Étude de législation comparée n° 238 - novembre 2013

Étude au Format PDF (375 Koctets)


NOTE

sur

la dépénalisation
de la consommation du cannabis

_____

Allemagne - Danemark - Espagne - Pays-Bas - Portugal - Royaume-Uni (Angleterre) - Suisse - Uruguay

_____

Cette note a été réalisée à la demande de Mme Esther BENBASSA, sénatrice

AVERTISSEMENT

Les notes de Législation comparée se fondent sur une étude de la version en langue originale des documents de référence cités dans l'annexe.

Elles présentent de façon synthétique l'état du droit dans les pays européens dont la population est de taille comparable à celle de l'Hexagone ainsi que dans ceux où existe un dispositif législatif spécifique. Elles n'ont donc pas de portée statistique.

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs par la division de Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

NOTE DE SYNTHÈSE

Ce document met à jour l'étude de législation comparée LC 99 publiée en janvier 2002, sur la dépénalisation de la consommation du cannabis.

Centré sur le régime applicable à la consommation individuelle du cannabis, il se fonde sur les exemples observés dans huit pays, soit sept États d'Europe (Allemagne, Royaume-Uni - Angleterre -, Danemark, Espagne, Pays-Bas, Portugal et Suisse) et un État d'Amérique du Sud, l'Uruguay, qui pourrait prochainement modifier sa législation.

Il met en lumière l'état actuel de la législation de chacun de ces États sans approfondir les diverses modifications qui ont pu survenir, depuis 2002, pour chacun d'entre eux. Il n'étudie pas les régimes particuliers tels que l'utilisation à des fins thérapeutiques ou les sanctions renforcées telles que celles encourues par les personnes qui fournissent des stupéfiants aux mineurs.

1. Situation en France

L'article L. 5132-8 du code de la santé publique dispose que « la production, la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition et l'emploi de plantes, de substances ou de préparations classées comme vénéneuses sont soumises à des conditions ».

Les stupéfiants entrent dans la nomenclature des substances vénéneuses prévue aux articles L. 5132-1 à L. 5132-7 du code de la santé publique et font l'objet de l'arrêté du 22 février 1990 du ministre de la Santé qui fixe la liste des plantes et substances classées stupéfiants. Le cannabis et la résine de cannabis sont, quant à eux, inscrits sur la liste dressée à l'annexe I de cet arrêté, parmi les stupéfiants.

• Usage

L'usage illicite du cannabis est une infraction punie d'au plus 1 an d'emprisonnement et d'une amende de 3 750 € (article L. 3421-1 du code de la santé publique).

La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a complété cet article L. 3421-1 de sorte que « Les personnes coupables de ce délit encourent également à titre de peine complémentaire, l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants [...] ».

• Détention

La détention d'un produit stupéfiant est punie d'une peine d'emprisonnement de 10 ans et d'une amende de 7 500 000 € (article 222-37 du code pénal). En pratique, les tribunaux tiennent compte de la quantité détenue et des circonstances.

• Vente

La vente illicite est punie d'une peine d'emprisonnement de 10 ans et d'une amende de 7 500 000 € (article 222-37 du code pénal). Toutefois lorsqu'elle est conclue avec « une personne en vue de sa consommation personnelle », elle est sanctionnée d'une peine d'emprisonnement de 5 ans et d'une amende de 75 000 € (article 222-39 du code pénal). La peine d'emprisonnement est portée à 10 ans lorsque le cannabis est offert ou cédé à des mineurs.

• Culture

La « production ou fabrication illicite » est punie par l'article 222-35 du code pénal de 20 ans de réclusion criminelle et d'une amende de 7 500 000 €.

La loi ne prévoit pas le cas de la culture destinée à la consommation personnelle.

L'action publique n'est pas nécessairement exercée. En effet, le magistrat du parquet peut prononcer une « injonction thérapeutique ». Dans cette hypothèse, si l'intéressé suit le traitement jusqu'à son terme, il n'est pas poursuivi. Il en va de même lorsque les toxicomanes se présentent librement et spontanément dans un service de soins, où ils peuvent être traités sous couvert de l'anonymat.

Depuis 1978, les circulaires du ministère de la Justice recommandant aux parquets d'éviter de poursuivre les simples usagers se sont succédé.

La circulaire du 16 février 2012 relative à l'amélioration du traitement judiciaire de l'usage de produits stupéfiants souligne que « le maintien de la pénalisation de l'usage de produits stupéfiants est un volet essentiel de la politique [du Gouvernement] de prévention aux conduites addictives ». Elle recommande :

- pour l'usager non toxicodépendant, la mesure de stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants et à défaut l'ordonnance pénale délictuelle tout en excluant les classements sans suite en opportunité et en limitant le classement avec rappel à la loi ;

- pour l'usager toxicodépendant, d'envisager systématiquement l'injonction thérapeutique s'il nécessite des soins et de privilégier les poursuites devant le tribunal correctionnel à l'encontre de ces usagers réitérants ou récidivistes ».

Dans son avis du 21 juin 2001 intitulé « Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique », le Conseil national du sida a recommandé au législateur la levée de « l'interdiction pénale de l'usage de stupéfiants dans un cadre privé ».

Comme la consommation de drogues suppose l'approvisionnement, on a analysé, pour chacun des pays retenus, les mesures relatives non seulement à la consommation stricto sensu , mais aussi à la détention, à la vente et à la culture du cannabis. En revanche, les dispositions qui régissent l'utilisation du cannabis à des fins thérapeutiques n'ont pas été prises en compte.

2. Observations sur les législations étudiées

L'analyse des dispositions en vigueur dans les huit pays retenus fait ressortir que :

- seule la Suisse continue à considérer la consommation du cannabis comme une infraction pénale, en prévoyant quelques aménagements ;

- le Portugal, les Pays-Bas et l'Uruguay ont explicitement dépénalisé la détention d'une petite quantité de cannabis, tandis que, dans les autres pays, divers mécanismes juridiques permettent de ne pas sanctionner non plus cette infraction ;

- la vente et la culture du cannabis, qui constituent partout des infractions pénales, sont cependant tolérées aux Pays-Bas et, à un moindre degré, en Suisse ;

- la culture du cannabis destinée à la consommation personnelle pourrait être légalement autorisée à l'avenir en Uruguay, si le projet de loi en cours d'examen à Montevideo est adopté.

• La Suisse continue à considérer la consommation du cannabis comme une infraction pénale

La consommation du cannabis demeure une infraction pénale en Suisse

Aux termes de la loi fédérale sur les stupéfiants, la consommation de tout produit stupéfiant constitue une infraction pénale, punissable d'une amende. Cependant, la loi prévoit :

- la possibilité de suspendre la procédure pénale ou de dispenser le contrevenant de peine « dans les cas bénins » ;

- que n'encourt pas de sanction pénale, mais une « réprimande », celui qui se borne à préparer (acte préparatoire) au plus 10 grammes de stupéfiants pour sa propre consommation ou pour permettre à des tiers majeurs d'en consommer avec lui simultanément après leur en avoir fourni gratuitement ;

- une procédure administrative simplifiée aboutissant au paiement d'une amende de 100 francs suisses (environ 80 €) pour les majeurs en possession d'au plus 10 grammes de cannabis, sauf contestation du contrevenant.

Tous les autres pays ont dépénalisé la consommation du cannabis

Dans les autres pays étudiés, la consommation du cannabis n'est pas une infraction pénale. Elle constitue une infraction administrative au Portugal et en Espagne. En revanche, elle ne constitue une infraction ni en Allemagne, ni en Angleterre, ni au Danemark, ni aux Pays-Bas, ni en Uruguay.

Au Portugal, depuis le 1 er juillet 2001, la consommation du cannabis n'est plus une infraction pénale, mais une infraction administrative. La procédure instituée par la loi du 30 novembre 2000 qui a dépénalisé certaines des infractions liées aux produits stupéfiants vise principalement à soigner les toxicomanes (consommateurs non occasionnels). C'est pourquoi les sanctions administratives s'appliquent aux consommateurs occasionnels récidivistes.

En Espagne, la loi organique de 1992 sur la protection de la sécurité civile a qualifié la consommation de produits stupéfiants dans les lieux publics d'infraction administrative grave, punissable d'une amende ou d'une autre sanction administrative (suspension du permis de conduire...). En pratique, la simple consommation du cannabis dans les lieux publics est rarement sanctionnée.

En Uruguay, toute personne qui est « surprise en train de consommer » du cannabis à usage personnel doit être présentée à un juge, qui peut ordonner qu'elle suive un traitement dans un établissement approprié. Le projet de loi en cours d'examen propose d'interdire à l'avenir l'accès au cannabis aux mineurs de moins de 18 ans.

En Allemagne, en Angleterre, au Danemark et aux Pays-Bas, la consommation du cannabis n'est pas interdite. Dans ces quatre pays, toutes les opérations liées aux produits stupéfiants sont prohibées, mais cette interdiction générale ne fait pas référence à la consommation.

• Si les lois portugaise, néerlandaise et uruguayenne ont dépénalisé la détention d'une petite quantité de cannabis, divers mécanismes juridiques permettent, dans les autres pays, de ne pas sanctionner non plus cette infraction

Les lois des Pays-Bas, du Portugal et d'Uruguay ont dépénalisé la détention d'une petite quantité de cannabis

La détention des produits stupéfiants n'est plus une infraction pénale :

- au Portugal, où elle constitue une infraction administrative, si la quantité détenue ne dépasse pas la consommation moyenne d'une personne pendant 10 jours ;

- aux Pays-Bas, si elle ne dépasse pas 30 grammes ;

- et en Uruguay, si la quantité « raisonnable » est destinée à la consommation personnelle. En outre, le projet de loi examiné à Montevideo depuis l'été 2013 propose de fixer à :

- 40 grammes par personne, la quantité susceptible d'être détenue pour la consommation personnelle ;

- 480 grammes par an, la quantité qu'une personne peut détenir au titre de la culture domestique de 6 pieds au plus de cannabis.

Dans les autres pays étudiés, des dispositions non législatives incitent la police ou les tribunaux à ne pas sanctionner la détention d'une petite quantité de cannabis

Au Danemark et aux Pays-Bas, le principe d'opportunité des poursuites permet au parquet de ne pas poursuivre toutes les infractions relatives aux stupéfiants. Dans ces deux pays, des directives du parquet général déterminent la conduite à tenir pour la poursuite des infractions relatives aux stupéfiants :

- les directives néerlandaises précisent que, jusqu'à 5 grammes, l'affaire doit être classée, car la quantité détenue correspond à la consommation personnelle et que, de 5 à 30 grammes, il s'agit d'une contravention dont la poursuite ne constitue pas une priorité ;

- les directives danoises précisent que jusqu'à 10 grammes de haschisch, 50 grammes de marijuana et 100 grammes de chanvre on a affaire à une détention pour la consommation personnelle qui est punie moins sévèrement et peut même ne faire l'objet que d'un avertissement. Elles dressent un tableau du montant des amendes à appliquer en fonction de la quantité et d'une éventuelle récidive.

En Allemagne, la loi sur les stupéfiants permet aux parquets de ne pas poursuivre les contrevenants et aux tribunaux de ne pas les punir, notamment lorsque les quantités détenues sont faibles.

