SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (mars 2004)

ESPAGNE

Le titre VIII du livre II du code pénal, consacré aux « délits contre la liberté et l'intégrité sexuelles », est subdivisé en plusieurs chapitres, parmi lesquels le premier, « Des agressions sexuelles », et le deuxième, « Des abus sexuels », distinguent les infractions sexuelles selon qu'elles supposent ou non l'emploi de la violence ou de l'intimidation. Ces deux chapitres contiennent les dispositions applicables à toutes les infractions sexuelles, indépendamment de l'âge de la victime.

De façon générale, l'âge est considéré comme une « cause de vulnérabilité particulière », qui justifie une aggravation de la peine, et non comme un élément constitutif de l'infraction. Cependant, les infractions commises sur des enfants de moins de treize ans sont toujours punies plus sévèrement, car le code pénal présume alors l'absence de consentement .

La loi organique n° 11 du 30 avril 1999 a modifié les dispositions du code pénal de 1995 relatives aux infractions sexuelles commises sur les mineurs. Certaines de ses dispositions ont elles-mêmes été modifiées par la loi organique n° 15 du 25 novembre 2003, qui réforme le code pénal, mais qui n'entrera en vigueur que le 1 er octobre 2004.

1) Le viol

Le code pénal fait de l'acte de pénétration sexuelle non consenti, quel qu'il soit et quel que soit le moyen utilisé pour le réaliser, ainsi que de la fellation, une infraction punie plus sévèrement que les autres. De plus, il établit une distinction selon qu'il a été réalisé par le recours à la violence ou à l'intimidation, ou par l'emploi d'un autre moyen de contrainte.

a) Avec recours à la violence ou à l'intimidation

De façon générale (et donc indépendamment de l'âge de la victime), le viol avec recours à la violence ou à l'intimidation est sanctionné par une peine de prison de six à douze ans.

Toutefois, l'âge de la victime constitue une « cause de vulnérabilité particulière » qui justifie une aggravation de la peine : la durée de l'emprisonnement est alors portée de douze à quinze ans. Cette formulation générale et l'absence d'indication précise d'âge permettent au juge une appréciation cas par cas. Cependant, si la victime est âgée de moins de treize ans , la peine de prison est nécessairement comprise entre douze et quinze ans.

Par ailleurs, la durée de l'emprisonnement, qu'elle soit comprise entre six et douze ans ou entre douze et quinze ans, doit se situer dans la moitié supérieure de l'intervalle en présence de l'une des circonstances aggravantes suivantes :

- la violence revêt un caractère particulièrement dégradant ou vexatoire ;

- les faits ont été commis par deux personnes ou plus, agissant en groupe ;

- des moyens particulièrement dangereux, c'est-à-dire susceptibles d'entraîner le décès ou une lésion très grave (perte d'un organe, d'un sens...), ont été utilisés.

b) Par l'emploi d'un moyen autre que la violence ou l'intimidation

Le viol est alors puni d'une peine de prison comprise entre quatre et dix ans.

Lorsque la victime a moins de treize ans , la durée de la peine de prison est nécessairement comprise dans la moitié supérieure de cet intervalle.

Il en va de même lorsque la victime est plus âgée, mais que son jeune âge est considéré comme un motif de « vulnérabilité particulière ».

Lorsque la victime a plus de treize ans et moins de seize ans, le viol est puni d'une peine de prison comprise entre deux et six ans lorsqu'il a été réalisé par « tromperie ». Le cas de « tromperie » le plus fréquent est la promesse de mariage. La promesse d'argent ou le fait de cacher son véritable état civil peuvent également constituer une « tromperie ».

2) Les autres infractions sexuelles

a) Les agressions sexuelles

Leur réalisation suppose l'emploi de la violence ou de l'intimidation . En règle générale, elles sont sanctionnées par une peine de prison comprise entre un et quatre ans.

L'âge de la victime constitue une « cause de vulnérabilité particulière » qui justifie une aggravation de la peine : la durée de l'emprisonnement est alors portée de quatre à dix ans.

Les règles relatives aux autres circonstances aggravantes, énumérées pour le viol, s'appliquent également pour les autres agressions sexuelles.

b) Les autres infractions sexuelles

En règle générale, les atteintes sexuelles d'autrui, c'est-à-dire les infractions commises sans recours à la violence ou à l'intimidation, sont sanctionnées par une peine de prison comprise entre un et trois ans, ou par une amende de dix-huit à vingt-quatre mois (5 ( * )) .

