Service des études juridiques (Mai 2010)

PORTUGAL

L'action de groupe est, au Portugal, une des modalités de l'action populaire, laquelle est un droit constitutionnellement garanti.

Cette action, dont une loi de 1995 a précisé le régime, permet à une personne de représenter tous les titulaires d'un même droit, hormis ceux qui, avertis par les mesures prises par le juge pour assurer la publicité de la demande, ont exercé leur droit d' « auto-exclusion » de la procédure.

Il revient ensuite au juge de fixer le montant des indemnisations. Sa décision s'applique à toutes les personnes titulaires du même droit que le demandeur, à l'exception de celles qui ont refusé que celui-ci les représente.

L'article 52-3 de la constitution portugaise prévoit que « toute personne dispose, personnellement ou par l'intermédiaire des associations de défense des intérêts en cause, du droit à l'action populaire dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle a prescrites, y compris du droit de demander des dommages et intérêts pour celui ou ceux qui ont subi un préjudice, notamment aux fins de prévenir, faire cesser ou poursuivre devant les tribunaux les infractions contre la santé publique, les droits des consommateurs , la qualité de la vie, la protection de l'environnement et du patrimoine culturel ».

Parmi les textes qui régissent, à un titre ou à un autre, actuellement des droits d'action collectifs susceptibles d'être exercés au Portugal on s'intéressera à :

- la loi 83/95 du 31 août 1995 sur le droit de participation procédural et d'action populaire qui institue un régime général qui dépasse le champ du seul droit de la consommation ;

- et à la loi 24/96 du 31 juillet 1996 modifiée, sur la défense du consommateur qui établit un régime spécifique à son objet.

Ces deux textes instituent en effet des régimes dont certains des traits s'apparentent à l'action de groupe.

I. LE RÉGIME DE L'ACTION POPULAIRE INSTITUÉ EN 1995

La loi 83/95, aux dispositions de laquelle on a peu recouru, a pour double objet de :

- définir, d'une part, les cas dans lesquels est mis en oeuvre le droit de participation populaire à la procédure administrative ;

- fixer, d'autre part, les conditions de recours à l' action populaire ( acção popular ) pour la prévention, la cessation ou la poursuite des infractions visées par l'article 52-3 précité de la constitution.

Elle prévoit expressément la protection , dans ce cadre, de « la santé publique, l'environnement, la qualité de la vie, la consommation de biens et de services , le patrimoine culturel et le domaine public » (art. 1).

On insistera, ci-après, sur les dispositions de la loi qui instituent une action populaire administrative et une action populaire civile

1. Le champ d'application de la procédure

L' action populaire administrative comprend les recours formés :

- pour la défense des intérêts visés à l'article premier précité de la loi 83/95 ;

- pour contester la légalité de tout acte administratif qui porterait atteinte aux mêmes intérêts.

L' action populaire civile peut revêtir toutes les formes prévues par le code de procédure civile (art. 12-2).

2. La demande et sa recevabilité

Le juge doit rejeter la demande quand il constate qu'il existe un doute manifeste sur la possibilité d'obtenir gain de cause 3 ( * ) après avoir entendu le ministère public ou effectué les vérifications appropriées (art. 13).

Le juge peut conférer un effet suspensif au recours qui lui est soumis pour éviter que ne survienne un dommage irréparable ou difficilement réparable (art. 18).

La loi prévoit que l'auteur de la demande représente l'ensemble des autres titulaires du même droit, tout en offrant à ceux-ci la possibilité de refuser, par avance, les effets de la décision finale (procédure dite d' opting out ou d'« auto-exclusion »).

• L'auteur de la demande représente tous les titulaires de droits...

L' auteur de la demande représente de sa propre initiative, étant dispensé de détenir tout mandat ou autorisation expresse par la loi, tous les autres titulaires de droit qui n'ont pas fait jouer leur droit de refuser de participer à la procédure appelé aussi droit d'auto-exclusion ( direito de auto-exclusão ) (art. 13).

• ...hormis ceux qui interviennent dans l'instance et ceux qui ont fait jouer leur droit d'auto-exclusion de la procédure

Si la demande est recevable, le juge informe les titulaires des intérêts en cause par les moyens de communication ou de publication qu'il estime appropriés, sans devoir les identifier personnellement, de l'existence de la procédure.

Les parties qui le souhaitent peuvent intervenir en leur nom propre dans la procédure (art. 15).

Le juge fixe aussi la date avant laquelle les personnes concernées par l'affaire, au même titre que le demandeur, peuvent refuser , par un acte explicite, d' être représentées par l'auteur de la demande initiale . Leur refus a pour effet de leur rendre inopposable le jugement prononcé au terme de la procédure (art. 15).

3. La décision au fond et ses effets

Dans le cadre de la demande formulée par les parties, le juge est responsable de la collecte des preuves (art. 17).

La décision du tribunal précise les modalités de versement de l'indemnisation due par la partie qui succombe à savoir :

- un montant global correspondant à la violation des intérêts ( violação de interesses ) des personnes qui ne sont pas identifiées individuellement ;

- une indemnisation équivalente à celle qui résulterait de l'application du droit civil pour les titulaires de droits individuels nommément identifiés (art. 22).

La décision est publiée aux frais de la partie qui succombe , le cas échéant sous forme d'extraits, dans deux journaux supposés être lus par les parties concernées (art. 19-2).

Le jugement au fond s'applique à toutes les personnes titulaires du même droit que le demandeur, hormis celles qui ont expressément refusé d'être représentées par celui-ci.

En cas de rejet de la demande , l'auteur de celle-ci sera condamné aux dépens fixés par le juge à une somme comprise entre un dixième et la moitié de leur montant ordinaire , en tenant compte de la situation économique du demandeur et du motif, procédural ou tenant au fond de l'affaire, qui a entraîné le rejet de sa demande (art. 20).

Plusieurs textes ont, ces dernières années, élargi la possibilité de recourir à l'action populaire notamment pour :

- l'exercice des droits institués par le code des valeurs mobilières par des associations dont le principal objet statutaire est la protection des investisseurs en instruments financiers, sous réserve qu'elles aient au moins 100 membres et exercent une activité effective depuis au moins un an (code des valeurs mobilières, art. 32) ;

- la protection des biens culturels et du patrimoine culturel (loi n° 107/ 2001 du 8 septembre 2001 établissant les bases de la politique et du régime de protection et de valorisation du patrimoine culturel, art. 9-2).

* 3 « é manifestamente improvável a procedência do pedido ».

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