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TEXTE SOUMIS À LA DÉLIBÉRATION

DU CONSEIL DES MINISTRES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

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Ministère de l'Europe

et des affaires étrangères

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Projet de loi

autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale du 6 novembre 2014

entre le Gouvernement de la République française

et le Gouvernement de la République de Serbie

NOR : EAEJ2212473L/Bleue-1

ÉTUDE D'IMPACT

I- Situation de référence

Les relations entre la France et la Serbie en matière de sécurité sociale sont jusqu'à présent régies par la convention générale de sécurité sociale entre la France et la Yougoslavie signée le 5 janvier 1950 1 ( * ) .

Cette convention et son arrangement administratif du 23 janvier 1967 2 ( * ) figurent dans la liste en annexe de l'accord conclu le 26 mars 2003 entre le Gouvernement français et le Conseil des ministres de Serbie et Monténégro, relatif à la succession en matière de traités bilatéraux conclus entre la France et la République socialiste fédérative de Yougoslavie 3 ( * ) . La convention franco-yougoslave est ainsi applicable dans les relations franco-serbes.

Cette convention ne correspond plus aux réalités actuelles du fait de l'évolution des législations nationales en matière de sécurité sociale. A titre d'exemple, la Serbie a mis en place une réforme en 2010 visant à fusionner les trois fonds en charge respectivement des pensions des salariés, des non-salariés et des agriculteurs, ce qui pose de réelles difficultés d'application de l'actuelle convention dont le champ est limité aux seuls salariés.

Le profil des populations circulant entre les deux États a également évolué depuis 1950. Les personnes qui circulent sont aujourd'hui : les familles, résidant en Serbie, de la diaspora serbe vivant en France ; les membres de la diaspora serbe vivant en France qui visitent leurs familles en Serbie, voire qui retournent s'y établir au moment de leur retraite ; des touristes français (35 520 en 2019 4 ( * ) ) ; des expatriés français travaillant en Serbie. 1851 Français étaient inscrits au registre consulaire en octobre 2021, dont 63,6% de binationaux. La majorité des doubles nationaux sont issus de familles installées en France ayant acquis la nationalité française ou devenus français par les liens du mariage. L'attachement au pays d'origine et à ses traditions conduit de nombreux franco-serbes à se marier en Serbie. De ce fait, l'essentiel des mariages enregistrés concerne un/e double national qui se marie avec un/e Serbe.

Pour ces raisons, il a été décidé en septembre 2009 de négocier un accord de sécurité sociale actualisé qui permettrait, également, de préparer l'intégration de la Serbie au sein de l'Union européenne (les dispositions de l'accord se rapprochant des règlements européens en matière de sécurité sociale). Une actualisation des dispositions conventionnelles était également nécessaire au regard de l'évolution politique et institutionnelle de la Serbie (institutions et autorités compétentes, organismes de liaison, champ territorial).

En effet, après l'éclatement de la République Fédérative Socialiste de Yougoslavie (RFSY), la France a conclu avec chacun des Etats nouvellement indépendants qui la composaient un accord relatif à la succession en matière de traités bilatéraux conclus entre la France et la RFSY. Celui avec la Serbie (et le Monténégro) date du 26 mars 2003 et a permis de rendre applicable la convention franco-yougoslave de 1950 dans son ensemble à la Serbie. Côté français, il est apparu nécessaire, à la fin des années 2000, de renégocier une convention avec la Serbie afin d'actualiser et moderniser l'un des premiers accords de sécurité sociale conclu par la France et de prendre en compte les changements politiques et institutionnels. Les autorités serbes estimaient, quant à elles, que l'obsolescence de cette convention leur posait des difficultés juridiques pour le paiement des pensions vieillesse des travailleurs revenant en Serbie pour leur retraite. Elles souhaitaient prévoir la totalisation des périodes cotisées en France par des non-salariés serbes pour le calcul de leurs droits à pension. En effet, l'ambassade de Serbie en France a insisté sur l'importance de la communauté serbe en France et le retour de nombre d'entre eux dans leur Etat d'origine au moment de la retraite.

De plus, la sédimentation des textes actuels a motivé la renégociation de la convention franco-yougoslave : cette convention générale a été modifiée à cinq reprises 5 ( * ) , outre un échange de lettres sur les allocations familiales, un protocole sur les soins de santé des étudiants ainsi que quatre arrangements, dont un modifié à six reprises.

