REUNION DE LA DELEGATION DU 23 JANVIER 2002


Justice et Affaires intérieures

Communication de M. Hubert Haenel
sur quatre textes européens relatifs à Europol

Nous sommes saisis, dans le cadre de l'article 88-4, de quatre propositions de textes européens relatifs à Europol :

- d'une part, de deux projets d'accords de coopération d'Europol avec la République tchèque et la Suisse (E 1900 et E 1899) ;

- d'autre part, d'une initiative de la Suède tendant à modifier les règles relatives à la transmission de données à caractère personnel par Europol à des États et des instances tiers (E 1749) ;

- enfin, d'un projet de budget rectificatif et supplémentaire d'Europol pour 2002 (E 1898).

Le groupe de travail « coopération policière » de la délégation, qui s'est réuni déjà à cinq reprises, a eu l'occasion d'évoquer ces textes avec les personnes qu'il a auditionnées : M. Hervé Masurel, préfet en poste à la représentation permanente à Bruxelles, chargé du suivi des négociations du troisième pilier, M. Stéphane Piallat, chef de la section centrale de coopération policière (Sccopol) de Nanterre, M. Gilles Leclair, directeur adjoint d'Europol à La Haye et M. Patrick Riou, directeur central de la police judiciaire (DCPJ), chef de la délégation française pour Europol.

C'est notamment en fonction des informations recueillies au cours de ces auditions que je vous propose d'examiner maintenant ces textes sur Europol, qui feront l'objet d'une décision du prochain Conseil Justice et Affaires intérieures (JAI) début février.


I - LE PROJET D'ACCORD DE COOPÉRATION D'EUROPOL AVEC LA SUISSE
Ce projet s'inscrit dans le cadre de la stratégie adoptée par Europol pour engager une collaboration avec des États tiers ou des instances tierces par le moyen d'accords internationaux. Cette stratégie a été autorisée par un acte du Conseil en mars 1999. Ces accords permettent à la fois des échanges d'informations concernant des données à caractère personnel entre Europol et ces États et l'envoi d'officiers de liaison à la Haye de la part de ces États, et éventuellement d'Europol dans les pays concernés.

Nous avons déjà examiné six accords avec des États tiers : Islande, Norvège, Pologne, Hongrie, Slovénie, Estonie. Un septième accord a été conclu avec l'organisation mondiale de police Interpol installée à Lyon. Un huitième accord portant uniquement sur des données techniques ou stratégiques a été conclu avec les États-Unis ; un autre accord avec les États-Unis portant sur des échanges de données à caractère personnel est en cours de négociation.

Selon l'avis de l'Autorité de contrôle commune d'Europol (ACC), présidée par notre collègue Alex Türk, il n'existe aucun obstacle à ce que le Conseil permette au directeur d'Europol de conclure un accord avec la Suisse, compte tenu de la législation et des pratiques administratives de la Suisse en matière de protection des données, et notamment compte tenu de l'existence d'une autorité suisse chargée des questions relatives à la protection des données.

S'agissant de l'échange d'officiers de liaison, l'ACC interprète la convention Europol comme lui permettant de contrôler les activités et les locaux des officiers de liaison d'Europol situés dans des Etats ou instances tiers. Elle insiste par ailleurs sur la nécessité de s'assurer que les officiers de liaison d'Europol occupant l'immeuble d'Europol à La Haye ne puissent avoir un accès direct aux données détenues par Europol, et ne présentent d'aucune manière un risque pour la sécurité des données détenues par l'organisation européenne de police.

Compte tenu de l'avis favorable donné par l'Autorité de contrôle commune, il ne me semble pas nécessaire que la délégation intervienne davantage sur cet accord qui ne semble pas présenter de difficultés.

Peut-être Alex Türk pourrait-il nous dire son sentiment ?

M. Alex Türk :
Nous n'avons eu aucun problème sur l'accord avec la Suisse car son système de protection des données à caractère personnel est très proche de celui des pays occidentaux. La seule particularité tenait au fait que, s'agissant d'un Etat fédéral, un engagement devait être pris, indiquant que l'accord valait pour tous les services de sécurité de la Suisse. La Confédération helvétique nous a confirmé que l'accord valait pour l'ensemble des services concernés dans sa structure fédérale.


II - LE PROJET D'ACCORD DE COOPÉRATION D'EUROPOL AVEC LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
Pour l'autorité de contrôle d'Europol, il n'existe également aucun obstacle à ce que le Conseil permette au directeur d'Europol de conclure un accord avec la République tchèque. En revanche, et à la différence du projet d'accord avec la Suisse, l'ACC a estimé que cet accord devrait spécifier l'obligation qu'a ce pays de faire en sorte que les données sensibles reçoivent un niveau de protection des données comparable aux dispositions spécifiques imposées à Europol. De ce fait, elle demande à Europol de vérifier, au cas par cas, si le niveau de protection des données en matière de données sensibles est adéquat et comparable aux dispositions spécifiques imposées à Europol.

Je vais demander à Alex Türk s'il souhaite intervenir à ce propos.

