BELGIQUE

La cour constitutionnelle de Belgique statue a posteriori après avoir été saisie directement de la constitutionnalité d'une norme par des autorités publiques et les personnes intéressées. Elle peut, à ce titre, prononcer l'annulation d'un acte de puissance publique.

Elle peut également être saisie par un particulier, directement ou indirectement, par le biais d'une question préjudicielle, sous réserve d'une procédure de filtrage de ces deux types de recours. Les décisions qu'elle rend n'ont d'effet qu'entre les parties, puisque le juge constitutionnel se limite dans ce cas à écarter l'application de la norme contraire à la constitution. L'annulation de la norme en question peut être demandée ultérieurement.

1. Les recours
a) La saisine en dehors de toute autre action contentieuse

La cour constitutionnelle exerce un contrôle a posteriori . Elle statue sur les recours en annulation, totale ou partielle, d'une loi, d'un décret ou instrument juridique de nature équivalente émanant des organes communautaires ou régionaux concernant la violation :

- des dispositions constitutionnelles relatives à la répartition des compétences entre l'État, les communautés ou les régions ;

- des articles du titre II de la constitution intitulé « Des Belges et de leurs droits » relatifs aux droits fondamentaux des citoyens belges ;

- des articles 170 et 172 de la constitution relatifs respectivement au principe de légalité et au principe d'égalité en matière fiscale ;

- et de l'article 191 du même texte concernant les droits des étrangers se trouvant sur le territoire belge (loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la cour constitutionnelle, art. 1).

Elle peut être saisie par :

- le conseil des ministres et les gouvernements des communautés et des régions ;

- les présidents des assemblées législatives, à la demande des deux-tiers de leurs membres ;

- et toute personne, physique ou morale, publique ou privée, quelle que soit sa nationalité.

b) La saisine à l'occasion d'un autre contentieux

La cour doit aussi être saisie à titre préjudiciel par une juridiction appelée à statuer sur les matières visées au paragraphe précédent relatif au recours en annulation. Cette juridiction est tenue de poser une question préjudicielle au juge constitutionnel 2 ( * ) sous réserve des exceptions décrites ci-après.

Si l'arrêt de celui-ci déclare que la norme considérée est contraire aux règles précitées, le juge auteur de la question préjudicielle ne peut plus en faire application dans son jugement, bien que la norme continue d'exister dans l'ordre juridique.

2. Le cas spécifique de la saisine par les particuliers
a) Recours direct

Les particuliers disposent d'un recours direct en annulation totale ou partielle qui peut être introduit par « toute personne [...] physique justifiant d'un intérêt » (loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la cour constitutionnelle, art. 2).

Selon la jurisprudence constitutionnelle, le requérant justifie d'un tel intérêt s'il existe un lien direct entre disposition attaquée et préjudice allégué et si cette disposition a un effet défavorable sur sa propre situation.

L'intérêt pour agir doit être actuel, légitime et non aléatoire.

Le recours doit être introduit dans un délai de six mois suivant la publication du texte contesté et dans un délai de soixante jours s'il s'agit d'un texte autorisant la ratification d'un traité.

Il existe une procédure de filtrage des recours individuels appelée procédure préliminaire au cours de laquelle les rapporteurs examinent « s'il apparaît ou non, au vu de la requête [...], que le recours est manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, que la Cour [...] n'est manifestement pas compétente pour en connaître ou qu'il semble que l'on peut mettre fin à l'affaire par une réponse immédiate ». Les conclusions des rapporteurs sont notifiées aux parties qui ont quinze jours pour produire un mémoire justificatif.

À l'issue de la procédure, la cour constitutionnelle peut prononcer :

- un arrêt de « réponse immédiate » si le recours n'est pas fondé ;

- une ordonnance constatant que la proposition de prononcer un tel arrêt n'est pas retenue ;

- ou, en formation restreinte et à l'unanimité, un arrêt d'irrecevabilité ou d'incompétence ;

- ou encore une ordonnance constatant que la proposition de prononcer un tel arrêt n'est pas retenue.

b) Recours indirect par le biais d'une question préjudicielle

Une question préjudicielle peut être posée par n'importe quelle juridiction , et par des organes qui ne sont pas stricto sensu des juridictions comme ceux qui sont appelés à statuer sur des demandes en matière de concurrence ou de santé, soit d'office par le juge ou l'autorité en question, soit à la demande de l'une des parties.

