EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Un constat simple et alarmant : le déclin de la puissance agricole française en raison d'un trop plein de normes, de charges excessives et d'un besoin croissant d'investissement et d'innovation.

Avant même la crise énergétique et le choc inflationniste que la France et l'Europe connaissent depuis 2022, la compétitivité de la ferme France était déjà en déclin. Alors que le volume des échanges de produits agricoles et agroalimentaires ne cesse de croître dans le monde, et que l'Union européenne conforte sa place de géant mondial agricole, la France est l'un des seuls grands pays dont les parts de marché s'érodent voire s'effondrent . Cette pente descendante, la France y est engagée depuis les années 2010, et malgré les constats, malgré les alertes, la tendance est à l'accélération.

Rang mondial parmi les exportateurs et parts de marché à l'export (tous produits agricoles et agroalimentaires)

La France n'a ainsi jamais autant importé de denrées , si bien que, hors vins et spiritueux, elle est déficitaire dans ses échanges de produits bruts comme transformés depuis 2015.

Cette détérioration de la compétitivité de l'agriculture française, analysée et chiffrée par le rapport d'information sur la compétitivité de la ferme France adopté en septembre 2022 par la commission des affaires économiques du Sénat, a plusieurs sources parmi lesquelles la surrèglementation, le poids des charges sur de nombreux postes, une productivité parfois trop faible et des prix souvent trop hauts par rapport à nos principaux concurrents.

Évolution des échanges de la France en produits agricoles et agroalimentaires

Recroquevillée sur son marché intérieur, au sein duquel elle est par ailleurs concurrencée par ses voisins européens et méditerranéens, l'agriculture française en viendra, si rien n'est fait, à ne produire qu'une gamme de denrées ultra premium, mais toujours peu rémunératrice pour les agriculteurs, à destination d'une clientèle de niche à fort pouvoir d'achat, le reste des consommateurs français étant contraint de se tourner vers des denrées importées , produites dans des conditions environnementales et sociales non satisfaisantes ou peu transparentes. Tels sont les résultats de la fuite en avant du « tout montée en gamme » prônée par l'État, au détriment du coeur et de l'entrée de gamme à destination du plus grand nombre.

Au regard de ce contexte marqué par la concomitance d'une crise du pouvoir d'achat et d'une hausse des charges historique des agriculteurs et des industries agroalimentaires, les sénateurs proposent de manière transpartisane un choc de compétitivité, à travers l'adoption d'un plan « Compétitivité de la Ferme France » à horizon 2028.

Des réponses concrètes et ambitieuses

Ce plan vise à inverser la tendance décrite, pour une agriculture plus forte, dynamique, exportatrice et soucieuse de l'environnement.

Composé de 26 articles ce plan poursuit trois objectifs ambitieux :

1) Détendre le cadre normatif et lutter contre les surtranspositions ;

2) Améliorer le cadre fiscal pour favoriser l'investissement ;

3) Encourager l'innovation au service de la productivité et de l'environnement .

Les mesures de ce plan redonneront de l'oxygène à la ferme France et à ses agriculteurs, pour qu'ils puissent exercer leur métier avec fierté et dignité , pour qu'ils puissent produire tout en étant acteurs de la transition écologique et enfin pour qu'ils puissent partir à la (re)conquête des marchés européens et internationaux.

Le titre I er fait de la compétitivité de la ferme France un objectif, sous l'égide d'un haut-commissaire à la compétitivité .

À cette fin, l'article 1 er institue le haut-commissaire à la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires françaises . Doté de larges prérogatives, il participe à la définition et à la mise en oeuvre des politiques publiques de compétitivité, est l'interlocuteur privilégié des filières, pour lesquelles il centralise les difficultés qu'elles rencontrent au quotidien, de manière à pouvoir formuler des recommandations.

L'article 2 crée le plan quinquennal de compétitivité pour les filières agricoles et agroalimentaires, de manière à pouvoir disposer d'une feuille de route claire et partagée par l'ensemble des acteurs sur les priorités à moyen terme des filières pour retrouver, maintenir ou améliorer leur compétitivité.

L'article 3 crée un fonds spécial , alimenté par une fraction de la taxe sur les surfaces commerciales, destiné à soutenir l'investissement et la recherche des petites filières agricoles, des filières en manque de compétitivité ainsi que la relance de filières en état de crise.

Le titre II relance la croissance de la productivité de la ferme France en favorisant l'investissement et le produire local.

L'article 4 crée un « livret Agri », livret réglementé sur le modèle du livret de développement durable et solidaire, afin de faciliter l'accès à l'emprunt du secteur agricole et agroalimentaire à des conditions avantageuses, notamment à l'heure du renouvellement des générations.

L'article 5 met en place un crédit d'impôt pour les investissements de mécanisation dans l'agriculture ou l'agroalimentaire en faveur de la réduction des coûts de production, de l'amélioration de la compétitivité-prix, de l'adaptation au changement climatique ou de la lutte contre les aléas climatiques.

L'article 6 augmente les plafonds de la dotation pour épargne de précaution , outil central de la gestion pluriannuelle des risques en agriculture, pour accompagner la croissance des exploitations d'une part, et la multiplication des aléas d'autre part.

L'article 7 prévoit l'expérimentation d'une déduction pour épargne de précaution supplémentaire en cas de contractualisation entre les filières animales et végétales.

