Accord avec le Mercosur
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne visant à demander au Gouvernement français de saisir la Cour de justice de l'Union européenne pour empêcher la ratification de l'accord avec le Mercosur présentée, en application de l'article 73 quinquies C du règlement, par MM. Jean-François Rapin et Cédric Perrin et Mme Dominique Estrosi Sassone.
Discussion générale
M. Jean-François Rapin, auteur de la proposition de résolution . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu'au banc des commissions ; MM. Daniel Chasseing, Jean-Baptiste Lemoyne et Jacques Fernique applaudissent également.) Le groupe Les Républicains a souhaité l'examen de cette proposition de résolution que j'ai déposée avec Cédric Perrin et Dominique Estrosi Sassone afin de demander au Gouvernement de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour empêcher l'accord avec le Mercosur. Une telle proposition est un moment rare en séance, totalement justifiée en l'occurrence. J'espère que nous enverrons à nouveau un signal fort du Sénat sur ce dossier, après les votes unanimes des deux commissions concernées.
Moment nécessaire aussi, car le Parlement européen s'exprime aujourd'hui même sur la clause de sauvegarde proposée par la Commission européenne, qui fait le forcing pour pouvoir entériner l'accord commercial le 20 décembre.
Nous prenons acte de la demande du Gouvernement de ne pas soumettre au vote l'autorisation de signature lors des prochaines réunions du Conseil européen, estimant que le compte n'y est pas.
Notre démarche n'est pas une manifestation d'hostilité à l'encontre du commerce international ou de tout accord de libre-échange. Nous sommes convaincus de la nécessité, pour l'Europe et la France, de développer des relations commerciales pour réduire les dépendances et renforcer autonomie et indépendance.
Mais pas à n'importe quel prix, pas dans n'importe quelles conditions, pas en faisant fi des atouts d'un marché unique de 450 millions de consommateurs, pas en bradant notre autonomie réglementaire ou nos principes - surtout lorsque la Commission européenne tente par tous les moyens de contourner les parlements nationaux. Monsieur le ministre, j'ai vu à Copenhague lors de la réunion de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (Cosac) que les parlementaires français n'étaient pas les seuls à s'opposer à cet accord.
Alors que les négociations ont débuté il y a vingt-cinq ans, cet accord n'est toujours pas satisfaisant - même après les nouvelles discussions engagées, même après la présentation de l'accord repoussoir de 2019.
La politique du marché unique, les règles que l'on impose à nos entreprises et nos agriculteurs doivent être cohérentes avec la politique commerciale.
Les enjeux agricoles sont au coeur de l'opposition contre cet accord, au même titre que les enjeux démocratiques et institutionnels. La saisine de la CJUE nous paraît justifiée pour deux raisons : la décision de scinder l'accord pour contourner le vote des parlements nationaux en présentant de surcroît un accord de partenariat au lieu d'un accord d'association, et l'enjeu que représente le mécanisme de rééquilibrage pour l'autonomie réglementaire de l'Union européenne.
En effet, le 3 septembre dernier, lorsque le collège des commissaires a adopté l'accord, il l'a scindé en un accord de partenariat et un accord commercial intérimaire, qui ne nécessite pas de ratification par les parlements nationaux.
Le Conseil européen avait pourtant affirmé en 2018 que l'accord avec le Mercosur devait rester mixte. Or, en proposant un accord de partenariat, la Commission contourne la règle de l'unanimité, la majorité qualifiée s'appliquant pour les deux accords.
Les conséquences du mécanisme de rééquilibrage introduit à la demande des États du Mercosur ne sont pas correctement évaluées. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase, monsieur le ministre ! Sommes-nous en train de brader l'autonomie réglementaire de l'Union ?
Monsieur le ministre, nous vous demandons de vous opposer à cet accord tel qu'il a été négocié. Les garanties promises par la Commission ne sont pas satisfaisantes. Saisissez la CJUE afin qu'elle tranche les enjeux juridiques que nous soulevons. C'est une question démocratique ! (M. Christian Cambon renchérit.) Nous avons besoin d'un engagement clair. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; MM. Henri Cabanel, Didier Marie et Daniel Chasseing applaudissent également.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la proposition de résolution . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Au-delà de la question fondamentale du respect des prérogatives des États membres et des parlements nationaux se joue la capacité de nos agriculteurs à continuer à vivre de leur travail et celle de notre pays à conserver sa souveraineté alimentaire. Cet accord expose nos agriculteurs à une concurrence déloyale et nos concitoyens à des risques sanitaires. Il y aurait un surplus d'importation de 53 000 tonnes de viande pour la seule filière bovine ! C'est le coup de trop !
Alors que nos éleveurs bovins se battent contre la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) et que les producteurs de betteraves se voient interdire des produits qui sauveraient leur récolte, les volumes importés ne sont pas abstraits.
Les coûts de la production bovine sont 40 % plus faibles dans les pays du Mercosur que dans les élevages européens. Nos agriculteurs respectent des règles plus strictes sur les produits phytosanitaires, le bien-être animal et les conditions de travail. Or l'accord ne comporte aucune stipulation spécifique. Au contraire, il prévoit un allègement des contrôles sanitaires et phytosanitaires.
C'est d'autant moins acceptable que notre balance commerciale agricole devrait être déficitaire en 2025, pour la première fois depuis 1978. Ouvrons les yeux ! Nous assistons à l'effacement de notre agriculture. (On renchérit à droite.)
Il y a des sacs Vuitton, mais la quasi-totalité de nos vêtements vient de Chine. De même, la volaille de Bresse ne suffit plus à cacher que la moitié des poulets que nous mangeons est importée. La montée en gamme de notre agriculture n'est pas la solution, si c'est l'arbre qui cache la forêt de la perte de souveraineté alimentaire. Les normes vertueuses n'ont aucun sens si l'on ouvre nos portes à des produits qui ne les respectent pas. Les Français n'en peuvent plus de cette hypocrisie propre au « en même temps » macroniste ! (« Très bien ! » sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains)
La Commission européenne dit qu'il y aura des garde-fous, mais la clause de sauvegarde sera difficile à activer. Bruxelles annonce aussi une task force pour multiplier les audits, mais comment ces contrôles supplémentaires seraient-ils suffisants au regard des volumes importés ? Aucune réponse claire n'a été apportée.
Sur la réciprocité, la Commission européenne promet des avancées de dernière minute, pour durcir les règles sur les importations de pesticides. Mais ce nouveau chantier n'aboutira pas avant longtemps, alors que l'accord pourrait être adopté dès la fin de l'année. Nous attendons désespérément des mesures miroirs.
J'ai l'impression qu'Emmanuel Macron et la Commission européenne nous font visiter un accord Potemkine. On veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes...
M. François Bonhomme. - Plus qu'un peu !
Mme Dominique Estrosi Sassone. - L'agriculture européenne n'est pas une variable d'ajustement de la start-up nation du président Macron. Le Sénat doit montrer aux agriculteurs qu'il se tient à leurs côtés. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; MM. Alain Marc et Daniel Chasseing applaudissent également.)
Les prises de position du Président de la République ont été ambiguës et contradictoires. Après avoir affirmé à plusieurs reprises que l'accord ne pouvait être approuvé, il a trahi le monde agricole (on renchérit à droite) en se disant « plutôt positif » le 6 novembre dernier. Il se refuse à saisir la CJUE pour faire barrage au coup de force de la Commission. Nous demandons au Gouvernement de tenir sa parole pour défendre l'agriculture européenne. Au nom de la France, Emmanuel Macron doit s'opposer à l'accord. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC ; Mme Mireille Jouve et MM. Alain Marc et Daniel Chasseing applaudissent également.)
M. Pascal Allizard, rapporteur de la commission des affaires étrangères . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les négociations ont débuté en 1999 pour succéder à un accord-cadre de 1995. Côté Mercosur, l'accord prévoit une levée de 91 % des droits de douane sur les importations en provenance de l'Union européenne. Des contingents sont prévus pour de nombreux produits non entièrement libéralisés : 30 000 tonnes pour le fromage, 10 000 tonnes pour le lait en poudre et 5 000 tonnes pour le lait infantile. L'accord prévoit également la reconnaissance de 350 indications géographiques européennes.
Côté européen, l'accord se traduira par la suppression de 92 % des droits de douane. Pour les produits non entièrement libéralisés, l'Union européenne accordera des réductions partielles, notamment pour les produits agricoles, avec des quotas de 99 000 tonnes de boeuf, 180 000 tonnes de volailles, ou encore 16 millions de tonnes de sucre.
Les partis s'engagent à ouvrir les appels d'offres de marchés publics aux entreprises de l'autre continent.
Selon une étude de la Commission européenne de 2025, les exportations européennes vers le Mercosur progresseraient de 39 %, contre 16,9 % dans l'autre sens.
