N° 378

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 28 juin 2004

PROPOSITION DE LOI

relative au vote des Français établis hors de France pour l' élection des représentants au Parlement européen ,

PRÉSENTÉE

Par M. Robert DEL PICCHIA, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Jean-Pierre CANTEGRIT, Christian COINTAT, Hubert DURAND-CHASTEL, Louis DUVERNOIS, André FERRAND, Michel GUERRY, et Xavier de VILLEPIN

Sénateurs.

( Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

Elections et référendums.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les citoyens européens élisent leurs représentants nationaux au Parlement européen au suffrage universel direct, conformément à l'acte annexé à la décision du Conseil des communautés européennes en date du 20 septembre 1976, rendu applicable en France par la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen.

Jusqu'en 2003, les Français établis hors de France participaient à l'élection des représentants au Parlement européen dans les conditions prévues par la loi organique n°76-97 du 31 janvier 1976.

Ce texte, relatif à l'élection du Président de la République et applicable aux référendums, autorise la création de centres de vote à l'étranger. Cette possibilité de vote depuis leur lieu de résidence à l'étranger était apparu au Français de l'étranger comme une grande avancée dans la reconnaissance de leurs droits civiques.

L'adoption de la loi n°2003-327 du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, n'avait pas permis le maintien de la possibilité pour les Français établis hors de France de voter dans les centres ouverts à cet effet à l'étranger.

En effet, le découpage en huit grandes circonscriptions de la circonscription nationale avait eu pour conséquence de supprimer le vote à l'étranger.

En l'absence d'une circonscription et de représentant propre, le rattachement des Français établis hors de France à leur commune d'origine s'était imposé.

À la condition d'être inscrits dans une commune française, les Français résidant hors de France ne peuvent donc plus voter qu'en personne ou par procuration. Les procurations sont déposées auprès des autorités consulaires qui les acheminent vers la métropole pour être comptabilisées.

Le 13 juin 2004, 338 millions de citoyens dans 25 Etats membres ont pour la première fois été appelés à élire leurs représentants au Parlement européen.

Plus de 40 millions de citoyens français étaient mobilisés pour l'élection de 78 représentants français élus pour une législature de cinq années.

Il y a 385.000 personnes inscrites dans les centres de vote à l'étranger. Pour les Français établis hors de France, le vote par procuration ne fait pas recette.

Moins de 14.000 procurations (!) ont été transmises par les autorités consulaires.

Pourtant, ce scrutin intéresse particulièrement les Français établis hors de France, comme le démontre l'augmentation continue du nombre d'inscription sur les listes électorales de l'étranger. De 100.000 inscrits en 1980, le nombre est passé à 385.000 en 2003.

Considérant le caractère transfrontalier du droit communautaire, l'action du Parlement européen revêt une importance particulière pour les Français établis en Europe mais également hors d'Europe.

D'ailleurs, leur implication est grande et leur contribution notable : ainsi, en 1992, 82 % des citoyens inscrits dans les centres de vote à l'étranger avaient dit « oui » à la ratification du traité de Maastricht, soit 31 points de plus que les Français de l'Hexagone.

Une ordonnance a été prise le 8 décembre 2003 afin de faciliter l'inscription sur les listes électorales françaises de nos compatriotes qui résident parfois depuis longtemps à l'étranger. Ce texte élargit les cas dans lesquels les Français établis hors de France peuvent demander à être inscrits dans une commune.

Cependant, il existe une catégorie de nos compatriotes qui n'ont plus de lien avec l'Hexagone, car ils sont établis depuis une ou plusieurs générations à l'étranger. Ils ne sont donc pas en mesure d'apporter la preuve d'un rattachement à une commune.

Plus généralement, l'inscription même dans une commune en France est une démarche qui apparaît pour nos compatriotes comme trop complexe vue de l'étranger.

La réforme de 2003 a donc eu pour conséquence de les exclure du scrutin européen.

Par ailleurs, pour ceux qui parviennent à s'inscrire dans une commune française, il est peu concevable qu'ils fassent le déplacement jusqu'au bureau de vote de celle-ci. On ne fait pas des centaines, voire des milliers de kilomètres, à ses frais, pour aller voter.

La seule alternative au vote en personne qui leur est aujourd'hui proposée est le vote par procuration.

Ainsi, après avoir réussi à s'inscrire dans une commune française, nos compatriotes doivent connaître une personne inscrite sur la même liste électorale qu'eux.

Le vote par procuration est un aménagement au vote en personne offert aux citoyens absents temporairement de leur commune le jour du scrutin. Il n'a pas été pensé pour des citoyens résidant en permanence à plusieurs centaines ou plusieurs milliers de kilomètres du bureau de vote.

