ROYAUME-UNI

La fourniture des services d'eau et d'assainissement a été privatisée au Royaume-Uni en 1989. À cette occasion, les fonctions de distribution et celles de régulation ont été séparées, les premières étant confiées à des entreprises du secteur de l'eau titulaires d'une licence délivrée par les pouvoirs publics, les secondes à trois entités indépendantes créées à cette occasion : l'Autorité des Rivières nationales (National Rivers Authority) devenue aujourd'hui l'Agence pour l'environnement, l'Inspection de l'Eau potable (Drinking Water Inspectorate) et le Bureau des Services de l'eau (Office of Water Services) .

Il existe onze bassins en Angleterre et au Pays de Galles. Au Royaume-Uni, les ressources en zones humides sont importantes, avec notamment 400 000 kilomètres de rivières, près de 6 000 lacs d'une superficie de 2 000 kilomètres carrés, près de 1 000 kilomètres carrés de plaines inondables et environ 400 000 hectares d'autres zones humides telles que des marais, marécages ou lagunages 47 ( * ) .

Publié en 2009, le premier plan de répartition par bassins du pays a été révisé en 2015.

Selon le rapport d'activité 2014 de l'Inspection de l'Eau potable, publié en juillet 2015, il existe en Angleterre :

- 338 sources d'eau en surface ;

- 1 947 sources d'eau souterraines ;

- 1 176 sites de traitement des eaux ;

- 3 974 sites de stockage ;

- 316 199 kilomètres de conduites ;

- et 37 717 systèmes privés d'alimentation en eau.

Le Royaume Uni connaît du reste un déséquilibre entre le Sud et l'Est, plus peuplés, où les pluies sont relativement moins abondantes que dans le Nord et l'Ouest, moins densément peuplés, d'autant que se poursuit un mouvement d'urbanisation et de concentration de la population qui touche spécialement le grand Londres et le Sud-Ouest et pourrait nécessiter de nouveaux investissements 48 ( * ) .

En 2008, l'utilisation moyenne d'eau par jour et par personne, en Angleterre et au Pays de Galles, s'élevait à 150 litres 49 ( * ) . La consommation destinée à l'irrigation est globalement faible (2%), sauf dans certaines régions et à certaines périodes où elle peut égaler la distribution d'eau.

On examinera successivement :

- les acteurs, les instruments et les moyens de la politique de l'eau ;

- et la politique de sécurité et la qualité des eaux.

1. Les acteurs, les instruments et les moyens de la politique de l'eau

• Les acteurs

Plusieurs types d'entités, publiques et privées, participent à la mise en oeuvre de la politique de l'eau au Royaume-Uni.

Le ministère de l'Environnement, de l'alimentation et de l'agriculture (Department for Environment, Food and Rural Affairs) définit le cadre général de la politique de l'eau et de l'assainissement, ce qui inclut

- l'édiction des normes ;

- la préparation de la réglementation ;

- et la délivrance d'autorisations.

L' Agence de l'Environnement (Environment Agency) est chargée de protéger et d'améliorer l'environnement. Créée en 1996, elle compte environ 10 600 collaborateurs. Ses compétences s'étendent :

- à la réglementation des industries et des déchets de grande importance ;

- au traitement des terres contaminées ;

- à la qualité des ressources en eau ;

- à la pêche ;

- à la navigation sur les rivières intérieures, dans les estuaires et dans les ports ;

- ainsi qu'à la préservation et à l'écologie.

Elle intervient également dans la gestion du risque de crue des principales rivières, des réservoirs, des estuaires et de la mer.

L' Autorité de Régulation des services de l'eau (Water Services Regulation Authority, OFWAT) a été créée par la loi sur l'industrie de l'eau de 1991. Il s'agit d'une entité gouvernementale non ministérielle (non-ministerial government department) ayant pour mission de :

- protéger les intérêts des consommateurs ;

- s'assurer que les missions de distribution de l'eau et d'assainissement sont mises en oeuvre de façon satisfaisante dans toutes les régions d'Angleterre et du Pays de Galles ;

- veiller à ce que les activités autorisées par la licence attribuée à un distributeur d'eau sont correctement réalisée et que toute obligation imposée à celui-ci du fait de la délivrance de cette licence est respectée ;

- et d'atteindre l'objectif de résilience (resilience) entendue comme la « capacité à faire face à et à se remettre d'une perturbation, et à anticiper les tendances et les variations afin de maintenir les services pour les personnes et protéger l'environnement naturel aujourd`hui et dans le futur » 50 ( * ) .

