Protection de la filière pêche française (PPRE) - Texte déposé - Sénat

N° 557

SÉNAT


SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

                                                                                                                                             

Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 mai 2023

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE


en application de l’article 73 quinquies du Règlement,


relative à la protection de la filière pêche française et aux mesures préconisées dans le cadre du « Plan d’action pour le milieu marin » présenté le 21 février 2023 par la Commission européenne,


présentée

Par MM. Michel CANÉVET, Jean-François LONGEOT, Jacques LE NAY, Mmes Nassimah DINDAR, Françoise GATEL, MM. Pierre-Antoine LEVI, Claude KERN, Mmes Denise SAINT-PÉ, Françoise FÉRAT, M. Jean HINGRAY, Mme Christine HERZOG, M. Jean-Pierre MOGA, Mme Annick BILLON, MM. Yves DÉTRAIGNE, Olivier CIGOLOTTI, Pascal MARTIN, Mme Évelyne PERROT, MM. Patrick CHAUVET, Jean-Michel ARNAUD, Hervé MAUREY, Vincent CAPO-CANELLAS et Mme Nadège HAVET,

Sénateurs et Sénatrices


(Envoyée à la commission des affaires européennes.)




Proposition de résolution européenne relative à la protection de la filière pêche française et aux mesures préconisées dans le cadre du « Plan d’action pour le milieu marin » présenté le 21 février 2023 par la Commission européenne

Le Sénat,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 3, 4, 7, 11, 13, 38 et 43 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu l’article 37 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

Vu le cadre mondial sur la biodiversité de Kunming-Montréal du 18 décembre 2022,

Vu le règlement (CEE)  170/83 du Conseil du 25 janvier 1983 instituant un régime communautaire de conservation et de gestion des ressources de pêche,

Vu la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (directive « Habitats »),

Vu la directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin (directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin »),

Vu le règlement (UE)  1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 relatif à la politique commune de la pêche, modifiant les règlements (CE)  1954/2003 et (CE)  1224/2009 du Conseil et abrogeant les règlements (CE)  2371/2002 et (CE)  639/2004 du Conseil et la décision 2004/585/CE du Conseil,



Vu le règlement (UE) 2021/1139 du Parlement européen et du Conseil du 7 juillet 2021 instituant le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture et modifiant le règlement (UE) 2017/1004,



Vu la directive 2014/89/UE du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 établissant un cadre pour la planification de l’espace maritime,



Vu le règlement (UE) 2016/2336 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 établissant des conditions spécifiques pour la pêche des stocks d’eau profonde dans l’Atlantique du Nord-Est ainsi que des dispositions relatives à la pêche dans les eaux internationales de l’Atlantique du Nord-Est et abrogeant le règlement (CE)  2347/2002 du Conseil,



Vu l’article L. 110-4 du code de l’environnement,



Vu le règlement d’exécution (UE) 2022/1614 de la Commission du 15 septembre 2022 déterminant les zones existantes de pêche en eau profonde et établissant une liste des zones qui abritent ou sont susceptibles d’abriter des écosystèmes marins vulnérables,



Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 11 décembre 2019 intitulée « Le Pacte vert pour l’Europe », COM(2019) 640 final,



Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 20 mai 2020 sur la stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, intitulée « Ramener la nature dans nos vies », COM(2020) 380 final,



Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 20 mai 2020 intitulée « Une stratégie “De la ferme à la table” pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement », COM(2020) 381 final,



Vu la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 1er juin 2022, intitulée « Vers une pêche plus durable dans l’Union européenne : état des lieux et orientations pour 2023 », COM(2022) 253 final,



Vu la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 21 février 2023, intitulée « La politique commune de la pêche aujourd’hui et demain : un pacte pour la pêche et les océans vers une gestion de la pêche durable, fondée sur des données scientifiques, innovante et inclusive », COM(2023) 103 final,



Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 21 février 2023, intitulée « Plan d’action de l’UE : protéger et restaurer les écosystèmes marins pour une pêche durable et résiliente », COM(2023) 102 final,



