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N° 536

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 mai 2012

PROPOSITION DE LOI

tendant à qualifier le délit de harcèlement sexuel ,

PRÉSENTÉE

Par M. Philippe KALTENBACH,

Sénateur

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Par sa décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l'article 222-33 du code pénal qui définissait et réprimait le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle. Cette censure a été prononcée avec effet immédiat.

Aux termes de ce texte, tel que défini initialement par la loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes, modifiée par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs et dernièrement par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, « le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »

Saisi par voie de question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a considéré que les éléments constitutifs de la définition de ce délit étaient insuffisamment précis et méconnaissaient le principe de légalité des délits et des peines ainsi que le principe de clarté et de précision de la loi, de prévisibilité juridique et de sécurité juridique (point 2 de la décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012).

Du fait de cette décision du Conseil constitutionnel, le délit de harcèlement sexuel a disparu de notre ordonnancement juridique répressif.

En revanche, ce comportement demeure prohibé par les dispositions du code du travail (article L. 1153-1) aux termes desquelles « les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers sont interdits », complétées par les dispositions de l'article L. 1155-2 du même code selon lequel « les faits de harcèlement moral et sexuel, définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, sont punis d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 15 000 €. »

Ces dernières dispositions, eu égard à l'identité de leur contenu avec celles de l'article 222-33 du code pénal jugées contraires à la Constitution, seront certainement dépourvues de toute portée en application des considérants de la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai 2012.

Dans ces conditions, les agissements constitutifs de harcèlement sexuel ne pourront plus être poursuivis et réprimés qu'à la condition de revêtir le caractère d'agression sexuelle, restreignant ainsi la violation des comportements déviants à l'égard des hommes et des femmes.

Compte tenu de la portée immédiate de la décision du Conseil constitutionnel et de la disparition de ces dispositions permettant de réprimer les agissements de harcèlement sexuel, il est essentiel de réintroduire ce délit dans le droit positif afin de dissuader ces agissements et de réprimer ces comportements.

En ce sens, il importe de préciser la définition de ce délit et ses éléments constitutifs en définissant de manière claire et précise les actes qui doivent être regardés au sens de cette nouvelle qualification comme constitutif de harcèlement sexuel.

À cette occasion, il apparaît opportun d'harmoniser le droit pénal interne avec le droit communautaire. La directive du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité du traitement entre homme et femme en matière d'emploi et de travail (directive 2006/54/CE du Parlement Européen et du Conseil) énonce : le harcèlement sexuel est « la situation dans laquelle un comportement non désiré à connotation sexuelle, s'exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, survient avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »

Il est proposé que l'article 222-33 du code pénal dispose désormais : « Constitue un harcèlement sexuel tout propos, acte ou comportement non désiré, verbal ou non verbal, à connotation sexuelle, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité d'une personne ou de créer un environnement intimidant, hostile, humiliant ou offensant. Le délit de harcèlement sexuel est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. »

Le code du travail doit alors être modifié par souci de cohérence des textes, en ses dispositions L. 1153-1 et L. 1153-1-1 nouveau.

Il apparaît par ailleurs nécessaire d'aligner les procédures d'indemnisation des victimes de ces faits avec celles dont bénéficient les victimes de viol et d'agressions sexuelles, en leur permettant d'avoir accès au mécanisme de recours en indemnité ouvert à certaines victimes de dommages résultant d'une infraction (CIVI). Il convient donc d'ajouter aux dispositions de l'article 706-3 du code de procédure pénale, la référence au nouvel article 222-33 du code pénal.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

L'article 222-33 du code pénal est ainsi rétabli :

« Art. 222-33. - Constitue un harcèlement sexuel tout propos, acte ou comportement non désiré, verbal ou non verbal, à connotation sexuelle, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité d'une personne ou de créer un environnement intimidant, hostile, humiliant ou offensant.

« Le délit de harcèlement sexuel est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. L'abus d'autorité représente une circonstance aggravante en matière de harcèlement sexuel. L'abus d'autorité s'exprime soit :

« 1° Lorsque la personne exerçant le harcèlement est en position de pouvoir par rapport à la personne harcelée ;

« 2° Lorsque qu'elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;

« 3° Lorsqu'elle est commise sous la menace d'une arme ou d'un animal ;

« 4° Lorsque l'auteur ou les auteurs profitent de l'état de vulnérabilité de la victime notamment économique ou de sa déficience physique ou psychique.

« Le délit de harcèlement sexuel en cas d'abus d'autorité est puni d'une peine de 3 ans de prison et de 45 000 € d'amende. »

Article 2

L'article L. 1153-1 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L 1153-1. - Constitue un harcèlement sexuel tout propos, acte ou comportement non désiré, verbal ou non verbal, à connotation sexuelle, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité d'une personne ou de créer un environnement intimidant, hostile, humiliant ou offensant. »

Article 3

Après l'article L. 1153-1 du code du travail, il est inséré un article L. 1153-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L 1153-1-1. - L'abus d'autorité représente une circonstance aggravante en matière de harcèlement sexuel. L'abus d'autorité s'exprime soit :

« 1° Lorsque la personne exerçant le harcèlement est en position de pouvoir par rapport à la personne harcelée ;

« 2° Lorsque qu'elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;

« 3° Lorsqu'elle est commise sous la menace d'une arme ou d'un animal ;

« 4° Lorsque l'auteur ou les auteurs profitent de l'état de vulnérabilité de la victime notamment économique ou de sa déficience physique ou psychique. »

Article 4

L'article L. 1155-2 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L 1155-2. - Les faits de harcèlement moral et sexuel, définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ou la prise de sanctions à l'égard d'une ou plusieurs personnes ayant été victimes ou témoins de harcèlement moral et sexuel, sont punis d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 15 000 €.

« Le délit de harcèlement sexuel en cas d'abus d'autorité défini à l'article L. 1153-1-1 est puni d'une peine de 3 ans de prison et de 45 000 € d'amende. Les victimes de harcèlement sexuel ont la capacité de saisir la Commission d'indemnisation des victimes d'infraction. »

Article 5

Au 2° de l'article 706-3 du code de procédure pénale, après les références : « 222-22 à 222-30, », est insérée la référence : « 222-33, ».

Article 6

L'article 6 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Le fait qu'il a subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement sexuel de toute personne à savoir tout propos, acte ou comportement non désiré, verbal ou non verbal, à connotation sexuelle, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité d'une personne ou de créer un environnement intimidant, hostile, humiliant ou offensant. »

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