Groupe interparlementaire d'amitié

France-Israël (1 ( * ))

France-Israël : Regards croisés sur l'innovation technologique

Actes du colloque du 16 mai 2018

Sous le haut patronage de M. Gérard LARCHER, Président du Sénat

Palais du Luxembourg

Salons de Boffrand

M. Gérard LARCHER,

Président du Sénat

M. Yuli-Yoel EDELSTEIN,

Président de la Knesset

Les délégations française et israélienne

Les Présidents Gérard LARCHER et Yuli-Yoel EDELSTEIN

OUVERTURE

M. Gérard LARCHER,

Président du Sénat

Monsieur le Président de la Knesset,

Monsieur le Vice-Président de la Knesset,

Monsieur le Président du groupe d'amitié Israël-France, également Président de la commission des affaires sociales de la Knesset,

Madame l'Ambassadrice de l'État d'Israël en France,

Monsieur le Premier Vice-président du Sénat, Président du groupe d'amitié France-Israël,

Mesdames et Messieurs les Présidents de commissions, de délégations et de groupes du Sénat,

Chers collègues parlementaires,

Mesdames et Messieurs les membres de la délégation israélienne,

Je vous souhaite la bienvenue au Sénat.

Votre visite, Monsieur le Président, constitue l'accomplissement d'un engagement. Entre des pays amis, y compris lorsqu'il existe des décalages de vues, des interrogations, parfois des incompréhensions, les engagements se doivent d'être tenus, et le dialogue en est rendu d'autant plus nécessaire.

Il y a quinze mois, je m'étais rendu en Israël avec une délégation de sénateurs, à votre invitation, puis dans les territoires palestiniens. Nous avions du temps à rattraper : cela faisait alors douze ans qu'aucun Président du Sénat ne s'était déplacé dans votre pays, et cela fait aujourd'hui huit ans qu'aucun Président de la Knesset ne s'était rendu en France. Nous réparons donc les choses.

Nous nous étions engagés mutuellement à rompre ce trop long silence, et je vous avais alors convié à venir dans notre pays. Le Président de l'Assemblée nationale en avait fait de même, ce qui permet cette rencontre.

Le Sénat de la République française est un acteur résolu de la diplomatie parlementaire, même lorsque les choses ne sont pas faciles. Les liens multiples et étroits, entre les citoyens de nos deux pays exigeaient un renforcement, et même, au-delà, une permanence des relations parlementaires. C'est le sujet que nous aborderons demain ensemble.

Votre visite intervient dans un contexte singulier de la relation bilatérale : le colloque que nous tenons aujourd'hui est un prologue à la saison croisée France-Israël qui débutera dans moins de deux semaines.

Israël a, depuis quelques jours, 70 ans. Soixante-dix années pendant lesquelles la France, qui a soutenu fermement la création de votre État, s'est efforcée de vous accompagner, en portant une voix amicale, critique à certains moments, mais toujours franche, libre et sincère.

Cette tribune me permet de rappeler l'attachement indéfectible de la République française au droit à la sécurité d'Israël, qui est la condition sine qua non de son existence, dans une région où les périls sont multiples, les tensions toujours fortes, les violences toujours présentes. C'est une constante de notre pays partagée par toutes ses familles de pensée démocratiques. Je me réjouis de constater ce matin la présence de collègues de presque toutes les sensibilités de notre assemblée.

Pour nous, Français et Européens, il existe une ligne qui ne doit en aucun cas être franchie : celle qui reviendrait à une remise en cause du droit à l'existence de l'État d'Israël, à court, moyen mais aussi long termes, comme on l'entend parfois.

Monsieur le Président, je ne peux débuter mon intervention sans évoquer l'ensemble de la situation au Proche-Orient.

Depuis un an, la situation internationale et régionale s'est singulièrement dégradée. Dans ce contexte, l'État d'Israël exprime plusieurs préoccupations qui nous paraissent légitimes. Aucun pays ne peut accepter, sans réagir, qu'un étau de menaces pouvant compromettre sa sécurité et son existence se resserre autour de lui. Les démocraties - Israël est un cas quasi unique dans sa région - ne sont pas condamnées à la faiblesse face au terrorisme islamiste en particulier, et notre pays, vous le savez, en connaît le prix.

La France est engagée, notamment dans la zone sahélo-saharienne, aux côtés des Africains, dans une lutte sans merci contre Daech, Al Qaïda et Boko Haram. J'étais il y a moins de deux mois au lac Tchad, dans un camp de réfugiés victimes de Boko Haram.