En dépit des modifications apportées à la première version de l'accord, force est de constater que les exigences françaises ayant trait à la lutte contre la déforestation, au respect de l'accord de Paris et à la réciprocité des normes de production n'ont été que très partiellement satisfaites. Certes, l'accord de Paris y est désormais intégré, mais la notion de « non-application de bonne foi » justifiant une possible suspension de l'accord avec le Mercosur est floue.
Le chapitre « commerce et développement durable » a été complété par une annexe contre la déforestation, mais les engagements, bien que juridiquement contraignants, ne sont assortis d'aucune sanction commerciale. En contrepartie, les États du Mercosur ont obtenu un mécanisme de rééquilibrage permettant à une partie de demander une compensation si une mesure porte atteinte aux avantages prévus par l'accord. Or la notion de mesure fait l'objet d'interprétations divergentes. Cela pourrait réduire la capacité de l'Union européenne à adopter de nouvelles normes environnementales, en contradiction avec les principes d'autonomie de l'ordre juridique européen. En droit national, l'effet dissuasif de ce mécanisme porterait atteinte à notre souveraineté et serait donc contraire à notre Constitution.
Le principe de précaution est bien mentionné, mais son champ d'application est très restreint : il ne couvre pas la sécurité sanitaire des aliments et la santé humaine.
Enfin, un point majeur : sauf quelques exceptions, les règles européennes de production ne seront pas imposées aux importations provenant du Mercosur. Cette situation, source de distorsion de concurrence au détriment de nos agriculteurs, est inacceptable. Le règlement proposé par la Commission européenne qui permet le retrait temporaire des préférences tarifaires en cas de danger pour certaines filières ne répond qu'imparfaitement aux inquiétudes du monde agricole.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons d'adopter cette proposition de résolution dans la rédaction issue des travaux des commissions. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)
Mme Gisèle Jourda, rapporteure de la commission des affaires étrangères . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Didier Marie applaudit également.) Le contenu de cet accord est contestable en soi, en raison des risques qu'il comporte pour l'environnement et notre agriculture, notamment outre-mer. La procédure de ratification retenue par la Commission européenne fragilise sa légitimité démocratique. Sa légalité doit être examinée par la CJUE.
Malgré l'opposition de plusieurs États membres, dont l'Autriche, l'Irlande, la Pologne, les Pays-Bas, la France, la Commission européenne a choisi d'aller au bout des négociations de façon précipitée. L'accord était discuté depuis 1999, mais Ursula von der Leyen a décidé de passer en force le 6 décembre 2024 à Montevideo, ignorant les réserves de plusieurs gouvernements. La Commission a décidé ensuite de scinder l'accord, alors que cela ne correspond pas au mandat fixé par le Conseil européen en 1999, qui demandait un accord d'association, à la fois commercial et politique. En 2018, le Conseil avait rappelé que les accords avec le Mexique, le Mercosur et le Chili devaient rester des accords mixtes, devant être ratifiés par l'ensemble des États membres.
Pourtant, le 3 septembre 2025, la Commission a présenté deux textes séparés. Ce faisant, elle s'est écartée du mandat que lui avait confié le Conseil sur deux points essentiels : elle a transformé l'accord intérimaire en accord autonome ; elle a proposé un accord de partenariat et non un accord d'association. Or ce dernier appartient à une catégorie juridique particulière dont la procédure requiert l'unanimité. La Commission européenne a donc modifié la base légale de l'accord de sa propre initiative pour éviter le veto d'un État membre.
Cette scission contourne les parlements nationaux et les États membres. Le volet commercial pourrait s'appliquer quand bien même un ou plusieurs États refuseraient de ratifier l'accord de partenariat. Cette méthode réduit encore un peu plus l'assise démocratique d'un accord déjà largement contesté par l'opinion publique. Cette démarche soulève de nombreux doutes juridiques. Elle pourrait contrevenir à l'équilibre institutionnel prévu par les traités. S'ajoutent des questions sur le principe de précaution et le mécanisme de rééquilibrage.
Nous estimons qu'il est politiquement et juridiquement justifié de saisir la CJUE, qui pourra alors dire si ces accords sont compatibles avec les traités. Quelque 145 eurodéputés issus de cinq groupes et de 21 nationalités avaient demandé cette saisine le 14 novembre. Il est regrettable que cette proposition de résolution n'ait pas été inscrite à l'ordre du jour du Parlement européen.
La balle est dans le camp des États membres qui ont la possibilité de saisir la CJUE. Tel est l'objet de cette proposition de résolution que nous vous proposons d'adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST, des groupes INDEP et Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Jean-Baptiste Lemoyne et Mme Mireille Jouve applaudissent également.)
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Didier Marie et moi-même l'avons constaté : l'accord commercial négocié par la Commission européenne avec les pays du Mercosur est un accord d'ancienne génération, qui sacrifie notre agriculture sur l'autel de nouveaux marchés industriels. C'était déjà notre position en 2019.
Usage massif des pesticides, normes environnementales quasi inexistantes, traçabilité défaillante, mépris du bien-être animal et des conditions de travail : un véritable fossé nous sépare du Mercosur. Quelque 77 % des substances actives autorisées pour traiter le maïs au Brésil sont interdites en Europe et en France. Résultat : un avantage prix écrasant pour ces pays. Face à la levée de boucliers, la Commission européenne a été contrainte de renégocier, pour présenter une nouvelle mouture en 2024. Mais quelles garanties nouvelles ont-elles été obtenues ? Aucune ! Les quotas à taux préférentiel ont-ils été revus ? Non. Les standards sanitaires et environnementaux harmonisés ? Non plus. Les clauses miroirs intégrées ? Pas davantage. L'accord n'ayant pas bougé d'un iota, pourquoi notre position devrait-elle évoluer ?
Ne nous laissons pas berner par la clause de sauvegarde. La Commission européenne facilite l'activation de mécanismes déjà présents en 2019, sans obligation nouvelle pour le Mercosur, afin d'offrir un répit illusoire à nos filières.
Ayons le courage de la lucidité ! Face à ces produits, notre agriculture devra s'adapter : c'est-à-dire cesser de produire dans certains cas ! En témoigne le fonds de compensation prévu par la Commission pour les filières qui n'arriveraient pas à résister à la concurrence.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Nous sommes à un tournant majeur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jacques Fernique applaudit également.)
M. Didier Marie, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes . - (M. Patrick Kanner applaudit.) La Commission européenne a outrepassé le mandat qui lui avait été confié par le Conseil. Elle a choisi une architecture juridique pour contourner le vote à l'unanimité. C'est un passage en force, qui méconnaît les exigences de la loyauté institutionnelle et l'équilibre des compétences entre les institutions européennes. Sa compatibilité avec les traités doit être tranchée par le juge européen.
Ensuite, l'introduction d'un mécanisme de rééquilibrage ouvre la voie à une remise en cause directe des politiques environnementales, sanitaires et de protection des consommateurs de l'Union européenne. Ce mécanisme pourrait devenir un instrument de pression pour contraindre l'Union à renoncer à ces politiques pourtant légitimes. C'est une menace inacceptable pour notre souveraineté réglementaire, difficilement conciliable avec les objectifs des traités.
Enfin, l'accord soulève des interrogations quant au respect du principe de précaution : il prévoit en effet un allègement des contrôles sanitaires et phytosanitaires. Le principe de précaution est évoqué, mais vidé de sa portée, exposant l'Union européenne à des contentieux susceptibles d'entraîner le retrait de mesures protectrices essentielles.
La saisine de la CJUE est le dernier levier juridique et politique pour défendre nos intérêts stratégiques, préserver nos standards sanitaires et environnementaux et traduire en acte l'opposition réitérée de la France à cet accord tel qu'il a été négocié. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
M. Nicolas Forissier, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité . - Nous débattons d'un sujet très important pour le Gouvernement, le Parlement, mais aussi pour l'ensemble de nos concitoyens, notamment nos agriculteurs. Ce sujet s'inscrit dans un domaine plus large, le commerce international.
Je souhaite un dialogue nourri et régulier avec le Parlement, les filières et la société civile pour définir ensemble notre stratégie internationale afin de valoriser au mieux nos intérêts commerciaux à l'exportation tout en protégeant nos filières, mais avec un esprit de conquête, sans naïveté, mais avec opiniâtreté.
Le multilatéralisme est fragilisé, l'ordre international se redessine, les tensions sont fortes, le commerce international fait l'objet de mouvements tectoniques. Le renforcement de nos partenariats et la diversification de nos échanges doivent réduire nos dépendances et offrir à nos entreprises de nouvelles sources de croissance. Les liens d'amitié anciens qui nous unissent avec les pays d'Amérique latine font de ces pays des candidats naturels.
Des inquiétudes légitimes s'expriment quant à l'impact des accords de commerce sur certaines filières. Mais ne perdons pas de vue les nombreux bénéfices qu'ils offrent à nos entreprises, notamment les PME. Ainsi, si plusieurs filières sensibles demandent des garanties, dont nous devons tenir compte, dans l'accord avec le Mercosur, les filières lait, fromages, vins et spiritueux, et notre industrie en général bénéficieront de cet accord, par l'accès aux marchés publics notamment.