M. Alex Türk :
Les données sensibles sont celles qui touchent aux opinions politiques, culturelles, religieuses ou aux moeurs. La difficulté tient au fait qu'avec ce pays, comme pour les précédents accords avec les pays d'Europe centrale, nous n'avons pas encore toutes les garanties souhaitées, même si cette réserve ne nous conduit pas à manifester une hostilité totale à l'accord.

M. Hubert Haenel :
Sous cette réserve importante, je suggère que la délégation donne son accord à l'adoption de cet accord par le Conseil.


III - L'INITIATIVE DE LA SUÈDE TENDANT À MODIFIER LES RÈGLES RELATIVES À LA TRANSMISSION DE DONNÉES À CARACTÈRE PERSONNEL PAR EUROPOL À DES ÉTATS ET DES INSTANCES TIERS
Ce projet d'acte du Conseil, sur initiative de la Suède, a pour objet de modifier l'acte du Conseil du 12 mars 1999 arrêtant les règles relatives à la transmission de données à caractère personnel par Europol à des États et instances tiers. Il appartient en effet au Conseil, statuant à l'unanimité, d'arrêter les règles générales concernant la transmission d'informations par Europol à des États tiers ou des instances tierces, qui, elles-mêmes, pourraient, dans certaines circonstances, retransmettre ces informations à d'autres États ou instances tierces (par exemple, les États-Unis au Canada dans le cadre d'un accord bilatéral de coopération policière).

La Suède, qui est particulièrement attentive aux conditions de protection des données à caractère personnel, a estimé que, afin de sauvegarder les intérêts des États membres concernés et de respecter les principes de la protection des données, il convient d'arrêter des dispositions appropriées pour définir les conditions auxquelles la transmission ultérieure des données peut avoir lieu.

Ce projet d'acte tend ainsi à renforcer le contrôle exercé par le conseil d'administration et par l'Autorité de contrôle commune sur les décisions d'échanges d'informations prises par le directeur dans le cadre des accords de coopération signés par l'organisation. Il impose, en outre, le consentement préalable d'Europol pour la transmission ultérieure de données à d'autres États tiers ou instances tierces, ainsi que le consentement de l'État concerné.
A nouveau, je vais me tourner vers Alex Türk.

M. Alex Türk :
Ce texte a des conséquences matérielles très lourdes. Il s'agit d'une question moins technique que les deux précédents accords et vous avez donné un exemple pertinent ; dans le cadre de l'accord avec les États-Unis, le FBI peut avoir besoin de retransmettre certaines informations au Canada ou au Brésil ou à d'autres pays encore. La question de la retransmission d'informations d'un pays tiers vers d'autres pays tiers n'était pas traitée dans le texte d'origine de 1999. C'est pourquoi ce projet, d'initiative suédoise, remédie à cette carence et précise que le niveau de protection des données, dans le cas d'une transmission indirecte - c'est-à-dire d'un pays tiers vers un autre pays tiers -, doit être assuré grâce à des garanties équivalentes à celles de la transmission d'Europol vers un pays tiers. L'Autorité de contrôle a en outre fait imposer la règle selon laquelle, à partir de janvier 2005, il sera procédé à une évaluation de ce système sous son contrôle et celui du conseil d'administration.

M. Hubert Haenel :
Il me semble que la délégation ne peut que se réjouir de cette proposition.


IV - LE PROJET DE BUDGET RECTIFICATIF ET SUPPLÉMENTAIRE D'EUROPOL POUR 2002
A la suite des événements du 11 septembre, les ministres de l'Intérieur et de la Justice ont décidé, lors du Conseil extraordinaire Justice et Affaires intérieures du 20 septembre, la constitution, au sein d'Europol, pour une durée de six mois renouvelable, d'une équipe de spécialistes antiterroristes pour laquelle ils invitaient les États membres à désigner des officiers de liaison provenant des services de police et des services de renseignement spécialisés en la matière. Les chefs d'État et de gouvernement ont confirmé cette décision lors du Conseil européen extraordinaire de Bruxelles le 21 septembre.

Europol disposait, avant le 11 septembre, d'une équipe de 11 fonctionnaires affectés à la lutte anti-terroriste, domaine dans lequel il ne s'était jusqu'à présent guère investi, à l'exception d'un projet sur l'islamisme fondamentaliste. Le fichier avait été essentiellement alimenté par les Italiens et les Allemands.

Le directeur d'Europol a estimé nécessaire d'ouvrir 40 postes supplémentaires pour répondre aux préoccupations du Conseil européen. On peut se demander si le directeur n'a pas voulu profiter de l'opportunité que lui fournissait le souhait politique de répondre aux événements du 11 septembre car la plupart des observateurs ont jugé cette demande sans commune mesure avec les besoins. C'est pourquoi elle a finalement été ramenée à 20 postes nouveaux, ce qui portera de 260 à 280 les effectifs d'Europol. Les dépenses supplémentaires qui en résultent s'élèvent à 3 160 000 euros pour l'année 2002.