La France est aussi présente au Moyen-Orient. La montée des tensions y avive les revendications les plus extrêmes et éloigne plus encore les espoirs de paix. Les événements tragiques intervenus ces derniers jours témoignent d'un regain de tensions lourd de menaces. Toutes les parties doivent faire preuve de retenue et contribuer à la désescalade, et je partage les propos tenus par le Président de la République hier, tout comme ceux échangés dans cette assemblée lors des questions au Gouvernement, hier après-midi.

Au-delà des mots, il est urgent de recréer les conditions nécessaires à la recherche de solutions politiques, seules à même d'instituer une sécurité et une paix durables.

Il est urgent de relancer le processus de paix qui doit aboutir, selon la position régulièrement rappelée par la France et par toutes les familles politiques, à l'existence de deux États, qui comporte l'instauration d'un État palestinien au terme de ce processus négocié.

Monsieur le Président, mes chers collègues, il existe une singularité, un génie particulier d'Israël et des Israéliens, celui de faire surgir d'une terre, a priori ingrate, des oasis, de créer, avec un crayon, un ordinateur portable, quelques feuilles de papier, mais aussi - rappelons-le - avec un soc de charrue, dans un pays longtemps dépourvu de toute ressource naturelle, de l'innovation, de la richesse, et d'ouvrir les routes qui conduisent au monde de demain.

Vous avez engendré la nation start-up par excellence. Les chiffres sont éloquents : Israël compte le nombre le plus élevé de start-up par habitant au monde, plus de 120 accélérateurs et incubateurs de croissance, une centaine de fonds de capital-risque, et ce dans tous les domaines en développement - cybersécurité, bien sûr, votre champ de prédilection, qui correspond à l'origine à des préoccupations stratégiques : mais aussi services de l'e-commerce ou voiture intelligente qui, bientôt, palliera les défaillances d'un conducteur moyen.

Rien de ce qui se termine en « tech » ne vous est étranger : la biotech, l'agrotech, la greentech , sans parler des applications en matière de santé, aux potentialités extraordinaires comme par exemple des exosquelettes qui décuplent ainsi la force humaine et redonnent mobilité et espoir à ceux qui les ont perdus.

En Israël se prépare l'environnement technologique qui façonnera demain notre vie quotidienne. La science-fiction n'est pas si loin ! C'est une nouvelle révolution technologique, avec des implications considérables en termes de développement de l'emploi et de la croissance.

La France se doit d'être aussi à ce rendez-vous. Lors de notre déplacement en Israël, à l'occasion de la visite de l'incubateur Jerusalem Venture Partners , avec Philippe Dallier, Sophie Primas, Michel Mercier, Gilbert Roger et Catherine Deroche, nous avions été frappés par les recettes de la réussite israélienne. Car bien entendu, il n'y a pas de miracle, mais une stratégie mise en oeuvre de façon déterminée :

- un effort soutenu en faveur de la recherche et de l'innovation, pour financer des universités à la pointe de la recherche. Je pense en particulier au Technion, dont une responsable est parmi nous. Israël y consacre 4 % de son PIB. Par comparaison, la France est à 2 % ;

- un système fiscal attractif et des aides publiques aux start-up naissantes, aides décisives car à la fois économes pour les finances de l'État, rémunératrices en cas de succès et d'accès assez simple. Vous n'avez pas, comme en France, le génie de complexifier les dossiers !

Vous évoquerez ces mesures lors de la première table ronde, animée par Sophie Primas, Présidente de la commission des Affaires économiques, avec la contribution de Philippe Adnot. En 2017, les cessions de start-up israéliennes, je le rappelle, se sont élevées à 19 milliards d'euros. C'est là autant de recettes fiscales pour l'État !

Nous sommes quant à nous en ce moment à la recherche de 26 milliards d'euros - mais c'est un autre sujet que j'aborderai ailleurs en fin de matinée.

En fait, Israël a réadapté au monde contemporain ce qui avait fait le succès technique et industriel de notre pays à l'orée du XX e siècle : la figure de l'ingénieur entrepreneur, issu des écoles créées sous l'Empire, et qui, de Pasteur à Lumière, en passant par Eiffel, Peugeot, Citroën ou Renault, a révolutionné notre mode de vie et a assis notre prospérité. L'Exposition universelle de Paris de 1900 en fut l'expression la plus éclatante.