Nous devons diversifier nos marchés et nos exportations, et sécuriser l'avenir de nos entreprises et de nos filières. Pour éviter de trop dépendre de certains marchés, il faut en conquérir de nouveaux. Ces accords sont donc utiles. Toutefois, cette démarche doit s'inscrire dans le cadre de relations équilibrées, dans le respect de nos intérêts stratégiques et de la protection des consommateurs.
Il serait donc inenvisageable d'accepter un accord qui ne répondrait pas à ces exigences. Il n'est pas envisageable de favoriser les intérêts de certaines filières au détriment d'autres, a fortiori des filières agricoles. (MM. Rémy Pointereau et François Bonhomme s'en félicitent.)
L'accord conclu à Montevideo n'est pas acceptable en l'état. Notre position à cet égard est claire et sans ambiguïté. Elle est partagée par l'ensemble du Gouvernement. Notre boussole est claire : la défense de nos intérêts et la protection de nos filières agricoles.
Certains commentateurs ont laissé entendre que la France se serait résignée face à l'offensive de la Commission européenne. C'est tout l'inverse ! Depuis plus d'un an, la France a fait valoir ses positions tant auprès de la Commission européenne qu'auprès de ses partenaires et de l'ensemble des États membres partageant ses réserves. Le Président de la République, le Premier ministre, les ministres ont mené de nombreuses démarches pour adresser un message clair.
En juin 2025, l'Italie, la France, l'Autriche et la Hongrie ont adopté des déclarations ministérielles conjointes, rejointes ensuite par la Pologne en juillet. Depuis le départ, notre stratégie est claire : si nous jugeons l'accord inacceptable, notamment pour nos filières agricoles, celui-ci ne saurait être adopté.
La France a formulé trois demandes : protéger les filières agricoles européennes de tout risque de déstabilisation ; assurer que les produits importés respectent les mêmes normes sanitaires, phytosanitaires et environnementales que les produits européens ; enfin, renforcer les contrôles sanitaires et phytosanitaires.
Il n'est pas acceptable qu'un accord commercial perturbe certaines filières agricoles sensibles. Nous devons nous prémunir contre toute hausse massive des importations qui causerait des dommages irréversibles. Je le dis d'autant plus que ma vie politique s'est construite dans un territoire d'élevage de bovins allaitants.
Les garde-fous prévus par l'accord sont insuffisants : il faut aller plus loin que les quotas, et donc prévoir des clauses de sauvegarde. Le dispositif contenu dans l'accord ne convient pas, car il n'est pas suffisamment protecteur. D'où notre volonté de le renforcer pour les produits agricoles. En octobre dernier, la Commission européenne a proposé un projet de règlement renforçant la clause de sauvegarde bilatérale pour les produits agricoles sensibles, grâce à l'action de la France. Mais j'ai noté votre scepticisme quant à sa portée.
La clause de sauvegarde contenue dans l'accord est juridiquement contraignante pour toutes les parties. Mais le cadre étant large et une marge d'interprétation existant dans l'appréciation de l'existence ou non d'un préjudice, l'enjeu est de savoir dans quelles conditions la Commission européenne se saisira ou non de cette possibilité pour prendre rapidement des mesures, avant tout dommage irrémédiable.
Ce projet de règlement repose sur quatre éléments protecteurs : premièrement, une surveillance fine des marchés et de l'impact de l'accord sur les filières, à l'échelle de l'Union européenne, mais aussi de chaque État membre, afin de détecter d'éventuelles perturbations sur les volumes ou les prix. À l'écoute de nos éleveurs, nous avons obtenu de la Commission européenne des avancées sur les modifications de la nomenclature douanière. Cela profitera à l'aloyau, pièce de boeuf à haute valeur ajoutée, mais aussi aux filets de volaille.
Deuxièmement, l'ouverture d'une enquête par la Commission à la demande d'un État membre ou de toute personne morale ou physique agissant au nom des filières.
Troisièmement, le lancement, sans délai, d'une enquête de la Commission quand certains critères quantitatifs - prix, volumes importés - sont remplis, pour vérifier la réalité des perturbations de marché. Nous nous fonderons sur des années glissantes, et non sur un rythme annuel. Ces enquêtes pourront faire cesser les importations.
Quatrièmement, si ces perturbations concernant des produits sensibles sont avérées, les délais de réaction seront très courts, la clause de sauvegarde sera actionnée sous 21 jours et la conclusion de l'enquête attendue en quatre mois.
Ce projet de règlement encadre donc, voire automatise la pratique de la Commission européenne pour qu'aucune perturbation ne soit laissée sans réponse rapide. Cela montre que nos préoccupations commencent à être entendues. Nous examinons l'opérationnalité du dispositif. Il doit être activable facilement, pour protéger nos filières agricoles.
Ce texte est en discussion au Parlement européen. Un compromis a été adopté il y a deux heures ; ainsi le trilogue pourra reprendre ses travaux. Le seuil de déclenchement des évolutions, en volumes et en prix, passe de 10 % à 5 % : on resserre la maille. Et les obligations de la Commission européenne sont renforcées : elle devra - et non seulement « pourra » - adopter des mesures définitives quand les conditions seront réunies, dans le cadre de la clause de sauvegarde.
Le projet de règlement doit être adopté rapidement, avant toute expression du Conseil de l'Union européenne.
Cette avancée, utile, ne sera toutefois pas suffisante. Le compte n'y est pas !
M. Yannick Jadot. - Et donc ?
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - Cependant, madame Estrosi Sassone, on s'éloigne du village Potemkine.
La France souhaite que les normes imposées aux producteurs européens pour des raisons environnementales ou sanitaires s'appliquent aux produits importés. (M. François Bonhomme renchérit.) C'est une demande ancienne. Nous en parlions déjà lors de l'examen de la loi rurale, ici au Sénat, il y a vingt ans. J'étais à l'époque secrétaire d'État à l'agriculture. Les mesures miroirs relèvent autant du bon sens que de l'équité. (M. Guillaume Chevrollier renchérit.) Nous ne pouvons continuer à importer des produits alimentaires traités avec des pesticides interdits en Europe. Nos normes sont légitimes, mais elles perdent leur sens si des produits ne les respectant pas sont importés. La France demande donc à la Commission européenne une réponse à la hauteur des enjeux.
Attention, il ne s'agit pas de clauses miroirs, mais de mesures miroirs, qui s'appliqueraient à l'ensemble des produits importés, et non aux seuls produits issus des importations avec des pays du Mercosur. La mesure miroir la plus ancienne date de 1996 et concerne le boeuf aux hormones. La Commission européenne doit proposer, sans délai, de nouvelles mesures. Nous devons notamment réviser le règlement européen pour abaisser les limites maximales des substances actives non autorisées en Europe.
Nous devons être plus fermes sur les activateurs de croissance, et interdire l'importation d'animaux et de produits d'origine animale traités avec des additifs antimicrobiens.
Tout cela n'aurait pas de sens sans contrôles sanitaires robustes. D'où la demande de la France de contrôles sanitaires et phytosanitaires renforcés, tant aux frontières de l'Union qu'au sein même des pays exportateurs, par des audits réalisés sur place. Cela suppose des moyens, de la transparence, et des résultats rapides et fermes. La Commission européenne doit s'assurer du respect effectif des normes européennes dans les produits agricoles importés, pour protéger les consommateurs. Ces normes sont valables pour tous, peu importe la provenance.
Le Gouvernement attend rapidement de la Commission européenne un plan d'action détaillé, accompagné de propositions législatives, afin d'avancer vers une force européenne de contrôle sanitaire, comme le demande le Président de la République. La Commission a fait de premières annonces la semaine dernière.
C'est uniquement à l'aune des progrès concrets et mesurables sur ces sujets que la France arrêtera sa position définitive sur l'accord. À ce stade, le compte n'y est pas. (Murmures à droite)
Le Gouvernement, le Premier ministre et le Président de la République travaillent à l'obtention de résultats concrets, au service de nos concitoyens. (M. Yannick Jadot ironise.)
Notre plan d'action doit-il comporter une saisine de la CJUE ? (« Ah ! » à droite) Je comprends votre démarche, qui concourt à l'effort global de la France, mais aussi d'autres pays, pour défendre certains principes. Mais, à ce stade, je ne pense pas qu'il soit nécessaire ni urgent de saisir la CJUE.
M. Jean-François Rapin. - La signature est prévue dimanche !
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - Nous devons dans l'immédiat obtenir des résultats concrets. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Yannick Jadot ironise.) Or une saisine de la France dans la CJUE ne serait pas suspensive. (Les protestations se poursuivent.) Cela n'empêcherait pas la signature d'un accord. (Mêmes mouvements)
M. Yannick Jadot. - C'est reparti !
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - Ce qui guide l'action du Gouvernement, c'est d'obtenir des résultats concrets. La Commission a fait de premières annonces sur les mesures miroirs. Mais la France ne pourra se prononcer...