Vu la résolution du Parlement européen du 3 mai 2022, intitulée « Vers une économie bleue durable au sein de l’Union : le rôle des secteurs de la pêche et de l’aquaculture », 2021/2188(INI),



Vu les conclusions du Conseil de l’Union européenne du 16 octobre 2020 approuvant la stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, dans un document intitulé « L’urgence d’agir », 11829/20,



Vu les conclusions du Conseil « Agriculture et Pêche » du 20 mars 2023,



Vu le document de travail de la Commission du 28 janvier 2022, intitulé « Critères et lignes directrices pour la désignation des aires protégées », SWD(2022) 23 final,



Considérant que l’Union européenne et les États membres exercent des compétences partagées dans le domaine de la pêche, à l’exclusion de la conservation des ressources biologiques de la mer, qui relève d’une compétence exclusive de l’Union ;



Considérant que la politique commune de la pêche poursuit le double objectif de préserver les stocks halieutiques et de garantir des revenus et des emplois stables aux pêcheurs ;



Considérant que, dans le cadre de la stratégie en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, l’Union européenne s’est fixée comme objectif de protéger juridiquement au moins 30 % de sa superficie marine d’ici à 2030, contre seulement 12 % actuellement ;



Considérant qu’à cet effet, l’Union européenne s’est engagée à créer un réseau cohérent de zones protégées, fondé sur le réseau Natura 2000 et complété par des désignations de zones supplémentaires par les États membres ;



Considérant qu’en France, la politique volontariste menée en faveur de la protection de la biodiversité marine a permis la création de 565 aires marines protégées, assurant aujourd’hui un haut niveau de protection à 33 % des eaux françaises contre 16,5 % en 2015 ;



Considérant que sont reconnues en France onze grandes catégories d’aires marines protégées, parmi lesquelles figurent notamment les sites Natura 2000 mais également les parcs naturels marins, les parcs nationaux, les réserves naturelles ou encore les zones de conservation halieutiques ;



Considérant que le vaste réseau des aires protégées françaises se caractérise ainsi par une grande diversité de statuts et de pratiques, ce qui constitue, au sein des territoires, une source de richesse et de résilience ;



Considérant que le recours à des statuts juridiques divers pour protéger les zones marines traduit la nécessité de prendre en compte les spécificités des écosystèmes concernés, afin de concilier au mieux la préservation du patrimoine naturel et le développement durable des activités maritimes ou de loisirs ;



Considérant que certaines aires marines protégées sont ainsi destinées uniquement à la protection des oiseaux ;



Considérant les efforts déployés ces dernières années par les pêcheurs français, les scientifiques et les responsables de collectivités territoriales en faveur de la reconstitution des stocks halieutiques, afin de garantir le caractère durable de leurs activités ;



Considérant que, parmi les mesures envisagées pour la protection et la restauration des écosystèmes marins en faveur d’une pêche durable et résiliente, la Commission invite, dans un Plan d’action pour le milieu marin, les États membres à adopter des mesures nationales afin d’interdire la pêche de fond mobile dans les sites Natura 2000 désignés au titre de la directive « Habitats » d’ici la fin du mois de mars 2024 et à supprimer progressivement la pêche de fond mobile dans toutes les zones marines protégées à horizon 2030 ;



Considérant que la Commission préconise ainsi une interdiction uniforme de la pêche de fond mobile dans l’ensemble des zones marines protégées, sans tenir compte des spécificités desdites zones, ainsi que des caractéristiques propres aux divers engins de fond mobiles ;



Considérant, par conséquent, que ce plan d’action méconnaît la réalité de la pêche artisanale ;



Considérant que cette nouvelle orientation s’inscrit dans la continuité des initiatives prises ces dernières années par la Commission pour restreindre la pêche de fond mobile, puisque cette pratique est interdite dans les eaux situées à une profondeur supérieure à 800 mètres depuis 2016 ainsi que dans 87 zones de plus de 400 mètres de profondeur abritant des écosystèmes marins vulnérables et représentant 1,16 % des eaux communautaires depuis 2022 ;