Sur la base de ces dispositions législatives, le Tribunal constitutionnel fédéral a, en 1994, invité les ministères de la Justice des Länder à déterminer la quantité de cannabis correspondant à la consommation personnelle. Dans la plupart des Länder , elle est désormais de 6 grammes même si la fourchette est comprise entre 5 et 15 grammes.

En Espagne, la recommandation de la chambre pénale du Tribunal suprême suggère aux juges de ne sanctionner la détention de cannabis qu'au-delà de 25 grammes par personne, sous réserve des circonstances de l'espèce.

Par ailleurs, la loi organique de 1992 sur la protection de la sécurité civile fait de la détention du cannabis, une infraction administrative punie de la même façon que la consommation dans des lieux publics. En pratique, la détention n'est sanctionnée que si le contrevenant est appréhendé dans un lieu public.

En Angleterre et en Suisse, la détention du cannabis à usage personnel est une infraction spécifique punie plus légèrement. En outre, la police (Angleterre) ou la justice (Suisse) a la possibilité de ne pas donner suite aux affaires estimées mineures comme la détention d'une faible quantité de cannabis.

• La vente et la culture illicites du cannabis, qui constituent dans les pays d'Europe étudiés et en Uruguay des infractions pénales, sont cependant tolérées aux Pays-Bas et, à un moindre degré, en Suisse

La vente et la culture du cannabis sont qualifiées d'infractions pénales dans les pays d'Europe étudiés, ainsi qu'en Uruguay. Au Portugal, la vente de produits stupéfiants destinés à la consommation personnelle constitue une simple infraction administrative, au même titre que la consommation ou la détention à des fins personnelles.

Ces deux infractions pénales sont sanctionnées plus ou moins sévèrement selon les quantités sur lesquelles elles portent. Ainsi, le Portugal et la Suisse font de la culture du cannabis en vue de la consommation personnelle une infraction spécifique, punie plus légèrement.

Bien qu'elles constituent des infractions pénales, la vente et la culture du cannabis sont tolérées aux Pays-Bas sous réserve du respect des directives du parquet général fixant les critères auxquels les établissements qui vendent au détail doivent se conformer pour fonctionner (interdiction notamment de vendre des drogues dures, de faire de la publicité, de déranger le voisinage ou de vendre aux mineurs). Ces directives précisent aussi que la culture du cannabis, même si elle constitue une infraction, ne doit pas être poursuivie lorsqu'elle ne revêt pas un caractère professionnel, notamment lorsque le nombre de pieds cultivés ne dépasse pas cinq.

En Suisse, le « projet pilote » de vente de cannabis des villes de Zurich et de Bâle annoncé par la presse fin 2012 ne s'est pas concrétisé à ce jour.

Le projet de loi en cours d'examen en Uruguay prévoit cependant de permettre :

- la culture « domestique » de 6 pieds de cannabis et la culture du cannabis dans le cadre de « clubs » dont la création serait autorisée par l'exécutif et dont les cultures seraient autorisées par une autorité de régulation ;

- la vente du cannabis aux majeurs dans les pharmacies dans la limite de 40 grammes par personne et par mois et moyennant l'inscription des consommateurs à un fichier national.

TABLEAU COMPARATIF

Allemagne

Danemark

Espagne

Textes
de référence

loi sur les stupéfiants
du 28 juillet 1981 modifiée

loi sur les substances euphorisantes
du 1 er juillet 2008 modifiée

code pénal et loi organique n° 1 sur la protection
de la sécurité civile du 21 février 1991

Dans quelle liste de référence
le cannabis
est-il classé ?

liste I
des stupéfiants dont la circulation est illicite

liste A
des substances illicites

liste
des stupéfiants

La consommation du cannabis
est-elle interdite ?

pas d'interdiction légale

pas d'interdiction légale

pas d'interdiction légale

infraction administrative grave
si la consommation se déroule
dans un lieu public

Quelles sont
les conséquences de la détention d'une faible quantité de cannabis
destinée à une consommation exclusivement personnelle ?

abandon
des poursuites
ou absence de sanction pénale

quantité fixée
par les directives des ministères de la Justice
des Länder :

6 g de cannabis dans la plupart des Länder

Directive
du ministère public à l'usage des procureurs : amendes progressives
selon la quantité détenue jusqu'à 99,9 g de haschich, 499,9 g
de marijuana ou 999,9 g de chanvre et en cas
de récidive

quantité fixée par la jurisprudence à 25 g de cannabis

Pays-Bas

Portugal

Royaume-Uni (Angleterre)

Textes
de référence

« loi sur l'opium » du 12 mai 1928 modifiée

loi n° 30/2000
du 29 novembre 2000

loi relative
au mauvais usage des stupéfiants
de 1971 modifiée

Dans quelle liste de référence
le cannabis
est-il classé ?

liste 2 (dangerosité moindre)

liste des stupéfiants

liste B
des stupéfiants (dangerosité moyenne)

La consommation du cannabis
est-elle interdite ?

pas d'interdiction légale

- consommateur occasionnel : constitue
une infraction administrative examinée
par une commission spécifique
et sanctionnée
au plus par une amende comprise
entre 25 et 150 €

- toxicomane :
pas d'amende
si l'intéressé
se fait soigner

pas d'interdiction légale

Quelles sont
les conséquences de la détention d'une faible quantité
de cannabis destinée à une consommation exclusivement personnelle ?

- quantité fixée
à 30 g de cannabis par la loi et selon
la directive du parquet général jusqu'à 5 g : classement de l'affaire

- de 5 à 30 g : contravention
(dont la recherche n'est pas une priorité) sanctionnée par une peine d'emprisonnement d'1 mois au plus ou d'une amende de 3 900 € au plus

Constitue
une infraction administrative
si la quantité détenue n'excède pas
les besoins d'une personne
pendant 10 jours

Échelle
de 3 sanctions progressives :
- avertissement

- notification d'amende pour atteinte à l'ordre public (108 €)
- arrestation

quantité laissée
à la libre appréciation
du policier

Suisse

Uruguay

Textes
de référence

loi fédérale
sur les stupéfiants
et les substances psychotropes
du 3 octobre 1951 modifiée

décret-loi n° 14294 du 31 octobre 1974 en vigueur modifié par la loi n° 17-016 du 22 octobre 1998

projet de loi n° 708/13 relatif au contrôle
et au régime de production, commerce
et consommation de la marijuana tendant
à modifier le décret
n° 14-294 du 31 octobre 1974

Dans quelle liste de référence
le cannabis
est-il classé ?

liste des stupéfiants
si teneur totale moyenne en THC
est d'au moins 1,0 %

tableau IV de la convention de 1961

tableau IV de la convention de 1961

La consommation du cannabis
est-elle interdite ?

interdiction légale
et sanction d'une amende pénale sauf dans « les cas bénins » où elle fait l'objet d'une réprimande

absence de sanction pénale en cas
de préparation d'une quantité  10 g
de cannabis pour sa propre consommation

procédure simplifiée : amende de 80 € 1 ( * ) applicable par la police à un majeur
si quantité  10 g

pas d'interdiction légale

pas d'interdiction légale sauf pour les mineurs

Quelles sont
les conséquences de la détention d'une faible quantité
de cannabis destinée à une consommation exclusivement personnelle ?

réprimande
dans « les cas bénins »

procédure simplifiée (amende de 80 € 1 ) applicable par la police à un majeur
si quantité  10 g

absence de sanction pénale si le juge
a la conviction morale qu'il s'agit
d' « une quantité raisonnable destinée exclusivement
à la consommation personnelle »

absence de sanction pénale si le juge prouve qu'il s'agit d'une quantité destinée à un usage exclusivement personnel (règle de la sana critica)

présomption de détention à usage exclusivement personnel jusqu'à 40 g de cannabis par personne

MONOGRAPHIES PAR PAYS
ALLEMAGNE

La loi du 28 juillet 1981 sur les stupéfiants, dont la plus récente modification remonte au 7 août 2013, est dotée de trois annexes : la première contient la liste des produits stupéfiants dont la circulation est illicite, la deuxième celle des produits stupéfiants dont la circulation est licite mais qui ne sont pas susceptibles d'être prescrits dans le cadre d'un traitement médical, enfin la troisième les produits dont la circulation est licite et qui peuvent être prescrits. Toutes les opérations qui se rapportent à ces stupéfiants sont soumises à une autorisation de l'Institut fédéral des produits pharmaceutiques et médicaux (Bundesinstitut für Arzneimittel und Medizinprodukte) qui n'est donnée, pour ceux de la liste I, qu'à titre exceptionnel dans un but scientifique ou d'intérêt général.

Figurent dans la liste I la résine de cannabis et le cannabis (marijuana, plantes et parties de plantes appartenant à l'espèce du cannabis), à l'exception notamment des graines, dans la mesure où elles ne sont pas destinées à une culture non autorisée, ainsi que du cannabis utilisé aux fins décrites dans les annexes II (cannabis servant à la fabrication de préparations à visée médicale) et III (cannabis utilisé dans des préparations autorisées comme médicaments prêts à l'emploi).

Cette loi n'interdit pas la consommation des produits stupéfiants. En revanche, elle qualifie d'infractions pénales toutes les opérations qui les concernent (fabrication, transformation, commerce, détention...) dans la mesure où elles sont réalisées sans les autorisations requises.

Cependant les articles 29(5) et 31a de la loi sur les stupéfiants autorisent respectivement les tribunaux à ne pas sanctionner et les parquets à ne pas poursuivre les auteurs d'une infraction en matière de drogue, dès lors que certaines conditions, notamment de quantité, sont réunies. S'agissant de la détention du cannabis, ces conditions ont été précisées par le Tribunal constitutionnel fédéral dans sa décision du 9 mars 1994, puis par les ministères de la Justice des différents Länder dans des directives qui lient les parquets.

1. La consommation du cannabis

Aucune disposition de la loi sur les stupéfiants n'interdit expressément la consommation de produits stupéfiants. En revanche, ce texte prohibe toutes les opérations liées aux produits dont la circulation est illicite, comme le cannabis. Cette interdiction vaut pour la culture, la production, le commerce, l'importation, l'exportation, la vente, la livraison, l'acquisition, la fourniture, la préparation et la détention.

2. La détention du cannabis

La loi sur les stupéfiants qualifie d'infraction pénale la détention de produits stupéfiants - et donc du cannabis - lorsque l'Institut fédéral des produits pharmaceutiques et médicaux n'a pas délivré d'autorisation d'acquisition.

Elle prévoit des dispositions particulières selon que la quantité détenue peut être considérée comme faible ou importante. Le législateur a laissé à la jurisprudence le soin de déterminer ces notions.

• La détention d'une quantité moyenne

L'article 29 de la loi précitée sanctionne la possession de produit stupéfiant en l'absence d'autorisation d'acquisition d'une peine d'emprisonnement pouvant atteindre 5 ans ou d'une amende.

• La détention d'une faible quantité

L'article 29(5) de la loi précitée dispose que le tribunal peut renoncer à sanctionner l'inculpé lorsque celui-ci ne détient qu'une faible quantité de drogue destinée à son usage personnel exclusif.

De plus, l'article 31a prévoit que le ministère public peut abandonner les poursuites lorsque les conditions suivantes sont réunies :

- la culpabilité de l'inculpé peut être considérée comme faible ;

- aucun intérêt public ne s'attache à la poursuite ;

- l'inculpé détient une faible quantité de drogue destinée uniquement à sa consommation personnelle ;

- l'inculpé est en possession d'une faible quantité de drogue destinée exclusivement à son usage personnel et se trouve dans une salle de consommation de drogues autorisée.