M. Yannick Jadot. - Qu'après la signature !
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - ... que sur la base d'éléments précis. Notre objectif, c'est de peser sur la Commission européenne et d'entraîner nos partenaires européens.
M. Yannick Jadot. - C'est sûr que ça marche très bien !
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - ... En l'état, les conditions d'une signature de l'accord ne sont pas réunies. Nous continuerons à défendre notre statut de grande puissance agricole.
M. François Bonhomme. - Belle acrobatie !
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - Vous êtes aussi sensibles à la négociation du cadre financier pluriannuel (CFP) 2028-2034 de la PAC. Nous devons préserver le caractère commun de cette politique.
Je suis à l'écoute du Sénat. La priorité des priorités, c'est obtenir une évolution concrète de la Commission européenne. (M. François Patriat applaudit.)
M. Yannick Jadot. - Merci, monsieur Patriat !
Exception d'irrecevabilité
Mme la présidente. - Motion n°2 rectifiée de MM. Cadic et Meignen.
M. Olivier Cadic . - Nous ne débattons pas ici du fond de l'accord avec le Mercosur, mais de notre Constitution. Cette proposition de résolution franchit une ligne rouge et dépasse le rôle du Parlement : elle demande au Gouvernement ce qu'il ne peut légalement pas faire. Le dire clairement n'est pas mépriser les inquiétudes agricoles, c'est refuser de travestir le droit pour apaiser une colère.
Aux termes de l'article 52 de la Constitution, la politique étrangère et commerciale relève de l'exécutif. C'est un principe fondamental de la séparation des pouvoirs. Or cette résolution intime une injonction diplomatique, exige un veto national, là où la France n'a pas de veto juridique autonome. Nous mélangeons politique nationale et compétence européenne. C'est inacceptable !
La politique commerciale est une compétence exclusive de l'Union européenne. Le Gouvernement le sait, le Parlement le sait ; pourtant on fait semblant de l'ignorer. Adopter ce texte exposerait le Sénat à une contradiction constitutionnelle grave. Pire, cela fragiliserait la parole de la France à Bruxelles. On ne peut prétendre orienter l'Union européenne lorsqu'on est minoritaire. Jean Monnet disait : « l'Europe se fera dans les crises, mais seulement si les États acceptent de jouer collectif. »
Le Gouvernement défend le report de la signature de l'accord, non par stratégie européenne, mais par crainte des manifestations. Ce n'est pas une politique, mais une suspension de décision sous pression. Le Sénat ne peut devenir l'amplificateur institutionnel de cette hésitation, encore moins en adoptant un texte sans portée juridique, sans effet réel, mais à l'impact diplomatique fortement négatif. Soyons lucides : il s'agit moins de défendre des principes que de produire un affichage symbolique, dangereux pour la France, l'Europe et la crédibilité de nos institutions. Robert Schuman disait que l'Europe ne se construirait pas contre les nations, mais avec elles, dans le respect des règles communes.
M. Laurent Duplomb. - C'est ce qu'elle fait.
M. Olivier Cadic. - En adoptant cette résolution, nous affaiblirions les règles et créerions un précédent regrettable. Le Sénat est une chambre de sagesse et non de contournement constitutionnel. Dire non aujourd'hui, ce n'est pas ignorer les inquiétudes, c'est refuser de dégrader l'État de droit pour céder à la rue. Par cohérence, cette motion d'irrecevabilité doit être adoptée.
M. Guillaume Gontard. - Cette motion, fondée sur l'article 52 de la Constitution, ignore opportunément les dispositions de l'article 53 selon lesquelles un traité de commerce ne peut être ratifié ou approuvé qu'en vertu d'une loi. Si la Commission européenne avait respecté la procédure classique, le Parlement aurait dû se prononcer.
L'article 88-4 de la Constitution, invoqué par Olivier Cadic est pourtant limpide : des propositions de résolutions peuvent être adoptées sur tout document émanant d'une institution de l'Union européenne.
Le Parlement formule une demande au pouvoir exécutif : nulle injonction.
Invoquant la compétence exclusive de l'Union européenne en matière commerciale, M. Cadic feint d'ignorer que l'Union n'est pas fédérale : le Conseil doit se prononcer par un vote à la majorité qualifiée de 55 % des États membres, représentant 65 % de la population. Le vote français - 15 % de la population européenne - sera décisif.
Le Parlement a le droit d'affirmer la position du peuple, qu'il représente. Le Gouvernement, responsable devant le Parlement, doit écouter notre position.
Comment peut-on défendre un accord de libre-échange vieux d'un quart de siècle au vu de nos fragilités agricoles et industrielles ? L'heure est à la relocalisation. J'ai une pensée émue pour nos éleveurs qui subissent l'épidémie de dermatose et n'ont pas besoin de cette concurrence déloyale. Si manger français était notre priorité, nous vaccinerions le cheptel et éviterions les abattages de troupeaux.
Tournons la page d'une mondialisation forcenée. Cette motion est à contre-courant de l'histoire. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Michaël Weber applaudit également.)
M. Pascal Allizard, rapporteur. - Avis défavorable.
En vertu de l'article 53, le Parlement peut légitimement s'intéresser au contenu de tels accords.
Cette proposition de résolution ne méconnaît pas la compétence exclusive de l'Union européenne en matière commerciale, mais il s'agit d'un accord mixte, devant faire l'objet d'un vote à l'unanimité au Conseil et d'une ratification par les parlements nationaux. En scindant l'accord, la Commission européenne a voulu se soustraire à ces règles : c'est grave.
Nulle injonction vis-à-vis du Gouvernement : nous lui demandons de saisir la CJUE. Ce n'est qu'une demande ; libre à lui de le faire ou non...
Certes, un texte similaire a été rejeté par le bureau du Parlement européen au motif que la procédure n'en était qu'au stade du Conseil. Mais cette décision est contestable au vu du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui ne fixe aucune contrainte de cette nature pour la saisine de la CJUE par le Parlement européen.
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - Je salue l'engagement du sénateur Cadic pour la conquête commerciale.
La position de la France est de favoriser un commerce international équilibré, qui repose sur des accords de libre-échange respectant nos filières et nos principes. Nous ne sommes pas dans le repli sur soi, car nous devons diversifier et sécuriser nos marchés, sachant que 4 millions de salariés dépendent directement du commerce extérieur...
Je ne pense pas qu'il revienne au Gouvernement de se positionner sur cette motion : sagesse.
M. Daniel Chasseing. - L'accord avec le Mercosur sans clauses miroirs ni garanties suffisantes sera très défavorable aux éleveurs, de bovins et de volailles notamment. Il s'agira de concurrence déloyale, car les normes européennes ne seront pas respectées. Alors que le Président de la République a déclaré que le compte n'y était pas, la signature devrait intervenir avant la fin de l'année. La Commission européenne a contourné la ratification par les parlements.
Nous devons nous mobiliser pour que l'accord ne soit pas signé. Nous voterons donc contre la motion et pour la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Michel Masset applaudit également.)
La motion n°2 rectifiée n'est pas adoptée.
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°1 rectifiée de MM. Cadic et Meignen.
M. Olivier Cadic . - Nous ne sommes pas réunis pour choisir le confort, mais l'avenir. Cette proposition de résolution européenne, qui se présente comme protectrice, est en réalité une faute stratégique.
L'histoire est sévère avec les nations qui se retirent du monde. Victor Hugo l'aurait dit ainsi : on ne se protège pas en fermant les portes, on s'ensevelit. (Protestations sur les travées du GEST) Refuser cet accord, ce n'est pas résister, c'est s'effacer. Pendant que nous hésitons, d'autres avancent. Négocier pendant vingt-cinq ans avant de reculer, c'est envoyer un message de renoncement.
Les entreprises françaises ont beaucoup à gagner : un marché de 270 millions de consommateurs, 80 % de droits de douane en moins sur certains produits, de l'emploi, de la croissance. Contrairement à certaines caricatures, l'agriculture française sera aussi gagnante : vins, spiritueux, fromage, lait... Nos exportations de vin pourraient augmenter de 50 % : quel débouché ! Refuser l'accord, c'est favoriser l'arrachage des vignes.
Sans accord, aucun levier pour améliorer l'environnement. Signer, c'est pouvoir exiger.
Victor Hugo dit que l'avenir appartient à ceux qui osent. (Nouvelles protestations sur les travées du GEST) Les sénateurs sont sous pression, le Gouvernement prudent. Une Europe qui renoncerait à cet accord ne serait pas souveraine, mais marginalisée. Votons cette motion, pour que la France reste une puissance qui vend et qui avance.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Nous sommes en profond désaccord avec cette analyse. En l'état, cet accord est inacceptable.
Premièrement, ses stipulations sur le développement durable sont très insuffisantes, avec des sanctions complexes à mettre en oeuvre, quand elles ne sont pas inexistantes.
Deuxièmement, l'absence de clauses miroirs est source de concurrence déloyale.
