impôts ne sert plus à rien...

M. Rachid Temal.  - Même pour les plus riches ?

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Nous avons épuisé la poule aux oeufs d'or, pensant qu'elle pouvait pondre des oeufs d'autruche.

M. Emmanuel Capus.  - Excellent !

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Désormais, chaque hausse d'impôt est suivie d'une baisse de nos recettes fiscales. Or les deux seuls moyens d'augmenter les recettes publiques sont une augmentation de l'activité économique et une baisse de la fiscalité.

Dans le grand bain de la compétition économique mondiale, nos chefs d'entreprise sont déjà obligés de nager avec des chaussures de ski, tant ils sont imposés. Et certains voudraient les faire nager avec les skis en plus des chaussures ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe INDEP ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

Nous devons la vérité aux Français : seule la baisse des dépenses publiques évitera la crise budgétaire. C'est d'ailleurs ce que veut l'écrasante majorité des Français, plutôt qu'une augmentation d'impôts.

Il faut recentrer l'action de l'État sur ses missions régaliennes : enseignement, recherche, décarbonation. (Mme Sophie Primas applaudit.)

M. Emmanuel Capus.  - Très bien !

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - À cet égard, je regrette vivement le choix de la majorité sénatoriale de couper les crédits de France 2030 (applaudissements sur les travées du groupe INDEP), compromettant notre capacité à soutenir notre industrie de demain. Ce coup de rabot ne va pas dans le sens de l'histoire. (Mme Frédérique Puissat s'exclame.)

C'est par la réduction du déficit que nous pourrons stopper la folle croissance de la charge de la dette. Troisième budget de l'État en 2025, deuxième en 2026, elle sera le premier poste de dépense d'ici deux ans.

Mon groupe est très clair : nous souhaitons abaisser les impôts, réduire les dépenses, et augmenter l'activité. Nous n'avons pas voté la première partie, car il y avait trop d'impôts nouveaux. Nous ne sommes pas allés assez loin en deuxième partie en matière de sobriété budgétaire, mais je salue quelques avancées, notamment le troisième jour de carence pour les fonctionnaires (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Cécile Cukierman s'exclame), le renforcement des moyens de nos armées et le maintien des crédits du ministère des affaires étrangères.

Le groupe Les Indépendants votera le budget. À titre personnel, je considère qu'il n'est pas adapté pour réaliser des économies et préparer l'avenir. Cet exercice est souvent trop fiscal. Il faudrait une loi de finances pluriannuelle pour réformer l'État tout au long de l'année. (Mme Sophie Primas acquiesce.)

Quelques pistes, enfin : réformer la commande publique - pour de vrai ! - réformer la fonction publique - pour de vrai ! -, introduire l'intelligence artificielle dans les services publics, réformer l'immobilier de l'État. Qu'importent les incertitudes de l'Assemblée nationale, vous avez face à vous des sénatrices et sénateurs prêts à réformer le pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Après le vote du PLFSS à l'Assemblée nationale mardi dernier, une éditorialiste a résumé en un titre les maux de notre pays : la sécurité sociale, cette octogénaire qui dévore ses petits-enfants.

Je l'ai dit le 25 novembre à cette tribune : la France est un vieux pays qui ne sait plus parler à sa jeunesse. Comment la sécurité sociale, pilier de la République sociale, a-t-elle pu être à ce point dévoyée ? La réalité est là, sous nos yeux : l'âge moyen de départ à la retraite dans l'OCDE est de 64,7 ans et bientôt de 66,4 ans. En France, le taux d'épargne des plus de 70 ans atteint 25 % de leurs revenus bruts disponibles, mais cet équilibre est fragile, car la France est l'un des pays où les plus de 65 ans sont les plus tributaires des transferts publics.

Plutôt que la suspendre, il aurait fallu prolonger la réforme des retraites par une refonte systémique. Quels gages allons-nous donner à la Commission européenne pour justifier le retour sous le seuil des 3 % en sept ans au lieu de quatre ?

Ce PLF aurait dû amorcer un rééquilibrage entre les générations, plutôt que de sacrifier la jeunesse au bénéfice des aînés. Las, si les dépenses sociales sont préservées, les dépenses d'investissement, dans la recherche ou la transition écologique sont mises à contribution. Un Français consacre une semaine et demie de travail à payer les intérêts de la dette. En l'absence d'ajustement, ce sera le double dans quinze ans. Pour les jeunes générations, l'impôt, ce ne sera plus le financement de l'avenir, mais le coût de l'héritage du passé.