Dans sa décision du 9 mars 1994, le Tribunal fédéral constitutionnel, se fondant sur les deux articles précités, a estimé que la possession d'une faible quantité de cannabis exclusivement destinée à une consommation personnelle et occasionnelle ne méritait pas de sanctions pénales, dès lors qu'elle ne présentait pas de danger pour les tiers. Il a invité les ministères de la Justice des Länder à fixer dans des directives les critères selon lesquels l'affaire serait classée sans suite par les parquets. La quantité correspondant à la consommation personnelle fait partie de ces critères. Dans la plupart des Länder elle est désormais de 6 grammes même si la fourchette est comprise entre 5 et 15 grammes.

• La détention d'une quantité importante

L'article 29a punit d'une peine d'emprisonnement qui ne peut être inférieure à 1 an toute personne qui détient des produits stupéfiants en « quantité non négligeable » (in nicht geringer Menge) sans une autorisation d'acquisition délivrée par l'Institut précité. Dans les cas les moins graves, cette peine d'emprisonnement est comprise entre 3 mois et 5 ans.

La Cour suprême fédérale considère depuis 1984 que la quantité de cannabis saisie est « non négligeable » lorsqu'elle représente au moins 7,5 grammes de tétrahydrocannabinol (THC), principe psychoactif du cannabis. Ainsi pour du cannabis dont la substance active est de 10 % du poids brut, le seuil de la quantité non négligeable est fixé à 75 grammes.

3. La vente du cannabis

La vente du cannabis est sanctionnée des mêmes peines que sa détention par les articles 29 et 29a précités. Les sanctions sont aggravées de la même façon lorsque la vente porte sur des quantités importantes.

4. La culture du cannabis

L'article 29 précité sanctionne la culture du cannabis de la même façon que la détention.

Les articles 29(5) et 31a précités, qui donnent respectivement au tribunal et au parquet la possibilité de ne pas sanctionner ou d'interrompre les poursuites, s'appliquent à la culture d'une petite quantité de cannabis destinée exclusivement à l'usage personnel.

Dans tous les cas évoqués ci-dessus (détention, vente et culture), lorsque la durée de la peine de prison infligée ne dépasse pas 2 ans et que l'infraction a été commise en raison d'une dépendance à la drogue, l'autorité d'exécution des peines peut, en accord avec le tribunal de première instance, surseoir à l'exécution de cette peine, totalement ou partiellement, lorsque le condamné se soumet à un traitement de désintoxication ou accepte de s'y soumettre pour autant que le commencement de celui-ci soit assuré.

DANEMARK

Le décret du 31 mai 2011 sur les substances euphorisantes pris en application de la loi du 1 er juillet 2008 sur les substances euphorisantes vise :

- les substances illicites dont le cannabis (liste A) ;

- les substances qui peuvent être employées pour un usage médical ou scientifique (listes B, D et E) ;

- et les substances qui seraient illicites à l'état brut mais qui dans des préparations pharmaceutiques sont, en règle générale, exclues du champ d'application de la loi (liste C).

1. La consommation du cannabis

L'article 2 alinéa 1 du décret précité dispose qu'aucun des produits figurant sur la liste A (qui comprend le cannabis) ne peut se trouver légalement sur le territoire sauf si l'autorité en charge des médicaments (Lægemiddelstyrelsen) l'a autorisé au vu de circonstances très particulières et sous les conditions qu'elle précise. Cette autorisation est révocable.

L'alinéa 3 précise que les préparations de substances euphorisantes qui figurent sur la liste A sous le numéro 1 (cannabis) peuvent, dans un but médical, sans l'autorisation précitée, faire l'objet d'un certain nombre d'opérations comme l'importation, l'exportation, la vente, l'achat, la livraison, la réception, la fabrication, la transformation, la possession et l'utilisation.

L'article 3 dispose que les substances euphorisantes (cannabis) ne peuvent être utilisées dans le pays que dans un but médical ou scientifique.

La consommation des produits stupéfiants en général, et du cannabis en particulier, ne fait pas partie des actes expressément interdits par la loi et ne constitue donc pas une infraction.

2. La détention du cannabis

La détention du cannabis est interdite en l'absence d'autorisation administrative spécifique délivrée à des personnes habilitées (pharmaciens, laboratoires...).

La loi du 1 er juillet 2008 sanctionne le non-respect de cette disposition par une amende ou une peine d'emprisonnement pouvant atteindre 2 ans. Lorsqu'elle s'accompagne de circonstances aggravantes, cette détention en vue, par exemple, d'une distribution du produit à un grand nombre de personnes tombe sous le coup de l'article 191 du code pénal qui prévoit une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 10 ans.

La directive du ministère public sur les sanctions à réclamer dans les affaires de stupéfiants modifiée en décembre 2012 recommande que la détention d'une quantité destinée à la consommation personnelle soit punie d'une amende selon le tableau ci-dessous. Cette amende peut être remplacée par un avertissement si la quantité est inférieure à :

- 10 grammes de haschich ;

- 50 grammes de marijuana ;

- et 100 grammes de chanvre.

Produit stupéfiant

Quantité

1 ère interpellation

2 ème interpellation (+ 50 %)

3 ème interpellation (+ 100 %)

haschich

-9,9 g

2 000 DKK
268 €

3 000 DKK
402 €

4 000 DKK
563 €

10-49,9 g

3 000 DKK
402 €

4 500 DKK
603 €

6 000 DKK
804 €

50-99,9 g

5 000 DKK
670 €

7 500 DKK
1 005 €

10 000 DKK
1 340 €

marijuana

-49,9 g

2 000 DKK
268 €

3 000 DKK
402 €

4 000 DKK
563 €

100-249,9 g

3 000 DKK

402 €

4 500 DKK
603 €

6 000 DKK
804 €

250-499,9 g

5 000 DKK
670 €

7 500 DKK
1 005 €

10 000 DKK
1 340 €

chanvre

-99,9 g

2 000 DKK
268 €

3 000 DKK
402 €

4 000 DKK
563 €

100-249,9 g

3 000 DKK
402 €

4 500 DKK
603 €

6 000 DKK
804 €

250-999,9 g

5 000 DKK
670 €

7 500 DKK
1 005 €

10 000 DKK
1 340 €

3. La vente du cannabis

La vente du cannabis sans autorisation administrative est interdite et fait l'objet des mêmes sanctions que la détention.

La directive du ministère public précitée indique que la vente d'une quantité de haschich inférieure à 50 grammes est punie, lorsqu'il s'agit de la première fois, d'une amende correspondant au double de celle indiquée dans le tableau précédent.

Au-delà de cette quantité ou en cas de récidive, la vente est punie d'une peine d'emprisonnement.

La loi précitée prévoit une sanction adaptée lorsque la vente ou la cession gratuite en vue de vente ultérieure de produits stupéfiants (cannabis compris) se déroule dans des lieux de restauration, des discothèques, des concerts, des festivals de musique et plus généralement dans toutes les manifestations fréquentées principalement par des enfants ou des jeunes. La directive du ministère public précitée indique que la sanction adaptée en l'occurrence est une peine d'emprisonnement.

4. La culture du cannabis

La culture du cannabis sans autorisation administrative est interdite et fait l'objet des mêmes sanctions que la détention et la vente.

En mars 2013, la commune de Copenhague a annoncé son intention d'obtenir une dérogation à la loi sur les substances euphorisantes afin d'expérimenter une règlementation du commerce légal du cannabis. Aux termes de ce projet, le cannabis pourrait être vendu dans 30 à 40 points de vente, éventuellement des pharmacies, à un prix compétitif avec celui du marché criminel, le client devant être âgé de plus de 18 ans et résident danois. La commune n'exclut pas de vendre sa propre production cultivée dans les serres municipales. Compte tenu de la proximité des élections municipales (19 novembre 2013), la question n'a pas évolué. Par le passé, deux projets analogues ont été rejetés par le ministre de la Justice.

ESPAGNE

Selon les articles 368 à 378 du code pénal de 1995 modifié, les infractions liées à la drogue portent atteinte à la santé publique. Ce code ne cite pas de produit stupéfiant 2 ( * ) , mais prévoit des sanctions différentes en fonction des effets supposés de ces produits sur la santé.

Le même code interdit la fabrication et le trafic de produits stupéfiants, ainsi que la culture de plantes permettant la fabrication de ces produits, mais n'en interdit pas la consommation.

En revanche, la loi organique n° 1 du 21 février 1992 sur la protection de la sécurité civile interdit la consommation de produits stupéfiants dans des lieux publics, ainsi que la détention de ces produits.

Ce dispositif traduit l'idée que la consommation de produits stupéfiants, même si elle constitue un danger pour l'usager, doit être tolérée aussi longtemps qu'elle relève de la vie privée et ne trouble pas l'ordre public.

Seule la législation nationale est analysée ci-dessous. En effet, les communautés autonomes, sans pouvoir légiférer dans le domaine pénal, ont développé leur propre politique, dans le cadre des compétences que la Constitution leur octroie en matière d'assistance sociale et de santé publique.

1. La consommation du cannabis

Le code pénal n'interdit la consommation d'aucune drogue. La consommation du cannabis ne constitue donc pas une infraction.

En revanche, la loi organique n° 1 du 21 février 1992 sur la protection de la sécurité civile prévoit que « la consommation dans des lieux, voies, établissements ou transports publics » constitue une « infraction administrative grave ». La jurisprudence a précisé la notion de « lieu public ». Ainsi, l'intérieur d'un véhicule lui-même situé sur une voie publique constitue un lieu public, parce qu'il est susceptible d'être observé de l'extérieur.

Les contrevenants sont passibles d'au moins une sanction administrative, parmi lesquelles :

- une amende comprise entre 300 et 30 000 € ;

- le retrait du permis de port d'armes ;

- la confiscation des produits stupéfiants ;

- la suspension du permis de conduire.

La loi de 1992 prévoit que l'exécution de ces sanctions peut être suspendue si les contrevenants suivent une cure de désintoxication.

En pratique, la consommation du cannabis dans des lieux publics est rarement sanctionnée.

2. La détention du cannabis

L'article 368 du code pénal interdit la détention des produits stupéfiants lorsqu'elle tend à « promouvoir, à favoriser ou à faciliter [leur] consommation illégale ».

Cette disposition, déjà présente dans l'ancien code pénal, avait été interprétée par le ministère public comme ne visant pas la « petite quantité en vue de la consommation personnelle ». La simple détention liée à la consommation personnelle n'est donc pas, en elle-même, une infraction pénale. En l'absence de détermination par la loi ou par le règlement d'un seuil au-dessous duquel la quantité détenue est présumée correspondre à la consommation personnelle, la notion a été précisée par la jurisprudence en fonction de la plus ou moins grande nocivité du produit considéré. Pour le cannabis, suivant la recommandation de la chambre pénale du Tribunal suprême et sous réserve de leur liberté d'apprécier le cas d'espèce, les juges excluent en général toute sanction lorsque la quantité détenue n'excède pas 25 grammes, quantité qu'une étude de l'Institut national de toxicologie considère comme celle que détient un consommateur habituel pour faire face à ses besoins pendant 5 jours 3 ( * ) .