Ces objectifs doivent être atteints de la façon que l'autorité jugera la plus appropriée afin de s'assurer :

- qu'il n'existe aucune préférence ou discrimination injustifiées dans la détermination des tarifs ;

- que l'on n'observe aucune préférence ou discrimination injustifiées (in)directe(s) de la part des entreprises en matière de fourniture de services ;

- que les intérêts des consommateurs sont protégés lorsque les compagnies des eaux vendent des terres ;

- et que les consommateurs sont protégés de toute activité non régulée d'une entreprise.

L'Autorité promeut aussi l'économie et l'efficacité des entreprises détentrices d'une licence, en contribuant au développement durable.

Les compagnies privées titulaire d'une licence , d'une durée limitée, dans le domaine de l'eau sont au nombre de trente-deux en Angleterre et au Pays de Galles 51 ( * ) , dont dix-huit constituant des monopoles régionaux fournissant soit des services en matière d'eau, soit des services aussi bien en matière d'eau qu'en ce qui concerne l'assainissement.

Il existe enfin des acteurs à l'échelle locale , qu'il s'agisse des collectivités territoriales (local government) ou de structures spécifiques à l'instar de celles chargées de la gestion des inondations (lead local flood authorities) .

• Les instruments

La législation anglaise se caractérise par plusieurs lois relatives à l'eau, qu'il s'agisse de la fourniture des services ou de la gestion des risques liés à l'eau. On évoquera ici, parmi ces textes, la loi sur l'industrie de l'eau de 1991 et celle sur l'eau de 2014.

La loi sur l'industrie de l'eau de 1991 (water industry act 1991) a créé l'Autorité de régulation de l'eau et a encadré les services de distribution d'eau et d'assainissement. Ce texte :

- détermine le régime de délivrance des licences attribuées aux fournisseurs, lesquelles sont valables pour une durée déterminée ;

- élabore les dispositifs de protection des consommateurs ;

- définit les obligations des entreprises de distribution de l'eau ;

- encadre les services d'assainissement ;

- et fixe les règles financières en la matière.

La loi sur l'eau de 2014 (water act 2014) a pour objectif :

- de réformer le marché de l'eau afin de le rendre plus innovant et plus sensible aux besoins des consommateurs, et d'améliorer les conditions de la fourniture d'eau en cas d'aléas naturels (sécheresse, crues...) ;

- de proposer des mesures pour permettre aux foyers soumis à un risque élevé d'inondation de souscrire des assurances ;

- et d'assurer une « transition douce » (smooth transition) vers un marché sans contraintes à long terme.

S'agissant du secteur de l'eau, les principales mesures ont visé à :

- permettre aux utilisateurs professionnels, associatifs ou publics de changer de fournisseur d'eau ou d'assainissement ;

- établir un accord transfrontalier avec l'Écosse ;

- autoriser les professionnels à fournir de nouvelles sources de services de distribution d'eau ou d'assainissement ;

- développer un réseau national de fournisseurs en facilitant l'achat et la vente d'eau entre les compagnies privées du secteur de l'eau ;

- permettre aux détenteurs de petites réserves d'eau de vendre leurs excédents au réseau public ;

- charger les ministres de fixer l'étiage auquel une entreprise d'eau doit envisager de faire face aux sécheresses ;

- permettre aux promoteurs et aux nouvelles entreprises de distribution d'eau et d'assainissement de raccorder les nouveaux projets immobiliers aux réseaux d'eau et d'évacuation ;

- améliorer les règles applicables au rapprochement des entreprises de traitement de l'eau ;

- et attribuer à l' OFWAT un nouveau rôle, transversal, pour mieux garantir le service à long terme et anticiper les changements nécessaires à l'amélioration de la régulation de l'industrie de l'eau.

• Les moyens

L' OFWAT est notamment chargée de la régulation des prix et de la protection des consommateurs. Elle détermine périodiquement le tarif maximal qu'une entreprise du secteur de l'eau peut facturer aux consommateurs. Lors de la détermination des prix pour 2015-2016, elle s'est attachée à :

- étudier les « business plans » qui lui ont été soumis par chaque entreprise du secteur de l'eau ;

- publier des guides à destination de ces entreprises au sujet des risques et des bénéfices, lesquels comprennent une proposition de montant du coût du capital inférieur à celui contenu dans les « business plans » ;

- préparer des projets de détermination des prix (draft determination) ;

- et fixer les limites de prix que les entreprises de l'eau ne peuvent excéder lorsqu'elles facturent le consommateur.

Pour la période 2014-2015, la facture moyenne nationale était de 396 £, soit environ 490 €. À l'horizon 2019-2020, l'objectif serait d'obtenir une baisse de  2%, ce qui aurait pour effet de porter la facture moyenne nationale à 376 £, soit environ 465 € 52 ( * ) .

