Service des Etudes juridiques (Septembre 2008)

NOTE DE SYNTHESE

En France, le don de gamètes est anonyme, au même titre que le don de tout élément ou produit du corps humain . Ce principe, consacré à la fois par le code civil et par le code de la santé publique, résulte de la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain ainsi que de la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.

Seule, la « nécessité thérapeutique » peut justifier des dérogations au principe de l'anonymat. Par conséquent, les enfants nés grâce à un don de sperme ou d'ovocytes ignorent leurs origines génétiques.

Débattue en 1994 lors de l'adoption des premières lois de bioéthique, puis en 2004 lors de leur révision, la question de l'anonymat du don de gamètes a fait l'objet d'une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale le 28 juin 2006. Cette proposition, qui n'a pas été examinée, tendait à instaurer un double régime de don, qui aurait permis aux donneurs d'autoriser la levée de l'anonymat. Quant aux couples bénéficiaires, ils auraient eu le choix entre un donneur anonyme et un donneur identifié, offrant ainsi à leurs enfants la possibilité de connaître l'identité du donneur.

La question de l'anonymat du don de gamètes est à nouveau soulevée alors que le réexamen de la loi n° 2004-800 du 6 août 2008 relative à la bioéthique est annoncé pour 2009. Elle conduit à s'interroger sur les dispositions adoptées par d'autres pays européens.

Huit pays, l'Allemagne, le Danemark, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse, ont été retenus, car ils considèrent de façon fort différente les droits respectifs des donneurs et des enfants conçus grâce aux dons de gamètes.

Pour les pays qui respectent l'anonymat du donneur, deux points sont présentés : le principe de l'anonymat et ses limites. Pour ceux qui l'ont abandonné, trois questions sont développées : le fondement du droit à la connaissance des origines génétiques, la communication des informations sur les donneurs et les conséquences en matière de filiation.

S'agissant de l'Allemagne et de la Suisse, la question concerne seulement le don de sperme, car ces deux pays interdisent le don d'ovocytes. Quant à l'Italie, elle interdit tout don de gamètes. En revanche, les autres pays étudiés autorisent le don de sperme et le don d'ovocytes.

Dans la suite du texte, le mot « mari » est utilisé non seulement pour désigner l'époux, mais également tout homme qui cohabite de façon durable avec la mère, indépendamment du statut juridique du couple.

L'analyse des dispositions étrangères fait apparaître que :

- la question de l'anonymat ne se pose pas en Italie, puisque le don de gamètes y est interdit ;

- le principe de l'anonymat du don de gamètes a été réaffirmé au Danemark et en Espagne en 2006 à l'occasion de la révision des lois qui régissent l'assistance médicale à la procréation ;

- en Allemagne, l'affirmation du droit à la connaissance des origines génétiques par la Cour constitutionnelle fédérale empêche les donneurs de rester anonymes ;

- les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse ont abandonné le principe de l'anonymat et organisé la transmission d'informations sur les donneurs de gamètes, notamment d'informations portant sur l'identité.

1) La question de l'anonymat ne se pose pas en Italie, puisque le don de gamètes y est interdit

La loi italienne de 2004 interdit le don de gamètes, tout en prévoyant le cas des naissances résultant de tels dons : elle nie l'existence de quelque lien que ce soit entre le donneur et l'enfant.

2) Les textes danois et espagnols affirment le principe de l'anonymat des dons de gamètes

Les lois danoise et espagnole qui régissent l'assistance médicale à la procréation ont été révisées en 2006. À cette occasion, le principe de l'anonymat des dons a été réaffirmé .

Cependant, la loi espagnole permet aux enfants conçus par assistance médicale à la procréation d'obtenir, à partir de l'âge de la majorité, des renseignements généraux sur les donneurs (taille, poids, appartenance ethnique, profession, etc.), mais pas l'identité de ceux-ci.

Au Danemark, la levée de l'anonymat des donneurs de gamètes est régulièrement évoquée . La majorité des membres du comité national d'éthique s'est exprimée pour cette levée avant la révision de la loi. Par ailleurs, comme celle-ci ne s'applique qu'aux actes réalisés par des médecins ou sous la responsabilité de médecins, le principe de l'anonymat des dons ne concerne pas les autres professionnels, en particulier les sages femmes qui pratiquent des inséminations artificielles.