Mais nous ne sommes ici ni dans l'histoire ni dans la nostalgie. Il faut que notre pays retrouve aussi les clefs de ce succès !

De belles coopérations existent déjà entre Israël et la France, car la French Tech s'est souvent unie, pour accompagner son essor, à la nation start-up israélienne, que ce soit en matière de puces électroniques, de voitures intelligentes, d'expertise data, de plateformes d'échanges de données.

Ces coopérations doivent encore être élargies. C'est, je crois, un des objectifs de nos rencontres. Ce sera, à partir de cas concrets, l'objet de la seconde table ronde, animée par Élisabeth Lamure, Présidente de la Délégation sénatoriale aux entreprises, dont la spécialité est de faire dans le concret et le réel.

Monsieur le Président, mes chers collègues, s'il peut y avoir un destin pour les peuples, il n'existe pas de fatalité. Il n'existe pas de déterminisme qui condamnerait tel ou tel État à l'impuissance. Il n'y a pas de situation hostile qui ne puisse aboutir à un environnement un jour apaisé.

C'est le voeu que je forme aujourd'hui pour Israël, pour votre région et au-delà.

Je souhaite donc des débats féconds au colloque qui réunit la start-up nation et la French Tec h, c'est-à-dire les forces les plus vives - et je voudrais saluer mes compatriotes présents ce matin, engagés dans la recherche et le développement des entreprises. Je ne doute pas que ces échanges seront vivifiants.

Vous êtes ici dans le salon des physiocrates, ces philosophes et savants qui, avec les politiques, ont imaginé la France des Lumières, à travers une révolution dont tous les moments ne furent pas heureux, mais qui bouleversa profondément notre pays. Ils ont également inventé le libéralisme à la française, un peu différent du libéralisme anglo-saxon, avec une dimension humaine.

Je souhaite que ce colloque pose les jalons de nos relations futures. Je témoigne, devant les deux présidents des groupes d'amitié, que celles-ci sont chaleureuses, franches, vivantes, et je souhaite, demain, avec vous, Monsieur le Président, pouvoir leur donner une dimension politique pérenne renforcée, notamment au travers de notre commission des Affaires étrangères.

Même si les temps sont difficiles, même si nous pouvons avoir, sur certains sujets, des points de vue différents, nous appliquons le principe de La Rochefoucauld : « Il n'est nulle difficulté que des hommes et des femmes d'esprit ne puissent transformer en succès. »

Bienvenue au Sénat !

M. Yuli-Yoel EDELSTEIN,

Président de la Knesset

Monsieur le Président du Sénat,

Madame l'Ambassadrice,

Mesdames, Messieurs,

Merci de votre accueil.

En mon nom et au nom du Parlement israélien, la Knesset, je tiens à vous remercier pour votre chaleureuse hospitalité. Israël et la France partagent des liens profonds depuis de nombreuses années.

Nous avons encore beaucoup à apprendre les uns des autres. Je suis sûr qu'ensemble, nous pouvons faire des grandes choses.

La suite de mon propos sera en hébreu...

C'est il y a près de mille ans que l'un des plus grands sages juifs de tous les temps, le rabbin Shlomo Itzhak - ou, comme l'appellent aujourd'hui tous les enfants juifs, Rachi - vit le jour en France.

Rachi avait entrepris une tâche énorme : expliquer la Bible chapitre après chapitre, verset après verset, mot après mot.

Son Commentaire, rédigé à Troyes, à moins de deux heures de Paris, figure parmi les contributions les plus importantes et les plus originales qui aient été écrites sur le sujet.

Ce Commentaire est l'expression de l'esprit d'innovation du peuple juif, qui remonte à des temps immémoriaux. Il est le fruit de la vieille coopération entre notre peuple et le peuple français.

Je suis ici en tant que représentant de l'État d'Israël, qui célèbre aujourd'hui ses 70 ans d'indépendance, ainsi que l'a rappelé le Président du Sénat.

C'est le même esprit d'innovation qui souffle dans les anciennes ruelles de Jérusalem, notre capital historique.

À l'extérieur des murs de l'une des villes les plus glorieuses du monde, un écosystème florissant unit aujourd'hui les fonds d'investissement et les entreprises technologiques qui, chaque jour, vont de l'avant.

Pour Jérusalem, cette semaine est très spéciale. Dimanche, nous avons célébré les 51 ans de l'unification de la ville sous souveraineté israélienne. Lundi, l'ambassade des États-Unis a été transférée à Jérusalem. C'est un acte dont la signification est sans équivoque. Jérusalem, et elle seule, est la capitale éternelle de l'État d'Israël et du peuple juif.