Troisièmement, le mécanisme de rééquilibrage est une épée de Damoclès sur nos réglementations européennes environnementales.
Quatrièmement, la scission de l'accord est un déni de démocratie.
Avis défavorable.
Monsieur Cadic, Victor Hugo était en son temps contre les chemins de fer... (M. Pascal Allizard applaudit.)
M. François Bonhomme. - Ça déraille !
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - M. Cadic a raison de rappeler que cet accord comporte aussi, malgré les inquiétudes, des avantages très importants, y compris pour des filières agroalimentaires. Je le dis aux sénateurs élus de territoires producteurs de lait, de fromage, de vin.
Quand je vais en Chine défendre le Cognac, la crème de Normandie ou la viande de porc, les filières me demandent de diversifier leurs débouchés.
Il est hors de question de sacrifier certaines filières : la viande bovine, la volaille, le sucre et le bioéthanol ont besoin de garanties supplémentaires. La position du Gouvernement est équilibrée et ferme.
Ce débat concourt à cet effort collectif pour nous faire entendre de la Commission et de certains de nos partenaires.
Sagesse, car il revient au Sénat de trancher.
La motion n°1 rectifiée n'est pas adoptée.
Discussion générale (Suite)
Mme Mireille Jouve . - (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI) « Nous défendrons notre politique agricole contre toutes les forces qui poussent vers la dérégulation, parce qu'il y va d'une agriculture de qualité, d'une agriculture de confiance et de sécurité pour le consommateur. Parce que c'est notre identité, parce que c'est le choix européen qui sont en jeu. Et parce que nous n'avons pas à payer d'acompte pour lancer la négociation. » Ces mots du président Chirac en 2001 résonnent particulièrement...
L'écart entre les conditions de production européennes et celles des pays du Mercosur est bien documenté. Le Brésil est le premier exportateur mondial de viande bovine et de volaille, le premier producteur de sucre de canne, mais aussi le premier consommateur de produits phytosanitaires. En 2020, plus d'un quart des substances actives utilisées au Brésil étaient interdites en Europe. D'où une concurrence déloyale, avec un risque direct sur la santé des consommateurs. Je salue les agriculteurs de France, et notamment ceux des Bouches-du-Rhône.
La production de viande bovine du Mercosur génère des émissions de gaz à effet de serre bien supérieures à celles dans l'Union européenne. Ce traité n'est donc pas compatible avec l'accord de Paris.
Le coeur du débat est démocratique. Comment justifier que l'on impose à nos agriculteurs des exigences sanitaires, sociales et environnementales toujours plus élevées, quand on ouvre nos marchés à des productions qui ne respectent pas les mêmes standards ? Je rappelle la résolution du RDSE de 2018. On ne peut d'un côté vouloir renforcer la souveraineté alimentaire et de l'autre défendre cet accord de libre-échange.
En mai 2018, la Commission européenne considérait qu'il s'agissait d'un accord mixte, appelant l'unanimité du Conseil, le vote du Parlement européen et la ratification par les parlements nationaux. La scission de l'accord pour permettre une adoption à la majorité qualifiée modifie profondément le mandat de négociation.
Cet accord a des conséquences sur l'agriculture, la santé publique, l'environnement et l'organisation des territoires, qui relèvent des compétences nationales ou partagées.
Nous ne remettons pas en cause l'engagement européen de la France, mais faisons respecter les procédures, les compétences et les principes européens.
En demandant au Gouvernement de saisir la CJUE, nous voulons sécuriser juridiquement le processus et garantir le rôle des parlements nationaux. C'est ainsi que l'Union européenne pourra continuer à agir, dans le respect des principes démocratiques qui fondent sa légitimité.
Le RDSE votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Daniel Chasseing applaudissent également.)
Mme Amel Gacquerre . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Vincent Louault applaudit également.) Au nom du groupe UC, je dis avec force notre opposition à ce traité avec le Mercosur. Je comprends et partage la colère de nos agriculteurs. Ce traité est inacceptable et incompréhensible pour celles et ceux qui se lèvent chaque matin pour nourrir nos concitoyens.
Il prévoit l'importation de 99 000 tonnes de viande bovine par an, soit la production de 45 000 éleveurs français, alors que leurs revenus stagnent à 15 000 euros par an en moyenne !
Le Brésil utilise 175 substances actives interdites en Europe. L'Amazonie est déforestée au rythme de 13 000 km² par an pour cultiver du soja. Et nous, nous imposons le verdissement de la PAC, les haies et la rotation des cultures, sans parler de l'obésité administrative. C'est un non-sens économique, écologique et moral. Comment expliquer aux agriculteurs qu'ils doivent respecter des normes toujours plus strictes quand nous ouvrons grand les portes à des productions qui ne sont soumises à aucune règle ? Ce traité n'est pas amendable ; il doit être rejeté.
L'attitude de la présidente de la Commission européenne, qui a choisi de passer outre l'opposition de la France, est choquante. Ce n'est pas l'Europe que nous défendons. Elle a aussi choisi de scinder le texte pour s'exonérer de la règle de l'unanimité : c'est un coup de force institutionnel.
Je salue l'initiative de Jean-François Rapin, Dominique Estrosi Sassone et Cédric Perrin de demander au Gouvernement de s'opposer fermement au traité. Cela permettra d'obtenir une clarification de la CJUE sur la méthode employée par la présidente de l'Union européenne. Cette démarche est indispensable et urgente, et envoie un signal politique fort : le Sénat est aux côtés des agriculteurs.
La France ne peut sacrifier son agriculture sur l'autel d'un libre-échange aveugle. Nos exigences sanitaires et environnementales ne sont pas négociables.
Le groupe UC votera cette proposition de résolution, pour dire non au Mercosur. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains ; M. Didier Marie applaudit également.)
M. Cyril Pellevat . - Dimanche dernier, la France a demandé à l'Union européenne le report de la signature de l'accord commercial avec le Mercosur. Aujourd'hui même, le Parlement européen se prononce sur les mesures de sauvegarde.
Cette proposition de résolution demande au Gouvernement de saisir la CJUE sur la compatibilité de l'accord avec les traités européens. Une proposition de résolution similaire a été déclarée irrecevable au Parlement européen.
La décision de la Commission de scinder l'accord pour contourner la règle de l'unanimité interroge. Le mandat de 1999 exigeait l'unanimité du Conseil. En 2018, le Conseil a rappelé qu'il lui appartenait de décider au cas par cas de la scission des accords commerciaux et il a considéré que l'accord avec le Mercosur était un accord mixte.
De surcroît, la compatibilité de l'accord avec le principe de précaution pose question. Alors que les normes européennes diffèrent de celles du Mercosur, l'accord ne réduit pas l'écart et tente même d'encadrer l'application du principe de précaution.
Le mécanisme de rééquilibrage pourrait être instrumentalisé par les pays du Mercosur pour nous faire revenir sur notre législation environnementale.
La France ne sera favorable à cet accord que si trois conditions sont remplies : une clause de sauvegarde robuste, des mesures miroirs sur les pesticides et l'alimentation animale et le renforcement des contrôles sanitaires. Or celles-ci ne sont pas remplies.
L'Union européenne a obtenu des concessions, notamment sur l'accord de Paris et sur la déforestation, mais c'est insuffisant, d'autant que les pays du Mercosur ont obtenu d'importantes contreparties. La Commission s'est engagée à renforcer la clause de sauvegarde bilatérale, mais les garanties sont trop faibles.
Le groupe Les Indépendants espère que cette proposition de résolution sera adoptée à l'unanimité. Il y va de l'avenir de nos agriculteurs et de notre souveraineté. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du RDPI et du groupe Les Républicains)
M. Cédric Perrin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nouer des accords commerciaux peut nous permettre d'aller chercher un complément de croissance, de sécuriser nos débouchés et nos approvisionnements et d'étendre nos réseaux de partenaires. Et pourtant, cet accord fait ici la quasi-unanimité contre lui, car il serait pour l'Europe un triple renoncement.
D'abord, un renoncement à promouvoir son modèle. Même si elles sont trop souvent excessives, nos règles sociales, sanitaires et environnementales sont l'expression de nos choix collectifs.
Le différentiel de normes est abyssal : le Mercosur est à des années-lumière des exigences européennes. Or l'accord n'impose pas la réciprocité des normes. Pis : une clause de rééquilibrage ouvrira un droit à compensation sur les décisions souveraines que nous prendrions.
Qui contrôle la norme contrôle le marché : grâce à la profondeur du marché unique, notre politique commerciale doit devenir une politique de puissance, qui impose notre modèle.
Accepter cet accord, ce serait renoncer à protéger nos agriculteurs et à défendre notre souveraineté alimentaire. Vivre en autarcie serait économiquement absurde, mais la concurrence déloyale d'un mastodonte agricole conduira à de nouvelles faillites d'exploitations, que d'aléatoires clauses de sauvegarde n'éviteront pas.
