SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (octobre 2004)

SUÈDE

Le principe du « casseur-payeur », introduit dès 1942, est rappelé à l'article premier de la loi de 1988 sur le patrimoine historique : « Celui qui projette ou qui exécute des travaux doit veiller, dans toute la mesure du possible, à éviter ou à limiter les dommages causés au patrimoine culturel. »

Le chapitre 2 de la loi est consacré aux sites et aux vestiges archéologiques, qui sont automatiquement protégés indépendamment de toute procédure de classement . La loi interdit par conséquent toute opération susceptible de porter atteinte au patrimoine archéologique et oblige les personnes qui projettent des travaux affectant le sous-sol à se renseigner sur l'existence de vestiges et, le cas échéant, à faire exécuter avant toute chose des études ou des fouilles de diagnostic.

Le système vise donc à limiter les découvertes fortuites, et, par voie de conséquence, les fouilles de sauvetage. Lorsque de telles découvertes se produisent cependant, les travaux sont interrompus et des fouilles approfondies peuvent être ordonnées. La charge de ces dernières pèse sur l'aménageur, à moins que le chantier n'ait mis à jour des vestiges insoupçonnés alors que l'aménageur s'était renseigné convenablement.

1) Les acteurs institutionnels de l'archéologie préventive

Les préfectures et la Direction nationale du patrimoine , qui dépend du ministère de la culture, jouent un rôle essentiel. La loi de 1988 leur confie le soin de veiller à la sauvegarde du patrimoine historique : aux premières dans leur département respectif et à la seconde sur l'ensemble du territoire.

a) Les préfectures

Responsables de la protection du patrimoine culturel dans leur département, les services archéologiques des préfectures (7 ( * )) traitent donc toutes les questions relatives aux recherches archéologiques : ils délivrent les autorisations de fouilles et peuvent imposer des recherches archéologiques non seulement en cas de découverte fortuite, mais aussi lorsque des travaux susceptibles d'affecter des vestiges enfouis sont envisagés.

Ces services disposent d'une large autonomie. Toutefois, lorsque la décision envisagée revêt une « certaine importance », la Direction nationale du patrimoine doit être consultée.

b) La Direction nationale du patrimoine

En matière archéologique, la Direction nationale du patrimoine a un rôle double : elle exerce des prérogatives de puissance publique, tout en étant opérateur de fouilles.

La Direction nationale du patrimoine est responsable de l'exécution de la loi de 1988 au niveau national. En tant que telle, elle donne des instructions aux services archéologiques des préfectures, reçoit copie de toutes les décisions que ces derniers prennent en application de la loi de 1988 et peut faire appel de ces décisions. De même, elle doit contrôler la qualité ainsi que le coût des fouilles, et veiller à ce que tous les travaux fassent l'objet de publications. La mise à jour de la carte archéologique nationale fait également partie de ses fonctions.

Par ailleurs, la Direction nationale du patrimoine dispose d'un département spécialisé dans les fouilles archéologiques (UV : uppdragsverksamheten , c'est-à-dire l'activité de commande). Ce département constitue le prestataire de fouilles archéologiques le plus important du pays. Dans le cadre de la réflexion générale menée sur les activités marchandes des autorités publiques, UV devrait être prochainement séparé de la Direction nationale du patrimoine.

c) Les autorités compétentes pour l'aménagement de l'espace

Elles ont l'obligation de tenir compte des servitudes archéologiques pour élaborer les documents d'urbanisme.

2) La prescription et l'exécution des opérations d'archéologie préventive

a) Les prescriptions

Les prescriptions relèvent de la compétence des services archéologiques des préfectures.

La plupart des prescriptions sont données avant le début des travaux. Les prescriptions peuvent toutefois être consécutives à des découvertes fortuites.