Ce même document estime à 44 milliards de livres l'investissement soit 54,9 milliards d'euros, en matière d'amélioration des services, d'amélioration de la « résilience » (voir supra ) et de protection de l'environnement pour les cinq années de l'étude.

Le captage est facturé en fonction de la consommation dans l'agriculture, la distribution domestique et publique, et la production industrielle et énergétique. Le prix de vente au consommateur tient compte de la rareté, de la variation de coûts par rapport à l'importance de la licence, de la façon dont l'eau est consommée, de la source de distribution et de la périodicité de la licence 53 ( * ) .

2. La politique de sécurité et la qualité des eaux

On évoquera ici les mesures prises pour faire face aux inondations qui touchent périodiquement certaines parties du pays et à la sécheresse avant d'envisager la question de la qualité de l'eau.

• Inondations et sécheresses

En matière d'inondation

En Angleterre, près d'une propriété sur six court le risque d'être inondée.

L'article 7 de la loi sur la gestion des inondations et de l'eau de 2010 précise que l'Agence pour l'Environnement développe, entretient, applique et surveille la stratégie pour la gestion des risques en matière d'inondation et d'érosion côtière. Elle doit à ce titre :

- définir la stratégie de lutte contre les inondations en déterminant les autorités chargées de la gestion du risque et leurs fonctions en la matière, les objectifs et les mesures proposées pour les atteindre, les conditions et le rythme auxquelles elles doivent être mises en oeuvre, les coûts et bénéfices, la révision de la stratégie ou encore l'impact du changement climatique ;

- consulter les autorités, le public et, dans la mesure où ils sont concernés, les ministres compétents en la matière au Pays de Galles et en Écosse ;

- rendre publiques les orientations de la stratégie adoptée ;

- et rédiger des guides relatifs à l'application de cette stratégie.

Tout projet de stratégie ou de guide est soumis au ministre compétent, qui peut l'approuver, le modifier ou le rejeter. En cas d'accord, ce projet est déposé devant le Parlement.

Au niveau local, des autorités compétentes en matière de lutte contre les inondations (lead local flood authority) développent, entretiennent, appliquent et surveillent la mise en oeuvre de la stratégie relative à la gestion des risques en matière d'inondation pour leur zone géographique. Elles doivent en particulier établir et tenir à jour un registre des structures et des éléments susceptibles d'avoir un effet significatif sur un risque d'inondation dans la région et enregistrer les informations qui y sont relatives, notamment leur propriétaire (article 21 de la loi précitée).

À l'échelle régionale, des comités régionaux compétents en matière d'inondations et de questions touchant aux côtes réunissent des membres des « lead local flood authorities » et des membres indépendants dotés d'une expertise en la matière afin de :

- s'assurer de la cohérence des projets mis en oeuvre pour identifier, informer le public, et gérer les risques d'inondation et d'érosion côtière ;

- encourager la réalisation d'investissements efficaces, ciblés et prenant en compte les risques d'inondation et d'érosion côtière, lesquels offrent tant un bon rapport qualité-prix que des bénéfices aux collectivités locales ;

- et servir de lien entre l'Agence pour l'Environnement, les « lead local flood authorities » , les autres autorités chargées de la gestion des risques et toute autre entité appropriée afin de favoriser une meilleure compréhension des risques d'inondation et d'érosion côtière dans la région.

Le rapport Comprendre les risques, autonomiser les collectivités, construire la résilience , rédigé en application de la loi de 2010 précitée présente les objectifs de la gestion du risque d'inondation et d'érosion côtière et la manière de les atteindre. Il s'agit en la matière de :

- comprendre les risques d'inondation et d'érosion côtière, travailler en commun pour mettre en place des projets à long-terme afin de les gérer et s'assurer que les autres projets les prennent en compte ;

- empêcher la réalisation de projets immobiliers dans les zones concernées par un risque d'inondation ou d'érosion côtière et être vigilant dans la gestion des terres partout ailleurs afin d'empêcher une augmentation des risques ;

- construire, entretenir et améliorer les infrastructures et systèmes de gestion des inondations et de l'érosion côtière pour réduire la probabilité des dommages aux personnes, à l'économie, à l'environnement et à la société ;

- augmenter la conscience collective du risque qui demeure et s'engager auprès des personnes menacées par les inondations afin de les encourager à mieux gérer les risques auxquels elles s'exposent et à rendre leur propriété plus « résiliente » ;

- et enfin améliorer la gestion des inondations.