Enfin, accepter cet accord serait entériner un renoncement juridique et démocratique. La Commission cherche à s'extraire du cadre légal défini par le Conseil - vous n'en avez pas dit un mot, Monsieur le ministre... Il est inouï qu'elle se croie autorisée à faire sauter les verrous qui la dérangent, étendant toujours plus ses prérogatives, par défiance pour les démocraties nationales. Cela devrait choquer le Gouvernement - pourtant, pas un mot...
M. Christian Cambon. - Très bien !
M. Cédric Perrin. - Certes, l'étoile de la France a considérablement pâli à Bruxelles, mais elle reste la deuxième nation d'Europe par sa population et son économie. Balayer son avis et celui de sa représentation nationale devrait avoir des conséquences politiques. Je déplore les revirements et atermoiements du Président de la République, tenté d'accompagner ce qu'il ne peut empêcher.
M. Didier Marie, rapporteur pour avis. - Très bien !
M. Cédric Perrin. - Nous voulons que la France tienne une ligne claire : non pas qu'elle tourne le dos à un partenariat essentiel avec l'Amérique du Sud, mais qu'elle redise son opposition à un accord daté et insatisfaisant. Nous le devons à nos agriculteurs.
Un pays qui renonce à sa souveraineté renonce à sa liberté. N'y renonçons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Laure Darcos et M. François Patriat applaudissent également.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je le dis comme je le pense : une présidente de la Commission européenne ne devrait pas s'échiner à passer en force sur un tel dossier ni s'opposer à des États membres qui représentent plus de 100 millions de citoyens.
Plusieurs voix à droite. - Très bien !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Le compte n'y est pas pour les agriculteurs européens, dont la situation demeure très précaire. Nous les soutenons.
Il n'est pas acceptable que la Commission se joue des textes. Comment s'étonner ensuite que les peuples se détournent d'une telle Europe ? C'est très grave.
Ce mauvais film nous est hélas souvent joué par la Commission. J'ai un souvenir très précis de la onzième conférence ministérielle de l'OMC à Buenos Aires en 2017 ; j'étais alors ministre. La Commission voulait absolument pousser un accord qui n'était pas mûr, mais le Président de la République m'avait demandé de ne rien lâcher. Il n'y a pas eu de signature. N'eût été le Président de la République, la messe aurait été dite. (M. Yannick Jadot ironise.)
Premier impératif : nous devons faire respecter la réciprocité pour nos agriculteurs. Nous ne pourrions accepter une concurrence déloyale, or les différences de normes sont indéniables.
Nous ne pouvons pas non plus transiger sur la souveraineté alimentaire ou sur la défense de nos productions. Il faut donc des clauses miroirs sur les pesticides et l'alimentation animale. L'audit mené au Brésil en 2024 a montré des défaillances dans la traçabilité : il faut des contrôles sur place et des moyens de surveillance renforcés aux frontières, ainsi que des clauses de sauvegarde plus robustes pour les productions agricoles sensibles - viande bovine, volaille, éthanol, sucre.
Deuxième impératif : le mandat initial de négociation de 1999, qui exigeait l'unanimité du Conseil et la ratification par les parlements nationaux, doit être respecté. La scission de l'accord, destinée à contourner certains États et les parlements nationaux, est une forfaiture. Ce n'est hélas pas la première fois : idem en 2022 pour l'accord avec le Chili. La Commission récidive !
Même si le recours n'est pas suspensif, la France doit saisir la CJUE pour mettre un coup d'arrêt aux dérives de la Commission. C'est d'autant plus important que le Parlement européen a refusé de se prononcer.
Troisième impératif : il faut revoir la politique commerciale européenne. La France a déjà oeuvré pour cela, en faisant notamment de l'accord de Paris une clause essentielle des accords commerciaux, ce qui n'avait rien d'évident. Quel sens y a-t-il à négocier en 2025 sur la base d'un mandat de 1999 ? Le monde a trop changé.
Le RDPI votera cette proposition de résolution européenne. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. Michaël Weber . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nulle souveraineté alimentaire sans protectionnisme écologique et social. La souveraineté agricole, c'est une alimentation saine et durable pour tous. Chaque pays doit pouvoir produire lui-même son alimentation de base.
Or les accords de libre-échange, qui se sont multipliés au cours des trois dernières décennies, favorisent les importations agricoles. D'où une pression sur les prix qui ne permet pas aux agriculteurs de vivre décemment. Nous devons les protéger de la dérégulation mondiale et leur assurer une juste rémunération.
La saisine de la CJUE constitue l'ultime recours du Gouvernement contre cet accord, symbole d'un modèle économique destructeur. Cet énième accord de libre-échange compromet nos engagements pour une agriculture durable et déstabilisera des marchés agricoles déjà fragilisés.
Son impact environnemental est inacceptable. Avec cet accord « viande contre voitures », les constructeurs automobiles écouleront leur stock de véhicules thermiques polluants et l'industrie des pesticides ses produits dangereux. En retour, l'Europe sera inondée par une production agricole intensive et responsable de la déforestation, dissimulée dans la composition des produits transformés.
La scission de l'accord pour contourner la règle de l'unanimité pose un sérieux problème démocratique. Les nations et les parlements auraient dû avoir le dernier mot. Une saisine de la Cour de justice est notre dernière chance.
Les récentes déclarations du Président de la République et l'ambivalence du Gouvernement sont alarmantes. Les très hypothétiques clauses de sauvegarde, les promesses de contrôles sanitaires renforcés et de mesures miroirs sont irréalistes et illusoires.
Nos concitoyens ne veulent pas d'un tel accord ; ils veulent un nouvel essor du Pacte vert et une nouvelle stratégie « de la ferme à l'assiette » : la préservation du revenu des producteurs et la protection de l'environnement.
La ministre de l'agriculture a dit que la guerre agricole se préparait. Dans ce cas, on ne peut accepter un tel accord. Compte tenu de l'isolement de la France et de l'absence de minorité de blocage au Conseil, nous vous demandons instamment de saisir la CJUE pour vous opposer à la ratification imminente de cet accord.
Je me suis récemment déplacé au Brésil, près de Salvador de Bahia. L'agriculture familiale et de proximité qui s'y développe doit faire l'objet de coopérations internationales. Au lieu de cela, nous encourageons le productivisme et détruisons les moyens de l'autosuffisance alimentaire. ?uvrons pour une agriculture paysanne et vivrière. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)
M. Gérard Lahellec . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.) Nous voterons bien entendu cette proposition de résolution, car la perspective de cet accord de libre-échange assombrit l'avenir des filières volaille et viande bovine, y compris en Bretagne où le cheptel diminue déjà de 3 % par an.
Mais il ne faudrait pas que cette résolution soit un alibi pour se dédouaner à bon compte d'une capitulation. Le discours du Président de la République varie selon les circonstances : le 6 novembre à Belém, c'était « très positif », puis à Toulouse, il déclarait que ce projet recueillerait un « non ferme » de la France. Quand le croire ? Lors de la dernière réunion du Conseil européen, tout allait « dans le bon sens », sans préciser lequel...
On assiste au déploiement d'une charretée d'artifices pour mettre en oeuvre cet accord sans l'aval des parlements nationaux. Les grandes firmes transnationales pourront imposer le traité tel qu'elles le souhaitent. Bizarre, cette démocratie libérale européenne !
Mais cette procédure peut être contestée devant la justice. C'est d'ailleurs ce que j'avais demandé au Gouvernement le 12 novembre dernier, sans obtenir de réponse...
Le boeuf aux hormones et le poulet aux antibiotiques vont pouvoir inonder l'Europe. Curieux que la disposition du traité UE-Nouvelle-Zélande interdisant l'exportation vers l'Union européenne de la viande bovine des feed lots ne soit pas reprise dans l'accord Mercosur, alors que de tels centres d'engraissement sont très rares en Nouvelle-Zélande et courants au Brésil.
Il y aurait de nouveaux mécanismes de sauvegarde ? Grosse tromperie : c'est déjà prévu depuis 2019.
Tout cela provient du militarisme européen : les Allemands, privés d'énergie russe et désormais dépendants du pétrole et du gaz américains, ont promis d'acheter des armes françaises...
Pire encore, le mécanisme dit de rééquilibrage permettra à l'une des parties de demander des compensations à l'autre. En vertu de cet article, l'Union européenne ne pourra pas empêcher les importations de produits traités par tel ou tel pesticide interdit, sans compensation financière.
La France doit utiliser tous les moyens diplomatiques et juridiques pour s'opposer à cet accord. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. Yannick Jadot . - (Applaudissements sur les travées du GEST) L'accord UE-Mercosur est une menace pour le climat. La culture extensive du soja, l'élevage intensif vont accroître la déforestation en Amazonie - en un quart de siècle, on a déjà perdu l'équivalent de la péninsule ibérique ! Le front est aujourd'hui dans le Cerrado, château d'eau de l'Amazonie. La spoliation des paysans et des peuples indigènes du Brésil va se poursuivre.