Le conseil d'administration d'Europol a accordé un appui unanime à cette demande lors de sa réunion des 11 et 12 décembre 2001. Le Conseil JAI devrait entériner cette décision lors de sa prochaine réunion de février.

Lors de nos réunions du groupe de travail, nous nous sommes étonnés de cet accord du conseil d'administration alors qu'il apparaît que l'effort de la lutte anti-terrorisme est d'abord assuré dans les États membres et que ceux-ci ont détaché des officiers de liaison auprès d'Europol à cette fin. On peut également regretter que les membres du Conseil européen, comme les membres du Conseil des ministres Justice et Affaires intérieures, aient tendance à arrêter leurs orientations en fonction de considérations politiques générales, sans avoir au préalable procédé à la consultation des services nationaux concernés, seuls susceptibles de faire apparaître les besoins réellement nécessaires pour atteindre les objectifs recherchés. Peut-être aurait-on pu aussi souhaiter que le directeur d'Europol privilégie un redéploiement interne et temporaire d'effectifs qui aurait permis une réponse plus rapide de l'organisation à la demande formulée par le Conseil européen.

Je crois qu'il n'est pas inutile de revenir sur le budget 2002 d'Europol tel qu'il se présente avant cette nouvelle augmentation. D'abord, pour regretter que nous ayons dû alors nous prononcer sur ce budget initial en urgence puisqu'il avait été transmis au Sénat le 7 mai 2001 et que la présidence suédoise de l'Union avait souhaité son adoption par le Conseil Justice et Affaires intérieures des 28 et 29 mai. Ensuite, pour rappeler que ce budget initial était déjà en augmentation de 37 % par rapport au budget 2001 et traduisait le recrutement de 36 personnes supplémentaires. Le budget rectificatif et supplémentaire qui nous est aujourd'hui soumis aura donc pour effet un accroissement de 46 % des dépenses d'Europol en 2002 par rapport à 2001 et le recrutement de 56 personnes en 2002.

Il est intéressant de noter que la croissance du budget initial nous avait été présentée comme la traduction de trois priorités :

- la lutte contre la contrefaçon de l'euro,

- la lutte contre l'immigration clandestine,

- la lutte contre le trafic des êtres humains.

On peut se demander si l'apparition, très explicable et très légitime, de cette nouvelle priorité que constitue la lutte contre le terrorisme ne devrait pas amener une reconsidération des priorités antérieures. Comme chacun sait, « qui trop embrasse, mal étreint ». Il serait temps que le conseil d'administration d'Europol reconsidère globalement l'ensemble des priorités de l'Office européen de police.

C'est pourquoi je suggère que la délégation demande au Gouvernement de donner des instructions en ce sens aux représentants de la France au conseil d'administration d'Europol. Sous cette réserve, je vous propose de lever la réserve parlementaire de ce projet de budget rectificatif et supplémentaire.

M. Lucien Lanier :
Quelles sont les garanties de qualité des personnels qui seront recrutés dans une matière aussi sensible que le terrorisme ? Si le recrutement ne correspond pas aux attentes qui ont été placées dans Europol pour la lutte contre le terrorisme, alors on peut craindre une perte de confiance dans l'organisation.

M. Alex Türk :
Le choix des personnels recrutés est décidé par le conseil d'administration sur la base des propositions faites par le directeur.

Sous cette réserve, la délégation a décidé de lever la réserve parlementaire sur ces quatre textes.

Energie

Communication de M. Aymeri de Montesquiou sur les textes européens relatifs au marché intérieur du gaz et de l'électricité (E 1742)

Résumé du rapport

L'énergie est un bien primaire auquel chacun a droit. C'est aussi un enjeu stratégique, dans la mesure où chaque pays doit être indépendant, et c'est un domaine qui touche à la souveraineté étatique. Mais, par ailleurs, c'est une composante de l'économie et la compétitivité des entreprises est concernée par le prix de l'énergie.

C'est la raison pour laquelle le Conseil de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000 a préconisé l'achèvement rapide du marché intérieur de l'énergie. La Commission a présenté en mai 2001 un ensemble de deux textes dans ce sens :

- une proposition de directive concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel ;

- une proposition de règlement concernant les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité.

La Commission, comme la présidence espagnole, sont décidées à faire aboutir ces textes avant le 30 juin prochain. M. Romano Prodi a même menacé de recourir à l'article 86 du traité de Rome, sur la base duquel la Commission peut imposer des mesures de libéralisation de sa seule initiative.

Je crois que la France a fait une erreur de stratégie en transposant avec beaucoup de retard la directive électricité et en ne transposant pas du tout la directive gaz. Elle fait ainsi figure de mauvaise élève. On ne comprend pas pourquoi puisque EDF et GDF sont des entreprises tout à fait performantes. Loin d'être abordée avec frilosité, la libéralisation devrait au contraire être considérée comme une opportunité pour attaquer l'ensemble du marché européen.

Cela dit, une condition qui me paraît importante est l'ouverture du capital de ces deux entreprises, qui n'ont pas les moyens financiers suffisants. Je modèrerai toutefois cette proposition dans le cas d'EDF, dans la mesure où la sensibilité de la question nucléaire impose qu'une majorité de son capital reste public.