Selon une phrase célèbre, Jérusalem n'est jamais saturée. Il y a toujours de la place pour ceux qui veulent s'y installer. Le drapeau français peut tenir fermement sa place aux côtés du drapeau américain. Ce sera un honneur pour Israël et pour notre amitié. Jérusalem vous attend !

Si notre État joue le rôle d'une locomotive mondiale dans le secteur de l'innovation, celle-ci modifie le quotidien de tous les citoyens du monde.

Si vous avez déjà utilisé une clé USB, irrigué vos champs au goutte-à-goutte, installé une caméra de sécurité pour protéger votre entreprise, vous avez sans doute une technologie israélienne.

Je me dois de souligner que nous n'avons pas accompli cela tout seuls. Vous l'avez rappelé, Monsieur le Président, comme avec Rachi au cours du précédent millénaire, le partenariat entre Israël et France a toujours été d'une grande importance pour nos deux pays.

Pendant des siècles, les juifs ont apporté leur contribution à la République française, qui fut la première au monde à leur accorder la pleine égalité des droits. Aujourd'hui, les milliers de juifs français qui ont immigré en Israël ces dernières années font partie intégrante de l'histoire israélienne, de la culture israélienne, contribuant même à l'innovation israélienne et à la coopération économique entre nos deux pays.

De plus en plus d'entreprises israéliennes commencent à s'intéresser au marché français, et de plus en plus d'entreprises françaises considèrent Israël comme un véritable allié.

Les Journées de l'innovation organisées conjointement par nos deux États, il y a deux ans, auxquelles 300 entreprises de haute technologique ont participé, ont connu un succès retentissant. Je suis sûr que les résultats de la prochaine saison, que nous sommes sur le point d'inaugurer avec les Présidents Macron et Netanyahou, seront encore meilleurs.

Chères collègues sénatrices, chers collègues sénateurs, nous vivons dans un monde où l'audace et l'innovation constituent des paris gagnants. L'histoire juive et l'histoire de France en sont pleines d'exemples. Ce sont les composants de base de notre ADN national !

J'espère que nous continuerons à développer et à créer ensemble dans le futur, comme cela a été le cas depuis un millier d'années.

Vive l'État d'Israël et vive la France !



* ( 1 ) Membres du groupe interparlementaire d'amitié France-Israël : M. Philippe DALLIER, Président, M. Jean-Pierre BANSARD, Vice-président, Mme Esther BENBASSA, Vice-président, M. Christophe-André FRASSA, Vice-président, M. Roger KAROUTCHI, Vice-président, M. Bernard LALANDE, Vice-président, M. Olivier LÉONHARDT, Vice-président, M. Hervé MARSEILLE, Vice-président, M. Hervé MAUREY, Vice-président, M. André REICHARDT, Vice-président, Mme Patricia SCHILLINGER, Vice-président, M. Simon SUTOUR, Vice-président, M. Michel AMIEL, M. David ASSOULINE, M. Jean-Marie BOCKEL, M. Max BRISSON, M. Olivier CADIC, M. Vincent DELAHAYE, Mme Catherine DEROCHE, M. Gilbert-Luc DEVINAZ, Mme Frédérique ESPAGNAC, M. Rémi FÉRAUD, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, M. Bruno GILLES, Mme Nathalie GOULET, M. Jean-Pierre GRAND, M. François GROSDIDIER, M. Jacques GROSPERRIN, M. Loïc HERVÉ, M. Alain HOUPERT, M. Xavier IACOVELLI, Mme Sophie JOISSAINS, M. Patrick KANNER, Mme Claudine KAUFFMANN, M. Laurent LAFON, Mme Élisabeth LAMURE, Mme Christine LAVARDE, M. Ronan LE GLEUT, M. Jean-Yves LECONTE, M. Pierre MÉDEVIELLE, Mme Brigitte MICOULEAU, Mme Catherine MORIN-DESAILLY, M. Olivier PACCAUD, M. François PATRIAT, M. Claude RAYNAL, Mme Évelyne RENAUD-GARABEDIAN, M. Jean-Claude REQUIER, M. Michel SAVIN, M. Jean-Pierre SUEUR, M. Rachid TEMAL et M. Jean-Pierre VIAL

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N° GA 149 - Juin 2018

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