Lorsqu'une question de constitutionnalité est soulevée devant une juridiction, celle-ci a l' obligation de saisir la cour constitutionnelle d'une question préjudicielle (loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, art. 26).

Il existe toutefois des exceptions à cette obligation : toutes les juridictions sont dispensées de soulever la question préjudicielle lorsque l'action principale devant la juridiction en question est irrecevable, ou lorsque la cour constitutionnelle a déjà statué sur une question ou un recours ayant un objet identique.

En outre les juridictions, à l'exception des cours suprêmes 3 ( * ) , en sont également dispensées lorsque :

- le texte en question ne viole manifestement pas une règle constitutionnelle dont la cour constitutionnelle est chargée d'assurer le respect ;

- la réponse à la question préjudicielle n'est pas indispensable pour rendre la décision.

Une juridiction n'est pas tenue de poser une question préjudicielle « lorsque la demande est urgente et que le prononcé au sujet de cette demande n'a qu'un caractère provisoire » ou « au cours d'une procédure d'appréciation du maintien de la détention préventive ».

Si une juridiction décide d'adresser une question préjudicielle à la cour constitutionnelle, sa décision n'est susceptible d'aucun recours. Toutefois, le refus de poser une question préjudicielle doit être motivé.

Il existe enfin une procédure de filtrage des questions préjudicielles analogue à celle applicable aux recours individuels.

3. La portée et les effets des décisions de la cour constitutionnelle
a) Le contentieux de l'annulation

Les arrêts portant annulation ont l'autorité absolue de la chose jugée à partir de leur publication au journal officiel, le Moniteur belge (loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la cour constitutionnelle, art. 29).

Les arrêts de rejet sont obligatoires pour les juridictions en ce qui concerne les questions de droit qu'ils tranchent.

La cour constitutionnelle peut annuler, en tout ou en partie, le texte, objet du recours. Sa décision a un effet rétroactif.

Toutefois, si elle l'estime nécessaire, cette cour peut indiquer « par voie de dispositions générales, ceux des effets des dispositions annulées qui doivent être considérés comme définitifs ou maintenus provisoirement pour le délai qu'elle détermine ».

Les décisions de justice rendues en matière civile ou pénale fondées sur une norme annulée et qui sont passées en force de chose jugée, demeurent en vigueur mais peuvent être annulées de plein droit à l'issue d'une procédure de « rétractation » introduite devant la juridiction qui a rendu le jugement, dans un délai de six mois à compter de la publication de l'arrêt du juge constitutionnel au journal officiel.

De même, les actes des autorités administratives prises sur la base d'un texte annulé demeurent-ils en vigueur mais peuvent faire l'objet d'un recours administratif ou juridictionnel dans un délai de six mois à compter de la publication de l'arrêt au journal officiel.

b) Le contentieux préjudiciel

Les arrêts rendus sur des questions préjudicielles lient toutes les juridictions appelées à statuer dans l'affaire en vertu de l'article 28 de la loi du 6 janvier 1989 précitée.

Lorsque la cour constitutionnelle, saisie d'une question préjudicielle, a déclaré que la norme examinée n'était pas conforme à la constitution, celle-ci subsiste dans l'ordonnancement juridique. Toutefois, un recours en annulation de cette norme peut être intenté par le Conseil des ministres, un gouvernement de communauté ou de région, les présidents des assemblées législatives à la demande de deux-tiers de leurs membres ou toute personne physique ou morale justifiant d'un intérêt. Il doit être déposé dans un délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt aux autorités mentionnées ou à compter de sa publication au journal officiel (loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la cour constitutionnelle, art. 4, 2°al. 2).


* 2 La question préjudicielle est posée par un juge à un autre juge avant qu'il ne statue lui-même. Lorsqu'une juridiction pose une telle question, la procédure devant cette juridiction est suspendue dans l'attente de la réponse de la cour constitutionnelle.

* 3 Lors de la création de la cour, le législateur a souhaité obliger les cours suprêmes à la consulter car il craignait qu'elles ne soient pas naturellement portées à le faire et qu'elles tranchent elles-mêmes les litiges constitutionnels.

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