I. L'OUVERTURE QUANTITATIVE DES MARCHÉS
Les directives de 1996 et 1998 ont défini les seuils d'ouverture de la demande. La directive électricité prévoit les trois étapes suivantes pour la libéralisation de la demande:

- ouverture de 27 % du marché en février 1997 ;

- ouverture de 30 % du marché en février 2000 ;

- ouverture de 35 % du marché en février 2003.

La directive gaz prévoit les trois étapes suivantes pour la libéralisation de la demande:

- ouverture de 20 % du marché en août 2000 ;

- ouverture de 28 % du marché en août 2003 ;

- ouverture de 33 % du marché en août 2008.

La directive électricité a été transposée par tous les États membres à temps, c'est-à-dire en février 1999, sauf en France qui ne l'a fait que le 20 mai 2000. De ce fait, la France apparaît en position d'accusée. Pour la directive gaz, un projet de loi de transposition a été déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale, mais n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour. En conséquence, la France a été traduite devant la Cour de Justice des Communautés européennes en mai 2001.

Aujourd'hui, le seuil d'ouverture moyen est de 66 % pour le marché européen de l'électricité, et devrait passer à 79 % en 2007. Ce seuil n'est que de 30 % en France. Pour ce qui est du gaz, le seuil moyen est de 79 %, et de 0 % en France. Le Gouvernement français se met inutilement dans une mauvaise position. Même en l'absence de loi de transposition, GDF a décidé d'ouvrir à la concurrence 20 % du marché français du gaz.

Je voudrais rappeler que, l'an dernier, j'ai déposé une proposition de loi qui organisait une sorte de transposition automatique des directives européennes pour empêcher l'accumulation des retards de ce type. La majorité des États membres est allée beaucoup plus vite et beaucoup plus loin que la France. Le Royaume-Uni et l'Allemagne ont totalement ouvert leur marché du gaz.

Ces différences de rythme créent des distorsions de concurrence. Nos voisins considèrent comme anormal qu'EDF prenne des parts de marché sur leur territoire alors que la réciproque n'est pas vraie.

La nouvelle proposition de directive vise à achever l'ouverture quantitative en trois étapes :

- libre choix du fournisseur d'électricité pour les consommateurs du secteur non résidentiel au 1er janvier 2003 ;

- libre choix du fournisseur de gaz pour les consommateurs du secteur non résidentiel au 1er janvier 2004 ;

- ouverture totale du marché de l'électricité et du gaz au 1er janvier 2005.

Le Gouvernement français est opposé au principe même de cette ouverture totale à la concurrence. Mais il se retrouve très isolé sur ce point, seul le Luxembourg partageant sa position.

Pour ma part, l'ouverture rapide à l'ensemble des consommateurs professionnels me paraît opportune. En effet, tout seuil partiel est susceptible d'entraîner des distorsions de concurrence. Il me paraît donc particulièrement judicieux de laisser le libre choix de leur fournisseur d'énergie à tous les clients non résidentiels, de l'industriel à l'artisan, en passant par les collectivités. En revanche, j'admets que l'ouverture à la concurrence du marché des clients domestiques ne doit pas compromettre le principe de la péréquation tarifaire - ce que craint le Gouvernement français.

En pratique, la portée de ces dispositions de libéralisation de la demande d'énergie doit être relativisée. Le plus souvent, il y a un décalage important entre le degré d'ouverture juridique et le degré d'ouverture réel des marchés. Le nombre de clients industriels éligibles ayant effectivement changé de fournisseur est limité dans la plupart des États membres : moins de 5 % en Espagne et au Portugal (et 0 % en Grèce) ; 5 à 10 % en Autriche, en Belgique et en France ; 10 à 20 % en Allemagne, en Italie et aux Pays-Bas. Seuls les pays scandinaves et le Royaume Uni font exception, avec des taux de 80 % à 100 %.


II. LES ASPECTS ORGANISATIONNELS
La libération quantitative de la demande d'électricité et de gaz ne suffit pas. Il faut également un cadre réglementaire pour accompagner le déploiement d'une véritable concurrence.

L'organisation mise en place par les directives de 1996 et 1998 distingue les fonctions de production d'électricité / de transport d'électricité (sur des lignes à haute tension) ou de gaz (via des gazoducs à haute pression) / de distribution d'électricité (sur des lignes à moyenne et basse tension) ou de gaz (via des réseaux locaux ou régionaux de gazoducs) / de stockage dans le cas du gaz / de fourniture d'électricité et de gaz.

Historiquement, ces différentes fonctions ont très souvent été intégrées au sein d'une ou de quelques entreprises opérant sur leur marché national respectif. L'arrivée de nouveaux concurrents peut se heurter à des problèmes de discrimination au profit des opérateurs historiques. L'objectif du droit communautaire est de proscrire ces discriminations, en ouvrant à la concurrence les deux extrémités de la chaîne, c'est-à-dire la production et la fourniture d'énergie. En revanche, les fonctions médianes de transport et de distribution ne peuvent être concurrentielles, car il s'agit de monopoles naturels. En effet, il serait économiquement peu rationnel de dédoubler les lignes électriques et les gazoducs existants. Le cadre réglementaire communautaire prévoit toutefois un mécanisme d'accès des tiers au réseau qui permet, sous la surveillance de « régulateurs nationaux », de s'assurer que les gestionnaires de réseau agissent de manière non discriminatoire.