II- Historique des négociations

Quatre sessions de négociation ont eu lieu du 14 au 17 septembre 2009 à Belgrade, du 26 au 28 mai 2010 à Paris, du 25 au 28 octobre 2010 à Belgrade et du 15 au 17 avril 2014 à Paris. La quatrième session de négociations entre la France et la Serbie a permis de finaliser le texte de l'accord de sécurité sociale franco-serbe. Les deux parties se sont réunies à l'occasion de deux nouvelles sessions de négociation relative à l'arrangement administratif prévu à l'article 41 de l'accord. Cet arrangement a été signé le 15 mars 2018.

En 2020-2021, un avenant par échange de lettres a été proposé aux autorités serbes pour clarifier le champ d'application territorial de l'accord et, en particulier, les territoires ultramarins français concernés, la définition employée dans l'article 1 er paragraphe 2 n'étant pas adaptée à l'évolution des statuts des collectivités ultra-marines.

III- Objectifs de l'accord

Le nouvel accord comporte les clauses classiques des accords en matière de sécurité sociale : égalité de traitement entre les personnes soumises à la législation de l'un ou l'autre des États contractants, principe d'affiliation au régime de sécurité sociale de l'État d'activité, institution d'un statut conventionnel de travailleur détaché pour une durée limitée, exportation et coordination des pensions d'invalidité, de vieillesse et de survivants, organisation de la coopération administrative et lutte contre les fraudes sociales. Il vise également à instaurer un cadre général permettant le développement d'une coopération technique entre les deux États.

Ainsi, les ressortissants français et serbes appelés à exercer une activité professionnelle, salariée ou non salariée, sur le territoire de l'autre État pourront, grâce à cet accord, bénéficier notamment de la coordination en matière de pensions de retraite avec la prise en compte, au moment de la liquidation de leur pension, des périodes d'activité cotisées dans l'autre État. En outre, un travailleur salarié ou non salarié français ou serbe pourra, dans certaines conditions, bénéficier d'un détachement : il restera, en conséquence, affilié au régime de sécurité sociale de l'État d'envoi pour une durée maximale de deux ans s'agissant des salariés.

IV- Conséquences estimées de la mise en oeuvre de l'accord

L'accord emporte des conséquences économiques, financières, sociales, juridiques et administratives.

A. Conséquences économiques

Intéressant la communauté française en Serbie (1 815 personnes immatriculées en 2019, l'accord devrait permettre de faciliter et d'intensifier les échanges économiques et de renforcer la présence des entreprises françaises sur le territoire serbe. En effet, dans un contexte d'échanges économiques, les conventions bilatérales sont un outil qui facilite la mobilité, notamment des travailleurs, en leur permettant de conserver une couverture sociale (maladie mais également leurs droits à la retraite). Ce peut être en particulier le cas, via le détachement des travailleurs (travailleurs envoyés de France par exemple pour établir des relations commerciales ou des établissements). Le nouvel accord prévoit une durée de détachement de deux ans au lieu de trois ans dans la convention de 1950.

Pour les risques liés à la maladie ou à la maternité, une continuité de la couverture est attendue même pour les non travailleurs et les travailleurs indépendants.

L'accord de sécurité sociale entre la Serbie et la France devrait permettra de renforcer les liens économiques entre les deux pays, en facilitant l'installation de travailleurs expatriés dans chacun des deux pays par une meilleure protection sociale et une portabilité des droits à la retraite. Cet accord est un signal positif envoyé aux investisseurs, alors que la Serbie connaît depuis plusieurs années une croissance des investissements étrangers, notamment français. Ainsi, selon la Banque centrale de Serbie (NBS), les flux d'IDE étaient passés de 1 milliard d'euros en 2012 à 3,5 milliards d'euros en 2019. Ils avaient fortement augmenté sur les dernières années du fait de la réalisation de grands projets, notamment en 2018 avec la concession à Vinci Airports de l'aéroport de Belgrade. Sous l'effet de la crise liée à la COVID-19, les flux d'IDE ont diminué de 20% par rapport à 2019 (pour la première fois depuis 2014), mais sont restés stables en part de PIB (6,2%). En termes de stocks, sur la période 2010-2020, les premiers investisseurs en Serbie sont les Pays-Bas (18,2% du total), suivis par l'Autriche (10,9%), la Russie (10,2%) et le Luxembourg (8,2%). Les principaux investisseurs étrangers en Serbie sont le groupe de télécommunication norvégien Telenor (acquis par le groupe tchèque PFF en 2018), le constructeur automobile italien Fiat (quatrième exportateur du pays), le groupe gazier russe Gazprom, le groupe sidérurgique chinois HBIS (premier exportateur du pays), les entreprises françaises Vinci et Michelin (deuxième exportateur du pays), les entreprises américaines Microsoft et Coca-Cola et les groupes allemands Bosch et Siemens 6 ( * ) .