3) En Allemagne, l'affirmation du droit à la connaissance des origines génétiques par la Cour constitutionnelle fédérale empêche les donneurs de rester anonymes

Aucun texte ne régit la question de l'anonymat du donneur, mais la Cour constitutionnelle fédérale accorde depuis 1989 à toute personne le droit de connaître ses origines. Or, ce droit est incompatible avec l'anonymat du donneur.

Cependant, la loi ne règle pas les conséquences entraînées par l'affirmation du caractère constitutionnel du droit à la connaissance de ses origines génétiques : elle n'organise pas la communication d'informations sur les donneurs et n'empêche pas que l'identification de ceux-ci ait des conséquences en matière de filiation.

L'accès aux informations sur les donneurs n'est pas organisé, mais il est possible : il faut que l'intéressé s'adresse au prestataire qui a réalisé le traitement contre la stérilité grâce auquel il a été conçu. Par ailleurs, l'enfant conçu par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peut contester la paternité du mari de sa mère, même si ce dernier a donné son consentement au don de sperme. Après que la filiation a été contestée avec succès, rien n'empêche que le juge établisse la paternité du donneur.

4) Les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse ont abandonné le principe de l'anonymat du don et organisé la transmission d'informations sur les donneurs de gamètes, notamment d'informations portant sur l'identité

La Suède l'a fait dès 1984 , en légiférant sur l'insémination artificielle. La loi est entrée en vigueur le 1 er mars 1985. Le même droit à la connaissance des origines génétiques a été octroyé aux enfants nés grâce à un don d'ovocytes, après que celui-ci eut été légalisé le 1 er janvier 2003.

En Suisse , le principe selon lequel « toute personne a accès aux données relatives à son ascendance » a été inscrit en 1992 dans la constitution fédérale , avant d'être développé par la loi fédérale de 1998 sur la procréation médicalement assistée, qui est applicable depuis le 1 er janvier 2001.

En adoptant en 2002 une loi sur les informations relatives aux donneurs de gamètes, les Pays-Bas ont abandonné le double régime du don de gamètes, qui permettait aux donneurs le souhaitant de garder l'anonymat. Cette loi concerne les dons postérieurs au 1 er juin 2004 .

Le Parlement britannique a approuvé en 2004 de nouvelles dispositions sur la divulgation des informations portant sur les donneurs de gamètes : la liste des éléments communicables aux enfants nés grâce à un don a été allongée. Pour les dons postérieurs au 1 er avril 2005 , les intéressés auront notamment accès au nom, aux prénoms et à la date de naissance des donneurs. En outre, les donneurs enregistrés avant cette date ont la faculté d'opter pour le nouveau régime et de lever l'anonymat.

Dans ces quatre pays, les enfants conçus par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur ont donc la possibilité de connaître l'identité de ce dernier : dès l'âge de seize ans aux Pays-Bas et en principe lorsqu'ils atteignent l' âge de la majorité dans les autres pays . Compte tenu de leur caractère récent, la plupart des dispositions sur la communication de l'identité des donneurs ne sont pas encore applicables.

Il convient de souligner que le droit reconnu aux enfants conçus par assistance médicale à la procréation n'est pas absolu aux Pays-Bas , car la communication des informations relatives à l'identité est subordonnée à l'accord du donneur. Toutefois, l'intérêt de l'enfant est considéré comme prioritaire, de sorte que le refus du donneur n'est pris en compte que si ce dernier avance des raisons déterminantes.

Dans aucun de ces quatre pays, la levée de l'anonymat n'a de conséquences pour la filiation , car des dispositions explicites précisent que celle-ci s'établit conformément aux règles de droit commun et que le mari de la mère ne peut contester sa paternité lorsqu'il a donné son consentement au don de sperme.

L'examen des dispositions étrangères fait apparaître une tendance à donner la priorité au droit des enfants à la connaissance de leurs origines génétiques et donc à lever l'anonymat des donneurs.

À l'exception de l'Allemagne, les pays qui donnent aux enfants conçus grâce à un don de gamètes le droit de connaître l'identité des donneurs ont éliminé tout risque juridique pour ces derniers en adoptant des dispositions explicites sur la filiation.

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