1. L'ouverture de la production d'électricité à la concurrence
La directive de 1996 introduit une concurrence intégrale pour toute nouvelle capacité de production. Elle laisse aux États membres le choix d'opter entre deux procédures :

- le système de l'autorisation, qui laisse aux opérateurs l'initiative de la construction de nouvelles capacités de production ;

- le système de l'appel d'offres, qui laisse aux pouvoirs publics le soin de planifier les capacités de production.

La procédure d'autorisation, c'est-à-dire l'option la plus concurrentielle, a été retenue par quatorze États membres, seul le Portugal appliquant un système conjuguant les deux procédures.

Au vu de cette situation, la Commission propose dans son nouveau texte d'actualiser la directive de 1996, en faisant de la procédure d'autorisation la norme et de la procédure d'appel d'offre l'exception. Les États membres ne pourraient recourir à celle-ci que dans la mesure où la capacité de production en construction serait insuffisante, pour garantir la sécurité d'approvisionnement.

2. L'accès au réseau de transport et de distribution
Les directives de 1996 et 1998 offrent aux États membres le choix entre deux grandes options, ou une combinaison de ces options, pour permettre l'accès de tiers au réseau (ATR) : l'accès réglementé et l'accès négocié.

L'accès réglementé est basé sur des tarifs publiés et représente la méthode d'accès produisant le marché concurrentiel le plus efficace. Le système de prix fixes pour tous garantit non seulement l'absence de discrimination vis-à-vis des concurrents, mais également la possibilité pour les entreprises de planifier leurs achats futurs.

Pour l'électricité, tous les États membres ont choisi cette méthode, à l'exception de l'Allemagne. La situation n'est pas aussi tranchée pour le gaz. Neuf États membres ont ou vont retenir cette solution. Quatre États membres ont choisi ou envisagent l'option de l'accès négocié (Autriche et Allemagne) ou une combinaison des deux (France et Pays-Bas).

L'accès négocié repose sur une négociation d'accords commerciaux volontaires entre les fournisseurs d'électricité et de gaz et les clients éligibles. Les États membres s'assurent que les gestionnaires de réseau publient une fourchette indicative de prix, pour l'électricité, et que les entreprises de gaz publient leurs principales conditions commerciales.

Afin d'éviter toute discrimination et de promouvoir la transparence, le nouveau texte présenté par la Commission européenne propose de ne retenir que la solution de tarifs publiés et approuvés par l'autorité de régulation nationale.

La Commission propose d'introduire le système des tarifs réglementés également pour l'accès aux installations de stockage de gaz. Ces installations permettent d'équilibrer l'offre, qui est relativement constante, et la demande, qui varie beaucoup en fonction des saisons. Le Gouvernement français est contre cet accès des tiers aux stockage de gaz, car il serait contraire aux intérêts de Gaz de France. Pour ma part, je ne vois pas comment on pourrait refuser d'assurer l'équité entre les entreprises existantes, qui ont de nombreuses installations de stockage à leur disposition, et les nouveaux venus et les clients, qui n'en disposent pas.

3. L'indépendance des gestionnaires de réseau
La directive électricité prévoit que les États membres désignent des gestionnaires de réseau de transport (GRT), pour le réseau à haute tension, ainsi que des gestionnaires de réseau de distribution (GRD), pour le réseau à moyenne et basse tension.

La directive actuelle impose aux gestionnaires de s'abstenir de toute discrimination entre les utilisateurs du réseau, et prévoit que la fonction de transport soit séparée sur le plan de la gestion des fonctions de production, de distribution ou de fourniture d'électricité. De nombreux États membres sont allés plus loin, soit en décidant la création d'une filiale du groupe producteur, soit en décidant la création d'une entité juridique qui n'appartienne plus au groupe.

La Commission estime nécessaire de renforcer les dispositions actuelles de séparation de gestion en procédant à une séparation juridique des gestionnaires de transport, ainsi que des entreprises de distribution d'électricité (avec un seuil de minimis de 100 000 abonnés).

Elle propose d'étendre également l'obligation d'indépendance sur le plan juridique au secteur du gaz, tant au niveau du transport que de la distribution (avec un seuil de minimis également de 100 000 abonnés).

La filialisation obligatoire est un principe admissible pour les gestionnaires du réseau de transport, qui sont responsables des échanges transfrontaliers et assurent de ce fait l'unité du marché européen de l'énergie. En revanche, il serait préférable de laisser à la subsidiarité le statut des gestionnaires du réseau de distribution, qui est très variable d'un État membre à l'autre (en France, EDF est le concessionnaire unique des collectivités locales). L'autonomie de gestion semble suffisante pour garantir la non discrimination.