Ce budget n'est pas neutre : c'est un arbitrage qui ne dit pas son nom, qui satisfait le présent en sacrifiant l'avenir. Tel n'est pas le modèle du groupe Les Républicains, comme le montrent ses amendements : rejet de la suspension de la réforme des retraites, pas de modification du barème des impôts sauf pour les plus modestes... Ce sont des choix responsables.

Chers collègues de gauche, à vous qui pensez que la situation n'est pas grave... (Protestations à gauche)

Mme Cécile Cukierman.  - Personne ne dit cela !

Mme Christine Lavarde.  - ... sous prétexte que nous laissons à nos enfants un patrimoine plus important que la dette et que la fiscalité offrira une échappatoire, nous avons essayé de montrer qu'un autre modèle était possible : réduction de l'emploi public non régalien, regroupement des structures publiques, rationalisation de la politique du chèque ou du guichet. Nous n'avons pas toujours trouvé de majorité, c'est regrettable.

Ne pensons pas que notre incapacité à réformer trouvera sa solution dans une hausse infinie des recettes. Les ultrariches ne pourront pas financer notre incurie collective, car la croissance est fragile. La réalité est sous nos yeux, là encore : vendredi, un quotidien titrait sur la tentation de l'exil des chefs d'entreprise. L'impôt finance le présent, seule la croissance finance l'avenir.

Dans quelques heures, au motif de ne pas contribuer à l'instabilité, on nous enjoindra non pas au compromis, mais à la compromission. Conscient des difficultés actuelles, le groupe Les Républicains est responsable. Mais la responsabilité, à quel prix, et pourquoi ? L'instabilité ne disparaîtra pas avec le vote du PLF, et son coût dépasse largement celui d'une éventuelle dissolution.

Dans un tel contexte, qui peut sérieusement dire que la feuille de route est claire et cohérente ? L'incertitude, c'est aussi l'absence de cap du Gouvernement. Doit-on comprendre que ce dernier a déjà abandonné son objectif révisé de réduire le déficit à 5 % ?

C'est animé par la conviction que seule la croissance économique offrira un avenir à notre jeunesse que notre groupe a contribué au débat budgétaire. Nous devons sortir notre pays du cercle vicieux où l'on compense la faible croissance par une hausse de la fiscalité pour financer notre modèle social sans le réformer.

En responsabilité, nous voterons ce PLF, mais nous aborderons les débats de la CMP dans ce même esprit. Chaque impôt sans réforme est une dette morale transmise aux jeunes générations. Nous ne pourrons apporter nos voix à une CMP qui ferait trop contribuer les collectivités locales, pourtant non responsables de la dette (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Cécile Cukierman proteste), une CMP qui ne réformerait pas l'action publique. La marée monte chez les patrons, les agriculteurs, toutes les forces vives de la nation, qui n'en peuvent plus.

Être responsable, madame, monsieur le ministre, c'est refuser l'impôt. C'est réformer plutôt que taxer ; voilà ce que signifie gouverner ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)

M. François Patriat .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) « La politique, c'est l'art de rendre possible ce qui est nécessaire », disait Richelieu.

M. Rachid Temal.  - Il y a du boulot !

M. François Patriat.  - Nous sommes ici pour accomplir une mission certes difficile, mais possible : doter notre pays d'un budget.

Je remercie les services du Sénat et nos collaborateurs qui ont travaillé sans relâche et permis des débats de qualité, qui honorent notre institution. Loin du spectacle donné ailleurs, le Sénat a montré une belle image de politique républicaine. Je salue les ministres qui se sont relayés au banc, sans oublier le rapporteur général, qui a fait valoir ses exigences avec constance. (M. Jean-François Husson s'en amuse.)

Après vingt jours de débat, ce budget porte la marque de notre groupe.