La relation économique entre la France et la Serbie est dynamique. Selon la NBS, sur la période 2010-2020, la France se situe au 6 ème rang des investisseurs en Serbie avec un stock d'environ 1,2 milliard d'euros, juste devant la Chine (1,1 milliard d'euros) et derrière l'Allemagne (1,8 milliard d'euros).

La France est en 2020 le neuvième fournisseur de la Serbie (2,8% du total des importations serbes) et son quinzième client (2,7% du total des exportations serbes). 7 ( * )

Cet accord, par une meilleure protection des travailleurs expatriés, devrait contribuer à favoriser l'implantation d'entreprises françaises en Serbie, mais aussi la conduite de projets dans les Balkans occidentaux. Par son rôle central dans la région, la Serbie bénéficie d'une attractivité particulière : beaucoup d'entreprises y installent un bureau régional depuis lequel sont menés des projets régionaux. Concernant les échanges, l'implantation d'entreprises peut également avoir un impact indirect sur le commerce extérieur, puisque les contrats remportés par les entreprises françaises dans le pays - notamment dans les infrastructures - comportent la plupart du temps une part française, c'est-à-dire des équipements exportés depuis la France.

La présence des entreprises françaises s'est accrue ces dernières années, notamment dans le domaine des matériaux de construction, du secteur bancaire, de la grande distribution et de l'industrie. Actuellement plus de 120 entreprises françaises sont présentes en Serbie, employant plus de 12 000 salariés 8 ( * ) . 55 % des effectifs sont dans le secteur manufacturier, 28 % dans les services financiers et 17 % dans les autres secteurs tertiaires.

De plus, les salariés et fonctionnaires français travaillant dans les institutions telles que l'Institut culturel français (environ 20 agents) et l'Ecole française (environ 80 agents) seront concernés par cet accord 9 ( * ) .

Outre la modification du champ d'application territorial, personnel et des organismes de liaison français et serbes, le nouvel accord pose les principes de l'égalité de traitement et de l'exportation des prestations en espèces.

B. Conséquences financières

Les modalités de coordination sont classiques. Elles sont toutefois particulièrement protectrices à l'égard du risque maladie, dans la mesure où elles prévoient dans certains cas une prise en charge des soins de santé par l'État de résidence, pour le compte de l'État d'affiliation, à l'instar des règles européennes de coordination. Elles génèrent à ce titre des dettes et créances entre les régimes français et serbes d'assurance maladie et maternité (et également en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles).

Lorsque les prestations en nature de l'assurance maladie sont servies dans l'État de résidence, il incombe à l'institution compétente (c'est-à-dire l'État d'affiliation du travailleur ou du titulaire d'une pension ou rente) de les lui rembourser. Le paiement des créances réciproques est effectué via les organismes de liaison sur une base réelle ou forfaitaire, avec des frais de gestion.

Les flux financiers liés au remboursement des soins de santé entre la France et la Serbie sont relativement modestes en comparaison de ceux entre la France et les États de l'Union européenne : la créance serbe s'élève à 361 000 euros en moyenne annuelle entre 2011 et 2020 (sommes due par la France) alors que la créance française à l'égard de la Serbie est quant à elle de 35 000 euros en moyenne annuelle, sur la même période. En ce qui concerne les soins de santé, 2020, la France a remboursé à la Serbie près de 100 000 euros de dépenses pour les soins dispensés en Serbie à 287 assurés des régimes français (contre près de 145 000 euros à 538 assurés français en 2019). Par ailleurs, en 2020, la France a exporté 35,63 millions d'euros de pensions vieillesse/réversion à 13 070 ex-travailleurs résidant en Serbie et 85 580 euros de pensions d'invalidité à 15 résidents en Serbie.