Considérant qu’à l’échelle nationale, la mise en œuvre du plan d’action de la Commission entraînerait, selon le Comité national des pêches, la disparition d’un tiers de la flotte française à horizon 2030, privant ainsi d’emplois plus de 4 350 marins-pêcheurs embarqués sur 1 200 navires représentant 36 % des volumes débarqués ;



Considérant qu’à l’échelle européenne, selon l’Alliance européenne pour la pêche de fond, l’interdiction de la pêche de fond mobile dans les zones marines protégées aurait une incidence sur l’activité de 7 000 navires correspondant à 25 % des volumes débarqués et 38 % des revenus totaux de la flotte européenne ;



Considérant que l’Union est déjà un importateur net de produits de la pêche et qu’une telle diminution des volumes pêchés par les navires européens engendrerait nécessairement une hausse des importations en provenance de pays tiers ayant recours à des techniques de pêche moins durables et moins sélectives ;



Salue l’engagement de la Commission en faveur de la protection de la biodiversité et souligne l’importance de préserver les habitats marins abritant une grande diversité d’espèces et concourant à la séquestration du carbone à long terme ;



Se félicite ainsi de la récente conclusion du traité international pour la protection de la haute mer, signé à New-York le 4 mars 2023 sous l’égide de l’Organisation des Nations unies ;



Appelle à poursuivre et à approfondir les travaux scientifiques destinés à identifier les zones abritant des écosystèmes marins vulnérables, pour lesquels le recours à certains engins de pêche de fond mobile pourrait se révéler préjudiciable ;



Rappelle néanmoins que les restrictions éventuelles apportées à la pêche de fond mobile doivent rester cohérentes avec les objectifs de la politique commune de la pêche, chargée aussi de garantir un niveau de vie équitable pour le secteur de la pêche et de veiller à la sécurité de l’approvisionnement alimentaire au sein de l’Union ;



Estime ainsi que de telles restrictions doivent impérativement présenter un caractère proportionné, ciblé et ponctuel, de façon à prendre en compte les caractéristiques propres à chaque engin de pêche, les spécificités inhérentes aux différentes zones géographiques visées ainsi que l’évolution des paramètres environnementaux, économiques et sociaux ;



S’oppose donc fermement à une interdiction générale de la pêche de fond mobile s’appliquant de manière uniforme dans toutes les zones Natura 2000 dès 2024, et dans l’ensemble des zones marines protégées à compter de 2030 ;



Relève le caractère paradoxal d’une telle mesure, qui pénaliserait d’autant plus les États qu’ils se sont investis dans la création et la gestion de zones marines protégées et qu’ils ont ainsi témoigné de leur engagement en faveur de la préservation de la biodiversité ;



Met en garde contre l’ampleur des conséquences économiques et sociales d’une telle interdiction, qui ferait peser un risque substantiel sur la viabilité des filières halieutiques française et européenne et porterait donc inévitablement atteinte à la souveraineté alimentaire de l’Union ;



Regrette vivement que la publication du Plan d’action de la Commission pour le milieu marin n’ait été assortie d’aucune concertation préalable ni d’étude d’impact permettant d’en évaluer précisément l’incidence ;



Note que si le Plan d’action de la Commission pour le milieu marin n’est pas juridiquement contraignant à ce stade, rien ne garantit qu’il le demeure, puisqu’au cours du premier semestre 2024, dans le cadre de l’examen à mi-parcours de la stratégie en faveur de la biodiversité, la Commission entend examiner si de nouvelles mesures ou législations sont nécessaires pour améliorer la mise en œuvre de cette dernière ;



Invite dans ce cadre le Gouvernement à refuser de manière pérenne toute interdiction générale de la pêche de fond mobile dans l’ensemble des zones marines protégées pour les années à venir.

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