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N° 585

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 juin 2012

PROPOSITION DE LOI

visant à supprimer le délit de séjour irrégulier et à exclure les bénévoles du champ d'application du délit d'aide à l'entrée , à la circulation et au séjour irréguliers des étrangers en France ,

PRÉSENTÉE

Par Mmes Éliane ASSASSI, Nicole BORVO COHEN-SEAT, M. Christian FAVIER, Mme Marie-France BEAUFILS, MM. Michel BILLOUT, Éric BOCQUET, Mmes Laurence COHEN, Cécile CUKIERMAN, Annie DAVID, Michelle DEMESSINE, Évelyne DIDIER, MM. Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Mme Brigitte GONTHIER-MAURIN, MM. Robert HUE, Gérard LE CAM, Michel LE SCOUARNEC, Mmes Isabelle PASQUET, Mireille SCHURCH, MM. Paul VERGÈS et Dominique WATRIN,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Être « sans papiers » est aujourd'hui un délit : le code de l'entrée et du séjour des étrangers punit en effet d'une peine d'emprisonnement le fait de pénétrer ou de séjourner irrégulièrement en France, ainsi que de se soustraire à une mesure de reconduite à la frontière.

Or, punir d'une peine d'emprisonnement un étranger en séjour irrégulier empêche, de facto , tant l'éloignement que la régularisation de sa situation administrative. En outre, l'existence d'une telle sanction est contraire à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui dispose que la loi ne peut établir que des peines strictement nécessaires.

Dans cette logique, la Cour de justice de l'Union européenne a rendu, le 28 avril 2011, un arrêt dans lequel elle rappelle qu'une législation prévoyant une peine d'emprisonnement pour le seul motif de séjour irrégulier d'un étranger sur le territoire est contraire à la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, et aux respects des droits fondamentaux inhérents à toute personne.

Il est ainsi temps de supprimer purement et simplement toute peine d'emprisonnement comme sanction à l'irrégularité d'un séjour sur le territoire, ainsi que les peines qui lui sont associées telle l'interdiction de territoire.

Par ailleurs, à côté du délit de séjour irrégulier, il existe le délit d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'un étranger. L'objectif légitime initialement recherché de ce dernier délit était de lutter contre les réseaux organisés (passeurs, transporteurs, employeurs...) qui aident, en contrepartie de sommes importantes, les étrangers à entrer ou à se maintenir illégalement sur le territoire. Or, le champ d'application de ce délit a subi de nombreuses et profondes modifications tout à fait déplorables depuis son adoption.

En effet, ce délit ne vise plus seulement les réseaux mafieux qui profitent, à des fins lucratives, de la détresse des étrangers ; sont désormais également visées les personnes physiques ou morales qui, par humanité, témoignent de leur solidarité et apportent leur soutien aux étrangers démunis, ce qui n'est pas acceptable. De plus en plus de personnes ont pu ainsi être menacées de poursuites pénales, arrêtées, placées en garde à vue, mises en examen, pour avoir aidé de façon désintéressée des étrangers en situation irrégulière. Ce rôle humanitaire est pourtant indispensable face au dénuement dans lequel se trouvent ceux qui risquent leur vie pour fuir guerres, famines ou misère, et gagner un monde qu'ils espèrent meilleur.

Il est donc impératif de protéger les bénévoles, personnes physiques ou morales, contre des poursuites pénales sur le fondement de l'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, véritable épée de Damoclès pour ceux qui agissent dans un but altruiste et tout simplement humain.

Les auteurs de cette proposition de loi, comme ils l'ont déjà fait à plusieurs reprises au cours des débats parlementaires relatifs aux réformes successives en matière d'immigration, proposent par conséquent de supprimer le délit de séjour irrégulier et le délit de solidarité, afin de mettre un terme à cette politique répressive inutile menée en matière d'immigration qui, loin de remédier à la question plus globale des migrations, ne fait qu'aggraver la situation matérielle, sociale, juridique, des étrangers en situation irrégulière. Dans un contexte de crise où la question de l'immigration est constamment instrumentalisée à des fins politiques, ces mesures contribueront également à lutter contre la logique du bouc émissaire perpétré par plusieurs années de discours sécuritaires stigmatisant les étrangers.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

L'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Aux premier, troisième et quatrième alinéas, après le mot : « faciliter », sont insérés les mots : « dans un but lucratif » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits ayant, en vertu de leurs statuts, vocation, en France, à défendre ou à assister les personnes étrangères sont exclues du champ d'application de cet article. »

Article 2

I. Les articles L. 621-1, L. 621-2, L. 624-1, L. 624-2, L. 624-3, L. 624-4, du même code sont abrogés.

II. À la première phrase de l'article L. 622-4 du même code, les mots : « L. 621-1 et L. 621-2 » sont supprimés.

III. À l'article 67 quater du code des douanes, les mots : « L. 621-1 et L. 621-2 » sont supprimés.

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