L'article 8 autorise l'usage d'aéronefs sur les terrains agricoles permettant une pulvérisation aérienne de précision de produits phytopharmaceutiques. Ces traitements de précision permettraient de réduire la quantité de produits utilisée, tout en réduisant l'exposition de l'applicateur aux substances utilisées.

L'article 9 vise à offrir la possibilité pour les structures agricoles d'effectuer un diagnostic carbone et de performance agronomique des sols cofinancé par l'at.

L'article 10 améliore l'information du consommateur sur la provenance des ingrédients des produits alimentaires transformés.

L'article 11 élargit la liste de produits éligibles pour l'atteinte du seuil de 50 % de produits de qualité et durables devant composer les repas en restauration collective aux produits bénéficiant d'une démarche de certification de conformité des produits (CCP) , tant que cette démarche est subordonnée au respect de règles destinées à favoriser la qualité des produits ou la préservation de l'environnement, sous le contrôle du ministre chargé de l'agriculture.

Le titre III vise à lutter contre la surrèglementation en matière agricole , frein à la compétitivité des exploitations et source de désavantages concurrentiels sur les marchés européens et internationaux.

L'article 12 crée à cette fin un principe de non surtransposition sauf motif d'intérêt général suffisant , complète les missions du Conseil d'État en le chargeant, dans ses avis sur les projets de textes législatifs, d'identifier les surtranspositions, pour lesquelles le Gouvernement sera appelé à produire une estimation du surcoût qu'elles pourraient engendrer, ainsi qu'une comparaison européenne, en amont du débat parlementaire.

L'article 13 complète les missions de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail afin qu'elle dresse, dans ses décisions, un bilan « bénéfice-risque », en matière de santé humaine, environnementale économique, de sa décision. Dans le cas d'un retrait d'autorisation de mise sur le marché d'un produit, un délai de grâce est appliqué et l'État fournit un accompagnement technique et de recherche aux professionnels concernés.

L'article 14 prévoit que le Gouvernement remet, sous un an, un rapport établissant un bilan depuis 2017 des mesures d'encadrement des pratiques agricoles , en précisant les objectifs recherchés, les coûts de la transition, leur couverture par des accompagnements publics ou des rémunérations par les marchés et leurs impacts sanitaires, environnementaux et économiques au regard des objectifs initiaux. Un tel rapport est remis ensuite au Parlement tous les trois ans.

L'article 15 déclare d'intérêt général majeur les ouvrages ayant vocation à prélever et stocker de l'eau à des fins agricoles .

L'article 16 organise, dans le cadre des projets territoriaux de gestion de l'eau (PTGE) une concertation large en amont des projets d'envergure ayant vocation à prélever et stocker de l'eau à des fins agricoles, dans le but de faciliter le consensus local.

L'article 17 réduit la durée des contentieux relatifs aux projets d'ouvrages de prélèvement et de stockage d'eau à usage d'irrigation en attribuant aux cours administratives d'appel une compétence directe en premier et dernier ressort pour connaître de ces projets.

L'article 18 revient sur l'interdiction des remises, rabais et ristournes à l'occasion de la vente de produits phytopharmaceutiques ainsi que sur la séparation de la vente et du conseil des produits phytopharmaceutiques.

Le titre IV tend à maitriser les charges sociales des structures agricoles et agroalimentaires, notamment en tenant compte des contraintes propres à leur secteur.

L'article 19 établit le secteur agricole comme secteur prioritaire en tension au regard des obligations de recherche d'emploi des demandeurs d'emplois résultant de l'élaboration de leur projet personnalisé d'accès à l'emploi.

L'article 20 met en place une expérimentation dans les départements volontaires et dans des conditions précisées par décret, permettant un cumul limité dans le temps d'une activité rémunérée et du bénéfice du revenu de solidarité active, dans une optique d'aide à la réinsertion progressive.

L'article 21 entend pérenniser le dispositif d'exonération applicable pour l'emploi de travailleurs occasionnels et de demandeurs d'emplois (TO-DE), signal clair à destination des filières leur permettant de se projeter davantage vers l'avenir, sans craindre l'arrêt du dispositif. Il rehausse par ailleurs, pour tenir compte de l'inflation, le seuil en dessous duquel s'applique l'exonération, et étend le champ des bénéficiaires aux coopératives d'utilisation de matériel agricole et aux travailleurs effectuant la collecte de lait en zone de montagne .

L'article 22 exclut les entreprises agricoles et agroalimentaires dont le cycle de production est directement déterminé par le cycle naturel des récoltes de l'application du bonus-malus sur les contrats courts .

L'article 23 pérennise et augmente le taux du crédit d'impôt pour dépenses de remplacement .

Le titre V entend maîtriser les charges et impôts portant sur la production pour regagner en compétitivité - prix.

L'article 24 procède à l'indexation sur l'inflation de seuils d'exonérations de l'impôt sur le revenu. Il rehausse ainsi les seuils de passage du régime du micro-bénéfice agricole (micro-BA) au régime réel simplifié, le seuil de passage au régime réel d'imposition et le seuil d'exonération des plus-values.

L'article 25 vise à sécuriser le taux de TVA applicable à toutes les prestations d'équitation en l'inscrivant au code général des impôts, en le rattachant à la directive TVA révisée en 2022 et en étendant légèrement le champ pour le rendre conforme à la jurisprudence de la CJUE.

Le titre VI et son article unique, l'article 26 , garantissent enfin la recevabilité financière de cette proposition de loi.

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