L'élargissement du champ d'application de la protection sociale entraînera des conséquences financières. Les conventions conclues après-guerre, telle que la convention franco-yougoslave de 1950, visait à attirer les travailleurs étrangers sur le marché de l'emploi français. S'adressant exclusivement aux salariés ressortissants français et serbes et à leurs ayants droit, elle couvre l'intégralité des risques sociaux (maladie, maternité, décès, invalidité, vieillesse, survie, ATMP, famille). Le nouvel accord négocié avec la Serbie ouvre son champ personnel d'application non seulement à toute nationalité mais également aux travailleurs indépendants et à toutes personnes relevant d'un des régimes de sécurité sociale française ou serbe. De fait, le champ personnel étant plus large, les créances de part et d'autre sont amenées à s'accroître.

C. Conséquences sociales

Comme d'autres conventions dites de « main d'oeuvre », l'accord franco-serbe permet d'organiser la venue des travailleurs serbes sur le marché de l'emploi français, en encadrant strictement le détachement (salarié) et l'auto-détachement (non-salarié) afin d'éviter le dumping social.

Pour ce qui concerne les salariés soumis à la législation française ou serbe et ce, quelle que soit leur nationalité, la nouvelle convention couvre, comme la précédente convention franco-yougoslave, l'intégralité des branches de la sécurité sociale (maladie, maternité, vieillesse, invalidité, survivants, accidents du travail et maladies professionnelles, décès, famille), à l'instar des règlements européens de coordination des systèmes de sécurité sociale.

Le nouvel accord permet également une mobilité des travailleurs / des assurés sans rupture de leurs droits en matière de sécurité sociale.

En outre, la modernisation du mode de coordination du risque vieillesse opère dans un sens plus favorable à l'assuré. En effet, la procédure de liquidation sera considérablement allégée en supprimant le droit d'option actuellement ouvert à l'assuré entre la liquidation de la pension nationale ou celle de la pension coordonnée par chacun des deux Etats. Aujourd'hui, si les caisses françaises appliquent spontanément la solution la plus avantageuse pour l'assuré, leurs homologues serbes continuent de subordonner la liquidation de la pension à l'exercice effectif du droit d'option par l'assuré (qui suppose en amont le calcul de la pension nationale et celui de la pension coordonnée par les deux Etats).

Enfin, l'accord prend en compte des situations juridiques qui n'étaient pas envisagées dans le texte original : les étudiants, les transferts de résidence, les prestations en nature de grande importance. Inspirée des avancées des règlements européens de coordination, cette nouvelle convention doit également permettre la mise en place de procédures plus modernes, telles que le système d'autorisation préalable.

D. Conséquences juridiques

Comme en disposent les articles 50 et 51, l'accord abroge et remplace, dans le cadre des relations entre la France et la Serbie, la convention générale entre la France et la Yougoslavie sur la sécurité sociale, signée le 5 janvier 1950, et l'ensemble de ses avenants. Les droits acquis en vertu des dispositions de la convention du 5 janvier 1950 ne sont pas remis en cause. Les demandes formulées avant l'entrée en vigueur de l'accord, mais n'ayant pas donné lieu, à cette date, à une décision, sont examinées au regard des dispositions du présent accord.

Ø Articulation de l'accord avec les dispositions européennes

Le présent accord ne soulève pas de difficultés au regard du droit de l'Union européenne, en particulier du règlement (CE) n°883/2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale 10 ( * ) et son règlement d'application, le règlement (CE) n°987/2009 11 ( * ) . Cet accord supprime au contraire tout critère de nationalité pour le bénéfice des dispositions de la coordination, celles-ci s'appliquant à toutes les personnes qui, quelle que soit leur nationalité, sont ou ont été assurées au titre d'une législation de sécurité sociale française ou serbe, ainsi qu'à leurs ayants droit (article 3 de l'accord). Les ressortissants de l'Union européenne, dès lors qu'ils remplissent cette condition d'affiliation à l'une de ces législations, peuvent donc bénéficier des procédures de coordination prévues par l'accord.

Conformément à l'article 46, paragraphe 1, du RGPD, en l'absence de décision de la Commission européenne constatant que la Serbie assure un niveau adéquat de protection des données personnelles, un responsable de traitement ne peut transférer des données personnelles vers ce pays que s'il a prévu des garanties appropriées et à la condition que les personnes concernées disposent de voies de droit effectives. Ces garanties appropriées peuvent être fournies par un instrument juridiquement contraignant et exécutoire entre les autorités ou organismes publics, tels que le présent accord.

