BELGIQUE

Le Parlement fédéral belge est composé de deux Chambres : le Sénat et la Chambre des Représentants.

Le régime des immunités résulte de la Constitution de 1831, qui tend à protéger la liberté d'expression des législateurs (article 58) et instaurer une immunité dans le cadre de leur mandat parlementaire (article 59).

Le Règlement du Sénat ne prévoit pas de dispositions spécifiques relatives à la levée de l'immunité, cette procédure étant réglée par les usages. Le Règlement de la Chambre des représentants (article 160) traite de l'autorisation de poursuivre ses membres. Deux publications de la Chambre des représentants précisent les dispositions applicables en matière d'irresponsabilité 17 ( * ) et d'inviolabilité 18 ( * ) . Les informations contenues dans cette notice en sont issues.

A. L'IRRESPONSABILITÉ

1. Étendue

• À quelles opinions s'applique l'irresponsabilité ?

En vertu de l'article 58 de la Constitution, les membres de chaque chambre ne peuvent être poursuivis ni pour les opinions ni pour les votes émis dans l'exercice de leurs fonctions. L'irresponsabilité couvre toutes les opinions et tous les votes repris dans le Compte rendu intégral, le Compte rendu analytique, le Bulletin des questions et réponses et les documents parlementaires. Un parlementaire est également protégé lorsqu'il dépose une proposition de loi, une résolution, une motion ou une question écrite.

Les cours, tribunaux et organes disciplinaires ne sont donc pas compétents pour se prononcer sur des litiges résultant d'une opinion ou d'un vote exprimé par un parlementaire dans l'exercice de ses fonctions. L'irresponsabilité est absolue, l'assemblée ne peut pas la lever.

• S'applique-t-elle aux opinions exprimées au sein du Parlement et/ou en dehors du Parlement ?

L'irresponsabilité parlementaire résulte du lien avec la fonction et non du lieu où l'opinion a été émise.

La protection est acquise dans l'exercice des fonctions tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'enceinte parlementaire.

Selon le précis publié par la Chambre des représentants, on entend par opinions celles exprimées aussi bien oralement que par écrit (propositions de loi, rapports, amendements,...). Les actes de violence ne sont pas couverts par l'irresponsabilité. Les gestes peuvent être considérés comme l'expression d'une opinion, sauf s'ils sont assortis de violences.

Enfin, il est généralement admis que le parlementaire n'est pas couvert par l'irresponsabilité s'il répète, par exemple lors d'une interview ou d'une conférence de presse, des propos tenus au cours d'une réunion parlementaire. S'il édite, sous forme de brochure, un discours tenu au sein de l'assemblée parlementaire, il n'est pas davantage protégé. En revanche, la protection joue pour le simple envoi d'un discours prononcé au Parlement.

2. Durée

L'irresponsabilité parlementaire, qui s'applique dès le début du mandat, dure après la fin de la fonction parlementaire pour les opinions et votes émis lors de celle-ci.

B. L'INVIOLABILITÉ

1. Étendue

En vertu de l'article 59 de la Constitution, aucun membre du Sénat ou de la Chambre des Représentants ne peut, en matière répressive, être renvoyé, cité directement devant une cour ou un tribunal ou être arrêté sans l'autorisation de la Chambre dont il fait partie. Cette disposition ne s'applique pas au flagrant délit.

L'inviolabilité vaut pendant la durée de la session - qui équivaut, en pratique, à celle de la législature - en matière répressive.

L'arrestation ou les poursuites entreprises en dehors de la session peuvent être poursuivies après l'ouverture de la session sans que l'accord de l'assemblée ne soit requis.

On distingue les actes nécessitant l'autorisation de la chambre de ceux qui supposent l'intervention du premier président de la cour d'appel.

Actes nécessitant l'autorisation de la Chambre

L'autorisation de l'assemblée est requise pour l'arrestation, le renvoi devant une cour ou un tribunal, ou encore la citation directe d'un de ses membres. En cas de perquisition, le président de la Chambre ou un membre désigné par lui doit être présent.

L'inviolabilité protège le parlementaire en matière pénale (répressive) pour toutes les catégories d'infractions : crimes, délits et contraventions, y compris celles au Code de la route. En revanche, elle ne s'applique pas en matière civile, ne valant ni pour les actions disciplinaires ni devant les juridictions administratives.

Actes nécessitant « de préférence » l'intervention du premier président de la cour d'appel

Certaines mesures contraignantes ne peuvent être ordonnées à l'égard d'un parlementaire que par le premier président de la cour d'appel à la requête du juge d'instruction compétent. Tel est le cas du « mandat d'amener en vue d'un interrogatoire ou d'une confrontation, du mandat de perquisition lorsque le parlementaire ne donne pas son accord, de la saisie effectuée dans le cadre d'une telle perquisition, du repérage d'appels sans l'autorisation de l'intéressé et des écoutes téléphoniques et de l'exploration corporelle ». L'autorisation de l'assemblée concernée n'est pas requise mais le président doit toutefois être informé. Le parlementaire ne bénéficie donc d'aucune protection particulière en ce qui concerne l'interrogatoire, la confrontation avec des témoins, la perquisition, la saisie ou le repérage d'appels téléphoniques avec son consentement, la mise en accusation et l'inculpation.