4. Le rôle des régulateurs nationaux
Actuellement, les directives électricité et gaz disposent que des mécanismes de règlement des litiges, comportant une autorité indépendante des parties, doivent être mis en place, notamment pour trancher les problèmes d'accès au réseau. Sans que cela soit expressément prévu, la plupart des États membres ont institué des régulateurs nationaux, dont les statuts et les missions sont assez variables.

Ces autorités de régulation ne se confondent pas avec les autorités de concurrence nationales, sauf dans le cas de l'Allemagne, où c'est le Bundeskartellamt qui est compétent en matière d'électricité.

La nouvelle proposition de directive recommande qu'un régulateur indépendant soit désigné dans chaque État membre et qu'il exerce au minimum un certain nombre de compétences, qui seraient communes à tous les régulateurs.

L'instauration obligatoire d'autorités de régulation indépendantes et spécialisées est a priori une mesure d'harmonisation opportune. Mais l'Allemagne s'est déclarée contre, car elle tient à son système de compétence donnée à l'autorité de concurrence de droit commun. Après une longue période de blocage de la négociation, un accord dégagé sous présidence belge renvoie ce point à la subsidiarité. Ce compromis ne paraît pas acceptable, car les interventions a posteriori du Bundeskartellamt semblent d'une efficacité assez douteuse. L'obligation pour chaque État membre d'instaurer une autorité de régulation indépendante, spécialisée et intervenant a priori, doit être défendue.


III. L'ENCADREMENT DES ÉCHANGES TRANSFRONTALIERS
La proposition de règlement concernant les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité pose les grands principes sur lesquels doivent reposer les compensations pour les flux d'électricité en transit, l'harmonisation des redevances des réseaux nationaux ou l'attribution de la capacité d'interconnexion.

Cette proposition de règlement prévoit l'adoption de ces règles par procédure de comitologie, avec un comité consultatif et un comité réglementaire, en fonction des sujets traités.

Les compétences conférées à la Commission par cette proposition de règlement amorcent un processus qui pourrait conduire à ériger celle-ci en régulateur européen de l'énergie. Une telle évolution serait l'aboutissement logique de la construction d'un véritable marché européen de l'énergie.


IV. LES OBJECTIFS DE SERVICE PUBLIC

1. La sécurité d'approvisionnement
La sécurité d'approvisionnement énergétique implique la sécurité des réseaux, qu'il appartient aux États membres de garantir.

Les deux directives actuellement en vigueur prévoient qu'en cas de crise soudaine sur le marché de l'énergie et de menace sur la sécurité physique ou la sûreté des personnes, des appareils, des installations et de l'intégrité des réseaux, chaque État membre peut prendre temporairement des mesures de sauvegarde. Ces mesures ne doivent cependant pas excéder la portée strictement indispensable pour remédier à ces difficultés soudaines. Cette clause pourrait par exemple s'appliquer dans un cas semblable à celui qu'a connu la France lors des dégâts provoqués par la tempête de la fin 1999.

En outre, la proposition de modification des directives dispose que les États membres peuvent obliger les gestionnaires de réseau de transport à respecter des niveaux minimaux d'investissement dans la maintenance et le développement du réseau de transport, et notamment dans les capacités d'interconnexion.

2. Les droits des consommateurs
La nouvelle proposition de directive de la Commission prévoit, outre le droit des ménages d'être alimentés en électricité de qualité à des prix abordables, les objectifs de service public suivants :

- la protection des consommateurs vulnérables : garantie contre les interruptions injustifiées aux personnes âgées, aux chômeurs, et aux personnes handicapées ;

- la protection des droits des consommateurs finals : conditions minimales en ce qui concerne les clauses contractuelles, la transparence de l'information, disponibilité de mécanismes de résolution des litiges peu coûteux et transparents ;

- la cohésion économique et sociale, afin de garantir des conditions tarifaires appropriées dans les régions périphériques.

3. Le respect de l'environnement
Les directives électricité et gaz prévoient que les États membres peuvent imposer aux entreprises productrices des obligations de service public portant sur la protection de l'environnement. La directive électricité autorise les États membres à imposer aux gestionnaires des réseaux de transport et de distribution de donner la priorité aux installations qui utilisent les sources d'énergie renouvelables ou combinées.

Il est bien évident que l'énergie nucléaire mérite d'être prise en compte dans ces objectifs environnementaux, car elle contribue de manière décisive au respect des engagements du protocole de Kyoto en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le socle commun de service public offert par la proposition de directive semble assez consistant, et il est toujours loisible à un État membre d'aller au-delà. Mais, afin d'éviter toute distorsion de concurrence, il ne serait pas inutile de prévoir, comme en matière de télécommunications, que les surcoûts liés aux obligations de service public seront pris en compte par l'ensemble du secteur, par l'intermédiaire d'un fonds de compensation.

Compte rendu sommaire du débat

M. Jacques Bellanger :

Je suis parfaitement opposé au principe de la « respiration » du capital d'EDF et de GDF. D'autant plus que nous sommes dans le cadre de l'examen d'une proposition de directive européenne, où cette question ne figure pas. Jamais la Commission européenne n'a demandé l'ouverture du capital des entreprises publiques.