A cet égard, ce dernier encadre strictement les échanges de données personnelles avec la Serbie - dont la finalité est reconnue, aux termes de l'article 23, paragraphe 1, sous e), comme un objectif important d'intérêt public général de l'Union ou d'un Etat susceptible de limiter la portée des droits garantis par le RGPD - en limitant l'usage de ces informations aux fins exclusives de l'application de ses dispositions. L'article 42 de l'accord inclut des garanties spécifiques en vue de protéger la vie privée des personnes concernées et leurs données à caractère personnel. Son paragraphe 1 subordonne ainsi le transfert de données personnelles à la condition que leur connaissance soit nécessaire à l'institution d'une Partie contractante pour l'application d'une législation de sécurité sociale ou d'assistance sociale. Le paragraphe 3 de cet article rappelle que la conservation, le traitement ou la diffusion de ces données par une institution d'une Partie contractante, ultérieurement à leur transfert, est soumise au respect de la législation en matière de protection des données de cette Partie contractante. Son paragraphe 4 garantit enfin que les traitements ultérieurs au transfert doivent répondre à la seule finalité de mise en oeuvre des législations relatives à la sécurité sociale ou d'assistance sociale.

Législation de la Serbie en matière de protection des données à caractère personnel

Si la Serbie ne bénéficie pas d'une décision d'adéquation délivrée par la Commission européenne, cette dernière 12 ( * ) a considéré, dans son évaluation de juin 2020, qu'à la suite de l'adoption, le 9 novembre 2018, de la loi serbe sur la protection des données personnelles, le niveau de protection des données dans ce pays était substantiellement équivalent à celui garanti par le RGPD .

S'agissant de l'Etat de droit et du respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, la Serbie a ratifié la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales le 3 mars 2004, ainsi que ses protocoles additionnels n°1 à 8 et 11 à 15. Par ailleurs, la Serbie ayant sollicité son adhésion à l'Union européenne le 19 décembre 2009, s'est engagée, conformément à l'article 49 du Traité sur l'Union européenne, à respecter les valeurs fondamentales de l'Union citées à l'article 2 du même Traité.

De plus, la loi serbe sur la protection des données se rapproche en de nombreux points du RGPD et de la directive Police-Justice de 2016. On y retrouve les concepts de « responsable de traitement et de « délégué à la protection des données (DPO) » (dont sont déjà dotés la plupart des ministères, dont celui de l'emploi, des affaires sociales et des vétérans, signataire de l'accord de sécurité sociale). Selon ce dispositif, l'usager doit être informé, dans un langage clair, de l'usage qui sera fait de ses données. Il doit pouvoir donner son consentement à l'usage de ces données, sauf dans deux cas où l'accord est tacite : en cas de vidéo-surveillance ou en cas d'enregistrement d'une conversation téléphonique. S'agissant du droit d'effacement et de rectification des données personnelles et des voies de recours, l'usager a le droit de demander à disposer, amender, supprimer ses données, en faisant une demande écrite au responsable de traitement, qui dispose d'un délai de 30 jours pour ce faire. Passé ce délai, sans réponse, l'usager peut se tourner vers le Commissaire chargé des informations d'importance publique et de la protection des données personnelles afin d'obtenir une médiation. De même, en cas de réponse négative du responsable de traitement, l'usager dispose de de 15 jours pour saisir le Commissariat. Cette nouvelle législation en vigueur s'inscrit ainsi clairement dans le processus d'adhésion à l'Union européenne de la Serbie. De fait, le registre de centralisation des données personnelles du gouvernement, E-Uprava, est, selon le Commissariat, correctement sécurisé et conforme au RGPD.

S'agissant du transfert de données à des pays tiers, la Serbie s'aligne sur la pratique européenne. Sa liste de pays vers lesquels des données peuvent être transférés sans autorisation préalable est la même que celle de l'Union européenne. En outre, le 11 août 2020, la Serbie a endossé la décision de la CEJ C-311/18 du 16 juillet 2020, invalidant le mécanisme UE-USA « Privacy Shield ». Les Etats-Unis devraient donc être retirés de la liste serbe de pays autorisés.

