C. DES EFFORTS D'AMÉLIORATION
Les nombreux problèmes statistiques relatifs aux échanges extérieurs, passés en revue dans les précédentes parties de ce rapport, interpellent naturellement les statisticiens qui s'efforcent de les résoudre.
Il s'agit, à la fois, de pouvoir disposer de mesures plus précises et d'instruments d'analyse plus pertinents.
Les principales priorités poursuivies à cet égard ont été, comme indiqué plus haut :
- la distinction entre échanges de biens et échanges de services , particulièrement en ce qui concerne le transport des marchandises (et notamment la correction CAF - FAB des importations) ;
- l' amélioration de la connaissance des échanges intragroupe .
1. La mesure des échanges de services
a) L'évaluation des services de transport
A l'occasion du passage du compte du Reste du monde en base 2000, les divergences entre l'INSEE et la Banque de France concernant les échanges de services de transport et la correction CAF - FAB des importations ont été sensiblement amoindries sans être pour autant complètement aplanies (cf. supra) 83 ( * ) .
Il s'agit d'une avancée majeure, même si des fragilités demeurent 84 ( * ) au sujet, notamment, de la ventilation, dans le compte du Reste du monde , de la correction CAF - FAB entre les différents modes de transport (effectuée à dire d'experts) et des transports routiers (dont l'estimation ne repose que sur des hypothèses alors que leur impact sur le solde global des échanges de services de transport est non négligeable).
En ce qui concerne la balance des paiements , les exportations et importations de services de transport de marchandises sont évaluées à partir de deux sources : la collecte auprès des entreprises, d'une part, et, d'autre part, les données recueillies chaque mois par les douanes sur les conditions de livraison et les modes de transport des biens considérés. Ce sont ces données douanières qui sont utilisées par la Banque de France pour la ventilation de la correction CAF-FAB des importations.
b) La connaissance des autres services
Il existe au sein du CNIS 85 ( * ) (Conseil national de l'information statistique) une formation « monnaie, finance, balance des paiements » qui comprend un groupe de travail se consacrant à la mesure des échanges internationaux de services.
Cette formation, réunie le 4 juin 2007, pour examiner les avant- projets de programmes statistiques pour 2008 a noté la volonté de la Banque de France de mener une enquête complémentaire 86 ( * ) sur les échanges internationaux de services (ECEIS) des entreprises (et de s'intéresser, par ailleurs, à l'amélioration des statistiques disponibles sur les valeurs mobilières, en liaison avec la détermination de la position extérieure de notre pays).
Les comptes rendus des réunions, régulières, du groupe de travail précité, sur la mesure des échanges de services témoignent de l'intérêt particulier de celui-ci pour l'intragroupe (relations entre filiales, et entre maisons mères et filiales).
Au niveau mondial, l'extension du champ de la libéralisation commerciale au domaine des services a rendu nécessaire l'adoption d'un cadre statistique à la fois plus détaillé et commun à toutes les nations.
D'importants efforts dans ce sens ont été entrepris par les grandes institutions internationales depuis le début des années 1990.
Dans le cadre de la préparation des négociations de l'AGCS (Accord général sur le commerce des services), quatre modes d'échanges de services ont été distingués 87 ( * ) :
• mode 1 :
fourniture
transfrontière
, grâce aux technologies de l'information
(exemples : diffusion de programmes de télévision par
satellite, téléconsultations...) ;
• mode 2 :
consommation à
l'étranger
(tourisme, soins médicaux...) ;
• mode 3 :
présence
commerciale
(ouverture d'un bureau ou création d'une filiale
dans d'autres pays) ;
• mode 4 :
déplacement de
personnes physiques hors des frontières
(envoi de consultants
ou d'experts, exemple du « plombier polonais »...).
Auparavant, seules trois catégories de services étaient détaillées dans les balances des paiements : celles des transports, des voyages et des « autres services ».
Une nomenclature beaucoup plus détaillée des échanges de services a été établie , avec l'élaboration de deux manuels :
- d'abord, le nouveau manuel de la balance des paiements du FMI (5 e édition, 1993)
- puis, celui des statistiques du commerce international de services, issu, en 2002, des travaux de six grandes organisations mondiales ou européennes 88 ( * ) .
