CANADA

Le régime des « privilèges, immunités et pouvoirs » applicable au Parlement canadien procède, d'une part, de ceux que possédaient la Chambre des communes du Royaume-Uni et ses membres au moment de l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1867 et, d'autre part, de ceux fixés depuis lors par les lois du Canada. L'analyse du régime en vigueur au Canada est donc indissociable de celui applicable au Royaume-Uni, autre pays de Common Law . Comme ceux d'outre-Manche, les textes canadiens se réfèrent à la notion de « privilège parlementaire » dont certains traits correspondent aux concepts d'irresponsabilité, d'inviolabilité ou d'immunité. Ces privilèges sont déterminés par :

- la Loi constitutionnelle de 1867, en particulier son article 18 ;

- et la loi sur le Parlement de 1985 modifiée, notamment ses articles 4 et 5.

La Note de procédure du Sénat n°12 sur le privilège parlementaire et le Compendium de la Chambre des communes précisent également les règles applicables en la matière. Les informations figurant ci-après en sont issues.

A. CONTENU DU « PRIVILÈGE PARLEMENTAIRE »

Selon une définition classique, le privilège parlementaire est « la somme des droits particuliers à chaque chambre collectivement [...] et aux membres de chaque chambre, individuellement, faute desquels il leur serait impossible de s'acquitter de leurs fonctions » 21 ( * ) . Deux auteurs observent que : « Le privilège appartient essentiellement à la chambre dans son ensemble ; à titre individuel, les députés ne peuvent l'invoquer que dans la mesure où une atteinte à leurs droits ou des menaces risqueraient d'entraver le fonctionnement de la Chambre. En outre, les députés ne peuvent invoquer le privilège ou l'immunité pour des questions qui ne sont pas liées à leurs fonctions à la Chambre » 22 ( * ) .

Les droits et immunités des parlementaires à titre individuel sont la « liberté de parole », « l'immunité d'arrestation dans les affaires civiles », « l'exemption du devoir de juré » et la « dispense de l'obligation de comparaître devant un tribunal ».

Les deux principaux pouvoirs ou privilèges collectifs du Parlement consistent en son pouvoir disciplinaire et son droit exclusif de réglementer ses affaires internes.

1. La « liberté de parole »

En vertu du privilège de « liberté de parole », les membres du Parlement sont libres de formuler, lors des délibérations parlementaires, toute observation, en séance plénière ou en commission, en jouissant d'une complète « immunité de poursuite ».

Cette « liberté de parole » s'applique aux propos tenus en séance publique et au sein des commissions. Un parlementaire qui diffuserait ses propos hors du cadre du compte rendu officiel pourrait ne pas bénéficier de l'immunité. Les opinions émises ne sont donc pas nécessairement couvertes par le privilège si elles sont reprises dans un communiqué de presse, sur un site internet, à la radio ou à la télévision.

2. L' « immunité d'arrestation » en matière civile

Les parlementaires canadiens bénéficient d'une « immunité d'arrestation » dans les affaires civiles mais pas en matière pénale.

En matière civile, le privilège fait obstacle à l'arrestation 23 ( * ) et à l'emprisonnement. Il repose sur l'idée d'une priorité du Parlement à bénéficier de la présence de ses membres, qui doivent s'acquitter de leurs fonctions. Les parlementaires en bénéficient :

- durant les 40 jours précédant et suivant une session parlementaire ;

- 40 jours après la dissolution d'une législature ;

- et à compter de la proclamation du résultat d'une élection.

Les membres du Parlement ne sont toutefois pas protégés contre les autres procédures en matière civile 24 ( * ) .

Le privilège ne peut être invoqué pour les affaires à caractère criminel ou pénal telles que les atteintes à l'ordre public, les affaires comportant des infractions criminelles aux lois fédérales ou provinciales. Le parlementaire n'est pas davantage protégé s'il est soupçonné, accusé ou reconnu coupable d'un acte criminel, à moins que l'infraction ne soit liée aux délibérations du Parlement.

L'arrestation d'un parlementaire peut même être effectuée dans la propre enceinte du Parlement, dès lors que la Chambre ne siège pas.

La présidence de la Chambre doit être informée par les autorités compétentes de l'arrestation ou de la détention d'un parlementaire pour une période « relativement longue », par exemple en cas de détention préventive. De même, toute condamnation à une peine d'emprisonnement doit faire l'objet d'une information au Parlement.

a) La dispense d'obligation de comparaître devant un tribunal

Pendant les sessions parlementaires, les membres du Parlement sont exemptés de l'obligation de répondre à une citation à comparaître comme témoin devant un tribunal civil, criminel ou militaire. Un parlementaire peut cependant renoncer à se prévaloir de cette protection afin d'éviter de perturber le cours de la justice 25 ( * ) .

b) L' « exemption du devoir de juré »

Comme les chambres ont un droit prioritaire à bénéficier de la présence de leurs membres, ceux-ci ne sont pas tenus d'accepter de faire partie d'un jury.

3. Procédure applicable aux « questions de privilège »

La procédure relative aux questions de privilège résulte du Règlement de l'assemblée et des usages.

a) La demande de levée : auteur et contenu

Les « questions de privilège » peuvent être soulevées par un parlementaire.

D'après le guide La procédure et les usages de la Chambre des communes du Canada 26 ( * ) , le parlementaire qui désire soulever une question de privilège doit, en premier lieu, convaincre le président de la chambre à laquelle il appartient que la demande qu'il lui remet peut, en première analyse, faire l'objet de la procédure applicables à ces questions.

Le président vérifie :

- s'il existe une suspicion d'atteinte au privilège parlementaire ;

- et si la question a été soulevée à la première occasion.

Dans l'affirmative, le président informe la Chambre de ce que la question peut, selon lui, être examinée par priorité en séance publique.

Dans la négative, le président informe la Chambre des motifs pour lesquels il estime que la demande n'est pas fondée « de prime abord » et la procédure prend fin.

b) Examen de la demande

Le parlementaire autorisé à soulever une question de privilège dépose une motion à cet effet. L'usage est que la motion mentionne le renvoi du sujet à une commission chargée d'en étudier le contenu.

En séance publique, il expose les faits à l'origine de sa demande et la raison pour laquelle la chambre doit délibérer sur celle-ci par priorité. D'autres parlementaires peuvent intervenir à cette occasion.

Le droit commun de l'examen des motions est applicable : limitation des discours à 20 minutes, suivies de 10 minutes de questions et d'observations, le Premier ministre et le chef de l'opposition bénéficiant d'un temps de parole non limité.

Si la motion a trait à la conduite d'un député, celui-ci s'explique puis se retire.

La chambre peut amender le contenu de la motion.

À l'issue du débat, la motion est mise aux voix.


* 21 Erskine May's Treatise on The Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament.

* 22 Roland Marleau et Camille Montpetit, La procédure et les usages de la chambre des communes , citant Griffith et Ryle.

* 23 Le terme d' « arrestation » est ici retenu en se référant à la terminologie utilisée en droit canadien.

* 24 Joseph Maingot, Le privilège parlementaire au Canada , McGill-Queen's Press, 1997, p. 159.

* 25 Sur ce point, voir Robert Marleau et Camille Montpetit, op. cit.

* 26 Comme les précédents, les éléments infra sont tirés du travail précité de MM. Robert Marleau et Camille Montpetit.

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