Les consultations préalables

L'article 10 du deuxième chapitre de la loi de 1988 énonce en effet : « Celui qui projette d'effectuer une opération de construction ou d'aménagement, ou de réaliser d'autres travaux, doit se renseigner en temps utile sur l'existence de vestiges archéologiques susceptibles d'être touchés par les travaux et, en pareil cas, s'en entretenir dans les meilleurs délais avec la préfecture. »

Cette formalité se traduit généralement par la consultation de la documentation disponible (inventaire archéologique, cartes ou documents d'archives). Celle-ci est relativement importante, parce que le patrimoine historique suédois est recensé depuis le XVII e siècle et que le pays est doté d'une carte archéologique, actualisée à partir de campagnes de prospection systématique.

Cependant, pour les projets d'assez grande ampleur , une étude approfondie peut être imposée, conformément à l'article 11 du deuxième chapitre de la loi qui énonce : « Si un examen particulier est nécessaire pour savoir si des vestiges archéologiques sont concernés par un projet de travaux qui impliquent l'exploitation d'un terrain d'une certaine superficie, les coûts de cet examen sont à la charge de l'entrepreneur . » L'alinéa suivant précise que la construction de routes, publiques ou privées, de voies ferrées, d'aérodromes, ainsi que l'édification de bâtiments résidentiels, industriels ou commerciaux de grande taille constituent des exemples de tels travaux.

C'est le service archéologique du département qui décide de la nécessité d'une étude approfondie. Dans sa décision, il désigne également le prestataire de l'étude. La loi lui impose de veiller à ce que la prestation soit de « bonne qualité scientifique » et soit réalisée à un coût en rapport avec l'intérêt des vestiges et avec les circonstances. De plus, elle précise que, pour le choix du prestataire, le droit commun des marchés publics ne s'applique pas .

Lorsque l'étude approfondie révèle l'existence de vestiges, l'article 12, relatif à la nécessaire autorisation de la préfecture pour toute modification (déplacement, prélèvement...) apportée à un monument historique , s'applique. La préfecture ne peut donner son autorisation que si les vestiges constituent un « obstacle ou un inconvénient démesuré au regard de leur importance », c'est-à-dire si le site ne présente qu'un intérêt mineur. En revanche, si le site revêt un intérêt particulier, aucune autorisation ne peut être donnée. Par ailleurs, lorsque, d'après l'étude approfondie, le terrain ne recèle pas de vestiges, aucune autorisation des services archéologiques n'est requise.

L'article 13 précise que la préfecture peut subordonner l'octroi de son autorisation d'intervenir sur un site soit à des mesures visant la préservation de ce dernier soit à une « étude particulière », parfois qualifiée d'« étude finale ». Une telle étude, qui précède généralement la destruction du site avant que les travaux ne commencent, est destinée à constituer une documentation sur le site concerné et à préserver les vestiges. Dans la mesure du possible, le coût de ces diverses mesures doit figurer dans la décision de la préfecture.

Avant d'examiner une demande d'autorisation dans le cadre de l'article 12, la préfecture peut ordonner une « étude archéologique préliminaire » si celle-ci paraît nécessaire pour fonder sa décision ou pour apprécier la nécessité d'une « étude particulière ». L'« étude archéologique préliminaire » consiste le plus souvent en sondages et relevés. Elle est beaucoup moins poussée que l' « étude approfondie ».

Comme pour l'étude approfondie prévue à l'article 11, la décision préfectorale désigne le prestataire de l'« étude particulière » ou de l'« étude archéologique préliminaire ». Elle fait son choix dans les mêmes conditions (qualité et prix de la prestation, et non-application du droit des marchés publics).


Les découvertes fortuites

En cas de découverte fortuite, les travaux doivent être interrompus immédiatement et la personne qui dirige le chantier doit prévenir les services archéologiques de la préfecture. Le droit d'accès que la loi de 1988 donne à la Direction nationale du patrimoine et aux préfectures facilite l'application de cette disposition.

La reprise du chantier est subordonnée à l'accord de la préfecture . Elle dépend de l'importance des découvertes. Les articles 12 et 13 du deuxième chapitre de la loi de 1988, présentés plus haut, s'appliquent.