C'est une menace pour l'agriculture : 99 000 tonnes de boeuf, 180 000 tonnes de poulet, c'est une catastrophe pour nos éleveurs, concurrencés y compris sur les morceaux nobles, à forte valeur ajoutée. L'exportation de poudre de lait est peut-être une bonne chose pour les éleveurs français, mais elle détruira les fermes familiales du Brésil. (M. Nicolas Forissier le conteste.) On ne peut pas d'un côté défendre nos agriculteurs et, de l'autre, abîmer les paysans brésiliens !
Une menace pour la santé, avec les plus de 150 pesticides interdits en France, les hormones, les accélérateurs de croissance... Sans parler du bien-être animal. Les contrôles ? L'an dernier, sur 775 millions de colis venus de Chine, 0,01 % ont été contrôlés - alors que la santé de nos enfants est en jeu. Dans ces conditions, difficile de croire sérieusement au contrôle des produits venant des pays du Mercosur...
Cet accord, c'est la mondialisation du dérèglement climatique, de l'effondrement de la biodiversité, de la disparition des paysans, de la malbouffe et de la souffrance animale.
C'est aussi une menace pour la démocratie. Le mécanisme de rééquilibrage contraindra l'Union européenne quand elle voudra protéger la santé et l'environnement. Absence de concertation, contournement des parlements nationaux, du Parlement européen - heureusement que ce dernier a adopté des amendements sur les seuils et la réciprocité !
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - À la demande de la France !
M. Yannick Jadot. - Parti populaire européen (PPE), Renew, socio-démocrates européens : tous doivent éviter un trilogue conclusif ce soir et l'adoption d'une clause de sauvegarde qui permettrait à Mme von der Leyen de signer.
Nous avons un devoir de cohérence. En 2024, la France a exporté 6 620 tonnes de pesticides interdits en France. Difficile de défendre les vertus du modèle européen contre le modèle brésilien si nous l'abîmons !
Un argument porte : l'Union européenne ne devrait-elle pas trouver des alliances avec certains pays du Mercosur face à Trump ? Mais dans le Mercosur, il y a aussi Milei - pas terrible en matière de démocratie. Au Brésil, ce sont les soutiens de Bolsonaro qui poussent l'accord ; les partisans de Lula et les démocrates sont contre !
La France a perdu sur la minorité de blocage, sur la mixité de l'accord, sur la clause de sauvegarde. Il est temps qu'elle se réveille ! L'attentisme du Gouvernement est inacceptable. Nous voterons cette motion, pour retrouver de la puissance politique. (Applaudissements sur les travées du GEST, des groupes SER et CRCE-K, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Mireille Jouve applaudit également.)
M. Joshua Hochart . - Je veux d'abord exprimer tout mon soutien aux éleveurs dont le cheptel est touché par la dermatose nodulaire. Je suis indigné de la réponse du Gouvernement, qui oppose ceux qui nous nourrissent à ceux qui nous protègent, qui préfère la matraque au dialogue. Le signal envoyé est désastreux.
Nous devons tout faire pour préserver nos agriculteurs d'un accord qui signerait leur arrêt de mort. Que de temps perdu ! Le Rassemblement national a longtemps été bien seul à dénoncer les ravages du libre-échange aveugle, qui a détruit notre économie, sacrifié nos emplois et ravagé notre environnement. Rappelons que ces négociations commerciales ont été lancées sous une majorité socialo-communiste ! (Protestations sur quelques travées à gauche)
Ceta, Mercosur, accords d'association, abaissement des barrières douanières : l'Europe est devenue le jouet de la mondialisation. Colonisation industrielle chinoise, colonisation numérique étatsunienne, colonisation agricole sud-américaine... On nous promettait la paix par le commerce, nous avons récolté la ruine.
La Commission européenne tente de passer en force en scindant l'accord, malgré l'opposition de plusieurs États. Nous lui avons abandonné une compétence exclusive en matière de négociation, et n'avons plus d'autre choix que d'exiger que le Gouvernement fasse respecter les décisions du Parlement. Comment accepter cet accord anachronique, qui va submerger notre marché de produits ne respectant pas nos exigences ?
Espérons que le vote de la résolution fera revenir Mme von der Leyen à la raison, et lui rappellera que la décision revient aux États et à leurs gouvernements démocratiquement élus !
M. Ludovic Haye . - (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC) Au moment où monte la colère agricole, nous pensons à nos agriculteurs. Voulons-nous construire l'Europe avec eux ou malgré eux ? En l'état, les deux textes composant l'accord ne sont ni équilibrés, ni responsables, ni soutenables.
Depuis 2019, trop peu de choses ont changé : nos filières sont toujours aussi menacées. (M. Laurent Somon renchérit.)
L'ouverture n'a de sens que si elle est juste. Or les coûts de production sont inférieurs de 40 % dans les pays du Mercosur : la distorsion de concurrence serait insoutenable !
L'accord est favorable à notre viticulture et à notre industrie automobile, très présentes dans mon département - c'est pourquoi j'ai toujours plaidé pour un travail par filière - mais porterait un coup fatal à nos éleveurs. Les appels à alléger la charge sur nos filières restent vains.
La vision européenne de Schuman et de Monnet visait à renforcer la capacité collective des États, non à contraindre l'un d'eux à accepter des accords contraires à ses intérêts essentiels.
Comment demander à nos agriculteurs d'être exemplaires, quand la distorsion de concurrence tient aux différences dans les normes sanitaires et phytosanitaires imposées sur les deux continents ? Alors qu'ils croulent sous les normes, nous inonderions le marché européen de produits moins chers et bien moins réglementés ?
Preuve que nos préoccupations ne trouvent pas d'écho à Bruxelles, l'accord prévoit un allègement des contrôles aux frontières, alors que la menace sur notre santé est bien réelle. Nous ne pouvons laisser entrer sur notre territoire des produits qui s'affranchissent de nos normes. Un partenariat équilibré repose sur la réciprocité. L'Europe doit être ouverte, mais elle ne doit plus être naïve.
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - C'est ce que j'ai dit...
M. Ludovic Haye. - Allons-nous sacrifier les accords sur le climat sur l'autel du libre-échange à tous crins ? Les engagements contraignants en matière environnementale ne sont assortis d'aucune sanction. Clause de sauvegarde, mesures miroirs, renforcement des contrôles sanitaires : aucune des conditions posées par la France n'est satisfaite. Tirons-en les conséquences.
Nous ne choisissons pas le repli mais la responsabilité. Il faut savoir dire non quand l'intérêt général est en jeu. La fermeté n'est pas la négation de l'ouverture, elle en est la condition. Dans sa grande majorité, le groupe UC votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Laurent Burgoa et Mme Mireille Jouve applaudissent également.)
M. Laurent Duplomb . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 8 février 2023, en commission des affaires européennes - avant d'en démissionner - je m'inquiétais de la méthode retenue par la Commission européenne concernant la partie commerciale de l'accord d'association avec le Chili : une scission entre un accord-cadre avancé, à ratifier par la totalité des États membres, et un accord de libre-échange intérimaire, ne nécessitant pas une ratification par chaque État membre - qui ne serait pas remis en cause si l'accord-cadre venait à être rejeté par certains. Une savante architecture permettant à la Commission d'outrepasser d'éventuelles oppositions des États membres, et le cas échéant, de leurs parlements nationaux...
On pourrait craindre - disais-je alors - qu'un tel montage soit de nouveau utilisé pour mettre en oeuvre de manière intérimaire un accord commercial avec le Mercosur, beaucoup plus dommageable pour notre agriculture. Il n'est pas acceptable de tenir un double langage sur la politique commerciale et la politique agricole. La Commission européenne outrepasse ses droits et écrase la démocratie par ses procédures technocratiques. Elle nous impose des accords dont nous ne voulons pas et dont les peuples ne veulent pas. Or cette compétence nous appartient en tant que représentants du peuple.
Voilà ce que je disais le 8 février 2023. Nous y sommes. La Commission européenne a mis vingt-cinq ans pour arriver à ses fins, en nous faisant miroiter des clauses de sauvegarde ou de réciprocité - mais pour lesquelles il faudrait payer, avec les clauses de rééquilibrage...
Je vous le dis tout net : ce débat doit porter non sur le Mercosur, mais sur l'attitude de la Commission européenne. Si nous n'agissons pas, nous finirons par enterrer la totalité de nos productions françaises et européennes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. Jean-Claude Tissot . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST) L'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur est un serpent de mer - qui semble près d'aboutir. Cette proposition de résolution est notre dernier atout. Je souscris à l'objectif, mais j'y vois un aveu de faiblesse : faute de pouvoir nous y opposer frontalement, nous oeuvrons de manière procédurale.
En tant qu'ancien agriculteur, attaché à une agriculture paysanne, je suis très inquiet. Accepter un tel traité constituerait un recul sanitaire. Le fossé réglementaire entre nos deux continents est abyssal. Nos normes environnementales et sanitaires seront balayées, alors que 150 pesticides interdits en France sont autorisés dans les cultures sud-américaines. Idem pour les OGM, les activateurs de croissance et les antibiotiques.