En revanche, selon le code pénal, la détention en vue de l'approvisionnement de tiers constitue une infraction punie comme la vente. En pratique, les juges excluent cependant toute sanction lorsque l'offre de stupéfiants a lieu entre usagers, indépendamment de tout trafic et à condition qu'il n'y ait pas de risque de diffusion parmi des non-consommateurs.

La détention de produits stupéfiants constitue une infraction administrative aux termes de la loi organique du 21 février 1992 précitée qui interdit la détention illicite de produits stupéfiants - y compris lorsque celle-ci ne vise pas à alimenter le trafic. Cette loi la punit de la même façon que la consommation dans des lieux publics. En pratique, la détention n'est sanctionnée que si le contrevenant est appréhendé dans un lieu public.

3. La vente du cannabis

Aux termes de l'article 368 du code pénal, elle constitue une infraction.

Dans la mesure où le cannabis n'est pas considéré comme appartenant aux drogues qui nuisent gravement à la santé, la sanction de cette infraction consiste en une peine de prison d'une durée comprise entre 1 et 3 ans, ainsi qu'en une amende dont le montant est le double de la valeur de l'objet du délit 4 ( * ) . Depuis 2010, le juge peut - sauf circonstances aggravantes - (voir infra ) condamner le prévenu à une peine inférieure à celle-ci, compte tenu de l'absence de gravité (escasa entidad del hecho) en cause et des circonstances personnelles dans lesquelles il se trouve.

La sanction peut être alourdie en vertu de l'article 369 bis (peine de prison d'une durée de 3 ans, et amende s'élevant au quadruple du montant de l'objet du délit) dans des circonstances aggravantes qui sont réunies si :

- le coupable est une autorité, un fonctionnaire public, un membre du personnel médical, un travailleur social, un enseignant ou un éducateur et agit dans l'exercice de ses fonctions ;

- le coupable participe à d'autres activités organisées illicites dont l'exécution est facilitée par la commission du délit ;

- il commet le délit dans des établissements ouverts au public par des responsables ou des employés de celui-ci ;

- les substances sont délivrées à des mineurs de moins de 18 ans, à des handicapés mentaux ou à des personnes faisant l'objet de traitements de désintoxication ou réhabilitation ;

- les quantités de stupéfiants sont importantes ;

- les substances s'ajoutent ou se mélangent à d'autres en augmentant, ipso facto , le dommage pour la santé ;

- ces activités ont lieu dans des établissements d'enseignement, des établissements militaires, pénitentiaires ou des centres de désintoxication et de réhabilitation, ou dans leurs environs ;

- ou si le coupable emploie la violence, exhibe ou fait usage d'armes.

Les peines prévues à l'article 369 sont aggravées par les articles 369 bis et 370 si les délits sont commis par des personnes qui appartiennent à une organisation criminelle.

4. La culture du cannabis

Également visée par l'article 368 du code pénal, elle est punie de la même façon que la vente.

PAYS-BAS

La loi du 12 mai 1928 portant dispositions relatives à l'opium et à d'autres produits stupéfiants, dite loi sur l'opium, établit, depuis 1976, une distinction entre deux catégories de drogues, en fonction des risques qu'elles présentent pour la santé. En annexe, la loi énumère les produits stupéfiants répartis entre la liste 1 (drogues dures) et la liste 2 (drogues douces) dont fait partie le cannabis.

La loi n'interdit la consommation ni des produits de la première liste ni de ceux de la seconde. En revanche, elle prohibe toutes les opérations qui les concernent (fabrication, transformation, commerce, détention...) et fixe les sanctions applicables à ces différentes infractions.

Conformément au principe d'opportunité des poursuites qui caractérise la procédure pénale, le ministère public n'est pas tenu de déclencher l'action publique. Le parquet général a donc défini sa politique pénale en matière de drogues dans des directives.

S'imposant aux procureurs et à leurs substituts, elles établissent que :

- la détention d'une petite quantité de drogues douces est tolérée ;

- la vente de drogues douces dans les coffeeshops n'est pas poursuivie lorsque ces établissements respectent certaines règles et ne vendent pas plus de cinq grammes à un même client un jour donné.

Cette politique vise à ne pas marginaliser les consommateurs de drogues douces, à les empêcher d'entrer en contact avec d'éventuels pourvoyeurs de drogues dures et à ne pas stigmatiser les consommateurs de drogues dures.

L'accord de gouvernement du 29 octobre 2012 qu'ont conclu les membres de la coalition au pouvoir 5 ( * ) a prévu, en matière de politique des stupéfiants :

- la suppression de la « carte de l'herbe » (wietpas) qui posait des problèmes évoqués infra ;

- la limitation de l'accès aux coffeeshops aux seules personnes qui peuvent produire un document d'identité et la preuve de leur domiciliation aux Pays-Bas ;

- la lutte contre le « tourisme de la drogue » et l'intensification de la lutte contre la criminalité organisée en matière de stupéfiants.

Le Gouvernement a, en outre, fait part, en 2013, de sa volonté d'inscrire le cannabis dont le taux de tétrahydrocannabinol dépasse 15 % sur la liste 1 (drogues dures), considérant souhaitable d'en diminuer la consommation et la production.

1. La consommation du cannabis

Tout comme elle interdit toutes les opérations portant sur les drogues de la première catégorie, la loi sur l'opium interdit toutes les opérations liées aux drogues de la seconde catégorie : exportation, importation, culture, préparation, élaboration, fabrication, transformation, vente, livraison, fourniture, transport et détention.

En revanche, elle n'en interdit pas la consommation. Cette tolérance générale n'exclut pas des interdictions particulières : dans les écoles et dans les transports publics par exemple. De même, les maires peuvent prendre des arrêtés interdisant la consommation de produits stupéfiants dans la rue. La loi communale précise que les contrevenants à ces arrêtés sont passibles d'une peine de prison d'au plus trois mois ou d'une amende d'au plus 3 900 €.

2. La détention du cannabis

a) Les dispositions législatives

La détention des drogues de la seconde catégorie, dont le cannabis, est interdite.

Aux termes de la loi sur l'opium, cette infraction est sanctionnée plus durement si elle est intentionnelle.

Dans le cas général, la loi qualifie l'infraction de contravention et prévoit une peine de prison limitée à un mois ou une amende d'au plus 3 900 €. Si la détention est intentionnelle, elle constitue un délit : la peine de prison peut atteindre deux ans et l'amende 19 500 €.

Cependant, la loi précise que l'alourdissement de la sanction lié au caractère intentionnel de l'acte ne s'applique pas lorsque le contrevenant - majeur - ne détient pas plus de trente grammes de cannabis. Cette disposition concerne uniquement le cannabis. Pour les autres drogues douces, la quantité maximale n'est pas déterminée, la loi la définit comme « minime » (geringe) et « destinée à la consommation personnelle ».

b) Les directives du parquet général

Les directives du parquet général relatives à la recherche, à la poursuite et à la sanction des infractions liées à la drogue sont entrées en vigueur le 1 er janvier 2001.

Pour ce qui concerne la détention du cannabis, elles précisent que :

- jusqu'à 5 grammes détenus par un majeur, l'affaire doit être classée, car la quantité détenue correspond à la consommation personnelle ;

- entre 5 grammes et 30 grammes, il s'agit d'une contravention à laquelle la sanction pénale prévue par la loi s'applique, mais la recherche de ce type d'infractions ne constitue pas une priorité.

En pratique, lorsque la quantité détenue est comprise entre 5 et 30 grammes, la police arrête la personne et l'oriente vers un organisme d'aide aux toxicomanes.

3. La vente du cannabis

a) Les dispositions législatives

La loi sur l'opium prévoit les mêmes sanctions pour la vente des drogues douces que pour leur détention, avec les mêmes atténuations pour le cannabis.

Depuis 1999, elle précise toutefois que, lorsque la vente revêt un caractère professionnel, l'infraction est qualifiée de délit. Elle est alors sanctionnée d'une peine de prison d'au plus 6 ans ou d'une amende pouvant atteindre 78 000 €.

b) Le cas particulier des coffeeshops

Sous réserve de l'adoption de règles plus contraignantes par une municipalité, la vente de drogues douces dans les coffeeshops 6 ( * ) n'est pas poursuivie si ceux-ci se conforment à l'interdiction de :

- faire de la publicité, sauf pour indiquer sommairement la localisation de l'établissement ;

- vendre des drogues dures ;

- déranger le voisinage, par exemple à cause des automobiles en stationnement, du bruit ou des déchets ;

- d'admettre des jeunes de moins de dix-huit ans dans l'établissement et de leur vendre des produits stupéfiants ;

- de vendre plus de 5 grammes à une même personne un jour donné ;

- disposer d'un stock supérieur à 500 grammes.

Enfin, à compter du 1 er janvier 2014, les coffeeshops ne pourront se trouver à moins de 350 mètres d'une école.

Dès que l'un de ces six critères n'est pas respecté, l'infraction de vente à caractère professionnel est constituée.

Localement, les décisions relatives au nombre et aux règles municipales applicables aux coffeeshops sont prises par la concertation tripartite qui regroupe le maire, le procureur du Roi et le responsable de la police. La concertation tripartite peut décider de n'autoriser aucun coffeeshop dans une commune donnée. Elle peut également fixer un stock maximal inférieur à 500 grammes. Par ailleurs, depuis 1999, la loi sur l'opium permet aux maires d'ordonner la fermeture des coffeeshops qui enfreignent les règles locales, indépendamment de toute nuisance.

La lettre du ministre de la Sécurité et de la Justice, en date du 19 novembre 2012, a mis un terme à l'expérience des « cartes de l'herbe » (wietpas) qui avaient été instituées dans les trois régions du Limbourg, du Brabant-du-Nord et de Zélande. Ce dispositif faisait obligation aux clients d'un coffeeshop de s'enregistrer auprès de celui-ci pour pouvoir y accéder. Les consommateurs ne voulant pas être « fichés » comme toxicomanes ont eu tendance à ne plus aller au coffeeshop mais à acheter du cannabis dans la rue, de façon illégale. C'est pourquoi on a mis fin à cette expérience qui, de l'avis du Gouvernement, a eu pour effet « qu'une grosse partie des clients résidant aux Pays-Bas s'est adressée au circuit illégal [de distribution] » 7 ( * ) .

Depuis le 1 er janvier 2013, l'accès aux coffeeshops est limité, dans tout le pays, aux majeurs de plus de 18 ans qui résident aux Pays-Bas, qui prouvent leur identité, d'une part, et le fait qu'ils sont résidents dans le pays, d'autre part. Cette règle est destinée à éviter le développement de très grands coffeeshops utilisés par des non-résidents et donc moins contrôlables. Les coffeeshops sont désormais exclusivement destinés à une clientèle locale.

Leur approvisionnement demeure illégal mais est toléré parce que ces établissements constituent un « maillon essentiel de la politique néerlandaise en matière de drogues ».

4. La culture du cannabis

a) Les dispositions législatives

Depuis 1999, la culture du chanvre constitue une infraction lorsqu'elle n'est pas destinée à la production de fibres textiles.

La loi sur l'opium prévoit les mêmes sanctions pour la culture du cannabis que pour la vente des drogues douces. Elle établit donc une distinction selon que la culture revêt ou non un caractère professionnel.

b) Les directives du parquet général

Elles disposent que la culture du cannabis, lorsqu'elle ne revêt pas un caractère professionnel, doit être considérée de la même façon que la détention d'une petite quantité de drogues douces. L'affaire doit donc être classée.