Mesurer les échanges extérieurs de services est une tâche délicate en raison de la difficulté :
- d'identifier les passages de frontières correspondants (à la différence de ce qui se passe pour les échanges de biens)
- de distinguer biens et services dans certains cas (en effet, avec le développement des technologies de l'information et de l'investissement immatériel, certaines caractéristiques réservées jusque là aux biens, comme la constitution d'actifs fixes incorporels ou l'établissement de droits de propriété, sont reconnues à des produits résultant d'activités de services 89 ( * ) ).
Aujourd'hui, les principales données sur le commerce international des services, en France et en Europe, proviennent des statistiques de la balance des paiements et des FATS (Foreign affiliates trade statistics), pour les activités des filiales étrangères.
LES FATS, INDICATEURS DE LA MONDIALISATION Les FATS (Foreign affiliate trade statistics) rendent compte de l'internationalisation de l'économie d'un pays en mesurant l'activité (en termes de ventes, d'emplois, de valeur ajoutée, de commerce extérieur) : - des filiales des sociétés étrangères sur son territoire (volet « inwards » - FATS entrants) ; - de celles de ses propres sociétés à l'étranger (« outwards » - FATS sortants). Sont concernées les entreprises sous contrôle : - majoritaire (à plus de 50 %), - direct (pour le volet outward) ou indirect (pour le volet inward qui prend donc en considération les filiales de second rang, « secondary FATS », alors que le volet outward ne donne actuellement que les résultats des filiales de premier rang, « primary FATS »). Ces statistiques permettent ainsi : - de mieux suivre les effets de la mondialisation par une connaissance plus précise de l'ensemble des activités des multinationales à travers leurs différentes filiales, - d'apprécier plus particulièrement les progrès de l'ouverture à la concurrence des marchés de services (laquelle repose largement sur l'implantation par les groupes de filiales à l'étranger) 90 ( * ) . Les FATS complètent ainsi les données sur les investissements directs à l'étranger (IDE) fournies par la balance des paiements. Elles sont, du reste, élaborées à partir de ces données et de celles d'autres fichiers gérés par la Banque de France 91 ( * ) , avec l'aide de l'INSEE 92 ( * ) . |
Au total, il n'existe toujours pas, malgré les progrès accomplis, de système statistique unifié capable de quantifier les différents modes de fourniture de services au niveau international . L'ampleur du commerce en question, au niveau mondial, demeure globalement impossible à évaluer précisément (les chiffres avancés, en 2002, par Karsenty et publiés par l'OMC sont considérés par le CEPII 93 ( * ) comme n'étant pas fiables, en raison, notamment, de l'hétérogénéité des comptabilités nationales dont les résultats ont été utilisés).
* 83 Il subsiste d'autres divergences (traitement des réparations...) concernant la distinction entre biens et services.
* 84 Cf. « le compte du Reste du monde en base 2000 » de Claudie Louvot - INSEE.
* 85 Le CNIS associe au choix du sujet des enquêtes et autres travaux statistiques les chercheurs, administrations, organisations professionnelles, patronales et syndicales intéressés. C'est donc une instance de concertation, héritière du conseil supérieur de la statistique, créé en 1885.
Le CNIS est né, en 1984, de la transformation du CNS (Conseil national de la statistique) qui avait été institué, lui-même, en 1972.
* 86 Cette enquête fait suite aux recommandations du groupe de travail susmentionné et portera sur l'enregistrement, en balance des paiements, des échanges internationaux de services de 1000 à 2000 entreprises décomposés par types de services et par pays.
* 87 Cette classification s'est beaucoup inspirée des travaux menés par Bhagwati en 1984 et 1985.
* 88 Nations Unies, FMI, OCDE, OMC, CNUCED, Commission européenne.
* 89 Programmes informatiques, films, musique...
* 90 De fait, l'élaboration des FATS a été décidée à la suite de la conclusion du GATS (General agreement on trade in services) en décembre 1993.
* 91 Outre le fichier des investissements directs, sont également utilisés le fichier des règlements transfrontaliers, lui aussi établi par la direction de la balance des paiements et le fichier bancaire des entreprises (direction des entreprises) etc.
* 92 Répertoire SIREN et statistiques concernant les chiffres d'affaires, la valeur ajoutée et les effectifs des entreprises.
* 93 Cf. Isabelle Bensidoun et Deniz Ünal-Kesenci document de travail du CEPII du 14 août 2007.