Enfin, en matière d'engagements internationaux, la Serbie a ratifié, le 6 septembre 2005, la Convention du 28 janvier 1981 pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel (« Convention 108 »), et, le 26 mai dernier, son protocole d'amendement du 10 octobre 2018. L'article 12 de cette convention fait interdiction à une Partie à la Convention d'interdire ou de soumettre à une autorisation spéciale, aux seules fins de la protection de la vie privée, les flux transfrontières de données personnelles à destination du territoire d'une autre Partie.

Ø Articulation avec le droit interne

L'entrée en vigueur de l'accord n'a aucun impact sur le droit interne français et n'entraînera donc pas de modification de la législation nationale. En effet, l'entrée en vigueur de l'accord ne modifiera pas les règles déjà existantes, notamment en matière d'assurance maladie ou de retraite. Le salarié qui relève de l'assurance maladie française et qui est détaché en Serbie conserve ses droits à l'assurance maladie française.

Ø Champ d'application territorial

L'article 1 er 2° de l'accord prévoit que le terme « territoire » désigne, en ce qui concerne la France, les " départements européens et d'outre-mer de la République française, y compris la mer territoriale et, au-delà de celle-ci, les zones sur lesquelles, en conformité avec le droit international, la République française a des droits souverains et exerce sa juridiction ".

Dans le cadre de cette procédure d'approbation, le Conseil d'Etat, lors de l'examen initial de la convention le 25 août 2020, a jugé nécessaire d'apporter des précisions à cet article. En effet, compte tenu de la diversité des statuts en droit interne des territoires d'outre-mer français, la rédaction initiale de cet article ne permettait pas de considérer que sa couverture s'étendait aux territoires où le régime général trouve à s'appliquer, comme c'était l'intention des négociateurs.

L'avenant sous forme d'échange de lettres proposé aux autorités serbes signé les 21 mai et 2 juillet 2021, a ainsi pour objet de clarifier les territoires d'outre-mer français concernés par l'accord en y joignant la liste nominative de ceux qui entrent dans son champ d'application.

Il s'agit du territoire métropolitain de la République française ainsi que des territoires ultramarins dans lesquels le régime général de sécurité sociale s'applique :

- la Guadeloupe ;

- Saint-Martin ;

- Saint-Barthélemy ;

- la Martinique ;

- la Réunion ;

- la Guyane.

Mayotte est exclue du champ d'application territorial de cet accord car elle bénéficie d'un régime local de sécurité sociale, coordonné au régime général métropolitain par le décret n°2005-1050 du 26 août 2005 13 ( * ) .

Les territoires de Wallis et Futuna, la Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon sont également exclues car ces collectivités sont compétentes en matière de protection sociale.

De même, l'accord ne s'applique pas à la Nouvelle-Calédonie qui dispose de compétences propres en matière de protection sociale.

E. Conséquences administratives

La mise en oeuvre de l'accord de sécurité sociale (coordination entre les régimes de sécurité sociale des deux États et détachement sur demande des salariés des entreprises concernées) s'effectuera par les institutions compétentes et les organismes de liaison de chacun des deux États. Pour la France, il s'agit respectivement des caisses de sécurité sociale et des organismes de liaison en matière de sécurité sociale : le Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (CLEISS) et, en ce qui concerne la gestion des créances et des dettes de soins de santé, le Centre national des soins à l'étranger (CNSE - géré par la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan).

Outre la coordination avec la législation de sécurité sociale des autres États de l'Union européenne, les organismes de sécurité sociale français gèrent d'ores et déjà l'application de plus d'une trentaine d'accords bilatéraux de sécurité sociale en vigueur avec des États hors de l'Union européenne, dont les plus récemment entrées en vigueur sont la convention bilatérale de sécurité sociale conclue avec l'Uruguay le 6 décembre 2010 14 ( * ) , qui est entrée en vigueur le 1 er juillet 2014 et celle conclue le 15 décembre 2011 avec le Brésil 15 ( * ) , qui est entrée en vigueur le 1 er septembre 2014. De plus, même si les accords de sécurité sociale comportent dorénavant quasi-systématiquement de nouvelles dispositions destinées à favoriser les échanges entre les organismes de sécurité sociale afin de lutter contre les fraudes sociales et à prévoir l'exequatur, ce type d'échange s'inscrit dans les échanges habituels d'informations entre organismes de sécurité sociale nécessaires à l'instruction et à la gestion de dossiers individuels en matière de sécurité sociale. Les organismes sont donc habitués à ces échanges qui, dès lors, n'impactent pas leur organisation administrative.