Elles précisent également les critères permettant d'évaluer le caractère professionnel de la culture. Lorsque le nombre de pieds cultivés est inférieur à cinq, la culture est réputée non professionnelle. Au-dessus de cinq pieds, les directives recommandent de prendre en compte une dizaine de critères parmi lesquels la nature de l'éclairage (naturel ou artificiel), l'existence de systèmes d'arrosage, de ventilation ou de chauffage, la qualité des semences (origine inconnue ou graines sélectionnées), l'endroit où les pieds poussent (balcon, jardin ou, à l'opposé, serre) et la nature du terrain (terre ou laine de verre).

En juillet 2011, le Gouvernement a déposé au Parlement un projet de loi relatif à la modification de la loi sur l'opium, tendant à la pénalisation de la préparation et de la « facilitation » de la culture illégale de chanvre. Toujours en discussion, ce texte tend à remédier au fait que la législation pénale actuelle ne permet pas de sanctionner les activités qui facilitent la culture car elle réprime uniquement les activités des organisations criminelles.

L'exposé des motifs du projet de loi indique que « la culture illégale de chanvre constitue, du fait de son ampleur et de son caractère " professionnel " un réel risque pour la sécurité » qui repose sur « un conglomérat d'activités » constituant une sorte d'« industrie » 8 ( * ) . Observant que « la production de chanvre excède largement le besoin de cannabis [des Pays-Bas] » , le même document rappelle qu'en 2009, les autorités ont, d'ores et déjà, procédé au démantèlement de 4 727 cultures de chanvre, correspondant à 850 000 plants de cannabis. Aussi le projet de loi propose-t-il de sanctionner pénalement la culture de grosses quantités de chanvre et de lutter contre les jardineries (growshops) qui fournissent le matériel nécessaire à cette activité dans toutes ses formes (culture, récolte, conditionnement...), le cas échéant en ayant recours à la publicité (y compris sur Internet) pour faire connaître leur activité. La réforme tend du reste à lutter contre tous les maillons de la chaîne permettant la production de cannabis en grandes quantités.

PORTUGAL

La loi n° 30/2000 du 29 novembre 2000, qui définit les règles applicables à la consommation de produits stupéfiants et de substances psychotropes ainsi qu'à la protection sanitaire et sociale des personnes qui consomment de telles substances sans prescription médicale, a dépénalisé la consommation de produits stupéfiants. Elle a aussi dépénalisé leur acquisition et leur détention lorsque celles-ci sont liées à la consommation personnelle.

Depuis son entrée en vigueur, le 1 er juillet 2001, les actes qu'elle a dépénalisés constituent des infractions administratives, qui ne sont pas nécessairement sanctionnées, car la loi se fixe comme objectif principal le traitement des toxicomanes qu'elle considère comme des malades.

La loi n° 30/2000 a donc partiellement abrogé le décret-loi n° 15/93 du 22 janvier 1993, qui définissait les différentes infractions pénales relatives à la drogue et établissait les sanctions correspondantes.

1. La consommation du cannabis

Les produits dont la consommation est contrôlée au titre de la lutte contre les stupéfiants sont classés en six listes annexées au décret-loi n° 15/93. La première, subdivisée en trois parties, comprend les opiacés, les dérivés du coca, ainsi que le cannabis et ses dérivés ; la deuxième les hallucinogènes, les amphétamines et les barbituriques ; la troisième les préparations réalisées à partir de substances contrôlées ; la quatrième les tranquillisants et les analgésiques ; la cinquième et la sixième les « précurseurs » des produits stupéfiants, c'est-à-dire les substances, comme l'acétone ou l'acide chlorhydrique, susceptibles d'être utilisées pour préparer des produits stupéfiants.

Jusqu'au 1 er juillet 2001, date d'entrée en vigueur de la loi n° 30/2000, la consommation de tous les produits stupéfiants, et donc du cannabis, était considérée comme une infraction pénale. Elle était sanctionnée par une peine de prison pouvant atteindre 3 mois ou par 30 jours-amende, mais la loi disposait qu'une dispense de peine pouvait être accordée au consommateur occasionnel.

La loi n° 30/2000 fait de la consommation des produits énumérés dans les quatre premières annexes du décret-loi n° 15/93, c'est-à-dire de tous les produits stupéfiants, une « infraction administrative ».

Le traitement de ces infractions relève de la compétence exclusive de la commission pour la prévention de la toxicomanie géographiquement compétente. Ces commissions ont été instituées par la loi n° 30/2000. Il en existe une dans chaque district, dans les services de l'Institut de la drogue et de la toxicomanie. Elles regroupent trois membres : un juriste qui préside, et deux représentants des professions médicales ou sociales.

Toutes les infractions administratives relatives aux stupéfiants sont enregistrées au fichier central de l'Institut portugais de la drogue et de la toxicomanie. Ceci permet d'adapter la procédure administrative et les sanctions au passé des contrevenants.

En effet, la commission doit d'abord décider si les contrevenants sont ou non toxicomanes. Pour cela, elle entend les intéressés et réunit tous les éléments nécessaires, faisant réaliser, le cas échéant, des examens médicaux.

La procédure prévue par la loi n° 30/2000 vise plus à soigner les toxicomanes qu'à les punir. Aussi, lorsque l'un d'eux requiert spontanément l'assistance d'un service de soins, aucune sanction ne peut être prise à son encontre.

Lorsque l'infraction de consommation a été commise par un toxicomane, qu'il soit ou non déjà fiché, le contrevenant peut opter pour un traitement médical. S'il le suit jusqu'au bout et sans interruption, aucune sanction ne lui est infligée. Si tel n'est pas le cas, la commission peut lui infliger diverses sanctions, mais en aucun cas une sanction pécuniaire. Elle peut en particulier lui adresser une admonestation (avertissement oral). Elle peut également limiter certains de ses droits, par exemple en lui interdisant d'exercer certaines professions ou activités, de fréquenter certains endroits, d'accompagner, de loger ou de recevoir certaines personnes, de se rendre à l'étranger. Si le contrevenant l'accepte, la commission peut aussi l'obliger à fournir une prestation, en espèces ou en nature, à certains organismes sociaux. La durée de ces différentes sanctions est comprise entre 1 mois et 3 ans.

Lorsqu'une infraction administrative a été commise par une personne qui n'est pas toxicomane et qui n'est pas fichée, la procédure administrative est suspendue pendant 2 ans en principe. À l'issue de la procédure de suspension, si aucune nouvelle infraction n'est commise, le dossier est classé sans que l'intéressé ne soit sanctionné. La suspension de la sanction est comprise entre 1 et 3 ans.

Les sanctions administratives visent donc surtout les consommateurs non toxicomanes qui sont déjà fichés. Pour décider de la sanction, la commission doit tenir compte de plusieurs facteurs (lieu, privé ou public de consommation ; caractère habituel ou non de la consommation ; situation financière du consommateur...). La sanction, qui consiste en principe en une amende, est comprise, pour les consommateurs de cannabis non toxicomanes, entre 5 000 et 30 000 escudos (c'est-à-dire entre 25 et 150 €).

La commission peut prononcer une ou plusieurs des sanctions non pécuniaires qu'elle applique aux toxicomanes. Les sanctions sont communiquées à la police.

2. La détention du cannabis

Jusqu'au 1 er juillet 2001, date d'entrée en vigueur de la loi n° 30/2000, la détention illicite des produits stupéfiants constituait une infraction pénale, dont la sanction variait en fonction de la quantité détenue. Lorsque la quantité détenue ne dépassait pas la consommation moyenne d'une personne pendant 3 jours, la sanction était la même que pour la consommation. Dans le cas contraire, la peine de prison pouvait atteindre 1 an et le nombre de jours-amende 120.

En vertu de la loi n° 30/2000 entrée en vigueur le 1 er juillet 2001, la détention des produits stupéfiants constitue, au même titre que leur consommation, une infraction administrative, mais seulement dans la mesure où la quantité détenue n'excède pas les besoins d'une personne pendant 10 jours.

Dans les autres cas, la détention des produits stupéfiants relève du décret-loi de 1993. Elle constitue donc une infraction pénale et les sanctions antérieures à la loi n° 30/2000 sont toujours appliquées.

3. La vente du cannabis

L'achat de produits stupéfiants destinés à la consommation personnelle constitue, tout comme la consommation et la détention à des fins personnelles, une infraction administrative. En revanche, la vente continue à relever de l'article 21 du décret-loi de 1993 et constitue une infraction pénale.

La sanction de cette infraction consiste en principe en une peine de prison dont la durée est comprise entre 4 et 12 ans. Cette sanction est allégée lorsque le trafic peut être qualifié de « moindre gravité » (menor gravidade) , notamment à cause de la quantité ou de la qualité des produits (par exemple ceux inscrits au tableau IV « tranquillisants et analgésiques »). Dans ce cas, la durée de la peine de prison est comprise entre 1 et 5 ans. La peine est également réduite lorsque le trafic est l'oeuvre d'un « trafiquant-consommateur » qui cherche à financer ses besoins personnels (emprisonnement limité à 3 ans ou simple amende). Inversement, la peine peut être aggravée, notamment lorsque les substances sont remises à des mineurs ou à un grand nombre de personnes.

4. La culture du cannabis

Elle continue à être régie par l'article 40 du décret-loi de 1993 et constitue une infraction pénale. Cependant, la sanction diffère selon l'ampleur de la culture :

- l'article 21 punit la culture du cannabis de 4 à 12 ans de prison ;

- l'article 40 punit la culture destinée à la consommation personnelle :

d'au plus 3 mois de prison ou d'au plus 30 jours-amende si la quantité de cannabis est inférieure à une consommation moyenne individuelle pendant 3 jours ;

d'au plus 1 an de prison et d'au plus 120 jours-amende si la quantité de cannabis excède une consommation moyenne individuelle pendant 3 jours.

ROYAUME-UNI

(Angleterre)

L'annexe 2 de la loi de 1971 relative au mauvais usage des stupéfiants modifiée classe les produits illicites en trois catégories A, B et C. Les drogues les plus dangereuses figurent dans la catégorie A. Le cannabis appartient à la catégorie B.

La loi n'interdit pas la consommation des produits stupéfiants, sauf celle de l'opium. En revanche, toutes les opérations qui les concernent (détention, fabrication, vente...) constituent des infractions sanctionnées différemment selon la catégorie à laquelle le produit appartient. La loi prévoit des peines maximales, ce qui laisse une certaine liberté d'appréciation aux tribunaux.

Le cannabis a été classé dans la catégorie B avant 2004, puis dans la catégorie C entre janvier 2004 et janvier 2009, époque à laquelle il a été réintégré dans la catégorie B.

1. La consommation de cannabis

La loi de 1971 relative au mauvais usage des stupéfiants interdit seulement la consommation de l'opium. La consommation de tous les autres produits stupéfiants, et donc du cannabis, n'est pas prohibée.

2. La détention du cannabis

En application de l'article 5 de la loi de 1971 précitée, la détention des produits stupéfiants, et donc du cannabis, sans autorisation est interdite. Cet article distingue deux infractions. La peine varie en fonction de la façon dont l'infraction est jugée 9 ( * ) .

a) La détention simple

Si l'infraction est jugée selon la procédure sommaire, le coupable est passible d'une peine d'emprisonnement de 3 mois au plus et/ou d'une amende pouvant s'élever à 2 500 £ (environ 2 990 €).