M. Rachid Temal.  - Ah !

M. François Patriat.  - Au titre des victoires, nous avons permis la suppression de l'article 7, qui aurait porté un coup fatal à l'économie de nos territoires ultramarins. Nous avons préservé les micro-entrepreneurs en supprimant la réforme des franchises de TVA. Nous avons protégé le pouvoir d'achat avec l'indexation de la première tranche d'impôt sur le revenu ou la suppression de la hausse sur la fiscalité des biocarburants. Enfin, grâce à l'action coordonnée du Sénat, nous avons protégé nos collectivités locales en limitant l'effort demandé à 2 milliards d'euros, pour préserver leurs capacités d'investissement.

Soyons lucides : ce budget est loin d'être idéal. L'enjeu sera l'accord à trouver demain - qui ne pourra l'être à n'importe quel prix. Cessons les postures stériles, faites de « lignes rouges » ; les grands débats seront tranchés en 2027. Aujourd'hui, à nous de converger pour assurer la stabilité, la continuité de l'État. Tous les groupes doivent consentir à faire un pas vers l'autre.

Les plus belles réussites de notre histoire sont nées de compromis. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, gaullistes, socialistes, chrétiens-démocrates ont su s'unir pour refonder nos institutions.

Mme Cécile Cukierman.  - Les communistes, aussi !

M. François Patriat.  - Plus récemment, les grandes lois sur la décentralisation ont réuni la droite et la gauche.

M. Rachid Temal.  - D'abord la gauche !

M. François Patriat.  - Nous avons su nous élever ensemble sur ces grands projets ; comment ne pas y parvenir pour avoir un budget en 2026 ? Les Français en ont assez de cette séquence interminable et anxiogène. Le compromis, c'est maintenant !

C'est animé de cet esprit, non par conviction, mais par responsabilité républicaine et par sens de l'État, que le RDPI votera ce budget.

On connaît la formule de Pierre Mendès France : « Gouverner, c'est choisir, mais gouverner, c'est aussi rassembler ». Ayons le courage de rassembler plutôt que de diviser. Choisissons l'intérêt général plutôt que les calculs partisans. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Laure Darcos et M. Marc Laménie applaudissent également.)

M. Thierry Cozic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'examen de ce budget nous laisse un goût amer. La majorité sénatoriale a parlé responsabilité et compromis, mais agi avec dogmatisme. Toutes les démagogies se sont illustrées : refus absurde de faire contribuer les plus fortunés, poncifs sur les jours de carences et chasse aux fonctionnaires, pour aboutir à un déficit de 5,3 %, en hausse de 5 milliards par rapport au texte initial.

La partie recettes a été un festival. Le solde budgétaire se dégrade de 7,7 milliards d'euros, et le déficit passe de 4,7% à 5,1 %.

Une voix à droite.  - C'est Olivier Faure !

M. Thierry Cozic.  - Vous avez supprimé la surtaxe sur les grandes entreprises, pour 4 milliards d'euros ; ...

M. Emmanuel Capus.  - C'est très bien !

M. Thierry Cozic.  - ... vidé de sa rachitique substance la taxe sur les holdings ;

M. Emmanuel Capus.  - Très bien !

M. Thierry Cozic.  - ...réduit le rendement de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI). Ne venez plus nous parler de sérieux budgétaire, quand vous creusez le déficit à la pelleteuse ! (Applaudissements à gauche)

M. Loïc Hervé.  - Et la réforme des retraites ?

M. Thierry Cozic.  - Certains débats sont manifestement interdits. Ainsi, alors que la Cour des comptes préconise des mesures fortes sur l'héritage, le Sénat lui oppose un dogmatisme absolu. Aucun de nos amendements n'a trouvé grâce à vos yeux. (M. Emmanuel Capus s'en félicite.)

Autre débat escamoté : l'urgence climatique. Pourtant, le dérèglement est là, il prend des vies, conséquence directe du capitalisme fossile et financier qui enserre le pays.

Mme Sophie Primas.  - Si ça, ce n'est pas du dogmatisme !

M. Thierry Cozic.  - Coupes dans le fonds Barnier, dans les crédits de la rénovation thermique : nous sommes loin des 37 milliards d'euros qu'il faudrait investir chaque année ! Pourtant, vous avez refusé toute perspective au fonds vert.