Régime de la suspension des poursuites

Un parlementaire peut, à tous les stades de l'instruction, demander à l'assemblée dont il fait partie de suspendre les poursuites. Il doit, dans ce cas, étayer sa demande. La chambre concernée ne peut ordonner la suspension qu'à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés (article 59 al. 5 de la Constitution). Elle peut ordonner la suspension de tous les actes d'instruction ou la limiter à un ou plusieurs actes d'instruction particuliers.

Dès qu'une juridiction de jugement a été saisie, la suspension ne peut être demandée que par l'assemblée.

L'assemblée dont fait partie un parlementaire peut en outre requérir, de sa propre initiative, la suspension de la détention de ce membre (art. 59 al. 6), par un vote à la majorité simple. Elle ne peut toutefois plus demander la suspension après la clôture des débats dans une procédure pénale. La suspension des poursuites ou de la détention ne peut jamais s'étendre au-delà de la durée de la session.

2. Procédure de levée

L'assemblée fixe souverainement la procédure relative à la levée de l'immunité. Le Règlement du Sénat ne prévoit pas de dispositions spécifiques mais s'appuie sur les usages. À la Chambre des représentants, la procédure est visée à l'article 160 du Règlement.

a) La demande de levée : auteur et contenu

En vertu de l'article 59 de la Constitution, pendant la durée de la session, seuls les officiers du ministère public et les agents compétents peuvent intenter des poursuites en matière répressive à l'égard d'un parlementaire. Selon le Précis de la Chambre des représentants, la demande de levée de l'inviolabilité doit « de préférence » émaner du procureur général près la cour d'appel compétente. Cette demande doit être adressée au président de l'assemblée, accompagnée d'un dossier reprenant les faits reprochés, les plaintes éventuelles, les témoignages, les aveux et les pièces justificatives.

b) Examen de la demande et décision

Le président informe l'assemblée de la demande de levée de l'inviolabilité sans mentionner ni le nom de l'intéressé ni les faits reprochés. La demande est ensuite renvoyée à la commission de la Justice du Sénat ou à la commission des Poursuites de la Chambre des Représentants, une commission spécifique.

• Examen

La commission se réunit à huis clos. Elle peut entendre le membre concerné, lequel a également le droit d'être entendu s'il en fait la demande. Il peut se faire assister par un de ses collègues ou par un conseil. Il peut déposer des notes ou des documents.

La commission peut inviter le ministère public à communiquer des informations complémentaires ou des pièces du dossier qui n'ont pas été transmises.

Au Sénat, le dossier peut être consulté au secrétariat de la commission de la Justice, à des heures fixées par celle-ci, par les membres de cette commission, l'intéressé et/ou ses avocats. Le rapporteur présente le dossier à la commission.

Si la commission décide d'entendre des témoins, les auditions se tiennent en l'absence du parlementaire concerné. Ce dernier peut néanmoins prendre connaissance des éléments de la déposition figurant dans le rapport.

La délibération a également lieu en l'absence du membre intéressé. La commission statue à la majorité simple. Toutefois « la tradition veut que l'on recherche un consensus » 19 ( * ) .

Pour rendre sa « recommandation », la commission de la Justice du Sénat vérifie que la demande de levée n'est pas motivée par des raisons politiques. La commission des Poursuites de la Chambre, quant à elle, fonde sa « recommandation » sur un éventail de critères plus larges. Outre les motifs politiques, elle peut également se prononcer contre la levée si les éléments lui paraissent « fantaisistes, irréguliers, prescrits, arbitraires ou ténus » 20 ( * ) .


• Décision

La commission saisie sur l'affaire adresse une « recommandation » à l'assemblée plénière qui statue à la majorité simple sur la levée de l'inviolabilité.

Le Sénat peut se réunir à huis clos à la demande du président ou à la demande écrite de dix membres. Le parlementaire concerné décide lui-même de sa présence et de sa participation. Le rapporteur présente ses conclusions - il est de coutume de garantir l'anonymat et de limiter, dans la mesure du possible, la description des faits -, chaque sénateur peut ensuite demander la parole. Toutefois, le Sénat se prononce traditionnellement sur les conclusions de la commission sans aucun débat. Le Sénat statue à la majorité simple, mais la tradition veut que l'on recherche un assentiment unanime.

Le vote a lieu en principe par « assis et levé » et porte sur les conclusions de la commission. Un vote par appel nominal est possible à la demande de 5 membres. L'intéressé décide lui-même s'il participe au vote.

Lors du débat en séance plénière à la Chambre des Représentants, seuls le rapporteur de la commission, le membre intéressé ou un membre le représentant, un orateur pour et un orateur contre sont autorisés à prendre la parole en vertu de l'article 160 du Règlement. Le débat est public, sauf si le président ou 10 membres demandent que la Chambre se forme en comité secret.

L'assemblée peut en outre limiter la portée de l'autorisation de poursuivre en l'accordant, par exemple, pour certains faits et en la refusant pour d'autres. L'assemblée peut également autoriser le renvoi devant une juridiction ou la citation directe, mais refuser l'arrestation.

c) Appel de la décision

La décision de levée n'est pas susceptible d'appel.

d) Renonciation

Les parlementaires ne peuvent pas renoncer volontairement à l'immunité.


* 17 Précis de droit parlementaire, l'irresponsabilité parlementaire , service Juridique de la Chambre des représentants, 2007.

* 18 Précis de droit parlementaire, l'inviolabilité parlementaire , service Juridique de la Chambre des représentants, 2007.

* 19 Précis de droit parlementaire, l'inviolabilité parlementaire, précité, p. 18.

* 20 Précis de droit parlementaire, l'inviolabilité parlementaire , précité, p. 40.

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