En matière de sécheresse

L'Agence pour l'Environnement a publié en 2015 un rapport sur le risque de sécheresse en Angleterre, où trois types de pénurie sont susceptibles de survenir, ensemble ou séparément : la sécheresse environnementale, la sécheresse agricole et la sécheresse par manque de fourniture d'eau.

La sécheresse est considérée comme une « urgence civile » (civil emergency) inscrite au registre des risques nationaux des urgences civiles 2015. Interviennent en premier lieu pour gérer les cas de sécheresse :

- l'Agence pour l'Environnement, qui assure la surveillance stratégique et prend en charge la surveillance, le signalement, le conseil et les actions destinés à réduire l'impact d'une sécheresse sur l'environnement et les utilisateurs d'eau ;

- les entreprises du secteur de l'eau, qui gèrent la fourniture d'eau pour leurs clients et prennent les mesures pour maintenir celle-ci tout en minimisant l'impact environnemental ;

- et le Gouvernement qui met en oeuvre des politiques liées aux ressources en eau.

Toutes les entreprises du secteur de l'eau sont tenues de disposer d'un « plan sécheresse » décrivant les actions qu'elles mettront en oeuvre, le cas échéant. La plupart de ces documents font référence à un large éventail de mesures destinées à réduire le risque de sécheresse et à assurer la continuité de l'approvisionnement.

Il en va ainsi des procédures permettant une meilleure flexibilité dans la gestion des ressources aquatiques en cas de pénurie exceptionnelle d'eau. Tel est le cas des « permis de sécheresse » (drought permits) et des « ordres de sécheresse » (drought orders) .

Les entreprises du secteur de l'eau peuvent demander un « permis de sécheresse » auprès de l'Agence pour l'Environnement, qui les autorise à capter de l'eau dans certaines sources ou à modifier ou suspendre les obligations contenues dans la licence de prélèvement d'eau qui leur a été attribuée.

Les « ordres de sécheresse » sont, quant à eux, établis par le ministre. Ils vont plus loin que les « permis de sécheresse » car ils portent sur les rejets d'eau ainsi que sur les autres prélèvements et rejets de l'entreprise en question. Ils autorisent également les entreprises à interdire ou limiter l'utilisation de l'eau par les consommateurs.

• Qualité des eaux

La Royal Geographical Society notait, en 2012, dans une étude qu'elle consacrait aux défis de la politique de l'eau, une détérioration de la qualité de la ressource tirée des nappes phréatiques pour la consommation humaine au Royaume-Uni, tandis qu'en Ecosse 64 % des eaux de surface et 76 % des eaux souterraines étaient considérées comme de bonne qualité 54 ( * ) .

L'inspection de l'eau potable (drinking water inspectorate) a été créée en 1990 afin d'assurer de façon indépendante la sûreté de l'approvisionnement en eau en Angleterre et au Pays de Galles et la qualité de l'eau potable pour les consommateurs.

L'eau est testée au quotidien par les entreprises qui la distribuent. Les inspecteurs de l'eau potable vérifient, quant à eux, ces tests de façon indépendante et évaluent les performances des laboratoires des entreprises concernées. Lorsque les résultats ne répondent pas aux normes en vigueur, les inspecteurs sont en droit d'exiger d'une entreprise qu'elle procède aux améliorations nécessaires pour assurer la qualité de l'eau potable. Les inspecteurs effectuent également des vérifications sur place pour s'assurer que ce travail d'amélioration est réalisé à temps.

En 2014, les entreprises de distribution d'eau ont réalisé plus de 3,8 millions de tests en Angleterre, tant lorsque l'eau arrive à son point de distribution que lorsqu'elle quitte le système de traitement ou un réservoir de stockage. Il en est résulté que 0,04 % des échantillons ne respectaient pas les normes en vigueur ce qui correspond à une nette amélioration par rapport à la fin du XX e siècle, époque à laquelle le même indicateur variait, selon les régions du pays, entre 1,5 et 2 %.


* 47 Royal Geographical Society, Water policy in the UK. The challenges , Londres, 2012, p. 7.

* 48 Id. , p. 3, 22 et 23.

* 49 Id ., p. 15.

* 50 Dans son rapport de décembre 2015, le groupe de travail de l' OFWAT sur la « résilience » retient la définition suivante : « Resilience is the ability to cope with, and recover from, disruption, and anticipate trends and variability in order to maintain services for people and protect the natural environment now and in the future » (p. 4).

* 51 Selon le site Internet de l' OFWAT .

* 52 OFWAT , Setting price controls for 2015-20. Overview , décembre 2014, p. 14.

* 53 OCDE, Water resources allocation. United Kingdom , 2015, p. 1.

* 54 Royal Geographical Society , op . cit ., p. 9.

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