Nos collectivités locales ont pu constater votre double discours : pendant le congrès des maires, vous vous érigiez en défenseurs des territoires ; pendant l'examen du PLF, vous avec désindexé les dotations, ponctionné les variables d'ajustement, maintenu le Dilico... Non, la droite sénatoriale ne protège pas les collectivités ! (Applaudissements nourris à gauche ; huées à droite)

Les quelques avancées - suppression de la fusion des dotations, doublement du fonds de sauvegarde des départements, pour lequel le groupe socialiste a joué un rôle central - ne sauraient masquer l'essentiel. Vous sacrifiez les collectivités sur l'autel de choix idéologiques. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Après le Gouvernement, au tour de la majorité sénatoriale, en bons Shadock, de creuser, creuser, creuser...

Ce budget ne résoudra aucun problème et risque même d'en créer. L'Allemagne traverse une crise analogue, avec au coeur la question budgétaire. La volonté du libéral Christian Lindner de baisser les impôts des plus riches a paralysé l'exécutif ; les investissements urgents dans les services publics, les systèmes de santé et de retraite ou la transition écologique demeurent entravés par l'orthodoxie budgétaire et par une dette qui roule comme un hamster tourne dans sa cage.

Ironie frappante : à Berlin, le gouvernement tombe sur la manière d'augmenter la dette ; à Paris, en essayant de la réduire. Ce n'est pas le fruit du hasard. Nous ne sommes pas dupes : tant M. Macron que M. Merz utilisent la panique budgétaire pour masquer leur absence de programme social et écologique. Et c'est derrière cet impensé que la majorité sénatoriale s'est cachée.

Ce budget ne résout strictement rien. Pire, en supprimant les rares dispositions redistributives, vous avez réduit les chances de trouver un compromis acceptable en CMP - au risque d'entraîner notre pays dans une impasse dont vous serez seuls responsables. (Bruyantes manifestations d'impatience à droite, l'orateur ayant épuisé son temps de parole.) En l'état, le groupe socialiste votera contre ce budget. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées des groupes CRCE-K et GEST)

M. Pascal Savoldelli .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Le 27 novembre, nous proposions de rejeter ce budget et de tout reprendre de zéro, craignant un budget inégalitaire, minoritaire et impropre à rassembler les Français. Le texte gouvernemental ne faisait que reprendre le projet Barnier, censuré, le projet Bayrou, rejeté par le vote de confiance, et l'éphémère projet Lecornu 1. Demain, peut-être, une loi spéciale - dernier moyen d'imposer le budget des battus !

Nouveau désaveu, le budget n'a récolté qu'une seule voix à l'Assemblée nationale. Ni la droite sénatoriale ni le Gouvernement ne se sont interrogés, alors que ce budget n'était soutenu que par 8 % des Français : il fallait continuer, comme si de rien n'était.

Le compromis n'a pas eu lieu, n'aura pas lieu, sinon entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale. On décidera en CMP, conclave non filmé, dont les communistes et écologistes sont exclus - bien qu'ils aient un groupe dans chaque chambre. (MM. Loïc Hervé et Olivier Paccaud s'exclament.)

Après trois semaines de débats au Sénat, la perspective d'un débat faussé et d'un budget imposé demeure. Le président Larcher plaide pour un 49.3 ; Élisabeth Borne lui a emboîté le pas.

M. Emmanuel Capus.  - Très bien !

M. Pascal Savoldelli.  - C'est légal, mais illégitime.

Nos craintes étaient fondées. Le budget initial reposait sur un équilibre : un tiers de l'effort sur les recettes, deux tiers sur les dépenses. Il est désormais clair que la droite sénatoriale n'a d'autre budget que celui du Gouvernement qu'elle a simplement durci, radicalisé. Elle en partage l'essentiel : la défense des possédants, le rationnement pour les autres. Côté recettes, la droite sénatoriale exonère les plus riches de 13 milliards d'euros, accorde 6 milliards d'euros d'allègements ciblés aux grandes entreprises, aux holdings patrimoniaux et aux hauts patrimoines. Elle a même refusé un simple document d'information parlementaire sur les 211 milliards d'euros d'aides publiques accordées sans contrôle aux entreprises ! Les plus riches continueront à vivre heureux, car cachés.

La rente est protégée, les grandes entreprises biberonnées et les magnats de l'immobilier consacrés dans la République des actionnaires.

Côté dépenses, 28 à 38 milliards d'euros de coupes sur les services publics, quand le Gouvernement en annonçait 23 milliards. Signe de cette brutalité : 1 milliard d'euros supprimé pour France 2030 - et tant pis pour notre industrie ; 4 000 suppressions de postes d'enseignant.