Toutefois, si la victime a moins de treize ans , la sanction doit se situer dans la moitié supérieure de l'intervalle, car, dans ce cas, il y a présomption irréfragable d'absence de consentement . La sanction doit également se situer dans la moitié supérieure de l'intervalle lorsque la victime est plus âgée, mais que son jeune âge est considéré comme une cause de « vulnérabilité particulière ».

3) Les dispositions communes à toutes les infractions

a) Les peines complémentaires

Depuis la réforme de 1999 , le juge peut assortir la peine d'une mesure d'interdiction : il peut empêcher l'auteur de l'infraction de s'approcher ou d'entrer en contact avec la victime ou avec sa famille, d'aller sur le lieu de l'infraction, ou de se rendre au domicile de la victime ou de sa famille.

Une telle décision peut être prise pour une durée qui ne peut pas dépasser cinq années .

À partir du 1 er octobre 2004, en application de la loi organique n° 15 du 25 novembre 2003, de telles interdictions pourront être décidées pour une durée de dix ans. Les nouvelles dispositions prévoient en effet une durée maximale de cinq ou de dix ans selon la gravité de l'infraction. Elles précisent que, lorsque le coupable est condamné à une peine de prison, la durée des interdictions s'ajoute à celle de l'emprisonnement.

b) Le point de départ du délai de prescription

Le délai de prescription ne commence à courir que le jour où la victime atteint l'âge de dix-huit ans . Cette disposition a été introduite par la réforme de 1999 . Auparavant, le délai de prescription commençait à courir, selon la règle de droit commun, à la date de l'infraction.

c) Le déclenchement de la procédure pénale

Alors que la poursuite des infractions sexuelles requiert soit une dénonciation de la victime (ou de son représentant légal) soit une plainte (6 ( * )) du ministère public, lorsque la victime est un mineur, une dénonciation du ministère public suffit.

d) Le fichier des délinquants sexuels

Il n'existe pas de dispositions particulières au fichage des délinquants sexuels , mais ceux-ci sont concernés par les règles applicables aux fichiers des prélèvements d'ADN effectués sur certaines personnes.

La première disposition finale de la loi organique n° 15 du 25 novembre 2003 modifie le code de procédure pénale. À la différence de la loi elle-même, elle est entrée en vigueur à la fin du mois de novembre 2003 . Cette disposition donne un fondement juridique aux pratiques adoptées depuis plusieurs années.

En effet, malgré l'absence de législation ad hoc , la police et la garde civile avaient, aux fins d'investigation, créé aux cours des années 90 des fichiers ADN comportant, d'une part, les traces relevées sur le lieu des infractions et, d'autre part, les échantillons prélevés sur certaines personnes mises en cause. Les règles en vigueur exigeaient le consentement des intéressés. Plus de 10 000 profils ADN seraient actuellement enregistrés dans ces fichiers.

Cette situation était considérée comme insatisfaisante, et l'élaboration d'une loi sur les fichiers ADN était envisagée depuis plusieurs années. À la fin des années 90, un avant-projet de loi avait été préparé. Il prévoyait l'obligation, pour les personnes mises en cause dans une procédure pénale ou simplement soupçonnées, de se soumettre aux prélèvements préalablement autorisés par le juge.

Pour le moment, l'idée de légiférer spécifiquement sur les fichiers ADN a été abandonnée. Cependant, la première disposition finale de la récente loi organique portant réforme du code pénal, qui modifie le code de procédure pénale, comble le vide juridique antérieur. Les modifications apportées aux articles 326 et 363 permettent en effet au juge d'instruction d'autoriser, d'une part, le relevé de traces « dont l'analyse biologique pourrait contribuer à l'éclaircissement » du fait sur lequel une enquête est menée et, d'autre part, les prélèvements biologiques indispensables à la détermination du profil ADN des suspects.

De plus, la même disposition modifie la troisième disposition additionnelle du code de procédure pénale et précise que le gouvernement doit adopter un décret définissant la composition et le mode de fonctionnement de la Commission nationale pour l'utilisation de l'ADN à des fins juridiques .

Cette commission sera notamment chargée de la détermination des conditions de conservation des traces d'ADN et de l'accréditation des laboratoires d'analyse.

* (5) Dans le code pénal de 1995, les amendes sont, sauf exception, exprimées en nombre de montants journaliers. Le montant journalier applicable à chaque cas est fixé en fonction des ressources du condamné.

* (6) En règle générale, le déclenchement de la procédure pénale est consécutif à une dénonciation ou à une plainte. La dénonciation est une simple information communiquée par une personne qui a connaissance d'une infraction à la police, au ministère public ou au juge, alors que la plainte relève d'une procédure formelle, le plaignant manifestant de surcroît son intention d'être partie à la procédure.

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