Si elle est jugée sur acte d'accusation, le coupable est passible d'une peine d'emprisonnement de 5 ans au plus et/ou d'une amende dont le montant est laissé à l'appréciation du juge.

Le guide de l'Association des officiers de police en chef du 29 janvier 2009 (Association of Chief Police Officers, ACPO) relatif à la « possession » (possession) du cannabis destiné à un usage personnel, qui a pour objet d'aider les policiers à trouver une réponse adaptée à la situation, propose une échelle progressive de 3 sanctions :

- l'avertissement (cannabis warning) pour la première infraction ;

- la notification d'amende pour atteinte à l'ordre public (Penalty Notice for Disorder (PND)) si l'auteur de l'infraction a déjà reçu un avertissement ;

- ou l'arrestation (arrest) si l'auteur de l'infraction a déjà fait l'objet des deux précédentes sanctions.

Le policier reste libre, au vu des circonstances de l'espèce, d'appliquer l'une ou l'autre de ces sanctions sans respecter cette échelle.

La PND consiste en une amende fixe payable dans un délai de 21 jours assortie de la faculté de demander le renvoi de l'affaire devant le juge. Selon la gravité des infractions visées, l'amende est de 90 £ (environ 108 €) ou de 60 £ (environ 72 €). La possession de cannabis pour usage personnel est sanctionnée par l'amende la plus élevée.

Le document du ministère de la Justice relatif aux PND , entré en application le 1 er juillet 2013, qui est un guide à l'usage des policiers approuvé par le ministère de l'Intérieur et l'Association des officiers de police en chef indique qu'une PND est adaptée à la « possession » de cannabis destiné à un usage personnel.

Dans tous les cas, il revient au policier d'apprécier si la quantité de cannabis détenu semble raisonnable pour une consommation personnelle.

b) La détention avec intention de fournir un tiers

Si l'infraction est jugée selon la procédure sommaire, le coupable est passible d'une peine d'emprisonnement de 6 mois au plus et/ou d'une amende dont le montant est laissé à l'appréciation du juge. Le guide publié par le Crown Prosecution Service sur les réquisitions du ministère public en la matière préconise une amende de 5 000 £ (environ 5 980 €).

Si l'infraction est jugée sur acte d'accusation, le coupable est passible d'une peine d'emprisonnement de 14 ans au plus et/ou d'une amende dont le montant est laissé à l'appréciation du juge.

L'article 5 de la loi de 1971 prévoit que l'inculpé peut se défendre en prouvant qu'il est entré en possession de ce qu'il savait ou suspectait être de la drogue :

- dans le but d'empêcher une personne de commettre ou de continuer à commettre une infraction et que dès qu'il en a pris possession, il a entrepris toutes les démarches nécessaires pour la détruire ou la confier à la garde d'une personne habilitée ;

- ou afin d'en confier la garde à une personne habilitée et que dès qu'il en a pris possession, il a entrepris toutes les démarches nécessaires pour ce faire.

L'article 28 de la même loi prévoit que l'inculpé peut également se défendre en établissant qu'il ne savait pas ou n'avait pas de raison de croire qu'il s'agissait d'une quelconque drogue illicite.

3. La vente du cannabis

La vente du cannabis est interdite. Selon l'article 4 de la loi de 1971 commet une infraction la personne qui fournit ou offre de fournir une drogue illicite à un tiers ou qui est impliquée dans une telle fourniture ou offre de fourniture. L'article 37 de la même loi définit très succinctement la fourniture « comme incluant la distribution ».

La vente est sanctionnée comme la détention de drogue illicite avec intention de la fournir à un tiers.

L'inculpé peut se défendre en invoquant l'article 28 précité.

4. La culture du cannabis

L'article 6 de la loi de 1971 interdit la culture de « toute plante appartenant à l'espèce cannabis » tandis que l'article 4 prohibe la production (ou l'implication dans la production) d'une drogue illicite comme le cannabis. L'article 37 de la même loi précise que cette expression signifie « la production par la fabrication, la culture ou tout autre méthode ».

Ces deux infractions sont punies des mêmes peines qui sont elles-mêmes identiques à celles sanctionnant la détention de drogue illicite avec l'intention de la fournir à un tiers.

Le guide publié par le Crown Prosecution Service sur les réquisitions du ministère public indique que par rapport à la culture, la production est une infraction relevant d'un mode de vie criminelle (Lifestyle offence) et qu'elle entraîne un calcul différent du bénéfice résultant de l'activité criminelle qui sera confisqué.

Il rappelle également que l'acte d'une personne qui consiste à faire pousser un plant de cannabis et à commencer à préparer des parties de la plante en vue de sa consommation répond à la définition légale de la production.

Qu'il soit inculpé pour la culture ou la production de cannabis, l'intéressé peut se défendre en invoquant l'article 28 précité.

SUISSE

(Confédération Suisse)

L'article 2 de la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes, dont la dernière modification adoptée le 28 septembre 2012 est entrée en vigueur le 1 er octobre 2013, définit les stupéfiants comme « les substances et préparations qui engendrent une dépendance et qui ont des effets de type morphinique, cocaïnique ou cannabique, et celles qui sont fabriquées à partir de ces substances ou préparations ou qui ont un effet semblable à celles-ci » . Elle vise notamment le cannabis.

Le Département fédéral de l'Intérieur a précisé les substances soumises au contrôle des stupéfiants au sens de cet article dans une ordonnance du 30 mai 2011 modifiée relative aux tableaux des stupéfiants, des substances psychotropes, des précurseurs et des adjuvants chimiques. Y figure notamment le cannabis, « plante de chanvre ou parties de plante de chanvre présentant une teneur totale moyenne en THC de 1,0 % au moins et tous les objets et préparations présentant une teneur totale en THC de 1,0 % au moins ou fabriqués à partir du chanvre présentant une teneur totale de THC de 1,0 % au moins » .

La loi fédérale du 3 octobre 1951 qualifie d'infractions pénales la consommation de produits stupéfiants et toutes les opérations qui les concernent (fabrication, culture, commerce, détention...) en l'absence d'autorisation. Elle distingue toutefois la consommation et les infractions commises en vue de la consommation personnelle pour les punir moins sévèrement. Elle prévoit également que les cantons édictent les dispositions nécessaires à son exécution et désignent les autorités et offices chargés d'engager les poursuites pénales.

1. La consommation du cannabis

L'article 19a de la loi précitée punit d'une amende « celui qui sans droit aura consommé intentionnellement des stupéfiants » . Toutefois, « dans les cas bénins, l'autorité compétente pourra suspendre la procédure ou renoncer à infliger une peine » et prononcer une réprimande. Elle pourra également renoncer à poursuivre pénalement l'auteur de l'infraction si celui-ci fait l'objet d'un suivi médical pour consommation de stupéfiants ou s'il accepte de s'y soumettre.

L'article 19b qui exonère de toute sanction pénale « celui qui se borne à préparer des stupéfiants en quantités minimes, pour sa propre consommation ou pour permettre à des tiers de plus de 18 ans d'en consommer simultanément en commun après leur en avoir fourni gratuitement » est complété depuis le 1 er octobre 2013 par un alinéa qui précise que « 10 grammes de stupéfiants ayant des effets de type canabique sont considérés comme une quantité minime » .

L'article 19c punit d'une amende « celui qui intentionnellement, décide ou tente de décider quelqu'un à consommer sans droit des stupéfiants » .

Depuis le 1 er octobre 2013, l'article 28b nouvellement inséré permet à la police d'appliquer une procédure simplifiée dite « procédure relative aux amendes d'ordre » au cas de consommation de cannabis par une personne qui n'en détient sur elle qu'une quantité ne dépassant pas 10 grammes si :

- l'infraction relative à la consommation de cannabis est la seule constatée ;

- elle l'a été par un agent de police compétent ;

- et si l'auteur de l'infraction est majeur 10 ( * ) .

Cette procédure simplifiée ne prend en compte ni « les antécédents » ni « la situation personnelle du contrevenant » qui reçoit du policier outre un procès-verbal, une « quittance » constatant l'infraction et indiquant le montant de l'amende d'ordre fixé forfaitairement à 100 francs suisses (environ 80 €). Le contrevenant peut la payer immédiatement ou dans un délai de 30 jours. Dans ce cas, aucune procédure pénale n'est ouverte. Il peut toutefois refuser de se soumettre à cette procédure simplifiée et demander l'application de la procédure pénale de droit commun. Une amende d'ordre peut également être infligée au terme de cette dernière.

Ces dispositions ont pour but de décharger la police et les tribunaux de ce type d'affaires tout en unifiant les sanctions qui étaient jusqu'à présent différentes selon les cantons.

2. La détention du cannabis

L'article 19 punit d'une peine d'emprisonnement de 3 ans au plus ou d'une amende la possession ou la détention de stupéfiants sans autorisation.

Aux termes de l'article 19a, seule l'amende est applicable à l'infraction de détention lorsque celle-ci a pour unique objet la consommation personnelle.

Comme pour la consommation de cannabis, l'autorité compétente pourra, « dans les cas bénins », suspendre la procédure ou renoncer à infliger une peine et prononcer une réprimande. Elle a également la faculté de renoncer à poursuivre pénalement l'auteur de l'infraction si celui-ci fait l'objet d'un suivi médical pour consommation de stupéfiants ou s'il accepte de s'y soumettre.

3. La vente du cannabis

L'article 19 précité prévoit les mêmes sanctions pour la vente sans autorisation du cannabis que pour sa détention.

Aux termes de l'article 19a, seule l'amende est applicable à l'infraction de vente du cannabis lorsque celle-ci a pour unique objet de permettre la consommation personnelle.

Comme pour la consommation de cannabis, l'autorité compétente pourra, « dans les cas bénins » :

- suspendre la procédure ou renoncer à infliger une peine et prononcer une réprimande ;

- renoncer à poursuivre pénalement l'auteur de l'infraction si celui-ci fait l'objet d'un suivi médical pour consommation de stupéfiants ou s'il accepte de s'y soumettre.

Fin 2012, la presse helvétique s'est fait l'écho de la constitution d'un groupe de travail par les villes de Zurich et de Bâle et de l'élaboration d'un projet pilote de vente de cannabis. Interpelé par un parlementaire sur les suites de cette affaire, le Conseil fédéral a répondu en mai 2013 que « la loi sur les stupéfiants n'autoris(ait) pas les projets de remise contrôlée de drogues » et que l'Office fédéral de la santé publique chargé de délivrer les autorisations exceptionnelles n'avait « reçu jusqu'ici aucune ébauche de projet ou de demande explicite à ce sujet » .

4. La culture du cannabis

L'article 19 précité prévoit les mêmes sanctions pour la culture du cannabis sans autorisation que pour sa détention et sa vente.

Aux termes de l'article 19a, seule l'amende est applicable à l'infraction consistant en la culture du cannabis lorsque celle-ci a pour seul objet de permettre la consommation personnelle.

Comme pour la consommation de cannabis, l'autorité compétente pourra, « dans les cas bénins » :

- suspendre la procédure ou renoncer à infliger une peine et prononcer une réprimande ;

- renoncer à poursuivre pénalement l'auteur de l'infraction si celui-ci fait l'objet d'un suivi médical pour consommation de stupéfiants ou s'il accepte de s'y soumettre.