Et que dire des méthodes ? Secondes délibérations, rabotage de dernière minute : un sous-amendement déposé à 0 h 24, examiné à 0 h 30, est venu supprimer 1,9 milliard de crédits évaluatifs ! Vous dégradez le solde par un tripatouillage bien loin du sérieux budgétaire.

C'est une violence contre le peuple (protestations sur les travées du groupe Les Républicains), car on demande des efforts à ceux qui en font déjà. (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit ; M. Emmanuel Capus proteste.) Vous ne vivez pas dans le même monde que nous - celui des 360 plans sociaux, de la vie chère outre-mer, de l'explosion des factures d'électricité, des Français contraints de sauter des repas ! Voilà le pays tel qu'il est. Voilà le cadre dans lequel un budget devait être construit.

Le groupe CRCE-K a fait cinq cents propositions pour obtenir 70 milliards d'euros de recettes. Nous avons ciblé la richesse là où elle est : dans les rentes et les abus, pour réinvestir dans la relance, la solidarité, l'école, la culture, les transitions, les collectivités territoriales, les coopérations, les sécurités collectives, en misant sur la paix sociale et la diplomatie. Nous avons chiffré et défendu un budget alternatif.

Le mouvement social, syndical, le monde paysan, le monde du travail vous le disent : ce que vous faites n'a aucune légitimité dans le pays. Cette politique a été rejetée à chaque reprise. L'année 2026 sera peut-être celle des résistances nouvelles, populaires, unitaires. Et tout redeviendra possible. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur plusieurs travées du groupe SER et du GEST)

M. le président.  - Conformément à l'article 60 bis du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune. Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal : lettre X. (Exclamations diverses ; M. Adel Ziane applaudit.)

Le projet de loi de finances pour 2026, modifié, est mis aux voix par scrutin public à la tribune de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°125 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 296
Pour l'adoption 187
Contre 109

Le projet de loi de finances pour 2026, modifié, est adopté.

M. le président.  - Nous arrivons au terme de la discussion du projet de loi de finances pour 2026, entamée le 27 novembre. Dans des délais contraints, nous avons siégé 165 heures. Le nombre d'amendements a battu un nouveau record : 5 156 amendements, 13 % de plus que l'an dernier. Dans ce contexte, la conférence des présidents a proposé de réduire les temps de parole à une minute pour l'examen de certaines missions : merci de vous être tous tenus à cette règle, qui nous a permis de tenir les délais constitutionnels. Néanmoins, si cette tendance inflationniste se poursuivait, elle menacerait à terme la qualité de nos débats, je le dis solennellement.

À l'issue de ces dix-sept jours de séance, j'adresse mes vifs remerciements au rapporteur général, Jean-François Husson, pour sa disponibilité et son travail. (Applaudissements) Je remercie le président de la commission des finances pour son implication et sa vigilance sur la bonne tenue de nos débats. (Applaudissements) Merci aux présidentes et présidents de séance, très mobilisés. (Applaudissements) Je salue les 48 rapporteurs spéciaux de la commission des finances, les 76 rapporteurs pour avis des autres commissions, ainsi que les présidents de ces dernières et les chefs de file des groupes politiques. Je remercie les présidents de groupes politiques ; leur tâche n'a pas été simple. Enfin, je remercie les services du Sénat. (Applaudissements)

Monsieur et Madame les ministres, je vous adresse nos remerciements, ainsi qu'à vos collègues ministres qui se sont succédé au banc.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances.  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Brigitte Micouleau applaudit également.) À mon tour de remercier les vice-présidents du Sénat, qui ont présidé nos séances pendant de très longues heures. Je remercie les services de la commission des finances, et tous ceux qui font fonctionner cette maison. (Applaudissements)

D'année en année, cela devient de plus en plus complexe. Cette année, le texte a été déposé tardivement, mais, l'Assemblée nationale ayant rejeté la première partie, nous avons échappé au pire : si nous avions dû traiter les articles additionnels adoptés par les députés, nous aurions pris encore une semaine de retard, sans doute.

Le nombre d'amendements est un sujet. L'absence de vote sur la première partie à l'Assemblée a conduit à défendre les amendements au Sénat. Résultat : deux à trois fois plus d'amendements qu'il y a dix ans.