M. Aymeri de Montesquiou :

Absolument. Libéralisation ne veut pas dire privatisation. Je ne fais que traduire les aspirations de deux entreprises qui veulent bénéficier d'opportunités d'augmenter leur capital pour pouvoir attaquer les marchés étrangers.

M. Jacques Bellanger :

C'est une interprétation qui, en l'état actuel des choses et dans la conception que nous avons du service public, est totalement exclue aujourd'hui pour le groupe auquel j'appartiens.

M. Aymeri de Montesquiou :

Le premier intéressé, M. Gadonneix, président de Gaz de France, a fait récemment une déclaration publique réclamant l'ouverture du capital de son entreprise. Si GDF ne peut pas augmenter sa capacité financière, il sera réduit à être un simple propriétaire de tuyaux et de stockages. Il sera totalement dépendant de l'extérieur pour pouvoir fournir du gaz. Je crois que c'est vraiment tuer Gaz de France que de l'empêcher d'ouvrir son capital.

M. Jacques Bellanger :

D'abord, la situation de Gaz de France n'est pas la même que celle d'EDF. Il est certain que les présidents de ces sociétés ont un certain nombre de désirs. Mais, jusqu'à nouvel ordre, ces entreprises appartiennent à l'ensemble des Français. C'est à la collectivité nationale de faire ces choix, et non pas aux présidents de ces sociétés.

M. Marcel Deneux :

La nécessité d'ouvrir le capital m'apparaît comme une évidence pour GDF. En ce qui concerne EDF, je n'ai pas l'impression que son statut actuel l'empêche de prospérer.

M. Aymeri de Montesquiou :

Il faut souligner simplement que nos partenaires européens trouvent inacceptable qu'on achète des sociétés chez eux et qu'il n'y ait pas de réciprocité. C'est un problème de bon sens. Tout le monde sait ce qui s'est passé en Italie avec la Montedison.

M. Robert Del Picchia :

Je confirme que le problème des représentants d'EDF que je rencontre dans les pays où je circule, l'Autriche et l'Allemagne, est qu'ils identifient des opérations rentables mais se heurtent à un problème financier, faute de pouvoir échanger du capital. Il faut savoir ce que l'on veut faire d'EDF.

M. Jacques Bellanger :

Remettons les choses au point. D'abord, je crois savoir qu'EDF a quand même pu faire des achats en Allemagne. Deuxièmement, je regrette que nous reprenions les arguments de nos concurrents. La finalité de la libéralisation du marché de l'électricité reste la baisse des prix. Or, les prix ont baissé en France de 9,3 %, avec une société d'État et un monopole entamé pour les gros consommateurs. Pendant la même période, les prix ont augmenté de 0,8 % en Allemagne et de 13,2 % en Angleterre. Donc, cette baisse des prix n'est pas forcément dépendante d'un changement de statut.

Je ne suis pas fermé à toute évolution, mais cela demandera un certain temps, parce que nous avons un certain nombre d'obligations sociales et que le service public n'est pas considéré en France comme dans le reste de l'Europe. J'ai entendu M. André Roussely, le président d'EDF, lorsqu'il a déclaré que, pour garantir une exploitation normale, il préférait payer le prix social. Je crois que voter une telle résolution actuellement, c'est jouer inutilement les boutefeux, alors qu'EDF est une entreprise qui fonctionne bien.

M. Aymeri de Montesquiou :

Je ne vois pas en quoi l'ouverture du capital, à partir du moment où la majorité de 51 % est conservée par l'État, peut remettre en cause des conditions sociales tout à fait exceptionnelles. Le président Roussely considère qu'il faut acheter la paix sociale. C'est un point de vue qui se comprend. Je signale quand même que le prix en est de 2 milliards de francs, à la charge finale du consommateur.

M. Jacques Bellanger :

Je conteste également le calendrier proposé pour l'ouverture à la concurrence du marché résidentiel. Je pense d'ailleurs que c'est tout à fait contraire à l'objectif visé par notre rapporteur, qui est de maintenir une péréquation tarifaire.

M. Aymeri de Montesquiou :

On peut s'inspirer du secteur des télécommunications, qui a su sauvegarder le principe de la péréquation tout en s'ouvrant à la concurrence.

M. Jacques Bellanger :

Je suis également très réservé sur le principe de l'accès des tiers aux stockages de gaz, car ceux-ci conditionnent la sécurité d'approvisionnement et ne sont pas indéfiniment extensibles.

Quant à la proposition d'un fonds de compensation pour le financement des obligations de service public, je ne suis pas sûr que ce soit très efficace, si j'en crois le précédent des télécommunications.

M. Aymeri de Montesquiou :
Sur le principe, tout le monde est d'accord pour qu'il y ait un véritable service public et que chacun ait accès à l'électricité.