Le 5 octobre 2012, le Tribunal fédéral a annulé le concordat dit « latin » conclu par la Conférence latine des chefs de départements de justice et police auquel avaient adhéré plusieurs cantons (Vaud, Genève, Fribourg, Neuchâtel, Jura, Valais) en considérant que « le concordat, bien que règlementant le domaine du chanvre non stupéfiant, viol(ait) la primauté du droit fédéral » . Ce concordat, entré en vigueur le 1 er mars 2012, autorisait et encadrait la culture du chanvre licite dont la teneur en THC était inférieure à 1 %.

URUGUAY

(République orientale de l'Uruguay)

La législation relative au cannabis en vigueur en Uruguay résulte du décret-loi n° 14 294 du 31 octobre 1974 modifié par la loi n° 17 016 du 22 octobre 1998. La Chambre des députés de l'Uruguay 11 ( * ) a adopté, le 1 er août 2013, le projet de loi n° 708/13 relatif au contrôle et au régime de production, commerce et consommation de marijuana qui tend à modifier le décret n° 14 294 du 31 octobre 1974. Le texte pourrait être examiné prochainement par la seconde Chambre.

A. LA LÉGISLATION EN VIGUEUR

Le décret-loi n° 14 294 du 31 octobre 1974 modifié concerne les substances visées aux annexes I et II de la convention unique de New-York de 1961 que l'Uruguay a ratifiée en 1974, et celles mentionnées dans la convention sur les substances psychotropes signée à Vienne en 1971, y compris le cannabis.

1. La consommation du cannabis

Toute personne surprise en train de consommer des stupéfiants dans des circonstances qui font présumer qu'elle recourt à ces substances pour son usage personnel doit être présentée à un juge afin que celui-ci ordonne son examen par un médecin de la commission nationale de lutte contre la toxicomanie et par un médecin spécialisé qui établissent un rapport dans les 24 heures. Si la personne s'avère être toxicomane, le juge lui impose un traitement dans un établissement approprié.

2. La détention du cannabis

La détention illégale de cannabis pour un usage autre que la consommation personnelle (consumo personal) est punie d'une peine de 20 mois à 10 ans de prison. Depuis 1998 ne peut, en effet, être condamné quiconque en détient une « quantité raisonnable destinée exclusivement à sa consommation personnelle, laissée à l'appréciation du magistrat dont la conviction morale doit être motivée dans la décision qu'il rend » (cantidad razonable destinada exclusivamente a su consumo personal, con arreglo a la convicción moral que se forme el Juez a su respecto, debiendo fundamentar en su fallo las razones que la han formado) .

3. La vente du cannabis

La vente du cannabis est interdite sauf à des fins thérapeutiques et sur ordonnance médicale.

L'importation, l'exportation, l'introduction en transit, la distribution, le transport, le fait d'être dépositaire, de mettre en vente et de négocier, sont punis de 20 mois à 10 ans de prison - 4 à 15 ans en cas de vente à une personne de moins de 21 ans.

4. La culture du cannabis

Le décret-loi de 1974 précité interdit la plantation, la culture et la commercialisation de toutes plantes dont peuvent être extraits des stupéfiants hormis celles dûment autorisées à des fins de recherche scientifique ou pour l'élaboration de produits thérapeutiques destinés à une utilisation médicale. Il prévoit que toute plantation non autorisée sera « immédiatement détruite » après décision judiciaire.

La production illégale de cannabis est punie d'une peine de 20 mois à 10 ans de prison.

B. LE PROJET DE LOI N° 708/13

Selon les débats devant la Chambre des députés ce projet, d'origine gouvernementale, a été présenté au Parlement à la suite de la constitution, en 2010, d'une commission parlementaire spéciale sur les addictions et sur leur impact sur la société uruguayenne. D'après le rapporteur de la majorité qui a voté le projet à la Chambre des députés à l'été 2013, ce texte repose sur l'idée que la prohibition et la répression ne sauraient résoudre les problèmes « de drogue » du pays.

Le projet amende le décret-loi de 1974 afin de :

- préciser les droits des utilisateurs de cannabis en clarifiant le régime de sa détention ;

- renforcer les mesures sanitaires ;

- et de combattre le narcotrafic.

Il est composé de cinq titres, respectivement consacrés :

- à l'objet de la loi ;

- aux principes généraux ;

- au cannabis ;

- à l'Institut de régulation et de contrôle du cannabis ;

- et enfin à l'évaluation du texte.

Le projet de loi a pour objet, selon son article 1 er , de protéger, promouvoir et améliorer la santé publique par une politique de minimisation des risques et de réduction des dommages résultant de l'utilisation du cannabis, d'encourager l'information sur les conséquences et les effets néfastes liés à sa consommation, l'éducation et la prévention ainsi que le traitement, la rééducation et la réinsertion sociale des « utilisateurs qui posent problème » (usuarios problematicos) . Il entend protéger la population contre les risques qu'impliquent les relations avec le commerce illégal et le narcotrafic en combattant les conséquences sanitaires, sociales et économiques de l'usage néfaste de substances psychoactives et en réduisant les conséquences du trafic de stupéfiants et du crime organisé.

Le système national de santé devrait prendre diverses mesures pour la promotion de la santé et la prévention des usages « qui posent problème » (problemáticos) du cannabis. Des dispositifs appropriés pour la surveillance, l'aide, l'orientation et le traitement des « utilisateurs qui posent problème » seraient aussi prévus, notamment dans les écoles. Toute publicité pour la consommation de cannabis serait interdite.

Le projet de loi repose sur plusieurs concepts-clef :

- le « cannabis psychoactif », à savoir les extrémités florales, qu'elles portent ou non des fruits, de la plante de cannabis femelle à l'exclusion des semences et des feuilles séparées de la tige, y compris les huiles, extraits, sirops et autres, dont le contenu en tétrahydrocannabinol (THC) naturel est supérieur ou égal à 1 % de son volume ;

- le « cannabis non psychoactif », (cañamo) , les plantes ou morceaux de plantes et leurs dérivés, de la famille du cannabis, qui ne contiennent pas plus de 1 % de THC ainsi que les graines dont la teneur en THC ne dépasse pas 0,5 % ;

- les « autocultivateurs », personnes qui cultivent moins de six plans de cannabis pour leur usage personnel, dans la limite de 480 grammes par an ;

- les « clubs » de culture de cannabis psychoactif, sortes d'associations qui comprendraient de 15 à 45 membres et ne pourraient détenir plus de 99 pieds.

Le projet prévoit également la création d'un Institut de régulation et de contrôle du cannabis qui aurait pour mission de :

- réguler toutes les activités susceptibles, aux termes de la loi, d'être légalement mises en oeuvre dans les conditions qu'elle fixe (plantation, culture, récolte ...) :

- de promouvoir des actions tendant à réduire les risques liés à l'usage « qui pose problème » (uso problemático) ;

- de contrôler l'application des dispositions de la loi ;

- et dans lequel siégeraient des représentants des cultivateurs (« autocultivateurs » et membres de « clubs », v. infra ).

L'Institut de régulation et de contrôle du cannabis tiendrait différents registres, destinés à assurer :

- la traçabilité et le contrôle des cultures tant dans le cadre domestique que dans celui d'un « club » ;

- et le suivi de la vente dans les pharmacies en liaison avec l'Institut (lors du débat plusieurs intervenants ont mis en doute la constitutionnalité de cette dernière disposition, considérant qu'il n'est pas possible de « ficher » des personnes qui se livrent à une activité qui n'est pas contraire à l'ordre public).

Les données personnelles consignées dans ces registres, qualifiées par la loi de « sensibles », demeureraient confidentielles. L'inscription sur ces registres serait nécessaire pour pouvoir revendiquer la protection offerte par la loi, notamment le bénéfice des dispositions plus douces en cas de violation de l'interdiction de cultiver du cannabis.

1. La consommation du cannabis

Le projet de loi - dont les dispositions n'autorisent pas explicitement la consommation du cannabis - interdit en revanche positivement aux personnes âgées de moins de 18 ans d'accéder (acceder) au cannabis psychoactif pour un usage récréatif (uso recreativo) . Il assortit cette interdiction de sanctions pénales comprises entre 4 et 15 ans de prison, applicables aux personnes qui favoriseraient la consommation du cannabis par des mineurs.

2. La détention du cannabis

Le projet de loi aménage le décret de 1974 afin de rendre possible la détention dès lors qu'elle résulterait d'une culture domestique, dans la limite de 480 grammes par an.

Seraient punis de 20 mois à 10 ans de prison ceux qui, sans détenir une autorisation requise par la loi, importeraient, exporteraient, feraient transiter, distribueraient, détiendraient en leur possession pour une consommation autre qu'exclusivement personnelle, seraient dépositaires, stockeraient, possèderaient, offriraient à la vente ou négocieraient du cannabis.

Le projet de loi prévoit expressément que ne pourrait être mise en cause la responsabilité des personnes qui transporteraient, garderaient en leur possession, seraient dépositaires, stockeraient ou possèderaient une quantité de cannabis destiné à leur usage personnel, laquelle serait estimée par le juge en fonction des principes de la saine critique 12 ( * ) (reglas de la sana critica) , étant observé que jusqu'à 40 grammes, la quantité de cannabis serait présumée détenue pour un usage personnel.

Ces sanctions ne seraient applicables ni aux personnes qui détiendraient la récolte de leurs 6 pieds de cannabis cultivés pour un usage personnel, ni à celles qui détiendraient la récolte de cannabis qu'elles font pousser dans un « club » spécialisé (v. supra ).

3. La vente du cannabis

L'Institut de régulation et de contrôle du cannabis que le projet de loi prévoit d'instituer pourrait accorder des licences de distribution de cette substance aux pharmacies.

Une inscription préalable au registre des pharmacies tenu par cet Institut serait nécessaire pour vendre :

- du cannabis psychoactif à usage personnel dont la quantité serait limitée à 40 grammes par personne et par mois ;

- et du cannabis à usage médicinal nécessitant une ordonnance médicale.

Un autre registre concernant des « utilisateurs » (usuarios) dont les données personnelles demeureraient confidentielles serait tenu pas l'Institut de régulation et de contrôle du cannabis avec le concours des pharmacies. Celles-ci ne délivreraient de cannabis qu'après avoir contrôlé, sur la foi d'un document d'identité, que l'acheteur a plus de 18 ans.

4. La culture du cannabis

Le projet de loi, qui confirme que quiconque produit illégalement du cannabis est puni de 20 mois à 10 ans de prison, aménage un nouveau régime qui permettrait de cultiver du cannabis en distinguant la culture domestique et celle réalisée dans le cadre de « clubs ».

• Culture domestique

La plantation, la culture et la récolte de cannabis psychoactif pour un usage personnel ou partagé, sur place, ne seraient pas interdites. La culture domestique serait, quant à elle, autorisée dans la limite de 6 pieds de cannabis à effet psychoactif.

Les « autocultivateurs » ne pourraient pas être poursuivis à raison de cette activité.

• Culture dans le cadre de « clubs »

La plantation, la culture et la récolte de cannabis psychoactif - dans la limite de 99 pieds - seraient possibles dans des « clubs » qui comprendraient de 15 à 45 membres. La récolte par personne membre du club ne pourrait dépasser le total des quantités autorisées pour chacun de ses membres dans le cadre domestique (soit 480 grammes par an, v. supra ).