Cela nous a conduits à adapter nos règles de fonctionnement. Limiter le temps de parole n'est pas idéal ; demain, on ne pourrait pas continuer ainsi, si le nombre d'amendements continuait de croître. Je ne serai plus là, mais il faudra trouver des solutions pour tenir les délais - peut-être une modification constitutionnelle temporaire allouant trente jours à l'Assemblée nationale et trente jours au Sénat ! (Sourires)

Merci, chers collègues, de vous être pliés à cette règle, ce qui nous a permis de mener à bien nos débats. (Applaudissements)

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Dans une France qui doute, je me réjouis que nous ayons pu débattre démocratiquement, posément, sans dogmatisme - ce petit mot sympathique ne m'a pas échappé. (M. Thierry Cozic s'en amuse.) Il est sain que, sur certains sujets, il y ait des oppositions - parfois au sein même de nos familles politiques. C'est la démocratie qui vit.

Madame et monsieur les ministres, entendez qu'il vous faut travailler en bonne intelligence avec les deux chambres ! Il y a trois ans, le Sénat avait proposé 7 milliards d'euros d'économies au Gouvernement. Il n'en était rien resté. Cette fois-ci encore, nous avons fait des efforts : moins qu'espéré, peut-être ; plus qu'attendu, sans doute. Faites en sorte qu'il reste quelque chose de la copie du Sénat !

Pour que la CMP se passe bien, il ne faut pas d'interférences : il faut tout mettre sur la table, en transparence. L'avenir ne peut se construire en contournant certains. Pendant que nous examinions ici le budget rejeté à l'Assemblée nationale, des négociations se déroulaient ailleurs, dont les conclusions viennent percuter notre travail. Beaucoup ont mal vécu qu'on leur demande de réduire des dépenses qui sont les conséquences de déficits dont on refuse de régler les causes...

Madame la ministre, merci d'avoir assumé de renoncer aux reports de crédits qui affectent la sincérité du budget - notre commission les dénonçait en 2022, en 2023, en 2024. Ce moment de vérité est un hommage rendu au travail du Sénat, assemblée qui débat, s'oppose, mais surtout, trace des perspectives.

Il nous faut répondre au ras-le-bol fiscal, au souci de justice, de qualité des services, publics et privés. Aujourd'hui, ce sont les entreprises qui servent de bouc émissaire. Prenons garde à la tentation du poujadisme, voire de l'exil - avant qu'il ne soit trop tard.

Il nous reste quelques jours pour trouver un compromis - qui ne saurait ignorer le travail du Sénat. Les économies, les orientations fiscales proposées peuvent être discutées. Nous avons souhaité que les collectivités soient traitées avec considération et justice, et tenté de rendre la copie acceptable pour les trois blocs de collectivités. Les associations d'élus ont accepté le chemin que nous leur avons proposé. Au nom du Sénat, je vous demande de prendre en compte ce travail.

Bonne chance ! Souhaitons que nous trouvions la voie pour adopter un budget avant le 31 décembre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et sur quelques travées du groupe SER)

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique .  - Merci à toutes et à tous, au président Raynal, au rapporteur général, aux présidents de commissions, à tous les rapporteurs, pour ces 180 heures de débat.

À Bruxelles, au conseil Ecofin, mes homologues, inquiets, me demandent si nous allons y arriver. L'Europe souhaite que nous réussissions. Elle n'est pas là pour nous donner des leçons.

Nos partenaires souhaitent aussi que nous poursuivions sur la voie de la consolidation budgétaire. La Commission européenne avait donné un avis favorable au projet de budget présenté par le Gouvernement ; le commissaire l'a redit vendredi. Or le texte qui sort d'ici n'est plus en ligne avec la prévision telle que nous l'avions présentée il y a deux mois...

J'entends qu'il y a des désaccords fondamentaux, honorables, sur des sujets de fond : équilibres entre recettes et dépenses ; répartition de l'effort entre État, collectivités territoriales et administrations de sécurité sociale ; entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'investissement ; entre ménages et entreprises ; entre grandes entreprises et PME ; entre aisés et moins aisés ; entre jeunes et moins jeunes. Ces débats, légitimes, vont se poursuivre dans les dix-huit mois à venir et seront tranchés lors des prochaines échéances électorales.