Notre agriculture est l'une des plus sûres et des plus vertueuses. Or cela a un coût. Nos agriculteurs seront pénalisés - mais les consommateurs aussi, par la baisse de la qualité des produits importés.
La mise en oeuvre de cet accord contribue de fait à la déforestation en Amazonie, au profit de l'élevage bovin et de la production de soja. Or aucune mesure contraignante n'est prévue pour lutter contre cette déforestation, qui se traduit par des émissions massives de gaz à effet de serre et un effondrement de la biodiversité.
Des deux côtés, les petites exploitations agricoles seront les premières victimes de ce dumping environnemental, sanitaire et social. Nous ne saurions accepter un nivellement par le bas des normes qui protègent les consommateurs, les salariés et les agriculteurs européens.
Chers collègues de droite, je me félicite de voir que vous croyez au principe de précaution - tout en notant votre utilisation variable du concept. Cet été, vous y étiez moins attachés...
L'accord suscite l'opposition quasi unanime des agriculteurs. Il est le produit d'une époque révolue, alors qu'un changement de modèle est plus que jamais nécessaire. Constant dans sa position, le groupe socialiste, opposé à cet accord mortifère, votera la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Mme Valérie Boyer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.) Ce sujet dépasse le cadre commercial. Il rencontre la situation dramatique de nos agriculteurs, confrontés à une pluie de normes qui menace leur existence. L'abattage du cheptel face à la dermatose nodulaire bovine est un traumatisme : le travail d'une vie, balayé en quelques heures. Nos agriculteurs se sentent seuls, face à des décisions éloignées de leur réalité. Entendons leur cri ! Ils demandent à être respectés en tant gardiens de notre souveraineté et sentinelles de nos paysages. Derrière chaque exploitation, il y a des familles qui se sacrifient ; le moindre troupeau, la moindre parcelle sont chargés d'histoire, d'espoir, de courage. C'est pour eux que nous devons résister.
Nous ne sommes pas contre la mondialisation ni les échanges internationaux ; la France a toujours été une nation commerçante et ouverte. Mais nous refusons une mondialisation sans règle, sans réciprocité ni exigences. Nous voulons des échanges justes, respectueux de nos normes, de notre santé, de nos territoires.
Pendant que nos agriculteurs affrontent les crises, on voudrait nous imposer l'accord UE-Mercosur, qui ouvrirait notre marché à 99 000 tonnes de viande bovine produite dans des conditions bien moins strictes. Comment demander toujours plus à nos agriculteurs tout en les exposant à une concurrence qui n'obéit à aucune des exigences qu'ils respectent ? Ils ne demandent qu'une chose : la réciprocité. Cet accord n'en prévoit pas.
La Commission passe en force, pour contourner l'unanimité. La méthode de Mme von der Leyen nourrit la défiance des Français envers une Europe qui décide sans eux, loin d'eux, parfois contre eux.
Nous ne pouvons pas saluer nos agriculteurs et ratifier un accord qui menace leur survie. Ce texte est déterminant : je salue ses auteurs et ses rapporteurs. Il permettra à la France de s'opposer au passage en force, d'exiger le respect des traités et de saisir la Cour de justice.
Pays, paysans, paysages : c'est cette trinité sacrée qui, selon Braudel, fait la France. Si l'un disparaît, les deux autres s'effondrent. Votons largement ce texte, qui parle de la France que nous aimons, celle de la terre, du travail et de la transmission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)
Discussion de l'article unique
Article unique
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié de MM. Cadic et Meignen.
M. Olivier Cadic. - Défendre les intérêts de la France, ce n'est pas lâcher la proie pour l'ombre, confondre le geste spectaculaire avec l'efficacité politique. Ce n'est pas s'enfermer dans le refus ni s'allier avec M. Orbán pour bloquer l'Europe. Moins d'Europe, ce n'est jamais plus de France : c'est moins de protections collectives, moins de capacité à imposer nos standards.
Notre agriculture souffre, oui, mais d'abord d'une concurrence faussée à l'intérieur de l'Union, en raison de charges et de normes plus lourdes. Il est illusoire de vouloir imposer nos surtranspositions en miroir.
Brandir le veto, c'est renoncer à peser, à défendre nos filières - pour déplorer ensuite que les règles nous échappent.
Vigilance sans renoncement, fermeté sans isolement. Choisissons l'influence plutôt que le repli, l'Europe comme levier et non comme bouc-émissaire. C'est ainsi que l'on sert les intérêts de la France.
Mme la présidente. - Amendement n°5 rectifié de MM. Cadic et Meignen.
M. Olivier Cadic. - Supprimer cet alinéa 50 n'est pas un recul mais un acte de courage et de lucidité. En demandant au Gouvernement de s'opposer à un accord stratégique, il transforme la politique en posture, il ferme des portes qu'il faudrait ouvrir.
La France est présente dans le Mercosur, elle y est leader. Nos entreprises sont le premier employeur étranger au Brésil. Cette réussite repose sur nos chambres de commerce, sur le Medef international, sur nos conseillers du commerce extérieur : la Team France Export. La diplomatie économique se fait sur le terrain. Refuser ce choix, c'est laisser la place à la Chine et aux États-Unis, servir ceux qui veulent diviser l'Europe, perdre l'accès à des terres rares critiques.
La France ne peut être la France sans la grandeur, disait de Gaulle. La grandeur, c'est l'influence, la constance, c'est soutenir nos entreprises, nos exportateurs, avec l'Europe. Supprimons cet alinéa pour que nos enfants héritent d'une nation et d'une Europe qui osent.
M. Pascal Allizard, rapporteur. - Je ne convoquerai pas de Gaulle ou Victor Hugo pour émettre un avis défavorable. Le courage, c'est parfois de savoir dire non.
Oui, l'Union européenne doit multiplier les partenariats avec les zones affinitaires, dans un contexte de remise en cause des alliances historiques - mais pas à n'importe quel prix. En l'état, le contenu de l'accord UE-Mercosur n'est pas acceptable et la France doit s'y opposer.
Avis défavorable à l'amendement de suppression, ainsi qu'à l'amendement de repli, qui enjoint le Gouvernement de défendre les intérêts de la France. Personne ici n'imagine que vous ne défendriez pas les intérêts de la France, monsieur le ministre. (Mme Valérie Boyer et M. Alain Houpert applaudissent.)
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - J'entends la demande du Sénat et comprends les inquiétudes ; j'entends aussi les propos de M. Cadic, qui rappelle certaines évidences. Nos compatriotes en première ligne se battent pour défendre à l'international nos positions économiques, nos entreprises, nos filières, nos coopérations. Parfois, nos débats traduisent une approche par trop hexagonale...
C'est l'honneur du Sénat d'avoir ouvert le débat, qui porte sur des choix profonds. Il n'appartient pas au Gouvernement d'émettre un avis sur ces amendements : sagesse, donc, comme sur l'ensemble de la proposition de résolution.
Le Gouvernement n'est pas attentiste, monsieur Jadot, mais porte avec opiniâtreté certaines exigences, certaines conditions, qui, à ce jour, ne sont pas remplies. Que la position du Gouvernement soit claire : en l'état, le texte de l'accord ne satisfait pas ces conditions.
À la demande du groupe UC, l'amendement n°3 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°127 :
| Nombre de votants | 345 |
| Nombre de suffrages exprimés | 344 |
| Pour l'adoption | 1 |
| Contre | 343 |
L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Cela ressemble au vote du budget à l'Assemblée nationale ! (Sourires)
L'amendement n°5 rectifié n'est pas adopté.
M. Olivier Cadic. - Il apparaît clairement que je suis isolé dans cet hémicycle. (Rires)
M. Yannick Jadot. - Quelle lucidité !
M. Olivier Cadic. - Je l'assume. J'ai parlé pour nos entreprises, nos PME, nos chambres de commerce bilatérales, pour ceux qui créeront de l'emploi et de la valeur grâce à l'accord du Mercosur. Refuser l'accord, ce n'est ni protéger l'agriculture, ni protéger l'environnement : c'est refuser notre influence et abandonner l'Amérique latine à des puissances qui n'ont ni nos standards, ni nos valeurs.
Une Europe souveraine ne se marginalise pas. Elle conclut des accords et impose ses règles.
Je rends hommage à tous ceux qui se battent pour que la France et l'Europe soient plus fortes, plus influentes dans le monde. Pour eux, par responsabilité, je voterai contre cette proposition de résolution.
À la demande des groupes Les Républicains et SER, la proposition de résolution européenne est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°128 :
| Nombre de votants | 345 |
| Nombre de suffrages exprimés | 344 |
| Pour l'adoption | 343 |
| Contre | 1 |
La proposition de résolution européenne est adoptée.
Mme la présidente. - En application de l'article 73 quinquies alinéa 2 du règlement, la résolution que le Sénat vient d'adopter sera transmise au Gouvernement et à l'Assemblée nationale.
La séance est suspendue quelques instants.
Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président