Les plantations illégales de cannabis seraient susceptibles d'être détruites, moyennant l'intervention d'un juge.

Les membres d'un « club » ne pourraient pas être poursuivis à raison de cette activité.

Le texte précise que l'Institut de régulation et de contrôle du cannabis assurerait la confidentialité des registres de données contenant :

- les « déclarations d'autoculture » qui lui seraient adressées par les particuliers ;

- et les autorisations de cultiver qu'il aurait délivrées aux « clubs » de culture de cannabis, lesquels ne pourraient, de surcroît, être créés qu'après autorisation de l'exécutif.

Le même Institut pourrait également infliger des sanctions pour non-respect des autorisations qu'il délivrerait : sanctions pécuniaires assorties de saisie de la marchandise, destruction de celle-ci, radiation temporaire ou définitive du registre...

ANNEXE : LISTE DES DOCUMENTS UTILISÉS

ALLEMAGNE

• Texte législatif

Betäubungsmittelgesetz, BtMG

loi du 28 juillet 1981 sur les stupéfiants

• Autres documents

BVerfGE 90,145 vom 9 März 1994

décision du Tribunal fédéral constitutionnel du 9 mars 1994

BGHSt 33,8 vom 18 Juli 1984

décision de la Cour suprême fédérale du 18 juillet 1984

DANEMARK

• Textes législatifs et réglementaires

LBK nr 748 af 01/07/2008 Bekendtgørelse af Lov om euforiserende stoffer

loi du 1 er juillet 2008 sur les substances euphorisantes

LBK nr 1028 af 22/08/2013 Straffeloven

code pénal

BEK nr 557 af 31/05/2011 Bekendtgørelse om euforiserende stoffer

décret du 31 mai 2011 sur les substances euphorisantes

• Autre document

RM 6-2006 rettet december 2012 - Sanktionspåstande mv. i narkotikasager

directive du ministère public sur les sanctions à réclamer dans les affaires de stupéfiants modifiée en décembre 2012

ESPAGNE

• Textes législatifs

Código Penal

code pénal

Ley Orgánica 1/1992 de 21 de febrero, sobre Protección de la Seguridad Ciudadana

loi organique n° 1 du 21 février 1992, sur la protection de la sécurité publique

• Autres documents

Orden de 31 de julio de 1967, que enmienda las listas anexas al convenio de 1961

arrêté du 31 juillet 1967 qui détaille les listes des annexes à la convention de 1961

Tribunal Supremo, Sala de lo Penal, Acuerdos del pleno sala segunda Tribunal Supremo, años 2000 - 2011, actualización Junio 2011, 3-02-2005

Tribunal Suprême, chambre pénale, décisions de l'assemblée général de la seconde chambre 2000-2011, actualisation juin 2011, 3-02-2005

María Encarnación Mayán Santos, « La importancia de la cantidad y composición en los delitos relativos a drogas tóxicas, estupefacientes y sustancias psicotrópicas » publié sur le site Noticias jurídicas , septembre 2007

[...], « l'importance de la quantité et de la composition dans les délits relatifs à des drogues toxiques, des stupéfiants et des substances psychotropes » [...]

Sites Internet :

- Site Internet du European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction (EMCDDA)

FRANCE

• Texte législatif

Code de la santé publique

Code pénal

• Autre document

Observatoire français des Drogues et des toxicomanies, note 2011-19, Législations relatives à l'usage et à la détention de cannabis : définitions et état des lieux en Europe (mise à jour le 17 janvier 2013)

PAYS-BAS

• Textes législatifs

Ompiumwet / Wet van 12 mei 1928, tot vaststelling van bepalingen betreffende het opium en andere verdoovende middelen

loi sur l'opium / loi du 12 mai 1928 [modifiée] portant dispositions concernant l'opium et d'autres substances anesthésiantes

32 842, Nr. 1, Wijziging van de Opiumwet in verband met de strafbaarstelling van handelingen ter voorbereiding of vergemakkelijking van illegale hennepteelt, koninklijke boodschap, Aan de Tweede Kamer der Staten-Generaal, 6 juli 2011

33 842, n° 1, projet de loi sur la modification de la loi sur l'opium, relatif à la pénalisation de la préparation et à la facilitation de la culture illégale de chanvre, message royal à la seconde chambre des États-Généraux, 6 juillet 2011

32 84 Nr. 2, Wijziging van de Opiumwet in verband met de strafbaarstelling van handelingen ter voorbereiding of vergemakkelijking van illegale hennepteelt, Memorie van toelichting

33 842, n° 2, projet de loi sur la modification de la loi sur l'opium, relatif à la pénalisation de la préparation et à la facilitation de la culture illégale de chanvre, message royal à la seconde chambre des États-Généraux, rapport de présentation [juillet 2011]

32 842 Nr. 3, Wijziging van de Opiumwet in verband met de strafbaarstelling van handelingen ter voorbereiding of vergemakkelijking van illegale hennepteelt, Brief van de minister van veiligheid en justitie Aan de Voorzitter van de Tweede Kamer der Staten-Generaal, Den Haag, 7 december 2012

33 842, n° 3, projet de loi sur la modification de la loi sur l'opium, relatif à la pénalisation de la préparation et à la facilitation de la culture illégale de chanvre, lettre du ministre de la Justice au président de la Seconde chambre des États-Généraux [7 décembre 2012]

32 842 B, Wijziging van de Opiumwet in verband met de strafbaarstelling van handelingen ter voorbereiding of vergemakkelijking van illegale hennepteelt, Memorie van antwoord, 10 juli 2013

33 842, n° 3, projet de loi sur la modification de la loi sur l'opium, relatif à la pénalisation de la préparation et à la facilitation de la culture illégale de chanvre, mémoire [du Gouvernement] [10 juillet 2013]

• Autres documents

24 077 Nr. 293, Drugbeleid, Brief van de minister van de Veligheid en Justitie, aan de Voorzitter van de Tweede Kamer de Staten, 19 novembre 2012

24 077, n° 293, politique de la drogue, lettre du ministre de la Justice et de la sécurité au président de la seconde chambre, 19 novembre 2012

Brugen slaan, Regeerakkord VVD - PvDA, 29 oktober 2012

construire des ponts, accord de gouvernement VVP - PvDA, 29 octobre 2012

Rectificatie Aanwijzing Opiumwet

instruction rectifiée relative à la loi sur l'opium publiée dans le Staatscourant Nr. 22936, 12 janvier 2012

Richtlijn voor strafvorering opiumwet, sofdrugs

directive pour l'instruction criminelle [pour l'application de] la loi sur l'opium, drogues douces

Sites Internet :

- Trimbos Instuut , pages « Cannabis en de wet » (le cannabis et la loi) et « Cannabisbeleid Nederland » (la politique du cannabis aux Pays-Bas)

PORTUGAL

• Textes législatifs et réglementaires

Lei n° 30/2000, de 29 de novembro, regime jurídico do consumo de estupefacientes

loi n° 30/2000 du 28 novembre 2000 sur le régime applicable à la consommation de stupéfiants

Decreto Lei n° 15/93 de 22 de Janeiro, Revê a legislação de combate à droga

décret-loi n° 15 du 22 janvier 1993, dispositions de lutte contre la drogue

ROYAUME-UNI (Angleterre)

• Texte législatif

Misuse of Drugs Act 1971

loi de 1971 relative au mauvais usage des stupéfiants

• Autres documents

ACPO Guidance on Cannabis Possession for Personnal Use, 28 january 2009

guide de l'Association des chefs de la police du 29 janvier 2009 relatif à la possession de cannabis destiné à un usage personnel

Penalty Notices for Disorder (PNDs), Ministry of Justice, 1st july 2013

document du ministère de la Justice relatif aux notifications d'amende pour atteinte à l'ordre public (PNDs), entré en application le 1 er juillet 2013

Drug Offences, incorporating the Charging standard, the Crown Prosecution Service

guide publié par le Crown Prosecution Service sur les réquisitions du ministère public dans les affaires de drogue

SUISSE

• Textes législatifs et règlementaires

Loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes, dont la dernière (État le 1 er octobre 2013)

Ordonnance du Département fédéral de l'Intérieur du 30 mai 2011 sur les tableaux des stupéfiants, des substances psychotropes, des précurseurs et des adjuvants chimiques, modifiée

• Autre document

Interpellation 13.3112 Légalisation du cannabis. Zurich veut jouer le rôle de pionnier déposée par Grin Jean-Pierre au Conseil national

URUGUAY

• Textes législatifs et règlementaires

Decreto Ley N° 14294

décret loi n° 14 294 du 31 octobre 1974 modifié par la loi n° 17 016 du 22 octobre 1998

Proyecto de Ley n° 708/13 referente al Control y régimen de producción, comercio y consumo de la marihuana

projet de loi n° 708/13 relatif au contrôle et au régime de production, commerce et consommation de marijuana

• Autre document

Compte rendu de la séance de la Cámara de Representantes du 31 juillet 2013


* 1 100 francs suisses.

* 2 Ceux-ci figurent dans les listes annexées à la convention unique sur les stupéfiants de 1961, publiées par arrêté du 31 juillet 1967. Le cannabis est inscrit sur la liste 1.

* 3 V. Tribunal Supremo, Sala de lo Penal, Acuerdos del pleno sala segunda Tribunal Supremo, años 2000 - 2011, actualización Junio 2011, 3-02-2005, p. 23 et l'article de María Encarnación Mayán Santos, « La importancia de la cantidad y composición en los delitos relativos a drogas tóxicas, estupefacientes y sustancias psicotrópicas » publié sur le site Noticias jurídicas , septembre 2007.

* 4 Pour les drogues considérées comme plus dangereuses, la peine de prison est comprise entre 3 et 6 ans, et l'amende se monte au triple de la valeur de l'objet du délit.

* 5 Conservateurs-libéraux du Volkspartij voor Vrigheid en Democratie (VVD) et Sociaux-démocrates du Partei van de Arbeid.

* 6 Il s'agit d'établissements du secteur de l'hôtellerie et de la restauration dans lesquels aucune boisson alcoolique n'est vendue.

* 7 Lettre du ministre de la Sécurité et de la Justice du 19 novembre 2012, citée en annexe, p. 1.

* 8 Document 32842 Nr. 3 (Memorie van toelichting) cité en Annexe, p. 1

* 9 Il s'agit d'infractions « relevant d'une juridiction ou de l'autre » et donc susceptibles d'être jugées sommairement par une magistrates'court ou sur acte d'accusation par la Crown Court (équivalent de la cour d'assises).

* 10 Les consommateurs mineurs restent soumis à la procédure pénale de droit commun qui donne au juge la possibilité de les soumettre à des mesures de prévention et de soins adaptées.

* 11 Le Parlement uruguayen comprend deux chambres.

* 12 Selon cette règle d'appréciation de la preuve en vigueur dans des pays d'Amérique latine, le juge doit apprécier les preuves qui lui sont soumises par « un raisonnement logique, équitable, et basé sur les principes de l'expérience humaine » et motiver sa décision. Le juge devrait, par exemple, selon le rapporteur de la majorité à la Chambre des députés, fonder sa décision sur des preuves démontrant que la détention de cannabis est motivée par le projet d'en vendre.

Page mise à jour le

Partager cette page