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N° 44

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 octobre 2010

PROPOSITION DE LOI

visant à préserver le pluralisme syndical en France ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Claude BIWER, Jean-Paul AMOUDRY, Jean BOYER, Marcel DENEUX, Jean-Jacques JÉGOU, Mme Anne-Marie PAYET, MM. Jean-Jacques PIGNARD et François ZOCCHETTO,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a considérablement modifié le système de représentativité syndicale qui prévalait depuis la Libération en faisant en sorte que, désormais, la représentativité des organisations syndicales est reconnue sur la base de critères communs réactualisés et adaptés aux niveaux de l'entreprise, de la branche et de l'interprofessionnel : cette loi vient, au demeurant, d'être validée par le Conseil Constitutionnel saisi par la Cour de Cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Ainsi, la représentativité d'un syndicat résulte de 7 critères légaux cumulatifs : le respect des valeurs républicaines, l'indépendance, la transparence financière, une ancienneté minimale de 2 ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation, l'influence, les effectifs d'adhérents et les cotisations et enfin, l'audience établie suivant les niveaux de négociation.

C'est ce dernier critère qui entraîne les modifications les plus importantes.

En effet, pour être représentative au niveau de l'entreprise, il faut que l'organisation syndicale recueille au moins 10 % des suffrages exprimés aux élections au Comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel.

Pour être représentative au niveau des branches professionnelles, il faut que l'organisation syndicale ait recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés par agrégat des résultats électoraux des entreprises composant cette branche et qu'elle dispose d'une implantation territoriale équilibrée.

Pour être représentative au niveau national interprofessionnel, il faut que l'organisation syndicale ait recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés par agrégat de l'ensemble des résultats électoraux dans les différentes branches professionnelles avec obligation d'être représentative à la fois dans les branches de l'industrie, de la construction, du commerce et des services.

Cette réforme a largement repris les termes de la « position commune sur la représentativité syndicale » signée par la CGT, la CFDT, le MEDEF et les PME, la CFE-CGC, la CFTC, la CGT-FO et l'UPA s'y étant opposés.

Pour les non signataires de cette « position commune », ce texte était considéré comme dangereux pour la démocratie syndicale dans la mesure où il ne tient compte que des élections en entreprise alors que 50 % des salariés ne votent pas à des élections professionnelles du fait de la taille de leur entreprise. Ces organisations auraient préféré que la représentativité des syndicats soit appréciée à travers une élection nationale, comme les élections prud'homales : celles-ci concernent tous les travailleurs qui peuvent voter pour le syndicat de leur choix, présent ou non dans leur entreprise.

Au cours des débats sur ce texte au Parlement, certaines voix se sont fait entendre pour craindre que ce nouveau système de représentativité ne pénalise les petites organisations syndicales.

Les élections professionnelles qui se sont déroulées à la SNCF ne peuvent que leur donner raison et sont particulièrement éclairantes.

En effet, ni FO alliée pourtant à la CFE-CGC, ni la CFTC n'ont dépassé la barre fatidique des 10 % ; elles ne sont donc plus considérées comme représentatives dans cette entreprise : ce qui veut dire qu'au total, 13,38 % des suffrages exprimés ne seront pas représentés.

La CFDT, de son côté, alliée à la FGAAC (conducteurs de trains autonomes) a atteint 11,59 % et n'est donc pas non plus à l'abri, à l'avenir, de disparaître du paysage syndical de la SNCF.

Mais, comme un malheur n'arrive jamais seul, ces petites organisations syndicales ont également été évincées des comités d'établissement et des CHSCT régionaux, les grandes organisations ayant décidé que, désormais, il fallait avoir obtenu 20 % des suffrages pour obtenir ce genre de poste alors que l'usage voulait jusqu'alors que ce seuil soit de 10 %.

Ainsi, en l'espace d'une élection, des organisations syndicales pourtant aussi anciennes que FO, la CFTC ou la CFE-CGC sont éliminées dans cette grande entreprise qu'est la SNCF.

Il est à craindre que le même scénario ne se reproduise dans de très nombreuses entreprises et que, pour exister ou survivre, les organisations syndicales jusqu'alors les plus modérées soient tentées par des positions plus radicales comme nous pouvons présentement le constater avec la réforme des retraites.

Et ainsi, les nouveaux critères de représentativité mis en place par le législateur conduisent, dans un premier temps, à une radicalisation des syndicats réformistes et, à terme, pourraient aboutir à faire disparaître purement et simplement certaines organisations syndicales, ce qui n'est pas admissible.

Il faut savoir, en effet, que la réduction de l'offre syndicale ne va certainement pas accroître le taux de syndicalisation des salariés qui est déjà l'un des plus faibles d'Europe.

Ce sont les raisons pour lesquelles, afin de préserver la pluralité syndicale dans notre pays, il convient de revoir les critères de représentativité des organisations syndicales dans les entreprises, aux niveaux, professionnel, interprofessionnel et au niveau national en abaissant respectivement de 10 % et 8 % à 5 % les seuils à partir duquel les syndicats sont considérés comme représentatifs.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi que nous vous prions de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

À l'article L. 2122-1 du code du travail, le pourcentage : « 10 % » est remplacé par le pourcentage : « 5 % ».

Article 2

À l'article L. 2122-2 du code du travail, le pourcentage : « 10 % » est remplacé par le pourcentage : « 5 % ».

Article 3

À la première phrase du 3° de l'article L. 2122-5 du code du travail, le pourcentage : « 8 % » est remplacé par le pourcentage : « 5 % ».

Article 4

À la première phrase du 3° de l'article L. 2122-9 du code du travail, le pourcentage : « 8 % » est remplacé par le pourcentage : « 5 % ».

Article 5

Au 2° de l'article L. 2122-10 du code du travail, le pourcentage : « 8 % » est remplacé par le pourcentage : « 5 % ».

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