Mais aujourd'hui, très franchement : Houston, we have a problem !

Demain, l'Assemblée nationale votera définitivement, nous l'espérons, un PLFSS. Vous venez de voter un PLF. En additionnant les deux, on aboutit à un déficit des administrations publiques à 5,3 % du PIB. C'est inacceptable. Nous devons réussir à sortir de cette ornière. J'entends que le rapporteur général a fait des propositions d'économies sur les dépenses, mais le texte qui vous était soumis, assorti du PLFSS voté à l'Assemblée nationale, affichait un déficit d'un peu moins de 5 %. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Burgoa.  - On n'est pas à l'Assemblée nationale, ici !

M. Roland Lescure, ministre.  - Les compromis trouvés à l'Assemblée se sont traduits par une dégradation du déficit - mais les compromis trouvés ici également ! Personne n'a la vertu de la discipline budgétaire.

Nous avons un problème. Il est soluble à condition que vingt-huit parlementaires, députés et sénateurs, soient capables de travailler ensemble pour faire converger une copie avec une autre - qui n'existe pas, mais qui doit être intégrée, si la CMP doit réussir.

M. Rachid Temal.  - Il faut appeler le père Noël !

M. Roland Lescure, ministre.  - Le Gouvernement est prêt à aider dans ce processus inédit, mais tout le monde devra y mettre du sien. Si chacun reste campé sur ses positions, nous n'y arriverons pas.

Mme Marie-Carole Ciuntu.  - Prenez vos responsabilités !

M. Roland Lescure, ministre.  - Un déficit à 5,3 %, cela ne passe pas. Vous allez devoir faire des concessions. Je suis persuadé que l'on peut aboutir, mais il faudra faire des efforts, y compris sur les recettes, qui ne sont pas au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; huées sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Je remercie chacun d'entre vous, et d'abord le rapporteur général, pour l'engagement, la patience, les convictions qui ont marqué ces longues heures passées ensemble. Nous avons fait honneur à la démocratie : chacun défend ses idées, tente de faire majorité, de manière civilisée, tantôt gagnante, tantôt perdante, au grand jour. Point de compromis de couloir, mais des compromis à ciel ouvert, retransmis à la télévision - j'en remercie les équipes de Public Sénat.

Sur le fond, il y a eu des propositions d'équité fiscale, de votre part et de la nôtre, sur l'IFI, sur le Dutreil ou sur le mécanisme d'apport-cession. Certaines ont fait majorité, d'autres ont été battues, mais débattues.

Sur les économies, il n'y aura pas d'interférence. Le Gouvernement est au service du Parlement. (Mme Pascale Gruny ironise.) Nous sommes là pour chiffrer, pour répondre à vos questions, mais ne serons, par définition, pas en CMP. Certaines propositions d'économies sont bienvenues et doivent être conservées.

Une voix à gauche.  - Et côté recettes ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Je soutiendrai également certaines des nouvelles dépenses que vous avez proposées, et aiderai à les mettre en oeuvre si je suis encore ministre.

Vous appelez à des réformes « pour de vrai » ? Le Gouvernement a annoncé ce matin d'importantes réformes sur la commande publique ; j'ai dans mes dossiers une réforme de la foncière de l'État, ainsi que des réformes « pour de vrai » sur les opérateurs, inspirées de votre rapport. Nous ne renonçons pas à réformer.

Chacun mesure l'importance d'avoir un budget au 31 décembre. Non un budget de repli, mais un budget de l'essentiel. Comment, en ces temps troublés, nous mettre d'accord sur l'essentiel ? Il existe des majorités : sur l'autonomie stratégique, en matière de défense notamment, sur les enjeux d'innovation, de souveraineté, de protection - je pense aux petits colis  - , sur les services publics et les collectivités territoriales, sur la maîtrise des comptes.

Non, ce n'est pas un budget par défaut. C'est un budget pour agir, dans les dix-huit mois à venir, avant les débats cruciaux que nous aurons en 2027. L'instabilité n'est pas un choix, mais elle a un prix. La stabilité aussi : de croire au compromis. Je le crois possible, je le souhaite, je suis à votre disposition pour y arriver. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP et sur quelques travées du RDSE et du groupe SER)

La séance, suspendue à 16 h 50, reprend à 17 h 15.