En outre, les organismes de liaison - le CLEISS et le CNSE pour la France - demeurent les relais privilégiés des échanges avec les organismes étrangers de sécurité sociale lorsque ceux-ci interviennent dans un cadre international et notamment bilatéral. Le CLEISS est l'interlocuteur premier s'agissant des demandes de particuliers et pour la rédaction des formulaires conventionnels. Le CNSE est l'organisme de liaison en charge des créances et des dettes internationales françaises en matière d'assurance maladie. Ces deux organismes sont les plus impactés par les échanges bilatéraux. La mise en oeuvre de l'accord permettra des échanges d'informations, de données statistiques et financières, une assistance juridique et administrative, ainsi que des échanges sur les difficultés d'application de l'accord (que ce soit sur des cas particuliers ou sur des problématiques plus générales). La coopération entre organismes de liaison et entre institutions s'effectuera également en matière de lutte contre la fraude.

V- Etat des signatures et ratifications

L'accord a été signé le 6 novembre 2014 par Mme Christine Moro, ambassadeur de France en Serbie, et par M. Alexandre Vulin, ministre serbe du travail, de l'emploi, des affaires sociales et des anciens combattants, à l'occasion de la visite à Belgrade du Premier ministre, M. Manuel Valls. La Serbie a déposé son instrument d'approbation de l'accord le 30 mars 2015. L'arrangement administratif pour l'application de l'accord, prévu au paragraphe 1 de l'article 41 de l'accord, a été signé le 15 mars 2018.

L'avenant sous forme d'échange de lettres relatif au champ d'application territorial a été signé par la France le 21 mai 2021 par M. Jean-Louis Falconi, ambassadeur de France en Serbie, et le 2 juillet 2021 par Mme Darija Kisic Tepavcevic, ministre du travail, de l'emploi, des anciens combattants et des affaires sociales de la République de Serbie.


* 1 Décret n° 51-457 du 19 avril 1951 portant publication de la convention générale de Paris du 5 janvier 1950

* 2 Arrangement administratif général du 23 janvier 1967 concernant les modalités d'application de la convention générale sur la sécurité sociale conclue entre la France et la Yougoslavie le 5 janvier 1950, modifiée et complétée par l'avenant à ladite convention du 8 février 1966.

* 3 Décret n° 2003-457 du 16 mai 2003 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil des ministres de Serbie-et-Monténégro relatif à la succession en matière de traités bilatéraux conclus entre la France et la République socialiste fédérative de Yougoslavie (ensemble une annexe), signé à Paris le 26 mars 2003.

* 4 Source : direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international, ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.

* 5 La convention générale entre la France et la Yougoslavie sur la sécurité sociale du 5 janvier 1950 a été modifiée et complétée par les avenants des 8 février 1966, 13 février 1969, 31 janvier 1973, 30 octobre 1974 et par l'échange de lettres du 20 juin 1976.

* 6 Source : direction générale du Trésor, " Les IDE et la présence française en Serbie ", 1 er septembre 2021.

* 7 Source : direction générale du Trésor, " Les IDE et la présence française en Serbie ", 1 er septembre 2021.

* 8 Source : direction générale du Trésor, " Les IDE et la présence française en Serbie ", 1 er septembre 2021.

* 9 Source ; direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international, ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.

* 10 Règlement (CE) n°883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale.

* 11 Règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n °883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.

* 12 La Commission européenne suit depuis 2014 le sujet de la protection des données personnelles, qui figure dans son rapport annuel et ses évaluations semestrielles portant sur les chapitres 23 et 24 des négociations d'adhésion relatifs à l'Etat de droit.

* 13 Décret n°2005-1050 du 26 août 2005 portant coordination entre les régimes de sécurité sociale en vigueur dans les départements métropolitains ou d'outre-mer et les régimes de sécurité sociale en vigueur à Mayotte.

* 14 Décret n° 2014-763 du 3 juillet 2014 portant publication de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay, signé à Montevideo le 6 décembre 2010.

* 15 Décret n° 2014-1013 du 8 septembre 2014 portant publication de l'accord entre la République française et la République fédérative du Brésil en matière de sécurité sociale (ensemble un accord d'application, signé à Paris le 22 avril 2013), signé à Brasilia le 15 décembre 2011.

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