*

A l'issue de ce débat, la délégation a autorisé la publication du présent rapport, et a conclu au dépôt d'une proposition de résolution dans les termes suivants, le groupe socialiste votant contre :

Proposition de résolution

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 96/92/CE et 98/30/CE concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel (E 1742),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité (E 1742),

Invite le Gouvernement à inscrire dès que possible à l'ordre du jour des assemblées le projet de loi de transposition de la directive 98/30/CE du 22 juin 1998 concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz ;

Invite le Gouvernement à autoriser la « respiration » du capital qui seule peut permettre à EDF et à GDF de tirer le meilleur parti des opportunités offertes par la réalisation du marché intérieur de l'énergie ;

Approuve le calendrier proposé pour l'ouverture totale à la concurrence du marché professionnel, puis résidentiel, de l'électricité et du gaz ;

Demande au Gouvernement :

- d'accepter l'introduction d'un système de tarifs réglementés pour l'accès des tiers aux stockages de gaz ;

- de s'opposer à la séparation juridique obligatoire des gestionnaires de réseaux de distribution ;

- de soutenir l'obligation faite à chacun des États membres de mettre en place un régulateur indépendant, distinct de l'autorité de concurrence de droit commun ;

- de veiller à ce que les surcoûts liés aux obligations de service public soient pris en charge par l'ensemble des opérateurs, par l'intermédiaire de fonds de compensation.

Elargissement

Communication de M. Robert Del Picchia sur le résultat de la consultation populaire sur Temelin en Autriche

Lors de notre précédente réunion, j'ai présenté l'évolution de l'opinion publique autrichienne à l'égard de l'élargissement. J'avais alors évoqué l'initiative, lancée par le parti de Jörg Haider et soutenue par le quotidien Kronen Zeitung, d'une consultation populaire sur la centrale nucléaire de Temelin, située à proximité de la frontière autrichienne en République tchèque. Les résultats de cette consultation ont été annoncés hier. Selon les chiffres officiels, environ 915 000 personnes ont signé la pétition. Étant donné que l'Autriche compte environ 5,8 millions d'électeurs, cela fait près de 15 % de l'électorat.

Même si ce chiffre est important, compte tenu du fait qu'il s'agissait d'une simple consultation et non d'un référendum, c'est moins que prévu. Le Kronen Zeitung  a d'ailleurs publié, le lendemain, en première page, l'image lugubre d'une centrale nucléaire avec une croix noire et la manchette « Le combat continue ». Cela n'a pas empêché Jörg Haider de considérer ce résultat comme une victoire.

Néanmoins, si l'on se base sur l'analyse affinée d'un institut de sondage, il s'avère que seulement la moitié des signataires sont des partisans de Jörg Haider, soit environ 450 000 personnes. Or, aux dernières élections, son parti avait obtenu plus de 1,2 million de voix. On ne peut donc pas parler d'un succès pour Jörg Haider. Ce serait même plutôt le contraire. Ainsi, dans sa province de Carinthie, où il est en charge de l'exécutif, cette pétition n'a recueillie que 15 % de signataires, alors qu'il avait obtenu 40 % des voix aux dernières élections.

Parmi l'autre moitié des signataires de la pétition, on trouve 22 % de sympathisants des sociaux-démocrates, 15 % d'électeurs chrétiens-démocrates, et seulement 5 % de militants des verts. En effet, ces derniers ne voulaient pas s'associer à une initiative de Jörg Haider, bien qu'ils soient opposés au nucléaire.

Quelles seront les suites de cette consultation ? D'après la Constitution, ces résultats doivent être entérinés par une commission nationale, composée de représentants de différents partis, le 14 février prochain, et le Parlement aura alors un délai de trois semaines pour se saisir de cette question. En tout état de cause, il n'y aura pas d'obligation d'organiser un référendum national, mais seulement un débat au Parlement, et on peut penser que le parti de Jörg Haider va faire traîner les choses au sein des commissions jusqu'aux prochaines élections de 2003.

Est-ce que cela risque de provoquer des élections anticipées ? Les sociaux-démocrates y sont favorables, ainsi que Jörg Haider, même si les membres de son parti représentés au sein du Gouvernement y sont opposés, comme les chrétiens-démocrates. Les sociaux-démocrates ont déposé, depuis plusieurs mois, une motion en ce sens, mais celle-ci a peu de chances d'aboutir.

En définitive, cette consultation populaire, qui peut s'interpréter comme un veto à l'égard de l'adhésion de la République tchèque à l'Union, complique un peu plus la situation politique en Autriche, ainsi que les relations avec la République tchèque. D'ailleurs, les propos du Premier ministre tchèque Milos Zeman sur la question des Sudètes, à la veille de la consultation, n'ont pas arrangé les choses.

Néanmoins, le chancelier Wolfgang Schussel a clairement déclaré que l'Autriche n'opposera pas de veto à la candidature de la République tchèque et qu'il est favorable à l'élargissement.

Je crois qu'il sera donc intéressant d'entendre la ministre autrichienne des Affaires étrangères, Mme Benita Ferrero-Waldner, qui doit venir prochainement s'entretenir avec nous, et de l'interroger sur cette question.