Ces obstacles font de la possibilité de vote par procuration une alternative peu efficace au vote en personne. Rappelons que seuls 4 % des 385 000 Français inscrits dans les centres de vote à l'étranger en 2004 ont voté par procuration.

L'article 3 de la Constitution de 1958 dispose que le scrutin
« est toujours universel, égal et secret. » Le législateur a le devoir constitutionnel d'assurer l'égalité du suffrage pour tous les citoyens.

En aménageant la possibilité de voter dans les centres de vote à l'étranger, on permet un accès réel des Français de l'étranger au scrutin, ce qui participe de l'égalité de tous les citoyens français devant le vote. En effet, l'égalité devant les suffrages exige que soit donnée à tous les électeurs la même faculté de s'exprimer lors des suffrages nationaux. À situations et difficultés différentes, moyens différents, afin de garantir un même résultat : la possibilité concrète et matérielle de voter.

Afin de rétablir la possibilité pour les Français résidant hors de nos frontières de participer effectivement aux scrutins européens, la solution la plus simple et la plus équitable est de leur permettre de voter dans les centres de vote à l'étranger, comme cela existe pour l'élection du Président de la République et les référendums.

Pour ce faire, il nous faut rattacher la liste électorale des Français établis hors de France à l'une des grandes circonscriptions françaises.

Le rattachement à la circonscription d'Ile-de-France se justifie par une double raison :

- La liste des inscrits au registre des Français établis hors de France se trouve à Paris, à la Direction des Français de l'étranger et des étrangers en France, ainsi qu'au Bureau des élections. Ce Bureau des élections au Ministère des Affaires étrangères gère toutes les élections qui se déroulent dans les centres de vote à l'étranger ;

- C'est à Paris que siège le Conseil supérieur des Français de l'étranger, l'Assemblée des Français de l'étranger élue au suffrage universel direct, et le collège électoral des Sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Cette solution aurait l'avantage de permettre l'intégration « Français de l'étranger » dans le système électoral, comme le voulait le Conseil supérieur des Français de l'étranger, à travers l'adoption à l'unanimité en septembre 2002 et en février 2003, de voeux et résolution demandant la prise en compte des Français établis hors de France dans le scrutin européen.

La réforme du 11 avril 2003 avait pour objectif de rapprocher l'élu européen de ses électeurs, en instaurant un lien plus et plus visible. Concernant les Français établis hors de France, le nouveau découpage électoral a eu l'effet exactement inverse. La présente proposition de loi permettrait de rétablir l'économie initiale du texte.

L'article 1 er a pour objet de rattacher le vote des Français établis hors de France à la circonscription d'Ile-de-France en modifiant le tableau annexé à l'article 4 de la loi n°77-729 du 7 juillet de 1977.

L'article 2 crée la possibilité pour les Français établis hors de France de voter dans des centres de votes à l'étranger pour l'élection des représentants au Parlement européen.

C'est pourquoi, je vous demande, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le tableau annexé à la loi n°77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen est modifié comme suit, conformément au tableau qui constitue l'annexe de la présente loi :

- la circonscription nommée : « Île-de-France » devient la circonscription : « Île-de-France et Français établis hors de France » ;

- la circonscription est composée de la section : « Île-de-France » et de la section : « centres de vote à l'étranger ».

Article 2

L'article 23 de la loi n°77-729 du 7 juillet 1977 précitée est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 23 - Les Français inscrits sur des listes de centre de vote créés à l'étranger exercent leur droit de vote dans les conditions prévues par la loi organique n°76-97 du 31 janvier 1976 sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République.

« Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables aux Français établis hors de France qui ont été admis à exercer leur droit de vote pour l'élection des représentants au Parlement européen de l'État de l'Union européenne où ils résident ».

Annexe

Tableau annexé à l'article 4 de la loi n°77-729 du 7 juillet de 1977

Nom des circonscriptions

Composition des circonscriptions

NORD-OUEST

Basse-Normandie

Haute-Normandie

Nord Pas-de-calais

Picardie

OUEST

Bretagne

Pays de la Loire

Poitou-Charentes

EST

Alsace

Bourgogne

Champagne-Ardenne

Franche-Comté

Lorraine

SUD-OUEST

Aquitaine

Languedoc-Roussillon

Midi-Pyrénées

SUD-EST

Corse

Provence-Alpes-Côte-d'Azur

Rhône-Alpes

MASSIF CENTRAL

Auvergne

Centre

Limousin

ILE-DE-FRANCE et

FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE

Ile-de-France

Centres de vote à l'étranger

OUTRE-MER

Saint-Pierre-et-Miquelon

Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

Mayotte

Nouvelle-Calédonie

Polynésie française

Wallis-et-Futuna

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page