Les services archéologiques des préfectures peuvent donc ordonner trois catégories de recherches :

- des études approfondies , qui permettent de déterminer l'existence d'un risque archéologique lorsque des travaux d'assez grande ampleur sont envisagés et que la documentation disponible n'est pas suffisante ;

- des études particulières préalables à la destruction d'un site mineur et destinées à rassembler une documentation sur celui-ci et à en préserver les vestiges ;

- des études archéologiques préliminaires , moins fouillées que les études approfondies et consistant souvent en sondages et en relevés. Les études archéologiques préliminaires peuvent fonder une décision préfectorale relative à un site ou justifier une demande d'étude particulière.

Depuis 1996, on estime que les préfectures ont pris chaque année entre 1 500 et 2 000 décisions de prescription.

b) Les diagnostics et les fouilles

Les autorisations de fouilles sont données par les services archéologiques des préfectures. La loi ne précise pas qui peut détenir de telles autorisations. Elle n'exclut donc pas que des prestataires privés soient autorisés à faire des fouilles.

Jusqu'au début des années 90, la plupart des autorisations ont été accordées à des opérateurs publics : aux services archéologiques des musées régionaux, dont la plupart ont le statut de fondation, et surtout à UV.

Actuellement, on dénombre une quarantaine d'opérateurs : outre les traditionnels prestataires publics, plusieurs universités et quelques entreprises privées spécialisées (Arkeologiconsult, Arkeobild, Arkeologicentrum...) sont actives sur le marché des fouilles. Il semble que la part de marché des entreprises privées soit très faible et se soit réduite au cours des dernières années.

3) Le financement de l'archéologie préventive

Le principe selon lequel l'aménageur finance les recherches archéologiques suscitées par ses projets souffre quatre exceptions :

- les vestiges n'étaient pas connus au début des travaux ;

- le coût de l'étude particulière excède largement les indications données par les services préfectoraux ;

- l'étude archéologique préliminaire montre que le site est important, de sorte qu'aucune autorisation ne peut être donnée ;

- les travaux envisagés n'ont pas de conséquences pour les vestiges archéologiques.

La plupart des opérations d'archéologie préventive sont financées par la Direction nationale des routes et par celle des chemins de fer, à l'origine de la majorité des grands chantiers. À titre d'exemple, les opérations d'archéologie préventive ont représenté 7 % des coûts des travaux liés à la modernisation de la liaison ferroviaire entre Göteborg et Malmö. Dans la région de Stockholm, ces opérations peuvent représenter le quart du coût des travaux routiers.

Dans certains cas, précisés par un règlement de 1993, des subventions peuvent être obtenues : il en va ainsi lorsque les recherches archéologiques sont suscitées par des travaux se déroulant dans des centres historiques densément peuplés ou que l'importance du besoin de logements exclut tout déplacement du chantier.

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Au cours de l'année 2002, l'office parlementaire d'évaluation des politiques publiques a analysé l'organisation de l'archéologie préventive. Il a souligné le conflit d'intérêts résultant de l'appartenance de l'opérateur UV à la Direction nationale du patrimoine et constaté les réticences de cette dernière ainsi que des préfectures à l'égard des opérateurs privés. Il a donc proposé d'autonomiser UV, de supprimer la disposition selon laquelle le choix des opérateurs de fouilles par les préfectures échappe au droit commun des marchés publics, de donner à la Direction nationale du patrimoine compétence pour agréer des archéologues, de permettre aux aménageurs de contracter directement avec les opérateurs de fouilles et d'accroître le rôle des services archéologiques des universités.

À la suite de ces travaux, le ministère de la culture a désigné, au début de l'année 2004, un groupe de travail chargé de proposer des réformes.

* (7) La Suède est divisée en 23 län (départements), qui constituent à la fois des collectivités territoriales et des circonscriptions administratives de l'administration nationale.

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